finances publiques du maroc 15-3
DESCRIPTION
Finances Publiques Du MarocTRANSCRIPT
LEMF Laboratoire d'Etudes
Monétaires et Financières
Université Mohammed VRabat
PROJET FEM2-02-21-39
Titre du Projet Dépenses Publiques, Croissance et Soutenabilité
des Déficits et de la Dette Extérieure :Etude du Rôle de l'Etat dans six Pays Méditerranéens Partenaires
de l'Union européenne (Egypte, Israël, Liban, Maroc, Tunisie, Turquie)
Etat des finances publiques du Maroc
Etude réalisée par :
Mohamed Raja AMRANI*, Khalid HAMMES** et Lahcen OULHAJ***
ne pas citer ni diffuser avant l’accord final du FEMISE
mars 2004
* Professeur à l’Université Mohammed V-Agdal, [email protected]** Professeur-assistant à l’Université Mohammed V-Souissi, [email protected]*** Professeur à l’Université Mohammed V-Agdal, [email protected]
Laboratoire d'Etudes Monétaires et Financières, Université Mohammed V, Faculté des sciencesjuridiques économiques et sociales, B.P. 721, Rabat-Agdal
Tél / Fax 212 37 68 24 96
1
Résumé
La présente étude portant sur l’état des finances publiques au Maroc comprend troischapitres et des recommandations en matière de politique budgétaire en guise de conclusions.Le premier chapitre porte sur la soutenabilité du déficit budgétaire, pour la période allant de1970 à 2002. La méthode comptable appliquée en premier lieu permet de dégager deuxpériodes tout à fait distinctes. La première, allant de 1970 à 1983, est caractérisée par unenon-soutenabilité du déficit budgétaire effectif toujours supérieur au déficit budgétairesoutenable ou permis. La seconde période allant de 1984 à 2002 est inversement marquéepar une soutenabilité globale (12 années de soutenabilité et 7 années de non-soutenabilitélégère) du déficit budgétaire. Dans un second lieu, les tests de stationnarité et decointégration ont été utilisés pour apprécier la soutenabilité du même déficit budgétaire. Lestests de stationnarité, appliqués sur l’ensemble de la période 1970-2002, concluent à unenon-soutenabilité de la politique budgétaire. Cependant, le test de cointégration des recetteset des dépenses publiques conduit à la conclusion inverse. Ce qui voudrait dire que lapolitique budgétaire du Maroc est plutôt soutenable, au sens faible du terme.Le deuxième chapitre traite de la soutenabilité de l’endettement public, intérieur, extérieur ettotal. Après une présentation générale de cet endettement, les tests de stationnarité ont étéappliqués à chacune des dettes publiques (intérieure, extérieure et totale), en volume et enratio par rapport au PIB. La conclusion à tirer de ces tests est que la stationnarité de cesdettes n’intervient qu’en première différence dans le meilleur des cas. C’est dire quel’endettement du Maroc, extérieur comme intérieur, n’est guère soutenable au sens fort. Mais,il ne faut pas perdre de vue que le test porte sur toute la période 1970-2002 à cause del’insuffisance du nombre des données annuelles pour une fragmentation qui aurait peut-êtreabouti à une soutenabilité de l’endettement extérieur pour la période récente. C’est du moinsce que nous apprennent la méthode comptable appliquée au premier chapitre et laprésentation générale du deuxième chapitre. Pour ce qui est de la soutenabilité faible del’endettement public, des tests de cointégration peu concluants ont été appliqués d’un côté àl’endettement intérieur et au solde courant budgétaire et de l’autre côté à l’endettementextérieur et au solde de la balance des opérations courantes. Le troisième et dernier chapitre tente de déterminer la taille optimale de l’Etat, c’est-à-dire leratio des dépenses publiques (par rapport au PIB) qui maximise la croissance économique.Cette idée suppose qu’il existe une relation en cloche entre les dépenses publiques, en volumeou en ratio, et la croissance économique. C’est pour cela que ce chapitre s’est d’abordattardé sur la qualité et la nature de cette relation supposée. Le résultat est que les dépensespubliques, en volume ou en ratio, n’ont qu’une très faible relation avec la croissanceéconomique au Maroc. Le reste du chapitre a été consacré à la recherche d’une explication àla faiblesse de cette relation. L’explication semble résider tant dans le caractère encoreagricole de la croissance économique au Maroc que dans l’inefficacité en matière decroissance de ses dépenses publiques. L’explication de cette inefficacité elle-même est àrechercher dans la structure de ces dépenses.
2
Etat des Finances Publiques du Maroc
La présente étude, portant sur les finances publiques du Maroc, leur état actuel et leur
évolution au cours des trente dernières années, comprend trois chapitres distincts. Le premier
traite de la politique économique du Maroc en général et de la soutenabilité du déficit
budgétaire en particulier. Le deuxième chapitre analyse l’évolution et les caractéristiques de
l’endettement public du Maroc et s’attarde sur la notion de soutenabilité de la dette publique
totale, extérieure et intérieure. Le troisième et dernier chapitre examine la question de la taille
optimale de l’Etat en étudiant la relation pouvant exister entre les dépenses publiques totales
ou d’investissement et la croissance économique.
I- Soutenabilité du déficit budgétaire
Après une présentation d’ensemble de l’évolution de la politique budgétaire du Maroc depuis
1970, il sera question dans un deuxième temps de l’application de la méthode comptable à la
question de la soutenabilité du déficit budgétaire. Dans un troisième et dernier temps, les tests
de stationnarité et de cointégration seront utilisés pour traiter de la même question.
I.1. Evolution d’ensemble de la politique budgétaire
Passées les premières années d’hésitation, le Maroc a opté dès 1961 pour une économie
libérale dans le sens où l’Etat ne s’implique pas dans la totalité de l’activité économique,
laissant ainsi un espace à l’initiative individuelle. Mais cette économie libérale est demeurée
pendant longtemps peu concurrentielle. La politique économique menée durant la décennie
1960 a eu pour résultat de limiter le fonctionnement des mécanismes concurrentiels tant dans
le secteur réel que dans le système financier. Mais, les pouvoirs publics se sont fixés dès le
début de la décennie pour objectif de limiter l’expansion du déficit budgétaire. Et ce malgré
une demande sociale très forte en matière d’éducation, d’emploi et de santé. Ainsi,
l’expansion de la demande globale a pu être contenue dans des proportions jugées à l’époque
supportables. La politique budgétaire, souvent assimilée par les pouvoirs publics à une
politique de réduction du déficit, a toutefois subi les effets de la conjoncture économique
mondiale sur l’économie nationale.
Evolution du déficit budgétaire
Le solde budgétaire a enregistré depuis le début de la décennie 1970 une évolution erratique
donnant l’impression d’une maîtrise insuffisante du déficit budgétaire par les pouvoirs
publics, mais cachant en fait des ruptures brutales dans la politique économique ainsi que les
implications des rééchelonnements de la dette extérieure et des privatisations.
3
L’action visant l’augmentation des recettes budgétaires
La progression des recettes est demeurée modeste jusqu’en 1973, année au cours de laquelle
la demande mondiale des phosphates a connu une expansion remarquable. Ce qui a donné un
quadruplement du prix de ce produit qui constituait alors le principal poste des exportations
du Maroc. Ce sont donc les recettes de ce monopole qui sont à l’origine d’une augmentation
de 75% des recettes publiques de 1973 à 1974. Cette forte expansion des recettes budgétaires
a été à l’origine d’une rapide progression de la demande globale qui a induit à son tour une
importante croissance des recettes fiscales. La très rapide détérioration du solde budgétaire
global (le déficit budgétaire a été multiplié en valeur nominale par plus de 18 fois de 1973 à
1976) ainsi que celui des paiements courants a conduit les pouvoirs publics à mettre en place,
en 1978, un plan de stabilisation visant à limiter la progression des dépenses publiques et des
importations par un relèvement très significatif des droits de douanes, ce qui a eu aussi pour
effet une augmentation des recettes fiscales. Les réformes fiscales mises en œuvre au courant
de la décennie 1980 (TVA, Impôt sur les Sociétés, Impôt Général sur le Revenu) ont permis
de renforcer la progression des recettes fiscales et de maintenir (grâce aussi aux concessions
au privé des monopoles de distribution d’eau et d’électricité et aux privatisations de la
décennie 1990) le déficit budgétaire à un niveau de 3% en moyenne durant la période 1996-
2002 (4.3% sans les recettes des privatisations) ; alors qu’il était en moyenne de 3.3% durant
la période 1990-1995 (3.7% sans les recettes des privatisations)1.
1 Depuis la fin des réformes macro-économiques initiées dans le cadre du programme d’ajustement structurel de1983, l’action sur le déficit budgétaire apparaît, de par le poids du déficit structurel par rapport au déficit total, deplus en plus limité.
Déficit total en % du PIBDéficit structurel en % du PIBDéficit cyclique en % du PIB1990-3,54-3,780,241991-3,10-3,720,621992-2,18-2,07-0,121993-2,41-1,81-0,611994-3,17-3,490,381995-5,17-4,40-0,761996-1,86-
2,140,281997-2,15-2,8001998-3,16-2,9001999-2,30-2,80-0,320002001-2,60-4,50012002-4,20-4,0003Source :Direction de la politique économique générale, Tableau de bord des finances publiques, 2003.
4
L’action visant la maîtrise des dépenses publiques
La rupture dans l’évolution des dépenses publiques s’est produite en 1974. La très forte
croissance des recettes d’exportation a conduit les pouvoirs publics à abandonner la politique
de prudence en matière des dépenses publiques des années 1960 pour s’engager dans une
logique volontariste de développement économique "autocentré" à travers une expansion
rapide de l’investissement public, des salaires réels et de recrutements dans la fonction
publique. L’investissement public a ainsi été multiplié par plus de 8 fois de 1973 à 1977. Il
s’est élevé à plus de 20% du PIB en 1977, niveau qui depuis cette date n’a jamais plus été
atteint.
