fc barcelone : identite, culture politique et relations politico-sociales
TRANSCRIPT
![Page 1: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/1.jpg)
1
Raphaël Benbouhou
FC BARCELONE : IDENTITE, CULTURE POLITIQUE ET RELATIONS
POLITICO-SOCIALES
De 1917 à 1930
Mémoire de Master 1 « CHPS »
Mention : Histoire
Spécialité : Contemporaine
Sous la direction de M. Jérôme Grévy Année universitaire 2016-2017
![Page 2: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/2.jpg)
2
Remerciements
D’abord, je tiens à remercier M. Jérôme Grévy qui a accepté de prendre la direction de
ce travail et m’a donné de précieux conseils, à distance, lorsque j’étais à Barcelone où j’ai passé
cinq mois merveilleux.
Je remercie sincèrement M. Gabriel Colomé, professeur à l’Universitat Autonoma de
Barcelone, qui m’a permis de cadrer et délimiter précisément mon sujet, tout en m’offrant
plusieurs pistes afin relever ce défi qu’est la rédaction d’un mémoire de recherche. Je n’oublie
pas mes amis barcelonais qui m’ont soutenu et sans qui, je n’aurai pas pu accéder aux archives
du FC Barcelone. Par ailleurs, je remercie M. Manuel Tomas, responsable des archives du club,
pour sa gentillesse, sa bienveillance et sa disponibilité.
Je tiens aussi à remercier mon entourage en France, mes amis, en passant par ma famille,
qui m’ont tous donné le courage d’aller au bout de mon travail, même dans les moments les
plus délicats.
![Page 3: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/3.jpg)
3
Sommaire
Remerciements………………………………………………………………………………2
Introduction………………………………………………………………………………….5
Partie I – FC Barcelone : l’émanation d’un désir d’affirmation catalaniste………........18
Chapitre 1 – Un club dirigé et soutenu par les catalanistes………………………….......19
- 1-) Les différents dirigeants : un club essentiellement géré par des catalanistes………….19
- 2-) Actions et influences des dirigeants du club……………………………………….......24
Chapitre 2 – Un soutien totalement assumé du mouvement catalaniste…………………..27
- 1-) Plus qu’une association sportive : un militant politique…………………………………27
- 2-) Un lien privilégié avec la Catalogne……………………………………………………31
Chapitre 3 – Les relations politiques et sociales entretenues par le FC Barcelone...............38
- 1-) Les liens du FC Barcelone avec de hautes personnalités………………………………..38
- 2-) Des échanges avec la Monarchie ?....................................................................................43
Partie II – Le FC Barcelone, un support social et culturel au service de sa région………..46
Chapitre 4 – Une institution en relation étroite avec les entités sportives locales………….47
- 1-) Ses relations avec les clubs de football catalans…………………………………………47
- 2-) Ses relations avec le sport catalan……………………………………………………….53
Chapitre 5 – Un club omniprésent dans les activités sociales et culturelles……………….58
- 1-) Une référence sociale……………………………………………………………………58
- 2-) Une entité culturelle de premier plan, en relation avec les autres entités culturelles
catalanes………………………………………………………………………………………63
Chapitre 6 – Soutenir le FC Barcelone, un moyen de s’intégrer dans la société catalane....67
- 1-) La Catalogne, une terre d’immigration………………………………………………….67
- 2-) Le Barça, un appui pour s’intégrer en Catalogne ?...........................................................70
Partie III – Plus qu’un club, « un porte-drapeau de la Catalogne »……………………….74
Chapitre 7- A l’échelle locale : le Barça, un symbole de contre-pouvoir………………….75
- 1-) Un point d’appui pour s’opposer au pouvoir…………………………………………….75
- 2-) Être « culé », un moyen d’affirmer son amour pour la « nation » catalane ?....................81
Chapitre 8 – A l’échelle internationale : un ambassadeur de la Catalogne ?.........................86
![Page 4: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/4.jpg)
4
- 1-) La Catalogne dans le monde international…………………………………………….86
- 2-) Représenter la Catalogne dans un cadre sportif, par des tournées et rencontres
internationales………………………………………………………………………………...90
Chapitre 9 – L’appropriation du club par toute une société : l’héroïsation des joueurs...94
- 1-) L’omniprésence des joueurs dans la société catalane………………………………….94
- 2-) Des protagonistes portés au rang de héros par les artistes……………………………..98
Conclusion………………………………………………………………………………….102
Bibliographie……………………………………………………………………………….108
Table des annexes…………………………………………………………………………..114
![Page 5: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/5.jpg)
5
Introduction
« In – de - pendencia ! », ce mot est crié à chaque match du FC Barcelone au Camp Nou
depuis la partie du 7 octobre 2012 contre le Real Madrid, avec des Estelades sorties et agitées
dans toute l’enceinte du stade, après dix-sept minutes et quatorze secondes de jeu. Un moment
qui n’est pas choisi au hasard, puisqu’il rappelle une date symbolique pour les Catalans, le 11
septembre 1714 et la défaite face aux armées franco-espagnoles : Barcelone capitule devant les
troupes du roi d’Espagne Philippe V, à l’issue d’une guerre dynastique de douze ans. La victoire
des Bourbons entraîne la disparition des institutions politiques catalanes et l’imposition du
castillan comme langue unique. Dans le récit national catalan, c’est la fin des libertés de la
Catalogne, ce qui montre que cet événement est le point de départ d’une conscience
« nationale » blessée. D’ailleurs, le 11 septembre deviendra plus tard la fête nationale catalane,
la Diada. Après cette défaite, de 1717 à 1808, l’usage du catalan recule considérablement.
Mais à partir du début du XIXème siècle, la culture catalane renaît de ses cendres : c’est
le début de la « Renaixença ». Les initiateurs de cette renaissance renouent avec l’histoire de
leur région (en insistant surtout sur la période médiévale) et sa culture, remettant en ordre les
archives municipales, écrivant de nombreux ouvrages, pour faciliter sa diffusion. Par exemple,
en 1836, Felix de Torres i Amat, évêque d’Astorga en 1833, écrit les Mémoires pour aider à
former un dictionnaire critique des écrivains catalans et donner quelque idée de l’ancienne et
moderne littérature de Catalogne1. Cette redécouverte de l’histoire de la Catalogne s’intensifie
grâce à des hommes de Lettres se déterminant historiens comme Victor Balaguer. Cet homme
politique a publié Histoire de Catalogne et de la couronne d’Aragon, un livre écrit dans un style
proche de celui de Michelet, c’est-à-dire, un livre narré sous la forme d’un récit national,
mélangeant réalité et légendes2. La renaissance d’une culture catalane entraîne, en premier lieu,
la promotion de sa langue. Des linguistes et grammairiens définissent le catalan, langue
officielle sous le principat, comme Josep Pau Ballot, auteur de Plan d’éducation primaire et
Grammaire et apologie de la langue catalane3. Puis, par le biais de plusieurs supports, cette
langue catalane se démocratise et fait émerger une littérature catalane. La poésie avec le style
romantique de Bonaventura Carles Aribau ou Rubio i Ors, le théâtre avec les représentations
1. Michel BOUILLE, Claude COLOMER, Histoire des Catalans, Paris, Editions Milan, 1990 2. Ibid 3. Ibid
![Page 6: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/6.jpg)
6
de Frédéric Soler, ou encore la philosophie de Ramon Marti d’Eixalà et Xavier Llorenç
contribuent à la mise en lumière de la langue catalane jusqu’aux années 18704.
La Ière République espagnole est proclamée le 11 février 1873, et « le 8 mars à
Barcelone, a lieu la proclamation d’une République catalane » ajoute Estanislau Figueras,
président de la République et natif de Barcelone : on constate l’ambition de former une
constitution fédérale au sein de l’Espagne. Mais la République est renversée le 3 janvier 1874.
Dans l’élan de la Renaixença, grâce à l’affirmation de sa littérature, de son art, il y a une
véritable volonté de mettre en place des institutions catalanistes. Elles se développent dès le
début de la restauration des Bourbons. En effet, selon Jaume Sobrequés i Callico, « les premiers
quotidiens en langue catalane font leur apparition en 1879, ainsi que diverses organisations
culturelles, civiques et politiques aux tendances régionalistes catalanes prononcées, qui
mettent sur pied plusieurs congrès et assemblées revendiquant les droits collectifs du peuple
catalan. »5. Ce mouvement s’illustre par la création du premier quotidien en catalan El diari
Català par Pi i Margall en 1879, l’organisation du Premier Congrès catalaniste (1880) par
Valenti Almirall, le Congrès catalan des Jurisconsultes (1881), suivi de la fondation du Centre
catalan en 1882 afin de favoriser la cohésion entre catalanistes6.
La « Renaixença » continue à évoluer et à se développer avec les premières théorisations
du catalanisme. De plus en plus de penseurs catalanistes définissent ce qu’est le catalanisme,
que ce soit d’un point de vue culturel ou politique. L’un des premiers écrits sur ce sujet date du
milieu des années 1870, de la part de Francesc Pi i Margall qui a publié Las Nacionalidades
en 18767. Dans la décennie suivante, il y a Narcis Roca i Farreras, partisan d’un
indépendantisme de gauche en 1886, ou dans la même année, Valenti Almirall avec Lo
Catalanisme8. Cet ouvrage préconise une politique réformiste avec l’instauration de la laïcité
et une volonté de préserver les intérêts régionaux pour arriver à réformer le système politique
de la Restauration et dans le même temps, obtenir plus d’autonomie. Il est important de citer
également dans les années 1890, Josep Torras i Bages, auteur de Tradicio catalana en 1892 et
Enric Prat de la Riba avec son ouvrage, Compendi de doctrina catalanista en 1894. Ce dernier
4. Michel BOUILLE, Claude COLOMER, Histoire des Catalans, op.cit 5. Jaume SOBREQUES I CALLICO, Histoire de la Catalogne, Barcelone, Editorial Base, 2007 6. Ibid 7. Ibid 8. Ibid
![Page 7: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/7.jpg)
7
surtout, a écrit La nacionalitat catalana en 1906, un ouvrage très important pour théoriser le
catalanisme9.
L’émergence des ouvrages politiques favorise la volonté d’avoir une autonomie
catalane : la « Renaixença » dans la seconde moitié du XIXème siècle est « un mouvement
culturel apolitique » qui évolue pour passer à un stade plutôt nationaliste et politique10.
Chronologiquement, il y a eu le Memorial de Greuges (1885), des revendications catalanes
envoyées au roi Alphonse XII de la part de Valenti Amirall parmi lesquelles figure la
déclaration du caractère officiel de la langue catalane11. Puis, en 1892, l’Unio Català propose
Les Bases de Munresa, projet qui s’apparente à celui d’une constitution catalane pour mettre en
place un régime autonome catalan12. Les revendications politiques éclairent le rapport étroit et
romantique qui unit les Catalans à leur région. Alors que l’Espagne est en plein déclin suite au
désastre de 189813, la multiplication des revendications politiques favorise la naissance d’un
nationalisme catalan, à tel point que l’hymne de la Catalogne, « Els Segadors », écrit par Emili
Guanyavents, voit le jour en 1899 : il fait référence à la résistance des Catalans pendant la
Guerra dels Segadors au XVIIème siècle14.
Dans la continuité de cette forte dynamique, les premiers partis catalanistes font leur
apparition comme Lliga Regionalista en 1901, fondée par Francesc Cambo et Enric Prat de la
Riba, suite à la fusion de l’Union Régionaliste et du Centre National Catalan15. Dès sa
fondation, ce jeune parti catalaniste se distingue aux élections générales de 1901 en obtenant 6
sièges, puis se maintient avec 5 sièges en 190316. Le mouvement politique de Francesc Cambo
et Enric Prat de la Riba commence à prendre son envol aux élections de 1907, grâce à la
formation d’une grande coalition catalaniste qui voit le jour en 1906 : Solidaritat Catalana,
9. Jaume SOBREQUES I CALLICO, Histoire de la Catalogne, op.cit 10. Alicia FERNANDEZ GARCIA, Mathieu PETITHOMME, « L’émergence du nationalisme catalan sous la Restauration bourbonienne en Espagne (1874-1931) », Parlements : revue d’histoire politique n°23 (p.177-192), 2016, consulté le 20 septembre 2016 11. Jaume SOBREQUES I CALLICO, Histoire de la Catalogne, op.cit 12. Michel BOUILLE, Claude COLOMER, Histoire des Catalans, op.cit 13. En 1898, la guerre hispano-américaine éclate entre l’Espagne et les Etats-Unis d’Amérique. Au bout de 10 semaines, l’Espagne (plus de 55 000 pertes contre près de 6000 pour les Américains) accepte un traité de paix le 12 août 1898. Le 10 décembre 1898, le traité de Paris est signé. L’Espagne perd ses dernières colonies : elle reconnaît l’indépendance de Cuba, et donne aux Etats-Unis, les Philippines, Porto-Rico et Guam. Cet épisode qui confirme le déclin de l’Espagne provoque une crise morale dans la Péninsule Ibérique. Les Espagnols considèrent la perte de leurs dernières colonies comme un désastre et ont le sentiment d’être humiliés et d’avoir perdu la grandeur de l’Espagne. 14. Jaume SOBREQUES I CALLICO, Histoire de la Catalogne, op.cit 15. Jesús MESTRE I CAMPI, Diccionari d'història de Catalunya 6e éd, Barcelone, Edicions 62, 2004, (1re éd. 1992) 16. Ibid
![Page 8: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/8.jpg)
8
dans laquelle figure Lliga Regionalista. Le catalanisme politique, qui se présente comme un
mouvement nationaliste, tente alors de figurer comme un mouvement de masse, pouvant
rassembler tous les bords politiques, notamment la gauche qui fuyait le nationalisme17. Cela
fonctionne puisque la coalition, dirigée par Enric Prat de la Riba, obtient 40 sièges et est alors
la troisième force politique d’Espagne, derrière les conservateurs et les libéraux18. Puis, lors des
élections suivantes, le catalanisme politique incarné par Lliga Regionalista ne cesse de
progresser : 10 sièges en 1910 et 13 sièges aux élections de 1914 et 1916.
Au cours du début du XXe siècle, le mouvement catalaniste est de mieux en mieux
enraciné en Catalogne, et aboutit à la revendication d’un statut d’Autonomie d’abord en 1918,
puis en 1932 sous la Seconde République. Enfin, pendant la transition démocratique, période à
laquelle est adoptée la nouvelle constitution espagnole par référendum le 6 décembre 1978, la
Catalogne met en place son projet de statut d’Autonomie de la Catalogne en octobre 1979,
largement approuvé à 88%19. Ce projet reconnaissait la Catalogne comme une « nationalité »,
et le catalan comme « langue officielle », développant progressivement une conscience
nationale. Finalement, le statut de 1979 est réformé en 2006 par un nouveau statut déterminé
par la IXème législature des Cortes Generales et du gouvernement espagnol dirigé par le
socialiste Zapatero, dans le but d’élargir les compétences de la Catalogne20. Toutefois,
Barcelone et Madrid vont connaître une première dissension en 2010 sur la question de
l’autonomie. En effet, le 28 juin 2010, le Tribunal constitutionnel, qui a la lourde tâche de faire
respecter la constitution espagnole de 1978, a rejeté les quatre principaux points de l’Estatut
selon Ferran Requejo, professeur de Sciences politiques à l’Université Pompeu Fabra à
Barcelone21. Parmi ces points refusés par Madrid, on retrouve la question de la langue catalane
et son enseignement, ce qui est un frein pour le développement de l’autonomie catalane. Au
total, le Tribunal constitutionnel a invalidé 14 des 223 articles du statut de 2006. Depuis cette
date, les Catalans ont dû mal à entériner cette décision et souhaitent désormais provoquer leur
destin en s’opposant ouvertement au pouvoir central, ce qui explique aujourd’hui la montée
exponentielle de l’indépendantisme, c’est-à-dire, la volonté pour la Catalogne de se doter de
son propre Etat en se séparant de l’Espagne.
17. Alicia FERNANDEZ GARCIA, Mathieu PETITHOMME, « L’émergence du nationalisme catalan sous la Restauration bourbonienne en Espagne (1874-1931) », Parlements : revue d’histoire politique n°23 (p.177-192), 2016, consulté le 20 septembre 2016 18. Jesús MESTRE I CAMPI, Diccionari d'història de Catalunya 6e éd, op.cit 19. Michel BOUILLE, Claude COLOMER, Histoire des Catalans, op.cit 20. Jaume SOBREQUES I CALLICO, Histoire de la Catalogne, op.cit 21. Henry DE LAGUERIE, Les Catalans, op.cit
![Page 9: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/9.jpg)
9
Ces indépendantistes ou autonomistes utilisent des supports politiques, culturels et
même sportifs comme le FC Barcelone, considéré comme « l’institution la plus importante de
Catalogne », d’après Joaquim Maria Puyal, commentateur sportif fidèle des matchs des
Blaugranas22 depuis 196723. Ces opposants exposent ainsi leurs revendications politiques dans
un amphithéâtre sportif, que ce soit le Camp Nou ou le Palau Blaugrana où évoluent les sections
basket, handball, futsal et rink-hockey du FC Barcelone. Qu’est-ce que le FC Barcelone plus
précisément ? Quelle est son histoire ?
Le FC Barcelone a été fondé le 29 novembre 1899 par un Suisse, Joan Gamper. Le nom
du club et l’écusson sont empruntés à la ville de Barcelone puisqu’on peut voir la croix de Saint-
Georges qui figure sur les armes de la ville de Barcelone et les bandes rouge et jaune qui font
référence à la Senyera, le drapeau de la Catalogne24. La toute première équipe, dans laquelle
figure le fondateur du club, est composée exclusivement d’étrangers, puis, le club accueille des
« locaux » au fil du temps. En 118 ans d’histoire, l’institution sportive catalane s’est forgé un
statut et est à ce jour l’une des plus prestigieuses et des plus titrées du monde. Au total, le club
aujourd’hui présidé par Josep Bartomeu possède dans son armoire à trophée, au niveau
continental ou international, 5 Ligues des Champions, 3 Coupes du Monde des clubs FIFA, 4
Coupes d’Europe des vainqueurs, 3 Coupes des villes de foires et 4 Supercoupes d’Europe25.
Au niveau national, le Barça est le club le plus titré devant le Real Madrid, avec 24 Ligas
remportées (le championnat espagnol), 29 Copas del Rey (la coupe d’Espagne, appelée
autrefois, la Copa del Generalisimo) et 11 Supercoupes d’Espagne26. Dans sa longue histoire,
le club a connu plusieurs âges d’or : d’abord dans les années 1920 avec Samitier, puis au début
et à la fin des années 1950 sous la direction de Ladislao Kubala, sans oublier l’ère de la Dream
Team, de 1988 à 1995 au cours de laquelle le club remporte sa première Ligue des Champions,
en 1992 face à la Sampdoria de Gênes à Wembley. La dernière apogée du Barça, qu’on peut
appeler l’ère Guardiola, se situe entre 2008 et 2012. Le Barça pratique un jeu léché et réalise
pour la première fois de son histoire le triplé en 2009, c’est-à-dire qu’il remporte dans la même
22. Un des surnoms donnés aux joueurs et aux supporters du FC Barcelone. « Blaugrana », qui signifie « Bleu et Grenat », fait référence aux couleurs bleu et rouge grenat adoptées par les fondateurs du club en 1899. La légende veut que les membres fondateurs aient choisi ces couleurs lors de la deuxième réunion du club, le 13 décembre 1899. Leur choix aurait été influencé par… les stylos des comptables, de couleurs rouge grenat et bleu. 23. Ibid 24. Cet écusson, quasiment identique au blason de la ville de Barcelone est mis en vigueur jusqu’en 1910. En effet, bien que la croix de Saint-Georges et la Senyera demeurent, le logo du club se transforme en blason en forme de marmite. 25. Guillem BALAGUE, Barça : l’Histoire illustrée du FC Barcelone, Barcelone, Hugo Sport, 2014 26. Ibid
![Page 10: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/10.jpg)
10
saison, le championnat, la coupe nationale et la Ligue des Champions27. Au total, le club
remporte six trophées.
Aujourd’hui, ce club a atteint un standing international. Comme son rival le Real
Madrid, il a intégré le football business, ce à quoi la Catalogne trouve son intérêt, puisque le
Barça promeut son identité catalane dans le monde entier. Dans le même temps, le public
catalan s’appuie sur son pour faire pression sur le gouvernement espagnol, en particulier son
premier ministre, Mariano Rajoy, qui souhaite accentuer la centralisation à Madrid. Lorsque le
Clasico a lieu (qui oppose le Real Madrid au FC Barcelone), que ce soit en football ou en basket-
ball, l’atmosphère, spéciale, ressemble à celle que soulèvent les rencontres entre sélections
nationales, au point que les supporters n’hésitent pas à entonner l’hymne de la Catalogne « Els
Segadors » (les moissonneurs). Selon Gabriel Colomé, le FC Barcelone fait « office de porte-
drapeau à l’identité catalane », et peut s’inscrire dans un éventuel roman national catalan28.
Après avoir fait la découverte de l’Histoire de la Catalogne et du FC Barcelone,
intéressons-nous au contexte politique espagnol que nous allons étudier et analyser : il s’agit de
la période située entre 1917 et 1930, c’est-à-dire pendant la deuxième moitié de la Restauration
des Bourbons avec la triple crise de 1917 et la dictature de Primo de Rivera en particulier.
L’historiographie de cette période en Espagne, n’est pas très développée en France. En effet,
un article datant de 2010 de la part de Manuelle Peloille, professeur de civilisation espagnole à
l’Université d’Angers, démontre que cette période est assez ignorée par les historiens et
hispanistes français, qui se concentrent bien plus sur le Désastre de 1898, la Deuxième
République, la guerre civile de 1936-1939, le franquisme et la transition démocratique29.
Les quelques travaux réalisés par des historiens français sur les années 1917 (année
marquée par de nombreuses crises, militaire, institutionnelle et sociale) - 1923 (pronunciamento
de Primo de Rivera, au mois de septembre) décrivent une période très instable. Pierre Vilar,
spécialiste de la Catalogne, affirme en 1947 que la période allant de 1917 jusqu’à la chute de la
dictature constitue « une crise de la monarchie »30. Cette crise de la monarchie devient une
crise institutionnelle d’après Michel Zimmermann qui affirme, 50 ans plus tard, que cette
27. Ibid 28. Ignacio RAMONET, Christian DE BRIE, « Football et passions politiques », Manière de voie n°39, Paris, Le Monde Diplomatique, 1998 29. Manuelle PELOILLE, « Eduardo González Calleja, La dictadura de Primo de Rivera. La modernización autoritaria 1923-1930 », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine [En ligne], 7 | 2010, mis en ligne le 18 février 2011, consulté le 21 septembre 2016
30. Pierre VILAR, Histoire de l’Espagne, Paris, PUF, 1947
![Page 11: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/11.jpg)
11
instabilité due à la décadence de l’Espagne depuis le désastre de 1898 laisse le champ libre au
mouvement catalaniste31.
Benoît Pellistrandi en 2013, fait le même constat que ses prédécesseurs. Il observe un
affaiblissement institutionnel lié au régime parlementaire monopolisé par les libéraux et
conservateurs durant les 2 premières décennies (surtout la 2ème). En effet, réformistes,
républicains, socialistes ou nationalistes catalans sont à l’écart du pouvoir et ne peuvent
apporter un nouveau souffle à une monarchie qui commence déjà à décliner32. Les chiffres
confortent cette idée de l’affaiblissement institutionnel : 11 gouvernements se succèdent en 6
ans, soit 1 tous les 5 mois, souvent illégitimes puisque les élections sont truquées33. De plus,
les électeurs votent très inégalement selon les territoires : de fortes disparités entre urbains et
ruraux sont visibles puisque ces derniers, moins informés et ayant moins accès à l’éducation
(beaucoup d’analphabétisme), ne participent pas à la vie politique contrairement aux urbains
qui votent davantage34.
Parmi les quelques travaux français réalisés pour étudier et approfondir ce qu’était le
régime de Primo de Rivera entre 1923 et 1930, il faut citer la thèse de René Bec datant de 1933
réalisée à Montpellier, la dictature de Primo de Rivera, ou encore l’ouvrage de Paul Aubert en
1996 qui a étudié la relation entre la presse et le pouvoir de Primo de Rivera35. Plus récemment,
d’autres études sont sortis, comme celles de Benoit Pellistrandi, Histoire d’Espagne : des
guerres napoléoniennes à nos jours en 2013 ou de Jordi Canal, Histoire de l’Espagne
contemporaine de 1808 à nos jours : Politique et société en 2014, ce qui démontre un intérêt
nouveau pour l’Espagne de Primo de Rivera et un renouveau historiographique. Selon Jordi
Canal, le régime de Primo de Rivera n’était pas fasciste ou impérialiste comme le IIIème Reich,
mais plutôt un régime qui voulait renforcer « l’Etat », son pouvoir, afin de rendre stable
l’Espagne, en réaction aux instabilités politiques et sociales des années 1917 à 192336.
Pour résumer, Primo de Rivera « s’inscrit donc dans la famille des régimes gardiens
d’un ordre ancien, davantage que dans celle des régimes promoteurs d’un ordre nouveau »37.
31. Michel, Marie-Claire ZIMMERMANN, Histoire de la Catalogne, Paris, PUF, 1997 32. Benoît PELLISTRANDI, Histoire de l’Espagne : des guerres napoléoniennes à nos jours, Paris, Editions Perrin, 2013 33. Ibid 34. Ibid 35. Paul AUBERT, Jean-Michel DESVOIS, Presse et Pouvoir en Espagne 1868-1975, Bordeaux, Maison des pays ibériques / Madrid, Casa de Velasquez, 1996 36. Jordi CANAL, Histoire de l’Espagne contemporaine de 1808 à nos jours : Politique et société, Paris, Armand Colin, 2014 37. Ibid
![Page 12: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/12.jpg)
12
Jordi Canal résume ici en une phrase, la différence entre un régime contrôlé par des militaires
qui cherchent avant tout la stabilité, et les régimes qui cherchent à transformer les hommes et à
fonder une nouvelle société comme le concevront Mussolini ou Hitler plus tard. Jordi Canal
affirme que la chute de la dictature a permis un nouveau souffle démocratique, avec le discrédit
jeté sur la Monarchie et l’avènement d’une République.
L’historien français Benoit Pellistrandi, spécialiste de l’Espagne, fait une synthèse de
l’histoire de l’Espagne, « des guerres napoléoniennes à nos jours ». Il consacre une partie de
son ouvrage à la période qui couvre les années 1923 à 1975 et l’intitule « inventer la tradition ».
La dictature de Primo de Rivera est un essai de « renaissance nationale » après les divers échecs
du système politique parlementariste monopolisé par les libéraux et conservateurs, eux-mêmes
divisés dans leur parti respectif, et de gros problèmes sociaux entre ouvriers et patrons38.
Surtout, Benoît Pellistrandi conteste l’aspect de préfascisme ou préfranquisme associé au
régime de Primo de Rivera. Il replace ce régime dans la continuité du Désastre de 1898 qui fait
naître le régénérationnisme : ce régime s’inscrit dans le panorama des régimes autoritaires des
années 192039. Il est difficile de définir ce régime à cause de certaines contradictions
idéologiques et des incertitudes politiques.
Dans l’historiographie espagnole et plus globalement européenne, la dictature de Primo
de Rivera est découpée chronologiquement en deux temps : premièrement de 1923 à 1925 où
le pouvoir est concentré entre les mains de militaires et généraux, avec l’application du
régénérationnisme (suite à la crise de 1898) et une politique répressive, de réduction des libertés
individuelles (par exemple, application de la censure). Deuxièmement, de la fin 1925 à la chute
du régime : le directoire militaire s’ouvre et accepte des civils au pouvoir, c’est-à-dire d’anciens
hommes politiques qui exerçaient avant que Primo de Rivera ne gèle la constitution et ne
supprime les partis politiques. Ce qui correspond, sur le plan formel, à un assouplissement du
régime et à une transition vers plus de démocratie. Dans la réalité, cependant, il n’en est rien et
ce qui se dévoile est plutôt de l’ordre d’un affaiblissement du régime qui commence sa chute
vers la fin des années 1928-1929. Sur le régime en lui-même, il y a eu de nombreux débats
concernant sa nature exacte. Beaucoup, notamment des historiographes libéraux et marxistes,
l’ont réduite au fascisme ou d’une manière plus habile, à « une dictature molle »40 sur le modèle
38. Benoît PELLISTRANDI, Histoire de l’Espagne : des guerres napoléoniennes à nos jours, op.cit
39. Ibid 40. Jean-Pierre RISSOAN, Traditionalisme et révolution : les poussées d'extrémisme des origines à nos jours, vol.2 : du fascisme au 21 avril 2002, Paris, Aléas, 2007
![Page 13: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/13.jpg)
13
du régime de Mussolini. Ils ont considéré que ce régime était le précurseur du régime franquiste.
Globalement donc, ce régime est essentiellement perçu comme « pré-fasciste », lié aux
évènements qui précèdent son avènement.
Il est alors possible de remettre en cause les diverses thèses ou pensées des
historiographes libéraux ou marxistes, et de réfuter le caractère transitoire du régime de Primo
de Rivera vers le franquisme ou encore le prétendu caractère « fasciste » du régime, puisque
par sa politique de censure pragmatique et sa politique plutôt « gardienne », conservatrice, il
voulait éviter à tout prix insurrections et violences. Le régime a empêché justement l’arrivée et
la montée du fascisme en Espagne dans les années 20 et indirectement, a permis de faire naître
la volonté de fonder une République, ce qui va favoriser l’affirmation de la Catalogne en
relation avec le FC Barcelone dans ses convictions politiques.
Sport et politique sont-ils liés ? En tout cas, le football qui fonde la célébrité du FC
Barcelone « est devenu aujourd’hui un sport universel, [qui] permet de nourrir une démarche
comparatiste, indispensable lorsqu’on veut comprendre la spécificité des cas nationaux »41.
Pourtant, le football a longtemps été ignoré par les intellectuels, qu’ils soient historiens,
sociologues ou anthropologues. Grâce à la préface de Gérard Noiriel dans l’ouvrage Le football
des nations : des terrains de jeu aux communautés imaginées, qui explique le concept d’Etat-
Nation, puis le sport en tant qu’objet intellectuel (le but de cet ouvrage est de démontrer que le
football, sous une approche historique, devient un élément important pour définir une nation),
on apprend que ce n’est qu’à partir des années 1960 que le football est pris au sérieux, grâce au
sociologue allemand Norbert Elias. Il est le premier à se pencher sur le rapport entre le football
et la nation avec une approche historique, puisqu’il remonte jusqu’à la révolution industrielle
pendant laquelle « l’élévation du niveau de vie entraîne une certaine démocratisation des loisirs
qui offre de nouvelles possibilités d’affiliations identitaires aux gens du peuple »42. Le sport,
comme simple loisir, entraîne la multiplication d’associations sportives qui se présentent
comme un support social, ce qui permet, dans les cas anglais mais aussi italien et espagnol, de
faire prospérer des « « communautés imaginées » qui ne sont pas nationales, mais locales et
sociales »43. Ainsi, cette piste lancée par Norbert Elias peut nous permettre de nous pencher sur
41. Fabien ARCHAMBAULT, Stéphane BEAUD, William GASPARINI, Le football des nations : des terrains de jeu aux communautés imaginées, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016
42. Ibid 43. Ibid
![Page 14: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/14.jpg)
14
le cas du FC Barcelone, de son identité et de son rapport avec la société pendant une période
semée de troubles et d’instabilité.
L’histoire du FC Barcelone a fait l’objet de plusieurs d’études, en particulier sur les
premières années après la fondation du club, les âges d’or sportifs du club (années 1920, 1950
1990 et 2009-2012), et les périodes de dictature. Le club et son influence culturelle ont été
étudiés par des anthropologues qui insistent sur le caractère mythique du club construit par « un
flot continue de microrécits » selon José Chaboche et Sylvie Fournié-Chaboche, ce qui
permettrait au club de renforcer son identité et de promouvoir à l’échelle internationale la
culture catalane. Selon ces mêmes chercheurs, « le Barça est aussi à la pointe de la
globalisation du football » et « se présente en « sponsor solidaire (…) pour mieux valoriser son
image mythique »44. Notons toutefois que ce dernier point n’est plus d’actualité puisque le
Qatar, depuis la présidence de Rossell, sponsorise le club. La rivalité contre Madrid fait partie
du mythe avec des matchs de légendes, et cette rivalité ne se limite pas qu’au football ; elle
concerne aussi le niveau politique par les revendications et différents soutiens politiques de
chaque camp. Par ailleurs, le FC Barcelone est aujourd’hui un club « marketing », qui est connu
dans le monde entier, ce qu’illustre la globalisation culturelle du club.
