Le retour

j Les rdseaux de troc commencent i 6clore un peu partout au Qu6bec.i En plus de tisser des r6seaux sociaux, ils permettent de consommer'de fagon responsable et d'6conomiser.

I par lean-Frangols Gazallle

anon Gigudre n'a pas de voiture. Ellened6pendpourtantpas du taxi quandelle doit se rendre i I'autre bout dela ville: un simple coup de fiI, et unmembre de son < r6seau > la conduira

oi elle le veut. En 6change, elle doit i son tour rendreservice i un autre membre. << Avant, j'aidais les gens irefaire leur d€coration int6rieure et i peindre. Mainte-nant, je donne surtout un coup de main avec I'informati-que >, dit cette graphiste de Longueuil.

Son r6seau, c'est la BECS, la Banque d€change commu-nautaire de services de Montr6al. Ce nom dit tout : la ban-

que cr6dite i chacun de ses adh6rents des unit6s, ou desheures, en dchange des services dispensds gracieusementi lun de ses quelque2OO membres. A I'inverse, lbrganismed€bite les unit6s lorsqu'un membre obtient un service.La comptabilisation est rudimentaire et repose sur labonne foi de chacun, puisqu'il incombe aux dispensateursde services de communiquer - par t6lephone ou par cour-riel - avec le < tr6sorier > du r6seau, qui enregistrera latransaction et la portera au cr6dit du membre. << Notre rd-gle, c'est que le temps de chacun s€quivaut. IJne heurede d6neigement vaut une heure de cours de piano ou derddaction r', dit Manon Gigudre, sdduite par le fait que le

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AFFAIRES P1g5 o lUlN 2OO8 47

&Claudine Tremblay,animatrice de L'Accorderie

riscau rcfusc d'accordcr qrlclquc va-lcur ajout6c quc cc soit aux clipl6r.r.rcsct aux formations sp6cialisics.

Au total, lc Qudbcc con.rptc plusd'unc trcntainc dc r6scaux clc trocdc scrviccs conlmunalrtaircs. Liclicn'cst pas nollvcllc (v<lir o l)cs cxp6-ricr-rccs dc troc dans lc r-r-unclc >) rrais

rr Le problime auec le b6n6uolat,c'est que |es gens finissent toujourspar s'6puisen On roule quand m6mepris de 40 heures par semaine. rr

ces dernidrcs ann6es, ellc sem-ble connaitre un nouvel essor.Plusieurs fiddlcs de I ' imission90 w'tinutes d,e bonkewr, diff*s6c i TQS, ont r6pondu l'a*tomne dernicr i l'appcl dcI'animatricc Chantal Lacroixcn met tant sur p icd urre quin-zainc de Systdmcs d'6cl-rangelocal (SEL) dans autant dcr6gions. Un aLltre r6seau, LAc-cordcric, a rccrutd 600 r.ncrn-brcs dcpttis 2004 dans lagrandc r6gion de Qu6bcc.Cct orqanismc a rdcemmcnt

ouvcrt Lurc succursale :i Trois-Itivitrcs,qui conrptc d6ji 200 mcrnbrcs. LAc-corrlcric aura bicntirt piglron surruc i Montr6al. " Un mcnrbrc clc

Qudbcc pourra donc, s' i l lc d6sirc,fairc affairc avcc Lln fournisscurde' se rvices clc Montr6al ou clcTrois-ltividrcs ", expliqtrc Claudinc

Trernblay, animatrice de LAccor-dcrie. Depuis le d6but de ses activit6s, l'organisme a cnregistri plus de7 000 transactions.

M6rne popularit6 pour Troc-tes-trucs, Llne association montr6alaiscfond6e sur l€changc de biens. hnagin6cn 2005 par dcs dt t rd iantes de I 'Eco-lc d6t6 de l ' Institut du NouvcatrMonde, ce projct cle sensibilisationi la consommation responsable re-prer-rd scr-rsiblcment le m0n-rc prin-cipc cluc cclui dcs SEL: chaquc ob-

let sc v<lit attribucr une valeurarbitrairc, convcnuc par lcs partici-pants ( t rn parr ta lon vatr t t r r r point ,un CD en vaut cinq) ; lcs clonatcrlrsrut i l isc l l t cr rsui tc lcurs points porr rsc proclrrcr cl'autrcs bicns (voir lercportage * Consommcz vcrt r, dansr-r<ltrc iclitirln clc nrai).

