gadji abraham yao

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UNIVERSITE DE LIMOGES FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES CRIDEAU LIBERALISATION DU COMMERCE INTERNATIONAL ET PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT THESE DE DOCTORAT EN DROIT Nouveau régime Présentée et soutenue publiquement le 26 janvier 2007 par Abraham Yao GADJI Directeur de thèse Monsieur Michel PRIEUR Professeur Emérite de l’Université de Limoges Doyen Honoraire de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l’Université de Limoges Directeur scientifique du CRIDEAU upresa 6062 Rapporteurs Monsieur Stéphane DOUMBE-BILLE Professeur à l’Université Jean MOULIN (Lyon III) Monsieur Michel BAZEX Professeur à l’Université de Paris X (Nanterre) Suffragant Monsieur Jean-Marc LAVIEILLE Maître de Conférences à l’Université de Limoges

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  • UNIVERSITE DE LIMOGES FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES

    CRIDEAU

    LIBERALISATION DU COMMERCE INTERNATIONAL ET PROTECTION

    DE L'ENVIRONNEMENT

    THESE DE DOCTORAT EN DROIT Nouveau rgime

    Prsente et soutenue publiquement le 26 janvier 2007 par

    Abraham Yao GADJI

    Directeur de thse Monsieur Michel PRIEUR Professeur Emrite de lUniversit de Limoges Doyen Honoraire de la Facult de Droit et des Sciences Economiques de lUniversit de Limoges Directeur scientifique du CRIDEAU upresa 6062

    Rapporteurs Monsieur Stphane DOUMBE-BILLE Professeur lUniversit Jean MOULIN (Lyon III)

    Monsieur Michel BAZEX Professeur lUniversit de Paris X (Nanterre)

    Suffragant Monsieur Jean-Marc LAVIEILLE Matre de Confrences lUniversit de Limoges

  • UNIVERSITE DE LIMOGES FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES

    CRIDEAU

    LIBERALISATION DU COMMERCE INTERNATIONAL ET PROTECTION

    DE L'ENVIRONNEMENT

    THESE DE DOCTORAT EN DROIT Nouveau rgime

    Prsente et soutenue publiquement le 26 janvier 2007 par

    Abraham Yao GADJI

    Directeur de thse Monsieur Michel PRIEUR Professeur Emrite de lUniversit de Limoges Doyen Honoraire de la Facult de Droit et des Sciences Economiques de lUniversit de Limoges Directeur scientifique du CRIDEAU upresa 6062

    Rapporteurs Monsieur Stphane DOUMBE-BILLE Professeur lUniversit Jean MOULIN (Lyon III)

    Monsieur Michel BAZEX Professeur lUniversit de Paris X (Nanterre)

    Suffragant Monsieur Jean-Marc LAVIEILLE Matre de Confrences lUniversit de Limoges

  • LUniversit nentend donner aucune approbation ou improbation aux opinions crites dans la prsente thse.

    Elles doivent tre considres comme propres leur auteur.

  • DEDICADE

    Au Crateur de lUnivers, qui a accompli en Christ-Jsus, son plan parfait dans ma vie ;

    A Micheline, ma chre pouse pour sa comprhension et son soutien inestimable ;

    A Grce-Emmanuelle Shekina et Grce-Eden, mes deux adorables filles qui me communiquent le bonheur dtre pre ;

    A mon pre DIGBO GADJI Joseph et ma mre DAGO AHOU Bertine qui ont guid les premiers pas de ma vie,

    Je ddie cette thse de doctorat en droit, couronnement de plusieurs annes dtudes et de recherches.

  • REMERCIEMENTS

    Je voudrais rendre hommage au Professeur Michel PRIEUR, Doyen Honoraire de la Facult de Droit et des Sciences Economiques de lUniversit de Limoges, qui par ses crits et ses cours, a contribu dune manire significative la formation de plusieurs gnrations de juristes de lenvironnement dans lespace francophone et mme en dehors de cet espace. Jai t heureux de rdiger ma thse sous sa direction et de pouvoir ainsi bnficier de sa comptence et sa rigueur scientifiques qui ont fait de lui une rfrence internationale en droit de lenvironnement.

    Je dsire exprimer toute ma gratitude au Professeur Stphane DOUMBE-BILLE pour ses conseils forts utiles et pour son apport inestimable lmergence du Rseau des juristes africains de lenvironnement.

    Je souhaite exprimer ma reconnaissance au Ministre de lEnvironnement et des Eaux et Forts de Cte dIvoire, son personnel, et en particulier au Ministre AKA AHIZI Daniel, au Directeur de Cabinet, Monsieur KOUASSI KOUADIO Mermoz, Monsieur Guillaume ZABI, Inspecteur Gnral et Madame KABA Nasser, Directeur des Politiques Environnementales et de la Coopration pour le cadre professionnel oprationnel qui ma permis de raliser cette entreprise intellectuelle.

    Je dsire exprimer ma gratitude au Docteur BROH Augustin, Asiatologue et Expert en stratgie de dveloppement dont les encouragements et lassistance de qualit mont permis daller jusquau bout de ce projet.

    Je voudrais traduire ici ma reconnaissance au Docteur Aenza KONATE, Avocat prs de la Cour de Paris, Prsident de la Socit ivoirienne pour le droit de lenvironnement (SIDE) et aux autres membres de la SIDE, Professeur GNANGUI Adon, au Docteur Mathieu BILLE BOUA, Madame KAMENA KOFFI Parfaite et Monsieur Marcel DOUA pour leur soutien pendant la rdaction de cette thse.

    A Kady SANOGO, Victorien KOKOGNY, Leonard NGORAN, Alos NGUESSAN, Josu GUEBO, Julien BRAGA, Georges KOUASSI, Paulin KOUAGBA et aux membres du Centre Evanglique Eben-Ezer, je dsire exprimer de tout cur mes sentiments de reconnaissance pour tout le soutien moral et matriel quils mont apports pendant la rdaction de cette thse.

    Que tous ceux qui, dune manire ou dune autre, mont soutenu, trouvent ici, lexpression de mes sentiments de profonde gratitude.

  • PRINCIPAUX SIGLES DE REVUES OU DOUVRAGES

    AFDI : Annuaire franais de Droit international LGDJ : Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence JA : Jeune Afrique RCADI : Recueil des Cours de lAcadmie de Droit International RGDIP : Revue Gnrale de Droit International Public RJE : Revue Juridique de lEnvironnement RJPIC : Revue Juridique et politique, Indpendance et Coopration PUF : Presses Universitaires de France PULIM : Presses Universitaires de Limoges et du Limousin SFDE : Socit franaise pour le Droit de lEnvironnement SFDI : Socit Franaise pour le Droit International SEBES : Stratgies Energtiques Biosphre et Socit

  • SIGLES ET ABREVIATIONS

    ACP : Afrique, Carabes et Pacifique AID : Association Internationale Dveloppement ADPIC : Accord sur les Droits de Proprit Intellectuelle lie au Commerce AIEA : Agence Internationale de lEnergie Atomique AME : Accord Multilatral sur lEnvironnement AMI : Accord Multilatral sur lInvestissement ATM : Accord standard de Transfert de Matriel APD : Aide Publique au Dveloppement APE : Accord de Partenariat Economique BAD : Banque Africaine de Dveloppement BIRD : Banque Internationale pour la Reconstruction CDD : Commission pour le Dveloppement Durable CEDEAO : Communaut Economique des Etats dAfrique de lOuest CDI : Commission du Droit International CE : Communaut Europenne C.P.J.I : Cour Permanente de Justice Internationale CIJ : Cour Internationale de Justice CIRA : Centre International de Recherche Agricole CMED : Commission mondiale pour lEnvironnement et le Dveloppement CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique CNUCED : Confrence des Nations-Unies pour le Commerce et Dveloppement CNUED : Confrence des Nations Unies pour lEnvironnement et le Dveloppement CRIDEAU : Centre de Recherche Interdisciplinaire en Droit de lEnvironnement,

    de lAmnagement et de lUrbanisme COMESA : March Commun de lAfrique Orientale et Australe COV : Certificat dObtention Vgtale FAO : Organisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture FEM : Fonds de lEnvironnement Mondial GATT : Accord Gnral sur les Tarifs Douaniers et le Commerce GATS : Accord Gnral sur le Commerce des Services GEF : Global Environment Facility GCRAI : Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale ICTSD : Centre International pour le Commerce et le Dveloppement Durable IDE : Investissement Direct Etranger MDP : Mcanisme pour un Dveloppement Propre MAB : Man And Biosphere MIC : Mesures concernant les Investissements lis au Commerce MOC : Mise en uvre Conjointe NEPAD : Nouveau Partenariat pour le Dveloppement de lAfrique NOEI : Nouvel Ordre Economique International OAPI : Organisation Africaine de la Proprit Intellectuelle

  • OCDE : Organisation de Coopration et de Dveloppement Economique OGM : Organisme Gntiquement Modifi OMC : Organisation Mondiale du Commerce OMD : Objectif du Millnaire pour le Dveloppement OMI : Organisation Maritime Internationale OMPI : Organisation Mondiale de la Proprit Intellectuelle ONG : Organisation Non Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies ORD : Organe de Rglement des Diffrends OUA : Organisation de lUnit Africaine OVM : Organisme vivant Modifi PAS : Programme dAjustement Structurel PD : Pays Dvelopps PED : Pays en Dveloppement PIB : Produit Intrieur Brut PNB : Produit National Brut PMA : Pays les Moins Avancs PNUD : Programme des Nations Unies pour le Dveloppement PIREN : Programme Interdisciplinaire de recherche sur lEnvironnement PPTE : Pays Pauvres Trs Endetts PNUE : Programme des Nations Unies pour lEnvironnement RNB : Revenu National Brut SADC : Communaut de Dveloppement de lAfrique Australe SCM : Systme Commercial Multilatral SFI : Socit Financire Internationale SGP : Systme Gnrale de Prfrences SMC : Subvention et Mesure Compensatoire TRAFIC : Trade Records Analysis of Flora and Fauna in Commerce TSD : Traitement Spcial et Diffrenci UA : Union Africaine UEMOA : Union Economique et Montaire Ouest Africain UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature UNESCO : Organisation des Nations Unies pour lEducation, la Science et la Culture UNICEF : Fonds des Nations Unies pour lEnfance UPOV : Union Internationale pour la Protection des Obtentions Vgtales WWF : Fonds Mondial pour la Nature

  • Au commencement DIEU cra le ciel et la terre. La terre tait informe et vide ; il y avait des tnbres la surface de labime, mais lEsprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit que la lumire soit et la lumire fut. () Dieu cra lhomme son image. Il le cra limage de Dieu. Homme et femme il les cra. Dieu les bnit et Dieu leur dit : Soyez fconds, multipliez-vous remplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et tout animal qui rampe sur la terre. () LEternel Dieu prit lhomme et le plaa dans le jardin dEden pour le cultiver . Gense chapitre 1, verset 1-3, 27-28, chapitre 2, verset 15, Bible, Louis SEGOND, version la colombe.