Le FC Barcelone est aussi étudié par les sociologues, encore que la sociologie du sport
en Espagne soit peu développée. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1990 que des
recherches sociologiques ont été menées, comme celles de Gabriel Colomé en 1999, sur les
positions politiques des équipes ou clubs de football. La plupart de ces travaux identifient le FC
Barcelone non seulement comme une institution sportive mais surtout comme une entité
fondamentale du catalanisme. Ainsi, lorsqu’ils évoquent la période de la dictature de Primo de
Rivera, la majorité des sociologues sont d’accord pour affirmer que le Barça a été un vecteur
social pour rassembler les supporters et leur donner la possibilité de s’exprimer publiquement
contre le régime. Ces mêmes sociologues, comme Quiroga, Spaaij et Llopis-Goig, s’accordent
à dire que le club affichait une position catalaniste hostile au régime, en la personne de son
président Gamper, et qui servait de porte-voix aux supporters. Aujourd’hui, le Barça fait partie
44. José CHABOCHE, Sylvie FOURNIE-CHABOCHE, « Les dimensions culturelles, discursives et territoriales de production et de marchandisation d’un mythe moderne », Journal des anthropologues [En ligne], 120-121 | 2010, mis en ligne le 04 août 2014, consulté le 26 septembre 2016.
![Page 15: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/15.jpg)
15
des clubs les plus populaires du monde. Avec plus de 1300 penyas45, et environ 150 000
« socios »46 en Espagne et dans le monde entier, le FC Barcelone est connu partout.
Dans ce travail de recherche, il s’agira d’étudier la place du FC Barcelone politiquement,
culturellement et socialement à toutes les échelles, locale comme internationale, entre 1917 et
1930. La période étudiée a été choisie en raison de son importance dans le contexte politique
espagnol et dans le contexte sportif du FC Barcelone. En 1917, l’Espagne connaît plusieurs
crises, à la fois militaire, politique et sociale tandis que dans le même temps, Joan Gamper lors
d’un événement privé au sein du club, tient un discours où il affirme officiellement le
rapprochement du Barça avec la société catalane. Après la détermination du catalan comme
langue officielle du club sous la présidence de Rosés le 1er juillet 191647, le Barça devient
ouvertement un club catalaniste. De plus, les années 1920 englobent la dictature de Primo de
Rivera et le premier âge d’or du FC Barcelone (5 Copas del Rey en 1920, 1922, 1925, 1926 et
1928, 10 championnats de Catalogne en 1919, 1920, 1921, 1922, 1924, 1925, 1926, 1927, 1928
et 1930), durant lequel il remporte la toute première édition du championnat espagnol, en 1929.
La dynamique sportive et sociale des Blaugranas, une Catalogne en plein essor, du point de vue
économique et identitaire, qui voit l’émergence des partis politiques catalanistes, voilà des
éléments à la lumière desquels il sera intéressant d’interroger les orientations du Barça.
A l’aide de quelles sources ce sujet a-t-il pu être traité ? Comme dans de nombreux
mémoires se concentrant sur une période de l’histoire contemporaine, l’utilisation d’articles de
presse est indispensable. Ainsi, je me suis plongé dans les médias sportifs comme Mundo
Deportivo, ou plus généralistes et orientés politiquement comme la Veu de Catalunya ou la
Vanguardia pour obtenir plus de précisions et d’informations sur certains aspects de mon sujet
que je n’aurais pas trouvées dans les lectures d’ouvrages historiques ou sociologiques.
Néanmoins, ce ne sont pas les sources les plus importantes, puisque je me suis surtout concentré
sur des sources primaires venant du FC Barcelone.
45. Une penya est une association de supporters reconnue par le club. Ces sociétés nées en Espagne ont été exportées et se sont implantées partout dans le monde. 46. Le socio est un propriétaire ou un actionnaire du club concerné, c’est un membre à part entière. Il a beaucoup de pouvoir puisqu’il peut participer aux processus consultatifs, à l’assemblée générale ou même demander une motion de censure pour révoquer le président du club. Le statut de socio se transmet de génération en génération ; si la personne qui souhaite devenir membre à part entière du club n’a pas de parents ou de frères « socio », dans le cas du FC Barcelone, il doit pendant 3 ans, payer annuellement un carnet d’engagement. 47. Henry DE LAGUERIE, Les Catalans, op.cit
![Page 16: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/16.jpg)
16
D’abord, j’ai eu la chance de fréquenter les archives du FC Barcelone, appelés le
« centre de documentacio », situés au deuxième étage du musée du FC Barcelone. Grâce à la
bienveillance et l’aide de M. Manuel Tomas, responsable de ces archives, j’ai pu dépouiller et
analyser plusieurs « livres des actes ». Ce sont des livres de 200 pages dans lesquels est consigné
le bilan de chaque réunion de la Junta Directiva, la haute-administration du club48. Grâce à ces
livres des actes, nous pouvons avoir connaissance de l’état du club régulièrement, et savoir
quels sont les contributions financières ou sociales du club. Ainsi, j’ai pu avoir accès au livre
des actes numéro 2, concernant la période de 1916 à mai 191949 ; au numéro 3 qui va de juin
1919 à mai 192150 et au numéro 6, traitant de 1923 à mai 192651. Malheureusement, entre 1921
et 1923, et entre 1926 et 1930, aucune possibilité n’existe de connaître les comptes rendus.
Parmi les autres documents du FC Barcelone, j’ai disposé d’un Estatut qui date de
192152. Il détermine juridiquement les normes selon lesquelles le club est en activité. Sur 16
pages, l’Estatut est organisé en 12 points, avec au total 45 articles. On peut également citer les
Bulletins officiels du club, qui répertorient l’actualité globale du FC Barcelone, avec des
chroniques. Depuis Internet, j’ai pu analyser ceux de 192153 et de 192854. Autre source qui
pouvait avoir son importance, des tracts de matchs datant de 1922 qui présentent notamment
des adversaires qui allaient se mesurer au FC Barcelone, ce qui permet par exemple de connaître
l’influence et l’importance du club à ce moment-là55.
Enfin, compte tenu du contexte politique, avec l’importance de la Renaixença, de
l’émergence du catalanisme, et l’omniprésence du sport dans la société grâce aux médias dans
les années 1920, il me semblait pertinent de me concentrer sur des sources littéraires et de ne
pas négliger les représentations des joueurs de football, devenant à partir des années 1920, des
stars de leur époque. Cartes, affichettes, boîtes de chocolats, des puzzles en passant par le poème
de Rafael Alberti « Odo a Platko » et ses mémoires, sont des sources pouvant multiplier les
bonnes questions et enrichir le sujet en se concentrant sur plusieurs aspects.
48. C’est le conseil d’administration du club, composé des principaux dirigeants. La Junta Directiva est l’organe exécutif qui prend les décisions du FC Barcelone. 49. Voir annexe 1 50. Voir annexe 2 51. Voir annexe 3 52. Voir annexe 4 53. Voir annexe 5 54. Voir annexe 6 55. Voir annexe 7
![Page 17: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/17.jpg)
17
Pour traiter le sujet, nous proposons de soulever la problématique suivante : dans quelle
mesure le FC Barcelone est-il devenu une entité fondamentale de la Catalogne, à la fois
culturelle et politique, jusqu’à s’élever au rang de « l’institution la plus importante de
Catalogne » entre 1917 et 1930 ? Nous pouvons ajoutons d’autres questions qui permettront de
préciser nos orientations de recherche. Est-ce qu’une association sportive comme le FC
Barcelone peut s’inscrire dans l’héritage laissé par la « Renaixença » ? Au-delà du FC
Barcelone, le football est-il le moyen principal d’affirmer une identité politique et culturelle ?
Pour répondre à ces questions, nous allons procéder selon trois axes, subdivisés chacun
en trois chapitres. D’abord, nous traiterons l’aspect politique, en analysant l’identité du FC
Barcelone, sa culture politique. On s’intéressera aux différents dirigeants du club, à leur
influence sur les actions du club et ses relations politiques. Ensuite, dans un second temps, nous
observerons le club sportif à travers les différentes modalités de son inscription dans la société.
Il s’agit de discerner ses relations sociales à une échelle régionale dans le but de définir
l’importance du FC Barcelone au sein de la Catalogne en tant qu’outil de cohésion sociale et
son influence dans l’univers sportif. On pourra ainsi voir que ce club a été un support
d’intégration pour les individus venant d’autres régions d’Espagne. Enfin, dans une dernière
partie, nous analyserons comment le FC Barcelone est perçu et utilisé comme support politique,
culturel et symbolique par le peuple catalan. Il s’agit de voir si le Barça était déjà « l’institution
la plus importante de Catalogne » dès les années 1920, à la fois au niveau local, par le biais de
son appropriation par les Catalans ou des artistes, et à une plus grande échelle, par
l’intermédiaire de ses déplacements ou de ses relations politico-sportives.
![Page 18: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/18.jpg)
18
Partie I
-
Le FC Barcelone : l’émanation d’un désir d’affirmation catalaniste
![Page 19: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/19.jpg)
19
Chapitre 1 – Un club dirigé et soutenu par les catalanistes
1) Les différents dirigeants : un club essentiellement géré par des catalanistes
Comme toute association sportive, le FC Barcelone a sa propre administration totalement
indépendante de l’Etat ou de la Catalogne, et celle-ci peut donc gérer le club comme elle veut.
Le président est personnage le principal du conseil d’administration, appelé dans son
appellation originale, la Junta Directiva. Pour accéder au poste le plus important du club, il faut
que ce dirigeant et ses associés qui formeront l’administration, au nombre de 7, soient choisis
par l’assemblée des socios, sans forcément passer par une élection présidentielle.
Le 24 juin 2016, un nouveau président est élu ; il s’agit de Gaspar Rosès. Dès son
investiture, Rosès prend une décision forte et qui va déterminer l’identité du club. En effet, un
socio, dénommé Lluis Busi, demande que le catalan soit conjointement avec le castillan la
langue officielle du club. Auparavant, le club s’est construit autour d’influences locales et
étrangères. Il a été fondé juste pour promouvoir le football dans la ville de Barcelone56. Dans
les premières années de sa fondation, le Barça comptait surtout dans ses rangs des joueurs
étrangers. Hormis Gamper, ces travailleurs, pour la plupart anglais n’avaient aucun rapport avec
la politique locale57.
Dans le sillage de la Renaixença, en pleine émergence, la langue de Valenti Amirall est
présente au club : les bulletins officiels, les comptes-rendus des réunions de la Junta Directiva
dans le livre des actes et autres documents sont désormais rédigés dans cette langue. Gaspar
Rosès, militant actif du parti catalaniste Lliga Regionalista, est le précurseur de l’identité
catalaniste qu’adopte progressivement le FC Barcelone. Son mandat prend fin le 17 juin 1917
et c’est Joan Gamper, le président-fondateur qui lui succède. Et c’est réellement sous sa tutelle
que le club confirme son tournant « catalaniste ». En effet, dans un discours prononcé lors d’un
événement privé au sein du club, Gamper affirme sa volonté de se rapprocher de la société
catalane. Le contexte en 1917 dans le territoire espagnol a sûrement favorisé cette intention.
56. Ramon SPAAIJ, Understanding Football Hooliganism : A comparison of Six Western European Football Clubs, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2006 57. Ibid
![Page 20: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/20.jpg)
20
En effet, L’Espagne connaît une triple crise en 1917. D’abord, du côté de l’armée. Les
militaires sont mécontents de leur situation et forment des Juntas de Défense, associations qui
s’opposent à l’avancement selon les mérites de la guerre. Pour eux, le critère principal pour
gravir les échelons est l’ancienneté au sein de l’armée. Deuxièmement, du côté politique. Les
conservateurs et libéraux monopolisent le pouvoir grâce au caciquisme, démontrant ainsi que
le régime parlementaire est très fragile et qu’il n’a aucune alternative depuis la Restauration.
Surtout, cette année-là, les derniers gouvernements sont autoritaires, voulant limiter le pouvoir
des Cortès et la liberté d’expression58. Les individus n’appartenant pas à ces bords politiques
ne peuvent pas contribuer à la vie politique du pays, notamment les catalanistes ou les
socialistes qui en conçoivent des frustrations.
Entre 1917 et 1923, enfin, c’est la crise sociale. En plus de l’affaiblissement progressif de
l’institution (11 gouvernements, soit 1 tous les 5 mois59), la société est au bord de l’implosion.
Le pouvoir d’achat se détériore, et une grève générale, pour dénoncer la vie chère, est organisée
en août 1917 par les syndicats, en l’occurrence l’UGT et la CNT. Evidemment, à côté des
revendications sociales, les revendications politiques se font entendre : volonté de dissoudre la
Monarchie, la fin du système cacique.
De plus, la violence dans la société espagnole, notamment à Barcelone et aux alentours, est
extrêmement présente, liée à une guerre sans merci entre employés (ouvriers) et employeurs
(les patrons), dans et en dehors de l’usine : c’est le pistolerismo60. Ce phénomène a surtout été
provoqué par la montée en puissance des syndicats, l’UGT et le CNT, qui accueillent de plus
en plus de membres dans leurs rangs. Les grèves s’enchaînent, c’est un autre facteur qui fragilise
encore davantage l’Espagne, puisque les oppositions politiques (dont fait partie le catalanisme)
se radicalisent, et l’année 1921 est un cauchemar : disparition du chef du gouvernement, Dato,
assassiné par des syndicalistes barcelonais, terrible défaite militaire d’Anoual. La crise
s’approfondit et l’Espagne à ce moment-là est dans une impasse à la fois politique, économique
et sociale, dans la continuité de la triple crise.
Dans quelle mesure les crises entre 1917 et 1923, ou la dictature, surtout pendant le
directoire militaire, ont-elles influencé la détermination de l’identité du FC Barcelone et la mise
58. Jordi CANAL, Histoire de l’Espagne contemporaine de 1808 à nos jours : Politique et société, op.cit 59. Benoît PELLISTRANDI, Histoire de l’Espagne : des guerres napoléoniennes à nos jours, op.cit
60. Ibid
![Page 21: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/21.jpg)
21
en place de dirigeants d’un bord politique particulier, en dehors de ceux qui incarnent le
système ?
Comme nous l’avons dit, Gamper est président du club pendant la triple crise, et est le
successeur d’un membre de Lliga Regionalista, Gaspar Rosés. Joan Gamper est celui qui a
officiellement assumé le statut catalaniste du Barça, et n’a cessé de défendre l’identité catalane
du club, en opposition à son rival, l’Espanyol, qui est réputé pour être proche de Madrid et
favorable à la centralisation61. Il est président jusqu’au 16 juin 1919. Celui qui lui succède à la
tête de la Junta directiva se nomme Ricard Graells. Il reste à la tête du club jusqu’au 27 juin
1920. Il s’inscrit dans la lignée de Gamper car il ne met pas de côtés les aspirations autonomistes
catalanes.
Le 27 juin 1920, c’est Gaspar Rosés qui revient à la présidence du club. En plus d’avoir
été un des premiers hommes à intégrer le catalanisme au Barça, il est également un acteur
politique. En effet, il est affilié au parti politique Lliga Regionalista. C’est un parti catalaniste,
c’est-à-dire un parti strictement catalan, à l’écart des partis espagnols, fondé par Enric Prat de
la Riba et Francesc Cambo. Ses militants défendent « une idéologie proposant une synthèse
entre le patriotisme de la bourgeoisie barcelonaise et le traditionalisme de la Catalogne
rurale »62. C’est un catalanisme monarchique, modéré et conservateur qui prône l’autonomie
(et non le séparatisme). Ce parti domine la vie politique catalane jusqu’en 1923 avant d’être
interdit par le régime de Primo de Rivera. Le mouvement catalaniste est en pleine prospérité,
suite notamment à la fondation de la Mancomunitat en 1914, un organisme commun aux quatre
provinces catalanes qui envisage une politique de progrès économique et culturel avec une
certaine autonomie63. Avec Lliga Regionalista, Gerard Rosés est élu député au Congrès des
Députés lors des élections générales de 191864. De plus, il a aussi participé au développement
culturel de la Catalogne en fondant avec Francesc Cambo et Enric Prat de la Riba une maison
d’édition, Editorial Catalana, en 1917. Les publications, d’inspiration scientifique sont
consacrées à la Catalogne, à son économie en particulier.
61. Alejandro QUIROGA, Football and National Identities in Spain : The Strange Death of Don Quixote, Palgrave Macmillan, 2013
62. Alicia FERNANDEZ GARCIA, Mathieu PETITHOMME, « Structuration et trajectoires idéologiques des partis catalanistes et nationalistes catalans depuis la Transition », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine [En ligne], 13 | 2014, mis en ligne le 28 décembre 2014, consulté le 20 septembre 2016. 63. Michel BOUILLE, Claude COLOMER, Histoire des Catalans, op.cit 64. Lliga Regionalista a obtenu 21 sièges au Congrès des Députés.
![Page 22: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/22.jpg)
22
Après Rosés, Gamper retrouve la direction du club le 17 juillet 1921, et exerce ses
fonctions jusqu’au 29 juin 1923. Son remplaçant est Enric Cardona Panella. Contrairement aux
deux derniers présidents, Cardona n’a jamais été à la tête d’un poste aussi important que la
présidence. Surtout, il ne peut pas exprimer autant les valeurs catalanistes du club puisqu’on est
sous la dictature de Primo de Rivera qui bannit tout élément faisant apologie du régionalisme.
Ainsi, Enric Cardona limite l’influence catalaniste et contraint les supporters de ne pas
s’exprimer sur leurs opinions politiques, afin que le club n’ait pas de problèmes avec le
directoire militaire. Le 1er juin 1924, Gamper rempile pour un cinquième mandat à la tête du
club.
Toutefois, en juin 1925, le Barça est touché par une affaire : celle de la Marcha Real aux
Corts. Le 14 juin 1925, les supporters sifflent copieusement l’hymne espagnol, ce qui entraîne
la fermeture de ce stade pour 6 mois65. Les dirigeants en place, dont Gamper ne peuvent plus
exercer leurs fonctions et sont menacés par le régime. Le président-fondateur suisse en fuite,
Joan Coma assure l’intérim et sera par ailleurs, président du club à partir de la Seconde
République. Cette affaire de la Marcha Real est un tournant. Après la démission de Gamper et
l’intérim assuré par Coma, un nouveau personnage surgit en effet au poste le plus prestigieux :
Arcadi Balaguer. Il a été mis en place par la Monarchie et Primo de Rivera, ayant de bonnes
relations personnelles avec les deux. Ainsi, alors que le régime de Primo de Rivera commence
à être moins répressif et à connaître un déclin, la valeur catalaniste revendiquée par le Barça se
trouve pourtant potentiellement menacée. L’image de Balaguer, industriel aristocrate, est
préservée par une instrumentalisation de la part du pouvoir : il obtient officiellement un
allègement de la sanction concernant la fermeture des Corts et restera au Barça jusqu’au 23
mars 1929.
Enfin, Tomas Rosés profite de la démission de Balaguer pour devenir le nouveau
président de l’institution sportive catalane. Né à Liverpool, il appartient à une famille
d’industriels catalans. D’un point de vue sociétal, il a des relations importantes avec la société
catalane. Il est passionné de sport et a déjà contribué à l’organisation de compétitions de régates
nautiques en Catalogne66. Le 30 juin 1930, Gaspar Rosés reprend de nouveau le flambeau,
65. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit
66. Archive de La Vanguardia en ligne (samedi 2 mars 1929) : http://hemeroteca-paginas.lavanguardia.com/LVE07/HEM/1929/03/02/LVG19290302-015.pdf.
![Page 23: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/23.jpg)
23
jusqu’au 22 octobre 1931, alors que l’Espagne est entrée, depuis le 14 avril 1931, dans la
Seconde République, après les élections municipales et l’abdication du roi Alphonse XIII.
A la tête du club, catalaniste ou proche de la Monarchie, comment ces dirigeants ont-ils
utilisé le club ?
![Page 24: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/24.jpg)
24
2-) Actions et influences des dirigeants du club
Avec des catalanistes au pouvoir, le club est logiquement dans un processus de
politisation dès 1917, à un moment précis où l’Espagne entre dans une ère de crise. C’est le
moment parfait pour utiliser le FC Barcelone comme alternative, dans la continuité de la
Renaixença, à des fins politiques. Comment les dirigeants utilisent-ils le FC Barcelone dans
leurs stratégies politiques ? Le club peut-il être considéré comme un représentant du parti
politique Lliga Regionalista ?
On peut constater que le club est bien plus qu’une entité ou association sportive. Surtout,
entre 1917 et 1923, le FC Barcelone est un support politique parfait pour des dirigeants qui sont
engagés politiquement, et souhaitent profiter de l’essor du catalanisme. Même si les membres
de la Junta Directiva expriment rarement leurs opinions politiques publiquement en utilisant le
club, lorsqu’ils le font, c’est un « acte extraordinaire ».
Ainsi, dans le livre des actes, on peut repérer un acte extraordinaire qui date du 6 mai
1920. L’Espagne et la Catalogne connaissent une période pleine de tensions. Les
gouvernements s’enchaînent les uns après les autres, en moyenne tous les 5 mois67. D’un point
de vue social, les patrons et ouvriers sont dans l’affrontement et vont jusqu’à s’entretuer
(pistolérisme). Par le biais de cet acte, le FC Barcelone réagit et se propose même d’être un
protagoniste de la vie politique espagnole : « respecte a la cel-lebracio de l’Assambla Nacional
s’acorda demana l’apoi de varis clubs per a que’s celebri una assamblea regional per a
designar els delegats qu’hogen de portar la representacio de Catalunya a la Nacional »68. A
travers ce texte, les dirigeants prennent l’initiative d’organiser une Assemblée régionale
composée de divers clubs catalans qui choisiront, comme le FC Barcelone, les délégués qui
iront représenter la Catalogne à l’Assemblée nationale.
Les dirigeants manifestent ainsi une certaine supériorité et la volonté d’être les chefs de
file à la fois du sport catalan et d’une politique favorable aux intérêts catalans. En tout cas, il
n’est pas impossible que Francesc Cambo ait influencé le club dans la prise d’une telle décision.
Sympathisant du club et membre de Lliga Regionalista, Cambo a participé à un « gouvernement
de concentration nationale »69 dirigé par Antonio Maura en 1918. Afin de pouvoir être en
67. Benoît PELLISTRANDI, Histoire de l’Espagne : des guerres napoléoniennes à nos jours, op.cit 68. Livre des actes (juin 1919-mai 1921) 69. Ibid
![Page 25: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/25.jpg)
25
position de force et d’avoir une certaine légitimité dans une demande ultérieure de l’autonomie,
les politiciens catalanistes essaient dans un premier temps de servir le gouvernement centralisé
à Madrid pour contribuer au retour de la grande Espagne, perdue depuis 1898. Et ils pensent
ainsi servir également les intérêts du FC Barcelone en s’impliquant dans la vie politique, afin
d’affirmer l’identité du club désormais bien assumée.
Pendant la dictature, avec l’impossibilité d’exprimer ses convictions catalanistes en
public, et l’incompatibilité de l’identité du club avec les ambitions politiques très
centralisatrices de Primo de Rivera, le Barça se recentre sur sa région. En effet, des négociations
pour obtenir plus d’autonomie ou la promotion de la culture catalane semblent compromises,
ce qui n’empêche pas les idées politiques catalanistes de se développer. Surtout, de plus en plus
de personnes sont convaincues et rejoignent le mouvement catalaniste qui se radicalise dans les
années 192070.
En dehors des intellectuels et des artistes, le FC Barcelone reste un appui considérable
pour favoriser l’adhésion de nouveaux militants auprès de la Lliga Regionalista et d’autres
partis catalanistes.
Alors, on peut lire dans un acte datant du 25 février 1924 : « Organizar una votacion
entre los socios para que estos manifiesten su opinion con el fin de que pueda el club tomar
parte en el plesbicito organizado por el Ayuntamiento respecto a la … reforma de las
Ramblas »71. Alors que la dictature n’est en place que depuis quelques mois, les Catalans voient
leur liberté se réduire considérablement. De nombreux décrets et circulaires sont mis en œuvre
rapidement : tout d’abord, la déclaration d’état de guerre le 14 septembre 1923, le 18 septembre,
la traduction des délits contre la sécurité et l’unité de la patrie devant les tribunaux militaires,
et le 25 septembre, la primauté des juridictions militaires pour les délits contre la sécurité
extérieure. Les gouverneurs militaires remplacent les gouverneurs civils et dirigent pendant
plus de 7 mois avec tous les pouvoirs, dans le but de « créer un Etat d’exception dans lequel
les mesures répressives sont censées favoriser un « assainissement » de la situation ».72 La
population catalane est privée de tous ses éléments culturels : sa langue, le catalan, interdite en
70. Alicia FERNANDEZ GARCIA, Mathieu PETITHOMME, « L’émergence du nationalisme catalan sous la Restauration bourbonienne en Espagne (1874-1931) », Parlements : revue d’histoire politique n°23 (p.177-192), 2016, consulté le 20 septembre 2016
71. Livre des Actes (octobre 1923-mai 1926) 72. Benoît PELLISTRANDI, Histoire de l’Espagne : des guerres napoléoniennes à nos jours, op.cit
![Page 26: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/26.jpg)
26
public, tout comme son drapeau, la Senyera. La répression doit servir à rétablir l’ordre et à
affirmer la hiérarchie.
Pour en revenir à l’acte du 25 février 1924, les Catalans sont contraints de se replier et
de revendiquer leur culture dans le plus grand secret. Le FC Barcelone propose d’organiser un
vote des membres du club pour connaître leurs opinions sur une réforme consacrée aux
Ramblas, lieu de promenade et de rencontres. D’après ce texte, le club souhaite prendre part à
ce plébiscite organisé par la mairie de Barcelone, ce qui signifie qu’il s’implique directement
dans la gestion politique de sa propre ville. On peut interpréter cela comme la volonté, de la
part des dirigeants, de réaffirmer la préoccupation catalaniste à un moment où beaucoup
craignent que la ville, avec toute la Catalogne, échappent de leurs mains au profit du directoire
militaire. En quelque sorte, le FC Barcelone se propose comme une alternative directe du
régime dans sa propre région. Le club devant appartenir aux socios, la relation avec la société
est importante et étroite. On voit bien que le club participe à la vie politique et sociale locale
pendant la dictature de Primo de Rivera. Il suit la tendance de la politique catalaniste et du
peuple en général qui est de plus en plus attaché aux valeurs du catalanisme.
Ainsi, on peut penser que plus la société se « catalanise », comme c’est le cas entre 1923
et 1925, plus le club se rapproche de cette mentalité afin d’unir le plus possible. Les dirigeants
semblent administrer le club dans cet esprit, l’utilisant comme un support culturel, sur lequel
les gens peuvent s’appuyer pour s’exprimer. Après, il paraît audacieux d’affirmer qu’il s’agit
d’une stratégie délibérée en faveur de la Lliga Regionalista. En tout cas, concernant cette
réforme des Ramblas, le fait que le club ait son mot à dire en réunissant ses membres, montre
que le club est un vrai point d’appui pour peser dans la vie politique catalane.
Alors, comme le FC Barcelone, bien qu’il soit avant tout une institution sportive, est un
élément stratégique politique et social extrêmement utilisé par les catalanistes, dans quelle
mesure le Barça s’inscrit-il dans le mouvement catalaniste ? Quelles sont ses véritables actions ?
![Page 27: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/27.jpg)
27
Chapitre 2 – Un soutien totalement assumé du mouvement catalaniste
1-) Plus qu’une association sportive : un militant politique
Par le biais des dirigeants politiques, le Barça, tout au long de notre période est un
support permettant le militantisme politique. Surtout en étant le point d’appui numéro 1 du
catalanisme, un « mouvement de revendication nationale qui propose la reconnaissance
politico-culturelle de la Catalogne »73, selon le Diccionari d'Historia de Catalunya.
Le catalanisme est un mouvement culturel qui revendique la reconnaissance de la culture
catalane, sans affirmer cependant de volonté séparatiste. Il revendique avant tout la renaissance
de la littérature et de la langue catalanes, plus d’autonomie avec la préservation des intérêts
catalans et une meilleure reconnaissance identitaire : ainsi, cela englobe les domaines de la
culture, de l’économie, de la société et de la politique en même temps. Le nationalisme catalan
englobe tout cela aussi mais est bien plus axé sur le phénomène social et surtout politique.
L’inscription dans le mouvement catalaniste passe par l’importance de la langue : le
catalan. Le fait de s’imprégner de cette langue et de la pratiquer est un critère fondamental pour
embrasser le catalanisme. Le livre des actes est là pour témoigner de l’omniprésence du catalan
au sein du club. En effet, depuis le 1er juillet 1916, lorsque Gaspar Rosés arrive à la tête du FC
Barcelone, les comptes rendus de chaque réunion du club sont désormais rédigés en langue
catalane. Ainsi, le catalan est la langue officielle du club, c’est-à-dire qu’en plus des comptes
rendus, tous les documents du club sont aussi écrits en catalan.
Lire et écrire en catalan, c’est militer pour le catalanisme, ce qui est le cas du FC
Barcelone : cette décision y a été approuvée et va se maintenir. Il s’agit de l’élément le plus
important au niveau culturel. En effet, un document du club, l’Estatut, livre une information
précieuse : le tout 1er article détermine d’emblée l’identité du Barça : « siguent el seu idioma el
català »74.
De plus, dans un compte rendu qui date du 17 juin 1917, on peut lire : « Vinas demana
a la nova Junta que segueixi duibre el Club i a fora la mateixa catalanitat que ha porta
73. Josep M. SALRACH I MALRES, Josep TERMES, Diccionari d’Historia de Catalunya 1e éd, Barcelone, Edicions 62, 1992 74. Article 1 de l’Estatut du FC Barcelone en 1921. Voir annexe 8
![Page 28: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/28.jpg)
28
aguixa »75. Ce jour-là, Gamper est réinvesti en tant que président du FC Barcelone et cette
phrase confirme sa position politique du choix de la langue catalane. Ainsi, la langue catalane
est le point départ de l’affirmation politique du club, qui va lui permettre de s’insérer pleinement
dans la société catalane. Ce militantisme politique va s’accentuer rapidement.
En effet, un autre fait très important est à souligner, le 11 novembre 1918, jour de la
Diada : le FC Barcelone affirme symboliquement son soutien à la Mancomunidad. Il s’agit d’un
organisme régional fondé en 1914, qui est plus précisément d’après l’historien catalan Jaume
Sobrequés I Callico, « un organisme qui gérera d’importants services en réunissant, sous une
seule administration, les quatre diputations provinciales de Barcelone, Tarragone, Lérida et
Gérone »76. Elle n’a pas de marge de manœuvre politique mais est un symbole fondamental de
la Catalogne en tant que territoire unifié.
En plus de soutenir les institutions culturelles catalanes, le Barça soutient publiquement
les conseillers municipaux de la Lliga Regionalista engagés en faveur de l’autonomie de la
Catalogne. En effet, par l’intermédiaire du Veu de Catalunya (journal ouvertement catalaniste
puisque ce sont des membres de Lliga Regionalista qui le gèrent), dans un article datant du 25
novembre 1918, le club exprime publiquement et ouvertement sa position politique en affirmant
« adhérer officiellement, et par écrit, à la pétition d’autonomie faite par les municipalités de
Catalogne »77. Ainsi, le club peut s’exprimer directement dans le journal de façon à toucher
l’ensemble de la société catalane et affirmer officiellement sa participation à la campagne pour
l’autonomie de la Catalogne, dirigée par Francesc Cambo. En outre, le Barça assume son
militantisme catalaniste en dehors même de la presse : dans la rue.
Le catalanisme étant avant tout un mouvement culturel, se considérer comme catalaniste
engage la participation aux fêtes populaires catalanes. L’exemple le plus marquant est celui de
la présence du FC Barcelone à la Diada de 1919. La Diada est la fête la plus importante en
Catalogne et est considérée comme un symbole national selon l’article 8.1 du Statut
d’Autonomie de 2006. Depuis 1886, elle est célébrée le 11 septembre et est un jour férié. Elle
commémore la défaite des Catalans face aux Bourbons lors de la Guerre de Succession
d’Espagne (1702 à 1714), une déconvenue survenue le 11 septembre 1714.78 De ce moment-là,
les Bourbons font disparaître les institutions politiques catalanes et la langue espagnole est
75. Livre des actes (1916-mai 1919) 76. Jaume SOBREQUES I CALLICO, Histoire de la Catalogne, op.cit 77. Voir annexe 9 78. Michel, Marie-Claire ZIMMERMANN, Histoire de la Catalogne, Paris, PUF, 1997
![Page 29: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/29.jpg)
29
imposée au détriment du catalan. Ainsi, cette fête est très importante en Catalogne, et y
participer est évidemment une évidence pour n’importe quel catalan qui se remémore son
histoire.
Traditionnellement, à chaque 11 septembre, les gens déposent des fleurs sur la tombe
de Rafael Casanova, dernier chef des conseillers des Cent. Il a été le chef armé des forces
catalanes contre les troupes Bourbons pendant la Guerre de Succession en 1713 et 171479. Les
gens viennent se recueillir sur sa tombe pour rappeler la fierté des troupes catalanes contre les
Bourbons.