Le plan de stabilisation de 1978-79 axé principalement sur une réduction draconienne des
dépenses d’investissement (baisse de 30% de 1977 à 1978) a permis une pause dans la
progression des dépenses publiques en 1978. Mais il n’a pas pu par la suite contenir leur
expansion, puisque le service de la dette (principalement extérieure) dont le volume a atteint
de1975 à 1982 les niveaux les plus élevés de l’histoire économique du Maroc, va désormais
devenir la préoccupation centrale des pouvoirs publics en matière de gestion des finances
publiques. Les différents accords de rééchelonnement de la dette extérieure conclus avec les
clubs de Paris et de Londres ont toutefois permis de limiter l’ampleur du déficit budgétaire
qui s’élevait en moyenne pour la période 1980-1989 à près de 8%.
L’amélioration des comptes nationaux durant la décennie 1990 n’a toutefois été possible que
grâce à la maîtrise de l’évolution des dépenses en capital, moins de 5% en moyenne durant la
période 1995-2002 contre près de 8% durant la décennie 1980.
L’action sur le solde budgétaire
Le recours à l’endettement dès le début de la décennie 1980 a permis au Maroc d’éviter une
situation budgétaire qui aurait pu devenir complètement non maîtrisable ; la progression de la
dette publique – tant intérieure qu’extérieure – a été remarquable durant la décennie 1980,
mais le poids de la dette publique extérieure, près de 70% du PIB en 1984 (110% du PIB pour
la dette extérieure totale en 1984 et 123% du PIB en 1985), a rapidement rendu au Maroc
l’accès aux marchés internationaux des capitaux de plus en plus difficile. En fait, dès la
première année de la mise en œuvre du PAS, on observe, grâce aux rééchelonnements de la
dette publique extérieure, une stabilisation de la progression de cette dernière (dont le volume
a été multiplié par près de 4 fois de 1980 à 1984). En revanche, la progression de
l’endettement intérieur (25% de l’endettement extérieur en 1984) sera fulgurante à partir de
1984 (elle représente en 1989 trois fois le volume atteint en 1984) 2.
2 Rééchelonnement de la dette extérieure de 1983 à 1992 : 6 accords conclus avec le club de Paris et 3 autresavec le club de Londres.
Allégement de la detteAllégement des intérêtsAllégement du capitalMillions DH% PIBMillions DH%PIBMillions DH%
PIB198337543.812461.325082.5198486897.718521.668376.1198572075.65080.466995.21986126538.214170.9112367.3198798266.321421.477544.9198876424.218981.057443.2198973223.88950.564273.3199099454.7236
21.175833.6199150942.110360.440581.7199234521.47.30.327391.1Source : Direction de la politiqueéconomique générale, Tableau de bord des finances publiques, 2003.
5
La progression de la dette extérieure durant la décennie 1990 est imputable aux seuls effets
des rééchelonnements. Mais, parallèlement, l’endettement intérieur qui était principalement
de courte période devient progressivement de long et moyen terme à partir de 1993. Il
deviendra avec les privatisations3 le principal moyen de financement du déficit budgétaire.
L’évolution favorable de la maîtrise des finances publiques et du déficit budgétaire cache
toutefois d’importants risques de rupture. Les premiers sont en relation avec la fin du
processus de réforme des fondamentaux de l’économie et de l’accompagnement des réformes
de la part des institutions financières internationales et des principaux partenaires
économiques du Maroc, notamment la France. Les secondes concernent là aussi la fin d’un
cycle, celui des concessions de la gestion publique des secteurs de l’eau et de l’électricité et
des privatisations. Désormais et à l’exception de la privatisation de la banque centrale et de
l’ouverture au public du capital de Maroc Telecom, les perspectives de rentrée futures de
recettes de privatisation apparaissent limitées.
Le manque à gagner programmé des recettes douanières, qui au terme du processus de la mise
en œuvre de l’accord d’association avec l’Union européenne s’élèvera à quelques 12% des
recettes fiscales.
Conjugués à la faible progression du rendement de l‘impôt et des dérapages enregistrés
récemment dans l’évolution de la charge salariale de l’Etat, la concrétisation de ces risques,
en l’absence de profondes réformes de structure et d’une révision du système fiscal marocain,
pourrait devenir la préoccupation centrale des décideurs politiques dans les toutes prochaines
années.
Malgré cette évolution favorable, la maîtrise du déficit budgétaire dans les prochaines années
risque de devenir problématique.
1°) En l’absence d’une réforme fiscale qui aura pour objet d’élargir l’assiette de l’impôt et de
limiter les exonérations, notamment celles dont bénéficie le secteur agricole, les recettes
fiscales risquent d’enregistrer une évolution très défavorable. La baisse programmée des
recettes douanières entraînera à terme un manque à gagner fiscal de près de 12% des recettes.
2°) La fin du mouvement des privatisations, à l’exception des recettes de l’élargissement de
l’ouverture du capital de Maroc Telecom, les recettes dues aux privatisations auront tendance
à devenir dans les prochaines années de plus en plus modestes4.
3°) Le dérapage du budget de fonctionnement depuis l’avènement en 1998 du gouvernement
de l’alternance risque de peser sur la gestion budgétaire dans les années à venir5.
3 Recettes de privatisationRecettes de privatisation en millions de DHRecettes de privatisation en % du PIBRecettes de
privatisation en % des recettes fiscales199321410.920.5199420570.720.1199512410.418.91er semestre19961607130.11996-199747241.539.31997-199811550.313.31998-19993920.14.01999-20003950.11.52ème
semetre 2000180072001233976.173.620026210.27.9Source : Direction de la politique économique générale,Tableau de bord des finances publiques, 2003.
4 Les dons qui, certaines années, ont représenté une part très substantielle des recettes de l’Etat : - 1% du PIB (1983)- 1.9% du PIB (1985)- 2.9% du PIB (1990)- 2.1% du PIB (1991)En moyenne 0.5% du PIB de 1980 à 1989 et 0.9% du PIB de 1990 à 1995. (Source : Direction de la politiqueéconomique générale, Tableau de bord des finances publiques, 2003).Ces dons n’enregistrent depuis l’accélération du mouvement de privatisation que des flux insignifiants.5 – De 1990 à 2002 la masse salariale a doublé en valeur nominale et elle tend à s’approcher de 13% du PIB.
6
Le graphique ci-après montre l’évolution des recettes et des dépenses publiques, en
pourcentage du PIB, de 1970 à 2002 :
7
Evolution des dépenses et recettes publiques en pourcentage du PIB
0,00%
10,00%
20,00%
30,00%
40,00%
50,00%
60,00%
70,00%
Recettespubliques/PIB
Dépensespubliques/PIB
I.2. Soutenabilité de la politique budgétaire
Plusieurs définitions sont données de la notion de soutenabilité de la politique budgétaire6.
Parmi elles celle de E. Jondeau7 qui considère qu’une politique budgétaire est soutenable si
elle assure à terme la solvabilité de l’Etat, c’est-à-dire si elle garantit que la dette ne croîtra
pas dans des proportions excessives telles que l'Etat ne puisse plus assurer son
remboursement. Cette définition admet donc des déséquilibres du solde budgétaire ; mais à
condition qu’ils ne soient pas systématiques ou qu’ils soient compensés par des excédents
futurs suffisants.
Le modèle comptable prend la contrainte intertemporelle de l’Etat comme point de
départ.
Bt = Bt-1 + Gt – Tt + rtBt-1 (1)
Où Bt désigne l’encours de la dette, à la date t,
Gt les dépenses publiques hors charges d’intérêt
Tt les recettes publiques,
rt le taux d’intérêt nominal apparent de la dette publique (les intérêts de l’année rapportés à
l’encours de l’année passée).
Dt = Gt - Tt représente le solde budgétaire primaire. L’équation (1) se réécrit donc ainsi :
Bt – Bt-1 = Dt + rtBt-1 (2)
En exprimant les termes dans cette égalité (2) en pourcentages du PIB on obtient :
Bt / PIBt – Bt-1 / PIBt = Dt / PIBt + rt (Bt-1/ PIBt) (3)
Avec PIBt = (1 + gt ) PIBt-1 , où gt correspond au taux de croissance nominal de l’économie, la
relation (3) devient :
Bt / PIBt – [1/ (1+gt)](Bt-1 / PIBt-1 ) = Dt / PIBt + [rt / (1+gt)] (Bt-1/ PIBt-1)
En notant bt= Bt / PIBt et dt = Dt / PIBt , on obtient :
bt – [1/ (1+gt)] bt-1 = dt + [rt / (1+gt)] bt-1 (4)
Comme une politique budgétaire soutenable suppose, en un certain sens, une stabilité du ratio
de la dette publique (bt= bt-1), le niveau du solde budgétaire primaire soutenable devient égal
à :
d*t = [(gt – rt) / (1+gt)] bt (5)
Comment interpréter cette équation du modèle comptable de la politique budgétaire
soutenable ?
6 P-Y. HENIN : "Soutenabilité des déficits et ajustements budgétaires", Revue économique, 1998.7 JONDEAU E. :"La soutenabilité de la politique budgétaire", Economie et Prévision, N° 104, 1992.
8
Si l’on accepte, à titre provisoire, qu’une politique budgétaire soutenable est une politique qui
permet de maintenir à un niveau stable le ratio de la dette publique (c’est-à-dire le rapport de
l’encours de la dette publique sur le PIB), si l’on accepte qu’il n’y pas d’autre moyen
(purement monétaire, par exemple) qu’une augmentation de l’endettement public pour
financer un déficit budgétaire primaire net du service de la dette, le ratio (sur PIB) soutenable
du solde budgétaire primaire net dt* pour une année t devrait vérifier l’égalité suivante :
t
tttt g
rgbd
1
* .
