grip: le programme haarp

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LES RAPPORTS DU GRIP LE PROGRAMME HAARP ________________________________________ SCIENCE OU DÉSASTRE ? Luc Mampaey 98/5 GROUPE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION SUR LA PAIX ET LA SECURITE

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science ou désastre ?

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Page 1: GRIP: le programme HAARP

LES RAPPORTS DU GRIP

LE PROGRAMME

HAARP ________________________________________

SCIENCE OU DÉSASTRE ?

Luc Mampaey

98/5

GROUPE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION SUR LA PAIX ET LA SECURITE

Page 2: GRIP: le programme HAARP

RAPPORT DU GRIP 2000/12

© Groupe de recherche et d'informationsur la paix et la sécurité (GRIP)rue Van Hoorde, 33B-1030 Bruxelles

Tél.: (32.2) 241.84.20

Fax: (32.2) 245.19.33

E-mail: [email protected]

Website: www.grip.org

Page 3: GRIP: le programme HAARP

RAPPORT DU GRIP 98/5 1

Avant-Propos

Ce rapport a initialement été présentécomme mémoire en vue de l'obtention du gradeacadémique de Diplômé d'Etudes Spécialiséesen Gestion de l'Environnement à l'UniversitéLibre de Bruxelles, Institut de Gestion de l'Envi-ronnement et d'Aménagement du Territoire(ULB-IGEAT) au cours de l'année académique1997-1998.

Je tiens à remercier tout particulièrementPaul SIMON, professeur à l'IGEAT et directeurde l'Institut d'Aéronomie Spatiale de Belgique,qui accepta de diriger ce travail de fin d'études,et permit sa réalisation dans d'excellentesconditions, grâce à sa disponibilité et ses judi-cieux conseils.

Bien d'autres conseils et encouragementsont encore contribué à la réalisation et l'enrichis-sement de ce travail.

Mes remerciements vont tout naturelle-ment à Rosalie BERTELL, Présidente du Inter-national Institute of Concern for Public Health(Toronto, Canada), ainsi qu'à Nick BEGICH,habitant en Alaska et leader de l'opposition auprogramme HAARP. Rencontrés à Bruxelles, àl'occasion d'une audition publique au Parlementeuropéen le 5 février 1998, ils sont sans aucundoute à l'origine de ma décision de rédiger cetravail. Malgré la distance, Nick BEGICH m'atransmis de nombreux documents d'une impor-tance capitale.

Je tiens à remercier également, dans le dé-sordre, tous ceux qui m'ont aidé, l'un à éclaircirun concept ou interpréter une donnée, l'autre àrechercher un document ou fouiller des archi-ves. Je pense particulièrement à MM. J. LE-MAIRE, Stéphanie FRETTA (Institut d'Aéro-nomie Spatiale de Belgique), Michel WAUTE-LET (Centre de Didactique des Sciences, Uni-versité de Mons-Hainaut), Jean-Pascal vanYPERSELE de STRIHOU (Institut d'Astrono-mie et de Géophysique de l'UCL), André DU-MOULIN (chercheur au GRIP), Alain REI-SENFELD (bibliothécaire au GRIP), ainsi qu'àtous les professeurs, assistants et collaborateursde l'IGEAT pour leur présence et conseils.

J'adresse également ces remerciements àMagda AELVOET (Présidente du groupe des"Verts" au Parlement européen), et Alain GOS-SENS (journaliste à Télémoustique), les pre-miers à avoir révélé l'existence de ce programmeau public belge, le 5 novembre 1997.

Enfin, il est utile d'informer le lecteur quela première partie est uniquement consacrée àdes rappels fondamentaux de chimie et de phy-sique de l'atmosphère. Ils sont indispensablespour aborder et comprendre la suite de l'exposérelatif au programme HAARP. Chaque lecteurjugera par lui-même, en fonction de ses propresconnaissances, de la nécessité de les lire.

Luc Mampaeyingénieur commercial

attaché de recherche au GRIPle 15 octobre 1998

Ce document a obtenu le

P r i x P h i l i p p e B o u r d e a u

décerné par l'Institut de Gestion de l'Environnement et d'Aménage-ment du Territoire (IGEAT) de l'Université Libre de Bruxelles (ULB)pour récompenser un travail de fin d'études présenté en vue de l'ob-

tentiondu DES en Gestion de l'Environnement (année académique 1997-98).

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RAPPORT DU GRIP 98/5 2

Résumé

Le Programme HAARP

Science ou désastre ?

Sur un site du département américain de la défense (DoD) à Gakona, en Alaska, l'U.S. Air Forceet U.S. Navy ont entrepris, en 1993, de faire construire une station de recherche sur les propriétés del'ionosphère d'une puissance jusqu'ici inégalée: c'est le programme HAARP, High Frequency ActiveAuroral Research Program.

Pure recherche scientifique affirment les militaires; étape supplémentaire et risquée dans lestentatives militaires de manipuler l'environnement à des fins hostiles, rétorquent quelques scientifi-ques et des organisations écologistes ou pacifistes.

A première lecture, rien ne distingue pourtant HAARP des installations de recherches ionos-phériques déjà en fonctionnement. Sauf le gigantisme des puissances évoquées, et le contrôle exclusi-vement militaire du projet. D'où les inquiétudes et la perplexité qu'il suscite, amplifiées encore par lalangue de bois, ou les silences, des autorités militaires. HAARP n'est-il que la partie émergée de nou-veaux projets militaires, préludes à une nouvelle course aux armements? HAARP risque-t-il de provo-quer des dommages irréversibles ou majeurs à l'environnement? Ou bien n'y a-t-il vraiment aucuneraison de s'inquiéter?

Les modifications de la biosphère à des fins militaires, ou à d'autres fins hostiles, sont interditespar une Convention de 1977, dite la Convention ENMOD. Pourtant, le concept de EnvironmentalWarfare fait bien partie du langage et des manuels militaires. Depuis le début des années 90 cepen-dant, alors que se développe aux Etats-Unis une Revolution in Military Affairs (RMA) sensée adapterles forces armées à leurs missions du 21ème siècle, les références aux techniques de modifications envi-ronnementales se multiplient.

Ces nouvelles missions, ou Future Warfare, reposent sur une domination dans l'air et dans l'es-pace, et nécessitent une maîtrise optimale de l'information, de l'environnement et des moyens decommunication, ainsi que de nouvelles classes d'armes à énergie dirigée. Vue sous cet angle, une in-tensification des recherches militaires sur les propriétés ionosphériques et les ondes électromagnéti-ques n'a rien de surprenant.

Il n'en fallait pas davantage pour propulser le Programme HAARP au cœur d'une controverse,qui finit par franchir l'Atlantique. Ce travail propose d'en faire le point.

La première partie rappellera certaines notions élémentaires de physique et de chimie de l'at-mosphère. Ces rappels fondamentaux permettront de mieux comprendre ce qu'est l'ionosphère et l'im-portance qu'elle revêt, notamment pour les opérations militaires. La deuxième partie s'intéressera auconcept et aux définitions de l'Environmental Warfare ainsi qu'aux règles de droit international qui s'yappliquent. La troisième partie s'intéressera au Programme HAARP proprement dit: la description duprogramme, la procédure d'impact sur l'environnement, son inscription dans un contexte historique etmilitaire, et la confrontation des points de vue à son égard.

HAARP est un programme scientifique. Aux mains des puissants, il peut cependant conduire auprogrès comme à l'oppression et au désastre. Sans préjuger des intentions finales des Etats-Unis, etreconnaissant que ce travail émet plusieurs hypothèses, et relaye certaines spéculations, il s'avère fon-der d'affirmer que le programme HAARP, en synergie avec d'autres programmes militaires, peutconduire à des déséquilibres dangereux pour l'environnement et les populations.

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RAPPORT DU GRIP 98/5 3

Sommaire

Avant-propos 1

Résumé 2

Liste des abréviations 4

Liste des tableaux, figures, encadrés et photographies 5

Introduction 6

1. Notions de physique et de chimie de l'atmosphère 10

1.1. Nomenclature atmosphérique 101.2. Les processus d'ionisation 121.3. Les régions de l'ionosphère et leurs propriétés 141.4. Les ceintures de radiations 161.5. L'importance militaire de l'ionosphère 17

2. Les manipulations militaires de l'environnement 19

2.1. Les modifications militaires de l'environnement et le droit international 192.2. Environmental Warfare 212.3. Applications: succès, frustrations et objectifs 27

3. Le Programme HAARP 30

3.1. Description technique du projet 303.1.1. Principales composantes de l'installation 303.1.2. Effets attendus sur l'ionosphère 323.1.3. Applications énoncées par les militaires 33

3.2. Les conclusions de l'étude d'impact 393.2.1. Base juridique 393.2.2. L'étude d'impact du projet HAARP 41

3.3. La face cachée de HAARP: entre réalité et spéculations 443.3.1. Les singuliers brevets du principal adjudicataire privé 443.3.2. HAARP et les grands projets militaires de l'après-guerre 533.3.3. HAARP et les scénarios militaires du futur 573.3.4. Le mouvement "NO HAARP" 62

Conclusion 69

Bibliographie 72

Annexe: Loi belge du 3 juin 1982 et Convention ENMOD de 1977 77

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RAPPORT DU GRIP 98/5 4

Liste des abréviations

AIM Artificial Ionospheric MirrorAOC Air Operations CenterAPTI Advanced Power Technologies, Inc.ARCO Atlantic Richfield CompanyBMDI Ballistic Missile Defense InitiativeBWM Benign Weather ModificationC3 Command, Control and Communi-

cationCBPRD Crédits Budgétaires Publics pour la

Recherche et DéveloppementCIA Couter Intelligence AgencyCINC Commander in ChiefCRM Chemical Release ModuleDARPA Defense Advanced Research Pro-

jects AgencyDC Direct Current, courant continuDEIS Draft Environmental Impact State-

mentDoC Department of CommerceDoD Department of DefenseDoE Department of EnergyEISCAT European Incoherent ScatterELF Extremely Low FrequencyEMP Electromagnetic PulseEPA Environmental Protection AgencyERP Effective Radiated PowereV électronvoltFAS Field Aligned ScatterersFEIS Final Environmental Impact State-

mentGRIP Groupe de recherche et d'informa-

tion sur la paix et la sécuritéGW gigawatt = 106 WattsHAARP High Frequency Active Auroral

Research ProgramHF High FrequencyHIPAS High Power Auroral StimulationhPa hectoPascal = 102 PascalHPMW High Power MicroWaveHz HertzIASB Institut d'Aéronomie Spatiale de

Belgique

ICBM InterContinental Ballistic MissileIDS Initiative de Défense StratégiqueIGEAT Institut de Gestion de l'Environne-

ment et d'Aménagement du Terri-toire (de l'Université Libre deBruxelles)

IR InfrarougeIRI Ionospheric Research Instrumentmb millibarMW mégawatt = 103 WattsNEPA National Environmental Policy ActNLW Non Lethal Weaponsnm nanomètre = 10-9 mètreNSA National Security AgencyNSF National Science FoundationNTBT Nuclear Test Ban TreatyOMS Orbital Maneuvring SystemOTH Over-The-HorizonPCO Polar Cap ObservatoryPFRL Pocket Flat Research RangePGM Precision Guided Munitionppm partie par millionRe rayon terrestre moyen (6,37 103 km)RMA Revolution in Military AffairsSPOT Système Probatoire d'Observation

de la TerreSPS Solar Power SatelliteTW terawatt = 1012 WattsUAV Uninhabited Aerospace VehicleUHF Ultra High FrequencyULF Ultra Low FrequencyUV UltravioletVLF Very Low FrequencyWFSE Weather Support Force Element

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RAPPORT DU GRIP 98/5 5

Liste des figures, tableaux, encadrés et photographies

Figure 1. Nomenclature atmosphériqueFigure 2. Coupe nord-sud de l'atmosphère en juilletFigure 3. Distribution verticale de la pression atmosphériqueFigure 4. Le spectre du rayonnement électromagnétiqueFigure 5. Représentation schématique de la structure thermique, de la densité en ions et en

particules neutres en fonction de l'altitudeFigure 6. Les différentes régions de l'ionosphère basées sur la distribution verticale de la den-

sité en électronsFigure 7. Trajectoire des particules piégéesFigure 8. Situation de la station HAARPFigure 9. Principe de réflexion des fréquences extrêmement basses après démodulation dans

l'ionosphère du signal modulé en amplitude de l'émetteur HFFigure 10. Principe des Field Aligned Scatterers, irrégularités de l'ionosphère alignées sur les

lignes de force du champ magnétique, et leur influence sur la transmission descommunications

Figure 11. Procédure de l'étude d'impact aux Etats-UnisFigure 12. Extrait du brevet 4.686.605 de Bernard EASTLUND, décrivant une technique de

modification des propriétés de l'ionosphère par l'émission d'une onde HF le longd'une ligne de force du champ magnétique

Figure 13. Extrait du brevet 4.686.605 de Bernard EASTLUND, décrivant une techniqued'élévation de la densité d'une région de l'ionosphère

Figure 14. Extrait du brevet 5.068.669 de Peter KOERT and James T. CHA, décrivant unetechnique de transport d'énergie

Figure 15. Extrait du brevet 5.202.689 de Robert W. BUSSARD and Thomas H. WALLACE,décrivant un miroir relais en orbite pour le transfert d'énergie

Figure 16. Extrait du brevet 4.817.495 de Adam T. DROIBOT, décrivant un système permet-tant la discrimination rapide entre objets pénétrant l'espace

Figure 17. Programmes sur l'atmosphère, les climats ou les communications impliquant l'Ins-titut de Géophysique de l'Université de l'Alaska

Figure 18. Emission croisée d'ondes HF pour créer un Miroir Ionosphérique ArtificielFigure 19. Scénarios pour la dégradation des télécommunicationsFigure 20. Les stations de recherche sur l'ionosphère dans le monde

Tableau 1. Matrice des capacités opérationnelles souhaitéesTableau 2. Les 19 systèmes requis par l'U.S. Air Force au 21ème siècleTableau 3. Les 25 technologies clés pour l'U.S. Air Force du 21ème siècle

Encadré 1. La Convention ENMOD et le droit belgeEncadré 2. Ondes électromagnétiques et biological process control

Photo 1. Ionospheric Research Instrument (IRI): vue partielle du réseau d'antennes d'émis-sion et des shelters contenant les générateurs.

Photo 2. Vue aérienne du site HAARP et de ses environs

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RAPPORT DU GRIP 98/5 6

Introduction

Les techniques de modification de l'envi-ronnement sont l'une des zones grises de la re-cherche militaire. Naviguer parmi les maigresinformations touchant à ce domaine, et en ex-traire une analyse objective, est dès lors unexercice délicat. Constamment, il est nécessairede se frayer un chemin entre les informationsqui traduisent l'état réel de la recherche militaireet celles qui relèvent encore de la science-fiction. Systématiquement, il faut distinguer lesdomaines qui sont réellement une préoccupationpour les états-majors militaires de ceux qui nesont que des extrapolations alarmistes de grou-pes d'intérêts divers, qui résultent soit (le plussouvent), d'un manque d'information, soit d'uneinterprétation inadéquate de l'information, voired'une désinformation délibérée.

Une évidence s'impose cependant, a prio-ri: le concept de Environmental Warfare a de-puis bien longtemps trouvé sa place dans lejargon militaire. Aux Etats-Unis, dès les années50, des rapports ou déclarations officielles re-connaissaient l'intérêt militaire des techniquesde modification des conditions climatiques,allant même jusqu'à considérer que le dévelop-pement de telles techniques pourrait devenir unearme plus importante que la bombe atomique.Depuis, les recherches en direction d'une maî-trise et d'une manipulation des éléments naturelsn'ont jamais cessé. Tout au plus, la Conventionde 1977 sur l'interdiction d'utiliser des techni-ques de modification de l'environnement à desfins militaires ou toutes autres fins hostiles a-t-elle ralenti l'allure des travaux, ou du moins leurpublication.

Actuellement, le concept de Environ-mental Warfare est explicitement envisagé dansles options de la Future Warfare élaborées parles états-majors. Les changements géostratégi-ques résultant de la fin de la guerre froide, l'in-novation et la maturité de certaines technolo-gies, ainsi que les enseignements de la guerre duGolfe, ont amené les militaires à une profonderemise en question des schémas qui organisaientjusqu'ici les forces armées dans la perspectived'un conflit de grande intensité entre deux blocsclairement identifiés.

Aux Etats-Unis en particulier, un consen-sus se dessine pour affirmer que les formidables

progrès de la science pourront résoudre la plu-part des nouveaux problèmes de sécurité aux-quels doivent, ou devront, faire face les améri-cains depuis l'éclatement du monde bipolairequi domina durant 50 ans. Les nouvelles possi-bilités offertes par la technologie ont donc inspi-ré une "révolution des affaires militaires" (Re-volution in Military Affairs, RMA) censée don-ner aux Etats-Unis les moyens de gagner nonseulement des guerres conventionnelles, maisaussi, de dominer dans ce que les Américainsnomment les low intensity conflicts, les conflictsshort of war et les operations other than war :terrorisme, révoltes, insurrections, narco-trafiquants, prises d'otages, etc... [METZ etKIEVIT, 1994].

Les armées doivent donc s'adapter à desrisques de conflits plus diffus, régionaux voireinternes. Les armements doivent suivre cetteévolution, et changer eux aussi. Les nouvellesmissions exigent notamment une maîtrise par-faite des moyens de communication et de l'in-formation, une capacité de contrôler et d'agir surl'environnement, une panoplie d'armes - dites"non létales" (Non Letal Weapons, NLW) 1 -psychologiques, biologiques, ainsi que les nou-velles classes d'armes à énergie dirigée (à impul-sion électromagnétique, EMP Weapons, parexemple).

Laissons donc aux militaires eux-mêmesle soin d'introduire ce document. Au mois d'août1996, dans le cadre d'une étude baptisée AirForce 2025, commandée par le chef d'Etat-major de l'U.S. Air Force afin d'examiner lesconcepts, capacités et technologies dont lesEtats-Unis auraient besoin pour maintenir leursupériorité aérienne et spatiale au siècle pro-chain, le colonel Tamzy J. HOUSE et uneéquipe de six autres officiers supérieurs de laAir University de l'U.S. Air Force ont publié unrapport au titre évocateur de "Weather as aForce Multiplier : Owning the Weather in2025". Le chapitre introductif de ce rapport[HOUSE et al., 1996] décrit le scénario d'uneopération militaire considérée par les auteurscomme "technologiquement possible" et "routi-nière" d'ici une trentaine d'années. Ce scénario

1 Luc Mampaey - Les armes non létales: nouvellestechnologies pour une nouvelle course aux arme-ments - Les Rapports du GRIP, 98/6, Bruxelles, dé-cembre 1998.

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RAPPORT DU GRIP 98/5 7

est fidèlement traduit dans les lignes qui sui-vent. Mieux que tout commentaire, il fixe lecontexte des questions abordées dans les chapi-tres suivants de ce travail.

"Imaginons qu'en 2025 les Etats-Uniscombattent depuis de plusieurs années unpuissant cartel sud-américain de la dro-gue bénéficiant d'importants appuis poli-tiques. Ce cartel a pu acquérir, sur lemarché d'occasion, des centainesd'avions de chasse russes et chinois quiont jusqu'à présent contrecarré toutes lestentatives américaines d'attaques de leursinstallations de production.

Le cartel dispose localement d'une su-périorité aérienne numérique considéra-ble. Dans les limites du territoire qu'ilcontrôle, le cartel dispose de la capacitéde lancer 10 avions pour chaque appareilque l'U.S. Air Force peut engager danscette région d'Amérique latine.

De plus, le cartel utilise le systèmed'imagerie satellite français SPOT, "Sys-tème probatoire d'observation de laterre", lequel est capable, en 2025, detransmettre en temps quasi réel, une ima-gerie multispectrale avec une résolutionde l'ordre du mètre.

L'analyse des observations météorolo-giques révèle que cette région équatorialed'Amérique du Sud se caractérise par desorages quotidiens, chaque après-midi,durant toute l'année. Les services de ren-seignement ont confirmé que les pilotesdu cartel sont très réticents à voler dansde telles conditions. Par conséquent, les"Weather Force Support Element"(WFSE), sous l'autorité du commandanten chef (Commander in Chief, CINC) duCentre des Opérations aériennes (AirOperations Center, AOC), a reçu pourmission de prévoir la trajectoire des ora-ges et de déclencher, ou d'intensifier leszones d'orages au-dessus des cibles ...Etant donné que les Américains disposenten 2025 d'une capacité aérienne adaptéeà tous les types de temps, la menace ora-geuse est minimale pour leurs pilotes ...

Le WFSE dispose des capacités demesure et de communication nécessaires

pour observer, détecter et agir selon lesexigences de modifications des facteursmétéorologiques requises pour venir enappui des objectifs militaires américains.Ces capacités sont intégrées à un systèmeavancé de gestion d'une zone de combatchargé du soutien des unités combattan-tes du CINC. Dans ce scénario, le CNICcharge le WFSE de conduire les opéra-tions d'intensification des tempêtes et dedissimulation. Le WFSE modélise lesconditions météorologiques pour prévoir,avec 90% de fiabilité, la probabilité desuccès d'une modification utilisant unsystème aéroporté de génération de nua-ges.

En 2025, des véhicules aérospatiauxinhabités (UAV) sont utilisés en routinepour des opérations de modification dutemps. En intégrant dans un modèle lemoment désiré pour l'attaque, les prévi-sions des vents et des perturbations, etune projection de la trajectoire des satel-lites du système SPOT, le WFSE est ca-pable de définir un profil de mission pourchaque UAV. Le WFSE guide chaqueUAV grâce au déploiement d'un réseaude senseurs qui fournissent une informa-tion pratiquement en temps réel.

Avant le lancement de l'attaque, coor-donnée avec les prévisions des conditionsmétéorologiques fournies par le WFSE,les UAVs commencent les opérations degénération et d'ensemencement des nua-ges. Les UAVs déploient un bouclier decirrus afin de priver l'ennemi de leursmoyens de surveillance visuels et infra-rouges. Simultanément, des générateursde micro-ondes provoquent localementdes scintillations pour interrompre lescapteurs actifs via des systèmes (Synthe-tic Aperture Radar, SAR) semblables ausystème canadien de recherche et de sau-vetage assisté par satellite (Seach andRescue Satellite-Aided Tracking, SAR-SAT) qui sera largement et commerciale-ment disponible en 2025. D'autres déve-loppements de nuages permettront auxperturbations en formation de s'intensi-fier au-dessus de la cible, limitant sévè-rement les capacités de défense de l'en-nemi.

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RAPPORT DU GRIP 98/5 8

Le WFSE contrôle l'ensemble des opé-rations en temps réel et enregistre l'achè-vement avec succès d'une nouvelle mis-sion de modification des conditions mé-téorologiques d'une opération militaire;une mission importante, mais routinièreen cette année 2025."

Farfelu? Science-fiction? Une lecture at-tentive de la littérature de diverses sources amé-ricaines, discrètes mais néanmoins publiques,dont le Département de la Défense (DoD), laDARPA (Defense Advanced Research Pro-gramme Agency), l'U.S. Air Force, l'U.S. Navy,l'U.S. Army War College, d'instituts de recher-che tels que la RAND Corporation et le Woo-drow Wilson Center, ou des firmes privées liéesaux programmes de recherche militaire, démon-trent pourtant que les techniques de modifica-tion de l'environnement sont une préoccupationancienne et permanente des Etats-Unis, maisqu'un regain d'intérêt pour ces techniques estnettement perceptible depuis le début des an-nées 90.

J'aborderai dans ce travail une seule desmultiples facettes de cette guerre du futur quepréparent les militaires. Information Warfare etEnvironmental Warfare partagent des exigencesidentiques: des systèmes de télécommunicationinfaillibles et une maîtrise de l'air et de l'espace.Ces contraintes expliquent un intérêt commun,et apparemment prioritaire, pour un élémentprécis de notre environnement: l'ionosphère 2.

Sur un site appartenant au départementaméricain de la Défense (DoD) à Gakona, enAlaska, l'U.S. Air Force et l'U.S. Navy ont en-trepris de faire construire, depuis 1993, unestation de recherche sur les propriétés de l'io-nosphère d'une puissance jusqu'ici inégalée:c'est le programme HAARP, High FrequencyActive Auroral Research Program.

Pure recherche scientifique affirment lesmilitaires; étape supplémentaire et risquée dansles tentatives militaires de manipuler l'environ-nement à des fins hostiles rétorquent certains

2 L'ionosphère sera définie dans la première partie, consa-crée au rappel de notions élémentaires de physique etchimie de l'atmosphère.

scientifiques et des organisations écologistes oupacifistes.

A première lecture, rien ne distinguepourtant HAARP des installations de rechercheionosphériques déjà en fonctionnement. Sauf legigantisme des puissances évoquées, et lecontrôle exclusivement militaire du projet. D'oùles inquiétudes et la perplexité de certains, am-plifiées encore par la langue de bois, ou les si-lences des autorités militaires. HAARP est-ilseulement la partie émergée d'un nouveau méga-projet militaire semblable à la "Guerre desEtoiles"? HAARP risque-t-il de provoquer desdommages irréversibles ou majeurs à l'environ-nement? Ou bien n'y a-t-il vraiment aucune rai-son de s'inquiéter?

Dans ces conflits passionnés, la vérité estsouvent quelque part à mi-chemin. Ce qui estcertain, néanmoins, c'est que les recherches surl'ionosphère reviennent comme une priorité dansde nombreuses études militaires relatives auxtechniques de modifications environnementales.En outre, garantir l'opérationalité des communi-cations alliées en toutes circonstances, et avoirla capacité d'interrompre les communicationsennemies pour une durée et en un endroit dé-terminés, sont un autre fil d'Ariane entre toutesles études sur les systèmes d'armes du siècleprochain; et dans ce domaine encore, le rôle del'ionosphère est fondamental.

Difficile, dès lors, d'imaginer que le plusambitieux programme de recherches et d'expé-riences sur l'ionosphère jamais entrepris, entiè-rement contrôlé par le DoD, soit une pure re-cherche scientifique, réellement indépendantede cette ambition, pourtant si clairement mani-festée par ailleurs, de développer les systèmesd'armes et les instruments de l'Information andEnvironmental Warfare du futur.

Ce travail tente de faire le point sur lacontroverse née de ce projet. L'ionosphère tientun rôle fondamental dans le fonctionnement denotre écosphère 3. Ce n'est pourtant pas le prin-

3 Ecosphère: un écosystème se définit par l'associationd'une biocénose (composée d'une phytocénose, zoocénoseet microbiocénose formant la communauté de tous lesorganismes vivant ensemble dans un même lieu) et d'unbiotope qui désigne leur milieu de vie et comporte unclimatope (ensemble des facteurs climatiques), un édapho-tope (ensemble des facteurs liés au sol) ou un hydrotope(ensemble des caractéristiques de l'eau en milieu aquati-

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RAPPORT DU GRIP 98/5 9

cipe de la recherche scientifique sur ce patri-moine qui sera contesté: une meilleure compré-hension du fonctionnement de la biosphère estune ambition légitime. Prévoir, anticiper, voirecorriger certains phénomènes naturels catastro-phiques pourra peut-être un jour épargner denombreuses vies. Mais ces éléments qui intéres-sent la recherche militaire sont aussi de remar-quables systèmes non linéaires, chaotiques;leurs réactions aux intrusions de l'homme res-tent imprévisibles. L'évaluation des conséquen-ces de ces recherches doit être réalisée avecprudence, transparence et concertation. Leslaboratoires militaires de recherches ne sontprobablement pas les lieux les mieux indiquéspour cela.

HAARP est donc un programme militairequi interpelle l'esprit critique. N'ouvre-t-il pas laboîte de Pandore qui amènera d'autres Etats à selancer derrière les Etats-Unis dans une nouvellecourse aux armements? La question, qui recon-naît déjà implicitement que l'objectif est bien ledéveloppement de système d'armes, a été poséeen 1993 par un Membre du Congrès au cours dela procédure d'enquête imposée par la législa-tion américaine pour ce projet public. EdwardKennedy, du Naval Research Laboratory àWashington D.C., et responsable des relationsentre les contractants privés et le gouvernement,reconnaît qu'il est difficile de répondre à cettequestion, "cependant, a-t-il ajouté, la plupart desautres pays ne seraient pas capables de financerla construction d'un instrument aussi puissant".