Ce 11 septembre 1919, les dirigeants déposent sur la tombe de Rafael Casanova, en
offrande, une composition florale en forme d’écusson du club80 : par ce geste commémoratif
hautement symbolique, le Barça amplifie ses liens avec le catalanisme et la communauté
catalane. D’autant que c’est la première fois que l’institution sportive catalane prend part à la
Diada. C’est avant tout s’inscrire dans la mémoire de ceux qui se sont battus pour garder la
liberté de la Catalogne. Ce n’est pas un hasard si les hommages en faveur de Rafael Casanova
furent interdits sous la dictature de Primo de Rivera.
Le Barça continue alors de s’afficher comme la référence culturelle sportive de la
Catalogne par sa présence à différentes fêtes catalanes et son implication dans des rituels
chargés d’entretenir une mémoire fondatrice de l’identité. Il est à que lors de cette Diada de
1919, le Barça est la seule institution sportive à déposer des fleurs devant la statue de Casanova.
Le FC Barcelone, par l’intermédiaire de ses socios, prend de plus en plus de place au
sein de la société, et peut être considéré comme un chef de file grâce à ses excellents résultats
sportifs. Entre 1917 et 1923, le Barça connaît son premier âge d’or : 2 Coupes nationales et 4
championnats de Catalognes remportés consécutivement (de 1919 à 1923), sous la houlette de
Jack Greenwell, le premier entraîneur rémunéré au sein du club81.
Ainsi, dans un contexte sportif particulièrement florissant, avec des activités qui le
mettent en lien, à la fois avec les partis politiques et la société de toute la région catalane, le
Barça peut prétendre au titre de chef de file de la Catalogne. Cependant, les positions politiques
79. Joan CREXELL I PLAYA, El Monument a Rafael Casanova, Barcelone, Ed. El Llamp, 1985. 80. Voir annexe 10 81. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit
![Page 30: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/30.jpg)
30
du Barça évoluent-elles, en particulier pendant la dictature qui réprime toute apologie du
régionalisme ? Sont-elles plus fortes ou en retrait ?
![Page 31: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/31.jpg)
31
2-) Un lien privilégié avec la Catalogne
Le FC Barcelone n’est pas seulement le représentant d’une ville mais de toute une région
dont certains la considèrent comme un pays. A l’image de sa participation à la fête nationale
catalane du 11 septembre ou de son soutien au statut d’autonomie, le club est lié à sa région
avec laquelle il entretient une relation particulière.
Evidemment, cela passe par la conservation et la perpétuation de l’identité du club à
laquelle les habitants de ces terres adhèrent. Ricard Graells, le 26 juin 1919, confirme la position
identitaire du club, comme on peut le voir dans le livre des actes : « L’actual junta fa constar
el seu term proposit de seguir l’orientacio que la antecedora amb tan acert ha dignat al club
per tots concepte, refermant, si cap, la catalanitat »82.
Les socios, faisant partie intégrante, au-delà de Barcelone, de la société catalane, ont
influencé le club par leurs positions politiques, et les relations entre le club et la région en elle-
même se sont intensifiées. Ainsi, tant que le club est entre les mains d’un catalaniste, c’est-à-
dire jusqu’en 1925 après l’affaire de la Marcha Real, il reste officiellement catalaniste. Et ça,
c’est indispensable pour entretenir sa relation avec le peuple, et assurer ce soutien populaire si
important, qui est aussi une source de revenus non négligeable pour le club (par exemple, la
billetterie du stade). Cette identité à laquelle le public peut s’identifier permet une véritable
relation, qui aura toute son importance à partir de la dictature de Primo de Rivera.
Afin de développer sa relation avec l’ensemble de la Catalogne, le club n’hésite pas à
récompenser les Catalans qui se sont illustrés pendant la première guerre mondiale. Le 13
novembre 1924, sous le mandat de Gamper : « Contribuir con cien pesetas a la subscripcion
iniciada por el consulado de Francia (…) en Barcelona para los soldados catalanes muertos
en la guerre »83.
On peut constater dans un premier temps que le Barça, en grand frère, souhaite rendre
hommage à ses « martyrs » qui ont participé à la Première Guerre Mondiale, comme l’exécutif
d’un Etat. Si on se fie aux valeurs du club, ces soldats ont pu être des socios et sont en quelque
sorte des « frères » catalans, puisque le club, comme ceux qui le représentent, et les autres
habitants de ce même territoire, partagent une histoire et un avenir commun. Le fait d’avoir
82. Livre des Actes (juin 1919-mai 1921) 83. Livre des Actes (octobre 1923-mai 1926)
![Page 32: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/32.jpg)
32
représenté la Catalogne sur un champ bataille est glorieux et le Barça joue son rôle – un rôle
politique – de chef de file de la Catalogne en récompensant les « martyrs ».
Deuxièmement, le club assume ce rôle jusqu’au bout en faisant une contribution
financière au consulat de France. En effet, la Catalogne a contribué à la victoire des alliés. Une
bonne partie des Catalans est francophile, et a formé une légion catalane qui comptait entre
12 000 et 15 000 volontaires84. Seuls 3000 ont survécu. La relation entre la France et la
Catalogne est forte pendant la guerre. Par exemple, il y a des actions de soutien en Catalogne,
comme à Barcelone en juin 1918 où un comité est chargé d’accueillir des orphelins de guerre
français85. Le 11 novembre 1918, des télégrammes et des lettres de félicitations arrivent dans
le Roussillon de la part des Catalans depuis Barcelone86. Bien qu’après la guerre, les relations
entre Français et Catalans se soient détériorées (la Catalogne souhaitait rattacher le Roussillon
à son territoire, ce qu’a refusé la France qui a en plus interdit aux généraux catalans de prendre
part au défilé de la victoire), la France et la Catalogne restent liées.
Ainsi, dans cette situation, on constate que le FC Barcelone mène des actions de
« relations internationales » au nom de la Catalogne. Ses dirigeants font du Barça une sorte de
diplomate au service d’une région qui cherche son autonomie, tout du moins qui incite ses
habitants à se reconnaître comme peuple. D’ailleurs, à la fin de la guerre, les volontaires
catalans envoient une lettre au président Wilson, datant du 30 novembre 1918. Ils demandent
directement au président américain, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, une
reconnaissance de la Catalogne et qu’elle puisse accéder à la Société des Nations87.
Le FC Barcelone veille à encourager la cohésion du peuple catalan par sa politique
sportive également.
Depuis l’année 1904, une sélection catalane existe. Elle est censée regrouper tous les
meilleurs joueurs natifs de la Catalogne. Toutefois, les rencontres qu’elle dispute ne sont pas
officielles puisque la Catalogne n’est pas reconnue par la FIFA. Contrôlée seulement par la
Fédération Catalane de Football, elle ne peut ainsi pas prendre part à des compétitions
internationales, bien que la Coupe du Monde n’arrive qu’en 1930, tandis que le Championnat
84. Michel BOUILLE, Claude COLOMER, Histoire des Catalans, op.cit 85. Ibid 86. Ibid 87. Ibid
![Page 33: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/33.jpg)
33
d’Europe verra le jour à partir de 1960. Cependant, un match joué par l’équipe de Catalogne est
toujours spécial : l’enjeu symbolique y prend le pas sur l’enjeu sportif.
Entre 1917 et 1930, la sélection catalane dispute 56 matchs. Dans le bulletin officiel du
club en 1921, on peut retrouver dans l’historique des communications du club, plus précisément
dans l’index de correspondance du mois février, un échange avec Lluis Arnalot le 28 janvier
1921 sur « la constitution de l’équipe de Catalogne »88. Cet élément peut laisser penser que le
Barça joue un rôle prépondérant dans la construction de la sélection catalane.
Observons de plus près les joueurs membres alignés par cette sélection catalane dès le
coup d’envoi des différents matchs. En 1917, se déroule la IIIème édition de la « Coupe du
Prince des Asturies de football ». C’est une compétition entre des équipes représentant leur
propre fédération régionale. Parmi les participants, il y a la Catalogne, la Castille, et les
Asturies. La Catalogne livre son premier match face à la sélection castillane, le 10 mai 1917.
Sur le onze de départ, on relève quatre « culés »89 du FC Barcelone : le portier Lluis Bru, Josep
Costa i Faura, Francesc Vinyals et Vicenç Martinez. Lors de la rencontre suivante, face aux
Asturiens, le même jour, les protagonistes déjà sollicités sont mis au repos90. Seul Sancho
représente le Barça, y compris lors de l’ultime match, de nouveau face aux madrilènes, cinq
jours plus tard. Néanmoins, si les autres joueurs jouent pour un autre club, certains ont porté le
maillot Blaugrana (Aramburo, Gabriel Bau et Francesc Armet), et d’autres iront jouer au Barça
par la suite (Artur Cella et Josep Gumbau). Quelques mois plus tard, le 14 octobre 1917,
nouveau match de la sélection catalane, en amical, contre la Castille, où cinq joueurs côté
catalan sont en train d’évoluer (Gumbau, Bru, Costa et Vinyals rentré en cours de jeu) sous les
couleurs du Barça91.
Le 25 mai 1919, un match symbolique a lieu entre la sélection catalane et le FC
Barcelone. A l’issue de la saison 1918-1919, les hommes de Jack Greenwell remportent le
Campeonato de Catalogne, et pour leur rendre hommage, un match amical entre les deux
équipes est organisé92. On remarque que du côté de l’équipe de Catalogne, aucun joueur de
88. Bulletin officiel du club (1921). Voir annexe 11 89. Surnom donné aux joueurs et supporters du FC Barcelone. Pour l’origine de ce surnom, voir page 77. 90. Article de Mundo Deportivo en ligne (mardi 15 mai 1915) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1917/05/15/pagina-4/605778/pdf.html#&mode=fullScreen 91. Article de Mundo Deportivo en ligne (mardi 16 octobre 1917) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1917/10/16/pagina-1/1368848/pdf.html#&mode=fullScreen 92. Article de Mundo Deportivo en ligne (jeudi 29 mai 1919) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1919/05/29/pagina-4/617504/pdf.html#&mode=fullScreen
![Page 34: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/34.jpg)
34
l’Espanyol Barcelone, l’équipe rivale du Barça, ne prend part à cette rencontre. Tant au niveau
sportif que culturel, la Catalogne semble choisir définitivement son camp, et accorder une
importance accrue au Barça.
Puis, à partir de 1920, la sélection espagnole est fondée dans le but de participer aux
Jeux Olympiques d’Anvers. Cela a une influence directe sur l’Equipe de Catalogne. Selon
Antoni Closa, auteur de l’ouvrage Selecció catalana de futbol. Nou dècades d'història : « Les
années 20 sont l’âge d’or de la sélection catalane car elle va disputer plus de championnats
d’Etats, et la sélection va faire plus de tournées européennes dans des pays comme la Suisse
ou la Turquie »93. C’est à partir de ce moment que cette sélection régionale prend plus
d’importance, et va au-delà du symbolique au niveau politique et culturel, d’autant plus que
certains Barcelonais comme Zamora ou Samitier contribuent à la médaille d’argent obtenue par
l’Espagne aux Jeux Olympiques d’Anvers. Cette sélection a le devoir de représenter tout un
peuple au niveau international, à un moment où il y a la volonté de poser la question catalane
dans les bureaux de la SDN.
Sept matchs sont joués par la sélection catalane lors de la période 1920-1921. Le 31
janvier et le 1er février 1920, la Catalogne affronte la Biscaye, une province Basque. Parmi les
« culés », Josep Samitier, Ricardo Zamora et Galicia ont participé à la double-confrontation, et
Paulino Alcantara a été titulaire lors de la deuxième rencontre. De plus, ces rencontres contre
la Biscaye ont suscité un véritable intérêt chez les Catalans. En effet, un article de Mundo
Deportivo relaie : pour des supporters « habitués au lamentable championnat, témoins de
matchs médiocres, antisportifs pour beaucoup d’entre eux, les deux matchs interrégionaux qui
se sont joués ces jours-ci ont constitué un véritable événement, l’exhibition d’un jeu vrai ».94
Puis, les 6 et 9 février 1921, face à la sélection du Sud-Ouest français, six joueurs du
Barça, puis cinq (Josep Samitier est préservé) sont titulaires avec la Catalogne. Par ailleurs, « le
valet de la Mancomunitat, monsieur Utrillo95 » avec « le vice-consul de France » ont observé
le match depuis les tribunes du stade96. Deux mois plus tard (les 3 et 4 avril 1921), Zamora,
93. Antoni CLOSA, Jaume RIUS, Selecció Catalana de Fútbol : Nou dècades d'història, op.cit
94. Article de Mundo Deportivo en ligne (jeudi 5 février 1920) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1920/02/05/pagina-2/1381764/pdf.html#&mode=fullScreen 95. Ingénieur, peintre et décorateur, Miquel Utrillo est une personnalité importante de Barcelone. Il a été un des directeurs artistiques de l’Exposition Universelle de Barcelone en 1929. 96. Article de Mundo Deportivo en ligne (jeudi 10 février 1921) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1921/02/10/pagina-1/615658/pdf.html#&mode=fullScreen
![Page 35: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/35.jpg)
35
Vinyals et Gracia débutent les matchs face à la Provence97. Toujours la même année, au-delà
de l’aspect sportif et culturel, la Catalogne participe à un match de charité face… au FC
Barcelone, le 4 septembre98. Le but était de récolter de l’argent qui irait aux victimes de la
guerre du Maroc, 2 mois seulement après le désastre d’Anoual qui a vu les troupes espagnoles
défaites par celles d’Abdelkrim. On peut aussi retrouver une nouvelle confrontation entre
Blaugranas et la sélection catalane le 25 février 1923, dans le but de rendre un hommage
« éminemment populaire » à Joan Gamper, fondateur du club et lié à la Catalogne99. C’est un
nouvel exemple concret de la relation privilégiée entre le Barça et l’équipe de Catalogne.
Entre 1922 et 1924, la plupart des rencontres opposent la Catalogne à d’autres régions
(Castille, Asturies) ou des clubs locaux. Par exemple, face à Badalona, le 24 février 1924100.
C’est un match symbolique car il rend hommage à Gabriel Bau, qui vient de raccrocher les
crampons. Il a joué à Badalona et au FC Barcelone. Lors de cette rencontre, cinq Barcelonais
jouent sous la tunique catalane : Torralba, Vicenç Martinez, Gracia, Alcantara et Sagi Linan,
des habitués de la sélection catalane. Ainsi, le Barça, par l’intermédiaire de ses joueurs,
participe déjà à l’émergence sociale et culturelle de cette sélection dans des contextes divers.
Surtout, il faut relever une date très importante : le 13 mars 1924. Aux Corts, fief du FC
Barcelone, la sélection catalane affronte pour la première fois de son histoire la sélection
espagnole, ce qui signifie l’importance qu’a pris la Catalogne au niveau sportif. L’équipe
nationale espagnole est accueillie sous les sifflets des locaux, bien qu’elle compte dans ses rangs
des habitués de la sélection catalane comme Samitier, Zabala, Piera, et Zamora, deux d’entre
eux (Samitier et Piera) jouant encore au FC Barcelone. Néanmoins, la Catalogne peut compter
sur quatre Barcelonais : Carulla, Sancho, Alcantara et Sagi-Barba, même s’ils vont se faire
corriger par leur adversaire, 7-0101.
Le Barça qui a déjà un lien étroit avec sa région, va donc contribuer à l’émergence de la
Catalogne au niveau international, par le biais de cette sélection qui tend à prendre une réelle
importance. En effet, dans les matchs qui ont lieu entre 1925 et 1927, la Catalogne affronte plus
97. Article de Mundo Deportivo en ligne (jeudi 7 avril 1921) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1921/04/07/pagina-2/616068/pdf.html#&mode=fullScreen 98. Article de La Vanguardia en ligne (mardi 6 septembre 1921) : http://hemeroteca.lavanguardia.com/preview/1921/09/06/pagina-9/33293478/pdf.html 99. Article de Mundo Deportivo en ligne (lundi 26 février 1923) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1923/02/26/pagina-1/614769/pdf.html#&mode=fullScreen 100. Article de Mundo Deportivo en ligne (lundi 25 février 1924) http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1924/02/25/pagina-2/605624/pdf.html#&mode=fullScreen 101. Article de Mundo Deportivo en ligne (vendredi 14 mars 1924) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1924/03/14/pagina-2/605658/pdf.html#&mode=fullScreen
![Page 36: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/36.jpg)
36
d’équipes étrangères. Ses adversaires sont français (Paris, sélection du Sud-Est), belge
(sélection de Bruxelles), gallois (FC Swansea), tchécoslovaque (sélection nationale) et même
sud-américains comme le club chilien de Colo Colo. En observant de plus près l’équipe catalane
alignée au coup d’envoi, on observe au minimum toujours deux joueurs qui jouent au Barça, et
un onze catalan pouvant compter cinq joueurs – voire six contre Colo Colo le 9 juin 1927102 –
évoluant au FC Barcelone.
Enfin, entre 1928 et 1930, la Catalogne joue encore contre des équipes internationales
(par exemple le 20 mai 1929 face à Bolton, club anglais) et également locales, comme
Badalona, Sants, Martinenc ou Gracia. Les équipes interrégionales ont toujours droit à leur
match habituel (Pays Basque, Castille). Le 12 mai 1929, le Barça et la sélection catalane jouent
l’un contre l’autre, là-encore, pour rendre hommage à un joueur : Lluis Bru103. De nombreux
joueurs du FC Barcelone ce jour-là ont défendu les couleurs Rouge et Bleu plutôt que les Rouge
et Jaune. Parmi eux se trouvent des pionniers comme Samitier, Piera ou Sagi-Barba. Sur
l’ensemble des rencontres, le nombre de titulaires catalans venant du FC Barcelone peut aller
de un à cinq.
En dehors de la sélection catalane, le FC Barcelone a déjà exprimé officiellement ses
sentiments nationalistes en faveur de la Catalogne. Dans le bulletin officiel de 1921, plus
précisément dans un article intitulé El president de Catalunya al nostre camp, le Barça assume
totalement son attachement à la Catalogne. C’est à l’occasion des matchs opposant la Catalogne
à la sélection du Sud-Ouest (les 6 et 9 février 1921). Dans ce passage, la consonance nationaliste
est flagrante : « C’était un bel évènement qu’on a consigné avec une grande satisfaction, comme
augure de l’unanimité avec laquelle notre Catalogne avancera dans toutes les grandes
manifestations victorieuses ; et en ce sens, nous avons entendu de Monsieur le Président104, des
phrases flatteuses sur le sport »105.
La gratitude du club pour Puig i Cadafalch, président de la Mancomunitat est la preuve
que le Barça entretient un rapport la fois amical et professionnel avec les grandes peronnalités
insitutionnelles. De plus, les Blaugranas semblent se réjouir du développement du sport catalan,
dans le sillage du mouvement catalaniste.
102. Article de Mundo Deportivo en ligne (vendredi 10 juin 1927) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1927/06/10/pagina-3/616830/pdf.html#&mode=fullScreen 103. Article de Mundo Deportivo en ligne (lundi 13 mai 1929) http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1929/05/13/pagina-3/615209/pdf.html#&mode=fullScreen 104 Référence à Puig i Cadafalch, président de la Mancomunitat 105 Bulletin officiel du club (1921). Voir annexe 12
![Page 37: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/37.jpg)
37
Ainsi, le FC Barcelone un fournisseur important de la sélection catalane sportivement
et culturellement, ce qui prouve qu’il est une mini sélection nationale catalane. De plus, le FC
Barcelone semble vouloir assumer le rôle de « leader » de la Catalogne au niveau sportif, faire
prospérer le football en Catalogne.
Avec une telle influence, jusqu’à contribuer à la prospérité d’une sélection catalane,
quelle est la place du FC Barcelone dans la société ? Quelles sont ses relations avec les partis
politiques ? Avec les journalistes ? Est-il la référence de la Catalogne ?
![Page 38: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/38.jpg)
38
Chapitre 3 – Les relations politiques et sociales entretenues par le FC
Barcelone
1-) Les liens du FC Barcelone avec de hautes personnalités
Il est important de savoir si l’influence du Barça, en dehors du football, est réelle. Ainsi,
nous allons voir, par les biais du livre des actes, les relations du club en dehors de l’aspect
sportif. Néanmoins, nous n’avons d’informations que pour la période située entre 1917 et 1921,
car durant toute la décennie, surtout pendant la dictature, les livres des actes livrent peu
d’informations ou elles sont illisibles.
Comme cela a été démontré dans la dernière sous-partie ci-dessus, le football provoque
des sentiments d’identification nationale et locale, c’est-à-dire, que le local peut aller jusqu’à
prendre une connotation nationaliste. Alors, les expressions identitaires se voient lors des
matchs, des mouvements de supporters mais aussi des relations entre le club (le Barça en
l’occurrence), l’administration régionale et les forces politiques.106
Sociologiquement, des tableaux décrivent les liens entre les forces politiques catalanes
et le club. En 2007, 84% et 93% des électeurs du CIU107 et ERC108 sont supporters du Barça.109
Toutefois, il n’y a pas de rapport direct entre l’administration du club et les politiques. Par
exemple, le CIU n’a aucune influence directe sur le club contrairement au PNV110 avec
l’Athletic Bilbao.
Toutefois, et c’est ce que l’on va observer, la relation entre le club et les formations
politiques de l’époque, assimilées à la société, va au-delà du symbolique, comme le soutien du
Barça, évoqué déjà dans le premier chapitre, à la campagne de Lliga Regionalista pour
106 Michaël ATTALI, Natalia BAZOGUE, Diriger le sport: perspectives sur la gouvernance du sport du XXe siècle à nos jours, Paris, CNRS Alpha, 2012
107. C’est le parti « Convergence et Union », un mouvement indépendantiste catalan de droite, présidé par Artur Mas. 108. Il s’agit d’« Esquerra Republicana », un parti plutôt orienté à gauche, qui souhaite aussi l’indépendance de la Catalogne. 109 Michaël ATTALI, Natalia BAZOGUE, Diriger le sport: perspectives sur la gouvernance du sport du XXe siècle à nos jours, op.cit 110. Le Parti Nationaliste Basque est classé au centre-droit. Il souhaite la reconnaissance d’une nation Basque, intégrée dans l’Union Européenne.
![Page 39: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/39.jpg)
39
l’autonomie en 1918, ou pendant la Seconde République, son soutien au Statut d’Autonomie
de 1932.
Est-ce que le club a des intérêts à faire valoir avec les classes politiques pour affirmer
sa notoriété ?
Pour notre période, on peut déjà citer un exemple de relation entre le club et un
responsable politique. D’après l’acte du 8 novembre 1917, le club a reçu un télégramme d’un
certain Juan Ventosa.111 Diplômé en Droit et faisant partie des fondateurs de Lliga Regionalista
avec Francesc Cambo dont il est très proche, cet homme, natif de Barcelone, est très actif dans
la vie politique espagnole entre 1917 et 1923. Il est ministre des Finances sous la houlette du
gouvernement de concentration dirigé par Manuel Garcia Prieto (plutôt libéral), à partir du 3
novembre 1917112. Il quitte son poste le 2 mars 1918.
Ainsi, à peine cinq jours après son investiture, le ministre des Finances a des rapports
directs avec le club, bien qu’il n’y ait aucune information sur le contenu de ces échanges. A
cause de ses liens avec Lliga Regionalista et de sa ville d’origine, est-ce que Ventosa souhaite
apporter de l’aide au club ou l’utiliser comme un soutien politique ? Est-ce qu’il y a carrément
des liens directs entre le FC Barcelone et le gouvernement de concentration, en particulier sur
le plan économique ?
Dans l’acte du 21 novembre 1917, on peut lire : « Aprova la instancia que les societats
deportivas elevan al Ministre d’Hisenda pera que originin excluides de l’impest amb que’s
preten perjudicartes en concepte d’industrials ».113
Par le biais du ministère des finances, dirigé donc par ce même Ventosa, les « sociétés
sportives », y compris catalanes sont exonérées d’impôts. A cette époque-là, les clubs de
football sont considérés comme des industries et sont taxés. Alors, la décision politique menée
par Ventosa est favorable à la fois au club et à la Catalogne elle-même dans ses intérêts
économiques. Cela prouve véritablement que, par l’intermédiaire d’un membre de Lliga
Regionalista lié au gouvernement espagnol, le club est impliqué indirectement politiquement,
économiquement et socialement au sein du territoire catalan.
111. Livre des Actes (1916–mai 1919) 112. RULL SABATER Alberto, Diccionario sucinto de Ministros de Hacienda (s.XIX-XX), Instituto de Estudios Fiscales, Madrid, 1991
113. Livre des Actes (1916-mai 1919)
![Page 40: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/40.jpg)
40
D’après les actions du ministère des Finances, il ne serait pas absurde d’imaginer de
possibles arrangements financiers en faveur du club grâce au statut de Ventosa et aux liens qu’il
peut avoir avec le club, par l’intermédiaire de ses relations politiques locales. En effet, c’est à
partir de la saison 1917-1918, que le Barça engage son premier entraîneur rémunéré à temps
plein, Jack Greenwell114. C’est sous ses ordres que le Barça connaît son premier âge d’or, entre
1917 et 1924, avec les premières stars sportives de l’époque, dont certaines payées par le club,
comme Josep Samitier ou Ricardo Zamora.115
Le FC Barcelone reste toujours attaché à Lliga Regionalista, et n’hésite pas féliciter un
de ses membres, lors des élections générales de 1918. Dans l’acte du 25 février 1918 : « a n’en
Gaspar Rosés per seu triomf en les eleccions de disputats acords »116. Le 24 février 1918 se
sont déroulées les élections générales d’Espagne, des élections provoquées par la triple crise de
1917. Rosés est élu effectivement député dans le district de Arenys de Mar, en représentant
Lliga Regionalista, dirigé par Francesc Cambo, qui a obtenu 21 sièges. Le club ne manque pas
de féliciter son ancien président, tête d’affiche d’un parti politique dont le club approuve
l’idéologie et l’applique au sein de l’institution sportive, comme on a pu l’analyser
précédemment.
Pour assurer ses relations, le club distribue de nombreuses médailles en reconnaissance
des individus qu’il récompense, ce qui montre que le club fonctionne comme une véritable
institution, récompensant les personnes proche. Par exemple durant l’année 1918, le président
de la Fédération catalane reçoit une récompense de la part du club. On peut également cerner
la joie du FC Barcelone concernant une production journalistique réalisée par Josep Elias i
Juncosa au profit du club, en 1919 : « carta de felicitacio a Elias Juncosa, acompanyada d’una
medalla que li dedica el club, per l’article publicat a la Veu, i com recort del Barcelona per la
seva labor de tota la vida en pro del sport »117.
Ces remerciements ne se limitent pas à ce fameux article publié dans la Veu de
Catalunya. En effet, son auteur, Josep Elias i Juncosa, a des liens avec le catalanisme politique.
Il est journaliste mais surtout, un promoteur important du sport catalan.
114. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit
115. Guillem BALAGUE, Barça : l’Histoire illustrée du FC Barcelone, op.cit 116. Livre des Actes (1916-mai 1919) 117. Acte du 24 février 1919 (Livre des Actes de 1916 à mai 1919)
![Page 41: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/41.jpg)
41
En plus d’avoir été le responsable de la section sport du journal la Veu de Catalunya, à
partir de 1899, il est également membre de divers organismes sportifs notamment dans le
cyclisme, la gymnastique, le tennis, les sports maritimes et le football118. Il est aux premières
loges de la Confédération Sportive de Catalogne, dès sa fondation en 1922119.
Soutien de Lliga Regionalista, très bon ami d’Enric Prat de la Riba et Francesc Cambo,
il a participé à l’élaboration de la candidature de Barcelone pour l’organisation des Jeux
Olympiques 1924. Enfin, Josep Elias i Juncosa, totalement dévoué au développement du sport
en Catalogne, écrit des ouvrages sur le sport. L’un de ses livres détient un autre élément qui
peut supposer qu’il y a une relation étroite entre le club et lui. En effet, sur la page de couverture
de son ouvrage Football asociacion, publié en 1914, on peut constater que la préface a été
rédigée par… Joan Gamper, le fondateur du club120 !
Ainsi, toutes les données sur cet individu, retrouvées dans un article d’une revue de
médecine écrit par un certain Dr. R. Balius Juli, grand pionnier de la médecine du sport en
Espagne, prouvent que le FC Barcelone a des liens privilégiés avec des hommes d’influence.
Pour diffuser son prestige sportif et ses idées politiques, le club sait très bien qu’il a besoin de
relais et de partenaires, et ses distributions de médailles sont indispensables pour entretenir une
relation en quelque sorte « traditionnelle » avec des individus étant sur les mêmes positions
politiques et sportives.
Le rapport avec le territoire catalan est un élément capital. En effet, il est important de
se pencher sur la relation avec les plus hauts personnages de l’administration catalane. Selon
l’article intitulé El president de Catalunya al nostre camp, publié dans le bulletin officiel du
club en février-mars 1921, le président de la Mancomunitat, Puig i Cadafalch, membre de la
Lliga Regionalista, assure sa présence pour les deux matchs opposant la Catalogne à une
sélection du Sud-Ouest, qui représente la France. Les matchs se sont déroulés le 6 et 9 février
1921.
Les politiques se servent des événements sportifs pour se montrer et s’afficher, en
soutenant officiellement le mouvement. En effet, « Lors de son apparition, l’illustre Puig i
118. Juli R.BALIUS, Josep Elias i Juncosa : Corredisses, Apunts : educacio fisica i medicina esportiva, vol. 19, n°75, septembre 1982
119. Enciclopèdia de l'Esport Català, Barcelona, Enciclopèdia catalana, 2012.
120. Voir annexe 13
![Page 42: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/42.jpg)
42
Cadafalch, fut accueilli par une grande ovation… »121. Dans cet article, on constate qu’aux
Corts, fief du Barça où s’est déroulé la première confrontation, le président de la Mancomunitat
est soutenu et est donc populaire. De plus, « est arrivé aussi le député Monsieur Ràfols122 (…),
les Monsieurs du Conseil et d’autres personnalités »123. Le stade du FC Barcelone, lors d’une
rencontre interrégionale est donc un lieu où les personnalités du club, des employés de
l’administration catalane ou des députés catalanistes se côtoient.
Tous ces noms que l’on retrouve dans le livre des actes, entre 1917 et 1923, démontrent
bien que publiquement, la relation entre dirigeants et membres ou sympathisants des
mouvements catalanistes est très forte et solennelle. Chacun apporte son influence à l’autre.
Néanmoins, à partir de l’arrivée de Primo de Rivera, nous n’avons pas vraiment d’éléments
permettant de démontrer si le lien FC Barcelone-Lliga Regionalista ou autre force catalaniste
est aussi fort qu’entre 1917 et 1923.
Toutefois, nous pouvons supposer qu’entre 1923 et 1930, le dialogue entre l’institution
sportive et les partis politiques reste fort. Un exemple, le 16 décembre 1927, le club accepte
l’offre d’un nouveau local social qui se situe dans la Via Laietena : tout l’immeuble était la
propriété du leader de Lliga Regionalista, Francesc Cambo124. Ce dernier était socio du club
depuis le 19 décembre 1925, quelques mois après le scandale de la Marcha Real.
Toutefois, est-ce qu’il y avait des relations entre le club et la Monarchie avant l’arrivée
de Primo de Rivera ? Est-ce que la Monarchie voit d’un bon œil cette affirmation culturelle,
prônée par le FC Barcelone ?
121 Bulletin officiel du club (1921). Voir annexe 12 122. Ràfols est affilié au parti politique catalaniste Lliga Regionalista. 123. Bulletin officiel du club (1921). Voir annexe 12 124. Manuel TOMAS, Frédéric PORTA, Barça inédito : 800 historias de la Historia, Barcelone, Corner 2016
![Page 43: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/43.jpg)
43
2-) Des échanges avec la Monarchie ?
A ces questions posées précédemment il est difficile de répondre puisqu’il y a peu de
traces. Mais par le biais du livre des Actes, on peut discerner un possible échange entre des
dirigeants du FC Barcelone, et le monarque Alphonse XIII lui-même.
L’information provient de nouveau du Livre des Actes. Elle a été écrite le 2 novembre
1919 : « El Sr. Marcet dona compte de l’entrevista amb el president del Alfons XIII de Palma
(aprofitant un viatje de caracter particular a Mallorca). I fan constar amb guest, les seves
gestions satisfactiones en bé de les … entitats »125. Les deux clubs concernés évoluent dans le
Campeonato de Catalunya (même si le club basé à Palma évolue en seconde division) et le club
de Majorque évolue sous le nom de Real Sociedad Alfonso XIII Foot-ball club. Ce club est-il
contrôlé par la Monarchie ?