Cette formule que l’on obtient aisément à partir de la contrainte budgétaire augmentée de
l’hypothèse ci-dessus sur le financement du déficit budgétaire appelle une remarque sur le
terme b. Comme la formule découle de la condition de stabilité de b, il est envisageable de
retenir soit bt-1 soit bt . Lorsqu’on retient le premier, l’expression du ratio soutenable du solde
budgétaire devient plus cohérente mathématiquement, mais elle ne concerne plus que l’an
dernier et l’année actuelle. Cela donnerait une sorte de solde budgétaire permis pour maintenir
le ratio de la dette cette année au même niveau que l’an dernier. Lorsqu’on retient le b de cette
année, cela donne une expression moins cohérente mais plus tournée vers l’avenir. Ce qui
correspondrait mieux à la signification habituelle de la soutenabilité.
Deux enseignements peuvent être tirés de cette formule du solde budgétaire primaire net
soutenable. Le premier concerne les déterminants de ce solde. On a d’abord le ratio courant de
la dette, ensuite le taux courant de croissance et enfin le taux d’intérêt nominal apparent
courant. Le ratio soutenable du solde est une fonction du ratio de la dette croissante si le taux
de croissance est supérieur au taux d’intérêt apparent et décroissante dans le cas inverse. Il est
une fonction croissante du taux de croissance, à moins que le taux d’intérêt apparent ne
dépasse 100%. Ce qui est normal, dans la mesure où une forte croissance du PIB permet
d’emprunter massivement sans alourdir le ratio de la dette. Cela permet donc un déficit
budgétaire élevé. Il est enfin une fonction décroissante du taux d’intérêt apparent. Cela veut
dire que lorsque les charges d’intérêts sont énormes par rapport à l’encours de la dette, on ne
pourra pas se permettre un déficit élevé et de nouveaux emprunts.
Le second enseignement à tirer concerne le caractère déterminant, pour le ratio soutenable du
solde budgétaire, de la différence entre le taux de croissance et le taux d’intérêt apparent.
Lorsque cette différence est positive, c’est-à-dire lorsque le taux de croissance est supérieur
au taux d’intérêt de la dette, les finances publiques peuvent soutenir un déficit. Et lorsque la
différence est négative, seul un excédent budgétaire est soutenable.
Au Maroc, la comparaison du ratio du solde primaire réalisé et du ratio du solde primaire
soutenable durant la période 1970-2002 dégage deux phases distinctes dans l’évolution de la
politique budgétaire : la phase allant de 1970 à 1983 et celle de 1984 à 2002 que l’on peut
distinguer sur le tableau et le graphique suivants :
Tableau N°1 : Soutenabilité de la politique budgétaire au Maroc (1970-2002)
9
Dettepubliqueen % duPIB (b)
Tauxd'intérêtnominalapparent dela DP (r )
Taux decroissancedu PIBcourant(n)
Déficitbudgétaire net(DN)
Intérêt dela dette(ID)
SoldeprimaireS=DN-ID
Soldeprimaireen % PIB
Soldeprimairesoutenable% du PIB(d)
10
1970 26,98 4,38 8,01 950 213 73 3,79 0,911971 26,97 4,23 10,0 894 222 -59 3,14 1,421972 28,06 4,60 6,11 1031 265 -146 3,38 0,401973 27,37 4,37 9,81 1036 278 346 3,04 1,361974 22,36 4,18 34,87 2024 285 417 5,18 5,091975 24,50 4,58 8,38 4232 344 923 10,6 0,861976 31,77 5,53 13,45 7881 493 91 17,88 2,221977 34,86 5,69 20,44 10049 747 1282 18,69 4,271978 38,23 6,04 10,84 5965 1047 607 8,92 1,661979 41,00 6,45 12,49 8089 1360 802 10,85 2,201980 41,70 6,90 19,42 7306 1756 -1373 7,49 4,371981 50,21 9,46 6,67 8011 2924 -2661 6,44 -1,311982 59,11 7,80 17,54 10992 3095 -1435 8,50 4,901983 73,18 6,46 6,72 6684 3546 -2067 3,17 0,181984 84,16 6,12 13,32 5131 4442 -1037 0,61 5,341985 81,43 6,60 15,28 7544 6236 -1619 1,01 6,131986 75,74 6,38 19,47 10992 6731 -1368 2,75 8,301987 85,18 5,57 1,28 7502 6533 1627 0,62 -3,611988 84,40 6,25 16,29 8981 8348 3831 0,35 7,281989 86,35 6,72 6,42 12329 10337 3848 1,03 -0,241990 80,71 6,26 9,74 8401 10475 8241 -0,97 2,561991 73,97 6,75 13,88 7527 13358 7966 -2,41 4,631992 79,01 7,15 0,23 9200 12814 12689 -1,49 -5,451993 83,37 7,67 2,60 6558 14722 13732 -3,28 -4,121994 82,72 7,61 12,08 5295 15817 9824 -3,77 3,301995 83,21 7,26 0,85 2463 16783 4879 -5,08 -5,291996 75,62 7,46 13,36 1466 17485 6958 -5,02 3,941997 78,94 7,15 -0,31 1479 17270 12110 -4,96 -5,911998 74,68 7,08 8,06 3307 17800 7307 -4,21 0,681999 75,41 6,85 0,46 5326 17586 24949 -3,55 -4,792000 75,64 7,09 2,49 6130 18490 7463 -3,49 -3,402001 74,70 7,00 8,18 12866 18754 26168 -1,54 0,822002 71,45 6,15 3,81 7441 17611 7191 -2,56 -1,61
Source : Tableau confectionné à partir des statistiques de la direction du Trésor, de la direction de la statistique etdes rapports de Bank Al Marghrib.
11
Evolution du solde primaire réalisé et du solde primaire soutenable en pourcentage du PIB
-10%
-5%
0%
5%
10%
15%
20%
19
70
19
72
19
74
19
76
19
78
19
80
19
82
19
84
19
86
19
88
19
90
19
92
19
94
19
96
19
98
20
00
20
02
Soldeprimaireen %PIB
Soldeprimairesoutenable % duPIB (d)
Durant la première phase, le ratio du solde primaire effectif a été toujours supérieur au seuil
soutenable. Ce qui montre la non-soutenabilité de la politique budgétaire. Cette phase a été
marquée par une croissance très importante du ratio de la dette publique (il est passé de 27% à
37%) et du ratio du déficit budgétaire (de 3,7% à 10,4%).
La seconde phase a été marquée par une supériorité du ratio du solde primaire soutenable au
ratio du solde primaire réalisé et l’existence d’excédents budgétaires primaires. Cette phase a
été marquée aussi par une stabilisation puis une légère baisse du ratio de la dette publique (de
84% à 71%), un écart de plus en plus faible entre le taux de croissance économique et le taux
d’intérêt nominal apparent et une baisse du ratio du déficit budgétaire.
En effet, après la crise de la dette et l’entrée en application des programmes d’ajustement
structurel, les choix budgétaires ont été plutôt restrictifs laissant place à un déficit budgétaire
primaire net de plus en plus faible et qui devient, à partir de 1990, structurellement un
excédent (il est passé de 3,79% du PIB à –2, 56% entre 1970 et 2002 en atteignant le niveau
de 18,69 % en 1977).
Les choix en matière de réduction de la dette extérieure (le ratio de la dette extérieure est
passé de 2% à 70% entre 1970 et 1984 avant de revenir au niveau de 23% en 2002) ont
permis une stabilisation et une réduction du ratio de la dette. Ces résultats conjugués à une
politique budgétaire restrictive ont permis au Maroc d’avoir un déficit budgétaire soutenable à
partir de 1984.
Toutefois, ces résultats cachent l’émergence de deux paramètres récents dans la gestion des
finances publiques au Maroc. Il s’agit de la croissance régulière de la dette intérieure publique
(le ratio de la dette publique intérieure est passé de 11% à 46% entre 1970 et 2002) et de
l’utilisation des ressources de privatisation. La tendance à l’accroissement du ratio de la dette
publique intérieure ne semble pas être porteuse d’inquiétudes, bien au contraire elle permet
d’éponger une partie des surliquidités du système bancaire générées par des recettes de
privatisation et la remarquable progression des revenus marocains résidants à l’étranger
conjuguées à une faible progression des investissements privés. Mais à terme cette situation
pourrait devenir préoccupantes tant au niveau d’éventuels effets d’éviction de
l’investissement qu’en ce qui concerne l’état de santé du système financier marocain. Les
deux autres paramètres que sont la fin des recettes de privation et la baisse des recettes de
douane ne peuvent qu’accentuer la gravité des inquiétudes qui pèsent sur l’évolution des
finances publiques.
12
En définitive, le solde primaire enregistré, ou plutôt son ratio, devra pour chaque année être
inférieur ou égal au ratio du solde budgétaire soutenable. La comparaison de ces deux soldes
donne ce qui suit. Le déficit budgétaire enregistré au Maroc a été systématiquement supérieur
au solde budgétaire soutenable entre 1970 et 1983. La politique budgétaire du Maroc n’était
donc pas soutenable durant cette période. Elle n’a jamais, à aucun moment, été soutenable. En
1983, se met en place au Maroc sous le contrôle du FMI, un programme d’ajustement
structurel. L’année suivante, en 1984, le déficit budgétaire primaire observé passe en dessous
du déficit budgétaire permis ou soutenable. A partir de cette date, la politique budgétaire
devient largement soutenable, dans la mesure où sur les 19 années de la période 1984-2002, le
solde budgétaire réalisé a été soutenable, c’est-à-dire inférieur quand c’est un déficit et
supérieur quand c’est un excédent au solde soutenable, pendant douze ans. Au cours de sept
années le solde budgétaire réalisé n’a pas été soutenable. Mais, il faut ajouter que pour ces
années, la non-soutenabilité a été assez légère (sauf pour 1992-1993). Ainsi les réformes
macroéconomiques et leurs mesures d’accompagnement, les gains de rééchelonnement de la
dette extérieure, les dons qui ont constitué jusqu’au début des années 90 une part significative
de recettes et les privatisations très réussies ont permis au Maroc d’améliorer de manière
progressive et substantielle l’état ses finances publiques.