Il faut bien constater que les Etats-Unisdisposent d'une avance technologique considé-rable et consacrent plus de la moitié des créditsbudgétaires publics de recherche et développe-ment (CBPRD) à des programmes militaires. En1995, la recherche militaire américaine a en-glouti quelque 25,4 milliards d'ECU (à prixconstants 1990), soit 54% des CBPRD totaux. Atitre de comparaison, la moyenne de l'Europedes Quinze se situe à 17,4% des CBPRD totauxaffectés à la recherche militaire, soit environ 8,2milliards d'ECU en 1995 (à prix constants

que). Si l'on porte le concept écosystémique au niveau de laplanète entière, on peut parler d'écosphère: la biocénose estla biosphère, ensemble de tous les organismes vivants de laplanète, et le biotope est la mince pellicule de contact,compatible avec la vie, entre atmo- litho- et hydrosphère.

1990)4. L'avantage financier et technologiqueaméricain prémunit-il d'une future proliférationde ces nouvelles technologies militaires? C'estpeu probable. Plus de cinquante ans après leProject Manhattan (1942), qui livra la premièrebombe atomique en 1945, nous avons pu véri-fier que même les pays les plus pauvres ont lacapacité de se doter de l'arme nucléaire.

La première partie rappellera certainesnotions élémentaires de physique et de chimiede l'atmosphère. Ces rappels fondamentauxpermettront de mieux comprendre ce qu'est l'io-nosphère et l'importance qu'elle revêt, notam-ment pour les opérations militaires.

La deuxième partie s'intéressera auconcept et aux définitions de l'EnvironmentalWarfare ainsi qu'aux règles de Droit internatio-nal qui s'y appliquent.

La troisième partie s'intéressera au Pro-gramme HAARP proprement dit: description duprogramme, inscription du programme dans soncontexte historique et militaire, et confrontationdes points de vue à son égard.

La vie est l'art de tirer des conclusionssuffisantes de prémisses insuffisantes, écrivaitSamuel BUTLER 5 voici un siècle. Un art d'au-tant plus utile à maîtriser dans ce genre de ma-tière relative à la politique de défense et auxrecherches militaires d'un Etat. Nous savons, paravance, que nous ne disposons jamais de la to-talité des éléments que requièrt une analyserigoureuse. La conclusion de ce travail reposecependant sur suffisamment d'indices, de faitsou de documents authentiques pour donner unedescription objective du Programme HAARP etde ses applications militaires potentielles, etmieux comprendre ainsi le débat qu'il suscite.

4 Sources: OCDE pour les Etats-Unis, EUROSTAT pourles pays européens; ces données sont compilées et tenues àjour sur le site Web du GRIP (Groupe de recherche etd'information sur la paix et la sécurité),http://www.grip.org.

5 Samuel BUTLER (1835-1902), écrivain britannique, dansNotebooks.

Page 12: GRIP: le programme HAARP

RAPPORT DU GRIP 98/5 10

1. Notions de physique et dechimie de l'atmosphère

1.1. Nomenclature atmosphérique

L'atmosphère terrestre est divisée en plu-sieurs régions variant en densité et en composi-tion selon l'altitude au-dessus de la surface duglobe. Deux types de nomenclature peuvent êtreutilisées: l'une basée sur la distribution verticalede la température et l'autre sur la compositionchimique et l'état dynamique. Nous nous inté-resserons aux régions se succédant jusqu'à 200-300 kilomètres, définies comme l'espace proche(Near Space) dans les exposés militaires, paropposition à l'espace éloigné (Outer Space).

La partie inférieure de l'atmosphère estappelée la troposphère et s'étend jusqu'à latropopause située à une altitude d'environ 10 à15 km selon la latitude. Comme l'indique lafigure 1, la troposphère est caractérisée par un

gradient de température négatif. L'oxygène O2 etl'azote N2 sont les gaz dominants dans cetterégion. Les phénomènes météorologiques quinous concernent sont confinés dans cette régionbasse, souvent turbulente, venteuse et nuageuse,qui contient plus de 90% de la masse de l'at-mosphère terrestre et 99% de la vapeur d'eau.Les plus hautes montagnes sont uniquementdans cette zone et l'essentiel des activités hu-maines s'y déroulent.

L'altitude moyenne de la tropopause varieen fonction de la latitude. On note des ruptureset une élévation de la tropopause de part etd'autre des zones équatoriales. Ces ruptures sontcaractérisées par des discontinuités du gradientde température, permettant un transfert de ma-tière entre la troposphère et la stratosphère. Aces ruptures sont aussi associés des courants trèsrapides, appelés courants jets.

Figure 1. Nomenclature atmosphérique

source: CAMY-PEYRET (1982) et BRASSEUR et SOLOMON (1982)

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Figure 2. Coupe nord-sud de l'atmosphère en juillet

Source: LAMBERT (1995)

La stratosphère est une région calme etsans nuages. Les gaz y sont encore assez densespour que des ballons à air chaud puissent grim-per jusqu'à des altitudes de 15-20 km et ceux àl'hélium jusqu'à environ 40 km. Mais l'air seraréfie rapidement et la composition en gaz semodifie sensiblement au-delà de ces altitudes.Le rayonnement solaire pénétrant dans la stra-tosphère a une longueur d'onde inférieure à 240nm et est capable de dissocier une molécule d'O2

en deux atomes isolés d'oxygène O, chacunpouvant ensuite se recombiner avec une molé-cule d'O2 pour former une molécule d'O3:l'ozone. L'ozone atteint un maximum de densité,quelques ppm 6, à une altitude d'environ 25 km.Cette couche d'ozone constitue pour la vie ter-restre un filtre protecteur essentiel contre lerayonnement ultraviolet abiotique du Soleil.Dans la stratosphère, l'accroissement de la tem-pérature résulte essentiellement de l'absorption

6 ppm = partie par million = 1 unité sur un total de 1 mil-lion

du rayonnement solaire UV par l'O3. La tempé-rature atteint un maximun de 270°K 7 à la stra-topause située à une altitude d'environ 50km.

La figure 3 montre la distribution de lapression atmosphérique 8 en fonction de l'alti-tude. La pression décroît très fortement entre 0et 100 km. A la stratopause règne une pressionvoisine de 1 hPa, soit environ 1000 fois moinsqu'au niveau du sol. Au-delà, la pression conti-nue à diminuer, mais avec un gradient moinsprononcé, et selon un tracé différent selon l'acti-vité solaire.

7 0°K = -273,15°C8 La figure 2 exprime la pression atmosphérique en newtonpar mètre carré (Nm-2), une unité équivalente au Pascal(Pa). La pression peut également s'exprime en Bar : 1 Nm-2

= 1 Pa = 10-5 b. Au sol, l'atmosphère standard sèche estcaractérisée par une pression de 1,01325 105 Nm-2 =1013,25 hPa = 1013,25 mb = 760 mm Hg.

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Figure 3. Distribution verticale de la pression atmosphérique

Source: CAMY-PEYRET (1982).

A 50 km commence la mésophère, à nou-veau caractérisée par un gradient de températurenégatif dû essentiellement à l'émission infra-rouge par le CO2. La température devient mini-mum à la mésopause, vers 85 km. Au-dessus de85 km commence la thermosphère, où la tem-pérature augmente fortement, jusqu'à atteindreune valeur quasi constante à la thermopause.L'altitude de la thermopause ainsi que la tempé-rature à laquelle le gradient de température de-vient négligeable dépendent beaucoup de l'acti-vité solaire, comme l'indique la figure 1.

L'homogénéité des principaux consti-tuants de l'atmosphère cesse à cette altitude de85-100 km, à un taux plus élevé pour les cons-tituants lourds (O2, N2) que pour les constituantslégers, de sorte que ces derniers ont une abon-dance relative plus importante. Des électronslibres peuvent exister pendant de courtes pério-des avant d'être capturés par un ion positif à saproximité.

1.2. Les processus d'ionisation

En dehors de l'atmosphère, la puissancedu rayonnement solaire est encore de 1.367watts par m2 (ou 0,1367 watts par cm2), unevaleur connue comme la constante solaire. Cerayonnement intense est réparti sur tout le spec-tre électromagnétique, depuis les fréquencesradio, en passant par les rayonnements infra-rouge et visible, jusqu'aux rayons X et γ.

Le rayonnement électromagnétique duSoleil dans l'ultraviolet aux longueurs d'ondesplus courtes (< 100nm) est ionisant car, à cesfréquences, les photons ont une énergie capabled'arracher un électron d'un atome ou d'une mo-lécule de gaz. Ce processus peut s'illustrer d'unefaçon simplifiée comme suit: le rayonnementsolaire frappant un atome ou une molécule estpartiellement absorbé par cet atome ou moléculemais a une énergie suffisante pour lui arracherun électron, d'où la production d'un électronlibre et

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Figure 4. Le spectre du rayonnement électromagnétique

Lignes HT PC Tél. TV FM GSM Four µ−ondes Télécommande Radiographies Substances radioactives

Applications ULF ELF VLF HF VHF UHF IRLumière visible

UV Rayons X Rayons γ

R,O,J,V,B,V

Ondes non ionisantes Ondes ionisantes

Fréquence (Hz) 0 103 104 105 106 107 108 109 1010 1011 1012 1013 1014 1015 1016 1017 1018 1019 1020 1021 1022

Longueur d'onde λ λ (nm)

300 km 300 m 1 cm 810 nm 390 nm 1 nm

HAARPOndes cohérentes

induites (réfléchies)HAARP

Emetteur (IRI)Incoherent

Scater RadarEmissions optiques

induites

Sources: composition sur base de: notes de cours ULB-IGEAT, Test-Santé n°26 du mois de juillet1998, et Air Force Phillips Laboratory and Office of Naval Research (1995) - HAARP Researchand Applications: a Joint Program of Phillips Laboratory and the Office of the Naval Research (Exe-cutive Summary), June 1995, p. 6.

d'un atome (ou d'une molécule) chargé positi-vement (les rayons cosmiques et les particulesde vent solaire contribuent également faible-ment à ce processus).

Dans la stratosphère, la concentration enparticules chargées est inférieure à 10.000 parcm3.. L'ionisation, très faible, est principalementle fait des rayons cosmiques et galactiques es-sentiellement composés de protons et de noyauxd'hélium (particules alpha).

Au fur et à mesure que l'altitude aug-mente, les rayons UV intenses du Soleil (hν)sont moins absorbés. Progressivement, le pro-cessus de photoionisation prend plus d'impor-tance. Mais il reste faible, car il est en compéti-tion avec un processus opposé de recombinai-son, dans lequel un électron libre est recapturépar un ion positif. A partir de 80 km environ, laconcentration des constituants atmosphériquesneutres commence à décroître fortement, commel'indique la figure 5, et le processus de recombi-naison perd de son efficacité.

Cette partie de la thermosphère où semarque l'existence d'une forte densité de parti-cules chargées conduisant à un taux d'ionisationélevé indique le début de l'ionosphère. La fi-gure 5, outre un rappel de la structure thermi-que, illustre l'évolution des densités en particu-les neutres parallèlement à celle des particuleschargées, les ions. L'ionosphère a, à la fois, lespropriétés d'un gaz et d'un plasma 9 et se com-

9 Plasma: La matière peut prendre quatre états différents,dépendant de la force des liaisons entre les particules qui laconstituent: solide, liquide, gazeux ou plasma. Le passage

porte comme un fluide d'atomes et de molécules(X) qui peuvent donc être ionisés [BRASSEURet SOLOMON, 1984]

(1) soit par le rayonnement solaire (hν)de courte longueur d'ondes (rayonsUV et X), et, dans une moindre me-sure, par les rayons cosmiques:

X + hν = X+ + e

(2) soit par la précipitation de particulesénergétiques (électrons accélérés e*):

X + e* = X+ + 2e

Au-delà d'une certaine altitude, de l'ordrede 500 ou 1000 km mais variable en fonction del'activité solaire et géomagnétique, la densitédécroît très rapidement, et les collisions entreles particules deviennent tellement rares qu'ellessont pratiquement négligeables. A partir d'unealtitude appelée niveau critique (ou hétéro-pause, ou exobase) marquant le début de l'exos-phère, les rares particules ne se présentent plusen couches horizontales mais suivent des tra-jectoires paraboliques, elliptiques, hyperboli-ques, ou tendent à s'aligner sur les lignes du

entre les formes solide, liquide et gazeuse correspond à unephase de transition déterminée par une température et unapport d'énergie déterminés. Le passage à l'état de plasma,par contre, ne correspond pas à une phase précise de tran-sition mais se produit graduellement avec l'accroissementde la température. Au cours de ce processus, une moléculede gaz se dissocie d'abord en atomes; sous l'effet de latempérature croissante, les collisions entre les atomeslibèrent des électrons de l'orbite externe. Il en résulte laformation d'un plasma, mélange de particules neutres,l'électrons libres négatifs et d'ions positifs (les moléculeset/ou atomes qui ont perdu un électron).

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champ magnétique terrestre. A ces altitudes del'ordre de 2000 ou 3000 km, les concepts habi-tuels de pression et de température perdent leursens habituel [CAMY-PEYRET, 1982].

Nous resterons cependant bien au-dessousde ces altitudes extrêmes. Les phénomènes quinous préoccupent concernent essentiellementl'ionosphère, dont l'existence a été envisagée audébut de ce siècle. En 1901, MARCONI établis-

sait la première liaison par ondes radio entrel'Europe et l'Amérique du Nord. Quelques an-nées plus tard, KENNELLY et HEAVISIDE ontchacun suggéré que ce type de communicationn'était possible que grâce à une réflexion desondes radio par une couche atmosphériqueconductrice aux environs de 80 km. Nous allonsapprofondir ci-dessous la structure de l'ionos-phère et son influence sur la propagation desondes radio.

Figure 5. Représentation schématique de la structure thermique, de la densité en ions et enparticules neutres en fonction de l'altitude

Source: REES (1989)

1.3. Les régions de l'ionosphère etleurs propriétés

On peut donc définir plusieurs couchesd'ionisation, les régions D, E, F1 et F2, caracté-risées, en fonction de l'altitude, par la densité enélectrons et le type d'interaction avec les ondesradios [BRASSEUR et SOLOMON, 1984].

La région D de l'ionosphère se situe entre60 et 85 km. L'ionisation résulte principalement

de la photoionisation des molécules d'oxyded'azote (NO) par le rayonnement Lyman α(121,6 nm, rayonnement ultraviolet dû à l'hy-drogène) et de la photoionisation des moléculesd'oxygène (O2) et d'azote (N2) par les rayons Xdu Soleil de longueur d'onde inférieure à 1 nm.Au-dessous de 70 km, le rayonnement cosmiquede haute énergie peut également contribuer àl'ionisation de l'O2 et du N2. La région D a lafaculté d'absorber les ondes radio mais dispa-raît pendant la nuit.

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La région E apparaît entre 85 et 130 kmsous l'effet simultané de rayons X émis par leSoleil entre 1 et 10 nm et de rayonnements ul-traviolets (vers 100 nm) ionisant la molécule etl'atome d'oxygène. Elle s'étend jusqu'à environ150 km d'altitude. Pendant la nuit, il n'en sub-siste que de légères traces. La couche E est lapremière à avoir été découverte et a la propriétéde réfléchir les ondes radios. Elle est donc par-ticulièrement importante pour les communica-tions radios, car elle permet de transmettre dessignaux modulés en amplitude (AM) sur delongues distances par-dessus la ligne d'horizon(Over-The-Horizon, OTH). Il est intéressant dementionner que ce processus de réflexion fonc-tionne aussi dans l'autre sens: le rayonnementauroral kilométrique (AKR) créé par la précipi-tation de particules très haut au-dessus de l'io-

nosphère n'atteint pas le sol parce qu'il est réflé-chi par la couche E.

La région F, au-delà de 130 km, se subdi-vise en régions F1 et F2; elle résulte de l'ionisa-tion par l'ultraviolet solaire entre 9 et 91 nm.Cette région subsiste pendant la nuit, bien que ladensité électronique puisse se réduire d'un fac-teur 100 pendant la période nocturne. Les varia-tions de l'état des régions ionosphériques diur-nes, ou à plus long terme, influencent aussi lestélécommunications radio-électriques. Les deuxrégions F ont également la propriété de réflé-chir les ondes radios de fréquences entre 5 et 10MHz ou de les transmettre dans l'espace (versun satellite par exemple) si leur fréquence estplus élevée.

Figure 6. Les différentes régions de l'ionosphère basées sur la distribution verticale de la den-sité en électrons

source: BRASSEUR et SOLOMON (1982)

D

E

F1

F2

60 km

130 km

85 km

250 km

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1.4. Les ceintures de radiations

En 1958, les expériences menées à l'aidedes instruments du premier satellite américain,EXPLORER 1, ont permis à JamesVAN ALLEN de découvrir que la Terre étaitentourée d'une zone de radiation intense. Cettezone, que l'on nomma les ceintures de radia-tion de Van Allen, se compose de particuleschargées, positives ou négatives, qui décriventdes orbites fermées autour des lignes de forcedu champ magnétique terrestre.

Une brève description de leur formationse justifie, notamment en raison de leurs rela-tions avec l'ionosphère, de leurs influences surles équipements et équipages spatiaux ainsi quedes expériences militaires qui s'y sont déroulées(ce point sera abordé au paragraphe 3.3.2).

Les ceintures de radiations se trouventdans la magnétosphère. La magnétosphère estla région de l'espace, entre l'ionosphère et leplasma solaire, qui contient le champ magnéti-que d'origine terrestre. Lorsque des particulessont piégées dans le champ géomagnétique,elles peuvent peupler les ceintures de radiationpendant des mois, voire des années.

Ces particules piégées, qui rebondissentd'un hémisphère à l'autre le long d'orbites fer-mées autour de la terre, ont deux origines prin-cipales. On y trouve, d'une part, des protons etdes électrons qui résultent de photoionisationdans l'ionosphère, et d'autre part, des particulesoriginaires du vent solaire (essentiellement desprotons, des électrons et des noyaux d'hélium)qui durant ce qu'on appelle un orage magnéti-que, pénètrent la queue du champ magnétique,d'où elles dérivent et se rapprochent de la Terreen devenant de plus en plus énergétiques 10. Onsait, depuis quelques années, que des ions pluslourds d'hélium ou d'oxygène résultant de l'ioni-

10 L'interaction du vent solaire et du champ magnétiqueterrestre se comporte comme un générateur naturel d'éner-gie électrique, comparable à un générateur conventionneldans lequel l'énergie électrique est produite par le déplace-ment d'un conducteur dans un champ magnétique artificiel.Les courants générés ainsi par le vent solaire circulent versla Terre, guidés par les lignes du champ magnétique, etferment le circuit électrique en traversant l'ionosphère aupôle magnétique. Ce phénomène est connu comme lecircuit électrodynamique auroral, et transporte vers la Terreune puissance de l'ordre de 0,1 à 1 GigaWatts dissipée dansla zone polaire de l'ionosphère.

sation d'atomes neutres, d'origine interstellaire,par le rayonnement UV du Soleil peuvent éga-lement être piégés temporairement par le champmagnétique terrestre [IASB, 1998].

Les ceintures de radiations de Van Allenpeuvent s'observer dans la région où le champmagnétique est relativement stable, depuis unealtitude d'environ 200 km jusqu'à une altitudemaximum équivalent à environ 10 rayons ter-restres (10 Re) 11. Au-dessous de cette plaged'altitudes, les particules piégées sont ralentiespar les collisions avec les constituants de l'at-mosphère, ou déviées vers l'atmosphère plusdense. Au-dessus, près de la magnétopause, lesfluctuations du champ magnétique induites parles variations du vent solaire empêchent de pié-ger des particules pendant de longues périodes[WALT, 1994].

On distingue deux ceintures de radiationsde Van Allen. Une ceinture interne, peupléeprincipalement de protons très énergétiques,plusieurs centaines de millions d'électronvolts(MeV)12, qui s'étend jusqu'à environ 4 Re. Etune ceinture externe, contenant surtout desélectrons de quelques MeV, mais beaucoup plusdynamique que la ceinture de protons et sou-mise à des tempêtes et des perturbations réguliè-res. Cette deuxième ceinture s'étend jusqu'àproximité de la magnétopause, à environ 10 Re[DALY et al., 1996].

Les radiations ionisantes des ceintures deVan Allen constituent un réel danger pour leséquipements spatiaux et nécessitent une protec-tion efficace tant pour les matériels que pour leséquipages. Le bombardement continu de parti-cules extrêmement énergétiques peut en effetexposer les astronautes à un risque accru decancer, détériorer l'électronique embarquée etles panneaux solaires, ou provoquer des signauxparasites.

Ces ceintures constituées d'un plasma departicules énergétiques forment autour de laTerre un énorme réservoir d'énergie, dont, occa-sionnellement, une fraction est relâchée dansl'atmosphère. Cette libération d'énergie donne

11 Re = rayon terrestre moyen = 6,37 103 km.12 1 eV correspond à la quantité d'énergie reçue par unélectron accéléré par une différence de potentiel de 1 volt.Cette énergie équivaut à environ 1,6 10-19 joules.

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naissance à des phénomènes tels que les lumi-nescences et les aurores. Dans les régions polai-res, les lignes de force du champ magnétiquesont en lien direct avec le vent solaire. L'ionos-phère est donc facilement bombardée par lesparticules énergétiques et l'énergie qu'elles libè-rent lors de leur collision avec les constituantsde l'atmosphère donnent naissance à de remar-quables aurores polaires observables à l'oeil nu.Les aurores apparaissent le long d'un ovale au-roral se développant autour du pôle magnétique,sans pour autant être centré par rapport à cepôle; sa localisation dépend de l'activité géoma-gnétique, elle-même fixée par l'intensité du ventsolaire. L'altitude moyenne des aurores est de

110 km. Les particules du vent solaire les moinsénergétiques ne pénètrent pas profondémentdans l'atmosphère: elles déversent leur énergie àenviron 250 km par des collisions avec les ato-mes d'oxygène conduisant à la formation d'auro-res où le rouge est la couleur dominante. Plusbas, elles réagissent avec l'azote atomique oul'azote moléculaire: les aurores sont, alors,bleues ou vertes. Les aurores présentent diffé-rentes formes telles que les bandes, les voiles,les taches, les rayons et les arcs. Lors d'oragesmagnétiques exceptionnels, ou lorsque l'activitésolaire s'intensifie, de telles aurores peuventnéanmoins s'observer aussi à des latitudes plusbasses.

Figure 7. Trajectoire des particules piégées

Source: IASB

1.4. L'importance militaire de l'ionos-phère

En contraste avec l'atmosphère dense plusproche de la surface terrestre qui est composéepresque entièrement de gaz neutres, l'ionos-phère, moins dense, contient à la fois des gazneutres et des particules chargées telles que desions ou des électrons. La présence de particuleschargées dans l'ionosphère contrôle les perfor-mances de beaucoup de systèmes civils et mili-taires utilisant les ondes électromagnétiques.

La réflexion des ondes radio basses fré-quences (VLF/ULF/HF) par l'ionosphère permetles communications et l'efficacité des radarsOTH.

La propagation transionosphérique desondes hautes fréquences (VHF/UHF) est unélément central pour beaucoup de systèmes decommunication, de surveillance ou de capteursdistants. Les trajectoires des liaisons sol-satellites à travers l'ionosphère, et la perfor-mance des systèmes, sont souvent critiquementdépendantes de l'état et de la structure de l'io-nosphère dans les environs de ces trajectoires.

L'ionosphère est donc un médium ioniséqui peut déformer, réfléchir ou absorber lessignaux radios et donc affecter de multiplesfaçons de nombreux systèmes de communica-tion, de navigation, de surveillance ou de sen-seurs à distance tant civils que militaires.

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La qualité d'une liaison entre un satelliteet la terre est, par exemple, dépendante de lacomposition de la zone de l'ionosphère par la-quelle passent les signaux. De même, les émis-sions de radios commerciales en modulationd'amplitude (AM) qui, le jour, ne seront pasentendues à plus de quelques dizaines de kilo-mètres, seront captées de nuit jusqu'à plusieurscentaines de kilomètres car les propriétés deréflexion de l'ionosphère sont meilleures denuit. Une communication longue distance enHF, qui se propage par de multiples rebondis-sements ou réflexions entre l'ionosphère et lesol, arrive souvent atténuée à cause d'interféren-ces entre des signaux qui ont voyagé entrel'émetteur et le récepteur par deux (ou plusieurs)chemins différents dans l'ionosphère.

Etant donné que le rayonnement solairecrée et maintient l'ionosphère, des variationssoudaines de ce rayonnement, telles que leséruptions solaires, peuvent affecter les perfor-mances des systèmes radios. Quelquefois, desvariations naturelles sont suffisantes pour in-duire des courants transitoires, parasites, dansles systèmes de transmissions de puissance,causant de grands écarts de tension. Les éclairssont connus pour causer des accroissementssubstantiels de chaleur et de densité d'ionisationdans l'atmosphère basse et il y a des indicationsselon lesquelles des émetteurs HF au sol (radarsou émetteurs radios puissants) modifient aussil'ionosphère et influencent les performances dessystèmes dont les signaux traversent la zone del'ionosphère qui a été perturbée. L'exemple leplus fréquemment cité pour illustrer ce phéno-mène est l'effet "Luxembourg" observé pour la

première fois en 1933: le faible signal d'unepetite station radio suisse s'est retrouvé modulépar le signal du puissant émetteur du Luxem-bourg qui travaillait à une fréquence totalementdifférente. Les émissions luxembourgeoisesétaient alors captées sur la fréquence de la radiosuisse.

Vu le nombre croissant de systèmes sou-mis aux caprices de l'ionosphère, on peut com-prendre tout l'intérêt de vouloir mieux compren-dre, et contrôler localement, ses propriétés, no-tamment à l'aide de puissants émetteurs HF. Lesmilitaires espèrent donc que HAARP permettrades progrès significatifs dans la compréhensionde l'ionosphère, en stimulant et en contrôlant lesprocessus de constitution des plasmas dans deszones définies avec précision. HAARP joueraun rôle essentiel dans le développement de nou-veaux systèmes de navigation ou de communi-cation par satellite.

Mais l'intérêt militaire est plus grand quela simple amélioration des systèmes de commu-nication. Les recherches du DoD en Arctiquedoivent permettre de rencontrer de multiplesbesoins de défense. L'intérêt de la stationHAARP provient du besoin d'accroître la fiabi-lité d'un grand nombre de systèmes de commu-nication, navigation et surveillance dont lessignaux passent par l'ionosphère, mais aussid'explorer des innovations technologiques quisuggèrent des applications telles que la détec-tion d'objets souterrains, la communication àgrande profondeur dans le sol ou les océans, etla génération d'émissions optiques et infrarou-ges.

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2. Les manipulations militairesde l'environnement

2.1. Les modifications militaires del'environnement et le droit inter-national

L'instrument légal directement applicableaux manipulations de l'environnement par lesmilitaires est la Convention sur l'interdictiond'utiliser des techniques de modification del'environnement à des fins militaires ou toutesautres fins hostiles.

Cette convention de 1977 est mieuxconnue sous l'intitulé de Convention ENMOD.Elle est généralement perçue comme une ré-ponse de la communauté internationale auxtentatives américaines de modifier les condi-tions climatiques et l'environnement durant lesopérations menées au Vietnam et en Indochine.L'initiative en revient surtout à l'ex-URSS, qui,dans le prolongement de la Conférence des Na-tions Unies sur l'Environnement de 1972 àStockholm, a proposé que cette question soitinscrite à la 29ème session de l'Assemblée géné-rale (AG). Le 9 décembre 1974, l'AG a adoptéune résolution qui souligne les dangers de cestechniques et la nécessité d'élaborer uneconvention. Le 29 août 1975, la Conférence ducomité du désarmement est saisie d'un projet deconvention rédigé par les Etats-Unis et l'ex-Union soviétique. Suite aux débats de la Confé-rence du comité du désarmement, l'AG réunie àNew York adopte la Convention par la résolu-tion 31-72. La Convention est ouverte à la si-gnature le 18 mai 1997. Les Etats-Unis l'ontratifiée le 13 décembre 1979, la Belgique en1982.

En ratifiant cette Convention, les partiess'engagent, dans l'article 1er, à ne pas utiliser àdes fins militaires ou toutes autres fins hostilesdes techniques de modification de l'environne-ment ayant des effets étendus, durables ou gra-ves, en tant que moyens de causer des destruc-tions ou des préjudices à tout autre Etat partie.

L'expression techniques de modificationde l'environnement définie à l'article 2, désignetoute technique ayant pour objet de modifier -grâce à une manipulation délibérée de proces-sus naturels - la dynamique, la composition dela Terre, y compris ses biotopes, sa lithosphère,

son hydrosphère et son atmosphère, ou l'espaceextra-atmosphérique.

Dans son article 3, la Convention précisequ'elle ne s'applique pas à l'utilisation des tech-niques de modifications de l'environnement àdes fins pacifiques, et que ses dispositions sontsans préjudice des principes généralement re-connus et des règles applicables du droit inter-national concernant une telle utilisation.