Contraircmcnt aux SEL et alrtrcsbanclucs cl '6changc clc scrviccs

Des exp6riences de troc dans Ie mondeLe Qu6bec commence d peine ds'y initier, mais les r6seaux de trocmodernes ont fait leur apparitiondans les ann6es 1 930, pendant lagrande ddpression. Les villes deSchwanenkirchen, en Allemagne,et de Wiirgl, au Tyrol, relancentalors leurs 6conomies resoectivesen mettant en circulation uninstrument d'6change local,comme le pr6conise d l '6poque unth6oricien mon6taire allemand,Silvio Gesell. Puisoue ces outi lsd'6change se d6pr6cient chaquemois de 1 %. ses utilisateurs ontint6r€t d les r6injecter rapidementdans le march6. La relance6conomique est spectaculaire,mais les gouvernements centrauxfinissent par interdire ces

4a AFFAIRES PLUS . lUlN 2008

rr monnaies fondantes r, c'est-A-dire non sp6culatives, souspr6texte qu'elles sont ill6gales.

ll faudra attendre un demi-sidcle avant que l'id6e ne reprennevie. cette fois en Colombie-Britannique, Le premier LocalExchange and Trade System *

Systdme d'6change local (SEL)en frangais - voit le jour au d6butdes ann6es 1 980 d Comox, surl'ile de Vancouver. dans le butde redynamiser une communaut6durement frapp6e par le chOmage.Le r6seau ne dure que cinq ans,mais l'exp6rience s'6bruite, si bienque l'on trouve aujourd'hui desvariantes des SEL oartout dans lemonde. 0n en compte plus de300 en France et autant en

Grande-Bretagne. Le troc a atteintun sommet de popularit6 en 2002en Argentine, alors que le pays, enpleine crise, comptait 5 000 clubsd'6change local servant 2,5 millionsde personnes, soit 7 o/o de lapopulation. Le troc a cependantperdu de son attrait en raison dela reprise 6conomique, surtoutlorsque les usagers ont d6couvertque des creditos,la monnaied'6change, avaient 6t6 falsifi6s defagon 169ulidre.

Aux Etats-Unis, les Hours, cesinstruments d'6change local envigueur depuis 1991 d lthaca,dans I'Etat de New York, ont faitdes 6mules aux quatre coins dupays. 0n estime i deux millionsde dollars am6ricains la valeur des

produits et services achet6sen hoursauprds des quelque350 marchands participantsd'lthaca. Certains emplois y sontentidrement r6mun6r6s en fours eton peut m€me utiliser cette devisepour acquitter ses premidresmensualit6s hypoth6caires. Sanscompter le r6seau des n Time-banks >, les a banques de temps ),actif dans tous les ftats du pays.Au Canada anglais, des centainesde marchands locaux de Calgary,Kingston et Toronto se sontassociEs, depuis une dizained'ann6es, ) des groupes de trocutilisant une monnaie locale.Certaines grandes chaines telles queZellers et Second Cup acceptentmOme les n Toronto Dollars r !

communautaires ouverts tous lesjours, Troc-tes-trucs tient son grandmarch€ tous les deux mois. Quelque300 individus et m6nages ont adh6r6au r6seau: < IJne centaine de famillesparticipent i chacune des activit6s r,dit Maude L€onard, coordonnatricede Troc-tes-trucs. Et personne ne re-met en question la valeur accord€eaux biens qu'ils consentent i donneren dchange de quelques points, pr6-cise-t-elle. < Nous avons ddji eu unesuper machine i espresso italienneen parfait 6tat. Le propridtaire ajou6le jeu et a acceptd sans broncher les15 points qu'on lui offrait. >, La coor-donnatrice ne peut toutefois chiffrerla valeur des transactions du r6seau.* A l'instar des groupes d6changesde services, nous voulions nous en

tenir i un systeme de pointage. Noussouhaitons prolonger la durde de vieutile des biens de consommation >>,explique-t'elle.