I.3. Tests de stationnarité et de cointégration
Plusieurs économistes spécialistes des finances publiques ont très vite intégré les travaux des
prix Nobel Granger et Engle à leur champ d’analyse pour traduire les nouvelles normes de
politique budgétaire centrées sur la notion de soutenabilité en termes de stationnarité et de
cointégration. Ces nombreux auteurs, dont notamment Trehan et Walsh d’un côté et Jondeau8
de l’autre, considèrent en effet qu’une politique budgétaire est soutenable si le déficit
budgétaire est stationnaire, s’il ne présente pas de racine unitaire. Une série est stationnaire si
elle ne comporte aucun facteur dépendant du temps. Dans le cas contraire, elle présente une
tendance ou une saisonnalité.
Comme la plupart des séries économiques, le déficit budgétaire d’un pays n’a aucune raison
d’être stationnaire et sa non-stationnarité ne devrait en principe présenter aucun danger
lorsque les séries chronologiques des variables de financement de ce déficit connaissent la
même évolution. Nous voulons dire par là que les dépenses publiques qui augmentent avec le
déficit peuvent bien exploser sans que cela cause aux pouvoirs publics quelque ennui que ce
soit si bien sûr les recettes budgétaires connaissent la même explosion. Il suffit donc que les
deux variables cointégrent pour que la soutenabilité de la politique budgétaire soit assurée.
C’est ce que pensent Jondeau et bien d’autres auteurs. On peut d’ailleurs à ce sujet parler de
soutenabilité forte (déficit stationnaire) et de soutenabilité faible (cointégration des dépenses
et des recettes publiques). 1- Test de stationnarité du déficit budgétaire
Les données utilisées sont annuelles et concernent la période 1970-2002. Comme cela ne fait
que 33 observations, l’on ne pourra pas envisager l’étude des séries sur des sous-périodes.
Cela constitue une limite pour l’application de la nouvelle économétrie, puisqu’il serait
8 Cf Jondeau, op.cit. et Trehan et Walsh (1988)13
judicieux d’étudier la soutenabilité sur différentes sous-périodes. L’étude qualitative présentée
au début de ce papier avait justement pour objectif de lever entre autre ce genre de limite.
Les résultats du test ADF pour trois modèles, en niveau et en première différence, appliqué à
la série du déficit budgétaire global se présentent ainsi :
Test de racine unitaire du déficit budgétaire global (ADF)
Retards=1 Valeur dutest enniveau
Seuilcritique à
1%
Seuilcritique à
5%
Seuilcritiqueà 10%
Stationnaritéen niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique
Stationnaritéen 1ère
différenceSans constante
et sans tendance-1.399*** -2.6395 -1.9521 -1.6214 Non
stationnaire-6.04*** -2.6423 Oui
stationnaireAvec constanteet sans tendance
-3.06** -3.6576 -2.9591 -2.6181 Nonstationnaire
-5.88*** -3.67 Ouistationnaire
Avec constanteet avec tendance
-3.13*** -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-5.99*** -4.29 Ouistationnaire
En conclusion, on peut dire que le déficit budgétaire n’est pas stationnaire en niveau, du
moment que l’hypothèse de racine unitaire se vérifie pour l’un des trois modèles ci-dessus. En
réalité, dans le cas considéré, cette hypothèse se vérifie au seuil de 1% aussi bien pour le
premier que pour le troisième modèle. Ce n’est que pour le deuxième modèle que l’hypothèse
de non stationnarité ne se vérifie qu’au seuil de 5%. En première différence, le déficit
budgétaire global est stationnaire sans aucun doute. Cela peut être exprimé comme la non
vérification d’une soutenabilité forte du déficit budgétaire global du Maroc, sur la période
1970-2002.
Pour le seul solde courant, voici les résultats des mêmes tests de stationnarité :
Test de racine unitaire du déficit budgétaire courant (ADF)Retards=1 Valeur du
test enniveau
Seuilcritique à
1%
Seuilcritique
à 5%
Seuilcritique à
10%
Stationnaritéen niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique
Stationnaritéen 1ère
différenceSans constante
et sanstendance
-0.1048*** -2.65 -1.953 -1.622 Nonstationnaire
-4.77*** -2.65 Ouistationnaire
Avecconstante et
sans tendance
-0.519*** -3.6576 -2.9591 -2.6181 Nonstationnaire
-4.89*** -3.67 Ouistationnaire
Avecconstante et
avec tendance
-2.327*** -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-4.87*** -4.29 Ouistationnaire
Le solde budgétaire courant est également non stationnaire en niveau et stationnaire en
première différence sans aucun doute sur la même période.
Le solde budgétaire, courant ou global, est donc non soutenable au sens fort du terme. L’est-il
au sens faible ? C’est ce que nous allons voir avec le test de cointégration des recettes et des
dépenses budgétaires.
2- Tests de stationnarité et de cointégration des recettes et des dépenses publiques
14
Comme on ne peut envisager le test de cointégration des dépenses et des recettes que si les
deux séries sont non stationnaires et intégrées de même ordre, il faut commencer par les tests
de stationnarité de chacune des deux séries.
Voici les résultats des tests pour les recettes publiques :
Test de racine unitaire des recettes budgétaires (ADF)Retards=1 Valeur
du testen
niveau
Seuilcritique à
1%
Seuilcritique à
5%
Seuilcritique à
10%
Stationnaritéen niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique à
1%
Stationnarité en 1ère
différence
Avecconstante et
avec tendance
-1.36*** -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-4.497 -4.29 Ouistationnair
e
La conclusion à tirer des résultats ci-dessus est que les recettes publiques sont non
stationnaires en niveau et stationnaires en première différence. Les recettes publiques sont
intégrées d’ordre 1.
Voici les résultats des tests pour les dépenses publiques :
Test de racine unitaire des dépenses publiques (ADF)Retards=1 Valeur du
test enniveau
Seuilcritique
à 1%
Seuilcritique à
5%
Seuilcritique à
10%
Stationnarité en niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique
Stationnaritéen 1ère
différenceAvec
constante etsans tendance
1.5408*** -3.6576 -2.9591 -2.6181 Nonstationnaire
-3.851*** -3.666à 1%
Ouistationnaire
Avecconstante et
avec tendance
-1.6276*** -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-4.58*** -4.29à 1%
Ouistationnaire
La conclusion à tirer des résultats ci-dessus est que les dépenses publiques sont non
stationnaires en niveau et stationnaires en première différence. Les dépenses publiques sont
intégrées d’ordre 1.
Comme les recettes et les dépenses budgétaires sont non stationnaires et qu’elles sont
intégrées de même ordre 1, comme les deux séries présentent les mêmes caractéristiques
stochastiques, il est possible de procéder au test de cointégration des deux séries.
Voici les résultats de ce test de cointégration.
Test de cointégration des recettes et des dépenses publiques (modèle sans tendance et sansconstante) :
Likelihood 5 Percent 1 Percent HypothesizedEigenvalue Ratio Critical Value Critical Value No. of CE(s)
0.342369 15.17993 12.53 16.31 None * 0.068132 2.187490 3.84 6.51 At most 1*(**) denotes rejection of the hypothesis at 5%(1%) significance levelL.R. test indicates 1 cointegrating equation(s) at 5% significance level
Unnormalized Cointegrating Coefficients:
15
DEPENSES RECETTES 1.90E-05 -1.48E-05-3.60E-05 4.26E-05
Normalized Cointegrating Coefficients: 1 Cointegrating Equation(s)
DEPENSES RECETTES 1.000000 -0.776537
(0.19083)Log likelihood -566.9752
La première ligne des résultats montre bien qu’il faut rejeter fortement l’hypothèse de non-
cointégration des recettes et des dépenses et la deuxième montre qu’il existe au plus une
équation de cointégration.
La conclusion pouvant être déduite du test de cointégration des recettes et des dépenses est
que ces deux séries non stationnaires (en niveau) présentent une combinaison linéaire qui,
elle, est stationnaire. En plus, le coefficient des recettes est négatif et inférieur en valeur
absolue à 1. Cela veut tout simplement dire que la politique budgétaire du Maroc est
soutenable, au sens quelque peu faible, cependant.
Le graphique suivant suggère cette combinaison linéaire stationnaire entre les recettes et les
dépenses budgétaires :
16
II- Soutenabilité de l’endettement public
Dans ce chapitre, il sera question dans une première section d’une présentation générale de
l’endettement public total du Maroc. Dans la seconde section, il sera procédé à une série de
tests de stationnarité et de cointégration dans le but d’apprécier la soutenabilité de
l’endettement public extérieur, intérieur et total.
II.1. Présentation de l’endettement public
Au Maroc, le problème de l’endettement public et particulièrement celui de l’endettement
public extérieur est devenu à partir du début des années 1980 et pendant près de deux
décennies la préoccupation majeure des pouvoirs publics.
Le poids de la dette publique que les premiers gouvernements du Maroc indépendant ont
réussi à contenir à un niveau inférieur à 25% du PIB a été multiplié par 3 de 1975 à 1983 –
année de la mise en œuvre du programme d’ajustement structurel.
L’envolée de l’endettement trouve son origine dans la conduite de la politique économique.
Le passage d’une politique économique axée sur la maîtrise des déficits à une politique de
croissance volontariste (l’investissement public a été multiplié par plus de 8 fois de 1973 à
1977) à la suite du quadruplement des recettes de monopole relatives aux phosphates
(progression remarquable du prix et de la demande mondiale de ce produit) a creusé de
manière brutale et durable le déficit budgétaire et celui de la balance commerciale. La grande
facilité, à l’époque du recyclage des pétrodollars, d’accès aux marchés internationaux des
capitaux a permis au Maroc de maintenir, par le recours à l’endettement extérieur, pendant
encore quelques années le niveau alors atteint par l’investissement public. Mais, très
rapidement, le poids de la dette extérieure est devenu un véritable goulot d’étranglement (le
volume de la dette publique extérieure a été multiplié par 5 de 1977 à 1983 et la dette
extérieure totale a culminé à 123% du PIB en 1985).