Aux termes de l'article 4, chaque Etatpartie s'engage à prendre toutes les mesuresqu'il jugera nécessaires conformément à sesprocédures pour interdire et prévenir toute ac-tivité contrevenant aux dispositions de laConvention en tous lieux relevant de sa juridic-tion ou de son contrôle.

Enfin, dans son article 5, la Conventiondispose les moyens de vérification et de recours.La vérification de la Convention repose essen-tiellement (article 5, alinéa 1) sur le principe dela consultation mutuelle et de la coopération,éventuellement par l'intermédiaire d'organisa-tions internationales appropriées (par exemplel'Organisation météorologique mondiale(OMM) ou le Programme des Nations Uniespour l'Environnement (PNUE)). Si un des Etatssignataires a des raisons de croire qu'un autreEtat agit en violation de la Convention, il peutdéposer une plainte auprès du Conseil de sécu-rité de l'Organisation des Nations Unies (Article5, alinéa 3).

En pratique, cette procédure de recours,jamais utilisée jusqu'à présent, s'avérera cepen-dant difficile à mettre en oeuvre. En effet, cesont les Etats les plus puissants, financièrementet technologiquement, qui sont les premierssusceptibles de détenir des capacités de modifi-cations environnementales visées par laConvention. Or, parmi ces Etats les plus puis-sants figurent précisément les cinq membrespermanents du Conseil de sécurité. Ils pourrontdonc tout à loisir opposer leur droit de veto pourempêcher toute enquête s'ils estiment qu'ellenuit à leurs intérêts et à leur sécurité nationale.Dès l'origine pourtant, plusieurs Etats signatai-res ont attiré l'attention sur le risque de paralysiede facto du traitement des plaintes éventuelles.La Suède a proposé que le droit de veto nepuisse pas s'exercer dans ce cas, les Pays-Basont émis l'idée que le pouvoir d'enquête re-vienne au Secrétaire général des Nations Unies,

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RAPPORT DU GRIP 98/5 20

la République fédérale d'Allemagne a proposéde créer un organe spécifique de vérification.Aucune de ces suggestions n'a cependant étéretenue par le Conseil de sécurité qui estima lesystème satisfaisant [LAVIEILLE, 1997].

Il faut bien constater que cette Conven-tion est tellement vague qu'elle laisse aux Etatsune très grande marge de manoeuvre pour déci-der de poursuivre ou non les recherches relati-ves aux techniques de guerre géophysique, voiremême de les utiliser dans certaines circonstan-ces. Elaborée par les deux grandes puissancesdes années 70, cette mauvaise conception géné-rale n'est évidemment pas fortuite.

Sa première faiblesse vient du fait qu'ellene s'applique qu'à l'utilisation des techniques demodification de l'environnement contre un autreEtat signataire. Contrairement à d'autresConventions ou Traités relatifs à certains typesd'armes, la recherche et le développement nesont pas formellement défendus, pas plus que lamenace de leur emploi. D'autre part, dans l'hy-pothèse où un Etat non signataire, éco-terroristecomme l'a suggéré William COHEN, auraitrecours à de telles techniques, rien n'interdit delui répondre avec des moyens similaires. Demême, les tests qui seraient réalisés dans le ca-dre de la recherche et développement, et éven-tuellement exploités à des fins d'avertissementpour démontrer une capacité, ne sont pas expli-citement visés par la Convention.

Les utilisations clandestines de ces tech-niques ne sont pas prises en compte. Or, contrai-rement à un système d'arme conventionnel dontl'usage et les effets sont difficilement dissimula-bles, des techniques de modifications de l'envi-ronnement conduiraient inévitablement à dessituations où il serait difficile de distinguer desphénomènes naturels (tempêtes, inondations,interférences électromagnétiques), de phénomè-nes artificiellement créés à travers une guerreclandestine. Bien que cet aspect complique en-core la question de la vérification, la Conven-tion aurait dû, au minimum, attirer l'attention surcette caractéristique singulière des techniquesmilitaires de manipulation de l'environnement.

Une autre lacune, la plus lourde sansdoute, tient au fait que les négociateurs ont refu-sé de préciser davantage les notions de "éten-dus" (widespread), "durables" (long lasting) et"sévères" (severe). L'ambiguïté de ces termes

ouvre la porte aux interprétations les plus larges.Les Etats-Unis, et vraisemblablement la plupartdes autres signataires, ont donc eux-mêmes pré-cisé ces termes au moment de traduire cetteConvention dans leur droit interne. Les défini-tions retenues par les Américains (littéralementtraduites dans l'interprétation donnée par le droitbelge), sont les suivantes:

• "étendus": des effets qui s'étendent àune superficie de plusieurs centainesde kilomètres carrés;

• "durables": des effets qui s'étendent àune période de plusieurs mois, ou en-viron une saison;

• "graves": des effets qui provoquentune perturbation ou un dommage sé-rieux ou marqué pour la vie humaine,les ressources naturelles et économi-ques ou d'autres richesses.

Les termes de la Convention sont donc"précisés" par d'autres, tout aussi flous (plu-sieurs mois, environ une saison, sérieux oumarqués) que ceux qu'ils sont censés définir. LaConvention introduit ainsi une notion de "seuilacceptable", sur laquelle il est illusoire de vou-loir accorder les signataires. Ce seuil sera irré-médiablement interprété selon les Etats, enfonction de l'étendue de leur territoire, de lasanté de leur économie, de leur richesse en res-sources naturelles, de l'attention portée à leurbiodiversité, etc. D'autre part, postulant l'exis-tence d'un seuil de dommages acceptables, laConvention ne prévoit a contrario aucune me-sure en ce qui concerne la responsabilité desEtats pour les réparations, dépollution, dé-contamination, qu'elles résultent d'une utilisa-tion opérationnelle, expérimentale ou acciden-telle des techniques.

Le principe 24 de la Conférence de Rio(juin 1992) reconnaissait que la guerre a uneaction intrinsèquement destructrice sur le dé-veloppement durable. La seule option accepta-ble aurait donc été de garantir une protectionoptimale de l'environnement dans les conflits etdonc de décider une interdiction totale des tech-niques de modification de l'environnement à desfins militaires. Au contraire, la Convention de1977 est peut contraignante, n'a jamais étéamendée et ignore vingt années de progrès tech-nologiques. Sa révision n'en est que plus sou-haitable aujourd'hui.

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Encadré 1.

La Convention ENMOD et le droit belge

C'est en 1982 que la Belgique a ratifié la Convention ENMOD de 1977. La Convention a été tra-duite dans la législation belge par la loi du 3 juin 1982 portant approbation de la Convention sur l'in-terdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutesautres fins hostiles, et de l'Annexe (reprenant pour l'essentiel la liste des Etats liés), faite à New Yorkle 10 décembre 1976 et ouverte à la signature à Genève le 18 mai 1977.

Les définitions des termes "étendus", "durables" et "sévères" sont rigoureusement identiques àcelles adoptées trois années plus tôt par les Etats-Unis. Puisqu'il fallait une loi, il fallait égalementprévoir les sanctions: les infractions seront punies d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'uneamende de 26 à 100.000 francs.

La loi a été publiée au Moniteur belge du 2 octobre 1982, aux pages 11473 à 11478.

2.2. Environmental Warfare

Les conflits armés entraînent non seule-ment des morts et des destructions massives,mais ils sont également la cause de désastresenvironnementaux majeurs. La plupart de cesdésastres environnementaux sont des effetscollatéraux des opérations militaires. Parfoiscependant, des catastrophes environnementalessont causées délibérément avec des intentionshostiles. Exploiter une instabilité, briser l'équi-libre d'un écosystème devient une arme au pre-mier sens du terme. On parle alors de l'Envi-ronmental Warfare.

Que faut-il entendre par EnvironmentalWarfare ? Que recouvre réellement cette notionmilitaire de modification de l'environnement, etsur quelles techniques repose-t-elle? Avantd'aborder le cas particulier des manipulationsionosphériques, il est intéressant de donner unevue d'ensemble de cette stratégie. Quelquesdocuments militaires récents, généralementpostérieurs à 1995, permettent actuellement decerner de façon satisfaisante ce concept de laFuture Warfare. La principale difficulté à la-quelle se heurte cependant l'observateur franco-phone dans l'analyse de sources anglo-saxonnesconcerne la traduction adéquate des termestechniques, avec pour corollaire que le termeoriginal est souvent plus explicite que sa tra-duction. C'est la raison pour laquelle la suite dece document propose généralement une traduc-

tion française, mais indique souvent entre pa-renthèses l'équivalent anglais du texte de réfé-rence. Lorsque la traduction est ambiguë, seul leterme en anglais est utilisé, en italique.

La littérature américaine comprend habi-tuellement dans le concept de EnvironmentalWarfare, les notions de weather-modificationcapabilities, environmental modification tech-niques, weather control ou encore, plus radica-lement, de "made-to-order" weather. Nousexaminerons dans ce chapitre les définitions, lesinterprétations et les justifications données à cestermes par les militaires dans quelques docu-ments de référence publiés par diverses organi-sations liées au DoD, le département américainde la Défense.

L'association professionnelle des météo-rologues américains, American MeteorologicalSociety, propose les définitions suivantes:

weather modificationaltération intentionnelle, ou par inadver-tance, des conditions météorologiques parl'action humaine.

weather controlaltération intentionnelle des conditionsmétéorologiques par l'action humaine,avec comme condition supplémentaireque l'objectif de la modification est définiet les conséquences prévisibles.

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Le terme weather control est cependantcontesté par plusieurs auteurs; les propriétésnon linéaires et les mécanismes de boucles ré-troactives des processus météorologiques nepermettent en effet jamais de prédire avec cer-titude l'effet d'une intervention humaine.

Les autorités militaires américaines, JointChiefs of Staff, définissent le terme environ-mental modification comme "un changement(par la manipulation délibérée de processusnaturels) des dynamiques, de la composition etde la structure la terre (note: le document utilisele terme "earth"), y compris ... l'atmosphère"[CJSI, 1995].

Les techniques de weather modificationpeuvent ensuite être de deux types: hostiles oubénignes. Les premières concernent les modifi-cations environnementales utilisées en tant quesystème d'arme offensif. Les secondes ont pourobjectif la modification, l'amélioration, ou lasuppression d'effets météorologiques, au béné-fice de celui qui modifie, sans causer de dom-mage aux tiers. Une distinction toutefois pure-ment formelle, qui se rapporte aux effets et nonaux méthodes. On conçoit aisément qu'unemême technique de modification ionosphérique,décrite dans les publications comme susceptible,soit d'améliorer les communications alliées, soitde perturber ou interrompre les communicationsennemies, se situera dans l'une ou l'autre descatégories selon l'objectif finalement poursuivi.

La thèse défendue en 1996 par BarryB. COBLE à la Faculty of the School of Advan-ced Airpower Studies n'a rien d'un document defiction. Elle examine les raisons pour lesquellesl'intérêt des militaires pour les modificationsenvironnementales a été variable au fil dutemps, fonction du Droit international et de laperception qu'ont de ces matières la commu-nauté scientifique et la société civile [COBLE,1996].

COBLE n'analyse que les techniques déjàdisponibles, ou opérationnelles, tant dans desapplications civiles que militaires, et donne unaperçu des développements espérés à l'horizond'une dizaine d'années.

Il n'est donc pas question ici de manipu-lation en tant que systèmes d'armes offensifs,

mais seulement de ce que l'auteur définit commeles Benign Weather Modifications (BWM),c'est-à-dire des techniques destinées à supprimer,susciter ou amplifier un phénomène météorolo-gique, afin de permettre une mission que lesconditions météorologiques naturelles n'auraientautrement pas autorisée, d'améliorer les condi-tions de cette mission, ou d'interdire une opéra-tion ennemie, sans causer de dommages directsaux populations (d'éventuels pertes humainessont considérées comme des effets collatérauxstrictement secondaires).

Parmi les différents types de modifica-tions "bénignes" (BWM) actuellement utilisées,dans le cadre d'opérations ou de recherches mi-litaires, mais aussi dans des applications civiles,la technique de l'ensemencement (cloud see-ding) est la plus connue. L'ensemencementconsiste à injecter une substance dans un nuagede façon à influencer son développement ulté-rieur. Les substances (cloud seeding agent) lesplus couramment utilisées sont l'iodure d'argent,le dioxyde de carbone gelé, le chlorure de cal-cium, le carbon black, etc. L'ensemencementpermet de retarder ou d'anticiper des précipita-tions, d'accroître ou de réduire une couverturenuageuse; mais il faut au préalable des condi-tions instables: inutile d'espérer une averse dansun ciel d'un bleu immaculé. Cette technique aaussi été utilisée pour réduire les dégâts causéspar les tempêtes de grêle (hail suppression).

L'observation et l'évaluation des effetsdes injections de substances sont facilitées parl'utilisation de traceurs. Le traceur est un autreagent chimique, en principe inoffensif pourl'environnement 13 et facilement détectable, quipermet de suivre la trajectoire et la dispersiondes cloud seeding agents. Les traceurs les plusutilisés sont l'hexafluorure de soufre (SF6) oudes particules solides (aluminized glass chafffibers), qui sont détectables par les radars ou pardes instruments à bords d'aéronefs en mouve-ment dans les nuages.

Une autre application déjà mise en oeuvreà diverses occasions concerne les brouillards:leur dispersion (fog dispersal) ou leur dévelop-pement (fog enhancement).

13 Les traceurs utilisés doivent être approuvés par la Envi-ronmental Protection Agency (EPA).

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Dans sa thèse, COBLE définit cinq mé-thodes qui devraient permettre de réaliser desBWM dans des opérations militaires:

1. Modifier la quantité d'énergie solairedisponible par l'introduction de maté-riaux destinés à absorber ou réfléchirle rayonnement solaire;

2. Echauffer l'atmosphère par desmoyens artificiels depuis la surfaceterrestre;

3. Modifier le mouvement des massesd'air par des moyens artificiels;

4. Influencer l'humidité en augmentantou en retardant l'évaporation;

5. Modifier les processus de formationdes nuages et provoquer les précipita-tions en utilisant des agents chimiquesou en apportant un excès d'eau dansles nuages.

Les travaux de Arthur WESTING 14 unconsultant en environnement auteur de plusieursouvrages sur les liens entre guerre et environ-nement, sont également intéressants. Le 7 mai1996, il a présenté un exposé dans le cadre duEnvironmental Change and Security Project(ECSP) du Woodrow Wilson Center, un centrede recherches établi en 1968 par le Congrèsaméricain. Il y donne également une descriptionintéressante de ce qu'il faut entendre par "Envi-ronmental Warfare", et des développements queles militaires ambitionnent de donner à ceconcept dans les prochaines décennies. PourWESTING, qui illustre son propos par desexemples dans des conflits passés, la manipula-tion délibérée de l'environnement en temps deguerre peut être divisée en deux catégories[WESTING, 1996]:

1. les manipulations qui impliquent l'uti-lisation de techniques de perturbationsmassives et à grande échelle, parexemple la rupture volontaire d'unedigue ou l'incendie d'une forêt;

2. les manipulations qui impliquent depetites actions, contrôlées scientifi-quement, mais qui peuvent entraîner

14 Arthur WESTING a notamment contribué, en 1992, à larédaction d'une publication du GRIP intitulée Les Conflitsverts: la dégradation de l'environnement, source de ten-sions majeures, collection GRIP-Informations, GRIP,Bruxelles, 1992, 200 p.

des déséquilibres et des perturbationsgraves sur une période et un espacedéterminés; dans cette catégorie, onpeut classer les recherches sur les mo-difications de régions déterminées del'ionosphère.

Une autre classification peut égalements'opérer selon le domaine de l'environnement surlequel les militaires veulent agir. WESTINGpasse ainsi en revue les différentes options pos-sibles, et rappelle au passage quelques cas déjàvécus:

• les écosystèmes

Les éléments des écosystèmes, biocénoses etbiotopes, sont les plus aisés à altérer dans desbuts hostiles, et l'on peut citer parmi les techni-ques déjà applicables, et parfois appliquées:

− la pulvérisation de produits chimiques;− la contamination par des isotopes ra-

dioactifs;− la destruction par explosions ou par des

moyens mécaniques;− les incendies volontaires;− l'introduction d'espèces étrangères au mi-

lieu, des micro-organismes par exemple.

Des milliers d'hectares d'écosystèmes fo-restiers ont été dévastés ainsi par les Etats-Unisdurant la guerre du Vietnam par des pulvérisa-tions massives et répétées d'herbicides, par desbombardements intensifs, ou par des incendiesvolontaires, avec pour conséquence la destruc-tion de la faune et de la flore, l'érosion des solset des ruptures des chaînes alimentaires sur detrès larges étendues au Vietnam, au Cambodgeet au Laos. Plus récemment, durant le conflit dugolfe Persique, en 1991, l'Irak a libéré de gran-des quantités de pétrole pour contaminer le litto-ral koweïtien, et a incendié quelques 700 puitsde pétrole au Koweït, contaminant la tropo s-phère avec une épaisse fumée, probablementafin de réduire la visibilité pour les opérationsdes forces de la coalition.

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• les sols et les réserves d'eau douce

Le déclenchement contrôlé de séismes oud'éruptions volcaniques n'est, heureusement, pasencore à la portée des hommes, mais il fautnéanmoins savoir que les mécanismes de cescataclysmes naturels intéressent de très près larecherche militaire et figurent parmi les optionspotentielles de l'Environmental Warfare. Maisl'auteur attire l'attention sur de nouvelles ciblesqui sont apparues depuis la dernière guerremondiale: 80% des installations nucléaires et60% des grandes digues et barrages ont étéconstruits au cours des 25 dernières années, etreprésentent donc autant de nouveaux objectifsmilitaires en cas de conflits de grande intensité,avec des conséquences incommensurables pourl'environnement.

• les océans

La destruction de navires ou de plates-formes offshore sont bien entendu une sourcedirecte de pollution radioactive ou chimiquepour les écosystèmes marins. Cependant, dessources militaires suggèrent déjà d'autres mani-pulations hostiles. WESTING cite notamment,bien que toujours impossibles aujourd'hui:

− l'altération des propriétés acoustiques etélectromagnétiques des océans afin deperturber les communications sous-marines, les instruments de navigation, oule guidage des missiles

− la diversion des courants− le déclenchement volontaire de raz de ma-

rée et de Tsunamis pour détruire des in-frastructures côtières.

• l'atmosphère

L'auteur commence par rappeler quelquesexpérimentations réalisées au cours de conflitsantérieurs (Vietnam, Koweït); ces "cas vécus"sont exposés au paragraphe suivant (2.3). Vientensuite une énumération des applications hosti-les suggérées par les militaires pour l'avenir:

− destruction locale et temporaire de lacouche d'ozone au-dessus d'un territoireennemi afin de permettre à des niveauxdangereux de rayons ultraviolets d'attein-dre le sol; cette destruction pourrait êtrepossible, selon WESTING, par la libéra-

tion contrôlée d'un composé de bromuredepuis des satellites en orbite;

− contrôle des vents, déviation des oura-gans;

− modification des propriétés d'une partiede la haute atmosphère afin d'interrompreles communications ennemies.

Hormis les progrès dans les expérimenta-tions sur les modifications ionosphériques etleur impact sur les ondes électromagnétiques,gardons toutefois clairement à l'esprit que cestechniques sont encore loin de la portée del'homme; elles préoccupent néanmoins les mili-taires américains, craignant particulièrementque d'autres n'évoluent plus rapidement qu'euxdans ce domaine.

• l'espace et les corps célestes

Il n'existe encore aucune technique sus-ceptible de permettre une utilisation de l'espaceéloigné (Outer Space, au-delà de 200 kilomètresd'altitude) à des fins militaires hostiles. Mais lesmilitaires, ainsi que la NASA et d'autres admi-nistrations, conduisent actuellement des recher-ches, et publient régulièrement sur un systèmede défense planétaire contre les astéroïdes[AIR UNIVERSITY, 1994b et URIAS, 1996], etcertains n'ont pas hésité à affirmer qu'il sera unjour possible de re-diriger les astéroïdes versdes territoires ennemis.

Déjà mentionné dans l'introduction, AirForce 2025 est une étude commandée par lechef d'Etat-major de l'US Air Force afin d'exa-miner les concepts, capacités et technologiesdont les Etats-Unis auront besoin pour maintenirleur supériorité aérienne et spatiale au siècleprochain. Cette étude a notamment permis lapublication, en août 1996, d'un rapport intituléWeather as a Force Multiplier: Owning theWeather in 2025 réalisé par un collectif d'offi-ciers de la Air University de l'U.S. Air Force[HOUSE et al., 1996].

Les auteurs déplorent le fait que certainssegments de la société resteront toujours réti-cents à un examen de ces questions controver-sées. Ceux-ci ignoreraient donc, à leur proprepéril, les "fantastiques" potentiels militaires quipourraient résulter de ce domaine.

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Tableau 1. Matrice des capacités opérationnelles souhaitées

Affaiblir les capacités ennemies Améliorer les capacités alliées

Développement des précipitations Eviter les précipitations− inonder les voies de communications− réduire l'efficacité des reconnaissances et des

"Precision Guided Munitions" (PGM, muni-tions guidées avec précision par infrarouge)

− diminuer le niveau de confort et affecter lemoral des troupes

− maintenir praticables, améliorer les voies decommunication

− maintenir la visibilité− maintenir le niveau de confort et le moral des

troupes

Accentuation des orages et tempêtes Modification des orages et tempêtes− empêcher les opérations − choisir l'environnement du théâtre des opéra-

tions

Empêcher les précipitations− priver d'eau douce− provoquer la sécheresse

Conditions de l'espace (Space Weather) Conditions de l'espace (Space Weather)− interrompre les communications radio, radar− rendre inefficaces ou détruire les moyens spa-

tiaux

− améliorer la fiabilité des communications ra-dio, radar

− intercepter les communications ennemies− améliorer l'efficacité des moyens spatiaux

Dissipation des brouillards et nuages Dissipation des brouillards et nuages− Interdire les dissimulations− Augmenter la vulnérabilité aux PGM et aux

reconnaissances

− Maintenir les bases aériennes opérationnelles− Améliorer l'efficacité des PGM et des recon-

naissances

Détecter les activités environnementales hostiles Défense contre les capacités environnementalesennemies

Source : HOUSE (1996)

Quelques-unes des possibilités qui pour-raient être offertes par un système de modifica-tion de l'environnement sont décrites dans letableau 1. Mais une telle capacité intégrée demodification environnementale nécessite desavancées technologiques dans au moins cinqdomaines majeurs:

1. techniques avancées de modélisationsnon-linéaires;

2. capacités supérieures de traitement desinformations par ordinateur;

3. capacités supérieures de récolte et detransmission de l'information;

4. déploiement d'un réseau global decapteurs;

5. techniques d'intervention sur les fac-teurs météorologiques.

Pour ce dernier point, les auteurs indi-quent que certaines techniques existent déjà,tandis que d'autres peuvent être affinées ou dé-finies dans le futur. Les auteurs estiment de plusque les technologies actuelles, qui seront arri-vées à maturation au cours des trente prochainesannées, offriront à tout qui dispose des ressour-ces (financières et technologiques) nécessairesla capacité de modifier les modèles climatologi-ques naturels et de gérer leurs effets associés, aumoins localement.

Les auteurs définissent actuellement lesmodifications environnementales comme unemodification du temps sur un territoire limité,pour une période limitée. Au cours des troisprochaines décennies, le concept s'étendra à lacapacité de façonner les modèles climatiquesnaturels en influençant leurs facteurs détermi-nants. Les auteurs estiment néanmoins que pour

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atteindre des capacités de modification environ-nementale fiables et raisonnablement précisesd'ici 30 ans, il faudra relever le défi de dépassercertains obstacles technologiques et légaux qui,selon eux, ne seraient toutefois pas insurmonta-bles.

Ils élaborent, sur ces considérations, unscénario présenté comme "socialement souhai-table" pour 2025. Et ils proposent dans la fouléeleur agenda:

• D'ici à 2005, les progrès technologi-ques en météorologie et la demandepour des informations météorologi-ques plus précises conduiront avecsuccès à l'identification et la paramé-trisation des principales variables quiaffectent le temps.

• Pour 2015, les progrès réalisés par lessuper-ordinateurs, les techniques demodélisations et l'étude des informa-tions obtenues sur l'atmosphère per-mettront de produire une capacité deprévision météorologique précise etfiable.

Le scénario élaboré dérape ensuite quel-que peu, car les arguments avancés tentent dejustifier l'aventure technologique en la présen-tant comme la seule alternative à une proche, etautrement inéluctable, apocalypse:

• au cours de la décennie suivante(2015-2025), toujours selon les au-teurs, les densités de population serontune pression importante pour la dispo-nibilité mondiale en nourriture et eneau potable. Ces pressions, associées àdes catastrophes naturelles, devien-dront de plus en plus inacceptables;elles inciteront les gouvernementset/ou autres organisations qui serontcapables d'exploiter les progrès tech-nologiques des deux décennies précé-dentes à poursuivre le développementd'une capacité de modification envi-ronnementale hautement fiable et rai-sonnablement précise. L'urgence gran-dissante de ce scénario stimulera laconclusion de nouveaux traités et loisafin de définir les risques et actionsacceptables.

Les auteurs du rapport reconnaissent ce-pendant que le terme "weather modification"garde une connotation négative pour certainespersonnes, tant civiles que militaires. La défini-tion qu'ils donnent du terme n' y changera sansdoute rien.

Dans leur exposé, la "modification clima-tique" au sens large peut être divisée en deuxcatégories principales: la suppression de phé-nomènes météorologiques, ou l'intensificationde ces phénomènes. Dans des cas extrêmes, ellepeut impliquer la création de modèles complè-tement nouveaux, l'atténuation ou le contrôled'ouragans violents ou même l'altération globaledu climat sur une échelle temporelle ou spatialeplus large. Dans les cas les plus bénins et lesmoins controversés, elle consiste à provoquer ousupprimer des précipitations, des nuages ou dubrouillard pour de courtes périodes sur un terri-toire limité. D'autres applications de faible in-tensité peuvent inclure l'altération et/ou l'usagede l'espace proche comme un médium pouraméliorer ou perturber les communications,perturber les capteurs, ou d'autres buts militai-res.

Le rapport examine ensuite toutes les ap-plications militaires possibles qui découleraientd'une capacité de modification environnemen-tale, bien que l'analyse se concentre essentiel-lement sur les possibilités de modifications nonpersistantes et sur une zone limitée, ainsi que lespossibilités d'implémentations tactiques de cettecapacité nouvelle. Les techniques discutées dansce rapport concernent essentiellement:

1. la génération et la dissipation de pré-cipitations, de nuage ou de brouillard;

2. la modification de zones localiséesd'ouragans ou d'orages;

3. l'utilisation de l'ionosphère et de l'es-pace proche pour le contrôle de l'es-pace et la domination des communica-tions.

C'est principalement le dernier point quinous intéresse dans le cadre de cette discussiondu programme HAARP.

Les auteurs indiquent par ailleurs queleurs recherches ont également porté sur destechniques plus extrêmes, qui ne sont toutefoisque brièvement citées dans ce rapport car lesobstacles technologiques paraissent insurmon-tables d'ici à 30 ans. Si tel n'avait pas été le cas,

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ces techniques auraient été mentionnées entemps qu'options militaires potentielles, en dépitde leur nature controversée, d'une utilisationpotentiellement malveillante, ou du fait qu'ellescontreviennent à la Convention ENMOD.

Enfin, ultime précaution, les auteurs pré-cisent que les techniques décrites vont du "tech-niquement démontré au potentiellement réalisa-ble", mais qu'aucune de leurs utilisations n'estactuellement envisagée par les forces opération-nelles.

On est frappé, à la lecture de ce rapport del'U.S. Air Force, par un paradoxe étonnant. Lesauteurs ne minimisent pas les obstacles techno-logiques d'un tel projet et plusieurs de leursréférences renvoient à des physiciens ou météo-rologues dont les travaux démontrent la lon-gueur du chemin qui reste à parcourir. Ils citentle Dr James GLENN, dont les travaux sur lanature chaotique du système météorologiqueexpliquent que, si les progrès de la techniquepermettront sans aucun doute de mieux prévoirle moment des transitions météorologiques, etde comprendre les inputs qui ont été requis pourprovoquer ces transitions, la nature chaotique dusystème ne permettra jamais de prévoir avecprécision les changements qui résulteront de nospropres inputs. Le rapport cite aussi le physicienEdward TELLER qui estime que même avecune constellation de satellites effectuant, encontinu, des mesures atmosphériques sur laplanète entière quadrillée en zone de 1 km2, desprévisions météorologiques à long terme relati-vement fiables pourraient être établies sur unepériode de 14 jours tout au plus, contre seule-ment 5 jours actuellement, mais à un coût bienévidemment totalement prohibitif. De plus, lesauteurs n'ignorent pas que mêmes les super-ordinateurs Cray C90, pouvant traiter à l'heureactuelle plus de 1,5 x 1010 opérations par se-conde, seraient largement insuffisants par rap-port aux exigences de leurs projets d'applica-tions militaires des techniques de modificationde l'environnement. Le chemin restant à parcou-rir pour améliorer ces performances reste doncénorme.

