gavoille introduction

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M. Vincent Clément M. Antoine Gavoille Introduction In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 30-3, 1994. pp. 171-172. Citer ce document / Cite this document : Clément Vincent, Gavoille Antoine. Introduction. In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 30-3, 1994. pp. 171-172. doi : 10.3406/casa.1994.2856 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1994_num_30_3_2856

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Gavoille, Introduction

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Page 1: Gavoille  Introduction

M. Vincent ClémentM. Antoine Gavoille

IntroductionIn: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 30-3, 1994. pp. 171-172.

Citer ce document / Cite this document :

Clément Vincent, Gavoille Antoine. Introduction. In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 30-3, 1994. pp. 171-172.

doi : 10.3406/casa.1994.2856

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1994_num_30_3_2856

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INTRODUCTION

La réflexion que certains géographes mènent actuellement sur le paysage comporte une dimension philosophique. En effet, la clef d'interprétation des problèmes posés par la notion de paysage est l'analyse des rapports entre l'homme et la nature que, à son tour, on ne saurait effectuer sans élucider l'idée de nature elle-même. Cette démarche rejoint donc bien la philosophie, puisqu'elle renvoie à la métaphysique, à l'idéologie, à l'épistémologie, à la sociologie et à la politique. À la métaphysique, car la définition de la nature dépend finalement d'une conception du réel : s'opposent sur ce point les systèmes dualistes et monistes, ceux qui séparent l'homme de la nature et ceux qui l'y intègrent. À l'idéologie, car la notion de nature est un foyer de préjugés communs aussi bien que de présupposés scientifiques qu'il faut débusquer et examiner. À l'épistémologie, car la géographie doit repenser ici non seulement son objet, mais aussi ses méthodes ; en effet, de la définition du paysage dépend la nature de recherches effectuées : si le paysage est une réalité d'essence historique et humaine, les sciences positives des naturalistes ne suffiront pas à en épuiser le sens. À la sociologie, car le paysage est étroitement lié à la communauté humaine qui s'y constitue et le constitue à la fois : le social et le local sont aujourd'hui des notions souvent mises en rapport. À la politique enfin, car cette réflexion devrait donner des bases plus fermes à toute la politique de l'environnement et, corrélativement, renforcer les relations entre les savants et les hommes de décision.

Or le paysage, lieu de passage de certains géographes vers la philosophie, fut aussi celui de certains philosophes vers la géographie. Alors que les premiers utilisent ce concept dès la deuxième moitié du XIXe siècle, de manière intuitive et empirique, des philosophes ont su en faire un véritable objet théorique. Quels philosophes ? Il s'agit de trois penseurs espagnols, dont les existences se succèdent tout en se chevauchant, de la fin du siècle dernier à la première moitié de celui-ci : Francisco Giner de los Rios, Miguel de Unamuno, José Ortega y Gasset. Leurs systèmes respectifs les conduit à prendre au sérieux cette réalité qu'est le paysage, à la définir, à lui assigner une place dans l'anthropologie et la sociologie, à lui donner une fonction pédagogique et morale, quand cela ne va pas jusqu'à lui attribuer une signification métaphysique. Leurs analyses, qui se répondent et se' complètent dans le temps, établissent ainsi une chaîne, qui fera l'objet du premier article de ce dossier : « La philosophie du paysage en Espagne, naissance d'une tradition contemporaine ». Nous montrerons surtout que ces trois penseurs, tant dans le vocabulaire que dans la pensée, ont anticipé le débat actuel sur le paysage.

Le paysage a été l'une des notions fondatrices de la géographie moderne. Pourtant, les difficultés rencontrées pour en définir nettement les contours ont engendré des réactions de rejet au sein même de la géographie. Le problème posé est donc de savoir si aujourd'hui, le paysage demeure une notion fondamentale et opérationnelle de la recherche en géographie, ou s'il est préférable d'utiliser

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d'autres notions ou d'autres concepts. Dans le second article, intitulé « Contribution épistémologique à l'étude du paysage », nous partirons d'une analyse critique des approches actuelles du paysage, considéré le plus souvent comme un système. Puis, nous mettrons en évidence le fait que le paysage peut être non seulement un objet mais aussi un outil de recherche efficace. Considéré comme tel, il doit être appréhendé en croisant plusieurs approches. La seule analyse systémique ne permet pas de cerner toutes les questions relatives au paysage. Il faut accorder une attention particulière à sa dimension historique, trop souvent négligée, ainsi qu'à sa double signification objective et subjective.

La prise en compte de l'objectif et du subjectif dans le concept de paysage et la remise en cause du préjugé naturaliste, qui réduit le paysage à ses composantes naturelles au détriment de sa dimension anthropologique, permettent de mieux comprendre le sens de l'action de l'homme sur la nature. Cette nouvelle approche théorique a pour conséquence de proposer une gestion alternative de l'environnement. À l'idée de patrimoine naturel il faut substituer celle d'un patrimoine culturel, car les paysages de la nature sont avant tout des paysages- mémoires qui témoignent des relations passées entre l'homme et la nature. Le troisième et dernier article proposé ici, intitulé « Gérer la nature ou gérer les paysages : enjeux scientifiques, politiques et sociaux », fera état de ces problèmes, montrant combien les préjugés théoriques peuvent être un obstacle au développement d'une politique pertinente dans le domaine des paysages.

Vincent CLÉMENT Antoine GAVOILLE