  • SOMMAIRE

    INTRODUCTION GENERALE ---------------------------------------------------- 1

    Section I : Le cadre dexpression du libre-change commercial international et de la protection de lenvironnement ---------------------------------------------- 4

    1 : Approche conceptuelle du commerce international et de lenvironnement ---- 5 2 : Emergence de lordre commercial international et de la conscience

    cologique------------------------------------------------------------------------------ 12

    Section II : Les interactions entre le commerce international et la protection de lenvironnement-----------------------------32

    1 : Les domaines du commerce et de lenvironnement ayant des rapports difficiles ou conflictuels-------------------------------------------------------------- 33

    2 : Les effets rciproques entre le commerce international et la protection de lenvironnement ----------------------------------------------------------------------- 38

    PARTIE I : LES NOMBREUX ANTAGONISMES ENTRE LE COMMERCE INTERNATIONAL ET LENVIRONNEMENT---------------------------------------------------49

    TITRE I : DES REGLES GENERALES DIVERGENTES-------------------53

    Chapitre I : La conscration du systme commercial multilatral ------------------------------------------------------55

    Section I : Du GATT lOMC : le triomphe du systme commercial multilatral ---------------------------------------------------56

    1 : La justification de lidologie du libre-change commercial international --- 57 2 : La raffirmation des principes fondamentaux du systme commercial

    multilatral ----------------------------------------------------------------------------- 78

    Section II : Le renforcement du systme commercial multilatral ------------93

  • 1 : LOMC : Un modle organisationnel centralis---------------------------------- 94 2 : Lextension utilitaire du champ dintervention du systme commercial

    multilatral : lintgration des droits de proprit intellectuelle lis au commerce ----------------------------------------------------------------------------- 105

    Chapitre II : Vers ldification dun ordre cologique international --------------------------------------------------- 117

    Section I : La formation progressive dun ordre cologique international------------------------------------------------ 118

    1 : Les ides fondamentales de lordre cologique international en formation - 118 2 : Les principes dobligations de lordre cologique international -------------- 144

    Section II : L'encadrement dsarticul de lordre cologique international------------------------------------------------ 156

    1 : Etablissement des normes en matire denvironnement------------------------ 157 2 : Un rseau organisationnel fragment --------------------------------------------- 175

    Conclusion du Titre I --------------------------------------------------------------- 187

    TITRE II : DES REGLES SECTORIELLES CONFLICTUELLES----- 189

    Chapitre I : Persistance des rgles sectorielles de lenvironnement suscitant des conflits anciens avec les rgles du commerce international--------------------- 191

    Section I : Les rgles conflictuelles dcoulant de la Convention sur le commerce des espces de faune et de flore menaces dextinction ------------------------------------ 192

    1 : Un systme de rgulation attentatoire aux rgles du commerce international--------------------------------------------------------------------------- 194

    2 : Les contrarits dcoulant de la mise en uvre de la C.I.T.E.S -------------- 207

  • Section II : Les rgles conflictuelles dcoulant du Protocole de Montral relatif des substances qui appauvrissent la couche dozone------------------------ 214

    1 : Une raction vigoureuse face la dgradation de la couche dozone. ------- 215 2 : Des mesures commerciales restrictives ------------------------------------------- 227

    Section III : Les rgles conflictuelles dcoulant de la Convention de Ble sur le contrle des mouvements transfrontires des dchets dangereux------------------ 235

    1 : La dlimitation du champ d'application------------------------------------------- 237 2 : Les mesures commerciales relatives aux mouvements transfrontires des

    dchets dangereux-------------------------------------------------------------------- 244

    Chapitre II : Survenance de rgles globales sur lenvironnement provoquant des conflits nouveaux avec les rgles du commerce international --------------------------------- 263

    Section I : Conflits avec les rgles juridiques relatives aux changements climatiques--------------------------------- 264

    1 : Les rgles conflictuelles dcoulant de la Convention-Cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques ------------------------------------------- 265

    2 : Les rgles conflictuelles dcoulant du Protocole de Kyoto la Convention-Cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques----- 279

    Section II : Conflits avec les rgles relatives la conservation de la diversit biologique --------------------------------------- 295

    1 : Les rgles conflictuelles dcoulant de la Convention sur la diversit biologique ----------------------------------------------------------------------------- 296

    2 : Les rgles conflictuelles dcoulant du Protocole de Carthagne sur la prvention des risques biotechnologiques relatif la Convention sur la diversit biologique ------------------------------------------------------------------ 321

    Conclusion du Titre II --------------------------------------------------------------- 339 Conclusion de la Partie I ------------------------------------------------------------- 341

  • PARTIE II : LA NECESSAIRE CONCILIATION ENTRE LE COMMERCE INTERNATIONAL ET LENVIRONNEMENT PAR LA REALISATION DU DEVELOPPEMENT DURABLE ------------------------------------ 343

    TITRE I : POUR UNE MEILLEURE ARTICULATION ENTRE LE COMMERCE INTERNATIONAL ET LENVIRONNEMENT --------------------------------------------- 347

    Chapitre I : LOMC, une certaine ouverture aux considrations environnementales ------------------------ 349

    Section I : Un processus de ngociations pour ltablissement des rapports de complmentarit entre le commerce international et lenvironnement parachever -------- 349

    1 : Les tapes contraries des ngociations entre le commerce international et lenvironnement ---------------------------------------------------------------------- 350

    2 : Des progrs attendus, mais non encore accomplis ------------------------------ 362

    Section II : Le nouveau mcanisme de rglement des diffrends de lOMC : un engagement actif pour la rsolution

    des conflits ------------------------------------------------- 376

    1 : Un mcanisme destin assurer la stabilit des relations commerciales internationales ------------------------------------------------------------------------ 377

    2 : La prise en compte des impratifs environnementaux dans le processus de rglement des diffrends dans lordre commercial international-------------- 389

  • Chapitre II : Les attentes de lordre cologique dans lapplication des principes contribuant au renforcement des liens de complmentarit entre le commerce international et lenvironnement --------- 407

    Section I : Le principe de prcaution, une nouvelle approche dans les rapports commerce international et protection de lenvironnement ? ----------------------------------------- 408

    1 : Intrt dun principe rfrentiel ---------------------------------------------------- 409 2 : Le principe de prcaution, une incitation laction durable dans la sphre

    de la libralisation des changes commerciaux internationaux --------------- 420

    Section II : Lapplication du mcanisme pour un dveloppement propre, une traduction des liens de complmentarit entre le commerce international

    et lenvironnement ---------------------------------------- 431

    1 : Une contribution concrte la ralisation de lobjectif du dveloppement durable --------------------------------------------------------------------------------- 432

    2 : Le MDP, un compromis acceptable avec le systme de march ? ------------ 441

    Section III : Lutilisation durable et quitable des ressources gntiques : un rapprochement possible entre le commerce international et lenvironnement ----------- 451

    1 : Le souhait de la facilitation du processus daccs aux ressources gntiques et du partage juste et quitable des avantages rsultant de leur utilisation ------------------------------------------------------------------------------ 451

    2 : Lindispensable reconnaissance des droits traditionnels en vue dune utilisation durable et quitable des ressources gntiques --------------------- 465

    Conclusion du Titre I --------------------------------------------------------------- 479

  • TITRE II : POUR LINSTAURATION DUN SYSTEME ECONOMIQUE ET COMMERCIAL DURABLE ----------- 481

    Chapitre I : Les enjeux de ladaptation du systme commercial multilatral la situation des pays en dveloppement ------------------------------------------------ 483

    Section I : La revendication dun rgime favorable aux pays en dveloppement dans le systme commercial multilatral ------------------------------------------------- 484

    1 : La revendication dun statut favorable aux pays en dveloppement dans le commerce international sous lgide du GATT de 1947 ----------------------- 484

    2 : Lapplication mitige du traitement spcial et diffrenci en faveur des pays en dveloppement-------------------------------------------------------------- 498

    Section II : Le dfi de la satisfaction des besoins existentiels des populations des pays en dveloppement dans le domaine agricole et alimentaire ------------------------- 511

    1 : Lobligation de reformuler une politique agricole fdratrice----------------- 512 2 : Le devoir de garantir la scurit alimentaire dans les pays en

    dveloppement------------------------------------------------------------------------ 528

    Chapitre II : Les atermoiements de la coopration pour le dveloppement durable : vers un devoir de solidarit ? ----------------------------------------------------- 538

    Section I : La contribution nuance de la coopration internationale------ 539

    I : Limplication molle de la Banque mondiale et du FMI dans la ralisation du dveloppement durable -------------------------------------------- 540

    II : Limplication assez active du systme des Nations-Unies dans la coopration pour le dveloppement durable ------------------------------------- 558

  • Section II : La contribution modeste de la coopration des Etats dAfrique, des Carabes et du Pacifique et des Etats membres de lUnion europenne (ACP-UE) --- 572

    1 : La coopration ACP-UE : un modle unique de coopration pour un dveloppement conomique durable ? -------------------------------------------- 573

    2 : Les incertitudes sur lavenir de la coopration ACP-UE suscites par les ngociations sur les Accords de Partenariat Economique (APE) ------------- 588

    Section III : La contribution dune stratgie endogne approprie pour le dveloppement durable -------------------------------- 600

    1 : La nouvelle vision du plan global du dveloppement durable de lAfrique travers le NEPAD ------------------------------------------------------------------ 601

    2 : Une gestion oprationnelle du dveloppement durable travers une application quilibre de la bonne gouvernance--------------------------------- 613

    Conclusion du Titre II --------------------------------------------------------------- 625 Conclusion de la Partie II ------------------------------------------------------------ 627

    CONCLUSION GENERALE----------------------------------------------------- 629

    BIBLIOGRAPHIE------------------------------------------------------------------------ 639

    OUVRAGES GENERAUX -------------------------------------------------------- 639

    OUVRAGES SUR LENVIRONNEMENT ------------------------------------ 641

    OUVRAGES SUR LE COMMERCE INTERNATIONAL ----------------- 643

    OUVRAGES SUR LE COMMERCE ET LENVIRONNEMENT-------- 644

    ARTICLES ET ETUDES ---------------------------------------------------------- 645

    THESES------------------ ------------------------------------------------------------- 653

    JURISPRUDENCE INTERNATIONALE ------------------------------------- 654

    RAPPORTS ET PUBLICATIONS OFFICIELLES ------------------------- 654

    SITES INTERNETS PRINCIPAUX--------------------------------------------- 661

  • ANNEXES--------- ------------------------------------------------------------------- 663

  • 1

    INTRODUCTION GENERALE

    La protection juridique de lenvironnement est une proccupation internationale mais elle entretient des relations difficiles, voire conflictuelles avec les rgles du commerce international, de sorte que cette question mobilise plusieurs acteurs de la scne internationale.

