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Familles québécoises d’origine immigrante Les dynamiques de l’établissement Les Presses de l’Université de Montréal Sous la direction de Fasal Kanouté et Gina Lafortune Extrait de la publication

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Familles québécoises d’origine immigrante

Les dynamiques de l’établissement

Les Presses de l’Université de Montréal

Sous la direction de Fasal Kanouté et Gina Lafortune

Les familles immigrantes vivent pour la plupart un parcours mar-

qué par des circonstances diffi ciles tant au départ qu’à l’arrivée.

Certaines familles bénéficient de conditions plus favorables,

d’autres vivent des discriminations de tous ordres, mais presque

toutes font face au défi d’assimiler rapidement les nombreux

codes sociaux de leur nouveau pays, notamment les subtilités du

monde du travail, du système de santé et de l’école.

On trouvera ici matière à mieux comprendre la nécessité

de réponses institutionnelles pour soutenir la résilience des

familles immigrantes et faire de leur projet migratoire une réussite.

Chercheurs en éducation, en sciences sociales et dans le domaine

de la santé, les auteurs ménagent dans cet ouvrage une large place

aux expériences de terrain et aux témoignages des familles elles-

mêmes.

Familles québécoises d’origine immigrante

Les dynamiques de l’établissement

isbn 978-2-7606-2281-4

29,95 $ • 27 e Photo : © Jacques Nadeau

www.pum.umontreal.ca

Ont contribué à cet ouvrage :

Françoise Armand

Yamina Bouchamma

Marie Cadotte-Dionne

Philippe Couton

Vincent Duclos

Sylvie Fortin

Janine Hohl

Pierre Canisius Kamanzi

Fasal Kanouté

Gina Lafortune

Solène Lardoux

Jean-Baptiste Leclercq

Josiane Le Gall

Marie-Paule Lory

Anousheh Machouf

Nathalie Mondain

Catherine Montgomery

Jake Murdoch

Sandra Najac

Philippe Pelletier

Maryse Potvin

Lilyane Rachédi

Michèle Rietmann

Cécile Rousseau

Caroline Tardif

Spyridoula Xenocostas

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Les Presses de l’Université de Montréal

Sous la direction deFasal Kanouté et Gina Lafortune

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre : Familles québécoises d’origine immigrante : les dynamiques de l’établissement Comprend des réf. bibliogr. ISBN 978-2-7606-2281-4 1. Familles immigrantes, Services aux - Québec (Province). 2. Immigrants - Intégration - Québec (Province). 3. Enfants d’immigrants - Éducation - Québec (Province). 4. Immigrants - Soins médicaux - Québec (Province). I. Kanouté, Fasal, 1959- . II. Lafortune, Gina, 1975- .HV4013.C2F35 2011 362.8400971 C2011-942011-2

Dépôt légal : 4e trimestre 2011Bibliothèque et Archives nationales du Québec© Les Presses de l’Université de Montréal, 2011

iSBN (papier) : 978-2-7606-2281-4iSBN (epub) : 978-2-7606-2726-0iSBN (pdf) : 978-2-7606-2727-7

Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

Imprimé au Canada en octobre 2011

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Introduction

Cet ouvrage porte sur la polysémie des pratiques sociales dans les familles immigrantes et sur les enjeux de santé et d’éducation dans leur processus d’acculturation. Chacun des chapitres compte parmi ses auteurs au moins un membre du Centre Métropolis du Québec (CMQ)1. L’objectif général du projet Métropolis est l’étude de la migration, de la diversité et de l’in-tégration des immigrants dans les villes au Canada dans cinq centres : Colombie-Britannique, Prairies, Ontario, Québec, Atlantique. Le CMQ est composé de six domaines rassemblant chercheurs et partenaires (issus de plusieurs ministères, municipalités, organismes communautaires, centres de santé et des services sociaux, etc.) : Familles, enfants, jeunes (FEJ) ; Citoyenneté et intégration sociale, culturelle et civique ; Collectivités d’accueil et leur rôle dans l’attrait, l’intégration et la rétention des nouveaux arrivants et des minorités ; Justice, services de police et sécurité ; Intégration à l’économie et au marché du travail ; Logement et voisinages.

Le financement du projet Métropolis tirant à sa fin, des chercheurs du domaine FEJ du CMQ ont voulu rendre compte sous forme de livre des projets financés par le FEJ et des réflexions qui ont eu lieu en son sein. Avant de présenter l’ouvrage, évoquons quelques-uns des questionne-ments généraux qui balisent les axes de recherche du domaine (document du CMQ).

• Quels facteurs influent sur la décision des individus et des familles d’immigrer ? Quel rôle les enfants et les jeunes jouent-ils dans le

1. Le projet pancanadien Métropolis est soutenu par un financement sur cinq ans (2007-2012) du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.