De même, à aucun moment ne sont igno-rés les obstacles légaux, pas plus que lescontestations, prévisibles, d'une large part de lapopulation. Mais leur confiance en eux sembleinébranlable: tous ces obstacles doivent être, etseront balayés, puisque la suprématie militaire

des Etats-Unis est à ce prix et qu'il s'agit en ou-tre, selon leurs propres termes, d'un objectif"socialement souhaitable" afin de prémunir laplanète de la faim et de la soif au siècle pro-chain!

Ces quelques références, puisées dans despublications récentes, pourraient être multi-pliées et renforcées par bien d'autres. La biblio-graphie y contribuera. Mais elles illustrent àsuffisance une unité et une concordance de vuedes milieux militaires qui ne laissent aucundoute sur leurs ambitions. Abstraction faite dequelques projections trop audacieuses ou descénarios-fiction exagérés, lorsque s'emballel'imagination des auteurs, il est néanmoins établique les objectifs poursuivis dépassent large-ment, en dépit des dénégations, le seul soucid'améliorer les performances des prévisionnis-tes. Les exigences opérationnelles, la maîtrisede l'air et de l'espace, imposent de dominer,"owning the weather".

2.3. Applications: succès, frustrationset objectifs

Les scientifiques admettent généralement,les militaires du moins, que les premières expé-riences de techniques de modification de l'envi-ronnement, préludes au concept de Environ-mental Warfare, sont nées vers la fin des années40 avec le Project CIRRUS. Ce projet del'U.S. Army Signal Corps était le premier effortscientifique important pour provoquer des pré-cipitations par un ensemencement des nuages etil a été très rapidement renforcé par des équipesde recherche de l'U.S. Air Force et du Office ofNaval Research. En 1948, le Dr Irving LANG-MUIR enregistre les premiers succès de préci-pitations dues à un ensemencement de nuages.Peu d'éléments nouveaux sont cependant surve-nus au cours des années 50 et 60.

C'est en fait le début de la guerre du Viet-nam qui ramena les conditions favorables à cetype de recherches. En 1966, les Etats-Unis selancèrent dans un programme connu sous lenom de Project POPEYE. Son objectif: prolon-ger la saison des moussons de façon à inonder etembourber la piste Ho Chi Minh et ainsi ralentirles mouvements de l'ennemi. Des avions WC-130, F4 et A-1E ont alors dispersé de grandesquantités d'iodure d'argent au-dessus des nuages,

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le long de la piste qui serpentait depuis le Viet-nam du Nord, à travers le Cambodge et le Laos,jusqu'au coeur du Vietnam du Sud. L'accroisse-ment des précipitations qui en résulta fut jugésatisfaisant, bien que certains scientifiquescontestent toujours cette corrélation, et l'opéra-tion fut poursuivie de 1967 à 1972. Toujours auVietnam, les Etats-Unis ont introduit, selonWESTING, des substances non spécifiées dansla troposphère dans l'espoir de rendre ineffica-ces les radars ennemis; les résultats de cetteexpérience n'ont jamais été rendus publics.

Au début des années 70, les militairesaméricains s'intéressent à des méthodes de dis-persion les brouillards, principalement pouraméliorer l'opérationalité des bases aériennes.Le Project COLD WAND équipera quatre basesde systèmes expérimentaux. Seul celui de labase de Fairchild AFB, à Spokane dans le Was-hington, est encore en service, à la satisfactionde tous semble-t-il, malgré une technologie in-changée depuis 30 ans. Le dispositif entoure labase de 23 propulseurs de propane liquide, in-jecté à -43°F 15 dans le brouillard lorsque lesconditions l'exigent. Le propane a pour effet degeler les gouttelettes d'eau contenues dans lebrouillard, qui précipitent alors sous forme decristaux de glace. Le processus pour éclaircirl'axe de la piste prend environ une heure, enespérant que les vents soient favorables. Lesystème est cependant de moins en moins utili-sé: hormis des raisons d'ordre technique, l'argu-ment dominant est que les autorités militaireshésitent de plus en plus à engager leur responsa-bilité face aux risques d'accidents civils que lesdépôts de verglas sont susceptibles de provo-quer en dehors de la base.

Après plusieurs années d'expérimenta-tions, l'opposition de nombreux scientifiquesainsi que, en ce début des années 70, l'influencecroissante du mouvement écologiste, eurentfinalement raison des recherches en ce domaine.Les dépenses du DoD pour la recherche sur lesmodifications environnementales ont plafonné à2,8 millions de dollars en 1977, l'année où lesNations Unies adoptèrent la Convention EN-MOD. En 1979, les Etats-Unis supprimaienttotalement ce poste du budget du départementde la défense et ratifiaient la Convention.

15 1°F =( 1°C x 9/5) + 32

Ces quelques recherches ont eu, malgrétout, des répercussions dans le domaine civil. En1949, alors que New York affrontait des diffi-cultés pour son approvisionnement en eau, laville a fait appel aux experts du Project CIR-RUS dans l'espoir de remplir ses réservoirs. Et ila plu ... mais personne n'a jamais pu démontrerque les experts y fussent pour quoi que ce soit.Quelques sociétés commerciales vivent néan-moins de ces techniques, financent leurs propresrecherches, et louent leurs services à qui peut lespayer: grandes exploitations agricoles en man-que de pluies, opérateurs de stations de sportsd'hiver en mal de neige, etc. Malgré les conflitsd'intérêts auxquels peuvent conduire ces prati-ques 16, et les dérapages possibles, la législationfédérale se limite à une obligation pour les en-treprises opérant dans ce secteur de rendrecompte de leur activités au National Oceanicand Atmospheric Administration (NOAA) ainsiqu'au Département du Commerce (DoC).

Faut-il en conclure que les Etats-Unis onttotalement abandonné ce domaine de la recher-che? Certainement pas. Mais de là à prétendreque les militaires développent actuellement àgrande échelle des systèmes d'armes basés surdes manipulations hostiles de l'environnement,il y a un pas à ne pas franchir trop vite. Force estcependant de constater que des scénarios futursde manipulations agressives de l'environnementsont décrits dans de nombreuses publicationsmilitaires. Fantasme, imagination fertile, ouexpression d'ambitions et d'objectifs réels? C'estnaturellement toute la question. D'autre part,l'absence d'inscription budgétaire précise pources recherches ne signifie rien. Le mécanismedes black budgets, permettant aux militaires dedisposer d'une enveloppe budgétaire sans avoir àen justifier l'utilisation devant le Congrès, resteen effet abondamment utilisé dans le domainede la recherche et développement militaire.

Remarquons par ailleurs que les déclara-tions sont souvent contradictoires. Le rapport 16 En 1950, suite aux efforts menés, sur base du ProjetCIRRUS, par la ville de New York pour résoudre les pro-blèmes d'approvisionnement en eau, un habitant a attaquéles autorités de la ville, estimant que les pluies artificielle-ment produites lui avaient porté préjudice. La Cour a tou-tefois estimé que les avantages apportés à plusieurs mil-lions de citoyens manquant d'eau étaient sans communemesure avec l'inconvénient supporté par un seul. [COBLE,1996]

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RAPPORT DU GRIP 98/5 29

Air Force 2025 (HOUSE et al., 1996) indiquepar exemple que les restrictions apportées par laConvention ENMOD n'ont pas stoppé les re-cherches, mais les ont seulement significative-ment ralenties.

De même, malgré une insistance répétéesur l'absence de recherches militaires actuellesdans ce domaine, la thèse de COBLE décritnéanmoins une série de BWM dont les applica-tions seraient purement militaires et possibles àcourt terme (une dizaine d'années selon l'au-teur). Retenons-en deux:

1. Techniques de fog or smoke genera-tion basées sur des Lasers CW (Conti-nuous Wave) pulsés afin d'interdire lesreconnaissances aériennes ou satellitesde l'ennemi, ou d'empêcher le fonc-tionnement des armes guidées par IR.

2. Techniques d'échauffement de l'at-mosphère, notamment par une injec-tion directe d'énergie, afin de diminuerle différentiel entre l'air ambiant et unecible potentielle et ainsi hypothéquerl'acquisition de cette cible par les sys-

tèmes IR PGM (InfraRed PrecisionGuided Munitions)

Enfin, le sujet est pris au sérieux jusqu'auplus haut niveau de l'Etat. Au cours d'une confé-rence de presse récente, le secrétaire d'Etat à ladéfense des Etats-Unis William COHEN a ex-plicitement exprimé sa crainte de voir des Etatsterroristes s'engager dans des actions de terro-risme écologique impliquant l'altération desclimats et les déclenchements à distance detremblements de terre ou d'éruptions volcani-ques par l'utilisation d'ondes électromagnéti-ques. Dans cet exposé, probablement sansgrande pertinence scientifique, COHEN estimeque si ces techniques venaient un jour auxmains de terroristes, elles doivent aussi être à ladisposition des organisations gouvernementalesde défense les plus avancées du monde, end'autres termes, l'armée des Etats-Unis. Il fautvraisemblablement voir dans cette prise de po-sition politique un exercice destiné à justifierauprès de l'opinion publique le maintien d'unhaut niveau de dépenses militaires.

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RAPPORT DU GRIP 98/5 30

3. Le Programme HAARP

3.1. Description technique du projet

Le programme HAARP, High FrequencyActive Auroral Research Program, est un pro-gramme de recherche sur la haute atmosphèregéré conjointement par l'U.S. Air Force etl'U.S. Navy sur un site appartenant au ministère

américain de la Défense, le DoD, à Gakona dansle sud-est de l'Alaska.

Le village de Gakona est situé à mi-chemin, à environ 160 miles, entre Anchorage(au nord-est) et Fairbanks (au sud-est). Lescoordonnées géographiques de Gakona sont de62 degrés 23 minutes de latitude nord et 145degrés 8 minutes de longitude ouest.

Figure 8. Situation de la station HAARP

source: U.S.Navy, site Internet

3.1.1. Principales composantes del'installation

HAARP est défini par les autorités mili-taires américaines comme un "effort scientifiquedestiné à étudier les propriétés de base et lecomportement de l'ionosphère avec un accentparticulier sur la capacité à mieux la compren-dre et l'utiliser pour accroître l'efficacité descommunications et des systèmes de surveillanceà des tant fins civiles que militaires" 17.

Les deux principaux instruments requispar les installations de Gakona consistent en un

17 Final Environmental Impact Statement (FEIS) - Cons-truction and Operation of an Ionospheric Research Faci-lity for the High Frequency Active Auroral Research Pro-gram, Purpose and Need for Action - released to the publicon July 15, 1993, cf. p. 2.

émetteur phased array haute fréquence et degrande puissance (appelé Ionospheric ResearchInstrument, IRI) utilisé pour stimuler de petitsvolumes bien définis de l'ionosphère, et d'unradar à diffusion incohérente (Incoherent scatterradar, ISR) à haute fréquence (HF) qui est né-cessaire pour la mesure de la densité des élec-trons, des températures des électrons et ions, dela masse des ions et de la vitesse des plasmasdans les régions stimulées ainsi que dans l'io-nosphère naturelle.

L'efficacité de ces deux instruments,IRI et ISR, est complétée par un ensembled'équipements développés pour les besoins duprogramme et considérés comme les plus mo-dernes dans le domaine de la recherche géophy-sique: ionosonde HF (Incoherent IncidenceSounder, VIS), récepteurs ELF et VLF, magné-tomètres, riomètres, un système LIDAR (LIghtDetection and Ranging) et des caméras et spec-

HAARP (Gakona, Alaska)

62° 23.5' latitude nord

145° 8.8' longitude ouest

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RAPPORT DU GRIP 98/5 31

tromètres optiques et infrarouges pour l'obser-vation des variations naturelles complexes del'ionosphère au-dessus de l'Alaska ainsi quepour la détection des effets artificiels produitspar l'IRI, le puissant émetteur HF.

Le ISR consiste en une large antenne pa-rabolique d'un diamètre de 35 mètres (115')montée sur un piédestal de 10 mètres.

Le VIS se compose d'un émetteur consis-tant en un arrangement de 5 mâts d'antenne (4mâts de 15 mètres disposés en carré et un cin-quième mat de 30 mètres au centre), et d'unrécepteur fait de cinq éléments d'une hauteurd'environ 1,5 mètre.

Le IRI est le constituant principal deHAARP. Il est composé d'un maillage de 180mâts d'une hauteur de 22 mètres (72'), disposés àintervalles de 25 mètres (80') selon une grille de12 sur 15. Au sommet de chacun de ces mâtssont disposées deux antennes dipôles croisées,l'une pour la bande inférieure (de 2,8 à 7 MHz)et l'autre pour les fréquences supérieures (7 à10 MHz). Un écran est disposé à une hauteurd'environ 4,5 mètres sur chaque mât et sert deréflecteur afin de permettre aux véhicules d'at-teindre les 30 shelters, disséminés sur ce dispo-sitif d'antennes, et qui contiennent chacun sixpaires d'émetteurs d'une puissance de 10 kW.Soit une puissance totale de 2 x 6 x 30 x 10 kW= 3,6 MW disponibles à l'émission. Ces émet-

teurs peuvent être commutés sur l'une ou l'autredes antennes dipôles et sont alimentés par 6générateurs de 2,5 MW (15 MW au total), ac-tionnés chacun par un moteur diesel de 3600 hp.

L'émission de chaque dipôle peut êtreajustée en amplitude et en phase de façon à for-mer un faisceau étroit dirigé vers un point del'ionosphère. Ce signal émis à une puissance de3,6 MW diverge et est partiellement absorbé. Ladispersion serait telle que l'intensité du signalHF atteignant l'ionosphère ne serait que de 3µW par cm2, ce qui représente des dizaines demilliers de fois moins que le rayonnement élec-tromagnétique naturel du Soleil atteignant le solet des centaines de fois moins que les variationsen intensité du rayonnement ultraviolet natureldu Soleil à l'origine de l'ionosphère.

Les premiers tests ont débuté le 15 dé-cembre 1994, la première expérience de recher-che a été effectuée en coopération avec le satel-lite WIND de la NASA les 16 et 17 novembre1996. La première phase complète de recher-ches a commencé au début du mois de mars1997, en collaboration régulière avec la stationvoisine HIPAS (High Power Auroral Stimula-tion) à Fairbanks. L'objectif annoncé au début decette année 1998 était de pouvoir conduire desrecherches scientifiques de haut niveau dèsl'automne 1998 avec un premier ensemble de 48mâts opérationnels.

Photo 1. Ionospheric Research Instrument (IRI): vue partielle du réseau d'antennes d'émis-sion et des shelters contenant les générateurs.

source: U.S.Navy, site Internet

3.1.2. Effets attendus sur l'ionos-phère

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RAPPORT DU GRIP 98/5 32

De quelles expériences s'agit-il? En géo-physique, l'utilisation de puissants générateurshaute fréquence pour étudier la haute atmos-phère est appelée "recherche ionosphériqueactive". Le projet qui nous occupe étant déve-loppé dans la région polaire, la dénomination duprogramme n'a donc rien d'original.

Les installations de HAARP seront utili-sées pour introduire une quantité, faible et pré-cise, d'énergie dans un endroit déterminé d'unedes couches de l'ionosphère afin d'étudier lesprocessus physiques complexes qui se produi-sent dans ces régions de plasma naturel crééeschaque jour par le Soleil. Selon les promoteursdu projet, les effets de cet apport d'énergie se-ront limités à un rayon variant de 9 à 40 kilomè-tres, en fonction de la fréquence d'émission etde l'altitude visée, à la verticale de la stationHAARP.

Les émissions de HAARP ont pour ob-jectif de faire réagir des particules chargées del'ionosphère (électrons libres ou ions positifs),avec un champ électrique externe et artificiel.HAARP ne devrait donc avoir aucun effet surles particules non ionisées, les atomes et molé-cules neutres qui forment la masse de l'atmos-phère à des altitudes plus basses.

Si l'on se base sur les expériences menéesauparavant dans d'autres installations de recher-che ionosphérique active, les effets produits parHAARP se dissiperaient très rapidement (quel-ques secondes ou minutes) après l'arrêt de lastimulation. Il ne devrait donc il y avoir aucunrisque de perturbation permanente ou à longterme de l'ionosphère.

Dans l'état actuel du projet, HAARP neserait pas capable de produire une ionisationartificielle supplémentaire, pour deux raisons:

1. Les hautes fréquences (HF) utiliséespar HAARP sont dans la partie nonionisante du spectre électromagnéti-que, contrairement au rayonnementultraviolet du Soleil et aux rayons Xdont les photons ont suffisammentd'énergie pour être ionisants.

2. La puissance maximale de l'IRI estactuellement trop faible pour provo-quer une ionisation artificielle par in-teraction avec les particules aux altitu-des ionosphériques. En effet, à ces al-

titudes, la puissance ne dépasserait pas3 µW par cm² (pour une puissanceémise au sol de 3,6 MW), ce qui est,d'après les experts de HAARP, envi-ron deux fois trop peu pour produirece processus d'ionisation artificielle.Certains rapports de l'U.S. Air Forcelaissent cependant entendre que cettepuissance pourrait être considérable-ment accrue à l'avenir. Nous auronsl'occasion d'y revenir.

L'injection d'une fraction de l'énergieémise par HAARP dans les particules ioniséesqui constituent le plasma ionosphérique provo-que un accroissement local de la température. Aune altitude de 275 km, dans la région F2 dontla température dépasse 1.400°K 18, des expé-riences menées dans d'autres stations de recher-che ionosphérique ont montré qu'il était possibled'accroître localement la température de quelque30%. La zone affectée montrerait alors tempo-rairement des caractéristiques différentes deszones voisines dans la couche. Les instrumentsde mesure sophistiqués au sol sont chargésd'étudier les propriétés physiques dynamiquesde l'ionosphère pendant ces expériences.

Lorsque les électrons et les ions acquiè-rent ce supplément d'énergie, leur températureaugmente, ainsi que leur énergie cinétique: ils sedéplacent donc plus rapidement. Dans la régionF, cette mobilité accrue a pour effet de réduirela densité électronique. Dans ce cas aussi, lesexpériences d'autres sites ont pu réduire cettedensité des électrons de 10 à 20% localementsur des courtes périodes.

L'ionisation naturelle dans la région Fcorrespond à une densité d'électrons et d'ionsd'environ 1 million par cm³ pendant la journée,soit 0,2% du total des gaz présents. Même ensupposant que les expériences ionosphériquesréalisées avec l'émetteur HF de HAARP rédui-sent la densité ionique de 20%, soit une densitéréduite à 800.000 particules par cm³, ce résultatserait encore nettement inférieur à la réductionde densité, de l'ordre de 50%, qui se produitnaturellement pendant la nuit.

Selon certaines études, l'échauffementprovoqué par l'émetteur pourrait par contre ac-

18 0°K = -273,15°C

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RAPPORT DU GRIP 98/5 33

croître la densité dans la région E, du fait d'unesuppression partielle du processus de recombi-naison. Une variation considérée comme mi-nime, comparativement aux variations considé-rables qui surviennent chaque nuit dans cetterégion (la densité peut alors se réduire à 1.000par cm³, soit 200 fois moins que le jour).

3.1.3. Les applications énoncées parles militaires

Un rapport de juin 1995, publié par le AirForce's Phillips Laboratory et le Office of Na-val Research présente le programme HAARPcomme l'aboutissement de 30 années de recher-ches sur l'ionosphère. Le terrain scientifiqueétait prêt pour faire la transition entre la recher-che pure et les applications pratiques dans lesdomaines civil et militaire estime le rapport. Lesexperts concluent que la construction d'unémetteur HF dans les régions aurorales, d'unepuissance 3 fois supérieure à celui de Tromsø enNorvège, donnera aux Etats-Unis une capacitésans précédent de contrôler localement l'état del'ionosphère et considèrent HAARP comme lapierre angulaire de la transition entre l'ère despures recherches ionosphériques et celle destechnologies et applications stratégiques.

L'énergie primaire du transmetteurHAARP peut être émise à une fréquence com-prise entre 2,8 et 10 MHz. En alignant la fré-quence d'émission sur le profil de densité ionos-phérique (la fréquence du plasma notamment),l'énergie émise peut être déposée sélectivementà des altitudes comprises entre 70 et 90 km (ré-gion D et E) et entre 200 et 300 km (région F),ou peut s'échapper dans l'espace. Une partiesignificative de l'énergie HF absorbée est ré-émise sous forme d'énergie optique.

L'ionosphère agit donc comme unconvertisseur d'énergie HF en photons optiques.Ce processus est similaire à celui qui crée laluminescence naturelle (airglow) émise par lahaute atmosphère, observable de nuit avec desinstruments optiques sensibles. Le spectre de laluminescence produite par l'émetteur HAARP

dépend de l'intensité de l'émission ainsi que dela composition et de la densité de l'atmosphèredans la zone où est déposée l'énergie. L'émetteurHAARP est le seul dont le faisceau est suffi-samment intense pour induire une réémission del'énergie observée dans l'infrarouge. De plus, lesignal monochromatique de l'émetteur peut êtreconverti en un large spectre radio pouvant avoirun impact utile sur les communications.

La présence de champs et courants élec-triques dans l'ovale auroral fournit à HAARPdes capacités uniques. Cette zone de l'ionos-phère peut être utilisée comme un transmetteurbasse fréquence qui est réglable de façon conti-nue dans la gamme de 0.001 Hz à 40 kHz. Pourpermettre cette fonction, le signal émis est mo-dulé en amplitude ou en fréquence par la bassefréquence désirée. L'ionosphère, agissantcomme un filtre haute fréquence, démodule lesignal HF (figure 9) et renvoie un signal élec-tromagnétique de fréquence égale à celle de labasse fréquence de modulation (la réflexion versle sol se produit à l'endroit de l'ionosphère où lafréquence de la porteuse du signal émis égale lafréquence de résonance du plasma formé à cettealtitude). Cette onde peut se propager avec unefaible atténuation sur des milliers de kilomètres,guidée par le guide d'onde formé par l'espaceentre le sol et l'ionosphère. C'est la raison pourlaquelle beaucoup de systèmes de communica-tions basse fréquence sont utilisés par la Navypour les liaisons entre navires et avec la terre.

Lorsque l'énergie est déposée dans la ré-gion F, près du maximum de densité des élec-trons, elle provoque localement des stries, desirrégularités, dans la densité électronique del'ionosphère. Ces stries sont comme des axes etsont alignées avec le champ magnétique; ellespeuvent agir comme des diffuseurs (Field Ali-gned Scatterers, FAS) qui réfléchissent les fré-quences, dans les domaines HF à UHF, d'unefaçon extrêmement directionnelle. Ces FASpeuvent aussi bien modifier le signal qui lestraverse que fournir de nouveaux liens de com-munication. Ce principe est illustré à la figure10.

Figure 9. Principe de réflexion des fréquences extrêmement basses après démodulation dansl'ionosphère du signal modulé en amplitude de l'émetteur HF

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RAPPORT DU GRIP 98/5 34

Source: Air Force Phillips Laboratory and Office of Naval Research (1995)

Figure 10. Principe des Field Aligned Scatterers, irrégularités de l'ionosphère alignées sur leslignes de force du champ magnétique, et leur influence sur la transmission descommunications

Source: Air Force Phillips Laboratory and Office of Naval Research (1995)

Ce rapport expose ensuite trois domainesd'applications pour le Programme HAARP

1. Le domaine des basses fréquences

La plupart des systèmes de communica-tions et de capteurs distants utilisent la partiedes courtes longueurs d'ondes du spectre élec-tromagnétique, opérant depuis quelques MHzjusqu'au visible et ultraviolet, ont des avantagesinhérents en termes de bande passante, résolu-tion et facilités dans le développement des sour-ces et détecteurs. Par contre, leur faible capacitéde pénétration constitue un obstacle majeurlorsqu'elles sont utilisées pour sonder le sous-solet communiquer dans les profondeurs desocéans.

Les très basses fréquences pénètrentbeaucoup plus profondément dans le sol et dansl'eau et ont été utilisées pour les communica-tions sous-marines et l'exploration géophysique.Cependant, les problèmes pour développer des

sources de basse fréquence à larges bandes ren-dent difficile leur utilisation pour les applica-tions souterraines; avec pour résultat que lesapplications électromagnétiques basse fré-quence ont souvent été dépendantes de sourcesnaturelles, telles que la foudre ou les pulsationsgéomagnétiques. Mais, bien que ces sourcesnaturelles ont des avantages, d'un point de vuelogistique, sur des petites sources artificielles,elles ont aussi l'inconvénient d'être imprévisi-bles et d'avoir un signal contenant des caracté-ristiques de bruit importantes. Les signaux natu-rels sont de plus extrêmement faibles dans lesbandes de fréquences comprises entre 1 et 2 kHzet 0,1 et 10 Hz. Or ces bandes sont importantesdans l'exploration minière et pétrolière.

Le générateur HAARP, opérant en modeconversion de basses fréquences, peut générerdes ondes contrôlées, monochromatiques etcohérentes entre 0,001 Hz et 40 kHz. Il est unesource qui a tous les avantages des sources natu-relles mais aucun de leurs inconvénients.HAARP, de l'avis de ses concepteurs, comble

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RAPPORT DU GRIP 98/5 35

donc un long vide dans le domaine des sourcesélectromagnétiques basse fréquence contrôlées,avec le potentiel de révolutionner les communi-cations et les capteurs distants utilisant ces bas-ses fréquences.

Les caractéristiques uniques du généra-teur HAARP agissant comme un transmetteurbasse fréquence accordable sur une fréquencechoisie, ouvre la voie à une large gamme d'ap-plications possibles dont le sondage du sous-sol,de la mésosphère, de l'ionosphère et de la ma-gnétosphère.

Les basses fréquences se propagent dansle guide d'onde formé par l'espace entre la terreet l'ionosphère, avec une très faible atténuation,avec pour conséquence qu'une très grande partiede la surface terrestre peut être couverte à partirdu site de HAARP.

Des ondes basse fréquence injectées dansles ceintures de radiation de la Terre peuventinduire la précipitation des particules énergéti-ques piégées dans cette région de l'espace. L'ex-ploitation de ce processus pourrait permettre lecontrôle du flux des particules énergétiquesdans certaines régions des ceintures de radia-tions et pourrait avoir un impact sur l'opérationet la durée de vie des satellites opérant danscette région.

2. Le domaine des hautes fréquences

L'émetteur HAARP peut aussi avoir unimpact sur les communications HF/VHF/UHFdans les liaisons sol-sol et sol-satellites, en mo-difiant les régions de l'ionosphère qu'elles tra-versent. Le concept des FAS (Field AlignedScatterers), déjà évoqué, est ici d'une impor-tance majeure pour l'amélioration des communi-cations sol-sol ou sol-satellite qui autrementseraient marginales ou impossibles. L'établisse-ment de cheminements VHF/UHF OTH per-mettront de nouveaux systèmes de communica-tion, de surveillance et de capteurs distants utili-sant des installations basées au sol. De nou-veaux cheminements sol-espace permettraientd'étendre les zones couvertes par les systèmesde communication et de surveillance civils etmilitaires.

D'un point de vue militaire, le plasma io-nosphérique peut être artificiellement restructu-ré dans le voisinage des cheminements des

émissions de communications, surveillance etnavigation transionosphériques et affecter lesperformances de celles-ci.

En HF, l'émetteur HAARP peut aussi agircomme un radar: lorsque sa fréquence de travaildépasse la fréquence de résonance de la régionF de l'ionosphère, il peut être utilisé autantcomme un radar à diffusion incohérente pourdiagnostiquer le plasma de haute altitude dansl'ionosphère auroral, que comme un radar cohé-rent pour sonder les turbulences de la magné-tosphère aurorale. Des techniques similairespeuvent être utilisées pour sonder les vents so-laires, la couronne solaire et les corps planétai-res et leurs ionosphères. Enfin, de nouveauxconcepts ont été développés afin d'utiliserl'émetteur HAARP en mode radar en conjonc-tion avec une source acoustique infrason poursonder la stratosphère et la mésosphère aurora-les.

3. Le domaine des fréquences optiques

Dans des conditions stables, une part si-gnificative de la puissance HF absorbée par lesélectrons de l'ionosphère engendre une excita-tion moléculaire et une réémission dans unelarge gamme de fréquences optiques. Les mili-taires américains s'attendent donc à ce que, àl'intensité maximale de son émission, l'émetteurHAARP produise une luminescence avec unepuissance de l'ordre du mégawatt principale-ment dans la partie visible et infrarouge duspectre. Les émissions IR sont essentiellementcausées par l'excitation indirecte de moléculesde CO2 et se propagent de manière isotrope enétant absorbées vers le bas. Ces émissions peu-vent être détectées par des satellites équipés dedétecteurs IR situés dans la ligne de visée de larégion modifiée.