    Dans le prsent contexte de mondialisation de lconomie, la rflexion est relative la fois aux effets de la libralisation du commerce international sur lenvironnement et aux incidences des rgles protectrices de lenvironnement sur le commerce international. Les mouvements de protestation observs loccasion de la 3me Confrence ministrielle de lOrganisation Mondiale du Commerce (OMC) tenue Seattle aux Etats-Unis du 29 novembre au 04 dcembre 1999 contre le processus de la mondialisation, le succs mitig de la 4me Confrence ministrielle de Doha au Qatar en novembre 2001, l'chec de la 5me Confrence ministrielle en septembre 2003 Cancn au Mexique et les rsultats modestes de la 6me Confrence ministrielle en dcembre 2005 Hong-Kong rvlent l'extrme complexit des rapports entre le commerce international et l'environnement.

    Les difficiles relations entre le commerce international et la protection de lenvironnement se sont manifestes dans les annes 1970 avec ladoption des premires restrictions environnementales sur le commerce des espces de faune et de flore menaces dextinction. Mais cest lembargo dcrt en 1991 par les Etats-Unis sur les importations de conserves de thon mexicain et le contentieux subsquent ayant oppos les deux Etats qui ont soulev la controverse sur les rgles du commerce international et celles lies la protection de lenvironnement. Depuis, la tension persiste entre, dune part les associations de protection de lenvironnement qui veulent subordonner les rgles du commerce international aux objectifs de protection de lenvironnement et, dautre part, les groupes de pression conomique qui prnent une plus grande libert de circulation des biens et services.

  • 2

    En effet, si laccroissement des changes internationaux de produits manufacturs provenant de la transformation des ressources naturelles contribue la croissance conomique, il nen demeure pas moins quil engendre des dommages parfois irrversibles lenvironnement. La prise de conscience de cette ralit a conduit ladoption au niveau international ou rgional des rgles destines assurer la protection de lenvironnement dans un contexte de libralisation du commerce international.

    Paralllement, le commerce international dont lencadrement juridique est assur par des accords internationaux et rgionaux ou des pratiques acquises ou dveloppes par les Etats dans le temps se stabilise et se renforce. En effet, le systme commercial multilatral sorganise autour de rgles rigides et dun modle organisationnel centralis, reprsent par lOMC. Par ailleurs, ct du systme commercial multilatral, se dveloppent et se consolident des blocs commerciaux rgionaux en Europe, en Amrique, en Afrique, en Asie et en Ocanie ainsi que des accords commerciaux bilatraux caractriss par le libre-change1.

    Face cette situation, la problmatique des relations entre la libralisation du commerce international et la protection de lenvironnement2 fait lobjet de deux

    1 Dans le cadre de notre analyse, nous ne parlerons des accords commerciaux rgionaux ou bilatraux que de

    manire incidente, et pourvu quils aient un rapport avec des points prcis de notre sujet. Notre analyse se fera principalement sous langle international.

    2 Le commerce exige le dmantlement de toutes les barrires aux changes commerciaux internationaux, en

    particulier la suppression des droits de douane, les mesures protectionnistes non tarifaires tandis que la protection de lenvironnement prconise limposition des normes, des taxes et dautres mesures restrictives. Voir notamment : kim ANDERSON et Richard BLACKHURST, Commerce mondial et environnement, Economica, Paris, 1991 ; Jacques de MIRAMON et Candice STEVENS, Echanges et environnement : trouver l quilibre in LObservateur de lO.C.D.E., n176, juin-juillet 1992, pp. 25-27 ; Winfried LANG, Lenvironnement face lOrganisation Mondiale du Commerce in Environmental policy and law, n5, 1994, pp.235-238 ; Chambre de Commerce Internationale, Environnement, politique commerciale et concurrence : les vrais enjeux, Colloque du 29 mars 1994 ; Franois DEMARCQ, Commerce international et environnement : des rapports ncessairement conflictuels, Annales des Mines, Ralits industrielles, juillet-aot 1992 ; Christian HUGLO, Corinne LEPAGE-JESSUA, Concurrence et environnement. Le point de vue de lenvironnement, Les Petites Affiches, n46, le 15 avril 1992 ; Caroline LONDON, Environnement/concurrence. Rapports antagonistes ou fondements communs, Les Petites Affiches, n3, 6 janvier 1992 ; Olivier PAYE, La protection de lenvironnement dans le cadre de lOrganisation Mondiale du Commerce, Amnagements-Environnements, Kluwer Editions juridiques, Belgique, 1906/3 ; Vincent ZAKANE, Relations commerciales internationales et contraintes cologiques, Universit Robert SCHUMAN de Strasbourg, Thse de doctorat en droit, juillet 1994.

  • 3

    conceptions divergentes. Dun ct, prvaut lopinion selon laquelle la libralisation du commerce international par llimination de tous les obstacles accrot le revenu global dune socit qui sera en mesure dinvestir massivement dans les programmes de protection de lenvironnement. De lautre, est dfendue lide selon laquelle la libralisation du commerce international est de nature acclrer les pressions sur lenvironnement.

    Les prises de positions des Etats sur les relations entre le commerce international et la protection de lenvironnement dpendent de leur niveau de dveloppement3. Les positions des pays en dveloppement paraissent ambigus. Ces pays ne sont pas trs favorables la libralisation du commerce international qui les met dans une situation de concurrence directe avec les grandes nations industrialises. Paralllement, ils considrent que les restrictions imposes au commerce international pour motif cologique sont destines rduire la comptitivit de leurs productions nationales et les empcher davoir accs aux marchs des pays dvelopps, plus exigeants dans le domaine de la protection de lenvironnement. Ils soutiennent galement que ces restrictions constituent une

    nouvelle forme de protectionnisme dont se servent les pays dvelopps pour imposer des orientations particulires leurs politiques commerciales.

    En revanche, les pays dvelopps estiment que les restrictions aux changes commerciaux internationaux sont ncessaires pour limiter les problmes environnementaux qui se posent lchelle mondiale. Il convient toutefois de noter que ces pays ne sont pas unanimes sur une stratgie ou une politique relative la

    protection de lenvironnement. Certains pays comme les Etats-Unis sont souvent rticents, voire hostiles certaines actions ou instruments de protection de lenvironnement. Pour preuve, ils refusent de ratifier plusieurs accords multilatraux sur lenvironnement, notamment la Convention sur la diversit biologique et le Protocole de Kyoto la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements

    3 Sur cette question voir Caroline LONDON, LEnvironnement : une nouvelle donne conomique in Les

    Petites affiches, n78, 30 juin 1995, pp. 4-9 ; Laurence IDOT, Environnement et droit communautaire de la concurrence in La Semaine Juridique, d gnrale, Tome I, 3852, n24, 1995, pp. 257-263.

  • 4

    climatiques4 au motif que les objectifs de ceux-ci sont contraires aux intrts conomiques et commerciaux de leurs entreprises.

    Il nous apparait donc essentiel de cerner le cadre dexpression du libre-change commercial international et de la protection de lenvironnement (section I) et de mettre ensuite en lumire les interactions entre ces deux logiques (section II).

    Section I : Le cadre dexpression du libre-change commercial international et de la protection de lenvironnement

    Les rgles du libre-change commercial international et de la protection de lenvironnement interviennent dans un contexte international domin par des forces politiques et des intrts conomiques contradictoires. En effet, la dilution des frontires que le libre-change tente dimposer na pas encore mis fin aux antagonismes idologiques. Lopposition nest, certes, plus frontale comme ce fut le cas pendant la guerre froide entre lEst et lOuest, mais des tensions relles persistent.

    Ces tensions portent non seulement sur les exacerbations des ingalits de dveloppement conomique entre le Nord et le Sud mais galement sur les orientations du systme conomique et commercial international ainsi que le choix des valeurs qui doivent le gouverner. Le constat est, par ailleurs, que les plus violentes contestations du systme commercial multilatral proviennent en grande partie de lintrieur des frontires des pays occidentaux qui sont, paradoxalement, les prcurseurs et les chantres de ce systme. Les relations entre le commerce international et lenvironnement nchappent pas ces tensions globales. Elles en constituent lun des points de dissensions.

    4 Le Protocole la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques a t adopt en

    dcembre 1997 Kyoto au Japon.

  • 5

    Le cadre dexpression doit tre pris dans un sens large. Il signifie, pour nous, le lieu de formation et de dfinition des ides qui ont fcond la logique du commerce international et la logique de protection de lenvironnement ( 1). Il reprsente ensuite le lieu dmergence et dvolution des deux logiques ( 2).

    1 : Approche conceptuelle du commerce international et de lenvironnement

    Le maniement des concepts est une tape primordiale et dcisive dans lanalyse dun sujet. Le maniement du langage dpend de la signification des mots employs. Toute signification a pour objectif de cerner, de saisir le sujet afin den dgager la porte relle. La signification du concept de commerce international et denvironnement parat de ce point de vue importante parce quelle conditionne et dtermine la porte des rgles juridiques destines rgir leurs domaines respectifs.

    Les concepts de commerce international et denvironnement ont fait lobjet de plusieurs dfinitions. Le concept denvironnement connat une floraison de dfinitions. Il ne sagit pas pour nous de nous engager dans des dmonstrations smantiques qui paratraient vaines pour notre travail, mais plutt de mettre en relief le contenu matriel des deux concepts afin de procder une analyse dialectique de leurs relations.