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processus décisionnel ? Comment s’y prennent-ils pour se renseigner au sujet, entre autres, de la reconnaissance des titres de compétence étrangers, du regroupement familial, des demandes d’asile et de la naturalisation ?

• Quel est le sentiment d’identité, d’attachement et d’appartenance des enfants et des jeunes immigrants et réfugiés à l’endroit du Canada et à l’endroit de leur propre patrimoine culturel ? De quelle façon ces identités sont-elles négociées dans divers contextes sociaux ? Quels sont les principaux conflits intergénérationnels auxquels font face les jeunes immigrants et membres d’une minorité ?

• Quels sont les facteurs déterminants du bien-être psychologique et émotionnel des enfants et des jeunes nouveaux arrivants, immigrants de deuxième génération et membres d’une minorité au Canada ? Quelle est l’efficacité des interventions en santé publique et des mes-sages de prévention à l’endroit des enfants et des jeunes immigrants ? Quelle est l’incidence des différentes origines et valeurs culturelles et religieuses des immigrants au Canada sur les services et programmes de santé publique ?

• Les enfants et jeunes immigrants, réfugiés et membres d’une minorité ont-ils des résultats scolaires différents ? Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer les différences individuelles et intergroupes en ce qui a trait aux aspirations, au taux de décrochage précoce et au niveau de réussite ? De quelle façon l’interaction entre la culture d’origine des enfants et des jeunes, d’une part, et les stratégies et prati- ques d’intégration de la société d’accueil, d’autre part, agit-elle sur leur intégration et leur réussite scolaire ? Dans quelle mesure et de quelle façon les enfants sont-ils confrontés à la discrimination, et quelles sont leurs stratégies d’adaptation face à l’hostilité et à l’intolérance ?

• Quel est le rôle des politiques éducatives et des pratiques mises en œuvre dans les écoles pour ce qui est de la formation, chez les enfants et les jeunes immigrants, d’une citoyenneté multiple et transnationale ainsi que d’un sentiment d’appartenance au Canada ? Quel est le rôle des écoles dans l’acquisition d’une des langues officielles et dans la conservation de la langue ancestrale ? Quelles sont les répercussions sur la dynamique familiale de l’« écart linguistique » qui peut exister entre la langue officielle et la langue ancestrale ?

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• À l’extérieur du milieu scolaire, quels programmes éducatifs, récréa-tifs, sportifs, créatifs ou artistiques sont offerts aux enfants immi-grants, réfugiés ou membres d’une minorité ? Ces programmes agissent-ils sur leur intégration au sein de la collectivité ou de la société en général ? Quels services sont offerts aux enfants et aux jeunes immigrants et membres d’une minorité et quelles sont les répercussions de ces services sur ces groupes ?

Ces quelques questions montrent la nécessité de croiser le plus souvent possible les perspectives sur la situation des familles immigrantes. Parce que cette dernière est d’une complexité que ne peuvent embrasser deux ou trois recherches, ni une ou deux disciplines. Et parce que les actions politiques, socio-économiques, sanitaires et éducatives ont besoin d’être éclairées par une compréhension systémique de la réalité de ces familles, pour mieux répondre à leurs besoins et pour mieux articuler les réponses. C’est dans cet esprit que s’inscrivent les différentes contributions à cet ouvrage, qui font écho aux questions générales du domaine FEJ.

La polysémie des pratiques sociales des familles immigrantes est révélée par la diversité des référents culturels d’origine, des trajectoires, des impératifs de transmission et de redéfinition des valeurs. Quatre chapitres illustrent cette diversité à travers les enjeux de la socialisation religieuse, de la perpétuation de la mémoire familiale, des situations de corésidence intergénérationnelle, et de la mobilisation des familles pour relever les défis de l’exercice de la parentalité en contexte migratoire.

Ces pratiques sont également influencées par la situation de minorité ethnoculturelle que la migration assigne généralement à ces familles, situation marquée par différents types d’asymétrie de pouvoir dans le rapport aux institutions. Dans ce sens, un chapitre décortique le jeu subtil de « sanction sociale » dans l’espace hospitalier exercée à l’endroit de familles immigrantes jugées non collaboratives, dans le sens où elles questionnent des plans de soins non congruents avec leurs désirs ou valeurs.

Dans les sociétés à fréquentation scolaire obligatoire comme la nôtre, la réussite scolaire a un grand pouvoir de détermination de la mobilité sociale. Ainsi, un chapitre argumente la nécessité que la direction des écoles assume un leadership ouvert à la diversité ethnoculturelle et qui promeut l’égalité des chances. Suivent cinq chapitres qui abordent la

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diversité des expériences scolaires d’élèves ou d’étudiants, immigrants ou réfugiés, au secondaire, à la formation aux adultes ou à l’université. Ces chapitres mettent également en question, de différentes manières, les conditions de la mise en place de « tuteurs de résilience » à l’école, par le biais de pratiques novatrices et grâce à des acteurs engagés.