Dès sa fondation, officiellement le 6 mars 1916, le club situé dans les Îles Baléares porte
le nom du monarque : « Reunidos en Palma los senores don Adolfo Vasquez Humasqué, don
Antonio Moner, don Rafael Gonzalez, don Alberto Elvira, don Joaquin Mascaro y don
Fernando Pinillos, el 27 de febrero de 1916, acordaron fundar una sociedad de football que
ha de denominarse Alfonso XIII FBC »126. Le Alfonso XIII Foot-ball club intègre le
Campeonato de Catalunya à partir de 1917.
Toutefois, la dénomination de ce club, qui s’est appelé Alfonso XIII Foot-ball club puis
Real Sociedad Alfonso XIII Foot-ball club, est modifiée une nouvelle fois dès l’instauration de
la Seconde République. Il prend le nom de Club Deportivo Mallorca. Ainsi, ce club, basé à
Majorque, est sous la tutelle de la Monarchie entre 1916 et 1931, et un échange entre des
dirigeants du Barça et de Majorque suggère des préoccupations autres que sportives
En tout cas, l’acte du 2 novembre 1919 nous apprend qu’il y a bien eu un contact réel et
concret entre le roi Alphonse XIII et des dirigeants du FC Barcelone. Deux hypothèses peuvent
être mises en avant sur la nature des discussions.
D’abord, pour des raisons sportives. En effet, il est possible qu’il y ait des liens établis
entre les deux clubs, qui de par par leur localisation géographique, présentent des points
communs sur le plan culturel. D’autre part, le Campo de Buenos Aires, premier stade des
125 Livre des actes (juin 1919-mai 1921) 126 Acte de la fondation du club « Alfonso XIII Foot-ball », en février-mars 1916
![Page 44: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/44.jpg)
44
Majorquins, a été inauguré l’année même de sa fondation, face à l’équipe réserve du FC
Barcelone. Le club d’Alphonse XIII peut demander de l’aide au niveau sportif et financier au
Barça, plus structuré et puissant, tandis que les Blaugranas peuvent en profiter pour mettre en
place l’influence catalaniste dans les Îles Baléares, où le catalan est aussi pratiqué.
Puis, la deuxième nature des discussions entre Barça et Monarchie peut être d’ordre
politique. En novembre 1919, l’organisation politique en Espagne, par le biais d’un régime
parlementaire, est très fragile, et le changement de gouvernement est régulier. Surtout, cela
profite au « catalanisme », un « courant culturel et idéologique qui vise à promouvoir l’identité
nationale catalane et à défendre les intérêts de la Catalogne. »127, soutenu par le FC Barcelone.
Ce contexte particulier fait qu’on peut supposer que les relations entre le club et la Monarchie
sont plus régulières. L’acte du 1er décembre 1919 est un sérieux indice de la fréquence de ces
relations : « se llegueixen els seguents documents ; del Alfons XIII de Palma ».
En revanche, la Monarchie est centralisatrice et logiquement, elle est hostile au
catalanisme. Pour faire face à cette percée du régionalisme, en pleine « crise de la
monarchie »128, l’hypothèse d’une discussion politique semble crédible. Néanmoins, qu’ont-ils
pu évoquer ? Le statut d’autonomie de la Catalogne réclamé par Lliga Regionalista est-il revenu
sur la table, de la part du FC Barcelone pour convaincre la Monarchie ? Y a-t-il eu des
arrangements prévus entre les deux partis concernant le développement du football catalan ?
Pour l’instant, nous n’avons aucun détail ni précision sur la portée des relations entre la
Monarchie et le FC Barcelone, même si elles étaient assurées souvent par télégramme ou lettre.
Mais dans tous les cas, pour qu’il y ait eu une rencontre physique, notamment considérée par
les dirigeants du club comme « un voyage à caractère particulier »129, c’est que la rencontre
présentait un minimum d’importance à la fois pour les intérêts du club et ceux de la Monarchie.
Enfin, à partir du 17 décembre 1925, quelques mois après le scandale de la Marcha Real,
un personnage proche de la Monarchie, Arcadi Balaguer, est aux manettes du club, après l’exil
forcé de Gamper. Il va rester à la tête du club jusqu’au 26 mars 1929. Sous sa présidence, est-
ce qu’on peut se demander si les relations entre joueurs et lui étaient bonnes ? Est-ce qu’il a
127. Alicia FERNANDEZ GARCIA, Mathieu PETITHOMME, « L’émergence du nationalisme catalan sous la Restauration bourbonienne en Espagne (1874-1931) », Parlements : revue d’histoire politique n°23 (p.177-192), 2016, consulté le 20 septembre 2016
128. Pierre VILAR, Histoire de l’Espagne, op.cit
129. Livre des actes (juin 1919-mai 1921)
![Page 45: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/45.jpg)
45
tenté de limiter l’identité catalaniste soutenue par le Barça, au profit de la Monarchie et de la
dictature de Primo de Rivera ?
Selon le livre des actes, rien ne semble indiquer qu’il y ait un changement d’habitude
dans le club, d’autant plus que l’influence de la dictature se réduit d’année en année et précipite
la Monarchie vers son tombeau. Ainsi, Balaguer n’a pas vraiment touché à l’identité du club,
mieux, il a même pu arranger certaines choses, comme réduire le temps de suspension des Corts
après le scandale de la Marcha Real.
Après avoir observé le visage politique d’un club engagé, il est nécessaire de voir un
autre aspect, lié à cet engagement politique. En effet, le Barça, en se voulant le représentant de
la ville de Barcelone et de la Catalogne, intervient dans la société et joue son rôle de leader,
comme il le fait sur le terrain.
![Page 46: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/46.jpg)
46
Partie II
-
Le FC Barcelone : un support social et culturel, au service de sa région
![Page 47: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/47.jpg)
47
Chapitre 4 – Une institution en relation étroite avec les entités sportives
locales
1-) Ses relations avec les clubs de football catalans
Maintenant que l’on connaît mieux l’esprit du club et son positionnement politique, il
faut voir quelles sont les actions réalisées par le Barça en direction du monde sportif. Avec ses
propres moyens, est-ce que cette institution sportive se veut la garante de la société catalane ?
Contribue-t-elle vraiment à l’essor du sport catalan, notamment le football ?
Ce qu’il est très important de signaler, c’est que le football tient une place très
importante sur l’ensemble du territoire catalan. Cette discipline se développe en effet dans les
grandes régions industrielles, comme le Pays Basque ou la Catalogne. Ainsi, de nombreux
ouvriers, pour se divertir, vont pratiquer le ballon rond ou assister à des matchs à partir du début
des années 1920. A la fin des années 1920, quarante-six stades de football espagnol ont une
capacité de 8000 places ou plus130. Parmi ces stades, 70% viennent de clubs affiliés à la
Fédération Catalane, du Pays Basque, des Asturies et de la région de Madrid131.
Autres données importantes, pour souligner l’importance de la Catalogne dans le
football espagnol, celles qui concernent le nombre de clubs. En 1926, au début du directoire
civil, il y a 705 clubs en Espagne, organisés dans 15 fédérations régionales avec 14 100
joueurs132. Parmi ces 705 clubs, 57% proviennent de Catalogne, du Pays-Basque et des
Asturies133, ce qui signifie, encore une fois, que la Catalogne est une véritable terre de football.
Ce développement rapide du football en Catalogne peut s’expliquer par l’émergence du
régionalisme. La progression du football en Espagne est liée aux valeurs symboliques et
identitaires des clubs, que le Barça incarne par son appartenance au mouvement catalaniste.
Dans les années 1920 en particulier, le symbolisme territorial des clubs est ancré dans les
mentalités, notamment grâce au rôle joué par une presse sportive qui le promeut134.
130. Ramos LLOPIS-GOIG, Spanish Football and Social Change : Sociological Investigations, Palgrave Macmillan, 2015
131. Ibid 132. Ibid 133. Ibid 134. Ibid
![Page 48: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/48.jpg)
48
Ce symbolisme territorial favorise justement l’émergence des partis catalanistes qui ont
le Barça comme point d’appui. S’appuyer sur un club de football est un atout non négligeable
puisqu’il est un vecteur de culture de masse135. Ainsi, on peut supposer que le football favorise
l’affirmation des cultures locales, ce qui explique l’importance du football en Catalogne et son
utilisation de la part des politiciens.
Dans les dernières années de la Restauration, la Mancomunitat est entre les mains de
Lliga Regionalista, parti hégémonique du catalanisme et pourtant interdit sous le régime de
Primo de Rivera. Cette Mancomunitat, entre les mains d’un parti revendiquant le catalanisme a
cherché à catalaniser le sport, à rendre plus catalan le sport en Catalogne136. Est-ce que le FC
Barcelone suit les directives de Lliga Regionaliste en essayant de rendre plus catalan le sport
en Catalogne ? Comment s’y prend-il ? Est-ce que le FC Barcelone est le principal élément
fédérateur des autres clubs de football catalans ?
Il est fondamental d’évoquer la Fédération catalane de football, une institution
permettant le fonctionnement et le bon déroulement du football catalan, son championnat, et
ses clubs. Dans les différents Livre des Actes, les échanges entre les dirigeants du club et la
Fédération sont permanents, surtout pour des raisons administratives, notamment pour la
détermination des matchs dans le Campeonato de Catalunya par exemple.
Cette institution sportive a été fondée le 11 novembre 1900 (quasiment 1 an après la
fondation du FC Barcelone), sous le nom de « Football Asociacio », et elle comptait parmi ses
premiers membres, des représentants du FC Barcelone, du club d’Hispània, el Català, et de
l’Espanyol Barcelone. Dès le 12 novembre 1902, cette institution se transforme en « Asociación
de Clubes de Football de Barcelona », puis en 1907, « Federación Catalana de Clubes de
Fútbol ». Lors de la saison 1912-1913, le Barça quitte cette fédération afin de fonder la
« Football Asociación de Cataluña », à laquelle de nombreux clubs comme el Català, Badalona
ou le Gimnàstic Tarragona adhèrent137. Une autre information importante, la « Federación
Catalana de Clubes de Fútbol » change à nouveau de nom et est désormais appelée, « Federación
Catalana de Fútbol Asociación ».
135. Fabien ARCHAMBAULT, Sport et politique
136. Alejandro QUIROGA, Football and National Identities in Spain : The Strange Death of Don Quixote, op.cit
137. M.Lluïsa BERASETAGUI, « Futbol i cultura a Catalunya durant el periode d’entreguerres ». Revista d’historia de l’educacion, n°7, 2004.
![Page 49: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/49.jpg)
49
On voit alors se succéder, à la tête de cette institution rebaptisée, de nombreux présidents
qui sont des personnages importants, surtout avant que la Liga – le championnat national – ne
soit créée. Parmi ces individus, entre 1917 et 1930, inévitablement, on retrouve des dirigeants
du FC Barcelone. De 1916 à 1918, Gaspar Rosés assure le fonctionnement de l’institution, en
même temps que celui du FC Barcelone (jusqu’au 17 juin 1917). Puis, de 1918 à 1919, c’est
Josep Germà Homet qui devient le nouveau président. Celui-ci a fait partie de la Junta Directiva
de Gaspar Rosés (entre le 25 juin 1916 et le 17 juin 1917)138. Un troisième nom majeur est à
citer, celui de Josep Rosich Rubiera, qui fut président de la Fédération Catalane de Football
Association à deux reprises, d’abord de 1919 à 1920 puis de 1926 à 1929. En tant que socio et
secrétaire, il a figuré dans une Junta Directiva, celle d’Enric Cardona Panella, entre 1923 et
1924139. De 1920 à 1921, c’est Josep Julinés Oliva, ex-membre de la Junta Directiva de Gaspar
Rosés, secrétaire de la Junta Directiva de Joan Gamper et responsable des travaux de la
construction du stade Les Corts qui occupe la fonction de président de la Fédération140.
Pour trouver un autre ex-dirigeant du club à la tête de cette institution, il faut se pencher
sur les années entre 1923 et 1926, période durant laquelle Ricard Cabot est président. Ce
dernier, comme Josep Julinés Oliva, a aussi participé au développement du Barça depuis la
Junta Directiva de Gamper (17 juillet 1921-29 juin 1923), notamment au projet de la
construction du nouveau stade, Les Corts. Enfin, Josep Sunyol clôt la marche, en étant président
de cette Fédération de 1929 à 1930. Son ascension au Barça est fulgurante : socio à partir de
1925, il intègre la Junta Directiva d’Arcadi Balaguer trois ans plus tard, puis deviendra président
du club le 27 juillet 1935, avant que n’éclate la guerre civile, événement tragique pour lui qui,
appartenant au camp des Républicains, est arrêté par les nationalistes et fusillé le 6 août 1936.
Le FC Barcelone est donc bien implanté dans les plus hautes instances du football
catalan, qui plus est un des plus puissants d’Espagne. Cela a pu favoriser son affirmation comme
le plus grand club catalan, et faciliter le développement de bonnes relations avec les autres clubs
inscrits dans cette institution. Alors comment résumer ces relations entre le Barça et les clubs
catalans ?
138. Enciclopèdia de l'Esport Català, op.cit
139. ibid
140. Ibid
![Page 50: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/50.jpg)
50
Par exemple, « se llegueixen cartes ; del RCD Espanyol invitant a prendre part en la
copa « Internacional SC »141. Il s’agit d’une invitation de l’Espanyol Barcelone au FC
Barcelone de participer à un tournoi, le 8 septembre 1919. Le fait de se faire inviter à un tournoi
directement, de la part des dirigeants du véritable rival, à la fois sportif et culturel, est le signe
que le Barça devient la principale référence sur son territoire. En effet, au-delà des rivalités, que
le club de l’Espanyol obtienne la présence du FC Barcelone dans son tournoi lui permet de le
valoriser, d’attirer plus de spectateurs et d’avoir plus de visibilité. En bon support, le club doit
tenir ses engagements et a peu d’intérêt à refuser des invitations de ce type, ce qui démontre
déjà les relations fortes entre clubs catalans.
Dans l’acte du 19 mai 1920, nous pouvons lire : « Del Badalona donant les gracies per
haber contribuit a l’homenatje del seu jugador en Pere Villa »142. Le club de Badalona, ville
voisine de Barcelone, a donc remercié le Barça d’avoir rendu hommage à un de ses joueurs.
Cela signifie d’une part que le FC Barcelone est attentif à ce qui se passe dans son
environnement et qu’il incarne une certaine autorité morale. En effet, il ne faut pas oublier que
le fondateur du club, Joan Gamper, était attaché aux valeurs éthiques et morales du sport qu’il
étendait au-delà du terrain143. Ces valeurs ont été conservées et font partie intégrante de
l’identité du club.
D’autre part, le Barça est actif, et soutient tous les clubs catalans. Recevoir un hommage
du FC Barcelone, que ce soit par télégramme ou par la présence même du club, assurée par une
délégation, n’est pas sans importance : ce n’est pas un hasard si les clubs, comme Badalona,
viennent remercier la tête d’affiche du football catalan. Ainsi, le club affirme son lien avec la
Catalogne. Il s’investit toujours sérieusement au niveau social catalan, veut assumer le rôle de
représentant de la Catalogne à toutes les échelles, en premier lieu locale : il est le point de
référence des autres clubs locaux.
Alors que dans les années 1920, la rivalité entre le FC Barcelone et l’Espanyol
Barcelone est très forte, et est même la seule et véritable rivalité qui prospère en Catalogne, on
peut constater que les deux clubs sont capables aussi de dépasser ce climat de concurrence.
Dans l’acte du 14 mars 1924, le club décide d’ « Autorizar a los jugadores Samitier y Piera
para que puedas participar en el partido que organiza el R.C.D Espanol en beneficio del
141. Livre des Actes (juin 1919-mai 1921) 142. Livre des Actes (juin 1919-mai 1921) 143. MORALES MONTOYA Mercè, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit
![Page 51: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/51.jpg)
51
exjugador Sr.Sonedo y ofrecer 100 pesetas por el palco que enviaron »144. Pour un match de
charité organisé par le club rival, le Barça propose les services de Samitier et Piera, deux joueurs
populaires à l’époque. Ces deux joueurs jouent ainsi les représentants du club, dans le cadre
d’un match qui ne présente aucun enjeu sportif, mais qui permet de renforcer la notoriété du
club dans la Catalogne et son image « socialement responsable ». Par ailleurs, le Barça n’hésite
pas non plus à offrir de l’argent à l’Espanyol, 100 pesetas précisément, afin de contribuer au
développement du football catalan directement.
En plein directoire militaire, au constat du comportement des dirigeants du Barça à
l’égard de son plus grand rival, on peut affirmer que le club Blaugrana joue les bienfaiteurs. Un
passage de l’acte du 20 novembre 1924, le confirme en évoquant « una subvencion de cincuenta
pesetas al FC Espana, de Sabadell »145. Le FC Barcelone distribue des dons aux clubs catalans,
pour favoriser leur développement. Bien qu’ils soient des adversaires directs du Barça en
campeonato de Catalogne, le Barça, sur ses propres deniers, finance et développe le football
catalan.
Néanmoins ces contributions financières répondent aux attentes de la Lliga
Regionalista, que soutient le Barça. On ne peut exclure que le but premier de la générosité
barcelonaise soit alors de diffuser le courant catalaniste en aidant les différents clubs autour du
Barça, de façon à construire un football catalan puissant qui participera avec efficacité au
nationalisme catalan, mais aussi en se posant comme modèle à suivre. Ces hypothèses méritent
d’être soulevées puisque le sport en général est un outil nationaliste, et qu’ici en particulier,
nous nous trouvons dans le contexte d’une dictature très anti catalaniste.
Quoi qu’il en soit, le Barça entretient ses échanges avec les clubs sportifs locaux de la
même façon, que l’on se situe avant ou pendant le directoire militaire. En effet, on ne sent pas
une véritable intensification des contributions financières entre 1923 et 1925, période durant
laquelle le sentiment national catalan se développe considérablement.
En revanche, nous avons peu d’informations sur les actions du club au niveau local après
le directoire militaire, à partir du mandat de Balaguer. Avec un proche de la Monarchie à la tête
du club, bien qu’il fasse des concessions, il est possible que ces fameuses subventions se soient
réduites, surtout en présence de motivations politiques.
144. Livre des Actes (octobre 1923-mai 1926) 145. Livre des Actes (octobre 1923-mai 1926)
![Page 52: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/52.jpg)
52
Le FC Barcelone, grâce à ses moyens financiers et à sa légitimité culturelle et sportive,
devient le principal club catalan, dans une des régions les plus développées au niveau du
football. Avec l’appui de la classe ouvrière et des classes moyennes, le Barça est la principale
référence dans une région qui s’est bien approprié le football. Comme nous avons déjà pu le
voir avec les différentes compositions d’équipes de la sélection catalane, le Barça est déjà le
guide du football catalan, par l’intermédiaire du nombre de joueurs fournis et de son stade qui
a accueilli plusieurs matchs de la sélection.
Mais les échanges d’idées et de servies, la contribution au développement des clubs
sportifs voisins engagent le Barça au-delà du football.
![Page 53: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/53.jpg)
53
2-) Ses relations avec le sport catalan
La Lliga Regionalista sait que pour développer la culture catalane, notamment dans le
secteur du sport, il n’y a pas que le football. La Catalogne est aussi une grande région de sport.
Alors, dans son ambition de « catalaniser » le sport catalan, le Barça a aussi des relations avec
des entités sportives de diverses disciplines.
Logiquement, des personnages qui ont siégé dans les différentes Junta Directiva du FC
Barcelone ont eu aussi des liens, non pas seulement avec la Fédération Catalane de Football
Association, mais bel et bien avec d’autres Fédérations représentant d’autres sports en
Catalogne. Entre 1917 et 1930, et même bien avant, depuis la fondation du FC Barcelone, des
présidents du FC Barcelone (sans compter les dirigeants de chaque Junta Directiva) ont géré au
moins une autre fédération ou entité sportive catalane en dehors du football.
Joan Gamper, président du club cinq fois, dont trois fois entre 1917 et 1930, fut parmi
l’un des contributeurs du Lawn Tenis-Club Barcelona, club de tennis qu’il a fondé en avril
1899, avec la participation d’autres membres fondateurs du FC Barcelone, comme Arthur
Witty. Aujourd’hui, ce club de tennis est un des plus prestigieux d’Espagne ; il a vu grandir un
certain Rafael Nadal pour ne citer que lui. Francesc de Moxo, président du FC Barcelone du 30
juin 1913 au 30 juin 1914, a été aux commandes de l’aéroclub de Barcelone et de l’association
d’escrime barcelonaise (il était le premier président de cette association)146. Son successeur
Alvaro Presta fut le premier président de la Fédération Catalane d’Athlétisme, en 1915147.
Entre 1917 et 1930, outre Joan Gamper, on peut citer un autre personnage qui a participé
au développement du sport en Catalogne. Il s’agit de Joan Coma, président du club par intérim
après le départ précipité de Gamper (16 juin 1925 au 17 décembre 1925) : il est très actif. En
effet, il inaugure le Club Féminin et des Sports de Barcelone, la première entité sportive
exclusivement féminine en Espagne148. De plus, il préside la Fédération Catalane d’Athlétisme
entre 1928 et 1929149 et inaugure le stade de Montjuïc en 1929, dans le cadre de l’Exposition
146. Enciclopèdia de l'Esport Català, op.cit 147. Carles GALLEN UTSET, Les Federacions Esportives catalanes i els seus presidents, Barcelona, UFEC, 2013
148. Enciclopèdia de l'Esport Català, op.cit 149. Carles SANTACANA, Xavier Pujadas, Història de d’Atletisme a Catalunya, Barcelone, Federacio Catalana d’Atletisme, 2012.
![Page 54: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/54.jpg)
54
Universelle de Barcelone. Enfin, Tomas Rosés, à la tête du club du 26 mars 1929 au 30 juin
1930, organise des régates nautiques en Catalogne150.
Ainsi, comme on a pu le voir avec la Fédération Catalane de football, les dirigeants du
FC Barcelone, qui représentent le club, dirigent aussi les autres structures sportives catalanes.
Pour développer et améliorer le sport catalan, on peut penser que ces dirigeants, dans la gestion
des autres disciplines, procèdent de la même manière c’est-à-dire, qu’ils s’implantent dans les
autres fédérations sportives catalanes afin que le sport en Catalogne se développe, et surtout,
soit performant.
Est-ce dans le but politique de renforcer le sentiment nationaliste par la réussite
sportive ? On peut se permettre cette hypothèse, puique le Barça, par l’intermédiaire de ses
dirigeants, s’inscrit dans cette logique de « catalanisation » du sport en Catalogne,
conformément aux vœux de la Lliga Regionalista. Alors, comment s’y prend le FC Barcelone
pour assurer des liens avec les différents clubs sportifs qui sont affiliés aux entités sportives
catalanes où il assure, comme on vient de le voir, des fonctions administratives prépondérantes ?
Avant l’arrivée de Primo de Rivera, le FC Barcelone se distingue dans les organisations
d’événements sportifs en Catalogne, comme on peut le voir dans l’acte du 26 janvier 1920 :
« llegueix carte de « el sport » demanant un premi per a la cursa a peu « Jean Bouin »,
d’Espluga-Barcelona. S’acorda oferir un objcte d’art »151. Le club répond à l’appel de El Sport
pour contribuer à la dotation d’un grand événement sportif : il décide d’offrir un objet d’art.
Ainsi, le Barça participe à l’organisation de la première édition de la course Jean Bouin, course
de 10 kilomètres qui se déroule à Barcelone. Elle a lieu quelques jours après la rédaction de cet
acte, le 1er février, et voit Rosendo Calvet, athlète du club du FC Barcelone, finir vainqueur152.
On peut remarquer que cette compétition d’athlétisme est monopolisée par le FC
Barcelone et l’Espanyol Barcelone, puisque parmi les vainqueurs des douze premières éditions,
dix viennent du Barça ou de l’Espanyol. Cela prouve que c’est une compétition de portée locale,
et que le Barça s’impose petit à petit comme le leader du monde sportif catalan, dans l’ensemble
150. Archive de La Vanguardia en ligne (samedi 2 mars 1929) : http://hemeroteca-paginas.lavanguardia.com/LVE07/HEM/1929/03/02/LVG19290302-015.pdf 151. Livre des Actes de juin 1919 à mai 1921 152. Article de Mundo Deportivo en ligne (jeudi 5 février 1920) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1920/02/05/pagina-3/1381765/pdf.html#&mode=fullScreen
![Page 55: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/55.jpg)
55
de ses disciplines. Aujourd’hui, cette course existe toujours et est devenue internationale depuis
1946.
Même pendant la dictature, on a une trace concernant la présence du Barça dans
l’organisation d’un tournoi de régates : « Atorgar una copa para premio de las Regatas
Internacionales de Canots automoviles que han de celebrarse el 28 y 29 del corriente mes,
organizado por la Federacion Catalana de Motoriomo Martimo »153. Le Barça est à nouveau
en première ligne parmi les organisateurs, aux côtés de la Fédération concernée, puisqu’il
apporte un trophée qui sera probablement brandit par le ou les vainqueur(s). De plus, ces
Régates Internationales des Canots automobiles, comme le nom de la manifestation l’indique,
est un événement à portée internationale et non locale comme la course de Jean Bouin.
Autre point, le FC Barcelone n’hésite pas à promouvoir les autres sports, en utilisant le
cadre de son propre stade, par exemple en février 1921 : « s’acorda autoritrar la elebracio
d’une exhibicio de boxa per dos socis aficionats durant l’interregne del partit de diumenge, en
honor del jugador Senyor Sandro »154. Pendant cette même année est fondée la Fédération
Espagnole des Sports de Défense, avant que n’arrive en 1923 la Fédération Espagnole de
Boxe155. Cela permet ainsi aux spectateurs de découvrir ce sport et de promouvoir probablement
la boxe en terre catalane. La suite des événements est logique, le FC Barcelone ne lâche pas la
Fédération Espagnole de Boxe, puisque d’après l’acte du 18 avril 1924, « se encarga al
empleado Sr. Gilbert para que compre una copa, valorada en 50 a 60 pesetas para la
Federacion amateur de Boxeo »156. L’offre d’une coupe de la part du club à cette Fédération
démontre bien que le club a à cœur d’entretenir ses relations avec toutes les institutions
sportives catalanes. Il veut montrer son implication par une présence sans exclusive. Par
exemple à l’assemblée de la Fédération Catalane d’Athlétisme, selon l’acte du 25 janvier 1924 :
« Delegar en Sr. José Gilbert para que asista a la asamblea de la Federacion Catalana del
atletismo »157.
Le FC Barcelone, en participant à l’organisation de divers rendez-vous sportifs en
Catalogne, assume un rôle de bienfaiteur et veille à l’émergence de compétitions organisées
dans la ville de Barcelone. Le FC Barcelone, en étant directement acteur, à la fois parmi les
organisateurs et par l’intermédiaire des athlètes qui participent sous ses couleurs (par exemple
153. Livre des Actes d’octobre 1923 à mai 1926 (acte du 16 juin 1924) 154. Livre des Actes de juin 1919 à mai 1921 (acte du 10 février 1921) 155. Enciclopèdia de l'Esport Català, op.cit 156. Livre des actes (octobre 1923-mai 1926) 157. Livre des actes (octobre 1923-mai 1926)
![Page 56: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/56.jpg)
56
dans la course Jean Bouin), en profite pour montrer sa grandeur et sa valeur au niveau régional,
voire national puisque jusqu’en 1923, la Monarchie est en pleine agonie. Par ailleurs, les
compétitions organisées sur son sol, donc en Catalogne, sont un moyen de faire connaître la
Catalogne au niveau international.
Enfin, le Barça alimente ses relations avec toutes les structures sportives catalanes par
des dons ou des offres matérielles. Il applique donc la même méthode qu’avec les associations
sportives footballistiques, surtout pendant le directoire militaire de Primo de Rivera.
On peut relever dans le Livre des Actes regroupant les bilans des réunions de la Junta
Directiva entre octobre 1923 et mai 1926 : « un premio de cincuenta pesetas al Sport Ciclista
Català »158 ; « Destinar la cantidad de cien pesetas para la suscripcion inicial por la Union
Esportiva de Sans con destino a sufragar los gastos que origine la participacion del ciclista
Janer en el Tour de France. »159 ; « Conceder una copa de cien pesetas a la Union Velocipédica
Espanola por la fiesta del ? que se celebrarà el proximo dia 30 de mayo ».160 ; « Conceder un
premio de 50 pesetas con destino a los campeonatos escolanes de atletismo »161 ; « Se auerda
contribuir con 25 pesetas – a la funcion a beneficio del malogrado ciclista Bisbal ».162
On constatera que tous ces dons, afin d’aider ces clubs, en particulier cyclistes,
correspondent à des buts précis. Par exemple, celui de développer un autre club ou de le soutenir
suite à un événement tragique comme un deuil ou une blessure, par solidarité. De plus, le club
n’hésite pas à aider directement des athlètes, par exemple, en finançant la participation d’un
coureur au Tour de France ou en récompensant les vainqueurs d’une compétition en athlétisme.
Alors, l’institution sportive fondée par Joan Gamper en 1899 montre sa présence dans
le sport catalan en général. Le Barça construit sa position de leader de ce secteur et veut montrer
la voie par diverses contributions ou récompenses, pour encourager les entités sportives
catalanes à progresser, pour la Catalogne.
Afin de spécifier l’identité catalane, il ne suffit cependant pas de catalaniser le sport.
L’enjeu le plus important est que le peuple adhère au catalanisme. Logiquement, tout en étant
158. Livre des actes (octobre 1923-mai 1926) 159. Livre des actes d’octobre 1923 à mai 1926 (acte du 23 juin 1924) 160. Livre des actes d’octobre 1923 à mai 1926 (acte du 17 mars 1925) 161. Livre des actes d’octobre 1923 à mai 1926 (acte du 25 février 1924) 162. Livre des actes d’octobre 1923 à mai 1926 (acte du 26 mars 1925)
![Page 57: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/57.jpg)
57
un acteur majeur du sport catalan, le Barça a aussi la lourde tâche d’être un élément essentiel
de la culture catalane, dans ses développements extra-sportifs.
![Page 58: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/58.jpg)
58
Chapitre 5 – Un club omniprésent dans les activités sociales et culturelles
1-) Une référence sociale
Le FC Barcelone, en devenant probablement l’entité sportive principale de la Catalogne,
est un atout considérable pour la société catalane.
Il est logique que, voulant être la principale référence au sein même de sa ville, le FC
Barcelone doive se démarquer, à la fois par son identité et l’importance de son activité sociale,
de son principal rival l’Espanyol Barcelone. Celui-ci est fondé le 13 octobre 1900 par des
étudiants catalans de l’Université de Barcelone, Angel Rodriguez, Octavi Aballi et Lluis
Roca163. En nommant leur association sportive « Sociedad Espanola del Football », les
fondateurs de l’Espanyol veulent se démarquer du FC Barcelone en assumant une identité à la
fois « hispanique » et plus locale, quand le Barça a été fondé et a formé sa première équipe par
des étrangers. Le premier match entre les deux formations a lieu le 27 janvier 1901 et voit le
Barça s’adjuger ce premier Derby, quatre à un, grâce à un quadruplé de Gamper, bien que les
rapports entre les deux équipes soient restées courtoises164. Le nom de ce club basé aujourd’hui
à Cornellà évolue et devient « Real Club Deportivo Espanol » en 1912, nom qu’il porte toujours
à ce jour165.
C’est dans les années 1920 que naît une rivalité entre les deux clubs. Depuis le début de
cette décennie, les Blaugranas et les Pericos (les « Perruches » en français)166 sont les plus titrés
au niveau régional : huit Campeonato de Catalunya pour le Barça, quatre pour l’Espanyol
Barcelone, en dix-sept saisons. Comme le Barça, l’Espanyol se développe. Un an après la
construction des Corts, le fief des adversaires du Barça, l’Estadi de Sarria, stade flambant neuf
contenant 10 000 places (bien qu’à l’origine, il ait été prévu qu’il en contienne 40 000), est
inauguré le 18 février 1923167. Malgré l’écrasante domination régionale du FC Barcelone tout
au long de la décennie 1920 (neuf Campeonato de Catalogne glanés), l’Espanyol est une des
deux seules équipes (avec CE Europa en 1923) à contester la suprématie des hommes de Joan
163. Joan Segura PALOMARES, Cent anys d'Història del RCD Espanyol de Barcelona, Barcelona, Fundació Privada del RCD Espanyol, 2000
164. Ibid 165. Ibid 166. Surnom donné au club de l’Espanyol Barcelone et à ses supporters. 167. Ibid
![Page 59: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/59.jpg)
59
Gamper en 1929 en remportant la même année, le Campeonato de Catalunya et la Coupe
Nationale.
Cette rivalité doit être analysée d’un point de vue politique. Dans les années 1920, le
Barça assume déjà son identité catalaniste et se sent plus concerné par sa région, tandis que
l’Espanyol et ses supporters ont la réputation d’être centralistes, plus dirigés vers
« l’espagnolisme »168. Par conséquent, sont considérés comme des sympathisants du
nationalisme castillan. Ces désaccords provoquent des rixes entre supporters.