La deuxième rupture dans la conduite de la politique économique concrétisée par le
remplacement de la politique de substitution des importations par la politique de
développement des exportations et la mise en œuvre de mesures d’accompagnement de cette
nouvelle orientation – contraction de la demande globale par une action sur les
investissements et les salaires ainsi que par une augmentation des droits de douane9 - a
coïncidé en 1983 avec la mise en œuvre du PAS.
Ainsi la conjugaison de l’ensemble de ces éléments et de l’évolution de l’environnement
économique international a eu un impact sur les caractéristiques de l’endettement public,
lequel a été pendant de longues années dominé par l’endettement extérieur. Le volume de la
dette intérieure a représenté en moyenne jusqu’en 1992 la moitié de celui de la dette
extérieure. Mais à partir de cette année-là, seul l’endettement intérieur a continué à progresser.
Il représente actuellement plus de 2 fois l’endettement extérieur.
L’endettement extérieur est dominé par les dettes de long terme et il provient principalement
d’une origine publique (bilatérale) et des institutions financières internationales. Le recours
9 Cette politique a donné lieu a deux mouvements contradictoires : l’amélioration de la compétitivité del’économie marocaine par un choix plus judicieux et une mise en œuvre plus rigoureuse des projetsd’investissement ; mais également une "désindustrialisation rampante" de l’économie marocaine. Une descentede l’amont vers l’aval de la filière de production est observée dans la plupart des secteurs industriels, y compriscelui des textiles ; en ce sens que les entreprises de filature et de tissage ont rapidement fait place à celles del’habillement et de la bonneterie.
17
aux marchés internationaux de capitaux étant devenu rapidement prohibitif pour le Maroc. La
progression de son volume à partir du milieu des années 1980 est davantage imputable aux
accords de rééchelonnement qu’à l’obtention de nouveaux crédits. Depuis une dizaine
d’années, on observe un remboursement régulier et important de l’endettement et une
meilleure gestion (accords de conversion de la dette publique extérieure en investissements
privés, accords de refinancement de dettes onéreuses)10.
La progression du rythme d’accroissement de la dette intérieure est due au recours de plus en
plus faible à l’endettement extérieur, mais aussi à la réduction du droit de seigneuriage exercé
sur le système bancaire. Les emplois obligatoires (des banques en effets publics) ont
représenté jusqu’en 1992 plus de 30% (33% plus exactement) des exigibilités du système
bancaire.
A partir du début des années 1990, la deuxième libération du système a été accompagnée
d’une suppression en 1998 du plancher d’effets publics et de la suppression en 1994 des
coefficients des emplois obligatoires.
Désormais, la totalité des emplois obligatoires ne représente plus que 3% des exigibilités du
système bancaire. Depuis cette date, le Trésor se finance essentiellement auprès du marché.
On peut noter que l’effet de l’endettement est considérable sur la libéralisation de l’économie.
Sa gestion a permis l’éclosion d’un marché de la dette publique domestique comme elle a
induit d’importantes mutations du comportement des opérateurs financiers. Mais le poids de
la dette extérieure a surtout été à l’origine – indirectement- des grands développements des
exportations des produits manufacturés et de l’amélioration du degré d’ouverture de
l’économie marocaine.
Voici trois graphiques présentant l’évolution de la dette publique totale, de la dette publique
extérieure et de la dette publique intérieure comparées au solde budgétaire en pourcentage du
PIB :
10 La Maroc a conclu plusieurs accords de conversion de dettes publiques bilatérales en investissements avec denombreux pays dont notamment la France, l’Espagne, et le Koweït. Mais c’est la France qui a supporté lesefforts les plus importants pour accompagner le Maroc dans l’amélioration de la gestion de sa dette extérieure (3accords de conversion portant sur un volume global de 3,1 milliards de Francs français, 2 accords derefinancement de la dette onéreuse portant sur plus de 2 milliards de Francs français).
18
19
Evolution de la dette extérieure et du solde budgétaire en pourcentage du PIB
-40%
-20%
0%
20%
40%
60%
80%
Solde budgglobal /PIB
Detteextérieur(DEXT) / PIB
e
II.2. Tests de stationnarité et de cointégration
Nous allons dans un premier temps étudier les caractéristiques stochastiques de la dette
publique totale, extérieure et intérieure, en volume puis en pourcentage du PIB, avant de voir
dans un second temps si la dette cointégre avec la variable qui est censée en financer le
service de manière directe ou indirecte, pour pouvoir apprécier la soutenabilité de cette dette
pour le Maroc.
1- Tests de stationnarité des séries de la dette
La dette publique totale
Voici les résultats du test de stationnarité
Test de racine unitaire de la dette publique totale (ADF)
Retards=1 Valeurdu test
enniveau
Seuilcritique à
1%
Seuilcritique à
5%
Seuilcritique à
10%
Stationnaritéen niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique à
1%
Stationnaritéen 1ère
différence
Avec constanteet sans
tendance
0.701 -3.6576 -2.9591 -2.6181 Nonstationnaire
-2.4566 -3.67 Nonstationnaire
Avec constanteet avec
tendance
-2.347 -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-2.555 -4.29 Nonstationnaire
La dette publique totale n’est stationnaire qu’en deuxième différence (modèle sans tendance
et sans constante).
Voyons ce qu’il en est pour le ratio de la dette publique totale (par rapport au PIB) :
Test de racine unitaire du ratio de la dette publique totale (ADF)
Retards=1 Valeur dutest enniveau
Seuilcritique à
1%
Seuilcritique à
5%
Seuilcritique à
10%
Stationnaritéen niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique à
1%
Stationnaritéen 1ère
différenceSans constante
et sanstendance
0.449 -2.6395 -1.9521 -1.6214 Nonstationnaire
-5.227 -2.6423 Ouistationnaire
Avec constanteet sans
tendance
-1.7 -3.6576 -2.9591 -2.6181 Nonstationnaire
-5.379 -3.67 Ouistationnaire
Avec constanteet avec
tendance
-0.886 -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-5.85 -4.29 Ouistationnaire
Le ratio de la dette publique totale est donc stationnaire en première différence. En niveau, il
est bien non stationnaire. Le ratio progresse, mais il ne connaît pas d’accélération.
20
La dette publique extérieure
Voici les résultats du test de stationnarité de la seule dette extérieure :
Test de racine unitaire de la dette publique extérieure (ADF)Retards=1 Valeur du
test enniveau
Seuilcritique à
1%
Seuilcritique à
5%
Seuilcritique à
10%
Stationnaritéen niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique
Stationnaritéen 1ère
différenceSans constante
et sanstendance
-0.885 -2.6395 -1.9521 -1.6214 Nonstationnaire
-0.818 -2.6423 Nonstationnaire
Avec constanteet sans
tendance
-1.47 -3.6576 -2.9591 -2.6181 Nonstationnaire
-0.493 -3.67 Nonstationnaire
Avec constanteet avec
tendance
0.281 -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-1.042 -4.29 Nonstationnaire
La dette extérieure est donc, elle aussi, non stationnaire en niveau et en première différence.
Elle n’est stationnaire qu’en deuxième différence (t=-3.949 pour le modèle sans tendance et
sans constante). Est-elle stationnaire en pourcentage du PIB ?
Test de racine unitaire du ratio de la dette extérieure (ADF)
Retards=1 Valeur dutest enniveau
Seuilcritique à
1%
Seuilcritique à
5%
Seuilcritique à
10%
Stationnaritéen niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique
Stationnaritéen 1ère
différenceSans constante
et sanstendance
-0.339 -2.6395 -1.9521 -1.6214 Nonstationnaire
-4.6 -2.6423 Ouistationnaire
Avec constanteet sans
tendance
-1.387 -3.6576 -2.9591 -2.6181 Nonstationnaire
-4.5 -3.67 Ouistationnaire
Avec constanteet avec
tendance
-0.454 -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-5.327 -4.29 Ouistationnaire
Le ratio de la dette extérieure est stationnaire en première différence. En niveau, il est non
stationnaire, comme on a vu ci-dessus pour la dette totale.
La dette publique intérieure
Voici les résultats du test de stationnarité de la dette publique intérieure :
Test de racine unitaire de la dette publique intérieure (ADF)
Retards=1 Valeur dutest enniveau
Seuilcritique à
1%
Seuilcritique à
5%
Seuilcritique à
10%
Stationnaritéen niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique
Stationnaritéen 1ère
différenceSans constante
et sanstendance
4.342 -2.6395 -1.9521 -1.6214 -0.748 -2.6423 Nonstationnaire
Avec constanteet sans
tendance
2.968* -3.6576 -2.9591 -2.6181 Nonstationnaire
-2.116 -3.67 Nonstationnaire
Avec constanteet avec
tendance
0.125**** -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-4.59 -4.29 Ouistationnaire
La dette Publique intérieure est non stationnaire en niveau. Elle stationnaire en première
différence pour le modèle avec tendance et avec constante, mais il suffit qu’elle vérifie
l’hypothèse de non stationnarité pour un seul des trois modèles pour qu’on conclue qu’elle est
non stationnaire. Elle est donc non stationnaire en première différence aussi. En deuxième
différence, elle n’est également stationnaire que pour le modèle sans tendance et sans
constante.
21
Voyons ce qu’il en est pour le ratio de la dette intérieure (dette/PIB) :
Test de racine unitaire du ratio de la dette publique intérieure (ADF)
Retards=1 Valeur dutest enniveau
Seuilcritique à
1%
Seuilcritique à
5%
Seuilcritique à
10%
Stationnaritéen niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique
Stationnaritéen 1ère
différenceSans constante
et sanstendance
2.3466** -2.6395 -1.9521 -1.6214 Nonstationnaire
-3.41 -2.6423 Ouistationnaire
Avec constanteet sans
tendance
0.468 -3.6576 -2.9591 -2.6181 Nonstationnaire à
5%
-4.3 -3.67 Ouistationnaire
Avec constanteet avec
tendance
-2.968 -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-4.428 -4.29 Ouistationnaire
Le ratio de la dette intérieure est également stationnaire en première différence. Mais, il y a
lieu de noter que, dans ce cas, le rejet de la non stationnarité n’est pas fort, les valeurs du test
étant voisines des seuils critiques.