Nous souhaitons que la lecture de cet ouvrage aide à mieux com-prendre la situation des familles immigrantes, afin de les rendre proactives dans leur établissement mais aussi afin d’inspirer la démarche de tous ceux qui veulent insuffler plus d’équité dans les politiques et pratiques institutionnelles. Pour Solar (2007), l’équité doit promouvoir : la parole pour contrer le silence, la mémoire pour contrer l’omission, la participa-tion pour contrer la passivité, la prise de pouvoir pour contrer l’impuis-sance. Cette quête d’équité n’est en aucune façon synonyme d’anomie ou d’éclatement social ; elle est au contraire une condition d’un véritable « vivre ensemble » et de l’effectivité des projets migratoires des familles immigrantes.

Fasal Kanouté et Gina Lafortune

Bibliographie

KANOUTÉ, Fasal, « La pratique de l’interculturel », dans Claudie SOLAR et Fasal KANOUTÉ (dir.), Équité en éducation et formation, Montréal, Éditions Nouvelles, 2007, p. 121-140.

KANOUTÉ, Fasal et Gina LAFORTUNE, « Les familles immigrantes : mobilisation autour du projet scolaire des enfants », Diverses cités, vol. 7, 2010, p. 143-150.

SOLAR, Claudie, « Les quatre clés de l’équité », dans Claudie SOLAR et Fasal KANOUTÉ (dir.), Équité en éducation et formation, Montréal, Éditions Nouvelles, 2007, p. 3-5.

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chapitre 1

Touteslesfamillesont-elles unemêmevoixencontextedesoins?Sylvie Fortin, Michèle Rietmann et Vincent DuclosAvec la collaboration de Serge Maynard, Marie-Jeanne Blain et Marie-Ève Carle

La réforme des systèmes de santé des pays du Nord a entraîné d’impor-tants changements dans l’organisation des soins et des services par leur déplacement vers le domicile et la communauté avec, comme conséquence en milieu hospitalier, un exode des patients « légers ». Cet exode donne lieu à son tour à un alourdissement des contextes cliniques en raison de l’intensité des soins associés aux patients qui présentent des pathologies complexes, chroniques et aiguës, les patients dits « lourds ». Ce virage ambulatoire jumelé aux avancées médicales des dernières décennies (expertises croissantes, appuis technologiques et médicamenteux) a de multiples effets sur l’allocation des ressources intra- et extrahospitalières, l’accessibilité des soins, le rythme de travail dans les différents services et le rapport au soigné. Ce rapport soignant-soigné est aussi soumis aux aléas des pratiques inhérentes aux divers espaces de soins, et aux diffé-rentes disciplines et sous-disciplines concernées. C’est dire que l’impor-tance accordée à ce rapport varie de service en service, selon les spécialités, les individus et, peut-être, les localités.

C’est dans ce contexte de pratiques cliniques en évolution que nous nous sommes intéressés aux situations critiques d’intervention associées notamment à la naissance et à la fin de vie et aux affections médicales aiguës et chroniques. Ces situations nous informent sur la rencontre des

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savoirs experts et profanes, sur la confrontation des normes et des valeurs et sur la place des uns et des autres dans la prise de décisions qui jalonnent les trajectoires de soins en milieu hospitalier pédiatrique1. De manière privilégiée, directe et sans détour, ces rencontres sont autant de manières de saisir l’« Autre » en contexte clinique. Cet Autre peut être est migrant ou non, issu d’un groupe majoritaire ou minoritaire, d’un milieu aisé ou pauvre, plus ou moins instruit, à son aise ou non avec la langue d’usage locale, jeune ou plus âgé, membre d’une famille nombreuse ou sans fratrie, recomposée, étendue… En contexte de soins pédiatriques, la famille est partie prenante de la rencontre clinique puisqu’il s’agit d’une relation thérapeutique triadique (soignant-patient-parents) à la différence du milieu adulte où le rapport soignant-soigné est envisagé de manière dya-dique (Fortin et Carle, 2007).

La voix et la place que prendra un membre de cette triade seront déterminantes dans l’évolution du processus décisionnel et, plus large-ment, dans celle des dynamiques relationnelles dans l’espace de soins. Le choix d’un traitement plutôt qu’un autre, les modalités de soins, l’approche curative ou palliative (souvent mises en opposition), l’arrêt de traitement, comptent parmi les jalons de ce processus. À cela s’ajoute le fait que le patient est souvent dans l’incapacité de s’exprimer (surtout en contexte de soins aigus) ou trop jeune pour être considéré « apte » à décider. Les parents doivent alors parler en son nom. Le médecin est aussi garant du « meilleur intérêt de l’enfant », ce qui ne va pas sans poser problème lorsque la définition de ce meilleur intérêt ne fait pas l’unanimité. Ces questions renvoient à un champ normatif et de valeurs complexes (Bouchayer et al., 2004), comme la notion de « qualité de vie » au cœur de tant de prises de position parfois opposées au sein même du personnel soignant, et entre le personnel soignant et la famille.

