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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 7-8/2001 25 Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire GÉRER L'HÉTÉROGÉNÉITE DES ÉLÈVES MÉTHODES DE REGROUPEMENT DES ÉLÈVES DANS L'ENSEIGNEMENT OBLIGATOIRE 1 Christian Monseur, Marc Demeuse 1 Cette étude a été réalisée avec le soutien financier de la Commis sion européenne, DGXXII, dans le cadre du programme SOCRATES III.3.1. (95-01-SPE-0432-00). Les auteurs remercient en particulier l'Unité A1 de la DGXXII et l'Unité européenne du réseau EURYDICE pour leur aide. Introduction La plupart des pays industrialisés ont connu un accroissement considérable de leurs effectifs scolaires . Si l'égalité d'accès, du moins au niveau de l'enseignement obligatoire, est assurée dans l'ensemble des États de l'Union européenne, le défi actuel porte à présent sur l'égalité de réussite. L'objectif des "trente glorieuses" était l' éducation pour tous . Les taux de scolarisation des classes d'âge jusqu'à 17-19 ans atteignent aujourd'hui 80 à 90 % dans la plupart des pays de l'Union européenne (Commission euro- péenne, 1994a). Mais l'accession aux études d'une frange considérable de jeunes (qui, autrefois, auraient été exclus de l'école beaucoup plus tôt) ne s'accompagne pas automati- quement de leur réussite. L'échec scolaire, plus perceptible que l'abandon d'autrefois, constitue un souci majeur des responsables politiques (Commission européenne, 1994b). En outre, dans un univers ressenti comme plus compétitif que jamais, un faible niveau de compétences générales constitue un lourd handicap. Ceci explique l'exigence nouvelle qui est adressée aux systèmes d'enseignement: au- delà d'un accès pour tous, une formation de qualité qui assure à chacun une participation active à la vie sociale et politique . Pour répondre à cette nouvelle exigence, les systèmes d'enseigne- ment sont inéluctablement amenés à reconsidérer l'organisation de leur structure, la pertinence de leurs objectifs et des contenus enseignés ainsi que l'efficacité de leurs

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 7-8/2001 25

Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

GÉRER L'HÉTÉROGÉNÉITE DES ÉLÈVESMÉTHODES DE REGROUPEMENT DES ÉLÈVES DANSL'ENSEIGNEMENT OBLIGATOIRE1

Christian Monseur, Marc Demeuse

1 Cette étude a été réalisée avec le soutien financier de la Commis sion européenne, DGXXII, dans le cadre du

programme SOCRATES III.3.1. (95-01-SPE-0432-00).Les auteurs remercient en particulier l'Unité A1 de la DGXXII et l'Unité européenne du réseau EURYDICEpour leur aide.

Introduction

La plupart des pays industrialisésont connu un accroissementconsidérable de leurs effectifsscolaires. Si l'égalité d'accès, dumoins au niveau de l'enseignementobligatoire, est assurée dansl'ensemble des États de l'Unioneuropéenne, le défi actuel porte àprésent sur l'égalité de réussite.L'objectif des "trente glorieuses"était l'éducation pour tous. Les tauxde scolarisation des classes d'âgejusqu'à 17-19 ans atteignentaujourd'hui 80 à 90 % dans laplupart des pays de l'Unioneuropéenne (Commission euro-péenne, 1994a). Mais l'accession auxétudes d'une frange considérable dejeunes (qui, autrefois, auraient étéexclus de l'école beaucoup plus tôt)ne s'accompagne pas automati-

quement de leur réussite. L'échecscolaire, plus perceptible quel'abandon d'autrefois, constitue unsouci majeur des responsablespolitiques (Commission européenne,1994b). En outre, dans un universressenti comme plus compétitif quejamais, un faible niveau decompétences générales constitue unlourd handicap. Ceci expliquel'exigence nouvelle qui est adresséeaux systèmes d'enseignement: au-delà d'un accès pour tous, uneformation de qualité qui assure àchacun une participation active àla vie sociale et politique.

Pour répondre à cette nouvelleexigence, les systèmes d'enseigne-ment sont inéluctablement amenés àreconsidérer l'organisation de leurstructure, la pertinence de leursobjectifs et des contenus enseignésainsi que l'efficacité de leurs

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

méthodes. De manière à relever ledéfi de la qualité, il semble logiqued'orienter les efforts dans deuxdirections complémentaires :

- la conception et la mise enoeuvre d'innovations basées surles connaissances scientifiquesen matière d'efficacité dessystèmes d'enseignement;

- la mise sur pied de dispositifsde régulation ou de pilotage dufonctionnement de ces systèmesd'enseignement.

Le projet poursuit deux objectifs :

- identifier les facteurs d'effica-cité des systèmes éducatifs, enconsidérant à la fois le rende-ment de ceux-ci et leur équité,et

- étudier un modèle d'organisa-tion et de contrôle des systèmeséducatifs, modèle que nousappelons "pilotage" enfrançais1.

1 Une partie de l'étude porte sur la définition et

l'identification de mécanismes de pilotageefficaces. Un article de synthèse est paru dansles Cahiers du Service de Pédagogie expéri-mentale (5-6/2001 , 23-50) consacré à ce sujet(M. Demeuse & A. Baye, Une action intégréeen vue d'améliorer l'efficacité des systèmesd'enseignement : le pilotage des systèmes d'en-seignement).

Parmi l'ensemble des facteursd'efficacité, quatre ont été retenuset ont été analysés dans ce projet :

- les pratiques de regroupementdes élèves;

- le temps consacré aux appren-tissages;

- l'apport des évaluations interneset externes;

- la nature plus ou moins centra-lisée des systèmes éducatifs.

Cet article se limite à l'analyse desmodalités de regroupement desélèves. Il constitue une brève syn-thèse des documents réalisés parl'équipe de l'Université de Liège, encollaboration avec un grand nombrede correspondants qui ont accepté decollaborer à cette étude2.

2 M. Demeuse, C. Monseur (1998). Pour

accroître l'efficacité des systèmesd'enseignement. Recherche des facteursd'efficacité. Etude comparative des dispositifsde pilotage, Rapport final, Projet SocratesIII.3.1. Bruxelles : Commission de l'Unioneuropéenne, DGXXII (non publié).

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

L'EFFICACITÉ DES SYSTÈMES ÉDUCATIFS

L'efficacité d'un système éducatifse mesure à l'adéquation desrésultats observés aux objectifsassignés. Ces objectifs peuvent à lafois porter sur des aptitudes àdévelopper chez les apprenants et surle fonctionnement du système lui-même (assurer une égalité de traite-ment et/ou de réussite, scolariserensemble les filles et les garçons, ...).

Parmi l’ensemble des variables quicontribuent à l’efficacité d’unsystème éducatif, l’attention a étécentrée sur ce que B.S. Bloom(1986) appelle les variableschangeables par opposition auxvariables stables telles que le statutsocio-économique des familles, les

caractéristiques personnelles desenseignants,...