2- Tests de soutenabilité de la dette
Quand, en terme de cointégration, dire que la dette est soutenable, maintenant que l’on sait
qu’elle n’est pas stationnaire en niveau ? On peut légitimement penser à rapprocher la dette
extérieure du solde de la balance des opérations courantes, la dette intérieure du solde
budgétaire courant et la dette totale du PIB et se demander si ces couples de séries
cointégrent.
Soutenabilité de la dette extérieure
On peut en effet considérer que si la dette extérieure et le solde des opérations courantes
cointégrent, le Maroc n’aura pas de problème – du point de vue des moyens de paiements -à
faire face au service de cette dette. Evidemment, du point de vue de la solvabilité de l’Etat,
nous avons déjà vu que le déficit budgétaire pratiqué au Maroc était globalement soutenable
depuis 1984, grâce au redressement des finances publiques opéré dans le cadre du plan
d’ajustement structurel mis en œuvre depuis 1981.
Le solde de la balance des opérations courantes mesure en effet la capacité du Maroc à faire
face à des charges extérieures du genre du service de la dette extérieure. Cependant, cet
« indicateur » est loin d’être parfait de ce point de vue. D’abord, le solde courant est obtenu
après avoir payé les intérêts de la dette. Ensuite, l’excédent des opérations courantes, si
excédent il y a, n’est pas le seul moyen dont dispose le Maroc pour rembourser le capital de la
dette extérieure. On peut facilement imaginer que, si il y a une forte entrée d’investissements
étrangers, le pays n’aura pas de difficulté à payer les amortissements de la dette extérieure.
Prenons tout de même le solde des opérations courantes comme indice de la capacité du
Maroc à assurer le service de la dette extérieure et voyons s’il existe une combinaison linéaire
stationnaire entre ce solde et le volume de la dette extérieure. Autrement dit, voyons si les
deux séries cointégrent. Mais, auparavant, voyons comment se comporte le solde des
opérations courantes.
22
Test de racine unitaire du compte courant (ADF)Retards=1 Valeur du
test enniveau
Seuilcritique à
1%
Seuilcritique à
5%
Seuilcritique à
10%
Stationnaritéen niveau
Valeur dutest en 1ère
différence
Seuilcritique
Stationnaritéen 1ère
différenceSans constante
et sanstendance
-1.289 -2.6395 -1.9521 -1.6214 Nonstationnaire
-3.717 -2.6423 Ouistationnaire
Avec constanteet sans
tendance
-1.091 -3.6576 -2.9591 -2.6181 Nonstationnaire
-3.707 -3.67 Ouistationnaire
Avec constanteet avec
tendance
-1.36 -4.2826 -3.5614 -3.2138 Nonstationnaire
-4.138 -4.29 Nonstationnaire
Le compte courant de la balance extérieure est non stationnaire en niveau. Mais, il est
stationnaire en première différence.
Voici une représentation graphique de ce solde ainsi que de celui de la balance commerciale
du Maroc, pour la même période, 1970-2002.
Il convient d’expliquer, à ce niveau de l’analyse, ce choix du compte courant au lieu du solde
de la balance commerciale. Le Maroc dispose de recettes courantes non commerciales
importantes : les recettes de voyages et surtout les envois des Marocains résidant à l’étranger.
Ces recettes sont tellement importantes qu’elles financent le gros et croissant déficit de la
balance commerciale, les autres dépenses courantes comme les intérêts de la dette extérieure
et dégagent parfois un excèdent. C’est cela qui explique qu’au Maroc, le solde de la balance
commerciale négatif ne saurait être un indicateur de difficultés de supporter les charges de la
dette extérieure.
La dette extérieure du Maroc est-elle soutenable ? Nous avons vu qu’en volume, elle n’est
stationnaire qu’en deuxième différence. Le solde de la balance courante permet-il de la
financer malgré sa tendance ? Autrement dit, ce solde et la dette extérieure cointégrent-ils ?
En réalité, étant donné que ces deux séries n’ont pas le même ordre d’intégration – le solde est
stationnaire en première différence alors que la dette extérieure ne l’est qu’en deuxième
différence - , il n’y a pas de risque de cointégration. C’est ce que confirme le test de
cointégration. Et ce n’est que lorsqu’on introduit des restrictions sur la constante qu’on
23
Evolution du solde de la balance commerciale et du solde de la balance courante (en millions de DH)
-40000
-30000
-20000
-10000
0
10000
20000
30000
Solde de la balancecommerciale
Solde des transactionscourantes
obtient une équation d’intégration avec, toutefois, un coefficient très faible (0.0066) de la
dette extérieure contre l’unité pour le compte courant. Est-ce à dire que ce dernier est lui-
même stationnaire ? Si c’est le cas, cela voudra dire que la dette extérieure, elle, est affectée
d’une tendance pendant que le compte courant extérieur est, lui, stationnaire. Cela nous
éloignerait de la solvabilité extérieure mesurée par le compte courant de l’Etat. Mais l’on a
déjà vu que ce solde courant n’est pas le seul moyen dont les pouvoirs publics disposent pour
rembourser la dette extérieure.
24
Soutenabilité de la dette intérieure
Nous avons vu ci-dessus que la dette intérieure, en volume, n’est stationnaire qu’en deuxième
différence. Nous avons également vu que le solde budgétaire courant est stationnaire en
première différence. Cependant, le ratio de la dette intérieure est également stationnaire en
première différence ; voyons si ce ratio cointègre avec le solde budgétaire courant.
Le résultat du test de cointégration nous incite à accepter aussi bien l’hypothèse de l’existence
de zéro équation de cointégration que celle de l’existence d’au plus une équation. Le vecteur
de cointégration normé proposé est toutefois peu intéressant puisque sa seconde composante
(coefficient du solde courant dans l’équation de cointégration) est –0.000837 comme il
apparaît ci-dessous :
Johansen Cointegration Test
Test assumption: No deterministic trend in the data
Series: DINTR SOLCOUR
Lags interval: 1 to 1
Likelihood 5 Percent 1 Percent Hypothesized
Eigenvalue Ratio Critical Value Critical Value No. of CE(s)
0.251006 10.81861 12.53 16.31 None
0.092766 2.725930 3.84 6.51 At most 1
*(**) denotes rejection of the hypothesis at 5%(1%) significance level
L.R. rejects any cointegration at 5% significance level
Unnormalized Cointegrating Coefficients:
DINTR SOLCOUR
-0.009290 7.78E-06
0.009307 -4.47E-05
Normalized Cointegrating Coefficients: 1 Cointegrating Equation(s)
DINTR SOLCOUR
1.000000 -0.000837
(0.00130)
Log likelihood -319.0764
Cette équation de cointégration suggère que le ratio de la dette intérieure est plutôt
stationnaire. Cela voudrait dire que cette dette publique intérieure est tout simplement
soutenable. Ceci n’est pas le cas de la dette extérieure qui, elle, n’est pas stationnaire et ne
cointègre pas avec le solde courant de la balance extérieure. Et pourtant, nous avons vu que
cette dette extérieure a cessé d’augmenter depuis 1984. Ce qui a cependant été testé ici était la
stabilité d’une relation linéaire entre cette dette extérieure et le compte courant extérieur.
25
III- De la taille optimale de l’Etat
Dans ce chapitre, il sera question dans une première section d’une tentative d’apprécier la
signification des relations économétriques pouvant être a priori soupçonnées entre la
croissance économique au Maroc et les dépenses publiques. Dans la seconde section, une
étude qualitative de ces relations viendra pallier l’insuffisance de leur signification
économétrique et la difficulté de retenir l’idée à la base de ce chapitre, à savoir qu’il y aurait
une relation en cloche entre les dépenses publiques et la croissance économique et que donc il
existerait un niveau des premières maximisant cette dernière. Ce qui correspondrait donc à la
taille optimale de l’Etat. Car, en dessous, on aurait une croissance économique inférieure au
potentiel et, au dessus, on aurait une croissance freinée par des dépenses publiques excessives.
III-1 Etude économétrique de la relation dépenses publiques/croissance économique
Considérées comme une action positive sur la demande effective ou un moyen qui peut
favoriser l’expansion et l’efficacité des investissements privés, les dépenses publiques sont
supposées être porteuses de croissance économique. Cependant, un niveau excessif des
dépenses publiques peut entraîner un détournement de la demande, un accroissement du
besoin de financement de l’Etat et une éviction des investissements privés. Cela peut peser
lourdement sur l’économie, perturber le fonctionnement du système et en freiner la
croissance. Logiquement, il y aurait ainsi une taille optimale de l’Etat ou de ses dépenses
correspondant à une croissance économique maximale qu’il y a lieu de déterminer.
Parmi les travaux récents portant sur la mesure de la taille optimale l’Etat, on trouve
l’approche développée en 1998 pour le cas des USA, par R. K. Vedder et L.E. Gallaway. Cette
approche est connue sous le nom de la "courbe d’Armey".
La construction de la "Courbe d’Armey" repose sur le raisonnement mené ci-dessus, lequel
suggère que la relation existant entre les dépenses publiques et la croissance économique est
une courbe de la forme de U inversé. Cette courbe d’Armey considère en fait le taux de
croissance g en % en fonction du rapport des dépenses publiques sur le PIB (G/PIB), comme
on peut le voir sur la figure suivante :
Cette courbe est une fonction du type suivant :
g%= A+ b (G/PIB) –c (G/PIB)2 + ... (d’autres variables)
26
G/PIB
O ou g%
(s.o)*
La valeur numérique du seuil "idéal" doit pouvoir être estimée au moyen de tests
économétriques adéquats.