En fait, le seul genre de troc quelbn peut 6valuer en espdces sonnan-tes et trdbuchantes est celui auouelshdonnent les r6seaux comme BaiterNetwork. Ici, on n'est plus dansl'entraide communautaire ni dansla responsabilisation sociale. Les2 500 membres de Barter Networksont des entreprises canadiennesqui 6changent entre elles - moyen-nant une commission vers€e au ges-tionnaire du r6seau - des servicesde tout ordre: restauration, h6tel-lerie, location de voitures, compta-bilit6, soins dentaires, rdparationdbrdinateurs, etc. La cidrerie Do-

Gare au fisc IQu'ils soient membres d'un rdseau ou non,les professionnels et les entreprises quis'adonnent au troc ne sont cependant pasdispens6s de leurs obligations fiscales : ilssont tenus d'inscrire dans leurs d6clarationsde rsvenus la valeur des biens et servicestroqu6s, Si par exemple un garagisteconsent ir r6parer la voiture d'un dentisteen 6change d'un examen dentaire,tous deux devront d6clarer au fisc lavaleur marchande r6elle de ces services.Par ailleurs, toute entreprise 0u toutprofessionnel participant A un r6seau detroc doit percevoir en espCces la TPS et laTVQ calcul6es sur la valeur des biens etdes services 6chang6s contre des ( uni-t6s r, Ainsi, un garagiste inscrit A un r6seaude troc et offrant des vidanges d'huile€n 6change dk unit6s r d'une valeur de50 dollars devra calculer la TPS et la TVQsur Ce montant.

avantageux cle fairc clu troc directavec nos fournisseurs habituels etde donner, par exemplc, dix bil lctsen dchange d'un rabais sllr un pro-duit ", explique le directeur g6n6ral,Chuck Childs.

Ce type de troc doit 6tre rapport6dans la d6claration de revenus, puis-que ces services ont unc valeur mar-chande 6tablie. " Un dc nos arrcicnsmembres, un hdtelier, a 6t6 pour-suivi par le fisc parce qu'il avait omisde mentionner ses revenus de trocpendant des anndes, dit Linda Bridrc.Il a fait faillite. "

Qu'il soit pratiqu6 par un r6seatrd'individus ou par un regroupe-ment d'entreprises, le troc a cepen-dant le m6me avantage imm6diat : ilaugmente le pouvoir d'achat en lib6-rant les liquidit6s pour d'autrcs ty-pes de transactions. " C'cst chouettede savoir qu'on peut s'offrir le salonde coiffure sans sortir ses sous et depouvoir ensuite aller s'acheter unCD >, r6sume Claudine Tremblay,de LAccorderie.

Il n'empdche que les r6seauxd'6change communautaire sontfragiles. Ils survivent rarement aud6part de leurs crdateurs, admetMichel Gaudreault, pr6sident etfondateur de la BECS, i Montr6al.

rr Un de nos anciens membres, un h6telier,a 6t6 poursuiui par le fisc parce qu'il auait omisde mentionner ses reuenus de troc pendantdes ann6es. II a fait faillite. >

maine Pinnacle, i Frelighsburg,dchange ainsi ses produits con-tre les services d'agences publi-citaires membres du 16seauComtex, la filiale qu6b6coise deBarter Network. < Pour des en-treprises qui ont des surplusd'inventaire, c'est pratique >, ditLinda Bridre, directrice des op6-rations de Comtex.