Cette étude se centre sur lesvariables changeables qui sontdirectement du ressort des décideurspolitiques, à l’exclusion de ce qui sepasse au sein des classes elles-mêmes. En d’autres termes, ce projetconcerne davantage le niveaumacroscopique (le système éducatif)que microscopique (la classe). Il estcependant indispensable aux acteurslocaux (enseignants, parents, ...) debien connaître le fonctionnement dusystème dans son ensemble pourpouvoir y jouer leur rôle avec uneefficacité et une satisfactionmaximales.

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

LES MODALITÉS DE REGROUPEMENT DES ÉLÈVES

Un rapide panorama européen

A propos des modalités deregroupement des élèves, un certainnombre de conclusions ont pu êtretirées d'une consultation large de lalittérature scientifique et des étudesinternationales, notamment cellesmenées par l'I.E.A.1 Un grandnombre de documents, produits parles Etats-Membres eux-mêmes et les

1 L'IEA (International Association for Evaluation

of Educational Achievement - Associationinternationale pour l'Évaluation du Rendementscolaire) est une organisation non gouverne-mentale regroupant des institutions de recherchequi coopèrent pour conduire des étudesinternationales dans le domaine de l'éducation. Uncertain nombre d'études menées par l'I.E.A. serontmentionnées dans le texte.Il s'agit de:SIMS : La Second International MathematicStudy de l'IEA (1981) propose une évaluation desacquis des élèves en mathématiques à deuxmoments de la scolarité secondaire (à 13 ans et enfin de scolarité secondaire) dans une vingtaine depays à travers le monde. Les principalespublications liées à cette enquête sont dues àD.F. Robitaille & R.A. Garden, L. Burstein.SISS : La Second International Science Study del'IEA (1985) a évalué les savoirs et savoir-fairedes élèves de 10 ans, de 14 ans et en fin descolarité secondaire dans plus de vingt pays àtravers le monde. Les principales publicationssont dues à T.N. Postlethwaite & D.E. Wiley.Reading literacy (1991) est la seconde étude del'IEA en compréhension de lecture pour les élèvesâgés de 10 ans et de 14 ans. Les résultatsprincipaux de cette recherche sont présentés dansW.B. Elley.TIMSS : La Third International Mathematics andScience Study a été menée en 1995 dans unequarantaine de pays. Les résultats ont été publiéspar l'équipe du Boston College, sous laresponsabilité scientifique de A. Beaton.

instances de l'Union ont égalementété consultés.De manière générale, les pays sedistinguent selon qu'ils considèrentl'hétérogénéité des populationscomme une donnée naturelle défa-vorable aux performances dusystème ou, au contraire, commeune richesse dont il convient detirer parti. Cela se traduit, auniveau de l'organisation scolaire,par une tendance à réduirel'hétérogénéité au sein des groupesd'apprentissage, dans le premiercas, à conserver au sein des classesune variété aussi large que cellequi est rencontrée dans l'ensemblede la population, dans le second. Letableau 1 résume certaines pratiquesqui peuvent être mises en oeuvre parles Etats-Membres en vue d'assurerune plus grande homogénéité desclasses.

Le mode de calcul des différentsindices est décrit dans le rapporttechnique.

Les indicateurs retenus sont rela-tivement stables à travers lesétudes considérées durant ces dixdernières années, à l'exception de laSuède qui tend à augmenter lesdisparités et du Portugal qui tend àréduire ces disparités entre 1991 et1995. Ces deux modificationssemblent associées aux réformes encours dans ces deux systèmes.

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 7-8/2001 29

Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Tableau 1 - Indicateurs de regroupement des élèves en classes homogènes.

Mixitéréelleécole

1

Mixitéréelle

classe2

Promo-tion pri-maire

3

Retard à14 ans(1991)

4

Retard à14 ans(1995)

5

Filières14 ans

6Sectori-sation

7Regrou-pementpar âge

8

Ensei-gnementspécial

9

Rétenti-vité à

17 ans10

B fr 73,6% 56,7% R. 48,9% 35,9% oui non 40,1 3,61% 100%B fl 39,2% 30,8% R. - - - 23,2% oui - - -NL 83,1% 67,4% R. 28,4% 30,7% oui non 18,3 4,32% 91%D 77,9% 66,9% R. 27,2% 22,1% oui - - - 17,6 3,29% 93%E 83,3% 71,0% R.C. 29,1% 28,9% oui non 13,2 0,45% 73%

IRL 55,6% 31,8% P. 19,1% 16,7% oui non 22,1 1,01% 84%F 92,9% 66,9% R.C. 47,8% 36,7% oui oui 27,2 2,63% 92%I - - - - - - R. 21,6% - - - oui oui 11,6 0,18% - - -

UK E/W 78,9% 59,5% P. - - - 1,0% oui non - - - 0,98% 74%AUT 82,2% 67,7% R. - - - 17,8% oui oui - - - 1,58% 86%

P 96,2% 59,2% R.-- 51,7% 39,7% non oui 19,4 0,39% 67%UK Sc 98,0% 82,7% P. - - - 3,0% oui non - - - 0,98% 74%

EL 96,5% 84,0% R.-- 15,7% 12,6% oui oui 13,3 0,91% 57%DK 83,2% 81,9% P. 6,2% 9,9% non non 6,6 0,45% 81%S 97,8% 72,2% P. 3,3% 3,2% non non 5,0 0,06% 95%IS 75,2% 66,7% P. 1,1% 0,6% non oui 6,0 0,47% - - -FIN - - - - - - R.-- 5,6% - - - non oui 8,3 1,65% 92%NO 92,1% 86,3% P. 9,2% 1,9% non oui 7,7 0,48% - - -L11 - - - - - - R. - - - - - - oui oui - - - 0,98% - - -

R. = redoublement annuel possible; R.C. = redoublement à l'issue de chaque cycle;R.-- = redoublement exceptionnel; P. = promotion automatique; - - - = données non disponibles.

1 Pourcentage d'écoles dans lesquelles aucun des deux sexes ne représente plus de 65% de la population scolaire du

grade considéré (Source : upper grade, population 2, IEA TIMSS, 1995).2 Pourcentage de classes dans lesquelles aucun des deux sexes ne représente plus de 65% de la population scolaire du

grade considéré (Source : upper grade, population 2, IEA TIMSS, 1995).3 EURYDICE (1996), EURYBASE.4 Pourcentage d'élèves en retard (Source : population 2, IEA Reading-Literacy, 1991).5 Pourcentage d'élèves en retard (Source : upper grade, population 2, IEA TIMSS, 1995).6 Présence de filières à 14 ans (Source : EURYDICE, EURYBASE, 1996).7 Répartition des élèves en fonction du domicile (Source: EURYDICE, EURYBASE, 1996).8 Pourcentage de variance expliquée de l'âge des élèves (exprimé en mois) en fonction du groupe d'apprentissage

(classe) (Source : population 2, IEA Reading-Literacy, 1991).9 Pourcentage d'élèves qui fréquentent un établissement d'enseignement spécial distinct (Source : Commission

européenne, Chiffres Clés , 1997).10 Pourcentage du groupe d'âge (17 ans) encore scolarisé (Source : EUROSTAT, Education dans l'Union européenne -

Statistiques et indicateurs, 1996).11 Un trop grand nombre de données manquantes interdit de classer ce pays correctement.