Voyons ce qu’il en est réellement pour l’économie marocaine. Et pour cela,
considérons dans un premier temps la relation entre la croissance économique globale et la
croissance du budget de l’Etat. Ce n’est que dans un deuxième temps que la courbe d’Armey
sera testée. Dans le troisième et dernier point, d’autres pistes de recherche seront explorées.
1- Croissance et expansion budgétaire au Maroc
Voyons d’abord s’il existe quelque relation que ce soit entre la croissance du PIB et la
variation des dépenses publiques. Voilà le nuage de points dans le plan de ces deux variables :
Le nuage ci-dessus ne suggère aucune courbe, sinon une courbe en S couché. Ce qui
correspondrait à une équation d’un degré plus élevé que celui retenu par la courbe d’Armey.
Rapprochons maintenant les recettes publiques plutôt que les dépenses de la même croissance.
Voilà ce que l’on obtient :
27
Le nuage ci-dessus n’est pas meilleur. Passons à la courbe d’Armey.
2- Courbe d’Armey
Voici le nuage que l’on obtient dans le plan des dépenses publiques en pourcentage duPIB et de la croissance du PIB.
Le nuage obtenu qui n’a aucune forme mathématique est ajusté par Excel avec une
courbe de quatrième degré. Cela voudrait dire qu’en dessous de 30%, il y aurait un ratio
optimal à ne pas dépasser pour le rapport G/PIB si l’on veut maximiser la croissance du PIB,
ce niveau optimal se situerait autour de 26%. Toutefois, si les dépenses publiques dépassaient
30% du PIB, il n’y aurait plus de maximum pour ce ration pour maximiser la croissance, au
contraire. Il y aurait plutôt un minimum, près de 35%, au-delà duquel il n’y aurait pas de
limite. Plus on augmenterait le poids de l’Etat, plus la croissance deviendrait vigoureuse.
C’est ce qui est suggéré par la courbe d’ajustement. Mais enfin, n’accordons pas beaucoup de
crédit à cela puisque le R carré n’est que de 0.0905 !
28
Alors, ce sont peut-être les seules dépenses publiques d’investissement plutôt que les
dépenses totales qu’il faudrait rapprocher de la croissance, puisque ce sont précisément ces
dépenses d’investissement qui sont censées engendrer la croissance. Voyons le nuage ainsi
obtenu :
La forme du nuage n’est pas non plus encourageante. On peut essayer de rapprocher
de la croissance d’une année, plutôt qu’avec les dépenses publiques (en pourcentage du PIB)
de la même année, avec celles de l’année précédente, en accordant ainsi un délai d’un an à ces
dépenses pour se traduire en variation du PIB. Voilà le nuage obtenu :
L’ajustement par une courbe du second degré est de très mauvaise qualité (R carré est
égal à 0.0066). Si l’on n’en tient pas compte, on pourra dire que le niveau optimal des
dépenses publiques totales se situe aux environs de 32% du PIB.
29
Croissance économique (N) en fonction du ratio Dépenses publiques totales/PIB (N-1) de 1970 à 2002
y = -0,8586x2 + 0,5965x - 0,0582
R2 = 0,0066
-10%
-5%
0%
5%
10%
15%
0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45%
Dépenses publiques totales (N-1)
Cro
issa
nce
du
PIB
(N)
Si l’on retient ce décalage d’une année avec les dépenses d’investissement plutôt
qu’avec les dépenses totales, voilà ce que l’on obtient :
Cela améliore la qualité de l’ajustement. Mais il reste de très mauvaise qualité (R carré
est égal 0.0232). La courbe suggère un niveau optimal des dépenses publiques
d’investissement de l’ordre 14% du PIB.
Evidemment, on peut penser, comme le prévoit le modèle même appelé courbe
d’Armey, à ajouter d’autres variables indépendantes et améliorer ainsi la qualité de
l’ajustement par une équation du second degré de manière à pouvoir déterminer le niveau du
ratio des dépenses publiques qui maximise la croissance économique. Cela augmenterait le
coefficient global de corrélation entre les variables indépendantes retenues (dont les dépenses
publiques) et la croissance. Mais cela n’augmenterait point la corrélation entre les seules
dépenses publiques et la croissance économique.
Vu les mauvais résultats obtenus dans ce qui précède, il importe d’explorer d’autres
pistes de recherche pour essayer de voir un peu plus clair dans la relation supposée par la
courbe d’Armey entre les dépenses publiques et la croissance.
30
3- Exploration d’autres pistes
Vu les structures économiques qui sont celles du Maroc, nous avons décidé d’éliminer
du PIB la valeur ajoutée agricole dont l’évolution ne pourrait guère s’expliquer par des
dépenses publiques, qu’elles soient totales ou d’investissement. Retenons donc le seul PIB
hors agriculture pour voir si son évolution est influencée par les dépenses publiques.
Considérons pour commencer la relation entre la variation du PIB hors agriculture et
la variation des dépenses publiques. Voici le nuage que l’on obtient :
C’est plutôt une droite horizontale que suggère le nuage. Cela voudrait dire que la
croissance du PIB hors agriculture est stable et indépendante des dépenses publiques. Excel
propose une courbe de quatrième degré de très mauvaise qualité (R carré égal à 0.15).
Au lieu des dépenses publiques totales, considérons le ratio par rapport au PIB de ces
dépenses publiques totales. Voilà ce que l’on obtient :
31
C’est une courbe en U qui est suggérée. En dessous d’un minimum, toute
augmentation du ratio des dépenses publiques entraîne une diminution de la croissance. Au-
delà de ce seuil, toute augmentation du ratio accélère la croissance économique hors
agriculture. On est loin de la courbe d’Armey.
Si, maintenant, on ne considère que les dépenses publiques d’investissement, voilà cequ’on obtient :
Le nuage ne correspond à rien. C’est que le PIB hors agriculture ne dépend ni des
dépenses publiques totales, ni des dépenses publiques d’investissement. Dépend-t-il du PIB
agricole ? Voilà la relation liant les variations des deux PIB total et hors agricole :
32
La relation est forte (R carré égal 0.61). Cela voudrait dire que la croissance du PIB
total est expliqué à 60% par les variations du PIB agricole. Quels facteurs expliquent-ils les
40% restants ? Tel n’est pas notre propos. En tous cas, les dépenses publiques n’interviennent
que dans une très faible mesure comme le montrent le tableau et le graphique ci-après :
33
Croissance économique et croissance des dépenses publiques totales
Années Var PIB en DH constants (80) en %
VAR dépenses publiques totales en %
1970 5,0 -1971 6,0 4,501972 2,0 11,071973 4,0 6,541974 6,0 78,101975 9,0 34,891976 12,0 36,031977 6,0 21,141978 2,0 -10,571979 5,0 24,281980 4,0 14,151981 -1,0 19,821982 7,0 14,231983 2,0 -9,471984 2,0 1,271985 4,0 19,671986 6,0 16,191987 1,0 -6,081988 10,0 20,331989 9,0 9,571990 4,0 1,921991 7,0 12,751992 -4,0 9,221993 -1,0 8,741994 10,0 5,891995 -7,0 4,831996 12,0 3,001997 -2,0 2,151998 8,0 12,181999 0,0 6,592000 1,0 9,692001 6,0 13,592002 3,0 -9,16
Pourquoi ? Cela semble en grande partie dû à la structure de ces dépenses. C’est ceque nous allons voir dans la section suivante.
III-2 Analyse du contenu des dépenses publiques
34
Evolution de la croissance économique et de la croissance des dépenses publiques totales au Maroc (1970-2002)
-20,0%
0,0%
20,0%
40,0%
60,0%
80,0%
100,0%
Var PIBen DHconstant(80)
VARdépensespubliquestotales -
Après les pics enregistrés en 1976-77 dus à la mise en œuvre d’une politique volontariste en
matière d’investissement et ceux de 1981-82, année de sécheresse terrible, les dépenses
publiques (y compris les dépenses des collectivités locales) ont été stabilisées à 30% du PIB11.
Ce poids est relativement similaire à ce qui est observé en Egypte et en Tunisie et il est
largement supérieur aux chiffres enregistrés dans des pays du Sud-Est Asiatique à structures
économiques comparables à celles du Maroc.
Ce qui nous intéresse, c’est toutefois la structure et l’évolution des différentes composantes
des dépenses publiques ainsi que le poids grandissant des dépenses ordinaires. C’est ce que
montre le tableau suivant :
Période Dép Ord./ Dép Totales D.O. du Trésor / PIB1980-1989 73.6 21.51990-1995 80 21.21996-2002 82.4 22.3
Source : Direction de la politique économique générale, Tableau de bord des finances publiques, 2003.
1- Dans les dépenses ordinaires, ce sont les dépenses salariales qui ont le plus contribué au
glissement observé. Elles représentent en 2003 près de 13% du PIB. L’effort qui a été fourni
durant la période de mise en œuvre du programme d’ajustement structurel (PAS) pour
ramener le poids de la masse salariale de 11.5% en 1983 à 9.2% en 1986 semble anéanti.
C’est ce qui apparaît dans le tableau suivant :
Période Masse salariale/ Dép totales
Masse salariale/ PIB
1980-1989 35.3 10.31990-1995 39.6 10.51996-2002 43.2 11.7
Source : Direction de la politique économique générale, Tableau de bord des finances publiques, 2003.
2- L’accroissement du poids de la masse salariale n’est pas la résultante d’une progression de
la population des fonctionnaires. C’est le Maroc qui a, dans la fonction publique, l’effectif le
moins important en termes relatifs dans les pays de la rive sud de la Méditerranée : moins de
2.5% de la population totale. Mais le niveau des rémunérations est certainement le plus élevé
en termes de pouvoir d’achat. Ces indications statistiques cachent toutefois de très fortes
inégalités dans la répartition des salaires dans la fonction publique.
L’inégalité dans la répartition est-elle synonyme d’une plus grande efficience du
fonctionnement de l’administration ? L’administration marocaine réussit-elle à concurrencer
le privé dans l’attraction des cadres les mieux formés – ou inversement réduit-elle la
motivation de ses employés et ses cadres d’exécution ?