1. Nous nous fondons principalement ici sur une recherche anthropologique menée par S. Fortin avec F. Alvarez, G. Bibeau, F. Carnevale, M. Duval, F. Gauvin et D. Laudy (IRSC, 2005-2011 ; Université de Montréal, Université McGill et CHU Sainte-Justine), sur nos échanges avec plusieurs collaborateurs locaux au sein des institutions hospitalières participantes (U. Bartels, D. Dix, J. Gammond, A.-M. Guerguerian, R. Jefferson, D. Vallée, H. Lévesque, V. Nenadovic, C. Stutzer, D. Wensley) et sur une solide équipe d’assistants constituée de M.-J. Blain, M.-E. Carle, V. Duclos, S. Maynard et M. Rietmann, ainsi que G. Davis, G. Garnon, E. Laprise et N. Morin (Université de Montréal, CHU Sainte-Justine).

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Au fil de nos recherches, une question s’est posée avec toujours plus de force : toutes les familles ont-elles une même voix ? À partir d’obser-vations en milieux cliniques (six à huit mois par service hospitalier ou unité de soins), d’entretiens en profondeur avec plus de cent cinquante cliniciens et d’une soixantaine d’études de cas menées auprès de familles usagères des soins, nous tentons de cerner les éléments, les dynamiques et les contextes qui participent à la reconnaissance de cette voix qui nous a semblé inégalement répartie.

Une fois les contextes d’étude et le milieu hospitalier sommairement présentés, nous discutons dans ce texte d’une typologie documentée dans différents contextes cliniques, celle des « bons » parents et des parents « difficiles ». Nous nous demandons ensuite si certains parents bénéfi- cient d’une plus grande écoute que d’autres. Les rapports majoritaires-minoritaires sont mis en cause à partir des pratiques observées et des discours recueillis. Un examen de la norme parentale attendue ainsi que de celles et ceux qui peuvent s’y conformer donne à voir la place particu- lière tenue par le migrant, selon la provenance et les habiletés valori- sées localement. Après avoir traité plus spécifiquement de la notion d’altérité dans l’espace clinique, nous tentons, en guise de conclusion, d’établir une typologie des « voix parentales » en posant la reconnaissance comme moyen de dépasser les rapports d’altérité tels qu’ils s’actuali- sent dans la rencontre clinique. En dernier lieu, nous nous interrogeons sur les différentes approches cliniques, à la recherche de la voix des enfants.

La ville, l’hôpital et l’asymétrie des rapports

Par-delà la spécificité sanitaire qui lie soignant et soigné, la qualité des relations sociales en milieu hospitalier et au sein de la clinique n’est pas étrangère aux dynamiques de la société locale. En cela, nous empruntons à Sainseaulieu (2003) l’expression de l’hôpital comme porte ouverte sur la ville et, en écho à van der Geest et Finkler (2004), une approche de l’hô-pital non pas comme une île, mais bien une localité dans un continent, voire même une capitale. Les relations qui s’y établissent sont imbriquées dans des rapports sociaux, économiques et culturels qui les dépassent, elles s’inscrivent au-delà des seules dynamiques locales. Tout comme les usagers, les soignants sont partie prenante de cette localité et participent

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à un espace social où les valeurs des uns et des autres restent mouvantes, en constante transformation.

Nous portons un intérêt particulier aux cités cosmopolites telles que Montréal, Toronto ou Vancouver. Retenir ces villes comme arrière-plan des rapports hôpital-localité et soignant-usager, c’est aussi penser les dynamiques sociales non pas dans le rapport circonscrit d’un groupe national en relation avec un groupe minoritaire, mais bien la diversité sous toutes ses formes. À l’exemple du quartier montréalais Côte-des-Neiges, où une des institutions hospitalières étudiées a pignon sur rue et où l’on retrouve plus de 110 langues maternelles, toute référence au plu-ralisme urbain dans la perspective d’un rapport entre groupes fixes n’est au mieux que partielle. À l’image de ces milieux cosmopolites, le plura-lisme reporté dans l’espace de soin invite à une réflexion sur la rencontre vue comme un espace ouvert de négociation traversé par une diversité de cultures et de sous-cultures professionnelles, ethniques, religieuses, de classe, de genre et d’âge.