En effet, des scènes de violence entre les deux clubs sont relevées, sur les gradins du
stade ou aux terrasses des cafés alentour : en 1911, lors d’un match de Copa de Riva ; en 1912,
des supporters ont été bannis des stades pendant 2 ans après de nouveaux incidents liés à la
violence169. Autre incident important, le 18 mai 1919, jour de la finale de la Copa del Rey, le
Barça affronte l’Arenas Club à Madrid. Des tracts au contenu très hostile au FC Barcelone sont
distribués dans les gradins du stade : ils accusent le club d’être séparatiste et ennemis des
Espagnols170. Des sources, soupçonnent des supporters de l’Espanyol Barcelone d’être à
l’origine de ces tracts. La haine entretenue entre les deux parties existe même pendant la
dictature, puisque le 23 novembre 1924, dans un match opposant les deux équipes, de grosses
violences éclatent entre les supporters, au point que la rencontre est suspendue à la mi-temps et
reporté à une date ultérieure171.
Ces incidents démontrent que la rivalité dont il est question ici n’est pas purement
sportive, elle est avant tout politique : d’un côté les catalanistes qui représentent le FC
Barcelone ; de l’autre les pro-castillans incarnés par l’Espanyol Barcelone. Alors, dans une
Catalogne, qui tend à renforcer son identité, mieux que l’Espanyol Barcelone, le Barça a toutes
les cartes en main pour s’imposer, avec son idéologie et ses valeurs, dans la ville de Barcelone,
puis dans toute la Catalogne. Quelle est l’action sociale du Barça ? Comment participe-t-il à la
vie publique de Barcelone ?
Dans l’acte du l’acte du 13 septembre 1917 : « Es llegeix carte del … obrero agraint
nostre donatiu i propasant la organisacio d’un fetival en … de les escoles. »172. Le Barça en
tant qu’institution sportive s’implique directement dans la société catalane et vient aide aux
168. Ignacio RAMONET, Christian DE BRIE, « Football et passions politiques », Manière de voie n°39, op.cit 169. Vic DUKE, Liz CROLLEY, Football, nationality and the state, Londres, Routledge, 1996
170. Manuel TOMAS, Frédéric PORTA, Barça inédito : 800 historias de la Historia, op.cit 171. Vic DUKE, Liz CROLLEY, Football, nationality and the state, op.cit 172. Livre des actes (1916-mai 1919)
![Page 60: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/60.jpg)
60
écoles, lieux publics où est enseignée la culture catalane aux enfants. Les écoles sont des lieux
où sont favorisées la sociabilité et la transmission des valeurs. Devant les enfants, le Barça peut
jouer un rôle de « père » garant de la société, et c’est par l’organisation d’un événement festif,
« un festival », que le Barça veut consolider cette image, en étant la référence sociale, devant
les autres clubs, en particulier l’Espanyol Barcelone.
Le club semble, de même qu’avec les clubs de football ou organisations sportives
voisines, jouer les bienfaiteurs, afin d’affirmer sa présence et son adhésion à des valeurs
caritatives, dans un moment où l’Espagne traverse une crise militaire, sociale et politique.
L’intention « généreuse » s’affiche, universaliste : on peut remarquer qu’ici, aucune
revendication catalaniste n’est affichée.
De plus, il est important de signaler qu’en plus d’intervenir en tant qu’organisateur
d’événements, les Blaugranas participent en tant qu’ « invités ». D’après l’acte du 3 mai 1920,
« Del [illisible] invitant al primer equip a un partit amb festival, obrequis i banquet »173. Cela
signifie qu’il y a une réciprocité et donc, une sorte de reconnaissance des services rendus par le
club à travers ses activités. Par ailleurs, se trouve confirmé le fait que le FC Barcelone est
véritablement considéré comme une institution reconnue de la Catalogne.
Enfin, nous détenons une dernière trace des liens du Barça avec la société catalane, il
s’agit de l’organisation d’un événement à destination des enfants, comparable à celui que
mentionne l’acte datant du 13 septembre 1917, cette fois en 1921 : « En tracta de l’organitzacio
del festival, s’acorda un partit d’infantils ; altre de quarts equips i finalment el dels antics y
actuals campions ; en els intermitjos i descans al es faran les proves atletiques. »174.
Les enfants semblent être des cibles privilégiées par le FC Barcelone. Ils sont à l’âge où
l’être se forme, construit sa spiritualité, est particulièrement sensible au conditionnement
social : l’identification au club peut s’opérer assez naturellement, dès lors qu’il fait partie du
paysage quotidien des enfants. Par ailleurs, on observe que l’association sportive fondée par
Gamper en 1899 continue de promouvoir sa discipline, le football, en arguant des bienfaits du
sport pour une bonne hygiène de vie, afin d’ancrer la culture sportive dans la région, mais aussi
sans doute d’attirer de nouveaux supporters au club. Il ne faut pas oublier qu’entre 1917 et 1923,
173. Livre des Actes (juin 1919-mai 1921) 174. Livre des Actes de juin 1919 à mai 1921 (acte du 11 avril 1921)
![Page 61: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/61.jpg)
61
grâce aux résultats favorables du club et à l’hostilité de la Monarchie, le lien entre le club et la
région catalane s’enracine 175.
Quelle est l’inspiration de cette politique, sensible aux causes sociales de la Catalogne,
dont nous venons de donner un certain nombre d’exemples concrets ? Cette stratégie de
l’omniprésence sur le terrain social fait écho à la façon dont le club gère ses relations en interne.
Les dirigeants et joueurs organisent en effet souvent des banquets au sein du club afin de
renforcer la cohésion de l’institution. C’est le cas pour les anniversaires du club.
Autre exemple, qu’on peut voir dans l’ouvrage de Mercè Morales, avec une photo datant
de 1922 qui montre un grand banquet de fraternité, où sont présents les joueurs du club et les
socios176. Ce banquet a eu lieu pour fêter l’issue heureuse de l’opération de l’appendicite de
Samitier. Ainsi entend se manifester un esprit familial au sein du club, qui encourage le
sentiment d’appartenance à une entité dont les joueurs sont les fidèles représentants. Cet esprit
caractérise les valeurs du club, valeurs identitaires qu’il veut transmettre à la société. Cela qui
peut expliquer alors l’activisme du FC Barcelone dans les cercles sociaux barcelonais les plus
divers.
Cependant, pendant la dictature de Primo de Rivera, le club continue-t-il d’être aussi
fort institutionnellement et actif au sein de la société ? Est-il possible d’évoquer une
intensification de ses actions, à des fins catalanistes, pour diffuser la culture catalane contre la
centralisation à Madrid prôné par Primo de Rivera ?
On a un exemple d’action sociale, en pleine dictature militaire. L’acte du 17 mars 1924
indique : « Don Romualdo Torres propone que celebre en uno de los jueves de abril por la
tarde un festival en honor de los ninos (escolanes) de Barcelona. El Consejo Directivo aplaude
esta iniciativa y designa a los senores Romualdo Torres y Don Juan Sitjes y Don Luis Torres
Ullastres para que es encarguen de la organisacion de este festival. »177 La méthode demeure
la même. Le club veut rester la référence de la Catalogne, ce qui implique des organisations
festives, notamment en faveur des enfants…
Comme avec les clubs de football ou institutions sportives, le Barça se fait généreux
donateur pour diverses causes. Par exemple, l’acte du 30 juin 1924 indique que le club envoie
175. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit 176. Ibid 177. Livre des actes (octobre 1923-juin 1926)
![Page 62: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/62.jpg)
62
2000 pesetas à des établissements s’occupant d’handicapés : « Destinar a la seccion medica de
las Escuelas de anormales de Vilajuana la cantidad de dos mil pesetas »178. Autre trace d’une
implication comparable du FC Barcelone, dans l’acte du 26 mai 1925 : « Contribuir con tres-
cientos pesetas al envio de dos ninos a las [illisible] Escolares reformidas por el
Ayutamiento »179. On voit que le soutien aux enfants est véritablement l’axe principal de
l’activité « humanitaire » souhaitée par les dirigeants.
Le FC Barcelone participe également aux fêtes religieuses, d’après cet acte datant du 29
décembre 1924 : « Contribuir con veiticinco pesetas a la subscripcion para los Reyes Magos
de la Casa de Caridad »180. La moralisation dans la société reste importante, et la religion
catholique étant la religion la plus pratiquée en Espagne et en Catalogne, le FC Barcelone reste
cohérent dans ses positions en s’impliquant ainsi dans une institution religieuse de sa région.
Mais il serait pertinent de se demander si le Barça ne souhaite pas également atténuer l’emprise
du régime sur les institutions ecclésiastiques. En effet, les forces conservatrices, comme
l’Eglise, soutiennent Primo de Rivera qui favorise les valeurs conservatrices.
Ainsi, on peut développer l’idée que le Barça veut être en contact permanent avec la
société catalane pour laquelle il se pose en défenseur du peuple, en contrepoint d’une dictature
qui veut tout contrôler. En organisant des festivals ou en donnant une contribution financière à
des écoles ou des institutions religieuses, le FC Barcelone est le point d’ancrage de toutes les
organisations, publiques ou privées, catalanes. Il surpasse les autres clubs catalans, y compris
l’Espanyol Barcelone, dans son activité au sein de Barcelone et de sa région, prouvant qu’il est
la référence et le représentant de la Catalogne. Enfin, les valeurs qu’il cultive éclairent sa
volonté d’être vu comme un humaniste.
Le Barça, par ses actions, avant ou pendant la dictature, s’efforce de devenir un élément
familier du paysage catalan. Attaché à son peuple, le FC Barcelone est aussi attaché à la culture
de son peuple.
178. Livre des Actes (octobre 1923-juin 1926) 179. Livre des Actes (octobre 1923-juin 1926) 180. Livre des Actes (octobre 1923-juin 1926)
![Page 63: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/63.jpg)
63
2-) Une entité culturelle de premier plan, en relation avec les autres entités culturelles
catalanes
Le FC Barcelone souhaite s’inscrire dans le développement de la culture catalane,
compte-tenu de ses positions politiques. Pour le montrer, le club doit également intervenir et
assurer des relations avec des groupes culturels qui mettent en avant la culture catalane, sa
langue, sa littérature, ses spécificités.
Quelle est la place du FC Barcelone dans les organisations culturelles de la Catalogne ?
Est-ce qu’il contribue au développement de la culture catalane par l’intermédiaire de son
institution sportive ?
Inévitablement, le Barça grâce à son émergence au début des années 1920, joue les
premiers rôles, en étant souvent invité à divers événements. L’acte du 14 juin 1920 par exemple
affirme que « Del Pompeya invitant al festival deportiu, que he organitrat pel dia 13 »181. Le
Barça est convié à un festival sportif. Le sport est un pilier dans la constitution d’une culture
catalane. Il un impact social très important, il rassemble les intérêts de la majorité de la
population. Surtout, il « contribue à la formation des identités collectives, en mobilisant les
sentiments d’appartenance à une communauté. »182. Or, comme nous avons essayé de le
démontrer dans la sous-partie précédente, le Barça est capable de former et consolider une
communauté, en particulier par son omniprésence dans la société.
Dans quelle mesure le FC Barcelone peut-il figurer dans la liste des institutions
culturelles de la Catalogne ? Est-ce qu’il y a des relations entre entités culturelles catalanes et
le Barça ?
L’Acte du 25 février 1921 nous permet de répondre par l’affirmative : « S’acorda
inscriurer el club al segori Congrés Català de Turisme qu’es celebrarà a Tarragona »183. Dans
cette situation, le club participe à des festivités organisées par le Congrès catalan du Tourisme.
Cela démontre que le Barça est un élément culturel de premier plan, considéré comme
appartenant au patrimoine catalan. Le FC Barcelone collabore potentiellement avec les
institutions culturelles catalanes, et assure son rôle de club catalaniste.
181. Livre des Actes (juin 1919-mai 1921) 182. Michaël ATTALI, Natalia BAZOGUE, Diriger le sport: perspectives sur la gouvernance du sport du XXe siècle à nos jours, op.cit 183. Livre des Actes (juin 1919-mai 1921)
![Page 64: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/64.jpg)
64
Cela démontre aussi que le club s’implique socialement au niveau local, même s’il a
aussi la volonté de s’exposer à une plus grande échelle. En participant à un Congrès consacré
au tourisme, le club est alors considéré comme un objet social et un support culturel essentiel.
Il représente la culture catalane, ce qui permet aux gens venant de l’étranger de pouvoir
s’intéresser à la question catalane plus facilement.
Dans le domaine culturel, le club occupe une position de premier plan au Congrès de la
culture catalane, qui réunit au fil du XXème siècle plus de 1500 institutions défendant le
catalanisme et souhaitant la restitution d’un gouvernement autonome184. Cela confirme
l’importance qu’a le FC Barcelone dans la promotion de la Catalogne et de sa culture. Le
football, qui est une discipline très présente dans la société dans les années 1920, peut être un
vecteur de transmission culturelle, et grâce au Barça, la culture catalane, en dehors de l’aspect
politique, peut être visible au-delà de la Catalogne ou de l’Espagne.
On peut penser que le club veut se montrer digne de cet héritage culturel et assurer la
continuité de la Renaixença, période durant laquelle la langue et la culture catalane sont en
pleine réhabilitation. En effet, Jaume Sobrequès affirme que « les premiers quotidiens en langue
catalane font leur apparition en 1879, ainsi que diverses organisations culturelles, civiques et
politiques aux tendances régionalistes catalanes prononcées, qui mettent sur pied plusieurs
congrès et assemblées revendiquant les droits collectifs du peuple catalan. »185.
Aucun changement à signaler pendant la dictature puisque le FC Barcelone maintient
ses relations avec le monde de la culture catalane. Par exemple, il assure sa présence à des
soirées privées dans un des théâtres les plus connus de la ville, l’Eldorado : « Aceptar la oferta
de D. Francisco Millas, de organizar veladas selectas de variedades en el Teatro « El
Eldorado » (…), los miercoles »186.
Ce théâtre est né en 1884 sous le nom de « Teatro Ribas ». Les propriétaires décident
de changer de nom pour l’appeler « Teatro de Cataluna » en 1887. Le nom d’« Eldorado »
apparaît dans les années 1890, avant d’être officialisé en 1913, lorsque le théâtre est nommé
« Teatro Cataluna – Gran Cine Eldorado »187. Dans ce lieu de culturel, sont jouées des pièces
184. Alejandro QUIROGA, Goles y banderas : Futbol y identidades nacionales en Espana, Madrid, Marcial Pons, 2015 185. Jaume SOBREQUES I CALLICO, Histoire de la Catalogne, op.cit 186. Livre des Actes d’octobre 1923 à juin 1926 (acte du 22 septembre 1924) 187. José SUBIRA, La ópera en los teatros de Barcelona: estudio histórico cronológico desde el siglo XVIII en el XX . Monografías históricas de Barcelona, 9, Barcelona, Millà, 1946.
![Page 65: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/65.jpg)
65
de théâtre et des comédies produites par des réalisateurs et compositeurs catalans, comme Enric
Morera, (« la Sardana de les monges » en 1919), Juli Garreta (« suite en sol : suite
empordanesa » en 1921) ou Rica i Graino (« el banco de la paciencia » en 1924)188. Par ailleurs,
l’Eldorado est le quartier général de l’Orchestre Symphonique de Barcelone dirigé par Joan
Lamote de Grignon, représentant du panorama musical barcelonais. Ce théâtre ferme en 1928.
Ainsi, une hypothèse s’impose. Est-ce que les dirigeants du FC Barcelone, voire les
joueurs, fréquentent le monde artistique de l’époque, dans ce qui se fait de mieux au niveau
théâtral et musical ? Il est possible que le Barça, en s’intégrant à un monde assez fermé et
privilégié, ait pu imposer et développer son statut au niveau régional. Alors, nous pouvons
supposer que le FC Barcelone en tant qu’institution sportive, s’imposait dans les plus hautes
couches de la société, par l’intermédiaire du monde du théâtre et de la musique.
Il est même possible de se demander si le FC Barcelone n’est pas à même de valoriser,
grâce à son statut, des groupes d’artistes afin de promouvoir la culture catalane. D’après l’acte
du 18 mai 1925 : « Que el dia 14 de junio se celebre en el campo de los Corts un partido en
homenaje del orfeo Català para festejar el (…) de su excursion artistica a Roma »189. L’Orfeo
Català est une association de chorale fondé le 8 septembre 1891 par Lluis Millet. Elle va aussi
se développer comme une des références musicales catalanes et s’inscrit dans le mouvement
catalaniste. A plusieurs reprises, à la fin des années 1890, cette chorale interprète El Cant de la
Senyera, une chanson à la gloire du drapeau catalan, symbole important pour un catalaniste.
Pour notre période, l’Orfeo Català pendant la dictature de Primo de Rivera est une des entités
culturelles catalanes les plus influentes, ce qui explique le choix du club de vouloir le féliciter
et le mettre en valeur. En effet, l’acte indique que l’Orfeo est allé jouer à Rome, haut-lieu de
la culture et logiquement, dans l’esprit des Catalans, l’Orfeo Català a représenté toute une
région, sa culture et tout un peuple.
Le FC Barcelone est très actif et se dévoue pour que la Catalogne se développe et
renforce son identité qui continue à se construire et à se consolider depuis la Renaixença. Il a
acquis une énorme légitimité culturelle grâce à ses différentes interventions dans le milieu du
sport catalan, mais également dans la société. Cela fait que le Barça s’inscrit dans la vie des
188. José SUBIRA, La ópera en los teatros de Barcelona: estudio histórico cronológico desde el siglo XVIII en el XX . Monografías históricas de Barcelona, 9, op.cit 189. Livre des Actes (octobre 1923-juin 1926)
![Page 66: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/66.jpg)
66
catalans, et que, plus qu’un club sportif, il est une association susceptible de rassembler et même
de favoriser l’arrivée de nouveaux venus.
![Page 67: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/67.jpg)
67
Chapitre 6 – Soutenir le FC Barcelone, un moyen de s’intégrer dans la
société catalane
1-) La Catalogne, une terre d’immigration
Avant d’évoquer la fonction « d’intégration » au sein de la société catalane du Barça, il
est important d’expliquer les flux migratoires qui ont eu lieu au sein de la Catalogne. En effet,
en tant que région industrielle, vivier de nombreux emplois, cette région, plus développée que
beaucoup d’autres régions au sein de la Péninsule Ibérique, attire et accueille de nombreux
émigrés sur son territoire.
Nous allons nous appuyer sur le travail réalisé par Ricard Zapata-Barrero, qui a étudié
les vagues d’immigration en Catalogne, en s’appuyant sur les chercheurs qui l’avaient précédé.
Ce qui est important et intéressant, c’est l’évolution exponentielle du nombre de personnes qui
viennent pour s’installer temporairement ou durablement en Catalogne.
Déjà, entre 1901 et 1920, la Catalogne accueille quasiment 260 000 migrants190. Au
cours de la décennie suivante, le solde migratoire atteint le chiffre de 322 079191. On peut déjà
se poser une question : en dehors des industries, est-ce que certains individus ont eu l’idée de
venir en Catalogne, en partie grâce au Barça dont la notoriété progresse dans toute la Péninsule
Ibérique ? Nous traiterons cette question plus tard.
Selon Ricard Zapata-Barrero, on peut distinguer deux grandes vagues d’immigration
entre 1911 et 1930, en particulier dans les années 1920. Pour faire ce travail,
méthodologiquement, il procède de la même manière que Cabré et Pujadas, deux auteurs qui
ont déjà fait des travaux sur l’immigration catalane. En effet, il établit la croissance de la
population catalane par tranche de 5 ans, entre 1911 et 1930.
Au niveau des résultats, on peut constater que la croissance migratoire entre 1916 et
1920 atteint le chiffre de 202 608, soit une progression multipliée par 10 par rapport aux cinq
années précédentes192. Puis, pendant le directoire civil, entre 1926 et 1930, cette croissance
190. Ricard ZAPATA-BARRERO, « Immigration, autonomie politique et gestion de l'identité : le cas de la Catalogne », Outre-Terre 2006/4 (no 17). 191. Ibid 192. Ibid
![Page 68: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/68.jpg)
68
migratoire retrouve un chiffre équivalent : 214 726193. Les immigrés représentent les ¾ de la
croissance absolue de la population catalane. Cela s’explique par le contexte économique et
l’attractivité du territoire, c’est-à-dire de nombreux emplois liés au nombre d’entreprises
industrielles, et également à la politique de grand travaux initié par Primo de Rivera.
Cette politique de grands travaux a un lien direct avec la Catalogne et son
développement. En effet, elle porte sur l’amélioration des axes de communications du pays et
l’application du protectionnisme afin de protéger les entreprises nationales (ce qui a longtemps
été demandé par les industriels catalans) qui sont des atouts considérables pour la région194.
Ainsi, la Catalogne au niveau économique a profité de cette politique caractérisée par
une intervention marquée de l’Etat. La Catalogne joue les premiers rôles grâce à son industrie,
et Barcelone est choisie en 1929 pour accueillir une grande Exposition internationale195. Ainsi,
l’Etat intervient directement sur le plan urbain et urbanise par exemple la colline de Montjuïc.
Cela permet à la Catalogne, par le biais du régime, de se mettre en lumière économiquement et
culturellement, ce qui peut expliquer en partie cette vague d’immigration dans les années 1920,
malgré l’ambiguïté de la politique de Primo de Rivera.
Ce qu’il faut souligner, c’est qu’il s’agit avant tout d’une immigration interne : la
Catalogne attire particulièrement des individus venant des régions voisines : l’Aragon à l’Ouest,
le Pays Valencien au Sud et les Baléares à l’Est. On peut observer aussi l’arrivée d’Andalous
et de travailleurs provenant de la région de Murcie.
Ces arrivées successives ne sont pas dérisoires et perturbent même la société catalane
pendant les années 1920-1930. Des débats ont lieu sur la question de l’immigration et de
l’intégration : est-ce que ces immigrés peuvent s’intégrer en Catalogne ? Ne mettent-ils pas en
péril l’unité catalane, notamment culturelle ? Peuvent-ils menacer l’identité de la Catalogne ?
La Catalogne doit pourtant son développement à l’immigration et aux gens venus de
toute l’Espagne qui ont construit son histoire. En effet, d’après Ricard Zapata-Barrero,
193. Ricard ZAPATA-BARRERO, « Immigration, autonomie politique et gestion de l'identité : le cas de la Catalogne », op.cit 194. CANAL Jordi, Histoire de l’Espagne contemporaine de 1808 à nos jours : Politique et société, op.cit 195. Ibid
![Page 69: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/69.jpg)
69
« l’immigration serait une partie intégrante du « système catalan contemporain de
reproduction »196.
Mais c’est alors qu’on peut mesurer le rôle unificateur que peut jouer le FC Barcelone.
Le FC Barcelone a-t-il contribué directement au « système catalan contemporain de
reproduction » en favorisant l’intégration des nouveaux résidants dans la société catalane ?
196. Ricard ZAPATA-BARRERO, « Immigration, autonomie politique et gestion de l'identité : le cas de la Catalogne », op.cit
![Page 70: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/70.jpg)
70
2-) Le Barça, un appui pour s’intégrer en Catalogne ?
Pour répondre à cette question, il faut observer la « communauté » des supporters
sportifs : devenir supporter ou sympathisant d’un club implique l’adhésion une communauté où
l’on partage les mêmes passions et des éléments de culture. Le sport est même un des facteurs
de rassemblement et de cohésion nationale les plus puissants.
Le sport peut-il être aussi un facteur d’intégration des immigrés, en tant spectateurs ou
pratiquants ? Pour des sociologues, comme Pierre Lanfranchi, le sport concerne tous les
domaines de l’existence des hommes, les sciences, la politique, l’économie, la société… c’est
un « phénomène social « total » »197. La démocratisation du sport dans la société vient de
l’industrialisation et du développement des loisirs, après le travail à l’usine.
Voilà qui peut être cohérent avec le FC Barcelone et sa géographique : la Catalogne est
une région industrielle et la grande majorité des immigrés viennent travailler en usine. Ils font
partie de ces ouvriers qui, très probablement, iront se changer les idées après une dure journée
de labeur, en pratiquant le football ou en allant voir un match au stade.
Cependant, il s’agit de voir si le Barça était un club orienté sur l’ouverture à l’autre.
Théoriquement, Joan Gamper, le fondateur du club, souhaitait absolument que son club porte
et conserve des valeurs universelles. Comme nombre de ses contemporains, il concevait le sport
comme une école de la vertu. Aux valeurs d’universalité, s’associent celle du dialogue et de
l’échange, ce qui est favorable au cosmopolitisme que le FC Barcelone, dès sa fondation et tout
au long de son histoire, a mis en avant parallèlement, aux valeurs catalanistes. En comparaison,
les sociétés de gymnastiques, très fermées, refusent les étrangers198. Ces choix éthiques en toute
logique, favorisent l’accueil d’Espagnols non catalans ou d’étrangers au sein du club.
Le club ne trahit pas ses valeurs et nous pouvons citer entre 1917 et 1930, des joueurs
ou dirigeants étrangers qui se sont pleinement intégrés en Catalogne grâce au FC Barcelone.
L’exemple le plus évident est celui Joan Gamper, fondateur du club, et trois fois président entre
1917 et 1930. Ce fils de banquier, de nationalité suisse, arrive à Barcelone à l’âge de 20 ans, en
197. Pierre LANFRANCHI, Entre initiative privée et question nationale. Genèse et évolution des politiques sportives en Europe, (Grande-Bretagne, Allemagne, France, Italie). In: Politix, vol. 13, n°50, Deuxième trimestre 2000. 198. Pierre LANFRANCHI, « Football, cosmopolitisme et nationalisme », Pouvoirs 2002/2 (n°101).
![Page 71: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/71.jpg)
71
1898, pour travailler dans la société « Tranvias de Sarria »199. Un an plus tard, il fonde le FC
Barcelone, et il fait partie des protagonistes qui ont « catalanisé » le club, pour en faire un
fervent défenseur de la culture catalane. Nous tenons là l’exemple d’une intégration
parfaitement réussie, d’une assimilation revendiquée et qui s’affiche dans le choix d’un
nouveau prénom : ses parents l’avait prénommé Hans, mais Gamper sera Joan, pour preuve de
son appartenance à Barcelone et à la culture catalane. Son attachement au FC Barceloene et son
implication dans la société catalane (il était aussi engagé politiquement et maîtrisait
parfaitement le catalan) ont fait de lui un personnage populaire, au point que son décès, en
juillet 1930, a rassemblé une foule immense venue assister aux obsèques du plus catalan des
Suisses200.
Parmi les joueurs, il y a le cas de Franz Platko. Ce gardien de but, né à Budapest en
1898, est transféré au FC Barcelone à l’âge de 25 ans (en 1923), et évoluera dans ses rangs
jusqu’en 1930. Ce qui est intéressant, c’est qu’il a joué dans la sélection de Catalogne. Le 12
juillet 1925, devant 30 000 spectateurs, le portier Hongrois défend les couleurs de la Catalogne
contre la Galice. Deux ans seulement après son arrivée en Catalogne, le fait d’être sélectionné
et surtout d’accepter de participer à un match avec la Catalogne nous indique que son intégration
en Catalogne s’est faite très rapidement. Durant sa carrière d’entraîneur, il dirige le club pendant
la saison 1955-1956, ce qui souligne son attachement au club et donc, à la région en pleine
période franquiste.
Le Barça est ainsi un exemple concernant l’adoption de valeurs et de modèles
étrangers201. On peut également citer parmi les entraîneurs, Greenwell, de nationalité anglaise,
qui influence le style de jeu du club, les résultats de l’équipe, et indirectement, les mentalités
de l’époque. De plus, par leurs apports, ces professionnels participent à la construction d’un
style de jeu bien spécifique, identifié comme « catalan ».
A côté de ces intégrations réussies à l’intérieur du club, il faut évoquer cet autre canal
d’intégration qu’est la communauté des supporters : le Barça se revendiquant association
sportive, ses dirigeants amplifient l’idée que le club est un lieu de rassemblement, de cohésion,
ouvert à ceux qui viennent d’arriver de Catalogne.
199. Guillem BALAGUE, Barça : l’Histoire illustrée du FC Barcelone, op.cit 200. Ibid 201. Pierre LANFRANCHI, « Football, cosmopolitisme et nationalisme », op.cit
![Page 72: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/72.jpg)
72
Le soutien au club passe par un acte social : par exemple, aller au stade (que ce soit au
Carrer Industrial ou aux Corts à partir de 1922) qui est toujours plein. Cet acte social participe
du processus d’intégration : côtoyer ces Catalans et faire comme eux, soutenir l’institution
sportive qui les représente culturellement et idéologiquement, surtout pendant la dictature. Le
stade où immigrés venant de toute l’Espagne vont voir le Barça en famille ou avec leurs
collègues, est une étape obligée pour s’intégrer à la société. Il conduit à s’intéresser
progressivement aux idées du catalanisme, et d’abord à pratiquer le catalan à cette communauté.
L’intégration à une communauté de supporter ne se limite pas à l’acte social d’aller au
stade. Il y a aussi des règles à respecter. En effet, grâce à des actes et à l’Estatut, on peut affirmer
que le FC Barcelone possède son propre code moral, qui permet d’encadre le mouvement de
supporter, de maintenir son unité autour d’une même ligne idéologique. Comme dans n’importe
quelle communauté, celui qui fait des écarts par rapport à la règle s’expose à des sanctions qui
peuvent aller jusqu’à l’exclusion. Par exemple, d’après l’acte du 8 mars 1920, le club « s’acorda
ratificar la disposicio Presidencial d’expulsio del jugador Sr.Landarabol, per la seva conducta
o actes, en pugna amb el Reglament i dignitat sportiva i social de tot individu »202.
Ne pas avoir régler sa cotisation peut entraîner jusqu’à l’exclusion, comme l’affirme cet
acte : « s’acorda la exclusio de soci del senyor Florenti erge, per falta de pagament »203. Ce
règlement intérieur, institué dans l’Estatut de 1921, est même mentionné à propos de
l’expulsion d’un socio, en 1924 : « expulsar al socio 9363 Domenech por infraccion grave de
los Estatuts »204. Même les joueurs n’échappent pas à la règle, comme on peut le voir dans
l’acte du 10 mars 1924 : « Por falta graves cometidas en (desdoro) de la buena moralidad que
debe imferar entre los socios, se acerda expulsar del club al jugador Pedro Duque »205.
Ainsi, le FC Barcelone, mouvement social qui dispose d’une base solide de supporters
– les socios – homogène sur les plans politique et idéologique et dont les droits et les devoirs
sont clairement établis offre un cadre structuré où les nouveau venus sont incités au mimétisme,
en premier lieu sur le plan linguistique. Cette pression à l’assimilation peut favoriser
l’intégration des immigrés.
202. Livre des Actes (juin 1919-mai 1921) 203. Livre des Actes de juin 1919 à mai 1921 (acte du 20 octobre 1920) 204. Livre des Actes d’octobre 1923 à juin 1926 (acte du 28 mars 1924) 205. Livre des Actes (octobre 1923-juin 1926)
![Page 73: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/73.jpg)
73
On peut alors affirmer que le FC Barcelone est un intégrateur social de la Catalogne,
pour reprendre les termes du célèbre sociologue Alejandro Quiroga206. Il a été un support
indispensable pour l’intégration des immigrants espagnols venant de la région de Murcie,
d’Andalousie, d’Aragon ou des Baléares auxquels il a transmis des valeurs et des
De fait, le nombre de socios du club ne fait qu’augmenter. Son évolution est
exponentielle, surtout dans les années 1920, exactement dans la même dynamique que
l’immigration en Catalogne : 400 en 1910, 3000 en 1920207, puis la barre des 10 000 socios est
atteinte en juin 1923208. Durant toute cette décennie, l’augmentation est continue. Ainsi, on peut
très établir un lien de cause à effet, entre l’arrivée d’un grand nombre d’immigrants (qui s’ajoute
aux conjonctures politiques et économiques, à l’engouement pour un club qui gagne) avec la
progression exceptionnelle du nombre de socios au Barça.
Si en étant socio on devient catalan, devient-on pour autant un militant du catalanisme ?
Le stade, pendant la dictature, est-il davantage plus qu’un simple lieu de sociabilité, un moyen
de s’exprimer contre le régime ? Pour répondre le plus largement possible à ces questions, il
faut se pencher sur l’appropriation par la société catalane de ce support politique et culturel, et
sur l’usage qu’elle en fait.
206. Alejandro QUIROGA, Goles y banderas : Futbol y identidades nacionales en Espana, op.cit 207. Guillem BALAGUE, Barça : l’Histoire illustrée du FC Barcelone, op.cit 208. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit
![Page 74: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/74.jpg)
74
Partie III
-
Plus qu’un club, « un porte-drapeau de la Catalogne »
![Page 75: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/75.jpg)
75
Chapitre 7 – A l’échelle locale : le Barça, un symbole de contre-pouvoir
1-) Un point d’appui pour s’opposer
Le FC Barcelone élargit sa notoriété progressivement et devient un véritable support
populaire dans sa propre région. Il est utilisé comme instrument politique par des politiciens
locaux qui suivent le courant catalaniste ; et par la population ? Est-ce que les Catalans
considèrent le Barça comme un point d’appui politique ?