    A/ Approche conceptuelle du commerce international

    La croyance dans les vertus du commerce international a t le terreau fertile de la naissance du droit international moderne. La Cour Permanente de Justice Internationale (C.P.J.I.) a dfini, dans un Arrt du 12 dcembre 1934 relatif laffaire Oscar Chinn, la libert du commerce international comme la facult, en principe illimite, de se livrer toute activit commerciale, que celle-ci ait pour

  • 6

    objet le ngoce proprement dit, cest--dire la vente et lachat de marchandises, ou quelle sapplique lindustrie , quelle sexerce lintrieur ou quelle sexerce avec lextrieur par importation ou exportation 5. Cette dfinition nest pas exhaustive mais elle ne rend pas moins bien compte de lide dune concurrence saine et dune absence dobstacles. Cest un principe dart politique6 quil revient aux Etats de prciser et de complter dans leur droit positif en adoptant des rgles juridiques nationales, en concluant des traits internationaux qui fixeront les effets sur lordonnancement juridique national. Tous les Etats, dvelopps ou non, adhrent lide de la libert de commerce pourvu quil sagisse dune concurrence saine ainsi que lnonce le Code relatif lensemble des principes et des rgles quitables convenus au niveau multilatral pour le contrle des pratiques commerciales restrictives7.

    La libert du commerce international est rgie par des dcisions unilatrales, des conventions bilatrales, des accords rgionaux et des traits vocation universelle. En appliquant ces textes, un certain nombre de standards8 internationaux se mettent en vidence. Il sagit de principes juridiques habituellement retenus par les Etats qui choisissent ceux quils veulent appliquer. Ces principes sont des principes coutumiers dont le rle est singulirement important en matire de relations commerciales internationales. Au rang des principes les plus utiliss figurent la clause de la nation la plus favorise, la clause du traitement national et la clause de la prohibition des restrictions quantitatives.

    5 Voir Cour Permanente de Justice Internationale, Arrt du 12 dcembre 1934, affaire Oscar Chinn, Srie

    A/B n63, p.65.

    6 Cf. Nguyen QUOC DINH, Patrick DAILLIER, Alain PELET, Droit international public, LGDJ, Paris,

    1999, pp.1064-1065.

    7 Ce Code a t labor par une confrence tenue Genve en 1980 sous les auspices de la Confrence des

    Nations Unies sur le Commerce et le Dveloppement (CNUCED). Il a t approuv par la rsolution 35/63 de lAssemble Gnrale des Nations-Unies.

    8 Le terme de standard doit tre entendu dans le sens de rgle suppltive de volont qui sapplique ds lors

    quaucun rgime juridique nest dfini. Standard est dorigine coutumire.

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    Le commerce international est encadr par un ensemble de rgles rigides et cohrentes qui simposent tous. Il relve du droit international conomique.

    Dans un sens large, le droit international conomique est lensemble des rgles qui rgissent les oprations conomiques de toute nature, ds lors que ces oprations conomiques se droulent dans un cadre plus vaste que celui de lordre juridique national. Le droit international conomique couvrirait, dans cette hypothse, les rgles du systme commercial multilatral qui rgissent des transactions particulires telles que la vente internationale. Cette conception est trop

    gnrale pour tre admise dans le cadre de nos travaux parce quelle se fond dans une multitude de rglementations parses et sans lien entre elles.

    Dans un sens strict, le droit international conomique est constitu par lensemble des rgles qui rgissent lorganisation des relations internationales conomiques, savoir les relations macro-conomiques9 par opposition aux

    relations micro-conomiques10. Ainsi, les rgles du systme international commercial sont des rgles du droit international conomique alors que la vente internationale ne fait pas partie du droit international conomique. Mais si le droit international conomique rgit les grands ensembles conomiques, il ne se rsume pas uniquement eux. Il sest largi, grce lextension du systme OMC , des domaines tels que les droits de proprit intellectuelle insrs dans lAccord sur les Aspects des Droits de Proprit Intellectuelle lis au Commerce, les services rgis dans lAccord Gnral sur le Commerce des Services, les investissements prescrits dans lAccord sur les Mesures concernant les Investissements et lies au Commerce.

    Le droit du commerce international est marqu par le caractre rigide et centralis des rgles qui le composent. Quen est-il en matire denvironnement ?

    9 Les relations macro-conomiques sont des relations qui se crent et se dveloppent entre des grands

    ensembles conomiques tatiques.

    10 Les relations micro-conomiques concernent les comportements individuels des oprateurs conomiques.

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    B/ Approche conceptuelle de lenvironnement

    Le terme denvironnement fait lobjet dune multitude de dfinitions. A lvidence, cela montre que lenvironnement est, lchelle nationale et internationale, une nouvelle proccupation. Il reprsente un dfi pour la socit moderne.

    La premire Dclaration des Nations-Unies sur lenvironnement dite la Dclaration de Stockholm, sans offrir une dfinition prcise du concept denvironnement, a pos le principe de limportance de lenvironnement. Le principe 2 dispose que : Les ressources naturelles du globe, y compris lair, leau, la terre, la flore et la faune, et particulirement les chantillons reprsentatifs des cosystmes naturels, doivent tre prservs dans lintrt des gnrations prsentes et venir par une planification ou une gestion attentive selon que de besoin . Dj dans le prambule de sa Dclaration, la Confrence des Nations-Unies sur lenvironnement indique en substance que lhomme est la fois crature et crateur de son environnement, qui assure sa subsistance physique et lui offre la possibilit dun dveloppement intellectuel, moral, social et spirituel . Cette approche de lenvironnement parat trop utilitaire pour cerner totalement ce concept. Certaines dfinitions se rfrent plutt aux lments de lenvironnement. Par exemple, la Convention de Lugano du 21 juin 1993, adopte dans le cadre du Conseil dEurope, indique en son article 2 qu au sens de la prsente Convention, lenvironnement comprend :

    - les ressources naturelles abiotiques et biotiques telles que lair, leau, le sol, la faune et la flore, linteraction entre les mmes facteurs ;

    - les biens qui composent lhritage culturel ; et - les aspects caractristiques du paysage . Mais cette dfinition ne parait pas

    complte parce quelle ne prend pas en compte les aspects socio-conomiques de lenvironnement.

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    Les efforts de dfinitions ne manquent pas. Ainsi, pour le projet de Pacte international sur lenvironnement et le dveloppement11 en cours dlaboration au sein de la Commission du droit de lenvironnement de lUnion mondiale pour la conservation de la nature (plus connue sous le sigle de lUICN), lenvironnement dsigne lensemble de la nature et des ressources naturelles, y compris le patrimoine culturel et linfrastructure humaine indispensable pour les activits socio-conomiques12 .

    LInstitut du droit international dfinit, dans sa rsolution du 4 septembre 1997, lenvironnement comme englobant les ressources naturelles abiotiques, notamment lair, leau, le sol, la faune et la flore ainsi que linteraction entre ces

    mmes facteurs. Il comprend aussi les aspects caractristiques du paysage 13. La Cour Internationale de Justice (C.I.J) a eu se prononcer sur des questions relatives lenvironnement. Dans une dcision de rfrence, la Cour a donn un Avis consultatif sur la licit de la menace ou lemploi darmes nuclaires14. Cet Avis affirme que lenvironnement nest pas une abstraction, mais bien lespace o vivent les tres humains et dont dpendent la qualit de leur vie et de leur sant, y compris pour les gnrations venir . De cette dfinition, il ressort que lhomme et la nature sont troitement lis. Ils sont indissociables. Lenvironnement implique, de ce fait, la protection de lensemble des ressources naturelles et humaines ncessaires pour le dveloppement durable, la lutte contre toutes les formes de pollutions, la gestion rationnelle de toutes les ressources et des dchets.

    11 Ce projet de Pacte remonte avril 1991. Il est luvre de la Confrence des Nations-Unies sur

    lEnvironnement et le Dveloppement (CNUED) runie lors de la 3me session Genve, du 12 au 14 septembre 1991.

    12 Article 1er du projet de Pacte. Cette rfrence na aucune validit juridique puisquil sagit dun projet de

    Pacte, mais elle a un intrt intellectuel indniable. Elle a le mrite de prendre en compte les composantes traditionnelles de lenvironnement et les proccupations exprimes dans les rencontres internationales.

    13 Cf. Nguyen QUOC DINH, Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit international public,

    op.cit.p.1218. Cette dfinition est une reprise de larticle 2, 11, de la Convention du Conseil de lEurope de 1993 sur la responsabilit civile des dommages rsultant des activits dangereuses pour lenvironnement.

    14 C.I.J, Avis consultatif du 8 juillet 1996 relatif la Licit de la menace ou de lemploi darmes nuclaires.

    Rec. 1996, p.241-242.

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    Les rgles juridiques applicables en matire de protection internationale de lenvironnement relvent du droit international de lenvironnement. Le droit international de lenvironnement est une partie du droit international public15. A lchelle universelle, lon distingue trois gnrations de droits de lHomme qui participent de la formulation du droit international public.

    La premire gnration de droits dsigne les droits-liberts qui comprennent les droits civils et politiques tels que consacrs par la Dclaration Universelle des Droits de lHomme de 1948 et par le Pacte international des droits civils et politiques de 1966.

    La deuxime gnration de droits renferme les droits-galits, cest--dire les droits conomiques, sociaux et culturels, consacrs aussi par la Dclaration Universelle des Droits de lHomme de 1948 et le Pacte international des droits civils et politiques de 1966.

    La troisime gnration de droits est constitue des droits-solidarits qui sont en mergence depuis 1960, priode correspondant laccession des pays coloniss la souverainet nationale et internationale. Il sagit entre autres de la protection internationale des droits humains et du droit international de lenvironnement.

    Le droit international de lenvironnement a une certaine spcificit par rapport au droit international public. Il a commenc se former partir des mesures prises pour lutter contre la destruction de certaines espces animales, en loccurrence les phoques et les baleines. Cest partir de laffaire des phoques de la mer de Berhing survenue en 1893 quun arbitrage entre les Etats-Unis et la Colombie britannique va ouvrir la voie de la protection juridique des espces de

    15 Le droit international public se dfinit dune manire gnrale comme le droit qui gouverne les rapports

    entre les Etats, mais aussi entre les Etats et les organisations internationales. Cest le droit applicable la socit internationale. La socit internationale nest plus seulement une socit des Etats, mais elle stend aujourdhui au-del des Etats pour prendre en compte lindividu et les organisations internationales. En effet, de nos jours, il est accord une certaine reconnaissance internationale de lindividu, des ONG ainsi quun rle accru aux organisations internationales.