L’absence de recherches sur les rendements et leurs évolutions dans les différents secteurs de
l’administration permet difficilement l’affirmation d’un point de vue cohérent sur cette
question. Néanmoins le glissement observé ces dernières années limite fortement la marge de
manœuvre des pouvoirs publics. La mise en œuvre d’une véritable politique salariale qui
s’appuierait sur l’évolution de l’efficience de l’appareil administratif s’avère ainsi nécessaire.
11 La médiane de la série du ratio « dépenses publiques totales / PIB », de 1970 à 2002, est égale à 29,14%35
Pour ce qui est des dépenses d’intérêts de la dette, leur poids est moins important que durant
la première moitié de la décennie 90. Précisément parce que les instruments mis en place pour
dynamiser la gestion de la dette extérieure ont permis d‘améliorer la structure de ses taux
d’intérêt et de réduire son poids. Mais ces instruments semblent avoir atteint leurs limites et
ne peuvent pas bien entendu bénéficier à la gestion de la dette domestique dont le poids ira
s’accroissant. L’absorption d’une partie des surliquidités du système bancaire par le Trésor
public semple actuellement produire plus de vertus que d’inconvénients pour l’économie
marocaine. En tout cas pour le secteur bancaire qui réussit ainsi à limiter la baisse de la marge
d’intermédiation observée ces dernières années. Des effets d’éviction de l’investissement sont
toutefois à craindre en cas d’amélioration des conditions de la demande de crédits bancaires.
Période Charges totalesd’intérêts /Dépenses Totales
Int de ladette ext /D T
Int de ladette inter /DT
Intérêts dettetot / PIB
1980-1989 18.5 12.9 5.7 5.41990-1995 21.8 12 9.9 5.81996-2002 18.7 6.8 11.8 5.11
Source : Direction de la politique économique générale, Tableau de bord des finances publiques, 2003.
3- L’amélioration de la gestion de la dette extérieure a été accompagnée par d’importants
efforts en matière de réduction des dépenses de subvention. Ces dernières ont culminé à la
veille de la mise en œuvre du PAS à 7,3% des dépenses totales du Trésor (2,7% du PIB) alors
que les bénéfices que les populations cibles sont censées tirer de ces dépenses apparaissaient
des plus limités. Les remous sociaux engendrés par des réductions importantes et brutales de
ces dépenses (ramenées à 1,5% des dépenses totales et 0,4% du PIB en 1987) ont incité les
pouvoirs publics à mieux les cibler et à les engager de manière progressive. Il y a tout lieu de
penser que les niveaux atteints actuellement (1,5% des dépenses totales et 0,6% du PIB) ne
seront plus dépassés et continueront même de baisser. Période Dép d’invest
hors TVA / DTDép d’investhors TVA /PIB
1980-1989 26.4% 7.71990-1995 20 5.31996-2002 17.6 4.8
Source : Direction de la politique économique générale, Tableau de bord des finances publiques, 2003.
La réduction des dépenses d’intérêt et de subventions ne compense toutefois pas
l’augmentation de la masse salariale. C’est par la baisse des dépenses d’investissement que
l’Etat a réussi à contenir la progression des dépenses publiques. La réduction des dépenses
d’investissement peut trouver sa cohérence dans la volonté de l’Etat de se désengager des
activités de production à condition qu’elle n’affecte pas les dépenses susceptibles d’améliorer
l’environnement économique de l’entreprise. L’absence d’informations précises sur la nature
et la ventilation des dépenses publiques d’investissement réellement engagées empêche
toutefois l’évaluation des implications de la réduction de ces dépenses.
Pour établir une relation significative entre les dépenses publiques et la croissance permettant
de déterminer une taille optimale de l’Etat, l’action des pouvoirs publics marocains apparaît
indispensable aussi bien au niveau des dépenses publiques que des recettes fiscales. Il semble
36
indispensable de mettre en place un mécanisme permettant une maîtrise durable de l’évolution
de la masse salariale (ceci n’est pas impossible vu la faiblesse des effectifs des fonctionnaires,
l’augmentation de leur moyenne d’âge et la forte inégalité qui caractérise les salaires).
Comme les charges d’intérêts sont relativement stabilisées, l’amélioration des recettes fiscales
pouvant être obtenue par une réforme en profondeur de la fiscalité (élargissement de
l’assiette, fiscalisation de l’agriculture, limitation des exonérations fiscales et amélioration du
rendement de l’impôt) permettrait de dégager des fonds suffisants pour une augmentation
significative du niveau des infrastructures de base susceptibles de créer un environnement
favorable à l’investissement productif et à la croissance.
III-3. Essai d’explication de la faiblesse de la relation dépenses publiques/croissance
L’évolution erratique du PIB en monnaie constante peut être, à l’exception des années 1975,
76 et 77, difficilement comparée à celle des dépenses publiques d’investissement et encore
moins à celle des dépenses publiques totales. Cette situation s’explique par les éléments
suivants.
1- La part encore importante de l’agriculture dans la formation du PIB – en moyenne 14-
15% selon les années. Malgré les efforts en matière d’irrigation, d’équipement et de
modernisation de pans importants de ce secteur et de diversification des produits à
l’exportation, les variations de la demande globale (en biens de consommation et biens
d’investissement privé) dépendent encore et dans une large mesure des revenus
agricoles.
2- Les changements dans la conduite de la politique commerciale, fortement
protectionniste et entièrement tournée vers le marché intérieur durant la période
précédant la mise en œuvre du PAS en 1983, c’est-à-dire celle pendant laquelle la
demande globale était alimentée principalement par les dépenses publiques. Ce
processus de croissance autoentretenu observé, de type keynésien, a permis à
l’économie de progresser de 1974 à 1982 à un rythme soutenu (plus de 5% en
moyenne annuelle) a très rapidement rencontré ses limites à travers la crise des
finances publiques en 1982-83. La politique d’ouverture et de libéralisation du
commerce extérieur du Maroc entamée en 1983 par le développement des industries
orientées vers les marchés extérieurs, par l’adhésion du Maroc au GATT en 1987 et
accompagnée d’un désengagement de l’Etat des activités de production et partant
d’une importante baisse des investissements publics a permis le maintien d’un rythme
moyen de croissance assez vigoureux, particulièrement durant la période 1988-91 et
cela malgré une très importante réduction des dépense publiques. Le dynamisme
économique observé durant cette période devrait sans doute être tempéré par la prise
en compte de conditions particulières – un marché intérieur encore fortement protégé
et des exportations dans le cadre de la sous-traitance internationale (confection,
bonneterie et composants électronique) à l’abri de la concurrence internationale.
37
3- L’accélération du mouvement de libéralisation commerciale depuis l’entrée en vigueur
de l’accord d’association avec l’Union Européenne coïncide avec la baisse du rythme
de la croissance économique. Annexe du chapitre
Evolution de la croissance économique et des ratios dépenses publiques totales/PIB et dépenses publiques d’investissement/PIB
Années croissance duPIB constant
en %
Dépensespubliques
totales /PIB en%
Dépenses publiquesd’investissement
/ PIB en %
1970 5 23,92 6,751971 6 22,78 6,051972 2 22,37 5,901973 4 22,68 5,671974 6 32,57 8,371975 9 32,42 12,241976 12 39,29 19,641977 6 39,29 20,711978 2 30,91 12,021979 5 33,99 14,531980 4 34,03 12,211981 -1 37,16 12,531982 7 36,49 13,851983 2 31,19 8,441984 2 30,13 6,511985 4 28,63 6,411986 6 27,48 7,341987 1 26,18 6,081988 10 27,54 6,511989 9 28,39 7,341990 4 27,48 7,281991 7 26,02 6,191992 -4 28,30 6,971993 -1 29,76 7,841994 10 28,09 6,811995 -7 29,20 6,991996 12 26,53 5,201997 -2 27,19 5,341998 8 28,34 5,991999 0 30,16 6,382000 1 31,51 7,402001 6 31,70 7,582002 3 28,00 5,74Source : Trésor et Rapports de BAM
38
IV- Conclusions
Essayons pour conclure de tirer de l’ensemble des trois chapitres précédents quelquesenseignements pour une meilleure gestion des finances publiques du Maroc.Les périodes de plus d’Etat, comme celles de moins d’Etat, coïncident au Maroc avec despériodes durant lesquelles la croissance soutenue et la stagnation, voire la récession alternentaisément. Cependant, le mieux d’Etat est une démarche de longue durée dont les résultats nepourront être réellement perceptibles qu’au terme d’une période de temps assez longue. LeMaroc s’est engagé, peut-être de manière assez laborieuse, dans cette voie ; celle permettantla réalisation d’un environnement économique favorable au développement de l’entreprise.Cette action pourrait néanmoins être accompagnée par une politique plus volontariste dansl’élimination de poches de rentes, notamment en matière fiscale. Le nombre et l’ampleur des exonérations fiscales créent souvent des effets discriminatoirespréjudiciables au développement de l’investissement privé. Elles privent le Trésor publicd’importantes ressources. La non-fiscalisation de l’agriculture, si elle trouve peut-être quelquejustification sur le plan économique et social pour les petits agriculteurs, n’est en fait qu’unesubvention-rente accordée aux grands exploitants agricoles.L’amélioration des ressources à dégager d’une profonde réforme fiscale, conjuguée à unemeilleure maîtrise des dépenses par une réforme de l’Administration fondée surconsidérations d’efficience et de rentabilité économique et sociale, permettrait aux pouvoirspublics de mieux cibler les dépenses en vue du développement de l’infrastructure de base(eau, électricité, routes, logements…) et de porter davantage son effort sur l’amélioration dessystèmes éducatif et de santé.
Sources des données statistiques utilisées dans l’étude :1- Rapports annuels de la banque centrale du Maroc, Bank Al Maghrib pour toute la
période 1970-2002.2- Tableaux de bord des finances publiques, Direction de la politique économique
générale, Ministère des Finances et de l’Economie, 2003.3- Statistiques annuelles du Trésor, Maroc, pour plusieurs années de la période.
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