Le projet de satellite américano-russe"RAMOS", qui survolera fréquemment le sitede Gakona, permettra la mesure des émissionsoptiques et IR avec une bonne résolution spa-tiale et fournira donc une mine d'informationssur l'état de la région de l'ionosphère dans la-quelle elles ont été générées, informations tellesque la structure de la densité neutre, la dynami-que des vents et l'abondance relative des molé-cules émettant l'IR. Les émissions IR, ainsi queleur faculté de créer des stries dans leur région,ont des implications militaires significativespour la détection IR et les contre-mesures.

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RAPPORT DU GRIP 98/5 36

Ce rapport de 1995 apparaît cependantcomme particulièrement succinct, et très incom-plet, lorsqu'on le compare au planning du pro-gramme HAARP établi dès 1990 par le labora-toire de géophysique de l'U.S. Air Force et del'Office of Naval Research.

Dès les premières lignes de ce rapportpréparatoire, HAARP est présenté comme unmoyen pour améliorer grandement les capacitésdes systèmes C3 (Command, Control and Com-munication), ou pour en interdire l'accès à unennemi. Un objectif essentiel de ce programme,poursuit le rapport, est l'identification et l'appro-fondissement des processus et des phénomènesionosphériques qui peuvent être exploités pourdes projets du DoD, tels que ceux indiqués ci-dessous:

1. Génération d'ondes ELF/VLF

Plusieurs systèmes militaires de commu-nication dépendent de réseaux basse fréquence,entre 30 Hz et 30 KHz. C'est notamment le casdes communications avec les sous-marins enplongée et du réseau militaire de secours (Mi-nimum Essential Emergency CommunicationsNetwork, MEECN).

Les basses fréquences, entre 70 et150 Hz, sont particulièrement intéressantes pourde nombreuses applications militaires, mais sontdifficiles à générer avec des systèmes d'antennesterrestres. Un échauffement d'une zone de larégion D de l'ionosphère, grâce à un générateurHF terrestre, permettrait de moduler la conduc-tivité de cette zone de l'ionosphère, ce qui à sontour modulera les courants ionosphériques quijoueront le rôle d'une antenne virtuelle pour lerayonnement des ondes radios vers le sol. Cetteexplication, dans un rapport qui, rappelons-le,remonte à huit ans, s'appuie sur des recherchesexpérimentales menées dans d'autres stationsionosphériques en Occident et en Union soviéti-que. Les planificateurs du programme HAARPespèrent être capables de générer des signauxELF plus puissants que ceux permis à cette épo-que avec les réseaux dont dispose la Navy dansle Wisconsin et le Michigan.

Ce document indique également que l'onsait aujourd'hui que les signaux naturels de trèsbasse fréquence, tels que ceux générés par la

foudre, se propagent dans l'ionosphère et intera-gissent avec les particules le long des lignes deforce du champ géomagnétique, provoquant, detemps en temps, la précipitation de ces particu-les dans l'ionosphère inférieure. Les militairesespèrent donc qu'il serait possible, si ce proces-sus pouvait être contrôlé de façon fiable, dedévelopper des techniques pour provoquer arti-ficiellement cette précipitation et appauvrirainsi, pour de courtes périodes, une région dé-terminée des ceintures de radiation des particu-les: ceci permettrait, comme nous l'avons déjàindiqué, aux satellites d'y opérer temporaire-ment sans endommager leurs équipements élec-troniques.

2. Exploration géophysique

HAARP doit permettre d'identifier et decaractériser les processus naturels de l'ionos-phère qui limitent les performances des systè-mes C3, afin de développer des techniques pourles atténuer ou les contrôler. Mais HAARP aaussi une fonction de surveillance.

La possibilité d'utiliser HAARP pourl'exploration géophysique est encore peu déve-loppée dans ce document de 1990. Ce n'est enfait que plus tard, en réponse aux pressions deparlementaires qui souhaitaient exploiter aumieux tout le potentiel de HAARP, que cet as-pect prend une certaine importance. Dans leNational Defense Authorization Act de l'annéefiscale 1995, le Sénat presse le DoD de proposerun plan pour l'utilisation de HAARP en tomo-graphie, c'est-à-dire pour le sondage des profon-deurs terrestres.

La tomographie consiste à sonder les solsen profondeur avec des signaux de très bassefréquence, 10 à 20 Hz selon le directeur du pro-gramme John HECKSCHER, afin d'y décelerdes anomalies telles que des installations mili-taires secrètes, des tunnels, ou des matièresminérales. Cette éventualité pourrait donc aussiêtre intéressante pour la prospection du gaz oudu pétrole.

Cette application a finalement été finan-cée, en 1996, par le budget des programmes decontre-prolifération, l'intérêt militaire le plusévident étant la mise à jour d'éventuels sitessecrets, stockage, production ou laboratoires,pour des armes nucléaires ou chimiques.

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Cette application nouvelle n'a bien enten-du jamais été discutée dans l'étude d'impact,puisque celle-ci s'est clôturée en 1993.

3. Génération de "trous" ou de "lentil-les" ionosphériques

On sait que l'échauffement d'une régionde l'ionosphère avec un puissant signal HF pro-voque localement une dépression d'électrons, un"trou", qui altère les propriétés de réfraction del'ionosphère, et donc perturbe les signaux radioqui traversent cette région. Si des techniquesétaient développées pour exploiter ce phéno-mène de façon à créer une lentille artificielle, ilserait possible de focaliser une plus grandequantité d'énergie HF à de plus hautes altitudes,ce qui ouvrirait une voie pour déclencher denouveaux phénomènes ionosphériques qui pour-raient être exploités par le DoD (sans autre pré-cision).

4. Accélération d'électrons

S'il est possible de concentrer suffisam-ment d'énergie en une zone de l'ionosphère, ilserait possible d'accélérer des électrons vers deplus hautes énergies, depuis quelques eV jus-qu'à des niveaux de plusieurs KeV ou MeV. Cesélectrons accélérés pourraient générer une va-riété d'émissions optiques et IR dont l'observa-tion et la quantification fourniraient des donnéesintéressantes sur la concentration des compo-sants mineurs de la haute atmosphère et de l'io-nosphère inférieure, et permettraient de déve-lopper des modèles de prévision de la propaga-tion des ondes radios. Mais le rapport ajoute uneapplication militaire particulière: ces émissionsIR et optiques pourraient aussi servir à "aveu-gler" les détecteurs militaires basés dans l'es-pace.

En outre, par collision avec des particulesneutres, les électrons accélérés (entre 14 et20 eV) produiraient une ionisation artificiellesupplémentaire; ceci permettrait de compenserles périodes durant lesquelles l'ionisation estnaturellement faible et d'assurer les communi-cations HF longue distance (OTH) quel que soitle moment.

Pour terminer ce volet, les militairesconstatent que l'expérience a déjà permis d'ob-server que les transmetteurs HF dont sont équi-pés certains véhicules spatiaux pouvaient accé-

lérer des électrons jusqu'à des niveaux d'énergietels que leur impact pouvait endommager leséquipements. L'accélération artificielle d'élec-trons jusqu'à plusieurs KeV ou MeV permettraitd'évaluer les effets de ces collisions avec desvéhicules spatiaux. Il ne faut évidemment pasêtre grand clerc pour comprendre que, outre cetaspect de protection des équipements, la maî-trise de ces procédés serait probablement aussiune avancée considérable pour le développe-ment des armes à plasma. Selon des observa-teurs spécialisés, il semble certain, malgré lesdémentis officiels, que les armes à plasma hau-tement énergétique font toujours l'objet de re-cherches au Nouveau Mexique, dans le labora-toire High Energy Research Facility (HERTF)situé sur la Kirtland Air Force Base 19.

5. Génération de zones d'ionisation arti-ficielle alignées sur les lignes dechamp magnétique

Le procédé de Field Aligned Scatterers(FAS) a été décrit brièvement précédemment.Ce rapport préparatoire ajoute que ce dispositifpermettrait, d'une part, de maintenir opération-nelles les communications HF, même au-dessusd'une zone perturbée par une attaque nucléaireet, d'autre part, de détecter à très longue distanceun missile pénétrant dans l'ionosphère. Le prin-cipe du FAS aurait été testé en 1992, donc avantla construction de HAARP, vraisemblablementavec la station HIPAS de l'Université de l'Alas-ka près de Fairbanks.

6. Echauffement HF oblique

Les stations ionosphériques actuellesémettent le rayonnement HF verticalement, au-dessus de la station. C'est d'ailleurs ce que di-sent aussi les documents les plus répandus rela-tifs au programme HAARP: les effets seraientlimités à un rayon de 9 à 40 km autour de lastation. Les travaux préparatoires indiquentpourtant que, pour les applications militairesenvisagées, il est souhaitable de pouvoir altérersignificativement des régions de l'ionosphère àde grandes distances, de 1.000 km ou plus. Cetobjectif nécessite une émission HF, non plus à laverticale de la station, mais selon des axes obli-ques s'éloignant de celle-ci.

19 Jane's Defence Weekly, 29 July 1998, p. 29.

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Le DoD justifie cette exigence par le faitque les puissances effectives de plus en plusgrandes qui sont utilisées pour les futurs systè-mes de communication et de surveillance peu-vent provoquer des effets non désirés dans l'io-nosphère, et pourraient aussi être vulnérablesaux effets produits par d'autres émetteurs, alliésou ennemis. Ce sont ces risques, éloignés dupoint d'émission, qu'il faut pouvoir évaluer.

Cette application du projet HAARP sus-cite plusieurs commentaires. Tout d'abord, c'estau travers de cette description que l'on devine lapossibilité de perturber les communicationsjugées hostiles. Ensuite, ce sujet n'est absolu-ment pas abordé dans la Final EnvironmentalImpact Statement (FEIS), le rapport final del'étude d'impact. Ce projet d'émission oblique, àplus de 1.000 km, est donc en contradiction avecles propos officiels assurant que les perturba-tions sont limitées à un étroit périmètre au-dessus des installations.

7. Génération de couches d'ionisationen dessous de 90 km

L'utilisation d'une puissance HF pour ac-célérer des électrons à 14-20 eV ouvre la voie,selon les promoteurs du projet HAARP, à lacréation de couches substantielles d'ionisation àdes altitudes où il n'y a normalement que peud'électrons libres.

Ces zones sont appelées des miroirs io-nosphériques artificiels (Artificial IonosphericMirror, AIM) et le concept a déjà été expéri-menté par l'U.S. Air Force. Les fréquences né-cessaires pour constituer ces miroirs artificielsse situant entre 400 MHz et 3 GHz (donc beau-coup plus que l'émetteur de HAARP), le docu-ment précise que le programme HAARP n'estpas "directement" concerné par le principe desAIM. Il y aurait-il donc des relations "indirec-tes"? La dialectique militaire est parfois surpre-nante...

Ce rapport préparatoire de 1990 ne men-tionne pas avec précision la puissance prévuepour l'émetteur HF. Il se borne à annoncer queHAARP sera la station la plus puissante aumonde et disposera d'une puissance supérieure à1 GW ERP (Effective Radiated Power).

La polémique autour de la puissance ré-ellement envisagée pour l'émetteur HF de lastation HAARP pourrait bien trouver ici sonépilogue. Certains documents de sources mili-taires mentionnent des puissances ERP entre 1et 10 GW. Lors d'un workshop qui s'est tenu, en1991, sur la Hanscom Air Force Base, dans leMassachusetts, un groupe de travail, intituléHAARP Workshop on Ionospheric Heating Dia-gnostics, aurait indiqué dans son TechnicalMemorandum 195, un document qui n'a pas étérendu public, que la puissance ERP idéalementrequise serait de 100 GW [BEGICH, 1995].

En mars 1998, le Professeur WilliamGORDON (Rice University, Houston), qui aparticipé aux groupes de travail du programmeHAARP, confirmait d'ailleurs que 100 GW étaitbien la puissance émise effective (ERP) consi-dérée comme souhaitable par l'un des scientifi-ques de l'équipe de programme 20.

Actuellement, la puissance de l'émetteurHAARP, indiquée dans les documents récentsainsi que dans le rapport de l'étude d'impact, estfixée à 3,6 MW. Mais cette valeur exprime iciune puissance totale correspondant à la puis-sance disponible des générateurs alimentés pardes moteurs diesels. Pour connaître la puissanceeffectivement irradiée, ERP, il faut connaître lescaractéristiques du réseau d'antennes et en parti-culier le gain.

Selon un courrier échangé entre NickBEGICH et le directeur du programme HAARPJohn HECKSCHER, le gain d'antenne del'émetteur HF serait d'environ 1000 à 10 MHz.On en déduit donc que la puissance effective-ment émise sera d'environ 3,6 GW.

Au terme de sa construction, HAARP se-ra donc bien trois fois plus puissant que la sta-tion européenne EISCAT dont la puissance ac-tuelle est de 1,2 GW ERP pour le réseau d'an-tennes couvrant les fréquences de 5,5 à 8 Mhzmaximum et seulement de 300 MW ERP pourles fréquences plus basses, de 3,85 à 5,65 MHz.

Pour atteindre une puissance ERP de 100GW, comme le souhaitent certains scientifiques,il faudrait donc un générateur capable de fournir

20 Defense News, 16/3/1998: HAARP is Harmless (Letterfrom Prof. W. GORDON), p. 14.

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approximativement 100 MW, ce qui reviendraità multiplier le projet actuel par un facteur 28.Construire un générateur, ou une centrale utili-sant le gaz naturel abondant de l'Alaska, dispo-sant d'une puissance installée de 100 MW n'estpas un problème: à titre de comparaison, la cen-trale nucléaire de Tihange, qui assure 44% desbesoins énergétiques de la Wallonie, a une puis-sance installée de 2,9 GW. Mais ce genre decomparaison, fréquente dans les discussions surla puissance réellement envisagée par les mili-taires pour l'émetteur HAARP, n'est pas perti-nente.

En effet, pour envoyer dans l'ionosphèreune impulsion d'une grande énergie, il faut êtrecapable de libérer une puissance importante enun temps extrêmement court, quelques fractionsde seconde. Une puissance de 1 Watt corres-pond à une énergie de 1 Joule pendant 1 se-conde. Si l'on veut injecter une énergie de 1Joule en un millième de seconde, il faut doncdisposé d'une puissance de 1.000 W.

Compte tenu des installations actuelleséquipées avec des moteurs diesel, l'émetteurHAARP n'est donc pas en mesure d'injecterdans l'ionosphère une énergie aussi titanesque etdéstabilisatrice que certains le prétendent.

La production d'impulsions de très hauteénergie est cependant un sujet d'intenses activi-tés dans les laboratoires militaires chargés dudéveloppement des armes à énergie dirigée. Sursa base de Kirtland dans le Nouveau Mexique,l'U.S. Air Force possède un super condensateurà décharge rapide 21 capable d'accumuler unepuissance qui sera ensuite libérée, en 10-6 se-conde, sous la forme d'une impulsion de 1,2 TW(ce qui génère, en vertu de la relation P = U.I,un courant de 10 106 A sous une tension de120.000 V). Ce dispositif baptisé Shiva StarFast Capacitor Bank, est destiné notamment àexplorer les possibilités de propulsion des véhi-cules spatiaux américains par de l'antimatière.D'autre part, il est également utile dans le cadredu développement des nouvelles classes d'armesà impulsion électromagnétique (EMP Weapons),capables de détruire la plupart des équipementsélectroniques sur une large étendue en libérantune impulsion d'une intensité équivalente à celleproduite lors d'une explosion nucléaire, avec

21 Jane's Defence Weekly, 29 July 1998

l'avantage de ne pas provoquer de retombéesradioactives.

Etablir un lien entre ces deux projets,HAARP et SHIVA STAR, relève bien entendude la plus totale spéculation. Néanmoins, nousverrons dans les chapitres suivants que l'exis-tence de relations entre des programmes appa-remment distincts sont des hypothèses à ne pasnégliger a priori.

3.2. Les conclusions de l'étude d'im-pact

3.2.1. Base juridique

En 1969, le Congrès des Etats-Unisadoptait une des premières lois fédérales tradui-sant une réponse du législateur à la préoccupa-tion croissante du public en matière d'environ-nement: c'est le National Environmental PolicyAct (N.E.P.A.).

La base juridique de ces dispositions re-pose sur deux concepts: lorsqu'une action ma-jeure du gouvernement fédéral (Major FederalAction) peut avoir un effet significatif sur l'en-vironnement (Significantly Affecting), l'autoritépublique est tenue de procéder à une évaluationdes incidences sur l'environnement (Environ-mental Impact Statement, EIS).

Bien qu'elles soient inspirées par les prin-cipes généraux du droit de l'environnement -approche interdisciplinaire, principe d'intégra-tion, proposition d'alternatives... -, les disposi-tions américaines diffèrent sensiblement dudroit européen (Directive 85/337/CEE, modifiéepar 97/11/CE). Seuls les projets d'initiative pu-blique sont soumis à la procédure et il n'existepas de liste pré-établie de projets obligatoire-ment soumis. Par contre, la notion d'action ma-jeure n'est pas limitée aux projets d'infrastructu-res, mais peut aussi concerner des projets de loiou des programmes de nature fédérale et attein-dre ainsi, indirectement, des projets de natureprivée soumis à l'autorisation du gouvernementfédéral. Le système juridique américain prévoitque ce sont les tribunaux qui concrétisent leslois, par le développement d'une abondante ju-risprudence.

La procédure commence par une phased'évaluation (Environmental Assessment) au

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terme de laquelle l'administration concernéedoit prendre une décision:

• soit, l'action peut avoir un impact si-gnificatif sur l'environnement, et laprocédure doit se poursuivre;

• soit, aucun impact significatif n'est dé-celable, auquel cas la procédure prendfin (Finding of No Significant Im-pact, FOSNI).

Figure 11. Procédure de l'étude d'impact aux Etats-Unis

N.E.P.A. (1969)

Environmental Assessment

Finding of No Significant Impact

(FOSNI)

Environmental Impact Study

(EIS)

Scoping

Draft Environmental Impact Statement

(DEIS)

Final Environmental Impact Statement

(FEIS)

DECISION

Consultation du public

Consultation du public

Information du public

Fin de la procédureNotice of Intend

Source: notes de cours ULB/IGEAT

Si la poursuite de la procédure s'avère né-cessaire, l'administration commence une phasede Scoping, qui consiste en un examen des di-vers effets potentiels du projet sur l'environne-ment. Cette phase se termine par la publicationd'un avis, Notice of Intend, informant le publicde la décision de lancer une étude d'incidences.

L'étape suivante prévoit la réalisation d'unprojet d'étude d'incidence (Draft Environmen-tal Impact Statement, DEIS), réalisé par l'ad-ministration elle-même, et non par des expertsindépendants agréés comme c'est le cas dansnotre législation. Ce projet est soumis à laconsultation de la population qui peut déjà ex-primer ses remarques à ce stade.

La prise en compte des critiques et obser-vations conduira à la rédaction du rapport défi-nitif, le Final Environmental Impact Statement

(FEIS) qui fera l'objet d'une nouvelle et der-nière consultation de la population concernée.C'est au terme de cette procédure qu'intervien-dra la décision de réaliser, suspendre ou modi-fier le projet.

Les obligations dérivant de la N.E.P.A.ont certainement l'avantage de sensibiliser lespouvoirs publics à intégrer les critères environ-nementaux dès la phase initiale d'élaborationdes projets. La procédure se déroulera d'autantplus aisément que les problèmes d'environne-ment soulevés par la population auront été anti-cipés. On pourrait toutefois argumenter quecette procédure sert surtout à légitimer l'actionde l'autorité publique, seul garant de son bondéroulement. Le champ d'application de laN.E.P.A. est très vaste et peut égalementconcerner des matières liées à la défense natio-

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nale, telles que des expérimentations de missilesou l'implantation d'une base militaire. L'objecti-vité des études d'impact réalisées par les pou-voirs publics et le poids de la consultation po-pulaire risquent bien d'être inversement propor-tionnels à l'enjeu stratégique et économique.

3.2.2. Le rapport de l'étude d'impactpour le projet HAARP

Conformément à la procédure imposéepar le N.E.P.A., le rapport de l'étude d'impactsur l'environnement pour la construction et l'ex-ploitation des installations de HAARP en Alas-ka a été communiqué au public le 15 juillet1993.

Les contraintes pour l'implantation du siteétaient particulièrement strictes. Il devait impé-rativement se trouver entre 61 et 65 degrés delatitude, nord ou sud. Il fallait également que lesite soit sur le territoire américain, sur un terrainsuffisamment étendu appartenant au DoD, pro-che d'une autoroute, et éloigné des zones habi-tées. Ces exigences éliminaient de facto l'im-plantation en Antarctique, et les deux sites pro-

posés étaient situés dans les territoires améri-cains de l'Alaska: le site de Clear AFS, dans larégion de Tanana-Kuskokwin Lowland traver-sée par le fleuve Nenana, et le site de Gakonadans le bassin du fleuve Copper River près de laville de Glennallen.

Gakona abritait déjà les installations d'unautre projet en cours de construction, un radarpour la transmission OTH (Over-The-HorizonBackscatter Radar), et les autorités disposaient,de ce fait, des informations recueillies au coursde l'étude d'impact réalisée pour cet autre projet.Par contre, sur le site de Clear, HAARP auraitprovoqué des interférences avec le système dedétection antimissiles que l'U.S. Air Force adéployé en cet endroit, le Clear AFS BallisticMissile Early Warning System (BMEWS).

Les caractéristiques de ces deux sites ontété discutées dans le FEIS, mais c'est finalementGakona qui fut retenu par les autorités de l'U.S.Air Force, sur base de considérations techniquesbien plus qu'en fonction de critères environne-mentaux.

Photo 2. Vue aérienne du site HAARP et de ses environs

source: U.S. Navy, Site Internet

La procédure donne au public la possibi-lité d'intervenir à plusieurs étapes. Deux ré-

unions ont été organisées durant la phase descoping, l'une à Glennallen, l'autre à Anchorage.

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Après la publication du DEIS, des auditionspubliques ont été organisées à Glennallen etAnderson afin de recueillir les réactions auprojet de rapport (DEIS) et répondre à d'éven-tuelles nouvelles questions. La population et lesadministrations fédérales avaient également lapossibilité d'adresser par courrier leurs remar-ques sur le DEIS.

L'administration a ensuite procédé à la ré-daction du rapport final, FEIS, dont l'objectif estde présenter une analyse comparative desconséquences environnementales du projet, deproposer d'éventuelles alternatives ou modifica-tions, en tenant compte des préoccupations dupublic. Les questions les plus fréquemmentsoulevées par la population peuvent se résumeren huit catégories qui concernent particulière-ment:

• les interférences électromagnétiquesdes émetteurs de HAARP avec lessystèmes électroniques, spécialementles communications et l'avionique;

• les effets biologiques des rayonne-ments HF et ELF/VLF sur le corpshumain et la vie sauvage;

• l'impact, sur la vie aquatique et lesanimaux sauvages, des activités d'ex-traction dans les carrières de gravier àproximité de Tulsona Creek et de laCopper River (Gakona nécessite eneffet l'importation de 120.000 mètrescubes de gravier pour stabiliser le solet minimiser la fonde de la couchepermagel 22);

• le risque de collisions d'oiseaux surles mats d'antennes du IRI et VIS;

• le bruit associé à la construction etaux opérations;

• l'impact sur la haute atmosphère et surla couche d'ozone;

• l'utilisation de la main d'œuvre localepour la construction et l'exploitationde la station HAARP;

• le niveau de détail souhaité dans laDEIS et la notification des auditionspubliques.

La FEIS envisageait donc trois options: lechoix de Gakona, le choix de Clear, ou l'aban-don du projet. La décision s'étant finalementporté sur Gakona, nous n'examinerons que les 22 Partie du sous-sol gelée en permanence.

impacts qui avaient été identifiés pour cetterégion.

Les infrastructures du programmeHAARP, à Gakona, occupent environ 20 hecta-res dans une région composée essentiellementde forêts de conifères et de marais. Un grandnombre d'espèces animales différentes y trou-vent leur habitat, en particulier des élans, desloups, des troupeaux de caribous ainsi que desours blancs et bruns. Diverses espèces d'oiseauxdes marais et de rapaces sont également abon-dantes, et la Copper River est riche en poissonstant résidents que migrateurs.

Gakona est considérée comme une zonerurale. La plus grande ville de la région, Glen-mallen, ne compte que 450 habitants. Selon laFEIS, les quelques centres d'activités de loisirsne devraient pas représenter un obstacle pour leprojet, bien que des territoires de chasse et depêche du U.S. Bureau of Land Managementtraversent le site prévu pour HAARP et que leparc naturel de Wrangell - St. Elas s'étende jus-qu'à moins de deux kilomètres de celui-ci.

Le premier impact examiné concerne lesol et les ressources minérales. La constructiondu projet à Gakona nécessite une assise compo-sée de grandes quantités de gravier afin de mi-nimiser le dégel de la couche permagel du sol.Cette dégradation du permagel provoquerait eneffet un tassement et une érosion accélérée dusol en certains endroits. L'extraction de ces gra-viers aura aussi inévitablement une conséquencesur l'équilibre thermique des sols avoisinants.L'unique façon d'atténuer ces effets négatifsconsiste à répartir correctement les opérationsd'extraction et d'effectuer l'essentiel des travauxde construction durant l'hiver afin de réduire lesdommages au tapis végétal. Le projet impliqueen outre le déboisement de 20 hectares de forêtsd'épicéa et l'assèchement d'un peu plus de 7hectares de marais. Le FEIS conclut néanmoinsque les pertes végétales engendrée par la cons-truction sont biologiquement et socialementinsignifiantes.

Les perturbations potentielles pour diver-ses communautés de la zoocénose sont ensuitepassées en revue. Hormis une perte de surfacesde pâturages pour les élans, qui n'est toutefoispas à considérer comme un facteur limitant, lerapport estime que l'impact sur les mammifèressera également insignifiant. Le risque de colli-

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sion des oiseaux sur les antennes est considérécomme minime pour des espèces telles que lesoies, les canards, les rapaces et les passereaux,tandis qu'il s'accroît modérément pour les cy-gnes. Les promoteurs du projet envisagent delimiter ce danger en réduisant les activités de lastation durant la période de ponte et de nidifica-tion, ainsi qu'en améliorant la visibilité des câ-bles d'antennes. L'impact sur la faune aquatiqueserait insignifiant.

L'impact socio-économique est considérécomme nettement positif, du moins à courtterme. La main-d'œuvre importée pour la cons-truction est limitée, selon les prévisions duFEIS, à environ 80 travailleurs, tandis qu'il serafait appel autant que possible à la main-d'œuvrelocale. Les impacts sur les ressources culturelles(la région compte quelques sites archéologi-ques), sur les activités de loisirs (les accès auxzones de chasse et de pêche seront maintenus),ainsi que les conséquences du projet sur l'esthé-tique du paysage, sont considérés comme négli-geables.

Après ces premières évaluations, concer-nant davantage la phase de construction, le rap-port aborde les principaux effets résultant del'exploitation du site.

Les premiers ont trait aux pollutions lesplus classiques. Un accroissement sensible de lapollution de l'air est inévitable, résultant nonseulement des travaux de construction (poussiè-res) mais également, lorsque la station sera opé-rationnelle, des émissions dues aux combustionsdans les moteurs diesel alimentant les généra-teurs. Ces moteurs sont également l'uniquesource de nuisance sonore. Les produits dange-reux, tels que des solvants ou des peintures, nedevraient pas poser de nuisances particulières.En fait, le seul inconvénient du site de Gakonaconsiste en l'absence de centrale électrique àproximité, contrairement à l'alternative de ClearAFS qui pouvait compter sur la présence d'unecentrale au charbon. La puissance requise parHAARP doit donc être produite sur place, ce quiimplique un stockage permanent d'environ 800m3 de mazout.

Viennent enfin les impacts relevant desexpériences scientifiques proprement dites. Lemoins que l'on puisse dire, c'est que leur éva-luation est réduite à leur plus simple expression.Le résumé du FEIS, qui est comparable au "ré-sumé non technique" prévu au terme des études

d'incidences en Région wallonne et qui doitdonc, à ce titre, être compréhensible pour le plusgrand nombre, évacue le sujet en une quinzainede lignes. Traiter l'ensemble des aspects scienti-fiques en aussi peu d'espace relève d'un vérita-ble tour de force, même dans un résumé destinéau grand public. Mais cela traduit sans douteaussi une volonté délibérée d'éviter le débat.