  • 11

    faune. Cet arbitrage impose des rgles de chasse vitant la disparition des phoques fourrure. Un trait sera conclu cet effet Washington, le 7 fvrier 1911 entre les Etats-Unis, la Grande Bretagne, le Japon et la Russie. Ces Etats dcideront dinstituer des contingents nationaux pour les prlvements ainsi quun contrle du commerce international relatif aux objets provenant de cette chasse. Ce trait prsageait dj des conflits potentiels entre les rgles environnementales fondes sur lide de protection et les rgles du commerce international privilgiant la circulation sans entraves des marchandises.

    Les prmices du droit international de lenvironnement sont apparues en 1902 avec la Convention pour la protection des oiseaux utiles lagriculture adopte Paris le 19 mars 190216. Cette Convention protge, ainsi que lindique son titre, les oiseaux utiles. Elle cite nanmoins les oiseaux non-utiles, pour la plupart

    des oiseaux prdateurs tels que les aigles et les faucons, en ignorant le rle quils jouent dans la rgulation des cosystmes. Mais sa porte sera limite cause de son approche utilitariste.

    Le droit international de lenvironnement se dveloppe par la suite avec llargissement des sources grce notamment la multiplication des conventions touchant plusieurs domaines de lenvironnement, les sentences arbitrales, les rsolutions et recommandations des organisations internationales, les dclarations de principes des confrences internationales, la frquence des pratiques et coutumes des Etats et limportance marque des principes gnraux de droit.

    Le droit international de lenvironnement est dsormais qualifi de discipline juridique bnficiant dune certaine autonomie dans la mesure o il comprend des sources, des procdures, des principes, des institutions et des obligations qui sont

    16 Elle est la premire convention internationale concernant la protection des espces de faune et de flore

    sauvages. Les premires conventions internationales visant la protection, mme partielle, de lenvironnement ont trait la protection des eaux frontalires contre la pollution. Il en est ainsi du Trait conclu entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne portant sur les eaux frontalires entre les Etats-Unis et le Canada, alors dominion britannique, le 11 janvier 1909. Ce trait, qui est toujours en vigueur, a vu son champ dapplication slargir dans les annes 1970. Il a institu une commission mixte qui a comptence pour les questions de pollution des eaux frontalires et de lair.

  • 12

    revtus dune certaine particularit. La particularit concerne la mise en relief de certaines notions qui sont aujourdhui des notions fondamentales en droit international : le patrimoine commun de lhumanit, la responsabilit internationale, le principe de prcaution, ltude dimpact environnemental, lobligation inter-gnrationnelle et le dveloppement durable. En outre, la particularit de ce droit porte sur lutilisation des conventions-cadres, le recours aux dclarations de principes, les recommandations et les programmes daction.

    Cette nouvelle branche du droit international public est marque par sa dpendance lgard des sciences exprimentales, en particulier la biologie, la physique, la chimie, locanologie, la gologie, la botanique, le gnie gntique, la microbiologie et la biotechnologie. Elle fait galement appel aux sciences humaines telles que la sociologie, lconomie, la dmographie. Le dveloppement du droit international de lenvironnement est aussi li limplication de plusieurs acteurs : les Etats, les organisations internationales, les ONG, les groupes de pression et la socit civile.

    La comprhension des concepts de commerce international et denvironnement demeurerait partielle sans une connaissance satisfaisante des penses qui ont fcond leur mergence ( 2).

    2 : Emergence de lordre commercial international et de la conscience cologique

    Lexpansion des changes commerciaux internationaux et la ncessit de protger lenvironnement ne peuvent tre dissocies de lvolution des socits humaines. Notre rflexion sappuiera sur les penses philosophiques et

    conomiques de lpoque moderne parce quelles constituent les rfrences de base de lvolution de la pense du libre-change (A). Par contre, dans le domaine de

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    lenvironnement, la prise de conscience nest vritablement intervenue qu lpoque contemporaine (B).

    A/ Evolution de la pense du libre-change

    Le libre-change trouve son origine dans la pense humaniste du XVIIme sicle. Il se prsente comme le moyen incontournable du progrs de lhomme qui se distingue par un accroissement des richesses, un progrs moral et politique. Le libralisme soppose au pouvoir autoritaire de lEtat en favorisant la libert individuelle, la libert dentreprise une poque o lhumanit se pensait dans une ternit du monde 17. Cette volont de libert face aux prtentions centralisatrices de lEtat va sexprimer travers lide selon laquelle il faut laisser faire, laisser passer .

    1- : Aperu gnral de lidologie librale

    Lidologie librale prend sa source dans la pense conomique des temps modernes qui partent du XVme au XVIIIme sicle. Cette poque correspond au dveloppement de la pense mercantile et de la physiocratie.

    Le mercantilisme est la politique conomique selon laquelle lenrichissement

    est une fin louable. Pour les mercantilistes, lconomie est au service du Prince ou du Pouvoir parce que lenrichissement des citoyens est le seul moyen daccrotre la puissance de lEtat18. Lintrt particulier est donc un stimulant qui conduit la prosprit gnrale.

    17 Ren PASSET, Lconomie : des choses mortes au vivant, Encyclopdie Universalis, Paris, 1995,

    p.1387.

    18 Le mercantilisme a connu des approches nationales diffrentes. Ainsi, en France, les manufactures fondent

    lenrichissement de la Nation et de lEtat. Antoine de MONCHRESTIEN soutient dans le Trait dconomie politique , paru en 1615, que le rle de lEtat est de promouvoir la production et lexportation de faon optimale. Il propose dencourager lindustrie nationale en mettant en place une politique protectionniste efficace. Les ides dAntoine de MONTCHRESTIEN sont reprises par Jean-Baptiste COLBERT, Ministre de LOUIS XIV. Il met en place des primes lexportation et des tarifs douaniers sur les produits trangers imports afin de protger les industries naissantes en France. Le mercantilisme anglais

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    En revanche, la physiocratie se prsente comme une raction contre la

    ngligence du secteur agricole. Employ pour la premire fois par DUPONT DE NEMOURS, le terme de physiocratie19 signifie gouvernement de la nature20. Franois QUESNAY est considr comme le chef de lcole physiocratique. Il soutient que la proprit prive21 et la libert conomique sopposent la grande intervention de lEtat. Selon lui, la devise de la politique de lEtat doit tre laissez faire et laissez passer. Le monde va de lui-mme . Les physiocrates prconisent une politique conomique fonde sur une rduction de lintervention de lEtat ainsi que la suppression des rglementations qui entravent lagriculture. Le Tableau conomique labor par QUESNAY pour formuler sa pense sera considr comme la premire analyse relative au circuit macro-conomique22.

    Sur le plan historique, le mercantilisme est avec la physiocratie la source de la pense conomique librale et classique. Cette pense accorde la primaut au rle moteur de lintrt individuel, la proprit prive des moyens de production, la libert des changes et dentreprise et la non intervention de lEtat. La pense conomique librale et classique sera systmatise par lcole anglaise reprsente par Adam SMITH, David RICARDO, John STUART MILL et par lcole franaise reprsente par Jean-Baptiste SAY. Ils ont dfendu la rationalit des agents conomiques et le march suppos organiser la socit.

    favorise, quant lui, le commerce. Le commerce est la source de lenrichissement de lEtat et de la Nation. Cette ide, qui a t dveloppe par Thomas MUN, fait du commerce extrieur le seul moyen daccrotre la richesse de la Nation et de lEtat. Selon MUN, la valeur des exportations doit tre suprieure celle des importations. Il propose que les droits sur les produits exports soient rduits.

    19 Physiocratie vient du grec phusis, cest--dire nature et kratos qui veut dire force.

    20 Les physiocrates estiment que seule lagriculture est la source de lenrichissement des nations.

    21 Selon QUESNAY, la proprit prive est compose de la proprit personnelle, de la proprit mobilire et

    de la proprit immobilire. La proprit personnelle exige la libre disposition du corps et de lesprit. La proprit mobilire est ce qui est ncessaire la libre disposition du fruit du travail. La proprit immobilire est ncessaire la libre disposition du sol.

    22 Le concept de macro-conomie sera dvelopp au XXme sicle sous linfluence de lconomiste John

    KEYNES.

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    Selon Adam SMITH, lindividu soutient sa propre scurit lorsquil recherche son propre gain23. La seule source de richesse est la production rsultant du travail et des matires premires. Il estime que la production rsultant du travail augmente avec la division du travail24. Celle-ci est souhaitable afin daccrotre la productivit. Adam SMITH labore la thorie des avantages absolus par laquelle il dmontre que les changes internationaux peuvent profiter aux deux co-changistes et que ces changes ne seffectuent pas ncessairement aux dpens de lun dentre eux. Chaque pays pouvant trouver un intrt rciproque au commerce extrieur et

    ainsi, avoir un avantage se spcialiser. Pour lui, lEtat doit sabstenir dintervenir dans lconomie. En clair, la recherche en toute libert du gain doit prvaloir en tout, y compris dans le domaine des relations commerciales.

    Selon David RICARDO, le libre-change permet la spcialisation internationale dans la production. Il suggre aux pays changistes de disposer, grce aux changes, de plus de biens quen autarcie, en loignant la perspective de stagnation25. Pour David RICARDO, les rapports dchange interne, cest-- dire les cots compars dlimitant une zone dchanges commerciaux mutuellement avantageux lintrieur de la zone donne lieu un gain effectif pour les deux partenaires. Dans cette zone, lchange international induit une certaine spcialisation entre les pays. La thorie du cot comparatif de RICARDO apparat donc comme la base de la thorie du libre-change en matire de commerce international26.

    23 Pour plus de dtails, voir louvrage dAdam SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la

    richesse des nations, paru en 1776, en particulier Livre IV, chapitre II.

    24 La division du travail est considre comme une source essentielle daccroissement des richesses dans la

    mesure o elle induit une augmentation de la productivit du travail. Les industriels TAYLOR et FORD sen inspireront pour pousser, la fin du XIXme et du XXme, leurs entreprises la spcialisation.