Une hypothèse s’était formée au fil de notre travail, à savoir que la qualité de la dynamique relationnelle au sein de la clinique n’était pas étrangère à la qualité de l’insertion du migrant dans la société locale (qualité objective ou perçue). Malheureusement, nous n’avons pas été en mesure de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse, les données recueillies sur les trajectoires d’insertion des familles en situation de conflit (avec l’équipe soignante) étant souvent fragmentaires, en raison notamment du contexte intense de ce type de terrain où l’idéal d’un point de vue exclusivement centré sur la recherche n’est pas toujours atteignable. Nos données convergent néanmoins en ce qui concerne la différence des capacités des uns et des autres de mobiliser des ressources sociales et symboliques qui font sens dans l’univers clinique, et sur le fait que ces ressources permettent aux usagers de prendre part ou non aux décisions qui jalonnent le parcours thérapeutique. Par ressources symboliques, nous entendons la reconnaissance sociale de l’individu, de la place qu’il occupe et de la valeur de cette place au sein d’un milieu donné (Taboada-Leonetti, 1994). Les ressources sociales désignent plus précisément ici la maîtrise des codes d’usage dans un environnement donné et, par le fait même, la mobilisation des alliances potentielles (telles qu’un autre parent, une infirmière, un médecin, une travailleuse sociale) qui se créent tout au long d’un parcours d’hospitalisation. Ces ressources symboliques et sociales

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sont étroitement imbriquées, la reconnaissance des unes favorisant la mise en œuvre des autres.

À titre d’exemple, on peut évoquer le cas d’un père, Habib, qui est véritablement à couteaux tirés avec l’équipe soignante de l’hôpital C. Il met en question chaque geste, est convaincu qu’on lui en veut, qu’il n’ob-tient pas pour sa fille le meilleur de la médecine2. En réunion, plusieurs membres de l’équipe évoquent la peur d’être « attaqués » par ce père autoritaire et exigeant. On dit qu’il en a contre le personnel féminin de l’équipe. Plusieurs infirmières se sentent menacées, elles ne veulent plus entrer dans la chambre de l’enfant pour lui donner les soins. On envisage une intervention policière pour interdire au père l’accès à l’unité de soins. La médicalisation du père est même envisagée. La « voix » du père n’est pas entendue. Il croit qu’on « laisse mourir sa fille », que les spécialistes se désintéressent de son cas. Alors qu’il n’est pas inhabituel que les parents soient très émotifs devant un pronostic lourd, les écarts à la norme ne sont pas tolérés chez Habib. Or, parallèlement à cette perception du père, une infirmière témoigne : « Moi, je n’ai pas de problème avec ce monsieur ; je lui dis exactement ce qui se passe, où nous en sommes, et il me laisse faire mon travail. »

Ces ressources, tout comme les rapports entre majoritaires et mino-ritaires, migrants et non-migrants, ne sont pas données pour fixes. Idem pour ce qui est des dynamiques relationnelles entre soignants et soignés. La qualité de la relation thérapeutique renvoie certainement à un délicat amalgame de ressources, mais est aussi tributaire de logiques autres. En milieux de soins de pointe (dits tertiaires et quaternaires), l’affection particulière d’un enfant, la complexité médicale et les défis qu’elle présente sont aussi acteurs de la relation, peut-être davantage pour le personnel médical que pour le personnel infirmier (et encore, le degré de complexité d’un patient peut être un moteur d’investissement infirmier, en contexte de soins intensifs notamment). L’allocation de temps et de ressources est aussi une donnée incontournable lorsqu’on s’intéresse à cette qua- lité relationnelle, les conditions structurelles de pratique tout comme

2. Habib est musulman et arabe dans un Canada post-2001, traversé par une remise en question de la diversité et du pluralisme, notamment en ce qui a trait à la présence musulmane. (Parallèlement, l’islam devenait la seconde religion en importance au Québec [Statistique Canada, 2004].)

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l’aménagement des espaces de soins (ou la volonté de leur aménagement) favorisant ou non l’évolution de cette relation entre les soignants, les soignés et les familles3. La prise en compte des compétences linguistiques des usagers et l’aménagement de ressources en ce sens est aussi un élément incontournable (nous y reviendrons). En contexte de soins critiques, au moment où des décisions lourdes de conséquences pour les familles sont prises, ces questions structurelles instaurent un cadre qui conditionne l’échange.