Nous savons qu’entre 1917 et 1923 le FC Barcelone est un symbole politique
extrêmement utilisé, voire instrumentalisé par les dirigeants qui sont déjà engagés
politiquement, comme le démontre notamment son soutien officiel à la campagne pour
l’autonomie de la Catalogne, publié dans la Veu de Catalunya au mois de novembre 1918209.
Toutefois, le 13 septembre 1923, Primo de Rivera, avec la complicité d’une Monarchie au bord
du gouffre, arrive au pouvoir, et la situation politique et sociale se transforme radicalement.
Deux jours plus tard, un directoire composé de huit généraux et un contre-amiral forme le
gouvernement dont Primo de Rivera est le chef. Ce dernier proclame l’état de guerre sur tout le
territoire espagnol : l’important pour le régime n’est l’impérialisme (même s’il s’est occupé du
cas marocain)210.
En effet, la priorité est située sur le plan national. Primo de Rivera exprime un
nationalisme primitif, réaffirmant l’unité nationale espagnole comme l’une de ces
préoccupations principales211. Afin de retrouver une stabilité politique, il décide d’adopter une
politique de centralisation (à Madrid) à la française, non sans ambiguïtés puisqu’il favorise le
folklore des provinces espagnoles, notamment de la Catalogne. En poursuivant tout de même
cette logique de centralisation et d’uniformisation de l’Espagne, Primo de Rivera s’attaque
logiquement aux régionalismes.
C’est surtout pendant le directoire militaire, la période la plus répressive du régime entre
1923 et 1925, que Primo de Rivera essaie d’étouffer la culture catalane, en plein essor. La
209. Voir annexe 9 210. Jordi CANAL, Histoire de l’Espagne contemporaine de 1808 à nos jours : Politique et société, op.cit
211. Benoît PELLISTRANDI, Histoire de l’Espagne : des guerres napoléoniennes à nos jours, op.cit
![Page 76: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/76.jpg)
76
Monarchie, qui soutient totalement le Général, n’hésite pas à manifester son hostilité envers les
mouvements catalanistes. Par exemple, en décembre 1923 pendant la Foire du meuble à
Barcelone, trois mois seulement après la mise en place de la dictature, le roi Alphonse XIII,
condamne le catalanisme, en critiquant des écriteaux en langue catalane. Après avoir clarifié sa
position, le régime passe à l’acte : interdiction de brandir ou d’afficher le drapeau catalan – la
Senyera – et également, de jouer ou chanter l’hymne catalan, « Els Segadors », écrit en 1899212.
La pratique de la langue catalane en public est également prohibée au profit du castillan, les
institutions catalanes sont dissoutes comme la Mancomunitat le 21 mars 1925, les partis
politiques sont écartés, et toute manifestation est interdite. Enfin, la liberté d’expression est très
limitée à cause d’une pratique intensive de la censure213.
Alphonse XIII et Primo de Rivera sont prêts à limiter le plus possible la prospérité du
catalanisme, au profit d’une politique de « renaissance nationale »214. Ne pouvant pas exprimer
leurs opinions en public au risque d’être arrêtés, les Catalans sont en position de résistance, ne
serait-ce que pour vivre selon leurs coutumes dans le secret en Catalogne, ou à l’étranger. Les
grands responsables politiques catalans étant pour la plupart exilés à l’étranger, comment la
population essaie-t-elle d’alimenter le mouvement catalaniste ? Est-ce que le FC Barcelone, par
son identité, sa réputation, et sa popularité peut devenir une opposition officielle et donc, un
obstacle au régime ? Le FC Barcelone alimente-t-il voire renforce-t-il le mouvement catalaniste
pendant le directoire militaire ?
Ces questions méritent d’être posées, puisque les expressions identitaires se voient lors
des matchs, des mouvements de supporters, mais aussi dans les relations entre le club,
l’administration régionale et les forces politiques215. Il faut donc s’intéresser à l’attitude des
supporters autour du club, pendant ou après un match, ou lors du retour des joueurs à Barcelone
après un match disputé à l’extérieur.
On peut se diriger vers un élément essentiel qui permet aux supporters d’exprimer leurs
sentiments politiques et leurs opinions vis-à-vis d’un régime qui fait tout pour étouffer la
moindre opposition : le stade. On peut définir ce lieu sportif, selon Michaël Attali et Jean Saint-
Martin, comme un « lieu de rencontres qui invite à mélanger les rôles d’acteur et de spectateur,
212. Jaume SOBREQUES I CALLICO, Histoire de la Catalogne, op.cit 213. Paul AUBERT, Jean-Michel DESVOIS, Presse et Pouvoir en Espagne 1868-1975, op.cit
214. Benoît PELLISTRANDI, Histoire de l’Espagne : des guerres napoléoniennes à nos jours, op.cit
215. Michaël ATTALI, Natalia BAZOGUE, Diriger le sport: perspectives sur la gouvernance du sport du XXe siècle à nos jours, op.cit
![Page 77: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/77.jpg)
77
un stade fonctionne de par sa nature comme une scène d’expression identitaire ou idéologique.
Les régimes politiques (en particulier les dictatures), les hooligans, mais aussi le spectateur
lambda, y font l’expérience de l’expression de leur identité spatiale (on parle de match à
domicile) ou idéologique (notamment national) »216.
Au Barça, le stade a toujours été un élément témoignant de la popularité et de la
puissance du club, surtout à partir de 1909. En effet, cette année-là, le FC Barcelone s’installe
au stade de la Route Industrielle. Après le Vélodrome de la Bonanova à ses débuts, puis le
terrain de l’Hôtel Casanoves, la ruelle d’Horta, le terrain de la route de Muntaner et la Place
d’Armes située dans la Ciutadella, « l’Escopidora » est le premier véritable stade du club217.
Connu pour sa tribune à deux étages, le stade de la Route Industrielle a une capacité d’affluence
de 6000 places, ce qui ne suffit pas pour accueillir tout le monde. En effet, il y a tellement de
supporters qui souhaitent assister au match au stade que certains sont placés sur les murs de
l’enceinte, offrant aux passants le spectacle de leur postérieur218 : c’est de là que vient le terme
de « culé », surnom donné aux supporters du FC Barcelone. Le club a de plus en plus de fans,
à l’image du nombre de « socios » qui explose, et la direction du club, avec la contribution
financière des socios, décide de construire un nouveau stade d’un million de pesetas : Les
Corts219.
Cet édifice flambant neuf et moderne pour l’époque, qu’est le stade Les Corts, est
inauguré le 20 mai 1922, lors d’un match amical entre le FC Barcelone et le club écossais de
Saint-Mirren220. Il contient 20 000 places et augmente sa capacité jusqu’à 45 000 places en
1926. C’est l’un des plus grands stades d’Europe, d’autant que de « de tels équipements
affichaient la volonté des dirigeants d’inscrire dans l’espace et la pierre l’identité sociale d’un
club »221. Grâce la popularité des culés qui enchaînent les titres, « la cathédrale du football »
affiche toujours complet. Mais est-ce que ce stade est un lieu d’expression libre ? Est-ce que le
socio peut ainsi exprimer son identité idéologique en toute liberté ? Les Corts sont-il un lieu de
contre-pouvoir ?
216. Michaël ATTALI, Jean SAINT-MARTIN, Dictionnaire culturel du sport, Paris, Armand Colin, 2010 217. Guillem BALAGUE, Barça : l’Histoire illustrée du FC Barcelone, op.cit 218. Voir annexe 14 219. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit 220. Article de Mundo Deportivo en ligne (lundi 22 mai 1922) : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1922/05/22/pagina-1/618519/pdf.html#&mode=fullScreen. 221. Paul DIETSCHY, Histoire du football, Paris, Editions Perrin, 2010
![Page 78: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/78.jpg)
78
Un incident, qui va marquer à jamais l’histoire du club, peut nous éclairer sur les
possibilités de résistance permises par les Corts et confirmer le propos extrait du Dictionnaire
culturel du sport cité ci-dessus selon lequel « un stade fonctionne de par sa nature comme une
scène d’expression identitaire ou idéologique ». Le 14 juin 1925, aux Corts, le Barça joue
contre l’équipe de Jupiter, dans un match censé rendre hommage à l’Orfeo Català. Avant la
rencontre, la British Royal Marine joue l’hymne espagnol, la Marcha Real, et l’hymne anglais,
God Save the Queen. Pendant la diffusion de ces hymnes nationaux, le public réagit : l’hymne
anglais est applaudi tandis que la Marcha Real est copieusement sifflé222. Les Catalans envoient
un signal, ils expriment leur rejet du régime de Primo de Rivera, et indirectement, de l’Espagne.
Ainsi, l’attitude des Barcelonais atteste que le stade où l’on se rassemble est un lieu de contre-
pouvoir, une caisse de résonnance qui permet d’exprimer des idées librement.
Le stade est ainsi une arme redoutable pour montrer ouvertement son opposition et
contourner la censure ou certaines interdictions, comme celle de manifester en public. La
dictature de Primo de Rivera a compris que, dans son intérêt, elle devait faire le nécessaire pour
éradiquer l’influence du Barça et de ses socios hostiles aux ambitions du pouvoir central,
comme nous pouvons le voir dans l’acte du 16 juin 1925 : « queda suspendida la celebracion
de partidos, reuniones, ni espectaculos de ningun género en el campo de Les Corts, no pudiendo
los equipos pertenecientes a ese Club tomar parte en partido alguno en otros campos hasta que
por este gobierno se dicte la oportuna resolucion »223.
Deux jours seulement après cet épisode, le club est interdit de match, les dirigeants sont
suspendus de leur fonction, notamment Joan Gamper suspendu à vie de tout poste de
management, et les Corts sont fermés pour une durée de six mois224. Habilement, le directoire
civil investit Arcadi Balaguer à la place de Gamper contraint à l’exil. En effet, comme nous
l’avons vu dans notre première partie, Balaguer est un personnage proche du roi et de la
Monarchie. Le but est donc de limiter les marges de manœuvre des responsables du club qui
encouragent les manifestations de socios à Barcelone.
Un autre acte intéressant, celui du 18 juin 1925, indique : « Se cambian impresiones
generales sobre la necesidad de reformar los Estatutos, conviniendo en que es indispensable
acometer sin mas dilaciones esa obra »225. Les Blaugranas sont dans l’œil du cyclone ! Dans
222. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit 223. Livre des Actes (octobre 1923-juin 1926) 224. Ibid 225. Livre des Actes (octobre 1923-juin 1926)
![Page 79: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/79.jpg)
79
une sorte d’impasse, le club décide dans l’urgence de réformer le règlement intérieur du club.
Peut-être en changeant la langue (passage du catalan au castillan) ? Le FC Barcelone pense-t-il
à modifier son identité, ou à la rendre moins visible ? Cet acte semble en tout cas vouloir
signifier que le Barça est clairement menacé par la dictature de Primo de Rivera.
Ainsi, le conflit ouvert entre les supporters du Barça au stade et le régime ainsi que la
réponse immédiate et brutale de Primo de Rivera à l’incident de la Marcha Real semblent
indiquer que le Barça s’affirme sérieusement comme un symbole de contre-pouvoir, au point
que le régime prend des mesures pour limiter son influence. Cependant, les socios utilisent le
Barça comme symbole de contre-pouvoir, non seulement dans le stade, mais aussi en dehors,
dans les rues de Barcelone.
En effet, les moments de joie ou l’accueil de leurs héros après un match qui s’est déroulé
à l’extérieur peuvent remplacer les manifestations ou rassemblements publics qui sont interdites
par le régime pour empêcher toute insurrection ou grèves des ouvriers. Par exemple, le 14 mai
1922, le Barça remporte le Campeonato d’Espana en battant en finale le Real Union de Irun 5
buts à 1. A leur retour de Vigo, les joueurs sont reçus par plus de 20 000 personnes selon les
journaux, ce qui démontre l’élan populaire que pouvaient provoquer les vainqueurs226. A
l’occasion des attroupements aux abords du stade et des moments de communion avec les
joueurs de retour d’un déplacement, les supporters catalans sont comme un peuple qui s’unit
et exprime indirectement une revendication politique : son opposition à Primo de Rivera.
De plus, lorsque le Barça gagne un match, et même mieux, un titre – comme le
campeonato de Catalunya – le peuple fête ce succès comme une victoire politique. Le travail
de Gabriel Colomé sur les « conflits et identités en Catalogne » nous fait découvrir un exemple
concret qui confirme l’idée qu’un triomphe du Barça devient un triomphe politique pour les
Catalans.
L’exemple vient du journal satirique catalan Xut !. En 1925, ce journal fait part du succès
des Blaugranas lorsqu’ils font le doublé championnat de Catalogne-Coupe. L’engouement et la
ferveur sont indescriptibles : « A Barcelone, cette victoire fut différente. Le club et d’autres
organismes sportifs, bien implantés dans la société, étaient devenus la seule possibilité
normalement consentie, dans le contexte de la situation sociale provoquée par la dictature,
226. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit
![Page 80: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/80.jpg)
80
d’exprimer un sentiment majoritaire de protestation et de désaccord. »227. Et même, autant que
la manifestation de leur désaccord avec le régime, les Catalans considèrent peut-être la victoire
de leur équipe comme un succès du catalanisme et un encouragement à poursuivre la lutte.
Le Barça s’affirme donc comme une véritable opposition au régime, exprimée par ses
socios et plus globalement la société catalane. Il devient clairement le représentant du peuple
catalan, au point d’acquérir une importance semblable à celle de la Mancomunitat. C’est le
point de vue affirmé par Xut !, en 1924 : « Le FC Barcelone glorieux de cette époque était
franchement exotique. Au fil des ans, il se catalanisa, et vingt-cinq ans de constance lui ont
permis d’acheter le peuple. »228.
Alors, le Barça est-il considéré par le peuple non plus comme un club, mais comme le
représentant de toute la Catalogne élevée au rang d’état-nation ?
227. Ignacio RAMONET, Christian DE BRIE, « Football et passions politiques », op.cit
228. Ibid
![Page 81: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/81.jpg)
81
2-) Être « culé », un moyen d’affirmer son amour pour la « nation » catalane ?
Le Barça, en tant que symbole de contre-pouvoir, s’inscrit dans le groupe de ceux qui
rejettent la centralisation voulue par le régime au détriment des cultures régionales. Il s’agit
maintenant de s’intéresser à la catalanisation de la société et d’étudier les relations entre les
Catalans et leur territoire, puisque cela permettrait de voir si le Barça, utilisé comme un adjuvant
politique par son peuple, a eu une véritable importance dans le renforcement du mouvement
catalaniste. Est-ce que le FC Barcelone renforce l’attachement des habitants de la Catalogne à
leur région ? Comme le fait Xut ! en 1924, peut-on affirmer que la catalanisation du Barça a
vraiment permis d’acheter le peuple ? Est-ce que le Barça est une des causes principales de la
radicalisation du mouvement catalaniste?
D’abord, dans quelle mesure les dirigeants et supporters de cette institution sportive
contribuent-ils à l’émergence du nationalisme catalan qui se radicalise dans les années 1920 ?
Dès novembre 1918, le Barça, par l’intermédiaire du journal la Veu de Catalunya (de
tendance catalaniste), s’affiche officiellement comme un partisan du mouvement catalaniste.
En effet, le FC Barcelone annonce soutenir la campagne en faveur de l’autonomie de la
Catalogne dirigée par Francesc Cambo229. Par ailleurs, le journaliste de la Veu de Catalunya,
Daniel Carbo, écrit que, grâce à ce soutien clair, le FC Barcelone passe du statut de club de
Catalogne à celui de club de la Catalogne230. Ainsi, le Barça pouvait déjà être considéré comme
le représentant direct de toute une région. Est-ce que pour la population, évoquer le Barça, c’est
évoquer la Catalogne en même temps ?
Au sein du club, on retrouve des paroles à consonance patriotique prononcées
officiellement par ses membres – les socios – ou les dirigeants. Par exemple, le 27 juin 1920,
une assemblée des socios a lieu et se termine par ces deux phrases symboliques : « Nous sommes
du FC Barcelone parce que nous sommes de Catalogne. Nous faisons du sport parce que nous
faisons la patrie »231.
D’après la première phrase, le FC Barcelone est directement affilié à la Catalogne, c’est-
à-dire qu’un catalan, d’où il vienne, va soutenir sa capitale régionale plutôt que sa localité. La
deuxième phrase est plus forte puisqu’elle bascule dans la consonance nationaliste. Le sport, ici
229. Voir annexe 9 230. Voir annexe 9 231. Manuel TOMAS, Frédéric PORTA, Barça inédito : 800 historias de la Historia, Barcelone, Corner 2016
![Page 82: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/82.jpg)
82
le football, « offre un terrain privilégié à l’affirmation des identités collectives et des
antagonismes locaux ou régionaux. », en particulier le FC Barcelone qui « fai[t] office de porte-
drapeau à l’identité catalane »232. Faire du sport, par sa pratique ou en soutenant une
association sportive, c’est-à-dire une communauté qui regroupe toutes les catégories sociales
catalanes, s’inscrit dans la volonté de développer « la patrie », en l’occurrence la Catalogne.
D’après le dictionnaire Larousse, la patrie est une « communauté, nation à laquelle quelqu’un
a le sentiment d’appartenir ». Le cadre du football est idéal pour promouvoir l’idée d’un destin
national et la volonté de construire un avenir en commun. En effet, le football est une discipline
universelle qui représente la société, ses envies, et ses pensées puisqu’il est universel et englobe
toutes les couches de la société, d’abord ouvrière à la fin du XIXème siècle jusqu’aux classes
aisées233.
Par conséquent, on peut supposer qu’adhérer au Barça - club de football et plus
largement association sportive - c’est s’inclure dans une communauté structurée dans le combat
pour la Catalogne, qui réclame plus de liberté, plus d’autonomie, tout en restant attachée à
l’Espagne. Le développement de la Catalogne, notamment de sa culture, passe avant l’Espagne
sans pour autant rejeter cette dernière.
Nous trouvons une nouvelle trace confirmant la ligne politique gravée dans les esprits
des socios – à savoir que le fait d’être au Barça revient à s’inscrire dans la construction de la
Catalogne et à participer de son destin – dans une chronique rédigée dans le bulletin officiel du
club de 1921. Elle est l’œuvre de Daniel Carbo, journaliste à la Veu de Catalunya :
« Aujourd’hui, comme demain, le football catalan t’acclame vainqueur ; aujourd’hui, comme
hier, dans une lutte épique et féroce, les lauriers de la victoire entoure ton front... Allons !...
Barcelone ! Sens-tu ? le rythme chaud et vibrant des heures solennelles, (…) siffler l’espace,
renouvelé, à ta louange, la chanson victorieuse, la chanson sonore et réconfortante qui exalte
ta force suprême. Sens-tu ? C’est le même hymne arboré des temps passés… qui doit être le
même hymen triomphal des temps futurs »234.
Cette déclaration d’amour adressée au Barça par ce journaliste, relie le FC Barcelone à
la Catalogne, mettant le club de Joan Gamper en position de chef de file du football catalan.
Pour justifier ce statut de représentant de la Catalogne, le club est héroïsé dans cette partie du
texte : aujourd’hui, comme hier, dans une lutte épique et féroce, les lauriers de la victoire
232. Ignacio RAMONET, Christian DE BRIE, « Football et passions politiques », op.cit 233. Ibid 234. Bulletin officiel de 1921
![Page 83: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/83.jpg)
83
entoure ton front...Allons !. Le FC Barcelone, en remportant le Campeonato de Catalunya au
même titre qu’une médaille d’or aux Jeux Olympiques d’Été, semble la fierté de la Catalogne,
et ces images empruntées au champ de l’épopée facilitent l’appropriation par toute une région
de l’équipe de Barcelone.
De la part des membres du club, il y a bien une prise en compte marquée de cette
communauté de supporters qui se revendiquent d’abord « catalans », plutôt qu’« espagnols »
ou barcelonais. Dans un bulletin officiel du club de janvier-février 1922, on peut voir la
représentation de l’Estelada, en ouverture d’un défilé de drapeaux représentants d’autres
pays235. L’Estelada est un drapeau qui revendique l’indépendance, un symbole très significatif
et qui marque le début d’un nationalisme catalan fort, surtout à partir de 1918 lorsque sa
conception est définie. Cette pensée nationaliste se renforce pendant la dictature, à la faveur
d’un événement qui constitue un moment clé dans l’histoire du club, événement bien connu
aujourd’hui : le 25ème anniversaire du FC Barcelone, le 7 et 8 décembre 1924. Pendant cette
fête, Joan Gamper tient un discours dans lequel il prononce ces mots : « Visca el Barça i visca
Catalunya » ! Les aficionados236 répondent en écho par cette seule parole « Visca »237 !
Le FC Barcelone et la Catalogne sont désormais affichés conjointement, afin de
constituer un ensemble. Il est important de souligner l’importance de cette phrase d’un point de
vue politique et identitaire. Elle montre que pendant la période du directoire militaire de Primo
de Rivera, le club s’est radicalisé d’un point de vue « identitaire ». Avec un régime qui a déclaré
la guerre aux régionalismes et des locaux acquis à la cause du FC Barcelone, les Blaugranas ne
pouvaient que continuer et aller plus loin dans la voie prise et assumée depuis 1917.
Alors, le Barça est devenu une institution qui permet au peuple de s’identifier à la
Catalogne : ainsi, supporter ou soutenir le Barça, c’est l’action aussi de soutenir la Catalogne,
surtout à partir de la dictature, sous laquelle toute apologie de la Catalogne, autonomiste ou pas,
est censurée et sanctionnée. Ainsi, la phrase « Vive le Barça et vive la Catalogne » exprimée
symboliquement par Joan Gamper indique l’évolution du club et l’importance de celui-ci pour
une population qui est de plus en plus attachée à la Catalogne. Il semble évident que cette
235. Manuel TOMAS, Frédéric PORTA, Barça inédito : 800 historias de la Historia, op.cit 236. En Espagne, l’aficionado est une personne qui est véritablement passionnée par sa discipline, très assidue aux événements sportifs de la discipline concernée. Ce terme dont la traduction littérale originelle est « amateur », vient du lexique de la tauromachie. 237. Guillem BALAGUE, Barça : l’Histoire illustrée du FC Barcelone, op.cit
![Page 84: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/84.jpg)
84
expression est avant tout politique et confirme le statut du FC Barcelone comme institution
engagée et véritablement catalaniste.
Ces paroles mémorables de Gamper ont-elles une postérité ? L’assimilation du FC
Barcelone et de l’entité Catalane est-elle une idée reprise par les citoyens dans la rue ? Oui,
d’après Gabriel Colomé, qui montre que le drapeau du FC Barcelone (les couleurs Rouge et
Bleu, accompagnées de l’écusson du club dans lequel on retrouve les couleurs du drapeau
catalan et la croix de Saint-Georges) se substitue à la Senyera, drapeau de la Catalogne238.
Ainsi, en brandissant un objet à l’effigie du club, on fait directement référence à la
Catalogne et à la volonté de perpétuer la culture catalane malgré les interdits. Pendant la
dictature, le Barça incarne la Catalogne pour les Catalans. Ainsi, brandir le drapeau du Barça
remplace l’action d’agiter le drapeau de la Catalogne ; crier « Visca Barca » remplace « Visca
Catalunya » en conservant sa signification.
L’utilisation des symboles du club comme les insignes, ou de paroles à la gloire du
Barça permettent de contourner la censure afin de dire librement qu’on est attaché à la
Catalogne, et dans le même temps, de critiquer la monarchie et le régime. Cette transformation
de la part du FC Barcelone qui développe son statut de contre-pouvoir en étant la « Catalogne »
est-elle confirmée au sein du club ?
Un acte, celui du 13 juin 1924, indique : « Expulsar al socio n°2490, José Ribes por
haber pisoteado la insigna del club al salir del campo »239. Le socio José Ribes a été destitué
de son statut de socio par le club pour avoir piétiné l’insigne du club. Salir le drapeau du club
équivaut à salir le drapeau de la Catalogne. Dans le contexte bien précis où se déroule cet
incident, nous pouvons supposer que le sentiment patriotique ou nationaliste est très présent et
que « piétiner » un symbole du club peut être considéré comme un acte de trahison contre la
Catalogne.
Cette ligne « nationaliste catalane » adoptée par les dirigeants et qui doit être respectée
par les socios est claire à la fois dans la théorie et la pratique. Néanmoins, cette pratique est
visible : est-ce que le régime ou la monarchie réagissent contre ces actions considérées illégales,
comme lors du scandale de la Marcha Real ?
238. Ignacio RAMONET, Christian DE BRIE, « Football et passions politiques », op.cit 239. Livre des Actes (octobre 1923-mai 1926)
![Page 85: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/85.jpg)
85
Grâce au travail de Manuel Tomas qui a répertorié 800 anecdotes sur le FC Barcelone,
on a connaissance de l’arrestation d’un socio, Emili Bragulat, par la police sur la rambla de
Sabadell ; il est accusé d’avoir brandit un insigne Blaugrana, le 3 août 1925240. C’est pendant
la fermeture des Corts suite au scandale de la Marcha Real, et le club est extrêmement surveillé
par les autorités. Le FC Barcelone est véritablement considéré comme une institution
indésirable, un ennemi de Primo de Rivera.
La fierté populaire provoquée par le Barça, auquel tout le peuple catalan s’assimile est
de plus en plus forte et le régime doit le plus possible effacer l’influence du club et de ses
supporters qui menacent sa stabilité. Il semble y avoir un destin national partagé par tous les
supporters du club. Le Barça a réussi à transmettre son amour pour la Catalogne à ses supporters
qui peuvent l’affirmer grâce à lui.
Le club étant un « résistant » face à une dictature qui essaie de limiter son influence au
niveau local, quel est son statut au niveau international ?
240. Manuel TOMAS, Frédéric PORTA, Barça inédito : 800 historias de la Historia, op.cit
![Page 86: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/86.jpg)
86
Chapitre 8 – A l’échelle internationale : un ambassadeur de la Catalogne ?
1-) La Catalogne dans le monde international
Il est indispensable avant de traiter la question de la place du FC Barcelone en tant que
représentant de la Catalogne au-delà des Pyrénées, de rappeler le contexte de la Catalogne, plus
précisément le statut de ce territoire sur le plan international.
L’Espagne se tient à l’écart de guerre de 14-18 en ne souhaitant pas y participer. Elle ne
soutient officiellement ni l’Allemagne, ni la France, et se situe « dans une neutralité totale qui
ne pourrait qu’être bénéfique à son économie »241. Néanmoins, les Espagnols sont sensibles à
ce conflit et prennent parti pour l’un des deux camps. Les partisans du camp allemand sont pour
la plupart des citoyens issus de la haute société, comme la bourgeoisie d’affaires, des
ecclésiastiques et une bonne partie des carlistes, accompagnés de militaires. En revanche, les
démocrates et les républicains soutiennent en majorité les Français242.
Alors, quelle est la position des Catalans ? Malgré la francophobie affichée par des
journaux comme la Vanguardia ou la Pluma, les Catalans sont plutôt du côté de la Triple-
Entente formée par la France, l’Empire Russe et l’Empire Britannique243. Pour preuve, 12 000
à 15 000 volontaires ont demandé à former une légion catalane avec les troupes françaises (3000
seulement survivront). Cette collaboration favorise l’implantation de la Catalogne dans ses
relations à l’échelle internationale. Par ailleurs, elle intensifie ses rapports avec une grande
puissance comme la France, en créant notamment un « Comité de Fraternité avec les
Volontaires Catalans », afin d’obtenir des dons pour financer les belligérants.244
Cette amitié franco-catalane est une aubaine pour la Catalogne. Elle favorise sa
reconnaissance dans le monde entier, et surtout, lui donne légitimité à faire des demandes lors
des négociations de paix. Elle légitimerait par exemple la demande, par les autorités catalanes,
de reconnaissance du peuple catalan.
Ainsi, l’amitié entre la France et la Catalogne est bien entretenue tout au long du premier
grand conflit mondial, entre 1914 et 1918. D’abord, les Jeux Floraux de Barcelone en 1915,
241. Michel BOUILLE, Claude COLOMER, Histoire des Catalans, op.cit 242. Ibid 243. Ibid 244. Ibid
![Page 87: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/87.jpg)
87
« véritables démonstrations de francophilie »245, puis, le 12 février 1916, de hautes personnalités
catalanes comme le vice-président de la Mancomunitat rendent visite à des blessés de guerre à
Perpignan. Même Monseigneur de Carsalade les accueille en disant : « Frères de Catalogne,
vous voyez ici, en petit, toute la France unie, résolue, patriotique, héroïque »246. Autre élément,
l’archevêque de Tarragone et Emmanuel Brousse (député des Pyrénées-Orientales) vont
soutenir les combattants sur le front à Verdun, en Champagne.
En dehors des échanges politiques, les civils assurent ces relations également, avec par
exemple, des actions de soutien développées en Catalogne. A Barcelone en juin 1918, un comité
chargé d’accueillir des enfants de soldats français est monté. Les relations entre la France et la
Catalogne se portent à merveille jusqu’à la fin de la guerre.
Compte tenu de leurs efforts, et de leurs nombreux sacrifices en faveur des vainqueurs,
les volontaires catalans rédigent une lettre à destination du président des Etats-Unis
d’Amérique, Wilson. Dans cette lettre, ils expriment plusieurs revendications, comme le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes, une reconnaissance de la Catalogne et qu’elle puisse
accéder à la Société des Nations247. C’est le moment parfait pour se mettre en lumière devant
le monde entier et mettre en avant des revendications nationalistes qui ne font qu’émerger, qui
plus est face à un président américain qui se veut le « champion de la reconnaissance des
minorités »248.
Dans le même temps, une délégation catalane est envoyée à Clémenceau, et celle-ci
réclame une Catalogne grande, incluant le Roussillon. Mais ce souhait est balayé par les
autorités françaises. Et les volontaires catalans ne peuvent pas participer au grand défilé de la
victoire (armés d’un drapeau catalan), le 14 juillet 1919. Toutefois, le général français Joffre
qui a conduit la Bataille de la Marne en 1914, est reçu en héros à Barcelone lors des Jeux
Floraux de 1920, car il a des liens forts avec la Catalogne. Sa venue a un fort retentissement et
fait oublier les déceptions à l’égard de la France. Par ailleurs, on profite de ces Jeux Floraux
pour tenir des discours à tendance indépendantiste, chanter l’hymne catalan, même devant
Joffre.
A partir de la dictature imposée par Primo de Rivera en septembre 1923, les catalanistes
sont contraint de rester silencieux. Beaucoup se réfugient dans la clandestinité et entretiennent
245. Michel BOUILLE, Claude COLOMER, Histoire des Catalans, op.cit 246. Ibid 247. Ibid 248. Ibid
![Page 88: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/88.jpg)
88
leur courant politique et culturel dans le plus grand secret en Catalogne, tandis que d’autres sont
exilés à l’étranger. Ce sont surtout ces militants catalanistes exilés qui vont être les plus
impliqués dans la cause. Nicolau d’Olwer, membre de Lliga Regionalista et un des premiers
dirigeants d’Accio Catalana, est en exil à Genève dès la fin de l’année 1923. Cet activiste
catalaniste « amène le Conseil de l’Action Catalane, réuni à Perpignan en janvier 1924, à
porter la question catalane à la tribune de la Société des Nations »249. Toutefois, les Catalans
n’auront pas gain de cause puisqu’ils ne sont pas reconnus en tant que peuple, comme les
Kurdes en 1920. Cette information est loin d’être ignorée à l’époque, ce qui éclaire l’importance
qu’a pris la Catalogne, mieux connue dans le monde qu’avant la première guerre mondiale : la
communauté internationale commence à être sensibilisée à la question catalane.
D’autres catalanistes insistent et présentent différents recours devant l’aide
internationale. Suite à l’attitude française contre les intérêts catalans, les activistes n’ont pas
hésité à demander l’aide de Gustav Stresemann, ministre allemand des Affaires étrangères et
prix Nobel de la paix en 1926 avec Aristide Briand250. Ce changement de position attriste les
catalanistes français comme Pierre Francis.
Cela confirme que dans le courant des années 1920, la cause catalane prend de plus en
plus d’importance, portée par des catalanistes très actifs. Francesc Macià251, un des premiers
promoteurs du concept de séparatisme et fondateur du parti « Estat Català », exilé à Perpignan,
est aidé financièrement par des Européens et même des habitants du continent américain
(sûrement d’Argentine, Uruguay et Chili où il y a une communauté catalane importante) afin
de préparer « une insurrection qui libérera la Catalogne »252. Il même tente de convaincre les
Soviétiques de l’aider, mais sans succès.