    25 Cf. Michel RAINELLI, LOrganisation mondiale du commerce, La Dcouverte, 6me d, Paris, 2002,

    p.6.

    26 Mais la thorie Ricardienne sera critique au XIXme sicle, au moment de la dfinition de la politique

    commerciale. Car, pendant cette priode, il sest opr un double mouvement contradictoire. Dune part, la marche vers le libre-change entame au dbut du XIXme sicle se poursuit jusquaux annes 1880 et dautre part, le protectionnisme refait surface la fin du XIXme sicle. La pratique protectionniste a ainsi contrari la conception Ricardienne.

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    John STUART MILL a aussi accord un intrt particulier au commerce international dans son ouvrage intitul les principes dconomie politique . Il note que les offres et les demandes sur les marchs internationaux ne sont autres choses que des demandes rciproques. Par ailleurs, tout en admettant que la pense librale qui consiste Laissez passer. Laissez faire doit demeurer la rgle gnrale, STUART MILL estime que le rle de lEtat ne devrait pas se limiter uniquement aux fonctions d Etat gendarme , cest--dire au maintien de lordre public et de lapplication du droit.

    Jean-Baptiste SAY a contribu, en tant que principal reprsentant de lcole franaise, ldification de lidologie librale. Pour lui, dans une conomie o rgne la division internationale du travail, cest--dire une conomie caractrise par un change interne de marchandises, le moyen courant dobtenir des biens et des services est de produire des biens et services27 par une valeur quivalente.

    Tous ces penseurs ont, de par leur contribution significative, fait de la pense conomique librale, une opinion dominante. La libralisation des changes commerciaux internationaux deviendra au XIXme sicle puis dans la premire moiti du XXme sicle une tendance trs marque de lactivit conomique.

    Il est noter que le rgime juridique des changes conomiques internationaux oscille depuis toujours entre le libre-change et le protectionnisme. En rgle gnrale, les priodes de rcession favorisent la monte du protectionnisme, tandis que les priodes dexpansion sont plus favorables au libre-change. Ainsi, dans la priode de libre-change, les Etats se limitent uniquement assurer le respect du contrle des rgles du jeu en refusant dintervenir dans les relations conomiques. La vie conomique se dpolitise, du moins jusqu un certain niveau, parce que les vellits interventionnistes ne cessent presque jamais.

    27 La production augmente non seulement loffre des biens, mais cre galement la demande en raison du

    paiement des facteurs de production. Cest la production qui cr une demande pour les produits.

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    Ce mouvement est celui quont suivi les prcurseurs du libre-change que sont la Grande Bretagne et les Etats-Unis.

    Selon Ha-joon CHANG de lUniversit de Cambridge, la Grande Bretagne a utilis avec agressivit et, dans certains cas, invent des politiques dirigistes pour protger et promouvoir ses industries stratgiques. De telles politiques, bien que dampleur limite, remontent au XIVme sicle sous Edouard III et au XVme sicle sous Henri VII. Elles sappliquaient la principale industrie de lpoque, lindustrie de la laine. Entre 1721, date de la rforme de la politique commerciale initie par Robert WALPOLE et labrogation des lois sur le bl en 1846, le Royaume pratiqua une politique commerciale particulirement volontariste. Il utilisa activement les

    protections et le contrle de qualit des exportations par lEtat. Le Royaume britannique fit un pas qualifi de dcisif bien quincomplet vers le libre-change avec labrogation des lois sur le bl. Cette mesure marque, en grande partie, la victoire ultime de la doctrine librale classique sur un mercantilisme born28.

    Pour ce qui est des Etats-Unis, Ha-Joon CHANG affirme que de nombreux intellectuels et responsables politiques amricains du XIXme sicle avaient soutenu que le libre-change ntait pas adapt leur pays. Entre 1830 et la fin de la 2me guerre mondiale, les droits de douane moyens des Etats-Unis sur les importations de produits industriels furent parmi les plus levs du monde29. Cest seulement aprs la 2me guerre mondiale30 que, srs de leur supriorit industrielle, les Etats-Unis sengagrent dans la libralisation de leurs changes commerciaux et se firent les

    28 Ha-Joon CHANG, Du protectionnisme au libre-change, une conversion opportuniste in le Monde

    diplomatique, juin 2003, p.26 ou http://www.monde-diplomatique.fr/2003/06/CHANG/10189.

    29 Si lon ajoute que ce pays bnficiait dj dun haut degr de protection naturelle en raison du cot des

    transports jusquen 1870, il est possible de dire que les industries amricaines furent les plus protges du monde jusquen 1945.

    30 La fin de la 2me guerre mondiale provoque donc des bouleversements dans la sphre conomique et

    entrane une transformation des relations conomiques internationales. A cette poque, les innovations technologiques sacclrent. Les cots des transports et des communications diminuent, les obstacles naturels aussi. La part de lactivit conomique exclusivement nationale commence baisser. Le dveloppement de linformatique et des technologies de linformation facilitent, lchelle plantaire, le cadre de loffre des biens et services avec notamment, la participation accrue des fournisseurs trangers dans les activits conomiques et commerciales nationales.

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    champions, avec la Grande Bretagne, du libre-change. Les frontires des Etats se sont alors ouvertes. Sous les effets de ces facteurs techniques, les Etats ont progressivement cd une partie de leur souverainet31 en acceptant de souvrir aux courants commerciaux internationaux.

    Cette ouverture est le dbut de lre de la mondialisation qui dcrit un processus dintgration croissante lconomie mondiale. La mondialisation prescrit une stratgie de dveloppement fonde sur lorganisation et lexpansion des activits conomiques transfrontalires. Elle implique aussi une ouverture

    conomique de plus en plus grande, une interdpendance conomique plus significative et une intgration lconomie mondiale plus concrte32. Louverture conomique englobe principalement le commerce, linvestissement et la finance.

    31 Le concept de souverainet peut tre dfini comme lensemble des droits et moyens reconnus un Etat de

    dterminer librement et de prserver sans contrainte son indpendance politique et conomique. Mais malgr lacclration des changes commerciaux internationaux et louverture conomique qui font penser la disparition de la souverainet, chaque Etat dispose encore du droit de choisir librement son systme conomique. Ce droit a t prcis par la Charte des droits et devoirs conomiques des Etats adopte en 1974 par lAssemble gnrale des Nations Unies sur la base de la Rsolution 3281 (XXIX). Larticle 1er indique que Chaque Etat a le droit souverain et inalinable de choisir son systme conomique de mme que ses systmes politique, social et culturel, conformment la volont de son peuple, sans ingrence, pression ou menace extrieure daucune sorte . Le principe du libre choix du systme conomique et celui de la souverainet permanente sur les ressources naturelles dcoulent de lgalit souveraine dont ils visent lun et lautre prciser les incidences dans le domaine conomique. Tout en affirmant une libert qui relve de lexercice de la souverainet interne, ils visent protger la souverainet externe des ractions quun tel exercice pourrait provoquer ltranger. Si le principe du libre choix de son systme conomique porte, pour lEtat, sur le fait de se dterminer, de sorganiser ou de se rorganiser lui-mme sur le plan conomique et oblige les autres Etats ne pas singrer dans lexercice de ce droit et de ne pas y faire obstacle, conformment aux articles 1, 4 et 5 de la Charte des droits et devoirs conomiques des Etats, le principe de la souverainet permanente sur les ressources naturelles vise particulirement les effets dans le temps de lexercice de ce libre choix ou de ce droit de sorganiser ou de se rorganiser, notamment lorsque les intrts conomiques trangers prexistants sont en cause et tente de rsoudre les problmes juridiques, voire les problmes juridictionnels, qui pourraient en rsulter. Cf. Georges ABI-SAAB, La souverainet permanente sur les ressources naturelles in Droit international, Bilan et perspectives, d. Pedone, Paris, 1991, Tome II, pp 639-661.

    32 Deepak NAYYAR, Mondialisation et stratgies de dveloppement, Table ronde de haut niveau sur le

    commerce et le dveloppement : orientations pour le vingt et unime sicle, Bangkok, 12 fvrier 2000, CNUCED, p 5-6.

  • 19

    Linterdpendance conomique existe lorsque les avantages de linstauration des biens et des cots sont les mmes pour les deux partenaires. Si tel nest pas le cas, lon est dans une situation de dpendance33.

    Lintgration conomique34 dpasse les frontires nationales dont limportance dans les transactions conomiques a t efface par la libralisation.

    Le processus de la mondialisation a suivi la chronologie de la drglementation de lconomie mondiale. Ce processus a entran la libralisation du commerce qui a provoqu son tour une expansion sans prcdent des changes commerciaux partir du milieu des annes 195035.

    La vie politique internationale fera, aprs la chute du bloc de lEst, de la notion de mondialisation une notion culte, cest--dire une notion de rfrence quasi ftichiste pour exprimer une certaine vision dun monde domin par le profit. La vie politique internationale sexprime avec lappui de la domination conomique36. Ainsi, la rhtorique qui dcoule de la domination conomique sera la mme que celle qui provient de la domination politique. Cest la raison pour laquelle le concept de mondialisation fait, depuis quelques annes, lobjet dune rationalisation intellectuelle qui est presque de lordre de la prescription et qui la

    33 Il y a une plus grande interdpendance entre les pays, mais une dpendance considrable des pays en

    dveloppement lgard des pays dvelopps et beaucoup moins dinterdpendance entre pays en dveloppement.

    34 Lintgration conomique implique une intgration des marchs (de produits, de services, de technologies,

    dactifs financiers, voire dargent) en ce qui concerne la demande et une intgration (horizontale et verticale) de la production en ce qui concerne loffre.

    35 La libralisation du commerce international a t suivie par la libralisation de linvestissement tranger

    qui a provoqu une forte pousse des investissements internationaux partir des annes 1960. La libralisation de linvestissement a ensuite entran la libralisation financire. Celle-ci a impliqu la drglementation du secteur financier intrieur et la convertibilit des comptes de capital et a dclench une internationalisation financire importante partir du milieu des annes 1980.

    36 La domination conomique est marque par lhgmonie des Etats-Unis en tant quunique puissance

    mondiale. Le libre-change prend appui sur la puissance conomique amricaine.