Les interférences électromagnétiques queles émetteurs HAARP provoqueront pour leséquipements électroniques de la région sontévoquées. Pour assurer la sécurité aérienne, ilest prévu d'installer un radar de détection quipermettra d'éteindre les émetteurs appropriésdès qu'un avion entre dans la zone du site. Desaménagements seront également prévus pourréduire autant que possible les interférencesavec les autres systèmes de télécommunicationqui sont nombreux, voire vitaux pour certainesactivités dans ces régions désertiques. Les an-gles d'émission des émetteurs HAARP serontadaptés, certaines fréquences seront évitées, etle rapport prévoit même de prendre éventuelle-ment en charge certaines modifications dans lematériel des utilisateurs.

Les effets biologiques des fréquences ra-dio sur les êtres humains et les animaux sontconsidérés comme inexistants, pour autant queceux-ci restent en dehors du périmètre de sécu-rité installé autour des installations. De même,les militaires estiment que les oiseaux, et no-tamment les mécanismes de navigation des es-pèces migratrices, ne seront pas affectés, mêmes'ils survolent ou se perchent sur le réseau d'an-tennes.

L'impact sur l'atmosphère est décritcomme un changement temporaire dans la den-sité, la température et la structure de l'ionos-phère qui serait toutefois négligeable au regarddes effets produits naturellement par le rayon-nement solaire. Par "temporaire", le rapportentend "de quelques secondes à quelques heu-res". Enfin, le rapport prend soin de préciser quela couche d'ozone ne sera en aucune façon per-turbée.

En s'engageant dans une procédured'évaluation relative à un projet du DoD impli-quant des manipulations humaines sur la struc-ture de l'ionosphère, les autorités n'ignoraientcertainement pas que les réactions seraientnombreuses. A la fois militaire, et suspecté de

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porter atteinte à l'environnement, voire à l'inté-grité physique et mentale des individus, le projetHAARP devait inéluctablement entraîner son lotde contestataires irréductibles et déterminés. Surce point, il n'y a donc pas de surprise.

Une des questions posées par les repré-sentants de cette opposition radicale [BEGICH,1995] est cependant pertinente: l'absence d'in-formations satisfaisantes, sur des sujets aussicontroversés que l'impact d'ondes à certainesfréquences sur les organismes ou les consé-quences potentielles d'expériences prolongées etplus agressives sur l'ionosphère, relève-t-elled'une volonté de dissimuler, ou plutôt d'uneignorance de la réponse?

3.3. La face cachée de HAARP: en-tre réalité et spéculations

3.3.1. Les singuliers brevets du prin-cipal adjudicataire privé

HAARP est un programme de grande en-vergure et ses promoteurs insistent volontierssur le grand nombre de partenaires associés,privés ou universitaires: University of Alaska,University of Massachussets, UCLA, MIT,Stanford University, Clemso University, PenState University, University of Tulsa, Universityof Maryland, Cornell University,SRI International, Northwest Research Asso-ciate Inc, Geospace Inc, ...etc.

Une entreprise occupe cependant, de fa-çon inattendue, un rôle clé dans la mise en œuvredu programme. Suite à une procédure d'appeld'offre publiée par l'Office of Naval Research,en 1992, dans le Commerce Business Daily, lafirme Advanced Power Technologies Inc. (AP-TI) a été sélectionnée pour l'ensemble du déve-loppement et de la construction du composantprincipal des installations de HAARP: le Ionos-pheric Research Instrument (IRI) destiné auxstimulations de zones de l'ionosphère.

APTI 23, une petite société spécialiséedans des technologies dans les domaines de ladéfense, de l'énergie et de l'environnement, étaità l'époque une filiale du groupe Atlantic Rich-field Company (ARCO). ARCO 24, héritière de 23 http://www.apti.com

24 http://www.arco.com

la Atlantic Petroleum Storage Company fondéeen 1866, est la 7ème plus importante compagniepétrolière aux Etats-Unis, et possède d'énormesgisements de gaz naturel dans les régions reti-rées de l'Alaska. Ces réserves sont actuellementinexploitables économiquement, notamment enraison du coup excessif du transport vers lescentres de consommation les plus proches. Dis-posant d'actifs pour 25,3 milliards de dollars,ARCO réalisait, en 1997, un chiffre d'affaires de19,2 milliards de dollars dont elle dégageait unbénéfice net de 1,77 milliards.

En 1994 cependant, ARCO revend sa fi-liale APTI, et donc aussi les brevets et le contratHAARP, à la société E-SYSTEM, spécialiséedans l'électronique de défense, elle-même ac-quise en 1995 par RAYTHEON. Les raisons decette cession n'ont fait l'objet d'aucune publicité,mais on peut supposer qu'elle traduit une vo-lonté de ARCO de ne pas s'écarter de son corebusiness compte tenu de la nouvelle orientationmilitaire de APTI.

Une acquisition suivant l'autre (E-Systemen 1995; Hughes Electronics' defense division,Electrospace Systems et Chrysler TechnologiesAirborne Systems en 1996, Texas Instruments'defense division en 1997, pour ne citer que lesdernières) le groupe RAYTHEON est devenu enquelques années une des "mégasociétés" améri-caines de l'armement. En 1996, elle occupe lahuitième place au classement mondial des 100plus grandes entreprises de l'armement, pèsequelque 75.300 emplois et génère un chiffred'affaires annuel de plus de 12,3 milliards dedollars (dont 4 milliards réalisés dans la dé-fense) en dégageant un bénéfice net de 761 mil-lions de dollars [SIPRI, 1998].

C'est donc, très logiquement, le géantRAYTHEON, par l'intermédiaire de sa filiale E-SYSTEM, qui poursuit actuellement le déve-loppement des installations de HAARP.

Pour l'observateur averti des usages surles marchés de défense, les conditions d'octroidu marché devaient inévitablement soulever unequestion troublante. Quelles sont les raisons quiont motivé l'attribution initiale du marché à AP-TI, une petite filiale qui se résume à un présidentà Los Angeles, 25 employés à Washington, et unchiffre d'affaires annuel d'à peine 5 millions dedollars? Le contrat HAARP représentait, en1992, plus de cinq fois le chiffre d'affaires an-

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nuel de cette société, jusqu'alors totalementabsente des grands contrats du DoD.

Selon Nick BEGICH, principal représen-tant de la contestation en Alaska, la réponse nefait aucun doute, et contribue à renforcer l'hy-pothèse selon laquelle HAARP a des objectifsmilitaires bien plus vastes que ceux officielle-ment reconnus: APTI détiendrait des informa-tions de toute première importance et vitalespour le projet.

Ces informations essentielles seraient enfait une série de douze brevets, déposés entre1987 et 1993 par des scientifiques du groupeARCO, mais au nom de la filiale APTI. Tousconcernent la haute atmosphère, et la plupartréveillent les projets de l'Initiative de DéfenseStratégique, la fameuse "Guerre des Etoiles" 25

qui éveilla les passions sous l'administrationREAGAN.

Les raisons qui ont amené ARCO a dépo-ser ces brevets sont d'une simplicité désorien-tante. Dans les années 80, ARCO a engagéquelques consultants chargés de réfléchir à tou-tes les pistes possibles pour exploiter rapide-ment et avec profit les réserves de gaz naturel del'Alaska. L'imagination des scientifiques a fait lereste: puisque le transport coûte cher, autantconsommer sur place. Quant à l'exigence de larentabilité, c'est tout naturellement avec degrands projets militaires qu'elle sera le mieuxsatisfaite.

25 L'Initiative de Défense Stratégique (Strategic DefenseInitiative) est un programme de recherche militaire améri-cain lancé en mars 1983 par le président Ronald Reagan.Baptisé "La Guerre des Etoiles", ce projet avait pour ob-jectif de protéger le territoire des Etats-Unis par un "bou-clier" le protégeant des attaques de missiles balistiquesintercontinentaux. Ce "bouclier" nécessitait le développe-ment d'un dispositif capable de détruire un missile inter-continental à chaque phase de sa propulsion, au moyen d'unensemble de rayons à lasers nucléaires placés au sol oudans l'espace, d'armes à faisceaux de particules et électro-magnétiques, de missiles antimissiles, etc... articulés autourd'un réseau de puissants ordinateurs, de détecteurs et demiroirs pour diriger les faisceaux vers les cibles. Contraireau Traité ABM des accords SALT1, contesté par les So-viétiques, d'une faisabilité mise en doute par de nombreuxscientifiques, et exigeant des budgets colossaux, le projetfut officiellement abandonné en 1991. La protection duterritoire américain contre une attaque de missiles inter-continentaux fait néanmoins toujours l'objet d'intensestravaux dans le cadre de la Ballistic Missile Defense Orga-nization (BMDO).

Tous ces brevets ne seront pas décrits iciavec la même précision, mais quelques-uns dé-chaînent particulièrement les passions en raisondes applications militaires et des modificationsenvironnementales majeures qu'ils mentionnent.Nous commencerons par les brevets du géophy-sicien Bernard EASTLUND 26. Il est amusant deconstater que Bernard EASTLUND a, entre-temps, totalement renié ses anciennes activitésliées à la défense, et est aujourd'hui un acteurdéterminé de la mouvance opposée au pro-gramme HAARP. Certaines des recherches deEASTLUND ont été jadis supportées par laDARPA (Defense Advanced Research ProjectsAgency) dans le cadre du projet Alaska NorthSlope Electric Missile Shield en 1986. Quelquesbrevets repris ci-dessous, ou certains de leurséléments, sont d'ailleurs restés secrets pendantune courte période avant de recevoir une autori-sation de publication.

"Method and Apparatus for Alteringa Region in the Earth Atmosphere,Ionosphere and/or Magnetophere."U.S. Patent Number 4,686,605Date of Patent: August 11, 1987Inventor: Bernard J. EASTLUNDAssignee: APTI, Inc., Los Angeles, Ca.

Le brevet décrit une méthode consistant àémettre un rayonnement électromagnétique àpartir d'une station terrestre située en un endroitoù une ligne de force du champ magnétiqueintercepte la surface de la terre. Le rayonnementest émis parallèlement à une ligne de force, endirection de la région de la haute atmosphèrequ'on se propose de modifier. La fréquenced'émission est basée sur la fréquence d'oscilla-tion des particules chargées, de façon à exciterla fréquence de résonance pour échauffer etaccélérer les particules chargées dans leur mou-vement hélicoïdal le long de la ligne de force.

La puissance doit être suffisante pourprovoquer une ionisation supplémentaire departicules neutres (O2, N2, ...) de manière à ac-croître la densité en particules chargées dans larégion visée. Cet effet pourrait être accentué eninjectant d'autres particules, depuis des satellitespar exemple, qui à leur tour pourraient être ioni- 26 Bernard EASTLUND a créé entre-temps sa propre so-ciété: ESEC (Eastlund Scientific Enterprises Corporation),http://www.eastlundscience.com

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sées par le rayonnement et accroître la densitéde particules chargées dans le plasma de la ré-gion considérée.

Pour obtenir les résultats décrits, et per-mettre les applications militaires mentionnéesensuite, EASTLUND estime que la puissancegénérée par l'émetteur au sol doit être de l'ordrede 109 à 1011 Watts, en ondes continues ou im-pulsions. C'est une puissance considérable, quin'a pas d'équivalent jusqu'à ce jour; pour fixerl'ordre de grandeur, une puissance de 1011 Wattscorrespond à quelque 27.000 fois la puissanceactuellement prévue pour l'émetteur du pro-gramme HAARP.

Une telle puissance reste cependant dansle domaine du réalisable, d'autant plus que

EASTLUND insiste sur la nécessité d'installerson dispositif en Alaska, qui combine deuxavantages:

1. Aux latitudes les plus basses, les li-gnes de force du champ magnétiquequi interconnectent les deux hémis-phères se referment et forment uneboucle à des altitudes peu élevées. Lesobservations sont donc limitées à deseffets électromagnétiques locaux, àbasse altitude. En se rapprochant deshautes latitudes, vers les pôles, les li-gnes décrivent une boucle plus large,donc s'élèvent dans l'atmosphère, pourjoindre les deux hémisphères. Aux ré-gions polaires, dans l'ovale auroral, leslignes de force qui interceptent le solrestent ouvertes et s'élèvent vers l'es-pace interplanétaire. Cette situation estoptimale aux pôles magnétiques et lesgéophysiciens décrivent cet endroitcomme un "porthole", un lieu où leslignes de force s'élèvent vers l'espaceet, par des techniques semblables àcelles décrites par EASTLUND, per-met des observations et des expérien-ces à des altitudes élevées de l'ionos-phère et de la magnétosphère.

Figure 12. Extrait du brevet 4.686.605 de Bernard EASTLUND, décrivant une technique demodification des propriétés de l'ionosphère par l'émission d'une onde HF le longd'une ligne de force du champ magnétique

Source: U.S. Patent 4.686.605, 11 Août 1987.

2. Le deuxième avantage est que les ter-ritoires de l'Alaska regorgent de réser-

ves de gaz naturel et de pétrole, diffi-cilement exploitables du fait de leur

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éloignement des lieux de traitement etde consommation potentiels. Rappe-lons que EASTLUND était initiale-ment engagé par ARCO pour examinerles débouchés possibles pour ces res-sources; leur consommation sur placeaurait évidemment été une aubainepour ARCO tout en permettant auDoD d'atteindre les puissances néces-saires.

Aucune de ces deux conditions idéalesn'est toutefois remplie par HAARP à l'heureactuelle. ARCO n'a, semble-t-il, pas souhaités'engager dans une telle aventure et sa filialeAPTI est passée, avec les brevets, aux mains deRAYTHEON en 1994. Quant au site de Gakona,il n'est pas suffisamment au Nord pour ren-contrer toutes les conditions favorables des"porthole". Mais il s'agit probablement d'unchoix pratique et économique, le DoD ayantutilisé un territoire qui lui appartenait déjà.

Notons qu'un conflit semblable autourd'un site, entre exigences scientifiques etcontraintes économiques et politiques, se poseactuellement pour le choix de l'implantation dunouvel observatoire polaire (Polar Cap Obser-vatory, PCO) de la National Science Foundation(NSF). Le Congrès insiste pour que ce PCO soitcombiné avec les installations existantes deHAARP, à Gakona. Les scientifiques duNSF estiment que les études sur l'atmosphère etl'ionosphère n'ont aucun sens dans cette partiede l'Alaska et n'approuvent pas le choix opérépour HAARP; ils souhaitent, pour leur part,installer leur observatoire près du pôle géoma-gnétique, afin de profiter du "porthole", à Re-solute Bay, sur l'île de Cornwallis, précisémentau pôle nord magnétique situé dans l'Arctiquecanadien [FEDER, 1998].

Venons-en aux applications militaires dé-crites par EASTLUND pour les diverses va-riantes de son invention.

On peut apprendre dans ce brevet que, parune application appropriée des divers aspects decette invention à des endroits stratégiques etavec les sources de puissance adéquates, ilexiste un moyen et une méthode pour provoquer

des interférences ou même totalement interrom-pre les communications sur une très large por-tion de la terre, avec des implications militairesimportantes. La possibilité de transmettre ungrand nombre d'ondes électromagnétiques, à desfréquences différentes variant à volonté d'unefaçon aléatoire, permettrait d'interférer simulta-nément avec tous les modes de communication,terrestre, naval, aérien ou satellite. Selon l'au-teur, la méthode qu'il propose permettrait enoutre de maintenir le niveau de l'émission, pardes impulsions aléatoires, pendant de longuespériodes, et permettrait un bien meilleurcontrôle des phénomènes provoqués, ce quin'était pas le cas des expériences précédentes, enparticulier avec les explosions de charges nu-cléaires réalisées dans les ceintures de radia-tions. De plus, indique EASTLUND, connais-sant les fréquences d'émission, le système per-met simultanément de rompre les communica-tions ennemies, tout en s'en servant commenouveau réseau de communication allié.

Une autre application possible permettraitde détruire tout appareil hostile pénétrant dansl'atmosphère au-dessus d'un territoire à protéger.A condition d'atteindre une puissance d'émissionsuffisante, l'échauffement et l'ionisation artifi-cielle qui en résulte ont pour effet de "soulever"littéralement une partie de l'atmosphère vers unealtitude plus élevée, et inattendue pour l'appareilqui rencontrerait un profil de densité différentopposant une résistance suffisante pour le dé-truire ou dévier un missile par exemple (voirfigure 13).

Des modifications climatiques seraientégalement possibles, par exemple en modifiantles profils des vents, en modifiant l'absorptiondes rayonnements solaires par la création decouches artificielles de particules atmosphéri-ques, ou en modifiant la composition molécu-laire de l'atmosphère.

Parmi les applications positives de soninvention, EASTLUND perçoit la possibilitéd'accroître la quantité d'ozone stratosphérique,et la destruction possible de certains radicaux(CO2, CO, NOX, ...). Une telle applications'avère cependant très spéculative compte tenude la quantité d'énergie nécessaire pour la for-mation de l'O3.

Figure 13. Extrait du brevet 4.686.605 de Bernard EASTLUND, décrivant une techniqued'augmentation de la densité d'une région de l'ionosphère

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Source: U.S. Patent 4.686.605, 11 Août 1987.

"Method for Producing a Shell of Re-lativistic Particles at an Altitude abovethe Earth's Surface."United States Patent Number: 5,038,664Date of Patent: August 13, 1991Inventor: Bernard J. EASTLUNDAssignee: APTI, Inc., Los Angeles, Ca.

Cet autre brevet, déposé en 1991 parEASTLUND, décrit un procédé pour créer unezone très dense de plasma de très grande énergieà une altitude d'environ 1.500 km. Il nécessite unémetteur d'une puissance de plus de 1010 wattsqui pourrait être alimenté par une centrale nu-cléaire, une centrale hydroélectrique ou unecentrale dans une région où de grandes quantitésde combustibles fossiles sont disponibles. L'in-vention prétend résoudre le problème des armesà faisceau de particules décrites à cette époque,et qui nécessitent en effet un ciblage parfait del'objectif pour pouvoir le détruire. La techniquede EASTLUND permettrait de former une en-veloppe de particules relativistes (de très hauteénergie) qui endommagerait ou détruirait toutmissile qui essaie de la franchir.

"Method and Apparatus for Creating aArtificial Electron Cyclotron HeatingRegion of Plasma."United States Patent Number: 4,712,155Date of Patent: December 8, 1987Inventor: Bernard J. EASTLUND andSimon RAMOAssignee: APTI, Inc., Los Angeles, Ca.

Dans ce brevet également, l'Alaska estprésenté comme l'endroit idéal. Il traite aussi deméthodes d'échauffement de l'ionosphère quipermettraient d'influencer les climats ou deperturber des communications radio. Le docu-ment se réfère notamment au physicien NikolaTESLA, le père du courant alternatif, qui dès ledébut du 20ème siècle, a publié de nombreuxtravaux relatifs à la transmission d'énergie sansfil conducteur, et qui déjà insistait sur les appli-cations militaires de ses inventions.

"Power Beaming System."United States Patent Number: 5,068,669Date of Patent: November 26, 1991Inventor: Peter KOERT and JamesT. CHAAssignee: APTI, Inc., Los Angeles, Ca.

Ce brevet décrit un système permettant detransmettre, par ondes électromagnétiques,l'énergie nécessaire à un équipement situé à dis-tance. L'invention consiste à émettre un signalélectromagnétique à très haute fréquence, aumoins 10 GHz selon KOERT, en direction del'appareil à alimenter, ce dernier étant équipéd'un ensemble d'antennes de réception pourrecevoir et redresser le signal en une sourced'énergie DC.

Ce transport d'énergie DC sans conduc-teur permettrait, selon les auteurs de l'invention,d'alimenter en permanence et à faible coût desplates-formes de communications ou de recon-naissance.

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Selon Nick BEGICH, la société ARCO atesté ce concept au début des années 90 enmaintenant en vol, pendant 10.000 heures à80.000 pieds et sans carburant, un petit avion

alimenté par l'énergie électrique DC redressée àpartir d'un rayonnement micro-onde dans l'axeduquel il évoluait. Ces expériences auraient étémenées sur l'aérodrome de Tyendinga Airportprès de Kingston, dans l'Ontario au Canada.

Figure 14. Extrait du brevet 5.068.669 de Peter KOERT and James T. CHA, décrivant unetechnique de transport d'énergie

Source: U.S. Patent 5.068.669, 26 novembre 1991.

"Power Beaming System with PrintedCircuit Radiating Elements having Re-sonating Cavities."United States Patent Number: 5,218,374Date of Patent: June 8, 1993Inventor: Peter KOERT and JamesT. CHAAssignee: APTI, Inc., Los Angeles Ca.

Déposé deux ans plus tard, et basé sur lemême principe que le précédent, ce brevet amé-liore le dispositif permettant le redressement DCdu signal HF émis.

"Lightweight Focusing Reflector forSpace."United States Patent Number: 5,202,689Date of Patent: April 13, 1993Inventor: Robert W. BUSSARD and Tho-mas H. WALLACEAssignee: APTI, Inc., Los Angeles Ca.Ce brevet, qui ne date que de 1993, res-

sort une idée que l'on pensait pourtant enterréeavec l'Initiative de Défense Stratégique. Il décritun dispositif utilisant un miroir réflecteur placéen orbite à 45.000 km d'altitude, et servant destation relais pour le transport d'énergie entredeux points terrestres distants de plusieurs mil-liers de kilomètres.

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L'émetteur serait situé en un point où l'ondispose de grandes réserves énergétiques, dupétrole ou du gaz naturel: à nouveau, ne perdonspas de vue que ces brevets sont le résultat derecherches réalisées par APTI pour sa maisonmère ARCO, à la recherche de débouchés pourses gisements de gaz en Alaska.

Le récepteur est le point du globe oùl'énergie devra être consommée: une usine ou uncentre urbain indique par exemple le brevet.Sans préjuger de la faisabilité de ce système, onen perçoit évidemment tout l'intérêt militaire: ce"point de consommation" peut tout aussi bienêtre un théâtre d'opérations militaires, éliminantainsi les difficultés d'approvisionnement encarburant.

Le miroir, d'un diamètre de 500 mètres,serait constitué d'une membrane déformablepermettant de faire varier la focale selon la dis-tance à laquelle se trouve le récepteur. L'émet-teur devrait fournir une puissance de 10 GW à

une fréquence de 35 GHz. Le signal atteindraitle réflecteur avec une puissance de 51 kW/m2 etserait ensuite renvoyé vers le récepteur au sol.Dans d'autres applications ce récepteur ne doitpas nécessairement se trouver sur terre, indi-quent les inventeurs. Ils estiment aussi que cesystème permettrait de transmettre de grandespuissances à des coûts plus intéressants quel'utilisation de micro-ondes dans l'atmosphère(référence aux brevets de KOERT).

Une analyse des coûts aurait mis en évi-dence que, dans la mesure où le coût du lance-ment de matériel en orbite a tendance à baisser,la transmission d'énergie par ce principe de-viendrait rapidement plus intéressante que latransmission par les lignes conventionnelles.Ces projections économiques, réalisées pour lapériode 2000-2010, indiquent que le facteurlimitant ne serait pas le coût de réalisation dumiroir, mais celui de la construction d'un géné-rateur suffisamment puissant.

Figure 15. Extrait du brevet 5.202.689 de Robert W. BUSSARD and Thomas H. WALLACE,décrivant un miroir relais en orbite pour le transfert d'énergie

Source: U.S. Patent 5.202.689, 13 avril 1993.

Sachant que le coût d'un gazoduc Tran-sAlaska pour l'acheminement du gaz naturelvers les zones de consommation continentales aété estimé à 20 milliards de dollars, hors coûtd'exploitation et sans compter les infrastructures

nécessaires à chaque extrémité, l'option "tran-sorbitale" paraït donc économiquement réaliste,à défaut de l'être techniquement. Mais que sepasserait-il si un appareil traversait l'axe de cesrayonnements, ou si une orientation incorrecte

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du miroir déviait l'énergie du récepteur qu'elleest censée atteindre? Cet aspect n'est évidem-ment pas abordé dans cet étonnant brevet.

"Artificial Ionospheric Mirror Compo-sed of a Plasma Layer which can beTilted."United States Patent Number: 5,041,834Date of Patent: August 20, 1991Inventor: Peter KOERTAssignee: APTI, Inc., Los Angeles Ca.

Cet autre brevet déposé par Peter KOERTconcerne également la création de couches arti-ficielles de plasma dans l'atmosphère. Les mi-roirs ionosphériques artificiels (Artificial Ionos-pheric Mirror, AIM) ainsi créés dans la zoned'intersection de deux rayonnements HF sont enoutre réglables en inclinaison et en altitude (en-tre environ 60 et 90 kilomètres).

La création d'un AIM à une altitude infé-rieure à 90 km était l'un des objectifs évoquésdans les premiers Technical Memorandum duprogramme HAARP. Les premières expériencespratiques de création d'un AIM ont eu lieu enseptembre 1995 en croisant les émissions de lastation HIPAS (Fairbanks, Alaska) et de celle deHAARP, travaillant encore à puissance réduite[BEGICH, 1995].

"Creation of Artificial Ionization CloudsAbove the Earth."United States Patent Number: 4,999,637Date of Patent: March 12, 1991Inventor: Ronald M. BASSAssignee: APTI, Inc., Los Angeles Ca.

Cette invention dérive partiellement destravaux de EASTLUND et décrit égalementcomment créer un nuage de plasma dans l'at-mosphère, à l'intersection de deux signaux HFémis depuis le sol. Cette zone d'ionisation artifi-cielle, plus stable que l'ionosphère, amélioreraitla fiabilité des transmissions OTH.

"Defense System for DiscriminatingBetween Objects in Space."United States Patent Number: 4,817,495Date of Patent: April 4, 1989Inventor: Adam T. DrobotAssignee: APTI, Inc., Los Angeles Ca.

Cette invention concerne un système dedéfense contre une attaque massive de missilesbalistiques intercontinentaux. La difficulté encas d'attaque de ce type consisterait à établir unediscrimination rapide entre un grand nombred'objets entrant dans l'espace à protéger: outreles missiles armés, une attaque comprendraitaussi de nombreux leurres ou d'aides à la péné-tration, qu'il serait superflu de détruire. Leconcept de base revient à "baigner" ces véhicu-les entrants dans un nuage de plasma qui per-mettra de décoder la signature de chaque objet.

Le dispositif comporte un générateur HFbasé au sol. Selon le document, ce générateurdevrait émettre un signal de très forte puissance,de l'ordre de 1012 Watts, dans une gamme defréquence entre 1 MHz et 2GHz, vers la zone del'atmosphère dans laquelle la menace a été iden-tifiée. L'auteur indique par ailleurs que la fré-quence de travail idéale serait de 10 MHz pouratteindre les régions souhaitées et éviter uneabsorption excessive dans la région D.

Les objets auront donc à traverser unezone formant un bouclier d'électrons libres ac-célérés d'une énergie, au minimum, supérieure à5 millions d'électronvolts (idéalement entre 10et 50 MeV). L'interaction de ces électrons rela-tivistes avec les matériaux des objets à détecterproduira des rayons X et γ qui sont proportion-nels à la masse de l'objet et correspondent à sasignature. Un détecteur situé à distance (10 à1.000 km) et comportant un télescope compteurde photons, interprète ces signatures, ignore lessignaux faibles correspondant aux dispositifsnon armés, et transmet l'information aux systè-mes d'armes chargés de l'acquisition et de l'in-terception des missiles armés.

Figure 16. Extrait du brevet 4.817.495 de Adam T. DROIBOT, décrivant un système permet-tant la discrimination rapide entre objets pénétrant l'espace.

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Source: U.S. Patent 4.817.495, 4 avril 1989.

Ce système de défense est donc basé ausol (hormis peut-être le compteur de photons)et, contrairement aux projets de l'IDS, ne dé-pend donc pas d'équipements complexes et vul-nérables placés en orbite. Le brevet précise quece système de discrimination devrait être ins-tallé le long des corridors les plus probablespour la trajectoire des ICBM. L'auteur enconclut que le système pourrait dès lors êtrebasé en Alaska, où prévalait une combinaisonunique de facteurs favorables. D'une part, lenord de l'Alaska était la meilleure localisationgéographique d'un point de vue stratégiquepuisqu'en 1989 la menace était toujours soviéti-que; cet argument a bien sûr perdu de son poidsaujourd'hui. Et, d'autre part, les grandes réservesde gaz naturel de cette région résolvent le pro-blème crucial des ressources énergétiques né-cessaires pour l'alimentation du générateur.

"Nuclear Sized Explosions without Ra-diations."United States Patent Number: 4,873,928

Date of Patent: October 19, 1989Inventor: Frank E. LOWTHERAssignee: APTI, Inc., Los Angeles Ca.

F.E. LOWTHER décrit dans son brevetun procédé pour provoquer, à partir d'un mé-lange gazeux (méthane-oxygène), une explosiondont l'onde de choc serait comparable à celled'une explosion nucléaire, mais sans produire deretombées radioactives.