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Dans le tableau ci-dessus, les casesgrisées indiquent une pratique plusorientée vers la création de groupesd'apprentissage homogènes.

Les indicateurs considérés portentprincipalement sur:

- la mixité réelle des établisse-ments et des classes (à 14 ans);

- la promotion automatique oule redoublement dans l'ensei-gnement primaire;

- le taux de retard scolaire esti-mé à 14 ans, en 1991 et 1995;

- la présence de filières à cet âge;- la sectorisation au niveau de

l'enseignement primaire;- le regroupement des élèves en

fonction de leur âge au seind'une année scolaire;

- l'importance des établissementsspécialisés, en dehors de lafilière d'enseignement ordinaire;

- le taux de rétentivité à 17 ans .

Les pays du nord de l'Europe(Danemark, Suède, Norvège, Islandeet Finlande) ont mis en place des

structures institutionnelles quifavorisent l'organisation de groupestrès hétérogènes. A l'opposé,l'Allemagne, les Pays-Bas et laBelgique favorisent des pratiques quicontribuent à la formation degroupes très homogènes.

Entre ces deux groupes, d'autrespays adoptent des attitudes moinstranchées : l'Espagne, l'Irlande et laFrance, d'une part, et l'Italie, leRoyaume-Uni, le Portugal et laGrèce, d'autre part, ont adopté desstructures qui limitent partiellementla possibilité des regroupementshomogènes. Certains ont adopté lapromotion automatique, d'autres unesectorisation relativement sévère.

La figure 1 illustre cette différenced'approche de l'hétérogénéité desgroupes d'apprentissage dans les sys-tèmes éducatifs de l'Unioneuropéenne. Une couleur plussombre indique la mise en oeuvreplus importante de pratiquesconduisant à la formation de groupeshomogènes.

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Figure 1 - Typologie des Etats-Membres en fonction du niveau d'hétérogénéité des groupes d'apprentissage(d'après le tableau 1).

d’hétérogènéité moyenne

très hétérogènes

très homogènes

Groupes d’apprentissage(classes)

Dans la figure 2, l'effet d'agréga-tion1, c'est-à-dire la tendance àregrouper dans chaque classe desélèves aussi semblables que possiblequant à leurs performances, estd'autant plus important que les deuxsymboles relatifs à l'un des deuxniveaux scolaires sont distants (pour l'enseignement primaire et

pour le niveau "14 ans").

1 Techniquement, cet effet d'agrégation est mesuré

par le coefficient de corrélation intraclasse. Lesdonnées présentées dans la figure suivante sontissues de l'étude IEA Reading-Literacy (1991). Enfrançais, voir notamment D. Lafontaine (1996).Performances en lecture et contexte éducatif -Enquête internationale menée auprès d'élèves de9 et 14 ans. Bruxelles: De Boeck.Les résultats des anciens et des nouveaux Länderde la République fédérale d'Allemagne sontpubliés séparément par l'IEA, car l'étude a étépréparée avant la réunification.

Ainsi, dans le cas de la Communautéfrançaise de Belgique (Belgique fr.),l'effet d'agrégation au niveauprimaire s'élève à 20% environ alorsqu'il approche des 45% à 14 ans.Cela signifie que la tendance àregrouper les élèves selon leursperformances y est bien plusimportante au niveau del'enseignement secondaire que del'enseignement primaire. EnFinlande, c'est la tendance inversequi est observée, même si latendance générale au regroupementd'élèves de même niveau y estbeaucoup plus faible, quel que soit leniveau scolaire considéré.

L'effet d'agrégation lié à la classe, auniveau primaire, oscille entre 15 et

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

25%; seuls le Portugal, l'Italie et laGrèce atteignent des valeurs plusélevées. A 14 ans, on peut distingueressentiellement deux groupes depays. Dans le premier groupe,composé des Pays-Bas, del'Allemagne, de la Suisse, del'Irlande, de la Belgique francophone

et de la France, l'effet d'agrégationaugmente considérablement (jusqu'à60% dans le cas des Pays-Bas) entre9 et 14 ans. Le second groupe secaractérise soit par une stabilisationde l'effet d'agrégation, soit par uneréduction, entre 9 et 14 ans.

Figure 2 - Représentation graphique des différences qui peuvent exister entre deux classes primaires ou deuxclasses secondaires dans chacun des pays qui ont participé à l'étude I.E.A. Reading-Literacy (1991).

PAYS-BAS

RFA (anciens Lander)

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100

SUISSE

IRLANDE

BELGIQUE fr.

FRANCE

PORTUGAL

ITALIE

HONGRIE

GRECE

ESPAGNE

ISLANDE

SLOVENIE

RFA (nouveaux lander)

SUEDE

DANEMARK

NORVEGE

FINLANDE

PAYS-BAS

ALLEMAGNE (anciens Länder)

SUISSE

IRLANDE

BELGIQUEfr.

FRANCE

PORTUGAL

ITALIE

HONGRIE

GRECE

ESPAGNE

ISLANDE

SLOVENIE

ALLEMAGNE (nouveaux Länder)

SUEDE

DANEMARK

NORVEGE

FINLANDE

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Chaque système éducatif sembledonc traiter les différences entreélèves d'une manière qui lui estpropre. Certains systèmesrecherchent plus que d'autres unehomogénéité maximale au sein deleurs classes. Pour arriver à cetobjectif, c'est tout un ensemble depratiques (redoublement, classes deniveau, filières, hiérarchisation desétablissements, ...), plutôt qu'uneseule, qui est mis en oeuvre, commele montre le tableau 1. Cettehomogénéisation à l'intérieur desclasses conduit généralement à aug-menter les différences entre classeset/ou entre établissements scolaires.

L'organisation de classes hétérogèneset la massification ne portent paspréjudice aux élites

Les deux premières études inter-nationales en mathématiques et ensciences de l'I.E.A. (1965, 1971,1981 et 1985) ont largementdémontré la relation importante entrela rétentivité et le rendement moyenau terme de l'enseignementsecondaire. Même si les élèves despays à forte rétentivité obtiennentune performance moyenne plusfaible, les meilleurs élèves nesouffrent pas de cette démocrati-sation de l'enseignement secondairesupérieur (J.P. Keeves, 1992;T. Husen, 1967; D.F. Robitaille,R.A. Garden, 1989). Ainsi, lesmoyennes des meilleurs élèves ausein de chaque pays (par exemple,les 5% qui obtiennent les notes les

plus élevées) présentent moins dedifférences que les moyennescalculées sur l'ensemble de lapopulation testée. En second lieu, lesélèves qui atteignent ou dépassent unseuil de performance élevé représen-tent des pourcentages trèssemblables, non pas de la populationscolarisée, mais bien de lapopulation d'âge susceptible d'êtrescolarisée à ce niveau. En d'autrestermes, le maintien d'un pourcen-tage élevé de jeunes dans l'en-seignement secondaire supérieurn'altère pas la performance desmeilleurs étudiants.