Les « bons » parents et les parents « difficiles »

Les travaux de la sociologue Marguerite Cognet (2001) rendent compte de l’importance de l’ethnicité dans les soins et montrent que la portée de cette variable diminue proportionnellement à la spécialisation profession-nelle. Cette différence s’exprime diversement selon la position des uns et des autres dans la hiérarchie hospitalière, l’espace médical (le « cure ») étant jalonné d’étapes décisionnelles formelles où sont négociés savoirs, normes et valeurs. Les références à l’« équipe soignante » masquent en partie le fait qu’il s’agit d’acteurs différenciés sur le plan des disciplines médicales et infirmières, sur le plan hiérarchique et décisionnel (ce qui intervient dans les représentations qui naissent dans l’échange avec les usagers) et, dans la pratique, en termes de temps partagé avec le patient et sa famille. Cette diversité s’étend aux parcours de vie, au genre, à l’âge, à l’ethnicité et au statut social (aux fins de ce texte, les membres du per-sonnel soignant sont globalement assimilés au groupe majoritaire en raison de leur positionnement dans une institution phare de la société locale).

Les qualificatifs « bons » parents et parents « difficiles » ont été saisis à même le terrain, au fil des observations et des entretiens. Les références tantôt vagues, tantôt explicites, mais récurrentes à ces énoncés nous ont

3. Par exemple, une politique restrictive ou ouverte sur la présence parentale dans l’unité de soins, la présence d’un lit ou d’une chaise au chevet pour accueillir un membre de la famille, des chambres individuelles qui facilitent la présence parentale et une plus grande présence de la famille, ou au contraire des chambres collectives qui rendent difficile des moments de recueillement, ou la présence ou non de cuisines pour usagers sont autant d’éléments qui ou contribuent ou nui-sent à la relation tissée avec l’équipe soignante.

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interpellés. Leur examen permet d’approfondir un des aspects importants de cette complexe relation thérapeutique qui évolue au fil du parcours d’hospitalisation et peut osciller d’un pôle à l’autre. Le processus de recherche implique bien entendu une coupe transversale d’un phénomène qui s’inscrit dans le temps, et qui résulte des relations sociales engagées. Néanmoins, tout comme la reconnaissance des ressources symboliques, les relations sociales s’inscrivent aussi dans des rapports sociaux contex-tualisés et rappellent le lien insécable entre l’hôpital et la localité. Ces relations ne sont pas pour autant prédéterminées (De Rudder, Poiret et Vourc’h, 2000) ; d’où l’importance de penser les soignants comme une catégorie hétérogène et de concevoir les dynamiques relationnelles dans leur évolution.

Ces réserves étant exprimées, pour les soignants et peut-être davan-tage pour le personnel infirmier, l’Autre se dévoile surtout dans l’espace de soins au quotidien (le « care »), les interactions avec les médecins étant moins nombreuses et plus courtes. Le fait d’être perçu comme un « bon parent » et non comme un « parent difficile » donne plus de chances d’être écouté. Certes, les qualités attribuables au parent « bon » ou « difficile » varient selon l’unité de soins et ses orientations thérapeutiques. De manière générale, disons néanmoins que le « bon parent » est celui qui adopte un comportement considéré comme « approprié » : il assure une présence physique auprès de l’enfant et prodigue une attention (affection, soins) qui relève du registre de ce qui est « acceptable » pour l’unité, l’équipe ou le soignant ; il sait maîtriser ses émotions ; il témoigne d’une bonne compréhension des discours médicaux, il pose des questions (mais pas trop) et fait un usage correct des termes, des signes et symptômes qu’il rapporte de manière « adéquate ». Ce « capital éducatif » (ou intellectuel diront certains) favorise la discussion et les échanges avec l’équipe.

Les familles « difficiles » questionnent davantage, font moins confiance à l’équipe, cherchent davantage à intervenir dans l’orientation du plan de soins.

Souvent – la situation est stéréotypée –, ce sont des personnes qui sont en face d’un diagnostic compliqué, une maladie peut-être incurable, qui font leurs propres recherches, recueillent des opinions multiples, et essaient de négocier ce qui peut être fait, ce qui doit être fait, etc. Pour nous, ça peut interférer avec la qualité du soin qu’on offre. Ils veulent mélanger les traite-ments, parce que tel docteur leur a dit de faire ci ou ça, et à ce moment-là,

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on se dit que ce qu’on offre, ça n’a plus aucun sens. […] On essaie de bien le prendre, mais il peut arriver un point où on veut dire « stop ». (Pédiatre spécialiste, 23 ans d’expérience, migrant d’Europe de l’Ouest, Hôpital B)

Cela ne veut pas pour autant dire qu’un parent qui s’implique beau-coup dans le processus décisionnel et qui questionne la posture médicale soit toujours considéré comme un « difficile ». Cette participation peut aussi être perçue comme « adéquate », contribuant même au succès des soins. La diversité des approches relationnelles et cliniques pratiquées entre en cause, tout comme la reconnaissance de la place parentale dans la trajectoire de soins, et l’évaluation du bien-fondé des questions posées.