En tout cas, Macià a pu porter et faire connaître la cause catalane en Amérique du Sud,
puisqu’après deux mois de prison purgés suite à son arrestation en France en 1926 (pour
l’organisation de son insurrection), il s’envole pour l’Amérique du Sud, au début de l’année
1928. Il arrive en Uruguay, traverse l’Argentine et le Chili. Depuis cette ancienne colonie
249. Michel BOUILLE, Claude COLOMER, Histoire des Catalans, op.cit 250. Ibid 251. Francesc Macià fait d’abord une carrière militaire dans laquelle il finit lieutenant-colonel. Il commence sa carrière politique en 1907, sous la bannière de la coalition catalaniste Solidaritat Catalana. Il est élu député lors des élections de 1907 puis réélu en 1914, 1916, 1918, 1919, 1920 et 1923. Voulant renverser le régime de Primo de Rivera, il prépare un projet d’insurrection armée depuis Prats-de-Mollo qui sera stoppé par les autorités françaises. Après la chute de la dictature, Macià revient en Catalogne en 1931 et fonde un parti politique indépendantiste de gauche : Esquerra Republicana. 252. Ibid
![Page 89: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/89.jpg)
89
espagnole indépendante depuis 1818, il part à destination de Cuba, plus précisément de sa
capitale, la Havane253. C’est depuis ce pays qu’il fonde le Parti Séparatiste Révolutionnaire de
Catalogne et qu’il convoque une assemblée constituante du séparatisme catalan dans laquelle il
adopte un projet de constitution provisoire d’une République Catalane. Enfin, ce fervent
catalaniste termine son périple à New-York avant de revenir en Espagne. Ainsi, on peut penser
que la question catalane a été exportée au niveau mondial et qu’elle devient de plus en plus
connue, y compris les revendications les plus radicales qui vont jusqu’à l’indépendance de la
Catalogne.
Maintenant, il s’agit de savoir si le FC Barcelone suit sa ligne politique en se posant
comme ambassadeur de la Catalogne au niveau international.
253. Michel BOUILLE, Claude COLOMER, Histoire des Catalans, op.cit
![Page 90: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/90.jpg)
90
2-) Représenter la Catalogne dans un cadre sportif, par des tournées et des rencontres
internationales
La Catalogne depuis la fin de la première guerre mondiale « a changé de catégorie ».
Elle n’est pas qu’une simple région, mais bien un territoire qui veut désormais s’émanciper,
comme l’a voulu le FC Barcelone en participant à diverses causes au niveau local. Les Catalans
souhaitent être reconnus comme « peuple », en même temps que leur culture et leur territoire,
avec plus d’autonomie. Afin de porter cette cause au niveau international, le Barça doit
s’engager dans des manifestations sportives à l’échelle internationale, donc en relation avec des
clubs étrangers.
Comment le Barça représente-t-il la Catalogne dans le monde ? Est-ce que le club, par
l’intermédiaire de ses joueurs, est le successeur de la légion catalane qui a été le porte-drapeau
de la Catalogne pendant la guerre aux côtés des Alliés ? Comment le FC Barcelone, dans le
cadre sportif, peut-il assurer cette responsabilité d’être le porte-drapeau de sa région dans le
monde entier ? Par ailleurs, est-ce que le Barça a de fortes relations avec les institutions
sportives françaises ou d’Amérique ? Hors du cadre footballistique, sa tradition d’ouverture aux
autres peut être un atout pour le club afin de diffuser la culture ou les revendications catalanistes
indirectement.
Le FC Barcelone peut jouer un rôle d’ambassadeur en dehors des terrains par
l’intermédiaire de relations administratives. L’acte du 1er décembre 1919 nous apprend que le
club « S’acorda invita al Sr. Consul de Suissa »254. Le club prévoit d’inviter le consul de Suisse,
quelques mois seulement après l’investiture de Ricardo Graells, successeur de Joan Gamper.
En invitant ce représentant diplomatique chargé d’assurer les relations internationales entre la
Suisse et l’Espagne, les dirigeants du club provoquent-ils une rencontre de nature politique ou
simplement personnelle ?
Il est nécessaire de rappeler qu’après la Première Guerre mondiale, la SDN est créée et
que son siège est à Genève à partir de 1920. Dans le même temps, des représentants catalans
ont écrit une lettre au président américain Wilson (qui venait d’écrire ses 14 points, parmi
lesquels figure « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) avec des revendications,
notamment l’entrée de la Catalogne dans la SDN. Cette rencontre à ce moment précis de
254. Livre des Actes (juin 1919-mai 1921)
![Page 91: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/91.jpg)
91
l’histoire est-elle un simple hasard, une coïncidence ? En tout cas deux pistes se dégagent : d’un
côté, celle d’une rencontre personnelle et amicale, probablement organisée par Joan Gamper
qui restait toujours proche du club, y compris sans mandat de président. D’un autre, une
rencontre politique dans laquelle le Barça assume un rôle d’ambassadeur dans un échange
diplomatique, dans le but de poser la question autonomiste catalane au niveau international et
d’obtenir sa prise en compte par la SDN. Cependant, le FC Barcelone ne pèse pas assez en 1919
et ne peut pas multiplier les rencontres avec des consuls ou ambassadeurs européens, et le
scénario d’une rencontre politique avec le Consul suisse reste une simple hypothèse.
Pour que le club ait plus de poids et soit reconnu dans le monde entier afin d’être le
porte-drapeau de la Catalogne, le Barça privilégie les rencontres sportives amicales avec des
clubs étrangers et de grandes tournées en Amérique latine. Dans les années 1920, avec la montée
de la presse sportive, le football se mondialise et touche quasiment tous les pays255.
Dès 1921, selon le livre des actes, le club prépare des tournées en Amérique du Sud,
après que la saison est terminée : « Pel consell directiu es cambien (…) respecte a les
manifestacions fetes pel Senyor Presdient respecte a les proposicions fetes per un viatje del
equipe a America »256. Ce voyage footballistique à la rencontre du football sud-américain est
très important pour le club. L’acte du 3 mai 1921 compte sept pages ce qui est énorme, en
termes de quantité, pour le rapport d’une réunion de club. Il confirme que « la sociedad FC
Barcelona jugarà en Buenos Aires… »257. Alors, que peut faire la délégation du club en terre
argentine ?
Déjà, il est important de signaler que cet acte est rédigé spécialement en castillan et non
comme habituellement en catalan. Le club est ainsi allé en Argentine d’une part pour jouer des
parties de football, et d’autre part pour établir des relations directes entre la Fédération Catalane
de football et le responsable de la Fédération sportive Argentine. On peut supposer que le FC
Barcelone porte parfaitement le costume d’ambassadeur international pour représenter la
Catalogne en Amérique du Sud, d’autant que toute l’administration du club et les joueurs
principaux comme Zamora et Samitier sont du déplacement. La relation Catalogne-Argentine
élaborée dans le cadre du football semble sérieuse puisque le Barça est cité comme une
entreprise représentant en quelque sorte la Catalogne.
255. Alfred WAHL, La balle au pied : Histoire du football, Paris, Gallimard, Coll.Découvertes, 2002 256. Livre des Actes de juin 1919 à mai 1921 (acte du 15 avril 1921) 257. Livre des Actes (juin 1919-mai 1921)
![Page 92: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/92.jpg)
92
Dans les documents du club, on peut constater que vers la fin de la dictature, plus
précisément en 1928, le FC Barcelone conserve l’habitude d’accomplir sa tournée « sportive »
en Amérique du Sud. Dans le bulletin officiel de 1928, un dessin humoristique intitulé : « le
football à cent à l’heure » témoigne du rythme effréné du calendrier du Barça258. Un wagon
marqué par l’insigne du club dépose les joueurs qui, avec leur valise, vont prendre le bateau.
Dans le programme des joueurs, nous pouvons supposer que la fameuse tournée en Amérique
du Sud a autant de valeur qu’un match officiel en championnat ou en coupe nationale, comme
le démontre l’itinéraire décrit par la légende située juste en-dessous du titre du dessin : « circuit :
Santander – Les Corts – Sud América – Les Corts ».
Porte-drapeau de la Catalogne dans le plus grand secret sur son propre territoire, le FC
Barcelone peut s’exprimer matériellement et symboliquement plus librement à l’étranger, d’où
l’importance capitale de faire les tournées à l’étranger. C’est exclusivement dans le cadre
sportif, éventuellement administratif, que l’image de porte-drapeau de la Catalogne que veut
conserver le Barça est diffusée et assurée. En Catalogne, ce sont les supporters, dans le cadre
social, qui entretiennent illégalement l’image de leur club comme « représentant de la
Catalogne ».
Néanmoins, ce concept de « porte-drapeau de la Catalogne » peut aussi s’illustrer sur le
territoire catalan d’une manière habile, dans le cadre de l’organisation indépendante de mini-
tournois impliquant des équipes étrangères. N’est-ce pas l’occasion, en se mesurant au gratin
du football européen de l’époque, de faire valoir la puissance du club pour confirmer son statut
de porte-drapeau ?
Des tracts du club datant de 1922 illustrent cette volonté du FC Barcelone d’organiser
des matchs à portée internationale sur ses terres. En pleine dictature, la société a un rapport
nationaliste avec son club de football, le considérant comme une sélection nationale. Joan
Ventosa i Calvell, président de la Confédération sportive de Catalogne le souligne : « Le FC
Barcelone, en plus d’être un représentant sportif, est le représentant patriotique de la
Catalogne. ».
Les tracts indiquent que le club a joué les 24 et 25 décembre 1922 face à l’équipe
hongroise du MTK Budapest championne de Hongrie ; le 31 décembre et le 1er janvier 1923
contre l’Amateure de Vienne, solide leader du championnat autrichien, et enfin le 6 janvier
258. Bulletin officiel du FC Barcelone 1928. Voir annexe 15
![Page 93: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/93.jpg)
93
1923 face à Nuremberg, champion d’Allemagne259. Cette organisation, gérée par le club,
permettra de remplir le stade facilement, afin que le public catalan assiste à « des matchs
sensationnels » entre « quatre champions en lutte »260. Face à de grands adversaires, le club
peut profiter de ces événements pour être, le temps d’un ou plusieurs matchs, « le représentant
patriotique de la Catalogne ». Il y a une véritable importance accordée à ces mini-tournois de
la part des dirigeants barcelonais, notamment d’après un article intitulé « l’arbitrage des grands
matchs internationaux », retrouvé sur ces mêmes tracts. En effet, bien que ces matchs ne soient
pas officiels, on peut lire dans cette chronique que « les grands matchs que disputera le FC
Barcelone (…) constitueront une sorte de championnat international dans lequel les valeurs
très importantes du football continental doivent être mises en exergue »261.
Le Barça met en jeu son honneur et sa réputation et se doit de respecter les valeurs
promues depuis sa fondation afin de mériter son statut de porte-drapeau de la Catalogne devant
son public, aux Corts. Parmi ses valeurs, on peut citer l’ouverture aux autres, puisqu’il affronte
des clubs venant des pays perdants de la première guerre mondiale et qui sont ostracisés à la
sortie de la guerre. En effet, dans le domaine du sport par exemple, suite au démantèlement de
l’Empire Austro-Hongrois, ni l’Autriche, ni la Hongrie, avec l’Allemagne, ne prennent part aux
Jeux Olympiques 1920. Néanmoins, en 1922, ces nations sont en train de revenir sur le devant
de la scène internationale, à l’image de l’adhésion de l’Autriche à la SDN le 15 décembre 1920,
puis de la Hongrie le 18 septembre 1922. Ces deux ex-entités de l’Empire Autro-Hongrois ont
à nouveau le droit de représenter leur pays aux Jeux Olympiques de Paris en 1924, comme aux
Jeux Olympiques de Stockholm en 1912.
Le club a donc de plus en plus de poids en tant qu’institution sportive, par le
développement de relations à portée internationale, à la fois sur les continents américain et
européen. Mais qui sont réellement les ambassadeurs qui ont permis au Barça, incarnation de
la Catalogne, de fréquenter des personnalités importantes, d’accueillir les meilleures formations
internationales ou de faire des tournées à l’autre bout du monde ? Il faut alors creuser un aspect
important du sujet : les joueurs. Ils ont fait du Barça, un grand club populaire grâce à leurs
différents exploits footballistiques.
259. Voir annexe 16 260. Voir annexe 16 261. Tracts du FC Barcelone (1922)
![Page 94: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/94.jpg)
94
Chapitre 9 – L’appropriation du club par toute une société : l’héroïsation
des joueurs
1-) L’omniprésence des joueurs dans la société catalane
Dans les derniers chapitres de cette partie, nous avons pu observer l’appropriation du
FC Barcelone par son peuple, en particulier les supporters. Toutefois, qui défend l’institution
sportive catalane sur le terrain, et permet donc à ces gens d’avoir de l’amour ou un rapport
privilégié avec leur club ? Ce sont bien évidemment les joueurs. Ils sont les principaux acteurs
de leur propre discipline. Plus un de ces protagonistes multiplient les exploits individuels balle
au pied, plus le public scande son nom et l’admire.
Ainsi, il s’agit d’étudier l’importance de ces personnages et leur influence dans la société
catalane. Avant d’aborder plus en profondeur ce sujet, il est indispensable de connaître le statut
d’un joueur de football, y compris celui d’un protagoniste du FC Barcelone dans la période que
nous étudions.
A partir de 1917, la professionnalisation du joueur de football est déjà évoquée par un
périodique sportif madrilène, Madrid Sport262. Le football, depuis la fin du XIXème siècle, est
avant tout perçu comme une école de la vertu et de la transmission de valeurs morales263, une
conception soutenue, nous l’avons vu, par Joan Gamper. Néanmoins, ce développement rapide
du football, surtout d’un point de vue économique, entraîne un processus de
professionnalisation vers la fin des années 1910. Cela ne plaît pas du tout à Joan Gamper, trop
attaché à ses valeurs morales et éthiques du sport, tandis que certains dirigeants défendent ce
processus de professionnalisation264.
Par ailleurs, compte tenu du contexte sportif très favorable au club qui connaît de
nombreux succès, les joueurs sont mis en lumière. D’après Mercè Morales, les années 20 du
Barça souvent intitulées « l’ère Samitier », sont portées par trois joueurs à la fois sur le terrain
et dans l’extra-sportif : Josep Samitier, Paulino Alcantara et Ricardo Zamora. Les premiers
contrats professionnels signés par les joueurs, notamment les trois derniers cités, font du
262. Paul DIETSCHY, Histoire du football, op.cit 263. Alfred WAHL, La balle au pied : Histoire du football, op.cit 264. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit
![Page 95: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/95.jpg)
95
football un travail exercé à plein temps. Le premier à être rémunéré à plein temps par le club
est l’entraîneur anglais Jack Greenwell en 1917, une révolution pour l’époque265. C’est le point
de départ d’une transition entre l’amateurisme et ses valeurs du fair-play, et un fonctionnement
plus professionnel au FC Barcelone : désormais, le salaire est un critère important qui peut
encourager le départ vers un autre club au détriment de la fidélité.
Par ailleurs, les joueurs sont de plus en plus visibles, notamment grâce à l’essor de la
presse sportive qui fait croitre l’intérêt social pour le football, en particulier dans les régions où
le régionalisme est fort266. La radio a aussi son importance et accompagne la presse écrite,
puisqu’elle retransmet dans la seconde moitié des années 1920 les matchs. La première
rencontre de football commentée depuis une radio date du 13 novembre 1927 : il s’agit d’un
Barça-Espanyol, couvert par Radio Barcelona267.
Selon Quiroga, à partir de 1927, les journaux font des analyses d’avant-match, la radio
commente le match en direct et les analyses d’après-match sont effectuées par la presse
écrite268. Quiroga affirme que ces médias sont des supports qui permettent de diffuser le
message nationaliste en dehors de l’analyse purement footballistique, mais il n’évoque à aucun
moment les médias comme support de démocratisation du football et de ses acteurs. Pourtant,
les médias ne font pas que participer à la diffusion de messages politiques ou nationalistes,
puisqu’ils permettent aussi largement de mettre en lumière les protagonistes d’une discipline,
ceux qui favorisent la diffusion d’un club et de son identité.
Les joueurs sont donc exposés. A force d’être régulièrement cités par des médias suivis,
pour la plupart par des milliers de personnes, il peut sembler évident que la société dans sa
globalité connaît ces fameux joueurs. Alors, est-ce que ces joueurs sont les stars de leur
époque ? Comment sont-ils représentés ? Peut-on évaluer leur popularité ?
Par l’intermédiaire de divers documents, en particulier matériels, nous pouvons
constater que les joueurs de football sont représentés par l’intermédiaire de nombreux supports
différents. Dans les années 1920, nous avons à notre disposition des représentations de joueurs
du Barça sur des boîtes de chocolats, sur des affichettes, des stickers, ce qui permet beaucoup
265. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit 266. Ramos LLOPIS-GOIG, Spanish Football and Social Change : Sociological Investigations, op.cit 267. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit 268. Alejandro QUIROGA, Football and National Identities in Spain : The Strange Death of Don Quixote, op.cit
![Page 96: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/96.jpg)
96
plus facilement aux gens de se familiariser avec le club et de s’identifier à ses joueurs. Sans
surprise, le joueur le plus représenté et exposé est le local Josep Samitier.
L’attaquant du FC Barcelone, qui a défendu les couleurs du club entre 1919 et 1931, est
partout. On peut l’apercevoir sur les boîtes de chocolats de la marque Orthi269, dans des
cartes270, mais aussi dans un jeu pour enfant, un puzzle271. Dans ce puzzle, il est représenté
plusieurs fois, au centre de l’image en grand format, puis en fond, dans différentes situations de
jeu accumulant tous les gestes footballistiques à la fois offensif et défensif. Par exemple, en
haut à droite, on peut discerner Samitier en train de faire une conduite de balle ou à gauche, en
train de faire un contrôle de la poitrine, tandis que deux cases plus bas, Samitier se transforme
en défenseur puisqu’on le voit réaliser un tacle glissé. Ce qui est intéressant, c’est que ce joueur
dont sont exaltées les prouesses techniques, est toujours affiché avec le maillot du FC
Barcelone, ou l’insigne du club est toujours à proximité de son visage.
Un autre joueur fait le bonheur des illustrateurs : Ricardo Zamora. Ce portier, qui fait
partie, avec Samitier, des protagonistes qui ont rapporté la médaille d’argent aux Jeux
Olympiques d’Anvers (1920), est omniprésent alors qu’il a seulement fait trois saisons avec les
Blaugranas. On le retrouve sur les emballages d’une marque de chocolat – Amatller – très
célèbre à Barcelone272. Elle existe depuis 1797 et a toujours édité des affichettes publicitaires,
sur lesquelles on peut discerner des joueurs de football comme Ricardo Zamora justement.
Véritable rock-star de son époque, comme en témoignent des couvertures de magazines, il a un
véritable poids, y compris au niveau international. Par exemple, en 1926, il évolue avec
l’Espanyol Barcelone, il fait la Une de la revue sportive argentine « El Gràfico », preuve d’une
reconnaissance du joueur en dehors de la Péninsule Ibérique273.
Paulino Alcantara, pièce maîtresse des différents succès barcelonais, a aussi droit à ses
propres représentations ou apparitions sur des cartes, sous la tunique du FC Barcelone274. Autre
joueur important qui a marqué les consciences collectives de son époque, Agusti Sancho, fidèle
au club pendant 11 saisons (1916-1928), et heureux médaillé d’argent aux Jeux Olympiques
d’Anvers avec l’Espagne, a droit comme Josep Samitier, a son propre jeu de puzzle275. Il est au
269. Voir annexe 17 270. Voir annexe 18 271. Voir annexe 19 272. Voir annexe 20 273. Voir annexe 21 274. Voir annexes 22 et 23 275. Voir annexe 24
![Page 97: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/97.jpg)
97
premier plan, bien au centre, et en arrière-plan, on peut voir des représentations de quelques
actions de jeu disputées par des joueurs du FC Barcelone face à des adversaires différents.
D’autres joueurs n’ayant pas un statut de star comme Samitier et Zamora sont aussi
reconnus. Parmi les différentes vignettes à notre disposition datant de la période que nous
étudions, on a la représentation de Salvador Martinez Surroca, défenseur au FC Barcelone entre
1920 et 1926276. Les joueurs les plus fidèles du FC Barcelone ont tous leur propre carte, comme
Josep Planas (de 1921 à 1927)277, Francesc Vinyals (de 1914 à 1926)278, Vicente Martinez (de
1915 à 1923)279. La composition est toujours similaire : le protagoniste en grand, se trouve au
premier plan. Il porte le maillot du club décoré des couleurs traditionnelles, le rouge et le bleu,
et de l’écusson du club situé précisément sur le cœur. A l’arrière-plan, figure une action de jeu
dans laquelle s’illustre le joueur concerné. Par ailleurs, l’écusson du club est affiché en très gros
dans l’angle supérieur gauche.
Tous ces supports de représentation des joueurs sont largement accessibles et relève de
la culture populaire. L’immense popularité des joueurs concernés ne fait pas de doute et ne peut
que s’accroître du fait des représentations dont ils font l’objet. Omniprésents, ils sont les
célébrités de leur temps et permettent à une population même peu passionnée par le sport et le
football de se familiariser avec les représentants du FC Barcelone. On peut donc supposer que
les joueurs font partie intégrante de la société, acclamés à la fois par les politiques, les médias
et plus globalement, toutes les classes sociales.
L’influence de ces joueurs prend de plus en plus importance, surtout pendant la
dictature. Les affichettes et surtout les jeux de puzzle de Samitier et Agusti Sancho nous
conduisent à nous poser cette question : les joueurs sont-ils idéalisés par les consciences de leur
époque ?
276. Voir annexe 25 277. Voir annexe 26 278. Voir annexe 27 279. Voir annexe 28
![Page 98: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/98.jpg)
98
2-) Des protagonistes portés au rang de héros par les artistes
Les joueurs de football sont plus que de simples acteurs sportifs, ils peuvent représenter
une cause politique ou sociale. Chaque victoire peut être interprétée comme un succès politique.
Alors, pendant la dictature en particulier, ces joueurs sont-ils héroïsés, de façon à incarner de
façon crédible, l’image du « résistant ».
C’est ici l’expression artistique, picturale ou littéraire qu’il faut interroger : les artistes
expriment souvent leurs idées politiques ou leurs idéaux, y compris sportifs, et les ont embellis
par leur art. Parmi les hommes de lettres, Albert Camus disait : « Ce que je sais de plus sur la
morale et les obligations de l’homme, c’est au football que je le dois », à une époque où le
football est avant tout perçu comme une école de la vertu. Le football est plutôt apprécié dans
le milieu littéraire, comme en témoigne ce magnifique passage d'Henry de Montherlant qui
idéalise le joueur de football en pleine action, dans son ouvrage Les Olympiques, écrit à
l’occasion des Jeux Olympiques 1924 organisés à Paris : « Il a conquis le ballon et seul, sans
se presser, il descend vers le but adverse. Ô majesté légère, comme s’il courait dans l’ombre
d’un dieu !.. Et ses pieds sont intelligents, et ses genoux sont intelligents. Magnifique est la
gravité dure de ce jeune visage… »280.
Le milieu des Lettres est en plein essor en Espagne et peut être étudié plus largement
dans son rapport avec le football espagnol, en particulier dans les régions où le régionalisme est
élevé (Catalogne, Pays-Basque). La littérature catalane à la fin des années 1910 et pendant les
années 1920 est en pleine renaissance, dans la continuité de la Renaixença. Enfin, sur un plan
plus large, la littérature espagnole commence également à être reconnue, notamment grâce à
une génération dorée nommée « Generacion del 27 ». Parmi les plus grands talents, on retrouve
Federico Garcia Lorca, Emilio Prados, Luis Cernuda ou encore Gerardo Diego. Alors, est-ce
que le FC Barcelone est une source d’inspiration pour les artistes de son temps ? Est-ce qu’il y
a un processus d’idéalisation du club et de ses acteurs, au-delà de la mise en scène de type
épique des joueurs sur les affichettes ?
Malheureusement, nous ne disposons que de très peu d’œuvres littéraires ou artistiques
concernant le FC Barcelone, contrairement aux périodes suivantes : à partir des années 1970,
280. Henry DE MONTHERLANT, Deuxième Olympique – Les onze devant la porte dorée, Coll. Les cahiers verts, Grasset, 1924
![Page 99: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/99.jpg)
99
des toiles de Dali et Miro, et même une chanson Joan Manuel Serrat sont dédiées au Barça ou
à un de ses protagonistes.
Les rares documents qui permettent de traiter ce sujet se situent à la fin de la dictature
de Primo de Rivera, plus précisément en 1928. Un poète de la « Génération 27 » livre un
témoignage saisissant sur un événement marquant de son enfance tout autant que de l’histoire
sportive du FC Barcelone : c’est Rafael Alberti. Né dans la province de Cadiz en 1902, il est
reconnu dans le milieu littéraire puisqu’il est couronné par le Prix national de poésie en 1924,
un prix prestigieux délivré annuellement par le ministère de la Culture espagnol depuis 1922
pour distinguer la meilleure œuvre poétique écrite en castillan281. Il a également reçu le Prix
Cervantes en 1983 qui récompense chaque année depuis 1976 le meilleur auteur écrivant en
langue espagnole282.
En 1928, Rafael Alberti écrit un poème original, intitulé « Odo a Platko », dans lequel
les propos élogieux pour Franz Platko, gardien du Barça à la date d’écriture, s’enchaînent vers
après vers. Pourquoi dédier un poème à un joueur en particulier ? Cette œuvre littéraire s’inscrit
dans un contexte bien spécial.
Le portier Hongrois, arrivé au club en 1923 afin de remplacer Ricardo Zamora parti
rejoindre l'Espanyol, ne sait pas encore que six ans plus tard, il va enfiler le costume de héros
le 20 mai 1928, en finale de la Coupe d’Espagne qui oppose la Real Sociedad et le FC
Barcelone. Le match a lieu à Santander, dans des conditions de jeu déplorables, les joueurs sont
gênés par le vent. Les 22 acteurs se battent comme des Spartiates et le jeu devient très rugueux,
au détriment du FC Barcelone. Platko et son meilleur joueur Samitier se blessent. Toutefois, ils
sont contraints de rester sur le terrain puisqu’il n’y a pas de possibilité de faire des changements.
Platko, souffrant d’une fracture, totalement diminué, produit un grand match, et évite une
défaite du Barça en terminant la rencontre en sang. Les deux équipes se départageront au bout
de la troisième confrontation, le 20 juin 1928, et sans Platko toujours blessé, le Barça remporte
la Coupe d'Espagne sur le score de 3 buts à 1. C'est la finale de Coupe d’Espagne la plus longue
de l’histoire.
Contemporain de ce qui s’est passé à Santander, le jeune poète de 25 ans, qui n’est
pourtant pas catalan, semble emporté par l’émotion devant la bravoure de Platko. Les premiers
281. Rafael Alberti. Biografia, décembre 2015 : http://www.cervantes.es/bibliotecas_documentacion_espanol/biografias/napoles_rafael_alberti.htm 282. Ibid
![Page 100: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/100.jpg)
100
mots du poème annoncent directement l’héroïsation de Platko, métamorphosé en ange gardien :
« Personne n’oublie Platko, non, personne, personne, personne, cet ours blanc d’Hongrie »283.
Tout au long du poème, Alberti mythifie la performance légendaire de son protégé, au point
que même des éléments de la nature, « le ciel, la mer, la pluie, s’en rappellent ». Rafael Alberti
clôt son poème sur une question adressée directement à son idole, élevé au rang de Dieu :
« Quelle mer aurait été capable de ne pas pleurer pour toi ? ».
Postérieurement, Rafael Alberti, en plein exil après l’arrivée de Franco, évoque de
nouveau cet événement, cette fois en prose, dans ses propres mémoires. Le poète n’hésite pas
à caractériser et contextualiser cette rencontre comme un duel entre nations : « Un match brutal,
la Cantabrie en fond, entre Basques et Catalans. Se jouait le football, mais aussi le
nationalisme »284. Ainsi, il est possible d'interpréter le fait que Platko ait servi la cause
catalaniste et dans le même temps, ait rendu fier le peuple catalan, notamment d’après cette
autre phrase écrite par Alberti : « Platko, un gigantesque gardien hongrois, défend comme un
taureau l’arc catalan »285. En se sacrifiant par « patriotisme », Platko a permis au Barça de
rester en vie dans cette finale et au final de remporter la Coupe au bout de la 3ème confrontation,
un mois plus tard. Platko est propulsé au rang de héros de la nation, voire de Dieu, ce qui
confirme dans le même temps que la tendance catalaniste au sein de la société vers la fin de la
dictature reste forte.
Un autre document, datant également de 1928, amplifie l’importance de la figure
populaire des joueurs du FC Barcelone, cette fois, en dehors de tout héroïsation ou
instrumentalisation politique. Pour la revue El tango de moda, un certain Lito Mas élabore le
texte d’un morceau de tango sur Samitier affiché sur la page de couverte286. Mas est un
journaliste argentin présent dans de nombreux journaux et qui compte parmi ses relations de
nombreux sportifs, dont des footballeurs287. Il rentre dans le milieu de la musique, en
collaborant avec le grand compositeur argentin Carlos Gardel, à partir de 1926. Celui qui a
283. Rafael ALBERTI, Odo a Platko, 1928. Voir annexe 29 284. Rafael ALBERTI, La Futaie perdue I. (Mémoires). (Livres I et II), trad. Robert Marrast, Belfond, 1984
285. Ibid
286. Voir annexe 30 287. Orlando DEL GRECO, Lito Mas, todotango.com : http://www.todotango.com/english/artists/biography/129/Lito-Mas/
![Page 101: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/101.jpg)
101
composé la musique de ce morceau, Nicolas Verona, a aussi des relations professionnelles et
amicales très forte avec Carlos Gardel288.
Alors, Carlos Gardel est-il à l’origine de cette chanson ? En plus de ses liens étroits avec
le compositeur et le musicien de ce morceau entièrement dédié à Samitier, il est connu pour être
lié d’une forte amitié avec l’attaquant catalan, favorisée par son statut d’artiste qui fait de lui
l’un des meilleur « tanguero » de son temps et plus généralement de la première moitié du
XXème siècle. Cette amitié se serait forgée lors du premier match de la fameuse finale de Coupe
d’Espagne entre Barcelone et la Real Sociedad (jouée 3 fois) à Santander, le 20 mai 1928 grâce
à une invitation de José Maria de Cossio, écrivain et membre de l’Académie royale
espagnole289. Par ailleurs, un autre exemple confirmerait des échanges importants entre Gardel
et Samitier. Selon l’historienne Mercè Morales, ça serait probablement Gardel qui aurait
provoqué la venue du Barça en Amérique du Sud en 1928, pour une tournée en Argentine et
Uruguay290.
Le joueur, en l’occurrence Samitier, par cette relation très forte entretenue avec une star
de l’époque, n’est plus seulement un instrument politique défendant une cause ; il est perçu
comme une célébrité de son temps. Être gratifié d’une chanson réalisée par des collaborateurs
de Carlos Gardel ou peut-être même par l’intéressé, considéré comme l’un des plus grands
« tanguero » de tous les temps, n’est pas rien. Dans le texte de la chanson, on peut remarquer
un rapport très familier avec le joueur qui est surnommé « Sami », comme s’il était l’ami de
tous291.
Malgré le peu de documents disponibles entre 1926 et 1929, l’appropriation des joueurs
par les artistes de l’époque vers la fin de la dictature de Primo de Rivera, indique que l’identité
catalaniste du FC Barcelone et la popularité des joueurs du club se sont bien maintenues. De
plus, le statut du joueur de football, et en particulier au FC Barcelone, est spécial puisqu’il
suscite l’admiration et le respect à la fois des artistes et du peuple.
288. Orlando DEL GRECO, Nicolas Verona, todotango.com : http://www.todotango.com/english/artists/biography/605/Nicolas-Verona/ 289. David MATA, Carlos Gardel y Josep Samitier, destinados a ser amigos, ecosdelbalon.com, 6 mai 2015 : http://www.ecosdelbalon.com/2015/05/carlos-gardel-jose-samitier-historia-amistad-barcelona-futbol-relacion/ 290. Mercè MORALES MONTOYA, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes a la consagracion 1899-1950, op.cit 291. Voir annexe 30
![Page 102: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/102.jpg)
102
Conclusion
Le FC Barcelone entre 1917 et 1930 a évolué et renforcé sa position politique et
culturelle, conservant ainsi un attachement profond entre sa ville et lui. Il s’est aussi imposé
comme une entité incontournable de la société catalane devenant même alors « l’institution la
plus importante de la Catalogne ». En effet, le FC Barcelone s’est transformé et est passé d’une
association sportive locale, enracinée à Barcelone, à une des institutions principales de sa
région, jusqu’à être reconnue au niveau national et au-delà des Pyrénées, avant tout grâce au
contexte politique de l’époque qui a favorisé cette émancipation. Avant de synthétiser cette
évolution qu’on peut considérer en trois phases (1917-1923, 1923-1925, 1925-1930), évoquons
les points qui ont permis au FC Barcelone de développer une influence politique et sociale de
premier plan.