Des pratiques convergentes

La figure 3 illustre les relations entredisparité entre classes et taux deretard scolaire dans différents sys-tèmes éducatifs européens1. Si lestaux de retard scolaire et le niveaudes disparités entre classes sontassez faibles dans les différents paysdu nord de l'Europe (Finlande,Norvège, Danemark, Suède,Islande), au moins l'un de ces deuxindicateurs est particulièrement élevépour les autres pays. Le taux deretard est surtout très élevé au

1 B= Belgique francophone, CH= Suisse, D-e=

Allemagne (nouveaux Länder), D-o= Allemagne(anciens Länder), DK= Danemark, E= Espagne,EL= Grèce, F= France, FIN= Finlande, HU=Hongrie, I= Italie, IRL= Irlande, IS= Islande,NL= Pays-Bas, NO= Norvège, P= Portugal, S=Suède, SL= Slovénie.

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34 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 7-8/2001

Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Portugal, en France et en Belgiquefrancophone alors que c'est surtoutl'indicateur de disparité qui est élevéaux Pays-Bas, en Suisse et enIrlande. Quelques pays, commel'Espagne ou l'Italie occupent uneposition intermédiaire sur les deuxindicateurs.

L'observation des pratiques deregroupement homogène des élèves(filières d'enseignement, classes deniveau, redoublement, ...) au seind'un certain nombre de systèmeséducatifs et non dans d'autresconduit à penser qu'il existe unetendance propre à rechercher unniveau propre d'homogénéité au sein

des classes. Cette tendance se traduitégalement lors des réformes par unmécanisme de compensation: toutetentative de modifier les pratiques desurface (par exemple, le passage d'unsystème à redoublement vers unsystème à promotion automatique)s'accompagne généralement d'unaccroissement d'autres mécanismesde regroupement homogène quin'ont pas été pris en considération(augmentation du nombre d'élèvesretenus dans l'enseignement mater-nel, accroissement des disparitésentre classes et établissements,augmentation de la fréquentation del'enseignement spécial lorsqu'ilexiste, ...).

Figure 3 - Relation entre taux de retard scolaire (à 14 ans), exprimé en %, et taux de disparité entre classes(Source: I.E.A. Reading Literacy).

Taux de retard scolaire

Dis

pari

té e

ntre

cla

sses

0

10

20

30

40

50

60

0 10 20 30 40 50 60

B

CHD-o

D-eDK

E

FIN

F

ELHU

IRL

IS

I

NL

NO

P

SLS

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Dans la suite du texte, l'efficacité dedifférentes pratiques d'homogénéisa-tion sera envisagée. Les effetspervers de ces pratiques serontégalement examinés.

Quelques modalités de regroupementdes élèves

Pendant longtemps, les systèmeséducatifs européens ont scolarisé unepartie seulement de chaque classed'âge. Certains pays économique-ment moins développés connaissentencore actuellement des taux descolarisation faibles. Si le problèmede l'accès peut être considéré commerésolu dans nos pays industrialisésen ce qui concerne l'enseignement debase (l'accès à la scolarité obliga-toire, la prolongation de celle-ci et larétentivité y sont relativementimportants), tous les élèves n'ont pasun accès identique aux études postobligatoires ou à l'emploi1.

Dans le passé, le parcours scolairedes élèves, dès l'enseignement debase, a été déterminé par certainescaractéristiques individuelles et nonchangeables. Parmi celles-ci, le sexeet l'appartenance ethnique ont sans

1 Ce dernier aspect n'est pas traité dans cette étude

puisque celle-ci porte sur la scolarité obligatoire.

doute été les plus importantes. Si ladiscrimination sur la base de cescaractéristiques est généralementcondamnée ou combattue de nosjours, il subsiste malheureusementencore des différences objectives enterme de réussite au sein de nossystèmes éducatifs.

La ségrégation sur la base du sexe

Les pays qui accordent une placeimportante aux écoles privées,notamment organisées par desinstitutions religieuses, connaissenten général des taux de mixité plusfaibles que les autres (tableau 2).Dans ces pays, il est parfois difficilede dégager l'impact de la mixité/nonmixité de celui d'une répartitioninégale des élèves de catégoriessocio-économiques différentes danschaque réseau d'enseignement.

Au-delà des règles, il peut subsisterdes différences importantes en termede mixité réelle au niveau desclasses. Ainsi, si on considère à lafois les établissements et les classesqui y sont organisées, le taux demixité observé peut varier sensible-ment d'un niveau à l'autre.

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36 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 7-8/2001

Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Tableau 2 - Pourcentage d'écoles et de classes réellement mixtes dans différents pays à 14 ans (Source:échantillon de l'étude I.E.A. Reading-Literacy, 1991). Seules les écoles et les classes dans lesquelles aucun des

deux sexes ne représente plus de 65 % ont été considérées comme réellement mixtes.

% d'écoles mixtes % de classes mixtesIrlande 37,2 % 26,5 %Belgique (Communauté française) 50,8 % 40,0 %Pays-Bas 76,9 % 68,6 %Espagne 85,2 % 65,4 %Portugal 94,7 % 56,3 %Allemagne (nouveaux Länder) 95,4 % 74,1 %Suisse 96,9 % 74,5 %Italie 97,0 % 76,9 %Suède 98,0 % 85,2 %Allemagne (anciens Länder) 98,4 % 84,8 %Norvège 98,9 % 68,1 %Grèce 99,1 % 83,7 %Danemark 99,2 % 89,4 %Hongrie 99,2 % 77,1 %Islande 99,8 % 78,7 %Finlande 100,0 % 80,7 %France 100,0 % 66,2 %Slovénie 100,0 % 92,8 %

Certains systèmes éducatifs séparentactuellement les filles et les garçonspour une partie du curriculum, en sebasant sur une conception liée audéveloppement différentiel desjeunes filles et des jeunes garçons,de manière à assurer à chacun, àl'issue des apprentissages, deschances égales de succès dans tousles domaines. Cette pratique ne peutcependant pas être confondue avec laréelle ségrégation des sexes visantà former deux groupes distinctsayant des destinées sociales etprofessionnelles différentes, en fonc-tion directe du sexe des élèves.Les habitudes, notamment enmatière de choix de profession,d'intérêt pour les disciplinesmathématiques ou scientifiques, ...conduisent parfois plus de filles oude garçons dans certaines filières ouvers certaines options. Cela semarque bien sûr d'autant plus qu'il

existe des stéréotypes liés auxprofessions et que le systèmeéducatif oriente précocement lesélèves vers des filières ou desoptions.De manière générale, les étudesinternationales montrent que lesdifférences de résultats entre filles etgarçons s'atténuent depuis les annéessoixante jusqu'à nos jours, demanière plus ou moins importante,selon les disciplines considérées.Cependant, l'écart entre les deuxsexes, à l'avantage des garçons, pourles disciplines scientifiques, àl'avantage des filles, pour lesdisciplines littéraires, s'accroît aucours du cursus, du début del'enseignement primaire à la fin del'enseignement secondaire. Parailleurs, ce constat masque desvariations importantes entre pays:certains systèmes éducatifs génèrentdes différences de rendement

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 7-8/2001 37

Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

importantes entre sexes à l'inversede ce qui se passe dans d'autressystèmes.