Je crois qu’il s’agit de « faire équipe », de la confiance [entre le soignant et la famille]. Si une famille me dit qu’elle ne comprend pas pourquoi j’ai changé d’antibiotique, me demande pourquoi j’ai fait cela, je me sens très à l’aise de dire « Très bien, voici le problème que développe votre enfant, voici comment il répond à la médication et nous savons que dans un tel cas, c’est le bon traitement à suivre. » Et alors la famille dit « D’accord, cela fait du sens. » En fait, cela rend ma vie plus facile parce que la prochaine fois que je devrai modifier la médication, les parents auront déjà été sensibilisés aux raisons et ils comprendront la logique derrière les modifications. (Médecin en fin de spécialisation, Canadien d’origine indienne, Hôpital B ; notre traduction)

Sans sous-entendre ici qu’une négligence dans les soins à prodiguer puisse en résulter, il apparaît que le « bon parent » bénéficie d’un investis-sement exemplaire de la part de l’équipe soignante. À l’inverse, lorsqu’il s’agit de parents « difficiles » (ou de « mauvais » parents), l’écoute, la dis-ponibilité, l’empathie seront moindres. Voici par exemple ce que nous dit une infirmière à propos d’une famille « difficile » :

Nous ne pourrons pas offrir le même appui à cette famille4 que nous aurions offert à une autre. Avec tout ce qui s’est passé, la relation s’est brisée. Je ne sais pas ce que nous aurions pu faire de différent, mais j’aurais aimé que cela soit différent. Nous avons été nombreux à prendre de la distance et cela a nui à notre habileté à développer une bonne relation [avec la famille]. (Infirmière-chef, 8 ans d’expérience, Canadienne non migrante, Hôpital B ; notre traduction)

4. Il s’agit ici d’une famille recomposée où l’enfant et la mère sont originaires de la Guyane, et le beau-père est canadien. Mère et fils peuvent être associés à une minorité visible et audible, et le prénom de l’enfant évoque déjà l’altérité. La famille a un statut économique faible.

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Voici encore l’exemple d’une famille qui « ne comprend pas » les annotations médicales dans le dossier d’un enfant dont la mère est d’ori-gine fidjienne, grande, corpulente, s’exprimant avec difficulté dans la langue d’usage locale :

10 juillet : Maman refuse [une modification du plan de traitement] parce qu’elle « croit » qu’il mangera.

15 juillet : [On] remplace le tube nasogastrique, mais les parents ne collaborent pas. Ils mettent en cause le gavage qui serait [selon eux] responsable de la diarrhée. Parents ne comprennent pas le concept que la formule [le gavage] n’intervient pas dans la diarrhée. (Hôpital A ; notre traduction)

Lorsqu’une situation de désaccord survient, celui ou celle qui sait faire entendre sa voix aura souvent gain de cause lorsque les perspectives s’op-posent. Ces situations sont multiples : la poursuite d’un traitement lorsque l’équipe l’estime inutile (voire abusif), un changement de personnel au chevet en fonction de demandes particulières des parents ou encore une demande d’aménagement particulier de la chambre de l’enfant. Pour faire entendre sa voix, il faut néanmoins posséder les codes d’usages et une familiarité avec le système et le langage médicaux. Entrent en jeu le statut social, la localité d’origine (Nord/Sud, rurale/urbaine) et la familiarité avec les institutions de la société locale.

Tu vois, le Dr X, quand il nous a rencontrés pour nous proposer ce projet de soins, ce qu’il nous a expliqué, c’est que ce n’était pas le protocole standard. […] Je me dis que ce qui a peut-être joué en notre faveur, c’est qu’il disait que cette étude-là avait été proposée plutôt à des parents qui avaient un haut niveau d’éducation, ce qui est notre cas. […] Le médecin m’a dit qu’il se sentait confortable de nous proposer le protocole étant donné que c’est une étude [et qu’avec] notre niveau d’éducation, on pouvait comprendre, on faisait un choix éclairé […]. (Mère de Sébastien, québécoise d’origine canadienne-française, Hôpital B)

Reconnaître la portée de cette catégorisation des familles « bonnes » ou « difficiles » est une première étape pour la transcender. Certes, les représentations mises en œuvre opèrent souvent à l’insu de celles et ceux qui en font usage. Reste qu’elles teintent les dynamiques relationnelles et parfois même les précèdent5.

5. Déjà en 1964, dans l’article « The social loss of dying patients », les socio-logues de la santé Barney Glaser et Anselm Strauss évoquaient la notion de perte

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Tous ont-ils une pareille chance de se faire entendre ?