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    prsente comme un moyen dassurer non seulement lefficacit et la croissance mais aussi lquit et le dveloppement dans lconomie mondiale 37.

    La doctrine du libre-change, qui a favoris la mise en place dun cadre commercial international en 1947 avec lAccord Gnral sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (en anglais General Agreement on Tariffs and Trade - GATT) a donn lieu la cration de lOMC.

    2- : Le cadre dtablissement du systme commercial multilatral

    La cration en 1947 dun cadre multilatral de concertation entre les Etats pour liminer les obstacles aux changes commerciaux internationaux, rpond aux soucis de la mise en place dun systme de coopration conomique marqu par lexpansion des flux des capitaux, des financements et des investissements. Le cadre commercial tait le troisime pilier dun systme conomique trinitaire initi par les grands vainqueurs de la 2me guerre mondiale que sont les Etats-Unis et la Grande Bretagne pour reconstruire le monde. Dj en 1944, les accords de Bretton Woods avaient tabli les deux premiers piliers en crant le Fonds Montaire International (FMI) et la Banque mondiale. Mais le cadre commercial multilatral ne connut pas sur le plan institutionnel laboutissement espr. Le projet de cration de lOrganisation Internationale du Commerce (OIC) ne se concrtisa pas parce que la Charte de la Havane qui linstituait nest pas entre en vigueur. LOIC avait cependant pour objectif de lutter contre lautarcie et dliminer toute forme de protectionnisme engendre par la crise conomique de 1929 et qui a eu pour consquences de susciter et dattiser, dans les annes 1930, les tensions politiques. Celles-ci font partie des causes qui dclenchrent le 2me conflit mondial.

    37 Deepak NAYYAK, Mondialisation et stratgie de dveloppement, op.cit, p.6.

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    Le cadre juridique relatif la coopration nchappe pas aux conflits idologiques dans la gestion de lconomie. Les oppositions idologiques sont aussi des oppositions dintrts, voire des oppositions de valeurs dans lorganisation et la conduite de la vie internationale : laffrontement Est/Ouest et la fracture Nord/Sud. Il faut souligner que les conflits idologiques conduisent, selon Celso LAFER des conceptions diffrentes de la manire de promouvoir des intrts communs par des normes de coopration mutuelle. Ces conflits se sont reflts sur les dfinitions du droit international conomique 38.

    Ainsi, dans la conception de lEst, cest--dire la conception du Bloc communiste, lEtat est lacteur principal de la vie conomique. Ds lors, le droit conomique devient le droit de la planification tatique. Cest la raison pour laquelle les normes de la coopration internationale reprsentent un systme de commerce organis entre les Etats ayant des objectifs quantitatifs prciss lavance comme ce fut le cas du Conseil dAide Economique Mutuelle C.A.E.M-COMECON39.

    Dans lapproche des pays du Sud40, la stratgie consiste harmoniser laction de lEtat avec le fonctionnement du march afin de faciliter et de promouvoir le dveloppement conomique et social. Le droit conomique est apprhend comme lensemble des normes destines structurer la coopration entre le gouvernement et le secteur priv dans une conomie mixte. Cette collaboration entre secteur public et secteur priv est conue pour faire face aux dfaillances du march , en particulier la dtrioration des termes de lchange, la baisse de la production et la fragilit conomique des pays. La cration de la Confrence des Nations Unies sur

    38 Celso LAFER, Rflexions sur lOMC lors du 50me anniversaire du systme multilatral commercial :

    limpact dun monde en transformation sur le droit international conomique, in J.D.I. 4, 1998, p.935.

    39 Le COMECON a t cr le 25 janvier 1949 par lURSS et les pays de lEst aprs le refus du Plan

    Marshall. Mais en raison de labsence de statuts, le COMECON na fonctionn effectivement quentre 1960 et 1990. Charg dorganiser la vie conomique entre les pays de lEst, COMECON tait caractris par le systme de planification des changes extrieurs des Etats membres. Cf Paul YAO NDRE, Droit des organisations internationales, P.U.C.I, Abidjan, 1996, p 27.

    40 Ce sont les pays de lHmisphre Sud. Ils constituent lessentiel des pays en dveloppement.

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    le Commerce et le Dveloppement (CNUCED) est une preuve de cette revendication. Il en est de mme de la mise en place du Systme de Prfrence Gnralise (SPG) destin rsoudre les problmes daccs des produits des pays en dveloppement aux marchs des pays dvelopps en leur accordant des mesures de faveur.

    Dans loptique de lOuest41, la vie conomique est domine par des personnes prives qui animent le march. Le march suit une logique tablie sur la rgle de la loi de loffre et de la demande. Cette logique du march a contribu crer des normes et engendrer des pratiques commerciales qui forment la lex mercatoria , origine du droit commercial42. Dans ce cas, le rle de lEtat est rduit au minimum, laissant ainsi la place aux agents conomiques privs de dcider librement et dorienter leurs activits ou stratgies selon les forces du march. Cette perspective que lon peut qualifier doptimiste43 est la base de la conclusion du GATT. Le triomphe de loptique occidentale de la vie conomique et du systme commercial dterminera lissue des ngociations commerciales internationales jusqu la cration de lOMC.

    Le GATT conclu le 30 octobre 1947 Genve se prsentait comme un extrait de la Charte de la Havane. Le GATT reprenait la Partie IV de la Charte intitule politique commerciale . Cet accord demeurait, malgr tout, un accord provisoire parce que ladoption dfinitive de la Charte de la Havane, avec pour effet la mise en

    41 Les pays dvelopps dEurope de lOuest et dAmrique du Nord.

    42 La lex mercatoria est lorigine du droit commercial. Aujourdhui, lon parle plus volontiers du droit

    des affaires ou du droit de lentreprise . Selon une opinion majoritaire, le droit des affaires est plus vaste que le droit commercial qui tait entendu traditionnellement comme le droit priv du commerce. Le droit des affaires englobe prcisment des questions qui relvent du droit public (intervention de lEtat dans lconomie), du droit fiscal, du droit du travail (place des salaris dans les socits prives), etc. Le droit des affaires sapplique galement aux consommateurs, aux agriculteurs, aux artisans et aux membres des professions librales. En somme, le droit des affaires est une branche du droit priv qui, par drogation au droit civil, rglemente de manire spcifique la plupart des activits de production, de distribution et de services. Cf. Yves GUYON, Droit des affaires, Economica, Tome I, Paris, 1994, pp 1-12.

    43 Il est admis que le march doit se rguler lui-mme, du moins en thorie, en saffranchissant de toute

    immixtion du pouvoir politique mais les ralits nationales nous donnent de voir que lEtat na jamais t totalement absent de la gestion de la vie conomique nationale. Les subventions ou les facilits accordes certaines socits lattestent. Celles-ci modifient les rgles du jeu.

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    place effective de lOrganisation Internationale du Commerce44 quelle crait, devait prendre du temps. Un accord intrimaire simposait donc dans lattente de lentre en vigueur de la Charte. Mais lOIC ne vit jamais le jour parce que les Etats-Unis rejetrent la Charte de la Havane pour des raisons de politique intrieure45.

    Toutefois, en dpit de son caractre provisoire, le GATT a cr un cadre international dexpansion des changes commerciaux internationaux. Les cycles de ngociations commerciales qui sen sont suivis ont permis dengager la reforme du systme GATT. Lune des tapes les plus importantes dans les ngociations commerciales a t le Cycle de Tokyo ou Tokyo round . Entam en 1973, ce cycle a t conclu en 1979. Il a donn la possibilit de ngocier des accords sur les barrires techniques au commerce, les subventions, les licences dimportation etc. Cependant, les changements nont pas t la hauteur des espoirs suscits. Ces changements sont rests superficiels, si bien que les mutations intervenues dans les annes 1980, savoir le processus de mondialisation de lconomie, llargissement des changes internationaux, la monte en puissance des nouveaux pays industrialiss, la chute du mur de Berlin46, ont transform le paradigme du fonctionnement du systme international.

    44 Le projet de cration de lOIC a pris forme au sein de lONU. LOIC aurait du tre une institution

    spcialise rattache lONU et fonctionnant selon les mmes principes. Mais ct de ce projet, il y avait une proposition de confrence internationale ayant pour but une rduction multilatrale des obstacles aux changes internationaux. Les deux dmarches, engages paralllement, ont abouti, pour la premire la Charte instituant une Organisation internationale du commerce adopte en mars 1948 lors de la Confrence de la Havane convoque par le Conseil conomique et social de lONU et, pour la seconde, un accord gnral sur les tarifs douaniers et le commerce, lissue dune ngociation qui sest droule davril octobre 1947 Genve. Cf. Michel RAINELLI, LOrganisation mondiale du commerce, La Dcouverte, 6me d. Paris, 2002, p. 17.

    45 Les ngociations sur lOIC ont fait lobjet dun conflit de comptences entre le Congrs et le Prsident des

    Etats-Unis. Le premier estimait que le second navait pas le pouvoir dengager seul les Etats-Unis dans ladhsion lOIC. Le Prsident TRUMAN tait dmocrate alors que le Congrs tait majoritairement rpublicain. A la fin de 1950, lexcutif des Etats-Unis dclara officiellement ne plus vouloir chercher laccord du Congrs, ce qui mit fin au projet. Cf. Michel RAINELLI, LOrganisation mondiale du commerce, op.cit, p. 18.

    46 La chute du mur de Berlin est le symbole de leffondrement du Bloc communiste.

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    Ce contexte politique et idologique international va influencer le systme commercial international. Cest ainsi que va souvrir un nouveau cycle de ngociations lanc en 1986 Punta Del Este, en Uruguay. Ce cycle dnomm Cycle dUruguay ou Urugay round a eu pour objectif ladoption dun systme libre-changiste. La Dclaration ministrielle de la Confrence de Punta Del Este demanda aux ngociateurs le renforcement des rgles du GATT sur les mesures de dfense commerciale dont notamment les subventions et les droits compensatoires, les clauses de sauvegarde, le rglement des diffrends, le dsarmement douanier, le dmantlement des mesures non-tarifaires et la libralisation des produits tropicaux et des matires premires.

    Le Cycle dUruguay sera conclu Marrakech au Maroc par la signature de lActe Final le 15 avril 1994. Celui-ci entrera en vigueur le 1er janvier 1995.