Les études de l'I.E.A., ainsique certaines analyses secondaires(Young & Fraser, 1992), semblentcependant infirmer l'existence d'unlien direct entre mixité des établisse-ments scolaires et différences derendement. Par contre, les attentes etles aides parentales à l'égard del'éducation des filles semblent par-ticulièrement déterminantes, notam-ment en mathématiques (Hanna,1994).

Le libre choix de l'établissement sco-laire et l'instauration d'un quasimarché scolaire

Certains systèmes conditionnentl'inscription des élèves dans chaqueétablissement à leur domicile fami-lial - cette pratique est connue, enfrançais, sous les termes de "cartescolaire" ou de "sectorisation" -,d'autres par contre autorisent le librechoix de l'école, même au sein del'enseignement public. La mise enoeuvre d'un système contraignantd'affectation des élèves aux éta-blissements scolaires relève, soitd'une volonté d'égalisation durecrutement (idée de l'Ecolerépublicaine en France, mise enplace du Busing1 de manière à luttercontre la discrimination racialeaux États-Unis, ...), soit d'un souci

1 Transport par bus des élèves défavorisés de

certains quartiers vers des établissements situésdans des quartiers plus aisés.

de planification des besoins enmatière d'enseignement. Cettepratique a généralement pour effet,recherché ou non, de rendre lesécoles plus semblables entre elles, enévitant la création d'établissementsghettos.

Les systèmes scolaires qui laissent lemarché scolaire s'organiser de lui-même, accentuent parfois cetteapproche en publiant des donnéesrelatives à chaque école de manière àpermettre aux parents de faire leurchoix en toute connaissance decause.Certains pays accueillent un ouplusieurs réseaux importantsd'établissements privés, subven-tionnés ou non. Parfois même,comme en Communauté flamandede Belgique, le réseau privésubventionné est majoritaire auniveau secondaire.

Qu'il s'agisse d'un souci deplanification ou d'une réelle volontépolitique de la part des systèmes, ilexiste cependant dans les pays quiconnaissent une carte scolaire, unecertaine mobilité des élèves. Ce sontgénéralement les familles qui jouis-sent d'un niveau socio-économiquesupérieur à la moyenne de celui del'établissement que leurs enfantsdevraient normalement fréquenterqui tentent de les scolariser dans desétablissements qui regroupent desélèves d'origine sociale plus élevée(Duru-Bellat & Henriot-Van Zantem,1992).

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

L'assignation géographique desélèves est d'autant moins efficaceque la répartition des niveauxsociaux entre les différents quartiersd'habitation est elle-même trèscontrastée.Les pays dans lesquels s'observentdes quartiers très défavorisés, qu'ilsutilisent ou non le système de cartescolaire, peuvent mettre en oeuvredes mécanismes compensatoiresvisant à assurer aux écoles quiaccueillent un public défavorisé unencadrement ou des moyensmatériels plus importants. C'est ceque recouvrent notamment lestermes de zone d'éducation priori-taire ou de discriminationspositives. L'évaluation de cespratiques est d'autant plus malaiséequ'il s'agit souvent d'un enjeupolitique important et que ladéfinition des zones défavorisées nerepose pas toujours sur une étudesocio-économique préalable.

Le redoublement (ou "graderetention")

L'âge chronologique est considérécomme un bon indicateur de déve-loppement, notamment cognitif. Iln'est donc pas étonnant de constaterque les systèmes éducatifs assignent,à chaque âge, un ensemble d'appren-tissages, définissant ainsi une annéescolaire ou un grade . Le passaged'une année scolaire à la suivante estdéterminé par l'âge des élèves.

Dans certains systèmes éducatifs, lepassage d'une année scolaire à la

suivante s'opère automatiquement.D'autres systèmes appliquent unesélection plus ou moins rigoureuse,retenant une partie de la population,jugée en retard ou, au contraire, dansdes cas moins nombreux, octroientun avancement supérieur à lanorme. Cette décision de promotionou de retenue peut s'effectuerannuellement ou à l'issue d'un cyclecomportant plusieurs annéesscolaires.

La pratique du redoublement(Crahay, 1996), si elle vise àhomogénéiser les groupes d'élèvesen fonction de leurs aptitudes,conduit à un étalement, parfois trèsimportant, des âges au sein dechaque année d'études, et d'unemanière générale, produit uneélévation de l'âge moyen des élèves.L'importance des retards est aussifonction du nombre d'occasionsoffertes au système scolaire pourévaluer et provoquer leredoublement.

La figure 4 décrit deux systèmesdont les pratiques, en matière depromotion ou de redoublement sontdiamétralement opposées. Legraphique du haut représente ladistribution des âges dans unsystème à promotion automatique,l'Islande, alors que le graphique dubas représente, quant à lui, unsystème qui pratique le redouble-ment de manière importante. Il s'agitde la Communauté française deBelgique. Les données sont issues del'étude I.E.A. Reading-Literacy. Sidans le premier cas, l'âge des élèves,

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

exprimé en mois, couvre une périoded'une année, en Communauté fran-çaise de Belgique, l'étalement desâges des élèves qui fréquentent lamême année scolaire y est bien plusgrand. Alors que les élèves islandaisde 9,8 ans fréquentent le grade 3, lespetits Belges du même âge sontinscrits dans le grade 4 (la scolaritéobligatoire y débute un an plus tôtqu'en Islande). Au grade 8, les petitsIslandais ont en moyenne 14,8 ans

alors que les petits Belges ont14,3 ans. Si les premiers ont bienl'âge moyen attendu, les secondsprésentent tous, en moyenne, unretard, acquis durant les 4 annéesnormales de scolarité, de l'ordre de6 mois, soit une demi-année d'étude.Le coût de cette pratique ne peut êtremis en balance avec aucun avantageau niveau du rendement moyen, nimême au niveau de la réussite desplus faibles.

Figure 4 - Représentation graphique des différences d'âge qui peuvent exister entre les deux grades testés danschacun des pays qui ont participé à l'étude I.E.A. Reading-Literacy (1991). L'âge des élèves est exprimé en mois

(horizontalement), le nombre d'élèves par tranche d'âges est exprimé sur l'axe vertical.

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50

100

150

200

250

300

350

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96 101

106

111 116 121

126

131 136

141

146 151 156

161

166 171 176

181 186 191

196

201 206 211

216 221 226 231

236

Grade 8Grade 3

Islande

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200

96 101 106 111 116 121 126 131 136 141 146 151 156 161 166 171 176 181 186 191 196 201 206 211 216 221 226 231 236

Grade 4 Grade 8

Belgique Fr.

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Il existe, à l'intérieur des systèmesqui pratiquent le redoublement, delarges différences de rendemententre élèves retardés et élèves àl'heure. Dans ces systèmes, ladispersion des résultats des élèvesd'une même année d'étude estlégèrement inférieure à la dispersiondes résultats des élèves issus desystèmes pratiquant la promotionautomatique.