Ces recherches sont justifiées par le faitque, vu le Traité NTBT de 1963 interdisant lesexplosions nucléaires atmosphériques, dansl'espace et sous l'eau, tous les équipements mi-litaires développés après 1963 n'ont jamais puêtre testés dans leurs conditions extrêmes d'uti-lisation, c'est-à-dire en cas de guerre nucléaire.

Nous savons, entre-temps, que l'objectifn'est pas seulement de tester la résistance deséquipements alliés aux chocs nucléaires, mais

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que plusieurs programmes travaillent actuelle-ment au développement d'armes à impulsionsélectromagnétiques suffisamment puissantespour détruire les systèmes électroniques enne-mis. Les premières validations de telles armesont eu lieu contre l'Irak en 1991.

LOWTHER propose de réaliser de telstests avec des explosions chimiques classiques.Le problème central est, ici encore, la disponi-bilité d'une source d'énergie suffisante. Selonl'auteur, une explosion équivalente à 1 Kilo-Tonne de TNT nécessiterait environ 422.000 m³d'un mélange composé de 50% CH4 et 50% O2.Il propose donc lui aussi d'installer une telleinfrastructure de test en Alaska afin de profiterdu méthane qui y est abondant dans de grandeszones désertiques.

Bien qu'il semble établi que ce brevet n'aaucun lien direct avec le programme HAARP, ilméritait néanmoins d'être mentionné pour endénoncer les conséquences les plus perverses:

• le gaspillage de ressources naturelles qu'ilimplique, ce en quoi il ne se distinguemalheureusement pas des précédents;

• les perturbations catastrophiques que cesexplosions peuvent provoquer dans lesécosystèmes du grand Nord, qui contrai-rement aux sous-entendus du brevet, n'estpas une grande étendue désertique où toutest permis, mais qui abrite au contraire unbiotope extrêmement riche et une popula-tion de quelque 9.000 autochtones.

Le DoD persiste à nier toutes relationsentre ces brevets détenus par APTI et le pro-gramme HAARP. Comment expliquer alorsl'acquisition du nain APTI, totalement étrangeraux technologies et marchés de défense, par E-SYSTEM, un géant de l'électronique de défensequi réalise l'essentiel de son chiffre d'affairessous le couvert de contrats classifiés pour leDoD, la NSA ou la CIA?

La relation entre HAARP et ses brevetssemble la plus plausible, sinon évidente. Et c'estnaturellement la thèse défendue avec force partous les opposants les plus déterminés au projet.Les brevets américains sont généralement pro-tégés pendant 20 ans avant de tomber dans ledomaine public. Si les brevets de APTI étaientréellement nécessaires aux programmes du

DoD, la solution consistait soit à les acheter, soità fusionner APTI dans un grand groupe de dé-fense. C'est cette dernière solution que choisitE-SYSTEM.

3.3.2. HAARP et les grands projetsmilitaires de l'après-guerre

Plusieurs experts indépendants, et degrande réputation, défendent la thèse selon la-quelle le programme HAARP n'est pas seule-ment un programme isolé destiné uniquement àexplorer l'ionosphère ou, pour les plus crédules,à réparer le trou dans la couche d'ozone. Lors-qu'on replace HAARP dans un contexte histori-que, ou lorsqu'on l'analyse à la lumière des pro-jets du futur laboratoire spatial américain (Spa-celab) et des théories circulant sur la FutureWarfare, la synergie qui peut se dégager de cesmultiples aventures se présente effectivementsous un jour alarmant.

Transférer des quantités extrêmementgrandes d'énergie, comparables à celles déga-gées par une bombe nucléaire, en n'importe quelpoint du globe, via l'espace, au moyen de lasersou de faisceaux de particules, n'est plus unehérésie dès lors qu'on associe les résultats d'undemi-siècle de recherches, les laboratoires del'U.S. Air Force et de la Navy, des stations tellesque HAARP ou HIPAS, et une base spatialecomme Spacelab.

Une telle perspective peut faire frisson-ner. C'est en tout cas le point de vue de RosalieBERTELL, actuellement présidente du Interna-tional Institute of Concern for Public Health(Toronto, Canada), mais aussi ancienne procheconseillère scientifique du président JimmyCARTER pour les technologies de défense dansles années 70. BERTELL a identifié une dizainede projets militaires, depuis les années 50, dontla combinaison des résultats pourrait se révélerdésastreuse. Nous les examinerons succincte-ment ci-dessous.

• Project ARGUS (1958)

Au cours des mois d'août et septembre1958, l'U.S. Navy a procédé, clandestinement, àl'explosion de trois bombes nucléaires dansl'atmosphère, au-dessus de l'océan AtlantiqueSud, à environ 1800 km au large des côtes de laville du Cap (Afrique du Sud).

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Cette série de tests, réalisée dans le plusgrand secret, a été baptisée Operation ARGUS.Les charges nucléaires (ARGUS I le 27/08/58,ARGUS II le 30/08/58 et ARGUS III le06/09/58), étaient installées sur des missilesbalistiques X-17a tirés à partir du USS NortonSound. Les trois charges, entre 1 et 2 Kt, ontexplosé à environ 480 km d'altitude, dans laceinture de radiation interne découverte, lamême année, par Van Allen.

L'opération, considérée par le DoD et laCommission américaine pour l'énergie atomiquecomme "la plus grande expérience scientifiquejamais entreprise" [BERTELL, 1996], avaitpour objectif de fournir des informations sur lesparticules chargées piégées dans les lignes deforce du champ magnétique terrestre afind'évaluer l'impact de l'impulsion électromagné-tique d'une explosion nucléaire à très haute alti-tude sur les systèmes de communication et lesperformances des missiles balistiques.

L'expérience eut pour conséquence lacréation d'une ceinture de radiation temporaireenveloppant pratiquement le globe entier et lacréation d'importantes aurores artificielles lors-que les particules précipitaient dans l'atmos-phère près des pôles. L'injection d'électrons etde particules énergétiques dans l'ionosphère futsuffisante pour provoquer des effets sur les télé-communications à l'échelle planétaire pendantd'assez longues périodes.

C'est de cette époque que date l'idée mi-litaire de "remplacer" l'ionosphère par un bou-clier artificiel, jouant le même rôle pour lestélécommunications, mais indépendant desfluctuations et perturbations naturelles. Au dé-but des années 60, les militaires américains ontenvisagé de créer, à 3.000 km d'altitude, unezone de réflexion constituée de plusieurs mil-liards d'aiguilles de cuivre placées en orbite surune épaisseur de 10 km et 40 km de large. Leprojet fut toutefois abandonné, sous l'extrêmepression de nombreux scientifiques.

• Project STARFISH (1962)

Les Etats-Unis entreprirent une nouvellesérie d'explosions nucléaires ionosphériques en1962. Le 19 juillet 1962, suite à l'explosion du 9juillet, la NASA annonçait qu'une nouvelleceinture de radiation avait été formée, s'étendantde 400 à 1.600 km environ, comme une exten-sion de la ceinture interne de Van Allen.

Plus tard dans l'année, l'Union soviétiqueentreprit une série de tests identiques, créant desceintures de radiation artificielle entre 7.000 et13.000 km d'altitude.

Selon BERTELL, les flux de particulesdans la ceinture interne de Van Allen ont étésignificativement modifiés par les explosionsionosphériques russes et américaines de l'année1962, et ne sont jamais revenues à leur état ini-tial. Selon des scientifiques américains ayantparticipé à ces expériences, une restabilisationdes ceintures de Van Allen pourrait prendreplusieurs siècles [BERTELL 1996].

• Project SOLAR POWER SATEL-LITE, SPS (1968)

Les transferts d'énergie dans l'espace,dont certains brevets déposés par APTI au débutdes années 90 relancent l'idée, sont un vieuxrêve. En 1968, l'armée américaine a proposé deplacer en orbite géostationnaire (environ 36.000km), des satellites qui pourraient intercepter lerayonnement solaire et le transmettre par unfaisceau micro-onde à des antennes réceptrices(rectenna) sur terre.

Le Congrès mandata le département del'Energie (DoE) et la NASA pour la réalisationd'une étude d'impact sur l'environnement. Leprojet Solar Powered Satellite envisageait laconstruction de 60 satellites, de la taille de l'îlede Manhattan, et d'un réseau d'antennes de 145km2 dans une zone totalement désertique. Esti-mé, en dollars de 1968, à un coût entre 500 et800 milliards de dollars, le projet était censéassurer 10% des besoins énergétiques des Etats-Unis en 2025. Le coût du projet, comme du kWproduit, se révéla totalement démesuré et leprojet en resta là. Il revint cependant à la surfaceune dizaine d'années plus tard, sous l'adminis-tration REAGAN, en raison de ses implicationsmilitaires.

• SATURN V (1975)

En 1975, un mauvais fonctionnement en-traîna la destruction de la fusée Saturne V àenviron 500 km d'altitude. Cet accident permit àla NASA d'observer des phénomènes assezinattendus, dont une extraordinaire lumines-

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RAPPORT DU GRIP 98/5 55

cence et un grand "trou" dans l'ionosphère ca-ractérisé par une réduction du nombre d'élec-trons de l'ordre de 60%. Conséquence: toutes lestélécommunications s'avérèrent impossibles,pendant plusieurs heures, dans un rayon d'envi-ron 1.000 km au-dessus de l'océan Atlantique.Entre 1975 et 1981, la NASA et les militairestentèrent plusieurs procédés pour reproduiredélibérément ces phénomènes dans l'ionosphère[BERTELL, 1996].

• SPS MILITARY IMPLICATIONS(1978)

Le projet Solar Powered Satellite a étéréexaminé à partir de 1978, sous la présidencede Jimmy CARTER. Rosalie BERTELL, quiaffirme l'existence d'un lien entre ces anciensprojets et HAARP, faisait à cette époque partiedu groupe d'experts chargés de définir l'utilitémilitaire du programme SPS.

L'une des idées émises était que le fais-ceau micro-onde renvoyé par le satellite pouvaitêtre dirigé, non vers ses antennes réceptrices,mais vers des troupes ennemies (ou du matériel)et utilisé donc comme une arme antipersonnelinvisible en utilisant une longueur d'onde del'infrarouge. D'autres applications envisagéesnous rapprochent cependant beaucoup plus desdomaines auxquels s'intéresse le programmeHAARP. Le rayonnement solaire capté par lesSPS, et réémis de diverses manières, devaitpermettre, selon les experts de l'époque [BER-TELL, 1996],

• de modifier la structure physique del'ionosphère;

• de transmettre l'énergie nécessaire surles théâtres d'opérations militaires enn'importe quel point de la Terre;

• d'établir des liaisons ELF avec lessous-marins;

• d'interférer avec les télécommunica-tions ennemies;

• de fournir un système de surveillanceet d'alerte, grâce notamment aux pla-tes-formes habitées qui devaient com-pléter le système.

Le président CARTER donna son feuvert, en dépit des réserves de plusieurs scientifi-ques, dont Rosalie BERTELL. L'opposition vint

finalement du Congrès: le projet, considérécomme un projet "énergie" et non "militaire",dépassait de loin le budget total du DoE.

C'est cependant ce même projet que leprésident Ronald REAGAN, arrivé en 1981 à laMaison Blanche, déplaça vers le budget duDoD. En réhabilitant le projet SPS, REAGANdonnait le coup d'envoi de son ambitieuse Ini-tiative de Défense Stratégique, qui restera StarWars dans toutes les mémoires.

• ORBIT MANOEUVRING SYSTEM(1981)

En 1981, la mission Spacelab 3 de la na-vette spatiale effectua une série de passages au-dessus de cinq stations terrestres d'observationafin d'examiner quels effets avait sur l'ionos-phère l'injection des gaz du système de manoeu-vre orbital (Orbital Manoeuvring System,OMS).

La NASA constata des diminutions trèsimportantes de densité et entreprit d'en examinerles conséquences sur les ondes ELF/VLF.

• INNOVATIVE SHUTTLE EXPE-RIMENTS (1985)

La navette spatiale lancée en 1985 pré-voyait explicitement une série de tests à partirdes injections des gaz du OMS pour "causer unediminution soudaine dans la concentration duplasma, créant un soi-disant trou dans l'ionos-phère" [BERTELL, 1996].

Selon BERTELL, l'allumage de l'OMSpendant 47 secondes le 29 juillet 1985 (avec unéchappement sur 830 km), produisit dans l'io-nosphère le trou le plus large et le plus persis-tant jamais observé. La décharge des gaz pen-dant 6 secondes, sur 68 km, en août 1985, donnanaissance à une luminescence sur 400.000 km2.

• MIGHTY OAKS (1986)

Les recherches actives, dans le cadre desprogrammes d'armes à énergie dirigée, pourprovoquer des impulsions électromagnétiquesintenses autrement que par explosions nucléai-res (afin d'éviter les retombées radioactives mais

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RAPPORT DU GRIP 98/5 56

aussi pour contourner les nombreux traités),s'expliquent aussi par la nécessité d'éviter denouvelles catastrophes.

En avril 1986, en effet, sur la site deMighty Oaks dans le Nevada, l'explosion souter-raine d'une bombe à hydrogène, destinée à expé-rimenter le principe d'une arme à faisceau departicules, tourna à la catastrophe lorsqu'une desportes de la chambre d'explosion se referma unefraction de seconde trop tard. L'énergie dégagéeprovoqua des dégâts matériels pour des millionsde dollars, et les gaz radioactifs s'échappèrentdans l'atmosphère.

Des années plus tard les langues se dé-lient, et il semble aujourd'hui que cet "incident"militaire soit responsable d'une bonne partie desretombées radioactives en Amérique du Nord,alors que celles-ci avaient été attribuées uni-quement à l'accident de Tchernobyl survenu àquelques jours d'intervalle, le 26 avril 1986.

• POKER FLAT ROCKET LAUNCH(1968 à aujourd'hui)

Depuis 1968, l'Institut de Géophysique del'Université de l'Alaska exploite, dans le cadred'un contrat de la NASA, le site du Pocket FlatResearch Range (PFRL) à 50 km au nord deFairbanks. Plusieurs fusées ont été lancées àpartir de ce site, généralement équipées deChemical Release Modules (CRM), afin d'ana-lyser les réactions chimiques dans l'atmosphèreet d'étudier les changements climatiques glo-baux.

Diverses substances ont ainsi été relâ-chées dans l'ionosphère. En mars 1989 parexemple, de grandes quantités de barium (Ba)lâchées par quatre fusées au-dessus du Canada,engendrèrent des nuages artificiels de hautealtitude visibles jusqu'à Los Alamos au NouveauMexique.

• HIPAS

La station HIPAS (High Power AuroralStimulation), à Fairbanks, et donc voisine duPFRL comme de HAARP, est également un sitede recherche scientifique sur l'ionosphère. Géréepar l'Université de l'Alaska, elle n'a aucune vo-cation militaire.

HAARP et HIPAS conduisent cependantde nombreux tests en communs depuis 1995, etla combinaison des deux stations permettra lavérification de plusieurs applications militairesdécrites dans la documentation, notamment lacréation de miroirs ionosphériques artificiels au-dessous de 90 km, grâce au croisement desémissions des deux sites.

L'Institut de Géophysique de l'Universitéde l'Alaska occupe une position centrale dansl'ensemble des programmes américains d'étudesles plus récents sur l'atmosphère et les change-ments climatiques. La figure 17, issue de sonrapport annuel 1991-1992, donne un aperçu desprogrammes auxquels elle participe. Sa positionprivilégiée près du pôle explique évidemmentcette spécialisation.

L'évocation de quelques projets militai-res, ou découvertes fortuites, de ces quarantedernières années démontrent suffisamment toutl'intérêt que représente l'expertise des scientifi-ques de l'Université de l'Alaska pour les militai-res; HAARP, HIPAS ou le PFRL sont une autreillustration de cet intérêt.

Lorsqu'on couple, à ces programmes mi-litaro-scientifiques, les recherches sur les plas-mas, l'antimatière, les armes à énergie dirigée,les armes biologiques basées sur les ondes élec-tromagnétiques, ou d'autres armes du futur dé-veloppées dans le secret des laboratoires militai-res, les mises en garde et les craintes expriméespar Rosalie BERTELL prennent toute leur di-mension. Les faits sont difficiles à établir, car lesecret est la règle pour ces programmes, mais ilexiste suffisamment d'indices pour qu'on nepuisse plus parler de simples spéculations.

Figure 17. Programmes sur l'atmosphère, les climats ou les communications impliquant l'Ins-titut de Géophysique de l'Université de l'Alaska

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RAPPORT DU GRIP 98/5 57

Source: BEGICH, 1995

3.3.3. HAARP et les scénarios mili-taires du futur

Le rapport Air Force 2025 a été présentédès l'introduction de ce travail. Les auteurs yexposent leur perception des techniques de mo-difications environnementales, dont la plupartimpliquent l'injection d'énergie ou d'élémentschimiques dans les processus météorologiques,de la façon adéquate, au bon endroit et au bonmoment. Ce set de techniques d'intervention estdécrit sommairement au chapitre 4 du rapportAir Force 2025. Dans ce chapitre, les auteursabordent successivement les techniques d'inter-vention sur les précipitations, le brouillard, lesorages et les ouragans, la création d'un tempsartificiel, ainsi que l'exploitation de l'espaceproche ("NearSpace") et une suprématie dans ledomaine des télécommunications. Nous avonsdéjà abordé la plupart de ces aspects.

Revenons toutefois sur les deux dernierspoints, espace et télécommunications, car ilsfont explicitement référence à la nécessité depouvoir mieux comprendre et modifier des par-ties de l'ionosphère. Deux chapitres discutent lesraisons pour lesquelles le contrôle et la capacitéde modifier l'environnement de l'espace proche

et de l'ionosphère sont essentiels pour améliorerles capacités militaires de communications, lasensibilité des systèmes et les capacités de navi-gation, et/ou détériorer celles de l'ennemi.

Les techniques de domination dans ledomaine des télécommunications, grâce à unemodification de certaines parties de l'ionos-phère, occupent une place centrale dans ce rap-port. Pourtant, bien que publié en 1996, alorsque la station de Gakona est déjà en constructiondepuis trois ans et partiellement opérationnelle,le rapport Air Force 2025 ne mentionne à aucunmoment l'existence du programme HAARP.

Dans le paragraphe consacré à ces techni-ques, les auteurs affirment que "la modificationde l'ionosphère pour améliorer ou détériorer descommunications est récemment devenue le sujetd'une active recherche" [HOUSE, 1996]. Deuxméthodes sont décrites et retiendront notre at-tention.

1. Miroirs ionosphériques pour lescommunications ou les transmis-sions radar au-delà de l'horizon(OTH, Over-The-Horizon)

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RAPPORT DU GRIP 98/5 58

Le désavantage de l'ionosphère en tempsque médium pour la transmission des rayonne-ment haute fréquence est son instabilité, due auxvariations du temps dans l'espace, aux éruptionssolaires ou aux tempêtes géomagnétiques. Lesmilitaires, et notamment les Soviétiques dès lemilieu des années 70, ont dès lors imaginé decréer des miroirs ionosphériques artificiels(AIM, Artificial Ionospheric Mirror). Ceconcept, déjà évoqué dans les pages précéden-tes, a été détaillé dans une publication de 1990qui décrit comment contrôler avec précision la

situation et l'altitude (entre 30 et 70 km) d'unerégion de l'ionosphère où l'ionisation serait pro-duite artificiellement par un croisement derayonnements de micro-onde (figure 18). L'in-tersection des faisceaux ferait office de miroirpour la transmission OTH. D'après les travauxcités, un AIM pourrait théoriquement réfléchirdes signaux de fréquences allant jusqu'à 2 GHz,ce qui serait mieux que les propriétés naturellesde l'ionosphère. En générant un grand nombrede AIM alignés sur des fréquences différentes, ilserait en outre possible aussi d'étendre considé-rablement les bandes passantes disponibles.

Figure 18. Emission croisée d'ondes HF pour créer un Miroir Ionosphérique Artificiel

Couche ionisée =Miroir Ionosphérique Artificiel

Couches ionosphériques normales de réflexion (100-300 km = E et F)

AIM

30 -70 km

puissants émetteursHF (micro-ondes)

source: HOUSE (1996)

2. Interruption des communications etdes radars par le contrôle de l'io-nosphère

Puisque la transmission des ondes HF estdirectement dépendante des propriétés de l'io-nosphère, on peut concevoir qu'une région oùl'ionisation serait créée artificiellement pourraitperturber ou interrompre les transmissions élec-tromagnétiques de la partie adverse. Mais, pré-cise le rapport, même en l'absence d'une régionartificiellement ionisée, des variationsHF peuvent provoquer des variations de l'ionos-phère à grande échelle qui altèrent les caracté-ristiques de propagation HF. Il est donc fonda-mental de pouvoir contrôler ces variations puis-que tant une amélioration qu'une dégradationdes communications sont possibles. De plus, sur

le plan militaire, il serait impossible de distin-guer ce type d'interférence offensive d'une per-turbation liée à un phénomène naturel.

Les communications VHF, UHF, etSHF des satellites pourraient être perturbées ouinterrompues en créant une scintillation artifi-cielle d'une partie de l'ionosphère qui causeraitune fluctuation dans la phase et l'amplitude desondes radios sur une très large bande de fré-quences (de 30 MHz à 30 GHz). Ces scintilla-tions seraient provoquées par des irrégularitésdans la densité en électrons, dues aux variationsd'un signal HF. L'ampleur de ces irrégularitésdéterminant quelles fréquences seront affectées,c'est donc le contrôle de celles-ci qui domine larecherche actuelle.

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RAPPORT DU GRIP 98/5 59

A contrario, les recherches devraient aus-si permettre de savoir comment réduire l'am-pleur des irrégularités naturelles de l'ionosphère.Les figures 19 décrivent le type de dégradationsdes télécommunications envisagées par les au-teurs avec ces techniques. La figure 19a nousmontrent le scénario d'une atténuation, absorp-

tion et dispersion d'ondes radios dans le cas detransmission OTH, tandis que la figure 19bexprime la possibilité de disperser ou d'atténuerles signaux provenant de satellites dans le cas detransmissions transionosphériques. Le pro-gramme HAARP prévoit explicitement ce typed'applications.

Figure 19. Scénarios pour la dégradation des télécommunications

a) Problèmes HF potentiels

b) Problèmes transionosphériques potentiels

Source: HOUSE (1996)D'autres documents de l'U.S. Air Force

pourraient nous mettre sur la piste d'éventuellesinterconnexions entre HAARP et les dévelop-pements militaires de nouveaux systèmes d'ar-mes.

SPACECAST 2020 est une vaste étudecommandée en mai 1993 par le chef d'état-majorde l'U.S. Air Force, le général Merrill A.McPEAK, afin d'identifier et développer lesconcepts technologiques et les systèmes dontl'U.S. Force aurait besoin pour garantir la sécu-

zone modifiée =dispersion de l’onde

zone modifiée =absorption de l’onde

300 km

100 km

50 km

E

F

D

Terre

zone modifiée =dispersion de l’onde

zone modifiée =perte d’intensité

300 km

100 km

50 km

E

F

D

Terre

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RAPPORT DU GRIP 98/5 60

rité des Etats-Unis et assurer sa supériorité dansl'air et dans l'espace au 21ème siècle.

L'étude a associé, pendant une année, lesplus grands spécialistes en technologies militai-res, dans de très nombreux domaines, ainsi quede nombreux scientifiques civils. Présentée àl'état-major le 22 juin 1994, SPACECAST 2020compte quatre volumes, dont plusieurs partiessont classifiées. L'introduction est tout, sauforiginale: elle expose la perception américainedes futures sources de conflits, mêlant écono-mie, environnement, population, géopolitique ettechnologie; bref, la rengaine classique pourauto-justifier les "besoins" militaires définisdans la suite. Il est illusoire de vouloir résumerce volumineux rapport en quelques pages;néanmoins, on peut en dégager les grands axes,

et établir quelques parallélismes indiscutablesavec les matières abordées jusqu'ici.

Le document intitulé Operational Analy-sis est particulièrement intéressant. Confiéeessentiellement au Department of OperationalSciences de la Air Force Institute of Technology(AFIT), cette analyse opérationnelle est, enquelque sorte, la véritable ossature des quatrevolumes. A partir d'un modèle complexe, cetteanalyse définit une série de 19 systèmes d'armesqu'il conviendrait de développer dans les deuxprochaines décennies.

A partir de ces 19 systèmes, une liste de25 technologies clés a été établie. Si quelques-unes sont déjà maîtrisée, la plupart n'en sontencore qu'au stade expérimental, ou sont toutsimplement à inventer.

Tableau 2. Les 19 systèmes requis par l'U.S. Air Force au 21ème siècle

Source: AIR UNIVERSITY, 1994f

Tableau 3. Les 25 technologies clés pour l'U.S. Air Force du 21ème siècle

1. Refueled Transatmospheric Vehicle (TAV)2. Orbital Transfer Vehicle (OTV)3. Orbital Manoeuvring Vehicle OW)4. Space Modular Systems5. Global Surveillance, Reconnaissance, and Targeting

System (GRST)6. Super Global Positioning System (S-GPS)7. Space Trafic Control System (SPATRACS)8. Weather Forecasting System9. Space-Based Solar Monitoring and Alert Satellite

System (SAUSS)10. Ionospheric Forecasting System11. Holographic Projector12. Space-Based High Energy Laser System (HEL)13. Kinetic Weapon System (KEW)14. High Powered Microwave System (HPMW)15. Particle Beam Weapon System (PBW)16. Weather C3 System17. Solar Mirror System18. Asteroid Detection System19. Asteroid Negation System

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RAPPORT DU GRIP 98/5 61

Source: AIR UNIVERSITY, 1994f

Le modèle a ensuite utilisé un système dematrices relativement complexe afin de définirle poids relatif de chacune de ces technologiespour chacun des 19 systèmes. Chacune de cestechnologies, chacun de ces systèmes sont briè-vement définis, avant d'être analysé en détaildans les chapitres des quatre volumes de l'étude.

La description du système de prévisionionosphérique, présenté a priori comme un sim-ple monitoring de l'état de l'ionosphère, insistenéanmoins sur les possibilités de modifier l'io-nosphère pour augmenter l'efficacité des mis-sions militaires. Le High Power MicrowaveSystem est décrit comme un système d'armemicro-onde, basé dans l'espace, et capable dedétruire des cibles dans l'air, dans l'espace ou ausol. Le Particle Beam Weapon System est unearme à énergie dirigée utilisant un courant departicules atomiques neutres se déplaçant à unevitesse proche de celle de la lumière. Le sys-tème serait également placé en orbite pour ladestruction de cibles dans l'espace ou à la limitede l'atmosphère; il est assimilé à un système de

défense contre les missiles balistiques (BallisticMissile Defense Initiative, BMDI).

La définition du système Weather C3 re-tiendra davantage notre attention. Afin de n'enperdre aucune nuance par le biais de la traduc-tion, la définition sera reproduite telle qu'ellefigure dans le rapport de l'analyse opération-nelle:

Weather C3 System

A counterforce weather controlsystem for military applications.The system consists of a global, on-demand weather observation sys-tem; a weather modeling capabili-ty; a space-based, directed energyweather modifier; and a commandcenter with the necessary commu-nication capabilities to observe,detect, and act on weather modifi-cation requirements.

1. Data Fusion2. Electromagnetic Communications3. Energetic Materials4. Hard Real-Time Systems5. High Energy Laser Systems6. High Performance Computing7. High Power Microwave Systems8. Image Processing9. Information Security10. Kinetic Energy Systems11. Lasers12. Liquid Rocket Propulsion13. Materials Technology14. Micro-mechanical Devices15. Navigation, Guidance and Vehicle Control16. Neutral Particle Beam (NPB) Systems17. Nonchemical High Specific Impulse Propulsion18. Optics19. Power Systems and Energy Conversion20. Pulsed Power Systems21. Robotics, Controllers, and EndEffectors22. Sensors23. Spacecraft Structures24. Vehicle Survivability25. Virtual Reality

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Que faut-il entendre par "directed energyweather modifier" basé dans l'espace, ou par"act on weather modification"? Nous ne le sau-rons pas. Ce système est traité dans la partieCounterforce Weather Control du Volume II,l'une des cinq parties "classified" du rapportSPACE CAST 2020.

Nous retiendrons cependant que tous cessystèmes d'armes du futur partagent quelquespoints communs. Tous mettent en jeu, dansl'espace, des faisceaux d'énergie considérable,des armes à particules, à laser, à plasma. Tousnécessitent, parallèlement, de pouvoir comptersur un système de prévisions des conditionsmétéorologiques aussi fiable que possible et unecertaine capacité de modifier ces conditions.Tous exigent un système de communicationinfaillible, et donc la maîtrise des éléments pou-vant le perturber, parmi lesquels l'ionosphère.