Un élément structurant par excellence du rapport soignant-soigné, et en particulier du rapport médecin-soigné-famille, est la congruence de la pensée biomédicale. Un écart à cette congruence est souvent expliqué (sans toutefois être accepté par les professionnels) par des savoirs profanes associés à la culture, à la religion, ou à une méconnaissance de la science. L’Autre est pensé en fonction du « même » qui, dans l’espace hospitalier, correspond à une certaine idée de la science ou même de la raison. Lorsque les parents tendent à trop diverger de ce qui est vu comme une attitude « acceptable » dans l’espace thérapeutique, ils sont identifiés comme « à problème ». C’est dans de telles circonstances que la culture, l’ethnicité et la religion – associées à la migration –, les capacités intellectuelles, et plus rarement la classe sociale seront invoquées pour expliquer les croyances ou les comportements marginaux. Corollairement, la maîtrise de res-sources symboliques pertinentes dans l’espace clinique, exprimée prin-cipalement par une bonne compréhension de la condition médicale de l’enfant et du langage médical, est certainement un atout pour les parents, en raison des effets positifs sur la perception qu’en aura l’équipe soignante et des relations qui s’ensuivront. En milieu hospitalier comme ailleurs, ces ressources sont inégalement distribuées.

La maîtrise des codes locaux

Les représentations des uns et des autres entrent alors en scène (Hannerz, 1993). Le sentiment d’altérité peut s’estomper au fil des rencontres ou au contraire s’exacerber, au détriment d’une relation thérapeutique où les membres de la triade se reconnaissent comme participants à part entière, chacun avec sa voix. Les capacités linguistiques font partie de cette voix

sociale, selon laquelle tous les patients (dans ce cas, des adultes en fin de vie) n’inspiraient pas le même investissement de la part du personnel soignant. L’âge, l’apparence, l’ethnicité, le statut social (niveau d’éducation, occupation) étaient conjugués au sentiment et au degré de perte sociale que représentait chaque patient pour sa famille, pour son milieu professionnel, pour la société. Plus lourde était la perte présumée, plus grande était l’implication du soignant auprès du patient. Selon Glaser et Strauss, comprendre cette dynamique, c’était déjà réduire, au quotidien, les iniquités associées aux soins prodigués aux personnes en fin de vie.

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chapitre 6 Les pratiques des directions d’écoles en contexte de diversité ethnoculturelle 87Yamina Bouchamma et Caroline Tardif

chapitre 7 Les ateliers d’expression théâtrale plurilingue en classe d’accueil 97Françoise Armand, Cécile Rousseau, Marie-Paule Lory et Anousheh Machouf

chapitre 8 Les jeunes réfugiés en région : sujets en projet 113Janine Hohl et Fasal Kanouté

chapitre 9 Histoires migratoires et scolaires de jeunes à l’éducation des adultes 129Maryse Potvin et Jean-Baptiste Leclercq

chapitre 10L’accès à un diplôme universitaire chez les immigrants 145Pierre Canisius Kamanzi et Jake Murdoch

chapitre 11Adaptation institutionnelle et persévérance dans les études universitaires 159Fasal Kanouté

Les auteurs 171

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Familles québécoises d’origine immigrante

Les dynamiques de l’établissement

Les Presses de l’Université de Montréal

Sous la direction de Fasal Kanouté et Gina Lafortune

Les familles immigrantes vivent pour la plupart un parcours mar-

qué par des circonstances diffi ciles tant au départ qu’à l’arrivée.

Certaines familles bénéficient de conditions plus favorables,

d’autres vivent des discriminations de tous ordres, mais presque

toutes font face au défi d’assimiler rapidement les nombreux

codes sociaux de leur nouveau pays, notamment les subtilités du

monde du travail, du système de santé et de l’école.

On trouvera ici matière à mieux comprendre la nécessité

de réponses institutionnelles pour soutenir la résilience des

familles immigrantes et faire de leur projet migratoire une réussite.

Chercheurs en éducation, en sciences sociales et dans le domaine

de la santé, les auteurs ménagent dans cet ouvrage une large place

aux expériences de terrain et aux témoignages des familles elles-

mêmes.

Familles québécoises d’origine immigrante

Les dynamiques de l’établissement

isbn 978-2-7606-2281-4

29,95 $ • 27 e Photo : © Jacques Nadeau

www.pum.umontreal.ca

Ont contribué à cet ouvrage :

Françoise Armand

Yamina Bouchamma

Marie Cadotte-Dionne

Philippe Couton

Vincent Duclos

Sylvie Fortin

Janine Hohl

Pierre Canisius Kamanzi

Fasal Kanouté

Gina Lafortune

Solène Lardoux

Jean-Baptiste Leclercq

Josiane Le Gall

Marie-Paule Lory

Anousheh Machouf

Nathalie Mondain

Catherine Montgomery

Jake Murdoch

Sandra Najac

Philippe Pelletier

Maryse Potvin

Lilyane Rachédi

Michèle Rietmann

Cécile Rousseau

Caroline Tardif

Spyridoula Xenocostas

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