Dans les systèmes qui pratiquent lapromotion automatique, on peutobserver une légère corrélationpositive entre l'âge exprimé en moiset le rendement scolaire, en début descolarité du moins. Cela signifie queles élèves nés les premiers semblentconnaître un léger avantage parrapport à ceux qui, bien querattachés à la même année scolaire,sont nés quelques mois plus tard1.

La promotion automatique peut,dans certains cas, être tempérée parune forme de "retenue préventive"de certains élèves au niveaupréscolaire. En Autriche (OCDE,1997), la direction des établis-sements scolaires peut soit retarderl'entrée des enfants qui ne sont pasjugés aptes, soit les placer dans uneclasse préscolaire (Vorschulstufe)alors que les autres enfants de lamême classe d'âge débutent leurscolarité primaire. Cela concernequelque 10 % des enfants. De même,

1 C'est également ce que constate Husen en 1967

(p. 228) : Children with birthdays toward the endof the school year tend to do less well in allcountries: this effect is accentuated in selectivesystems with multiple points of entry.

au Danemark, les 7 % d'élèves dugrade 3 qui dépassent d'un an l'âgeattendu, ne résultent pas uniquementdu redoublement, considéré commeexceptionnel.

Les méta-analyses2 menées sur desétudes quasi expérimentales3 nemontrent, elles non plus, aucunintérêt des pratiques deredoublement sur la promotionautomatique. Elles soulignent mêmeles effets négatifs du redoublement

2 Glass définit les méta-analyses comme l'analyse

statistique d'un grand nombre de résultats derecherches différentes dans le but d'intégrer lesdécouvertes. Selon Glass, les méta-analyses:1. utilisent des méthodes objectives pour choisir

les études qui participeront à la synthèse;2. décrivent les caractéristiques des études en

termes quantitatifs;3. traduisent les résultats de chaque étude sur une

échelle commune permettant de mesurerl'impact de la variable expérimentale;

4. utilisent des techniques statistiques de manièreà traduire les caractéristiques des recherchesen fonction des perspectives développées parl'analyse.

3 Quasi expérimental : Il est rare que le chercheurpuisse déterminer en toute liberté quand les élèvessuivront un programme d'enseignement et quelsélèves le suivront; pouvoir choisir au hasard lessujets qui participeront à une action éducative(groupe expérimental) et ceux qui en serontempêchés (groupe de contrôle) est encore plusrare. C'est pourquoi l'expérimentation satisfaisanttous les critères de rigueur scientifique - enparticulier, celui de la constitution aléatoire desgroupes - est exceptionnelle en éducation. Eneffet, cela supposerait que, parmi l'ensemble desélèves en difficulté scolaire, certains, par uneprocédure aléatoire, soient retenus et d'autrespromus avec leur groupe d'âge.Le plus souvent, on met en oeuvre des plans nésd'un compromis entre les impératifs scolairespsychologiques ou déontologiques et la rigueurexpérimentale; ce sont les plans quasi-expérimentaux.

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

sur les composantes affectives etsociales du développement desélèves qui sont retenus. C'est doncbien du côté des mesuresd'accompagnement qu'il fautchercher des solutions pour lesélèves les plus faibles.

Une procédure alternative auredoublement est de supprimer leregroupement des élèves en fonctionde leur âge, mais d'organiser desgroupes d'élèves issus de plusieursclasses d'âge en fonction de leursbesoins scolaires, qu'il s'agissede regroupements transitoires oupermanents (classes multi-grades).

La revue de la littérature scientifique(Veenman, 1996) démontre globale-ment l'absence de différencessignificatives en faveur des classesqui n'accueillent que les élèves d'uneseule année d'étude.

Les établissements à faibles effectifs,notamment dans les régions peupeuplées ou difficilement accessi-bles, peuvent aussi recourir à detelles organisations (classe unique,regroupant des élèves d'âge trèsvariable, sous la responsabilité d'unseul enseignant). Dans ce cas,cependant, il ne s'agit pasnécessairement d'une démarchepédagogique volontaire, comparableà celle mise en oeuvre dans lesclasses multi-grades.

Le regroupement des élèves selonleurs aptitudes (ou "ability grouping")

Le regroupement homogène desélèves en fonction de leursperformances scolaires peut, selonles systèmes éducatifs, prendredifférentes formes.

La première comporte les formes deregroupement immuable à travers lesdifférents cours. Un élève, enfonction de ses résultats scolaires oude toute autre mesure de sacompétence, est placé au sein d'ungroupe et, quelle que soit la matièreétudiée, reste avec ses condisciples.Cette catégorie regroupe essentielle-ment deux grandes modalitésd'organisation des systèmes éduca-tifs, soit au niveau de l'établissementscolaire, soit au niveau de la classe.Ces deux modalités ne sont cepen-dant pas mutuellement exclusives.

La seconde concerne les regroupe-ments homogènes à travers classespour des matières déterminées(essentiellement en lecture et enmathématiques) : les élèves appar-tiennent à des classes hétérogènes,mais sont groupés pour une ouplusieurs matières en fonction deleurs résultats à une épreuveportant sur celle(s)-ci. Les quelquesétudes examinées (Slavin, 1987,1996) suggèrent que ce type deregroupement peut être efficace à

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

condition que le temps et le rythmed'apprentissage, ainsi que le maté-riel, soient adaptés aux différentsgroupes. Faute d'un nombre suffisantd'études de ce type, seules lesmodalités de regroupement quirelèvent de la première catégorieseront abordées dans la suite dutexte.

Des établissements de "niveaux différents"

Le regroupement des élèves dans lesétablissements distincts s'effectuesoit en fonction de la réputation del'école, soit par le jeu des optionsoffertes à l'étudiant (options oufilières), qu'il y ait ou non unesélection formelle à l'entrée. Celaconduit les écoles à être fréquentéespar des publics différents. Al'intérieur de l'école, les élèvesprésentent alors de nombreusessimilitudes académiques, mais entreétablissements, il existe de grandesdifférences.

La mise en oeuvre de projetsd'établissement ou l'organisationd'établissements sur une base reli-gieuse, dans un pays où religion etappartenance ethnique peuvent seconfondre, peut également entraînerla mise en place d'établissementsrelativement distincts les uns des

autres, et accroître l'effet deségrégation.

La répartition des élèves peutconduire à différencier lecurriculum, et même le niveau desexigences ou la valeur du diplôme.C'est notamment le cas dans lessystèmes d'enseignement quipratiquent les classes de niveau ouorganisent des filières. Si, pour lesclasses de niveau, cela peut êtreconsidéré comme un effet nondésiré, puisqu'en principe les élèvesdevraient tous atteindre un mêmeniveau à l'issue de la formation, pourles filières, il s'agit d'une politiquedélibérée. On peut montrer d'autreseffets, non désirés cette fois, dusystème des filières.

Ainsi, on peut observer uneaugmentation de l'âge moyen desélèves des filières à orientationtechnique ou professionnelle enraison d'une orientation par choixnégatifs, résultat de l'abandon, aprèséchec dans les filières les plus"nobles". La figure 5 illustre l'impactdes filières, en Allemagne, surl'âge des élèves. C'est en effetdans les filières professionnelles(Hauptschulen) que l'on observe laproportion la plus importanted'élèves en retard.