    B/ Lmergence de la conscience cologique

    La ncessit de protger lenvironnement sest impose tous la suite de certaines catastrophes cologiques survenues dans plusieurs parties du monde47. Certains rapports ont montr les dangers qui menaaient lavenir de la plante terre ainsi que la survie des tres vivants. Le Club de Rome runissant plusieurs experts est mis en place en 1968. Son rapport, intitul Les limites de la croissance et publi en 1972, indiquait que les ressources naturelles et, en particulier les ressources non renouvelables telles que les combustibles fossiles deviendraient de plus en plus rares et finiraient par spuiser si la croissance conomique se

    poursuivait dans les mmes conditions. Ce rapport montrait, en outre, que laccumulation de divers polluants dpasserait la capacit de charge de

    47 Quelques dsastres cologiques nous montrent que toutes les parties du monde ont t touches : la

    pollution atmosphrique Londres en 1952 ; la dioxine Seveso en Italie en 1977 ; le naufrage de tanker Torrey Canyon en mars 1978 dans la Manche entre la France et lAngleterre ; le dsastre chimique Bhopal en Inde en 1984 ; le dsastre chimique dans le Rhin Ble en Suisse en 1986 qui sest tendu la France, lAllemagne et aux Pays Bas, le dboisement et la dsertification en Afrique, en Asie, en Amrique latine, la destruction de la faune marine et terrestre globale etc.

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    lenvironnement et pourrait, de ce fait, entraner une catastrophe cologique si les activits ntaient pas contrles et rglementes48. La course effrne vers une

    croissance conomique toujours plus grande se faisait au sacrifice de la qualit de lenvironnement et exposait lenvironnement des risques graves.

    Le mouvement en faveur de la protection de lenvironnement touche presque tous les milieux (politique, diplomatique, scientifique, associatif ou intellectuel). Ce mouvement cologique se prsente au dbut comme un mouvement de raction devant les menaces sur lenvironnement. Il slargit ensuite des considrations philosophiques et morales prnant lavnement dun monde de paix, de solidarit, de bien-tre et dharmonie avec la nature. Il srige contre lidologie du productivisme conomique qui considre les ressources naturelles comme des biens marchands et sintroduit mme dans le milieu politique. Aussi, plusieurs formations politiques vont-elles sen rclamer avec la cration des partis verts.

    La protection de lenvironnement est en fait une proccupation trs ancienne qui est soutenue par les principales religions.

    Ainsi, dans la religion judo-chrtienne, Dieu en bnissant Adam et Eve, leur dit : Soyez fconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui rampe sur la terre 49. Si cette bndiction divine confre lhomme et la femme le droit de jouir des ressources de la cration, elle implique aussi leur responsabilit vis-vis de cette cration50. Le verset 15 du chapitre 2 de Gense suggre lide de responsabilit de lhomme vis--vis de la cration : lEternel Dieu prit lhomme et le plaa dans le jardin dEden pour le cultiver et le garder . La mission confie

    48 OMC, Dossiers spciaux, commerce et environnement, OMC, Genve 1999, p. 53.

    49 Cf. Gense 1.28 in Bible, Nouvelle version Louis SEGOND rvise ou Bible la Colombe publie en

    1978.

    50 Cf. Jol JAKUBEC, Quelques aspects du statut juridique de la nature dans la Bible et ses

    consquences thiques in Le droit international face lthique et la politique de lenvironnement, pp.211-216.op.cit.

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    lhomme est trs claire. Il sagit de cultiver mais aussi de garder le jardin dEden. Lhomme est autoris mettre en valeur le jardin dEden, mais il nest pas autoris le dtruire. Autrement dit, il ne doit et ne peut mettre en valeur le jardin que dans la mesure o il prserve les bases de ce jardin. Lide dutilisation rationnelle des ressources de la terre rejoint ce niveau lordre divin.

    Dans la religion musulmane, le Coran fait une rfrence plus ou moins

    directe la prservation de notre environnement. Mahomet, le Prophte de lIslam a dclar : il ny a de btes sur la terre, il ny a pas doiseaux volant de leurs ailes qui ne forment comme vous, des communauts 51.

    Dans le Bouddhisme, il est aussi admis limportance de la protection de lenvironnement. Selon les prceptes de cette religion orientale, la fort est un organisme dont lamabilit et la bienveillance sont illimites, qui ne demande rien pour son entretien et prodigue gnreusement les produits de son activit vitale ; elle donne la protection tous les tres, en offrant aussi de lombre au bcheron qui la dtruit52.

    Ces crits nous paraissent aujourdhui visionnaires, tant ils interpellent lhumanit sur limportance de la protection de lenvironnement. Peu de sujets ont autant suscit lattention de lopinion publique internationale. Il ne pouvait en tre autrement eu gard limportance vitale de lenvironnement pour tous les tres vivants : vgtaux, animaux et humains. La premire grande mare noire qua connue lEurope suite au naufrage du ptrolier le Torrey Canyon le 18 mars 1967 dans la Manche entre la France et la Grande Bretagne a frapp les consciences. Toutes les autres catastrophes cologiques survenues plus tard, quil sagisse entre autres du dsastre chimique de Bhopal en Inde en 1984, de lexplosion de la centrale thermique de Tchernobyl en 1986 en Ukraine, du naufrage

    51 Cf. Coran, Sourate 6.28.

    52 Mario PAVAN, Perspectives de la situation cologique mondiale et particulirement europenne in

    Les nouveaux horizons de lcologie, dans le sillage de Rio, d. Centurion, Paris, 1993, pp. 25-44.

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    de lExxon Valdez Port Williams en Alaska aux Etats-Unis en 1989, ont renforc le sentiment dune plus grande conscience cologique.

    A ct de ces dsastres cologiques, lon a assist la dgradation des composantes de lenvironnement : lexploitation sauvage des forts, en particulier les forts dAmazonie53 et de lAfrique quatoriale, la destruction des espces de faune et de flore, lavance de la dsertification, laugmentation de la pollution atmosphrique, en particulier dans les pays dvelopps, laltration de la couche dozone de la stratosphre due aux gaz mis dans latmosphre, les changements climatiques, la dgradation des ressources gntiques, en particulier dans les pays en dveloppement.

    Partant de ces faits, les organisations rgionales et internationales se sont saisies de la question environnementale. Le Conseil de lEurope54 a adopt des textes importants pour la protection de lenvironnement. Il sagit notamment de la dclaration de principes sur la lutte contre la pollution de lair du 8 mars 1968, de la Charte europenne de leau du 6 mai 1968 et de lAccord europen sur la limitation de lemploi de certains dtergents du 16 septembre 1968. Dans la mme priode, lOrganisation de lUnit Africaine (O.U.A.) a adopt le 15 septembre 1968 la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles ou Convention dAlger55.

    Les Nations Unies montrent, dans cette mme priode (juillet 1968), un intrt particulier pour la protection de lenvironnement. Le Conseil conomique et social, puis lAssemble gnrale des Nations Unies, rpondant une initiative de la

    53 La fort dAmazonie est considre comme les poumons du monde. Elle capte une grande partie du gaz

    carbonique et libre loxygne.

    54 Le Conseil de lEurope est la premire institution de coopration en Europe cre par une Convention

    signe Londres en 1949 et runissant des pays partageant lidal de dmocratie librale.

    55 La Convention dAlger a t rvise en mai 2003 Maputo (Mozambique) loccasion de la rencontre des

    Chefs dEtats africains portant cration de lUnion Africaine (U.A). La Convention dAlger est la premire traiter de manire globale la question de la diversit biologique, mme si la notion de diversit biologique ntait pas encore couramment utilise. Cf. Stphane DOUMBE-BILLE, RJE, n1, 2005, p.5.

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    Sude dcident dorganiser la premire confrence mondiale sur lenvironnement. La Confrence, dont la devise tait une seule terre , avait pour objectifs dattirer lattention des gouvernements et de lopinion publique sur limportance et lurgence des problmes denvironnement, didentifier les problmes qui ncessitent une coopration internationale et prparer cette coopration, dintensifier les efforts en cours aux niveaux national, rgional et international.

    La Confrence sest tenue du 5 au 16 juin 1972 Stockholm en Sude en prsence de six mille (6000) personnes dont les dlgations de cent treize Etats. La Confrence a adopt deux textes dune trs grande importance : la Dclaration sur lenvironnement et le Plan daction pour lenvironnement.

    La Dclaration sur lenvironnement comprend 26 principes qui ont inspir les politiques nationales en matire denvironnement. Par exemple, le Principe 1 affirme le droit fondamental de lhomme la libert, lgalit et des conditions de vie dans un environnement de qualit permettant une vie dans la dignit et le bien-tre. Il ajoute que lhomme a la responsabilit solennelle de protger et damliorer lenvironnement pour les gnrations prsentes et futures. Cette dclaration de principe lve demble la protection de lenvironnement au rang des plus grandes priorits des tres humains. La suite des principes apporte des prcisions utiles sur les politiques et les instruments de protection de lenvironnement.

    Le plan daction pour la protection de lenvironnement se prsente comme un vritable programme de travail compos de cent neuf (109) recommandations portant sur les diffrents domaines de lenvironnement56. Lune des plus importantes recommandations de la Confrence de Stockholm tait la cration dun

    56 Les domaines couverts par les Recommandations portent sur les six thmes majeurs traits la Confrence

    savoir : amnagement et gestion des tablissements humains en vue dassurer la qualit de lenvironnement ; gestion des ressources naturelles du point de vue de lenvironnement ; dtermination des polluants dimportance internationale et lutte contre les polluants ; aspects ducatifs, sociaux et culturels des problmes denvironnement et question de linformation ; dveloppement et environnement et incidences internationales, sur le plan de lorganisation, des propositions daction.

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    nouvel organe charg de lenvironnement. Cest ainsi que fut cr le Programme des Nations-Unies pour lEnvironnement (PNUE)57. Le PNUE sera financirement assist dans ses activits par le Fonds pour lEnvironnement Mondial (FEM) cr cet effet.

    La Confrence de Stockholm a eu pour effet ladoption de plusieurs accords internationaux rgissant des domaines importants de lenvironnement : la faune et la flore58, lenvironnement marin59, latmosphre60. Elle a aussi donn naissance des textes sur les produits et les dchets toxiques et dangereux ainsi que sur les activits dangereuses.

    La prise de conscience des problmes environnementaux a atteint une dimension universelle avec limplication des Nations-Unies. Il est donc logiq