Lan dernier, la valeur des ser-vices 6chang6s i l'int6rieur dur6seau a atteint 60 millions dedollars. A lEchelle plan6taire, letroc interentreprises d6passe-rait neuf milliards de dollars,mais tous ne font pas forc6mentde bonnes affaires. La directiondes Chalets Chanteclair, i Val-David, dans les Laurentides, aquitt6 le rdseau parce qu'elle n'ytrouvait pas de < services int6-ressants >. Pour des soci6t6ssans but lucratif comme leTh€Atre Centaur de Montr6al,la commission i acquitter surchaque transaction annule lesbienfaits du troc. " Il est plus

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50 AFFAIRES PI-US . lUlN 2008

" Il faut un nrinir.nurn cl'appui fi-r rancicr l )our l l ra intcrr i r to t r t g . r cr rvie ", dit-il. Lcs cleux fclr.rdatriccs deTr()c-tes-tmcs, Mauclc Ldonarcl etV6ronicluc Castrlrrguay, toutes clcuxclclct<lrantcs cn philosophie, com-mcnccnt clles anssi . i s'cssoufflcr.. Nous cspdrons obtcnir unc sub-vention pour paycr lc salairc cl 'ur"rou clcux cmplovis pcrntancnts >, clitMarrclc Lionarcl.

LAccorclcric a la chancc clc profitcrclu souticn dc la Clissc cl '6con<lmicsoliclairc ct clc la F<lnclatior.r Saint-lLoch, cc (ltli cxplicprc sa soliditi ctI'cx1-xrnsion dc son r['scau. Scs partc-naircs olrt pcnnis i i l '<lrgrnisnrc dcs'offrir trn local, ur.r sitc Wcb ct cltra-trc cnrployis pcmr:ulcnts cltri aclrtri-nistrcnt cluoticlicnncnrcnt lc f lux clcstratlsi lctions ct rFri Font i:r nrisc r\jour clc lirffrc ct clc la clcnranclc clcscrviccs sur lc btrbiII lrd 6lcctr<luicltrc.

" Lc problinrc avcc lc b6n6volat, c'csttltte lt 's qetrs finisscnt t()ui()r.u's 1)i lr

Vous uoulez troquer ?Voici comment eh savoirplus sur le sujet :Mon Jeu, r6seau qu6b6cois :wwwmonieu,netBanque d'6changes communautaires de services, Montr6al : wwwselbecs.orgN DG Ba rter Network : ww$f,reseaudechangendg.orgEchang'heures, Saint-Basile-le-Grand : selechangheures.runatserver.com[Accorderie, Qu6bec : www.accorderie.caSel IEntraide, Saguenay : wwwselentraide.macommunaute.netComtex, 6change commercial, dans tout le Qu6bec : www.comtextrade.com

s6puiser, cl i t Chudinc Trcnrblay. C)nroulc quancl nrenrc prc\s clc,10 hcurcs

oar sctt-rr inc. ,

L 'E ta t c t l cs cn t rcpr iscs p r ivc<csaura icn t tou t in t i rOt i sou tcn i r

cl ' t tnc fag<ln <nr d'unc ;tut l"c lcs 16-

sc ; t t rx c l ' i ' chanqe dc scrv iees , ; rv ; r r r -

cc Jc: 'rn-M arc F<tntan, l trofcsscurc lc soc iokrg ic i I 'UQAM c t au tc r l rcl 'unc 6ttrclc strr L'Accrlrclcr ic. < Lctroc clc scrviccs cst r-sscnticl atrbon F<nct ionuc lucn t c lc la s< lc i6 t i ;i l con t r ibuc i cn h t r i l c r l cs r< luaqcs ,

d i t - i l . Ccs r6sc lux sont s< l t rvcn t l cs

sculs i rcconnai t rc le t ravai l qr l isc Fai t c lans ccs organismcs ct ivaloriscr la c<lnrpitcncc clcs ir.rdi-vicltrs clui s'y adonrrcnt. > Et i ls fa-voriscut I 'cneagcnrcnt inclivicluclpar l 'c r . r t r l idc nrut t rc l lc au l icu dcfairc la charit i, notc Wcncly Lloycl-Snr i th , t r : rva i l lcusc socia lc c t rcs-pr lnsablc dc N I )G l l l r tcr Nctwork,un SEL c l t r i <ruvrc dans lc qt lar t icrN<l t rc- l )anrc-r lc- ( l r icc, i i Mont-16al : * N<l t ts c<l t l l t l t l t rs lcs cspaccscluc I ' ic< lnonr ic t r lc l i t ior rnc l l t n 'oc-cuPc pas >. AP

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52 AFFAIRES PLUS . lUlN 2008