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 7-8/2001 43

Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Figure 5 - Distribution de l'âge des élèves (exprimé en mois, sur l'axe horizontal) des quatre typesd'établissements secondaires existant en Allemagne (T1= Hauptschulen, T2= Realschulen, T3= Gymnasien etT4= Gesamtschulen). La partie centrale de la figure, en blanc, représente l'âge normal que les élèves devraient

avoir à ce niveau (Source: I.E.A.-Reading Literacy, 1991).

Plus d'un and'avance

0

20

40

60

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100

120

142 145 148 151 154 157 160 163 166 169 172 175 178 181 184 187 190 193 196 199 202 205 208 211 214 217

T1T2

T3

T4

Un and'avance

Un an deretard

Plus d'un an de retard

Age en mois

Au niveau des résultats, dans undomaine aussi important que lalittératie1, notamment en débutd'enseignement secondaire (14 ans),on peut déjà constater l'impact du

1 Littératie : Compétences minimales en lecture et

en calcul qu'un individu doit maîtriser pourdéchiffrer les signaux de son environnement etsatisfaire de manière autonome aux exigences dela vie quotidienne, personnelle ou professionnelle.(Commission ministérielle de terminologie del'éducation, CERI-OCDE, 28 juin 1996).Voir aussi : D. Lafontaine, Quoi de neuf enlittératie ? Regard sur trente ans d'évaluation dela lecture. Cahiers du Service de Pédagogieexpérimentale, 7-8, 71-95.

regroupement des élèves en filièresdistinctes. La figure 6 illustreégalement ce phénomène dans lesystème éducatif allemand.

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Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Figure 6 - Distribution des scores en compréhension de lecture en fonction de la filière(Hauptschulen, Realschulen, Gymnasien et Gesamtschulen) en République fédérale d'Allemagne

(Source: I.E.A.-Reading Literacy, 1991).

200250 300

350400

450500

550600

650700

750

Score en lecture GesamtschulenHauptschulen

RealschulenGymnasien

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250

300

350

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450

Nombred'élèves

La répartition des élèves en filièrespeut également conduire à desdisparités liées au sexe. Ainsi, auniveau du collège en France,structure en principe unique quiscolarise tous les élèves entre 11 et13 ans, 87% des classes sontréellement mixtes. Au-delà de cecycle d'observation, le jeu desoptions et des filières réduit cepourcentage à 68% seulement.

Une autre façon de tenir compte desdifférences entre élèves est derecourir à un enseignementspécialisé. Ce recours est variableselon les pays. Il semble d'autantplus important que le pays utilised'autres modes de regroupementhomogène des élèves. La figure 7décrit le taux d'élèves quifréquentent des établissementsséparés, réservés à l'enseignementspécialisé en Europe.

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 7-8/2001 45

Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Figure 7 - Pourcentage d'élèves (CITE 1, 2 et 3) qui fréquentent un établissement d'enseignement spécial(Source : EURYDICE, Chiffres clés, 1997).

0,00% 0,50% 1,00% 1,50% 2,00% 2,50% 3,00% 3,50% 4,00% 4,50%

Suède (S)

Italie (I)

Portugal (P)

Espagne (E)

Danemark (DK)

Islande (IS)

Norvège (NO)

Grèce (EL)

Luxembourg (L)

Royaume-Uni (UK)

Irlande (IRL)

Roumanie (RO)

Lichtenstein (LI)

Bulgarie (BG)

Pologne (PL)

Autriche (A)

Finlande (FIN)

Slovaquie (SK)

France (F)

Hongrie (HU)

Allemagne (D)

Belgique (B)

République Tchèque (CZ)

Pays-Bas (NL)

Des classes de "niveaux différents"

Les écoles accueillent un publicdiversifié, mais celui-ci est répartientre différentes classes en fonctiondes performances scolaires desétudiants (classes de niveau).

Cette organisation peut, elle aussi,conduire à des résultats nonsouhaités. Par exemple, comme nousl'avons déjà signalé, l'organisation de

classes de niveau peut amener à unedifférenciation précoce ducurriculum officiel et implanté(Burstein, 1993). Les deux modes deregroupement des élèves en écolesou en classes homogènes conduisentbien sûr à des résultats qui eux-mêmes trahissent cette répartition.Lorsque l'on dispose de mesureseffectuées dans plusieurs classes ausein des mêmes établissements, il estalors possible de distinguer l'impact

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46 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 7-8/2001

Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

du regroupement en écoles et enclasses au sein de celles-ci.

A titre d'illustration, la figure 8présente ces effets d'agrégation et lesniveaux auxquels ils interviennent.Ainsi, la partie supérieure de lafigure décrit l'impact du niveau"établissement" et du niveau "classe"sur les différences observées. Seuls7,8% des différences sont imputablesdirectement à la fréquentation d'unétablissement scolaire plutôt qu'unautre. En d'autres termes, lesmoyennes des différents établisse-ments sont relativement semblables.Par contre, les moyennes desdifférentes classes au sein de chaqueétablissement varient davantage(46,5%). Les différences entreélèves, au sein des classes, atteignent45,7%. Ce cas de figure, extrait des

données SIMS aux Etats-Unis(Burstein, 1993), traduit une volontéinstitutionnelle de maintenir desétablissements scolaires aussisemblables que possible tout enrecourant, au sein de ceux-ci, à desclasses de niveau.

La partie inférieure de la figure 8décrit, de la même manière, lesrésultats obtenus lors d'une étudenationale, effectuée en France. Si lesdifférences imputables au niveau desétablissements sont assez semblablesà celles des États-Unis (13,3%), lerecours aux classes de niveau,pratique interdite par le Ministre,n'est naturellement pas aussifréquent en France. Cela conduit àobserver une plus grande hétérogé-néité au sein des classes dans ce pays(Duru-Bellat & Mingat, 1997).

Figure 8 - Effets d'agrégation au niveau de l'établissement scolaire et de la classe aux États-Unis (SIMS),en haut, et en France, en bas.

7,8 %46,5 %

45,7 %

13,3 %21,4 %

65,3 %

Etats-Unis

France

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 7-8/2001 47

Gérer l'hétérogénéité des élèves - Méthodes de regroupement des élèves dans l'enseignement obligatoire

Ce modèle peut encore être complétéen tenant compte de l'organisation defilières.

La pratique du regroupementhomogène des élèves, mesuréepar l'intermédiaire de l'effetd'agrégation entre classes, nesemble pas liée à une améliorationdes résultats moyens lors d'enquêtesinternationales. Au contraire, desanalyses secondaires menées audépart des résultats de trois étudesinternationales (SIMS, SISS etReading Literacy) mettent enévidence une légère tendance enfaveur des pays qui ne pratiquent pasces modalités de regroupement.