D’abord, l’aspect identitaire. Le club a défini son identité, c’est-à-dire catalaniste. Tout
au long de notre étude, nous avons constaté que non seulement, elle n’a jamais été reniée, mais
surtout, qu’elle s’est consolidée, s’est renforcée, à tel point que notre source littéraire, Rafael
Alberti, qui a été contemporain des événements et non-catalaniste, a abordé le sujet du FC
Barcelone en 1928 avec une approche nationaliste. En lien avec cette affirmation identitaire, le
point suivant concerne l’aspect politique.
Le FC Barcelone possède également une culture politique bien précise. En effet grâce à
sa position politique, il attire l’attention des différents dirigeants de partis politiques
catalanistes. Parmi ces derniers, comme nous l’avons vu, la plupart dirigent le club ou ont siégé
dans sa haute-administration, ce qui signifie que le club est un point d’appui politique, utilisé à
des fins de propagande catalaniste qu’il tolère en toute connaissance de cause. On peut affirmer
que le FC Barcelone s’inscrit dans l’émergence des partis politiques catalanistes en se dévouant
plus ou moins directement à leur cause et à un objectif commun : retrouver la grandeur de la
Catalogne.
Mais pour faire partie des acteurs principaux de cette cause commune, par son identité
et la culture politique incarnée par ses dirigeants, le Barça cible son public et entretient de
nombreuses relations à la fois sportives, politiques et sociales, avec des entités ou des individus
soutenant ou pouvant servir la cause catalaniste. Afin de gagner ce public, c’est-à-dire les
Catalans, le Barça se dévoue et se construit une image paternaliste auprès d’un peuple fragilisé
qu’il rassure par son action sociale, dans un contexte instable politiquement et
![Page 103: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/103.jpg)
103
économiquement. Dans le même temps, le Barça assoit sa légitimité en tant qu’acteur majeur
des évolutions de la Catalogne auprès des politiciens et des personnalités de la culture.
C’est ainsi que le FC Barcelone a étendu son influence à toutes les échelles et a surtout
élargi son champ de vision social et culturel.
On peut observer trois phases d’évolutions du FC Barcelone et de son influence dans le
monde sportif et la société. Entre 1917 et 1923, il travaille à son ancrage local, en s’affirmant
comme le club de Barcelone, à la fois sportivement et socialement. En effet, le Barça impose
sa supériorité à l’Espanyol Barcelone et par son identité, est davantage soutenu par les Catalans.
Maître sportif de la Catalogne, il est également le principal pourvoyeur de joueurs auprès de la
sélection catalane et le plus grand donateur et organisateur d’événements sociaux dans la ville.
Le Barça apporte son soutien aux clubs voisins de football ou d’une autre discipline, et
développe des liens dans le monde politique, avec les membres de la Lliga Regionalista qui ont
bien compris l’importance que pouvait avoir le club pour leurs intérêts. Des intérêts qui ont
justement propulsé le Barça dans une autre dimension culturelle et politique avec son soutien
officiel à la campagne d’autonomie de la Catalogne à la fin de l’année 1918. Le FC Barcelone
a atteint une notoriété locale suffisante pour prétendre légitimement à un rapport privilégié avec
la région dont il est le chef-lieu.
Puis, l’arrivée de Primo de Rivera au pouvoir est un tournant pour le FC Barcelone. A
partir de son pronunciamento, en septembre 1923, jusqu’en décembre 1925, le Barça évolue
pour devenir bien plus qu’un simple représentant de Barcelone. En effet, grâce à son activité et
ses interventions sociales, on peut discerner une nouvelle évolution. Après qu’ils ont servi le
peuple (et qu’ils continuent de le faire), le peuple s’empare des Blaugranas pour faire d’eux un
symbole et un support politico-culturel dans la lutte contre l’anticatalanisme incarné par les
autorités du directoire militaire. Le Barça passe d’un ancrage local à un ancrage régional, dans
une Catalogne de plus en plus catalaniste et attachée à sa culture qu’elle souhaite conserver à
tout prix. La cause catalane a pris une véritable importance au sein du club, comme en témoigne
le 25ème anniversaire du club au cours duquel Gamper prononce « Visca Barça i Visca
Catalunya ». Désormais, à une échelle plus grande, le Barça est une référence pour toutes les
couches sociales de la population : l’association sportive classique se transforme en un grand
mouvement de rassemblement regroupant dirigeants, joueurs, supporters, politiciens et
citoyens. Le football, à travers différents outils comme le stade, est devenu un moyen pour les
gens d’exprimer des opinions qui se radicalisent. Ainsi, cette période de 1923 à 1925 prépare
![Page 104: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/104.jpg)
104
une nouvelle transition vers un ancrage plus large que celui de la région, allant jusqu’aux
différents continents.
Enfin, de la fin du directoire militaire jusqu’à la chute de Primo de Rivera, entre
décembre 1925 et janvier 1930, cette radicalisation identitaire se maintient grâce à la
consolidation d’un ancrage régional qui entraîne une bonne dynamique populaire, comme en
témoigne l’augmentation constante du nombre de socios. Alors que le régime est moins
répressif et perd progressivement de son autorité, avec l’émergence de la radio à partir de 1927,
le Barça franchit une nouvelle étape et commence à démocratiser concrètement la culture
identitaire et politique mise en place depuis 1917, pour la promouvoir en dehors de la Catalogne
– ce qui sera le cas en 1929 lorsque le Barça s’empare de la toute première édition de la Liga,
le championnat espagnol national –. Le Barça a toujours eu un esprit d’ouverture qui va au-delà
du symbole politique. Au fil des années, il devient un ambassadeur. Le club affronte des équipes
étrangères venant de toute l’Europe, maintient les tournées en Amérique du Sud lorsque la
saison s’achève tout en conservant des liens étroits avec les clubs locaux, de façon à donner à
sa ligne idéologique une résonnance internationale. Il joue les porte-drapeaux de la Catalogne
en dehors de sa région.
En jouant les porte-drapeaux de la Catalogne, le Barça s’inscrit dans la continuité de la
Renaixença dont il entretient l’héritage. En effet, il privilégie la pratique exclusive de la langue
catalane et développe une rhétorique « romantique » autour des valeurs du sport. Le FC
Barcelone, grâce à la mise en lumière du catalan, contribue pleinement à cette renaissance
culturelle. De plus, le Barça se charge de la transmettre, à la fois aux Catalans qui ont pu renouer
avec leur culture régionale et aux immigrés des régions voisines invités à s’intégrer dans leur
nouvelle société.
Compte tenu d’un contexte politique assez spécial, que l’on pense à l’instabilité
institutionnelle entre 1917 et 1923 ou à la dictature de Primo de Rivera entre 1923 et 1930, et
d’un contexte sportif très favorable avec le gain de nombreux titres, notamment de la toute
première édition de la Liga en 1929, le FC Barcelone a toutes les cartes en main pour devenir
une grande institution sportive mêlant les intérêts politiques et sociaux des Catalans.
Une phrase tirée de l’ouvrage Les usages politiques du football écrit par André Gounot,
Denis Jallat et Michel Koebel, résume l’interprétation proposée de l’évolution politico-
culturelle du FC Barcelone entre 1917 et 1930 : « Que ce soit sur un plan national, international
![Page 105: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/105.jpg)
105
ou au niveau local, le sport représenterait ainsi un enjeu social, culturel et symbolique. »292.
Dans le cas de cette association sportive fondée en 1899 par Joan Gamper, l’enjeu social fait
référence à la capacité d’unir la société catalane dans un grand mouvement populaire. L’enjeu
culturel concerne la promotion de la culture catalane et d’un catalanisme inséparable de ses
finalités politiques, comme l’obtention de l’autonomie de la Catalogne en 1918, revendiquée
par un fidèle soutien du club, le parti politique Lliga Regionalista. Enfin, l’enjeu symbolique,
ce sont les valeurs de résistance et d’opposition au centralisme madrilène dont le club devient
l’incarnation pour ses supporters et peut-être au-delà. Le Barça est un symbole de résistance à
l’oppression.
Entre 1917 et 1930, nous pouvons affirmer que le FC Barcelone connaît donc la
première période d’apogée à la fois politique, culturelle et populaire de son histoire : pour
reprendre les mots de Joaquim Maria Puyal, il est identifié comme « l’institution la plus
importante de Catalogne ». Cette période allant de 1917 à 1930 peut être considérée comme le
point d’origine d’un chapitre fondamental de la longue histoire du FC Barcelone qui concerne
ses préoccupations identitaires et culturelles. Chapitre que le Barça a continué d’écrire au fil du
temps.
Avec l’avènement de la Seconde République, le 14 avril 1931, la population est de
moins en moins attachée au football à cause de mauvais résultats, du départ de grands joueurs
comme Samitier et Piera, et de l’arrivée massive de divertissements politiques comme les
meetings293. Dans ce contexte, le Barça reste cependant le garant du mouvement catalaniste,
surtout pendant la guerre civile entre 1936 et 1939. Une personnalité en vue comme Josep
Sunyol, président du club à partir du 27 juillet 1935 et député catalaniste, s’engage dans le camp
républicain, ce qui lui coûtera la vie puisqu’il se fait arrêter par les nationalistes et fusiller le 6
août 1936. Le Barça affiche sa position d’opposant aux nationalistes. Après avoir servi de lieu
d’expression, le stade des Corts se transforme en refuge pour les républicains qui souhaitent
s’enfuir d’Espagne294.
Même vers la fin du franquisme, le FC Barcelone parvient à maintenir l’esprit forgé
entre 1917 et 1930. Le 17 janvier 1968, Narcis de Carreras arrive à la présidence du club et lors
de son discours d’investiture, il prononce en catalan ces mots qui formeront la devise du club,
292. André GOUNOT, Denis JALLAT, Michel KOEBEL, Les usages politiques du football, Paris, L’Harmattan, 2011
293. Guillem BALAGUE, Barça : l’Histoire illustrée du FC Barcelone, op.cit 294. Ibid
![Page 106: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/106.jpg)
106
aujourd’hui connue dans le monde entier : « Mès que un club »295. Par la suite, Agusti Montal
élu président du club le 18 décembre 1969, est l’homme qui va se tourner résolument vers
l’héritage laissé par ses prédécesseurs de la fin des années 1910. Sous son mandat, la langue
catalane est réintroduite au sein du club, utilisée à la fois à l’écrit et à l’oral. Il est réélu le 18
décembre 1973 et c’est sous cette seconde présidence, en 1974, que se déroule le 75ème
anniversaire du club. Cette date a la même importance que celle du 25ème anniversaire (1924)
d’un point de vue symbolique : le 27 novembre 1974 voit l’avènement du nouvel hymne du
club, Cant del Barça, écrit par Josep Espinàs et Jaume Picas296. Ecrites en langue catalane, les
paroles rassemblent toutes les valeurs qui fondent l’identité du club : la volonté de rassembler
(l’unité et l’intégration), et surtout l’esprit de résistance d’un club qui a su faire face aux
dictatures et à la répression, par ces mots du refrain : « Bleu et grenat au vent, un cri vaillant ».
Au début de la transition démocratique, le Barça perpétue ces mêmes valeurs qu’ils
revendiquent toujours en 2017. Le 1er février 1976, Cruyff porte pour la première fois un
brassard de capitaine aux couleurs de la Senyera lors d’un match contre l’Athletic Bilbao297. Ce
brassard est toujours porté par le capitaine du FC Barcelone dans toutes les sections. Un an plus
tard, le président de la Generalitat, Josep Tarradellas, rentré d’exil le 23 octobre 1977 est
accueilli en héros quelques jours plus tard au Camp Nou par ces mots : « Bienvenue à la maison,
président »298. L’affirmation identitaire, la culture politique et les rapports avec les politiciens
catalanistes n’ont pas changé et ne font que se renforcer avec la démocratisation de l’Estelada,
le drapeau indépendantiste qui a remplacé la Senyera comme symbole du nationalisme catalan,
très présent au Camp Nou. La dernière information en date qui confirme la permanence de la
ligne directrice identitaire et politique du club ne remonte pas plus loin que le 6 mai 2017. Dans
un communiqué officiel, le FC Barcelone adhère officiellement au pacte national pour un
référendum299 : le club soutient l’organisation d’un référendum qui propose aux Catalans de
choisir l’indépendance de la Catalogne.
295. Ibid 296. Ibid 297. Alejandro QUIROGA, Goles y banderas : Futbol y identidades nacionales en Espana, op.cit 298. Ibid 299. FC Barcelone, Communiqué du FC Barcelone sur l’adhésion au Pacte National pour le référendum, fcbarcelona.es, 6 mai 2017 : https://www.fcbarcelona.es/club/noticias/2016-2017/comunicado-del-fc-barcelona-sobre-la-adhesion-al-pacte-nacional-pel-referendum
![Page 107: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/107.jpg)
107
De façon plaisante, c’est en revendiquant son héritage historique que le FC Barcelone
coïncide avec les aspects les plus « modernes » du sport aujourd’hui. Dans le cadre du football-
business, les valeurs nobles associées au club sont devenues un atout marketing…
![Page 108: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/108.jpg)
108
Bibliographie
Ouvrages sur la Catalogne :
BOUILLE Michel, COLOMER Claude, Histoire des Catalans, Paris, Editions Milan 1990
CREXELL I PLAYA Joan, El Monument a Rafael Casanova, Barcelone, Ed. El Llamp, 1985
DE LAGUERIE Henry, Les Catalans, Condé-sur-Noireau, HD ateliers Henry Dougier, 2014
MESTRE I CAMPI Jesús, Diccionari d'Historia de Catalunya 6e éd, Barcelone, Edicions 62,
2004, (1re éd. 1992)
M. SALRACH I MALRES Josep, TERMES Josep, Diccionari d’Historia de Catalunya 1e
éd. Barcelone, Edicions 62, 1992
SOBREQUES I CALLICO Jaume, Histoire de la Catalogne, Barcelone, Editorial Base 2007
ZIMMERMANN Michel et Marie-Claire, Histoire de la Catalogne, Paris, PUF 1997
Ouvrages sur l’histoire d’Espagne:
AUBERT Paul, DESVOIS Jean-Michel, Presse et Pouvoir en Espagne 1868-1975,
Bordeaux, Maison des pays ibériques / Madrid, Casa de Velasquez, 1996
CANAL Jordi, Histoire de l’Espagne contemporaine de 1808 à nos jours : Politique et société,
Paris, Armand Colin, 2014
PELLISTRANDI Benoît, Histoire de l’Espagne : des guerres napoléoniennes à nos jours,
Paris, Perrin, 2013
RULL SABATER Alberto, Diccionario sucinto de Ministros de Hacienda (s.XIX-XX),
Madrid, Instituto de Estudios Fiscales, 1991
SUBIRA José, La ópera en los teatros de Barcelona: estudio histórico cronológico desde el
siglo XVIII en el XX . Monografías históricas de Barcelona, 9, Barcelona, Millà, 1946.
VILAR Pierre, Histoire de l’Espagne, Paris, PUF,1947
![Page 109: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/109.jpg)
109
Ouvrages historiques et sociologiques sur le sport :
ARCHAMBAULT Fabien, BEAUD Stéphane, GASPARINI William, Le football des
nations : des terrains de jeu aux communautés imaginées, Paris, Publications de la Sorbonne,
2016
ATTALI Michaël, BAZOGUE Natalia, Diriger le sport: perspectives sur la gouvernance du
sport du XXe siècle à nos jours, Paris, CNRS Alpha, 2012
ATTALI Michaël, SAINT-MARTIN Jean, Dictionnaire culturel du sport, Paris, Armand
Colin, 2010
CLOSA Antoni, RIUS Jaume, Selecció Catalana de Fútbol : Nou dècades d'història,
Barcelona, Editorial Jaume Rius, 1999
DIETSCHY Paul, Histoire du football, Paris, Editions Perrin, 2010
DUKE Vic, CROLLEY Liz, Football, nationality and the state, Londres, Routledge, 1996
Enciclopèdia de l'Esport Català. Barcelona, Enciclopèdia Catalana, 2012.
GOUNOT André, JALLAT Denis, KOEBEL Michel, Les usages politiques du football,
Paris, L’Harmattan, 2011
GALLEN UTSET, Carles, Les Federacions Esportives catalanes i els seus presidents,
Barcelona, UFEC, 2013
LLOPIS-GOIG Ramos, Spanish Football and Social Change : Sociological Investigations,
Palgrave Macmillan, 2015
QUIROGA Alejandro, Football and National Identities in Spain : The Strange Death of Don
Quixote, Palgrave Macmillan, 2013
QUIROGA Alejandro, Goles y banderas : Futbol y identidades nacionales en Espana,
Madrid, Marcial Pons, 2015
SANTACANA Carles, PUJADAS Xavier, Història de l'atletisme a Catalunya, Barcelone,
Federacio Catalana d’Atletisme, 2012.
PALOMARES Joan Segura, Cent anys d'Història del RCD Espanyol de Barcelona,
Barcelona, Fundació Privada del RCD Espanyol, 2000
![Page 110: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/110.jpg)
110
SPAAIJ Ramon, Understanding Football Hooliganism : A comparison of Six Western
European Football Clubs, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2006
WAHL, Alfred, La balle au pied : Histoire du football, Paris, Gallimard, 2002
Ouvrages sur l’histoire du FC Barcelone :
BALAGUE Guillem, Barça : l’Histoire illustrée du FC Barcelone, Barcelone, Hugo Sport,
2014
MORALES MONTOYA Mercè, Futbol Club Barcelona, conoce su historia : de los origenes
a la consagracion 1899-1950, Barcelone, Dicur, 2011
TOMAS Manuel, PORTA Frédéric, Barça inédito : 800 historias de la Historia, Barcelone,
Corner, 2016
Revues, articles et publications en ligne sur l’histoire de la Catalogne :
FERNANDEZ GARCIA Alicia, PETITHOMME Mathieu, « L’émergence du nationalisme
catalan sous la Restauration bourbonienne en Espagne (1874-1931) », Parlements : revue
d’histoire politique n°23 (p.177-192), 2016, consulté le 20 septembre 2016
FERNANDEZ GARCIA Alicia, PETITHOMME Mathieu, « Structuration et trajectoires
idéologiques des partis catalanistes et nationalistes catalans depuis la Transition », Cahiers de
civilisation espagnole contemporaine [En ligne], 13 | 2014, mis en ligne le 28 décembre 2014,
consulté le 20 septembre 2016.
ZAPATA-BARRERO Ricard, « Immigration, autonomie politique et gestion de l'identité :
le cas de la Catalogne », Outre-Terre 2006/4 (no 17), 2006.
Revues, articles et publications en ligne sur l’histoire d’Espagne :
PELOILLE Manuelle, « Eduardo González Calleja, La dictadura de Primo de Rivera. La
modernización autoritaria 1923-1930 », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine [En
ligne], 7 | 2010, mis en ligne le 18 février 2011, consulté le 21 septembre 2016
![Page 111: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/111.jpg)
111
Revues, articles et publications en ligne sur le sport :
ARCHAMBAULT Fabien, Sport et politique
R.BALIUS Juli, Josep Elias i Juncosa : Corredisses, Apunts : educacio fisica i medicina
esportiva, vol. 19, n°75, septembre 1982
BERASATEGUI, M.Lluïsa, « Futbol i cultura a Catalunya durant el periode
d’entreguerres ». Revista d’historia de l’educacion, n°7, 2004.
CHABOCHE José, FOURNIE-CHABOCHE Sylvie, « Les dimensions culturelles,
discursives et territoriales de production et de marchandisation d’un mythe moderne », Journal
des anthropologues [En ligne], 120-121 | 2010, mis en ligne le 04 août 2014, consulté le 26
septembre 2016.
RAMONET Ignacio, DE BRIE Christian, « Football et passions politiques », Manière de
voie n°39, Paris, Le Monde Diplomatique, 1998
LANFRANCHI Pierre, Entre initiative privée et question nationale. Genèse et évolution des
politiques sportives en Europe
(Grande-Bretagne, Allemagne, France, Italie). In: Politix, vol. 13, n°50, Deuxième trimestre
2000.
LANFRANCHI Pierre, « Football, cosmopolitisme et nationalisme », Pouvoirs 2002/2
(n°101), 2002.
Autres (Mémoires, littérature, Essais) :
DE MONTHERLANT Henry, Deuxième Olympique – Les onze devant la porte dorée, Paris,
Bernard Grasset, « Les cahiers verts », 1924
ALBERTI Rafael, La Futaie perdu I. (Mémoires). (Livres I et II), trad. Robert Marrast,
Belfond, 1984
RISSOAN Jean-Pierre, Traditionalisme et révolution : les poussées d'extrémisme des origines
à nos jours, vol.2 : du fascisme au 21 avril 2002, Paris, Aléas, 2007
![Page 112: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/112.jpg)
112
Articles de journaux en ligne (sources digitalisées)
Motorismo Maritimo : regatas de embacarciones outboards, La Vanguardia, samedi 2 mars
1929 : http://hemeroteca-paginas.lavanguardia.com/LVE07/HEM/1929/03/02/LVG19290302-
015.pdf
Copa Principe de Asturias, El Mundo Deportivo, mardi 15 mai 1917 :
http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1917/05/15/pagina-
4/605778/pdf.html#&mode=fullScreen
Partidos de seleccion y de campeonato : Castilla-Cataluna, El Mundo Deportivo, mardi 16
octobre 1917 : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1917/10/16/pagina-
1/1368848/pdf.html#&mode=fullScreen
Partido de simpatia al Barcelone, El Mundo Deportivo, jeudi 29 mai 1919 :
http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1919/05/29/pagina-
4/617504/pdf.html#&mode=fullScreen
Los grandes partidos : Cataluna-Vizcaya, El Mundo Deportivo, jeudi 5 février 1920 :
http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1920/02/05/pagina-
2/1381764/pdf.html#&mode=fullScreen
La carrera Jean Bouin, El Mundo Deportivo, jeudi 5 février 1920 :
http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1920/02/05/pagina-
3/1381765/pdf.html#&mode=fullScreen
Cataluna vence a S.O. de Francia, El Mundo Deportivo, jeudi 10 février 1921 :
http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1921/02/10/pagina-
1/615658/pdf.html#&mode=fullScreen
El match Cataluna-Provence : vencen los catalanes por 4 a 0, El Mundo Deportivo, jeudi 7
avril 1921 : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1921/04/07/pagina-
2/616068/pdf.html#&mode=fullScreen
Vida Deportiva : festivales patrioticos, La Vanguardia, mardi 6 septembre 1921 :
http://hemeroteca.lavanguardia.com/preview/1921/09/06/pagina-9/33293478/pdf.html
La inauguracion del nuevo campo del Barcelona, El Mundo Deportivo, lundi 22 mai 1922 :
http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1922/05/22/pagina-
1/618519/pdf.html#&mode=fullScreen
El homenaje a Gamper fue un acontecimiento solemne, El Mundo Deportivo, lundi 26 février
1923 : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1923/02/26/pagina-
1/614769/pdf.html#&mode=fullScreen
A beneficio de Bau : en Badalona, la seleccion bate facilmente al Badalona por cinco goals a
zero, El Mundo Deportivo, lundi 25 février 1924 :
http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1924/02/25/pagina-
2/605624/pdf.html#&mode=fullScreen
El match de ayer en las Corts : lo que fue el partido, El Mundo Deportivo, vendredi 14 mars
1924 : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1924/03/14/pagina-
2/605658/pdf.html#&mode=fullScreen
![Page 113: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/113.jpg)
113
El match de ayer en las Corts : El Colo-Colo, campeon de Chile, mostrandose como equipo
de clase, vencio por 5 a 4 a la seleccion catalana, El Mundo Deportivo, vendredi 10 juin
1927 : http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1927/06/10/pagina-
3/616830/pdf.html#&mode=fullScreen
El homenaje a Luis Bru : Un equipo de Barcelona, batio por 2 a 1 a un combinado con
elementos del Barcelona y de Europa, después de un partido de poco interés, El Mundo
Deportivo, lundi 13 mai 1929 :
http://hemeroteca.mundodeportivo.com/preview/1929/05/13/pagina-
3/615209/pdf.html#&mode=fullScreen
Webographie :
Rafael Alberti. Biografia, cervantes.es, décembre 2015 :
http://www.cervantes.es/bibliotecas_documentacion_espanol/biografias/napoles_rafael_albert
i.htm
DEL GRECO Orlando, Lito Mas, todotango.com :
http://www.todotango.com/english/artists/biography/129/Lito-Mas/
DEL GRECO Orlando, Nicolas Verona, todotango.com :
http://www.todotango.com/english/artists/biography/605/Nicolas-Verona/
FC Barcelone, Communiqué du FC Barcelone sur l’adhésion au Pacte National pour le
référendum, fcbarcelona.es, 6 mai 2017 : https://www.fcbarcelona.es/club/noticias/2016-
2017/comunicado-del-fc-barcelona-sobre-la-adhesion-al-pacte-nacional-pel-referendum
MATA David, Carlos Gardel y Josep Samitier, destinados a ser amigos, ecosdelbalon.com,
6 mai 2015 : http://www.ecosdelbalon.com/2015/05/carlos-gardel-jose-samitier-historia-
amistad-barcelona-futbol-relacion/
![Page 114: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/114.jpg)
114
Table des annexes
Annexe 1 : Livre des Actes numéro 2 (1916-mai 1919)……………………………………116
Annexe 2 : Livre des Actes numéro 3 (juin 1919-mai 1921)………………………………117
Annexe 3 : Livre des Actes numéro 6 (octobre 1923-juin 1926)…………………………118
Annexe 4 : Estatut du FC Barcelone (1921)………………………………………………119
Annexe 5 : Bulletin officiel du FC Barcelone (1921)……………………………………...120
Annexe 6 : Bulletin officiel du FC Barcelone (1928)……………………………………...120
Annexe 7 : Première page d’un ensemble de tracts du FC Barcelone (1922)……….......121
Annexe 8 : Article 1 de l’Estatut du FC Barcelone (1921)……………………………….122
Annexe 9 : Article de la Veu de Catalunya (25/11/1918) : le FC Barcelone soutient
officiellement la campagne d'autonomie de la Catalogne………………………………..123
Annexe 10 : Composition florale en forme d'écusson du FC Barcelone déposée par les
dirigeants du club sur la tombe de Rafael Casanova lors de la Diada
(1919)………………………………………………………………………………………..124
Annexe 11 : Bulletin officiel de 1921 : index des correspondances du FC Barcelone….125
Annexe 12 : Article dans le Bulletin officiel de 1921 : El president de Catalunya al nostre
camp…………………………………………………………………………………………126
Annexe 13 : Première de couverture de l’ouvrage de Josep Elias i Juncosa : Football
Asociacion. (1914)…………………………………………………………………………..127
Annexe 14 : Photographie de supporters du FC Barcelone assis dans les tribunes
supérieures du stade de la Carrer Industrial (entre la fin des années 1910 et
1922)……………………………………………………………….………………………..128
Annexe 15 : Bulletin officiel de 1928 : dessin humoristique représentant les joueurs du FC
Barcelone, en partance pour une tournée sportive en Amérique du Sud………......129
Annexe 16 : Un tract du FC Barcelone (1922)……………………………………………..130
Annexe 17 : Affichette de Josep Samitier, boîte de chocolat Orthi (années 1920)………131
Annexe 18 : Représentation de Josep Samitier sur une mini-carte (années 1920)….....132
Annexe 19 : Représentation de Josep Samitier, jeu de puzzle (années
1920)………………...............................................................................................................133
Annexe 20 : Affichette de Ricardo Zamora, boîte de chocolat Amatller (années
1920)………………………………………………………………………………………...134
Annexe 21 : Ricardo Zamora en première page du magazine El Gràfico (1926)……...135
Annexe 22 : Carte 1 représentant Paulino Alcantara (années 1920)…………………...136
Annexe 23 : Carte 2 représentant Paulino Alcantara (années 1920)…………………...136
Annexe 24 : Représentation d’Agusti Sancho, jeu de puzzle (années
1920)………………………………………………………………………………………..137
![Page 115: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/115.jpg)
115
Annexe 25 : Carte représentant Salvador Martinez Surroca (années 1920)………...138
Annexe 26 : Carte représentant Josep Planas (années 1920)…………………………139
Annexe 27 : Carte représentant Francesc Vinyals (années 1920)…………………….140
Annexe 28 : Carte représentant Vicente Martinez (années 1920)…………………….141
Annexe 29 : Poème de Rafael Alberti : Odo a Platko (1928)…………………………..142
Annexe 30 : Page de couverture de la revue El Tango de Moda, dans laquelle figure la
chanson consacrée à Josep Samitier, Sami ! (1928)……………………………………143
![Page 116: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/116.jpg)
116
Annexe 1 : Livre des Actes numéro 2 (1916-mai 1919)
![Page 117: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/117.jpg)
117
Annexe 2 : Livre des Actes numéro 3 (juin 1919-mai 1921)
![Page 118: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/118.jpg)
118
Annexe 3 : Livre des Actes numéro 6 (octobre 1923-juin 1926)
![Page 119: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/119.jpg)
119
Annexe 4 : Estatut du FC Barcelone (1921)
![Page 120: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/120.jpg)
120
Annexes 5 et 6 : Bulletin officiel du FC Barcelone
Annexe 5 : Bulletin officiel de 1921
Annexe 6 : Bulletin officiel de 1928
![Page 121: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/121.jpg)
121
Annexe 7 : Première page d’un ensemble de tracts du FC Barcelone (1922)
![Page 122: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/122.jpg)
122
Annexe 8 : Article 1 de l’Estatut du FC Barcelone (1921)
![Page 123: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/123.jpg)
123
Annexe 9 : Article de la Veu de Catalunya (25/11/1918) : le FC Barcelone
soutient officiellement la campagne d'autonomie de la Catalogne
![Page 124: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/124.jpg)
124
Annexe 10 : Composition florale en forme d'écusson du FC Barcelone
déposée par les dirigeants du club sur la tombe de Rafael Casanova lors de
la Diada (1919)
![Page 125: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/125.jpg)
125
Annexe 11 : Bulletin officiel de 1921 : index des correspondances du FC
Barcelone
![Page 126: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/126.jpg)
126
Annexe 12 : Article dans le Bulletin officiel de 1921 : El president de
Catalunya al nostre camp
![Page 127: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/127.jpg)
127
Annexe 13 : Page de couverture de l’ouvrage de Josep Elias i Juncosa :
Football Asociacion. (1914)
![Page 128: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/128.jpg)
128
Annexe 14 : Photographie de supporters du FC Barcelone assis dans les
tribunes supérieures du stade de la Carrer Industrial (entre la fin des
années 1910 et 1922)
![Page 129: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/129.jpg)
129
Annexe 15 : Bulletin officiel de 1928 : dessin humoristique représentant les
joueurs du FC Barcelone, en partance pour une tournée sportive en
Amérique du Sud.
![Page 130: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/130.jpg)
130
Annexe 16 : Un tract du FC Barcelone (1922)
![Page 131: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/131.jpg)
131
Annexe 17 : Affichette de Josep Samitier, boîte de chocolat Orthi (années
1920)
![Page 132: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/132.jpg)
132
Annexe 18 : Représentation de Josep Samitier sur une mini-carte (années
1920)
![Page 133: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/133.jpg)
133
Annexe 19 : Représentation de Josep Samitier, jeu de puzzle (années 1920)
![Page 134: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/134.jpg)
134
Annexe 20 : Affichette de Ricardo Zamora, boîte de chocolat Amatller
(années 1920)
![Page 135: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/135.jpg)
135
Annexe 21 : Ricardo Zamora en première page du magazine El Gràfico
(1926)
![Page 136: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/136.jpg)
136
Annexes 22 et 23 : Cartes représentant Paulino Alcantara (années 1920)
Annexe 22 : Carte 1 Annexe 23 : Carte 2
![Page 137: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/137.jpg)
137
Annexe 24 : Représentation d’Agusti Sancho, jeu de puzzle (années 1920)
![Page 138: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/138.jpg)
138
Annexe 25 : Carte représentant Salvador Martinez Surroca (années 1920)
![Page 139: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/139.jpg)
139
Annexe 26 : Carte représentant Josep Planas (années 1920)
![Page 140: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/140.jpg)
140
Annexe 27 : Carte représentant Francesc Vinyals (années 1920)
![Page 141: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/141.jpg)
141
Annexe 28 : Carte représentant Vicente Martinez (années 1920)
![Page 142: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/142.jpg)
142
Annexe 29 : Poème de Rafael Alberti : Odo a Platko (1928)
![Page 143: FC Barcelone : Identite, culture politique et relations politico-sociales](https://reader031.vdocuments.net/reader031/viewer/2022032613/5a65882b7f8b9a02158b4e6d/html5/thumbnails/143.jpg)
143
Annexe 30 : Page de couverture de la revue El Tango de Moda, dans laquelle
figure la chanson consacrée à Josep Samitier, Sami ! (1928)