Par contre, dans la troisième étudeinternationale sur les mathématiqueset les sciences (TIMSS), menée parl'I.E.A., une relation inverse, bienque légère, se marque à ce niveau.Les résultats des recherches quasi-expérimentales, synthétisées dansdes méta-analyses (Kulik & Kulik,1984; Slavin, 1987, 1990),confirment quant à elles l'absenced'un effet favorable lié auregroupement homogène.

En situation expérimentale, où lesvariables pédagogiques font l'objetd'un contrôle strict, le regroupementhomogène ne produit pas d'effetdifférentiel selon le niveau desgroupes constitués; les classes quiaccueillent uniquement des bonsélèves ne progressent pasdavantage que les classescomposées essentiellement d'élèves

faibles (Slavin, 1987; Kulik &Kulik, 1984). Cependant, ensituation réelle, ce regroupements'accompagne d'une différenciationdu curriculum, de l'affectationd'enseignants aguerris et de pratiquespédagogiques en faveur, bienentendu, des élèves les plusperformants. Ces modificationspeuvent alors se traduire par unprogrès supérieur chez les élèves quibénéficient des meilleures conditionsd'apprentissage. Ces pratiques accen-tuent donc l'écart qui sépare lesélèves les plus faibles des élèves lesplus forts.

Dans le cas d'une pédagogietraditionnelle, basée sur l'idée d'unélève moyen, indépendamment duniveau de la classe, les progressionsdes élèves sont affectées par leurposition relative au sein de leurclasse; [...] les élèves faiblesprofitant d'un niveau moyen,supérieur ou bon, les élèves fortspâtissant de la fréquentation d'uneclasse d'un niveau moyen, inférieurou bon (Duru-Bellat & Mingat,1997).

Enfin, dans le cas très particulier desélèves surdoués ("gifted"), regrouperces élèves pour les soumettre à unprogramme accéléré se traduit par ungain notable de l'ordre d'une annéescolaire (Kulik & Kulik, 1984).Cependant, cet "écrémage" réduit lespossibilités d'organiser un appren-tissage coopératif, notamment par lebiais du tutorat, au bénéfice del'ensemble de la population scolaire.

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CONCLUSION

L'étude tente de dresser un état desconnaissances à propos des facteursd'efficacité des systèmes éducatifs.Une demi douzaine d'enseigne-ments importants ont été relevéslors de cette synthèse à propos desmodalités de regroupement desélèves. L'utilisation des expériencespédagogiques menées au sein despays de l'Union, et d'autres systèmeséducatifs, permet de mieux identifierces facteurs et d'envisager leur priseen compte dans d'autres contextesnationaux. Cette perspective estd'ailleurs assez semblable à celledéveloppée notamment par l'I.E.A.,pour qui la comparaison des rende-ments des différents systèmespermet d'isoler des facteurs d'effica-cité au sein de systèmes complexes.

Cette conception repose sur unevision systémique de l'éducation,

mais implique également la possibi-lité d'intervention volontaire sur lesystème, notamment par la mise enoeuvre d'un système efficace depilotage. Il convient donc, d'unepart, d'accroître la connaissancedes mécanismes qui interagissent,d'autre part, de mieux informer lesdécideurs des implications, parfoistrès complexes, que toute réforme outentative d'amélioration peut induire.

Une conception basée davantage surla sélection des élèves, voiredes écoles, que sur l'amélioration dusystème d'enseignement, est de plusen plus difficilement compatibleavec une réelle éthique démocrati-que. Cela conduit les recherches surl'efficacité à donner une placecentrale aux problèmes d'équité.

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EN RÉSUMÉ

Cet article a pour objet les différentes modalités de groupement des élèves etl'efficacité de celles-ci. En cette matière, six enseignements peuvent êtredégagés :

1 - Le caractère sélectif d'unsystème éducatif peut êtremesuré par sa tendance àformer des classes aussihomogènes que possible. Celase traduit concrètement par leregroupement d'élèves réputésforts dans certaines classes etd'élèves jugés plus faibles dansd'autres classes. Les systèmespeu sélectifs tendent, pour leurpart, à former des classesindépendamment des perfor-mances scolaires des élèves.

2 - Plusieurs méthodes conduisentà augmenter l'homogénéité ausein des classes :- la pratique du redoublement;- l'organisation de filières, en

ce compris l'enseignementspécial;

- le libre choix de l'établisse-ment scolaire et l'instaurationd'un quasi marché scolaire;

- la répartition des élèves entreclasses de niveaux distinctsdans les établissements;

- la ségrégation sur base dusexe ou d'autres facteursextra-scolaires.

3 - Si ces modalités de regrou-pement permettent parfoisd'obtenir une relative réductiondes différences entre élèves ausein des classes, un certainnombre d'effets pervers sontégalement observés, principale-ment en termes de traitementinéquitable des élèves.L'efficacité des pratiques deregroupement homogène, entermes d'augmentation durendement moyen des élèves,n'est généralement pas avérée.On observe plutôt une légèredétérioration des performancesmoyennes dans le cas dessystèmes très sélectifs. C'estsans aucun doute la pratiquesystématique du redoublementqui a le plus clairement montréses faiblesses. C'est aussi, à justetitre, cette modalité de gestion del'hétérogénéité qui est le plussouvent abandonnée ou remiseen cause.

4 - Au niveau de l'enseignement pri-maire (9 ans), les différents payseuropéens se distinguent peu entermes de niveau d'homogénéité

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dans les classes. Par contre, onobserve que certains systèmesaccentuent - ou au contraireréduisent - ce niveau d'homogé-néité quelques années plus tard(14 ans), sans que soient néces-sairement mis en oeuvre descurriculums distincts. Le tauxd'homogénéité dans les classes,vers 14 ans, diffère d'un sys-tème éducatif à l'autre, parfoisde façon très importante. Quelleque soit la discipline considérée(mathématiques, lecture, scien-ces), chaque système éducatifconserve sa tendance soit àregrouper, soit à séparer lesélèves en fonction de leurscompétences.

5 - L'organisation de classes hété-rogènes ne porte pas préjudiceaux élites. C'est la modificationdes curriculums et des attentes àl'égard des élèves les plus forts,dans les systèmes très sélectifs(classes réservées aux "mieuxdoués"), qui présentent unecertaine efficacité pour cesélèves. Par contre, les élèves lesplus faibles bénéficient decette organisation en classeshétérogènes.

6 - Les systèmes sélectifs recourentconjointement à différentes mo-dalités de regroupement desélèves. Lorsqu'on tente, par lebiais d'une réforme, d'abolir oud'assouplir l'une des modalitésde regroupement, le systèmepeut générer une augmentationcompensatoire d'une ou de plu-sieurs autres de ces modalités.Le risque est grand alors deconstater que certainespratiques de regroupement, nondirectement visées par laréforme, se sont développées, àla manière des vases communi-cants. Au sein des systèmeséducatifs qui recourent auregroupement des élèves selonplusieurs de ces modalités, touteréforme doit ainsi les prendre enconsidération dans leur ensem-ble, de manière à exercer unpilotage administratif efficace.Il importe également de tenircompte des représentations desacteurs qui attribuent en généralà ces pratiques, souventanciennes et bien implantées,une certaine efficacité.

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