Et HAARP dans tout cela? On peut évi-demment se perdre en conjectures de toutessortes. Mais les exigences technologiques etscientifiques de ces futurs systèmes d'armes sonttelles que les militaires ne pourront certaine-ment plus prétendre longtemps que le potentiel

de HAARP est totalement indépendant de cespréparatifs. Où interviendra-t-il réellement?Ceci est encore une inconnue.

3.3.4. Le mouvement "NO HAARP"

L'étude des principes physiques de l'io-nosphère n'est pas neuve et plusieurs stations derecherche sont déjà en fonctionnement à traversle monde. Deux autres stations sont déjà ex-ploitées par les Etats-Unis, l'une à Puerto Rico(près de l'observatoire de Aceribo) et l'autreégalement en Alaska, près de Fairbanks (la sta-tion HIPAS, High Power Auroral Stimulation).L'Europe aussi possède son site de recherche, unconsortium de cinq pays coordonne actuelle-ment le site de EISCAT (European IncoherentScatter Radar Site) dans la région de Tromsø enNorvège. EISCAT est actuellement la plus im-portante station au monde. Elle sera pourtantlargement dépassée par HAARP lorsque celle-cisera entièrement opérationnelle. D'autres sta-tions fonctionnent encore en Russie, en Ukraine,au Tadjikistan, au Pérou (figure 20).

Figure 20. Les stations de recherche sur l'ionosphère dans le monde

Source: BEGICH, 1995

Sur le nouveau site de Gakona, l'expertisetechnique, la gestion, l'administration et l'éva-

luation du programme sont assurés par troislaboratoires du département de la défense: le Air

HAARP

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RAPPORT DU GRIP 98/5 63

Force Phillips Research Laboratory, le NavalResearch Laboratory et le Office of Naval Re-search.

Les militaires démentent catégoriquementtoute relation entre les activités du programmeHAARP et l'éventuel développement de nou-veaux systèmes d'armes. Mais nombreux sontles observateurs qui s'interrogent sur la justifi-cation de cette troisième (et la deuxième enAlaska) station américaine de recherche surl'ionosphère, ainsi que sur les raisons ducontrôle total du programme par des laboratoi-res militaires.

Il est néanmoins frappant de constater quede nombreux rapports récents (après 1995)émanant des institutions militaires ou scientifi-ques américaines font explicitement référence àdes méthodes de guerre environnementale (En-vironmental Warfare) ou électromagnétique(EMP Weapons), nécessitant des progrès scien-tifiques significatifs dans les domaines qui sontprécisément ceux qui seront investigués par leprogramme HAARP.

D'autre part, le DoD affirme avec forceque HAARP n'est pas un programme secret etque toutes les informations le concernant sont àla disposition du public.

Et l'on constate ici un paradoxe: aucunede ces publications, pourtant nettement posté-rieures au démarrage de la station de Gakona, nefait la moindre référence au programmeHAARP dont les militaires sont pourtant lesseuls maîtres d'oeuvre. Cette ignorance récipro-que est, pour plusieurs observateurs, trop par-faite pour être fortuite. Tout se présente commesi HAARP devait garder une respectabilitéscientifique à toute épreuve, et se tenir à bonnedistance des scénarios avant-gardistes des stra-tèges militaires.

Certains ont alors échafaudé les hypothè-ses les plus diverses, basées sur des spéculationsplus ou moins réalistes. L'Environmental War-fare est une préoccupation croissante des mili-taires. L'obstacle des Conventions internationa-les interdisant les manipulations hostiles del'environnement n'a jamais empêché les recher-ches de se poursuivre. La Revolution in the Mi-litary Affairs, développée aux Etats-Unis depuisla fin de la guerre froide, plaide aujourd'huiouvertement pour la révision de certaines barriè-

res légales, éthiques ou morales [METZ etKIEVIT, 1994]. L'hypothèse selon laquelleHAARP serait, au-delà de la pure recherchescientifique, un maillon d'un vaste projet destinéà développer de nouveaux systèmes d'armes estlargement répandue, y compris parmi certainsparlementaires européens. Elle mérite doncd'être prise au sérieux, ou, au minimum, de nepas être rejetée avant d'en avoir examiné lesfondements.

En février 1998, Le Parlement européen atenu une audition publique sur le ProgrammeHAARP ainsi que la problématique des armesnon létales (Non Letal Weapons, NLW). Lesautorités américaines, militaires ou politiques,ont poliment décliné l'invitation de la Commis-sion Affaires étrangères (Sous-commission Dé-fense et Désarmement) à venir informer, et dis-siper les craintes et interrogations sur les objec-tifs réellement poursuivis par le programmeHAARP. Le Parlement européen a officielle-ment protesté contre ce déni d'information 27.

Face au refus américain de fournir auxEuropéens un complément d'information satis-faisant, l'essentiel des inquiétudes formulées parle Parlement européen relayent en fait les allé-gations formulées par Nick BEGICH, un scienti-fique indépendant qui s'est imposé, depuis ledébut des années 90, comme l'un des leaders del'opposition au programme HAARP en Alaska.

Mais pourquoi cette dérobade des Etats-Unis? Alors que chaque année, au mois d'août,la station HAARP est ouverte au public 28, lesprises de photos sont autorisées, des conféren-ces sont organisées. Bref, une opération de rela-tions publiques à tous points de vue irréprocha-ble pour l'U.S. Air Force et la Navy, garantissantau programme HAARP une image positive,rassurante, cultivant la transparence. Il devientdès lors plus compréhensible qu'il puisse existerdes instructions claires pour que toute référenceà HAARP soit impérativement bannie des publi-cations militaires dont les contenus prêtent net-tement plus à la controverse. Car, si les suspi-cions relatives à une relance des recherches surles modifications environnementales s'avéraientfondées, les autorités militaires et politiques

27 Defense News, 16 février 1998.28 Cette année, les journées portes ouvertes ont eu lieu les 8et 9 août 1998.

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RAPPORT DU GRIP 98/5 64

savent pertinemment bien que l'opinion publi-que n'est pas prête à l'accepter, quelqu'en soientles objectifs et motivations.

BEGICH a réuni les avis de nombreuxexperts et estime que les développements ulté-rieurs de HAARP (surtout une montée en puis-sance des émetteurs) pourraient conduire à desapplications bien plus discutables qu’une simpleréflexion d’ondes ELF pour les communicationssous-marines ou les sondages en profondeur.Selon ces experts, rencontrés par BEGICH ouauditionnés par le State Affairs Committee aucours de la procédure de l’étude d’impact, lapuissance de l’émetteur de HAARP pourraitnotamment avoir pour effets [BEGICH, 1995]de :

• contribuer au développement d’unbouclier anti-missiles balistiques in-tercontinentaux, et relancer ainsi unecourse aux armements rappelantl’époque de l’Initiative de DéfenseStratégique des années 80 ;

• détruire des satellites parl’échauffement provoqué ;

• opérer une différenciation entre lesobjets entrant dans l’atmosphère, telsque des missiles et les leurres, ou desastéroïdes ;

• améliorer les moyens de télécommuni-cation ;

• interrompre les moyens de télécom-munication sur de larges régions duglobe ;

• modifier la structure chimique de lahaute atmosphère et altérer les condi-tions climatiques ;

• influencer le comportement et les fa-cultés mentales des individus, à desfins militaires, de maintien de l’ordreou de contrôle politique (voir enca-dré 2) ;

• affecter la santé des personnes et avoirun impact biologique surl’environnement.

Les scientifiques et les comités opposésau Programme HAARP estiment que des élé-ments importants ont été, soit sous-estimés, soitdissimulés au cours de la procédure de l'étuded'impacts. Leur opposition au programme re-

pose essentiellement sur quatre catégories d'ar-guments:

• il n'existe aucune garantie que la puis-sance réelle des émetteurs HF serabien limitée à 3,6 MW;

• les effets possibles des basses fré-quences réfléchies, sur la santé et lesorganismes vivants en général, ont étéinsuffisamment évalués;

• la mise en service de la stationHAARP peut avoir des effets directssur l'environnement, compte tenu del'intensité et de la répétition des expé-riences envisagées;

• le programme HAARP risque d'êtredétourné de la mission strictement sci-entifique qui lui est officiellement as-signée à l'heure actuelle, au profit dudéveloppement de nouvelles classesd'armes, particulièrement les tech-niques de modification environne-mentales et les armes à énergie dirigée.

La question du niveau de puissance réel-lement envisagé pour la station HAARP à pluslong terme reste effectivement ouverte. Certainsexperts auditionnés par la Commission duCongrès estiment que les 3,6 MW indiqués pourl'émetteur HF ne sont pas suffisants pour provo-quer des "trous" dans l'ionosphère comme ledécrit le Dr HECKSCHER, directeur du Pro-gramme HAARP.

Les 3,6 MW prévus seraient de toute façoninsuffisants pour de nombreuses applicationsdécrites dans les documents de l'Air Force ou dela Navy, et notamment pour modifier la densitéd'une région de l'ionosphère au point de per-mettre la destruction ou la déviation d'objetsentrant dans l'atmosphère (un missile interconti-nental par exemple). Beaucoup trop faible aussipour provoquer des perturbations comparables àcelles enregistrées après les explosions nucléai-res atmosphériques du Project ARGUS en 1958.

Par contre, s'il s'avère fondé que les re-cherches conduites grâce à la station HAARPcontribuent aussi au développement de systèmesde défense planétaire (bouclier contre des mis-siles ou astéroïdes entrant dans l'atmosphère)ou de modifications environnementales telsqu'ils sont décrits dans d'autres documents

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d'institutions militaires, alors il est évidentqu'une montée en puissance beaucoup plus im-portante sera vite indispensable. Elle serait rela-tivement facile à installer, compte tenu des res-sources énergétiques importantes de la région.Les brevets de la firme APTI ne font évidem-ment qu'attiser cette polémique, puisque tousrequièrent des puissance d'émission HF de plu-sieurs dizaines de GW.

Indépendamment du niveau de puissance,une autre question, soulevée devant le Congrèspar le Dr Richard WILLIAMS, porte sur le ca-ractère répétitif des perturbations envisagées.Les responsables du programme indiquent queles modifications locales de l'ionosphère dispa-raîtraient pratiquement instantanément aprèsl'arrêt de l'émetteur. Avec une puissance de 3,6MW, tous les experts sont d'accord pour recon-naître l'absence d'effets persistants et donc l'in-nocuité d'un expérience isolée. Mais, fait obser-ver WILLIAMS, les applications militaires,telles que les communications avec les sous-marins en plongée, nécessiteront de nombreusesrépétitions de ces modifications intentionnelles,et avec des puissances plus élevées que cellesindiquées aujourd'hui. Or, entre 1958 et 1962,les travaux de Van Allen et les explosions nu-cléaires dans les ceintures de radiations quiportent son nom ont pu démontrer qu'une uniqueinjection massive d'énergie dans l'atmosphèrepouvaient entraîner des perturbations violenteset persistantes. Quel serait l'impact d'injectionsd'énergie, sans doute moins intense, mais répé-tées des milliers de fois? Personne n'est, en ré-alité, capable de le prédire actuellement.

Par analogie avec les problèmes posés parla croissance des concentration en CO2 ou l'ap-pauvrissement de la couche d'O3, WILLIAMSrappelle, à juste titre, que certains effets desactivités humaines sur l'atmosphère ne pourrontjamais être identifiés à temps, même avec lesmeilleures études d'impact.

Le développement futur de la puissancede l'émetteur HF reste donc un facteur d'incer-titude. Les uns se retranchent derrière les com-muniqués officiels, les autres spéculent sur desliens possibles avec d'autres programmes mili-taires.

Comme corollaire de cette énergie injec-tée dans l'atmosphère par l'émission d'un signal

HF, les ondes de très grande longueur (ELF,fréquences extrêmement basses) qui seraientréfléchies vers le sol suscitent également leur lotd'inquiétudes.

Un des experts cités par BEGICH sur cepoint est Patrick FLANAGAN, un docteur enphysique et médecine. Après une courte expé-rience de la recherche militaire au début de sacarrière (il a notamment travaillé pour la NASA,la Tufts University, le Office of Naval Researchet au Aberdeen Proving Grounds pour le De-partment of Unconventional Weapons andWarfare), FLANAGAN s'est tourné vers desactivités civiles et l'étude de l'influence des phé-nomènes électromagnétiques sur la santé.

Cette éventuelle influence est encore unsujet très controversé. En juillet 1998 par exem-ple, le périodique belge Test Santé, édité parl'association de défense des consommateursTest-Achats, publiait une étude sur l'effet desbasses fréquences sur l'organisme. Les lignes àhautes tension, les téléphones portables, lesfours à micro-ondes sont-ils nocifs? L'étude sebornait à reconnaître qu'on ne savait, finalement,que peu de chose. FLANAGAN est cependantparmi ceux qui citent de nombreuses études, duMax Plank Institute en Allemagne notamment,qui attestent que le danger n'est pas négligeable.

Ce travail ne pourra pas trancher le débatsur l'impact potentiel des ELF sur les organis-mes vivants. Mais ici encore, la lecture d'étudesmilitaires ou médicales antérieures peut êtreextrêmement instructive [ADEY, 1993 etDEAN, 1986], et la description d'applicationspotentielles, à des fins militaires mais aussi depolice, est inquiétante (voir encadré 2).

BEGICH évoque abondamment cet im-pact que pourraient avoir, sur les organismesvivants ainsi que sur les climats, les ondesVLF/ELF qui seront renvoyées vers le sol aprèsdémodulation dans l'ionosphère [BEGICH,1995]. L'auteur appuie son argumentation parune référence à des études publiées en 1982suite aux recherches réalisées, à la demande duOffice of Naval Research, par le LockheedSpace Sciences Laboratory de Palo Alto et laStanford University.

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Encadré 2.

Ondes électromagnétiques et biological process control

L'utilisation, par les militaires ou les forces de police, des propriétés des champs électromagnéti-ques afin d'influencer le comportement ou les facultés mentales d'un individu (mind control) est deplus en plus envisagée comme alternative à des armements conventionnels dans certaines situations(prises d'otages, rebellions, ...).

Ces types d'armements, développés notamment dans des laboratoires tel que celui de Los Alamos,s'intègrent dans la catégorie émergente des "Armes non létales" (Non Letal Weapons, NLW). Si ellespeuvent effectivement proposer dans certains cas une étape intermédiaire avant l'usage d'armesconventionnelles létales, elles posent aussi de nouvelles questions dans la mesure où la distinctionentre leurs applications militaires et civiles devient de plus en plus floue. Aux Etats-Unis, ces nou-velles catégories d'armements sont déjà développées dans le cadre d'associations entre le DoD et leDépartement de la Justice. Une situation qui commence à inquiéter les mouvements attachés à la dé-fense des droits de l'homme, de la vie privée ou des libertés politiques et d'opinions.

Pour illustrer les dangers de cette fuite en avant, livrons à notre méditation ces quelques lignes,puisées dans un document publié en 1996 par le Scientific Advisory Committee de l'U.S. Air Force[U.S. Department of Commerce, 1996], sous un paragraphe intitulé "Biological Process Control":

"... Avant la moitié du 21ème siècle, il y aura de fait une explosion dans le domaine de la neurolo-gie. ... On peut envisager le développement de sources d'énergie électromagnétiques, dont le signalpeut être pulsé, mis en forme et dirigé, qui pourront être couplées avec le corps humain d'une ma-nière qui permettra d'empêcher les mouvements musculaires volontaires, de contrôler les émotions (etles actions), d'endormir, de transmettre des suggestions, d'interférer avec la mémoire de court commede long terme, de produire l'acquisition d'expériences, ou d'effacer des expériences acquises. Ceciouvrira la porte au développement de nouvelles capacités qui pourront être utilisées dans un conflitarmé, une action terroriste ou une prise d'otages, et pour la formation ...

Il apparaîtrait aussi possible de créer un discours de haute fidélité dans le corps humain, poten-tialisant une suggestion ou une direction psychologique. Lorsqu'une pulsation micro-onde haute puis-sance, de l'ordre du gigahertz, atteint le corps humain, une très petite élévation de température appa-raît. Celle-ci est associée à une soudaine expansion des tissus légèrement échauffés. Cette expansionest suffisamment rapide pour provoquer une onde acoustique. Si un courant pulsé est utilisé, il de-vrait être possible de créer un champ acoustique interne dans la gamme des 5 à 15 kilohertz, qui estaudible. Donc, il peut être possible de "parler" à des adversaires choisis, d'une façon qui serait laplus perturbante pour eux.

En comparaison de la discussion du paragraphe ci-dessus, le concept consistant à imprimer l'ac-quis d'une expérience est très spéculatif, mais néanmoins, très excitant. ... En supposant que nouscomprenions comment nos expériences sont acquises et répétées, il pourrait être possible de pousserce concept une étape plus loin et de dupliquer l'acquis d'une expérience dans un autre individu. ...Comment ceci peut être réalisé, et ceci peut-il même être réalisé, ce sont là des inconnues importan-tes. L'impact d'un succès confondrait l'imagination!"

Peu importe, finalement, la pertinence scientifique de cet extrait, dû sans doute aux fantasmes dequelque Big Brothers du 21ème siècle. Ce qui interpelle par contre, surtout quand on connaît l'ampleurdes ressources et l'influence des laboratoires de recherche militaire, c'est que ces extrapolations scien-tifiques trouvent leur place dans des publications officielles, cautionnées par les plus hautes autoritésmilitaires.

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Selon ces chercheurs, parmi lesquels leDr Amran IMAN qui fait actuellement partie del'équipe de HAARP, lorsqu'un signal ELF/VLF,même très faible, atteint l'ionosphère, il peutsubir une amplification de l'ordre de 1.000 parune interaction cohérente avec les particules desceintures de radiations. L'accélération des élec-trons libres est perceptible sur plusieurs milliersde kilomètres, et ces ondes provoquent dans lahaute atmosphère une pluie de particules quiaurait une influence sur les modèles météorolo-giques dans la troposphère. Bien qu'encoresoumis à de nombreux conditionnels, ces phé-nomènes sont confirmés par plusieurs scientifi-ques, militaires ou non.

D'autre part, il apparaît que les fréquencesutilisées pour les applications de sondages géo-physiques (la tomographie) se situent dans desgammes de fréquence comprises entre 1 et 20Hz. Or cette plage de fréquences intervient dansde nombreuses fonctions cérébrales de l'êtrehumain.

Le propos n'est pas ici de prétendre queHAARP sera effectivement utilisé pour la re-cherche sur les manipulations des processusbiologiques, ni même d'affirmer que la tomo-graphie, dans des conditions normales d'exploi-tation, soit dangereuse pour la santé. Cependant,personne n'est en mesure d'apporter la garantiedu contraire, et le Final Environmental ImpactStatement est singulièrement évasif sur ce point.

HAARP peut-il contribuer au développe-ment de nouvelles classes d'armements, dans ledomaine des armes à plasma, à impulsions élec-tromagnétiques ou à antimatière 29 ? Il est diffi-cile d'apporter une réponse définitive à cettequestion en raison de la méthode de comparti-mentage habituellement adoptée dans la recher-che militaire aux Etats-Unis.

Les grands projets militaires sont géné-ralement divisés en un grand nombre de petits 29 Antimatière: forme de la matière constituée d'antiparti-cules. Toute particule élémentaire possède une antiparti-cule, symétrique mais porteuse d'une charge opposée.L'antiparticule de l'électron, le positron, chargé positive-ment, a été identifié dans les années 1930. L'existence desantineutrons et antiprotons ne fut confirmée qu'en 1955.Dès le début des années 1950, les militaires ont cependanttenté d'appliquer cette découverte à de nouveaux systèmesd'armes [GSPONER et HURNI, 1986].

sous-programmes, fonctionnant indépendam-ment les uns des autres. Selon le principe du"need-to-know", les opérateurs des sous-programmes (université, laboratoires, entrepri-ses) ne reçoivent que les informations nécessai-res pour la matière qui les concerne. La coordi-nation est assurée par un cercle très restreint demilitaires et de scientifiques, et eux seuls ontune vision globale du projet et de ses objectifsultimes. Le pouvoir de contrôle du Congrès estpar ailleurs extrêmement limité. En effet, lesmatières les plus sensibles font l'objet de blackprograms, une technique permettant aux militai-res de s'assurer une enveloppe budgétaire sansdevoir en justifier l'utilisation.

Dans le cas de HAARP, on peut identifiersans difficulté les rôles de certains acteurs cen-traux. La Hanscom Air Force Base est mani-festement chargée de l'opération de relationspubliques, avec pour mission de "vendre" leprojet HAARP au public sous le couvert d'unerecherche scientifique d'intérêt général. Latransparence est à première vue parfaite: unsuperbe site Internet et l'organisation annuellede journées portes ouvertes en sont les princi-pales manifestations. La Kirtland Air ForceBase, siège du Phillips Laboratory de l'U.S. AirForce, ainsi que le Los Alamos National Labo-ratory (New Mexico), sont les leaders dans ledéveloppement des nouveaux systèmes d'armesde haute technologie. C'est à eux qu'il revient defractionner et de distribuer les différentes fa-cettes de la recherche entre les universités et lesentreprises contractantes. La Maxwell Air ForceBase abrite notamment la Air University et lesstratèges qui développent les nouvelles doctri-nes et concepts de défense basés sur les armesnon létales et techniques du futur. Quant auxchercheurs de la Brooks Air Force Base, ilsapprofondissent les nombreuses recherches surles effets biologiques des ondes électromagnéti-ques sur lesquelles reposent les nouvelles armesen cours de développement.

La guerre dans le golfe Persique a permisde révéler au public l'existence de blacks pro-grams dans le domaine des armes à énergie diri-gée, en leur servant en quelque sorte de bancd'essais en situation réelle.

En avril 1992, la revue spécialisée De-fense News 30 a fait état de sources officielles 30 Defense News, 13 avril 1992

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indiquant que les Etats-Unis avaient, dès lespremiers jours de la guerre en 1991, fait usagepour la première fois d'armes non nucléaires àimpulsion électromagnétique pour la destructiondu matériel électronique irakien. Selon les dé-clarations d'un officiel du DoD, ces armesétaient développées depuis plusieurs annéesdans le cadres de plusieurs black programs.

Ces armes étaient dans le cas présentconstituées d'une tête montée sur des missilesTomahawks tirés depuis des sous-marins ounavires. Ces têtes tactiques, appelées High Po-wer Microwave Warheads, contiennent unecharge capable de convertir l'énergie d'une ex-plosion chimique conventionnelle en une impul-sion électromagnétique RF d'une puissancecomparable à celle provoquée par une explosionnucléaire, et suffisante pour détruire les compo-sants de la plupart des équipements électroni-ques (très peu résisteraient en effet à une interfé-rence électromagnétique d'une telle intensité).

Les militaires restent très discrets surl'évaluation de cette première expérience, maisil est néanmoins confirmé que le Los AlamosNational Laboratory ainsi que le Air Force'sPhillips Laboratory ont joué un rôle essentieldans le développement de ces armes.L'U.S. Army mènerait des recherches similairesau Harrys Diamond Laboratory à Adelphi.

Selon William BAKER, directeur du pro-gramme des armes à énergie dirigée du PhillipsLaboratory, l'U.S. Air Force a l'intention d'in-tensifier ses efforts pour l'amélioration de cetteclasse d'armes. Et notamment pour résoudre unproblème majeur: actuellement, l'explosion de lacharge a évidemment l'inconvénient de détruirele système dans son ensemble. L'objectif estdonc le développement d'une arme à impulsionélectromagnétique qui soit réutilisable, commele

serait une arme à laser. Il faut donc abandonnerle principe de l'explosion chimique convention-nelle, et c'est la raison pour laquelle le DoDlançait, dès 1991, des appels d'offres aux indus-tries américaines pour développer des systèmescapables de soutenir une puissance de l'ordre de100 MW pendant environ 5 secondes.

Le DoD réfute naturellement tout lien di-rect entre le programme HAARP et le dévelop-pement des armes à énergie dirigée. Ce sontcependant les mêmes laboratoires et les mêmeshommes qui dominent dans tous ces projets, etla complémentarité de certaines technologies etsavoir-faire est évidente.

Le programme HAARP serait ainsi unesorte de "proof-of-concept" destiné à vérifier desdomaines précis de la recherche fondamentale,ou à servir de démonstrateur pour valider cer-tains concepts, par exemple ceux décrits dansles brevets de APTI.

Tous les brevets de APTI décrivent ef-fectivement des applications militaires dans ledomaine des modifications environnementales,de la production et du transfert de grandesquantités d'énergie ou des armes à énergie diri-gée. Dans bien des cas, l'élément central est unemodification de la composition moléculaire dela haute atmosphère avec un signal HF pulsé detrès grande puissance.

La station HAARP, couplée avec un vasteensemble d'autres programmes du DoD, pourraitainsi devenir une sorte de universal tool, pourreprendre l'expression de BEGICH. Un bancd'essai pour tester et valider, à petite échelle, destechnologies et des procédés qui pourront ulté-rieurement être extrapolés et intégrés à de réelssystèmes d'armes, en particulier les armes à im-pulsion électromagnétique, les techniques demodifications environnementales ou d'influencedes comportements et des capacités mentales.

Conclusions

Dans des conditions normales de fonc-tionnement, et en supposant que les caractéristi-ques techniques communiquées par l'U.S. AirForce et l'U.S. Navy soient correctes, l'impactdirect de la station HAARP sur l'environnementest peu significatif.

Dans la mesure où le projet correspondaux intérêts du puissant département de la Dé-fense, les conclusions de l'étude d'impact doi-vent cependant être lues avec réserve. La procé-dure en vigueur aux Etats-Unis n'offre en effetpas toutes les garanties d'objectivité, puisquec'est à l'administration, et à elle seule, que re-vient la responsabilité de réaliser les étudesd'incidences.

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Les conséquences de la construction et del'exploitation du site pour les écosystèmes del'Alaska sont probablement les seules à avoir étéévaluées et gérées correctement. La faune et laflore sont peu perturbées, tandis que les nuisan-ces dues au bruit ou à la pollution supplémentai-res semblent insignifiantes. Quant au bilan so-cio-économique, il est certainement positif pourcette région reculée des Etats-Unis. Le projetsemble d'ailleurs avoir été bien accueilli par unemajorité de la population, d'autant plus quel'Université de l'Alaska y est étroitement asso-ciée. Les perspectives d'emplois et de retombéeséconomiques positives ont donc manifestementinfluencé favorablement l'opinion.

En ce qui concerne les expériences scien-tifiques ayant fait l'objet d'une publicité, la ma-jorité des scientifiques semble unanime sur aumoins un point: la puissance des émetteurs ac-tuellement disponibles ne devrait pas permettrede provoquer des perturbations persistantes et àgrande échelle dans l'ionosphère. Un quel-conque impact sur la climatologie est donc to-talement improbable.

Le programme HAARP a, incontestable-ment, une dimension scientifique d'envergure;les qualités des instruments dont il dispose, oudisposera au terme de son développement,conduiront certainement à des résultats qui inté-resseront l'ensemble de la communauté scienti-fique. Il n'en est pas moins vrai que plusieursobjections formulées, par des membres du mou-vement "NO HAARP" comme par des scientifi-ques indépendants dignes de foi, sont parfaite-ment fondées.

• La puissance de l'émetteur

La première de ces objections concerne lapuissance des émetteurs. Plusieurs documentstechniques indiquent clairement que la puis-sance actuelle est insuffisante pour plusieurs desexpériences prévues. Des protagonistes recon-naissent d'ailleurs implicitement que 100 GWest une puissance souhaitable pour mener leprojet dans de bonnes conditions.

D'autre part, on imagine mal que "la pluspuissante station de recherche sur l'ionosphèreau monde" reste longtemps alimentée par laseule force de quelques moteurs diesel. Cettesituation semble un non-sens quand on sait que

l'Alaska regorge de gaz. Rappelons d'ailleurs icique les recherches menées par APTI dans lesannées 80, et qui ont finalement permis le dépôtdes brevets que nous avons décrits, avaient pré-cisément pour objectif de trouver des débouchésrentables pour ces réserves naturelles. La cons-truction prochaine d'une centrale d'alimentationutilisant les ressources naturelles locales n'estqu'une hypothèse, mais une hypothèse raisonna-ble, et la seule qui permettrait aux militairesd'atteindre leurs objectifs. Une éventuelle mon-tée en puissance demanderait naturellement uneréévaluation complète de l'impact des perturba-tions provoquées par HAARP sur les compo-santes de l'écosphère.

• Les fréquences ELF/VLF

Certaines expériences prévues permet-tront à HAARP de produire ses effets bien au-delà du territoire des Etats-Unis. C'est le cas desémissions HF obliques, ainsi que de la généra-tion d'ondes ELF/VLF pour la tomographie etles communications avec les sous-marins enplongée. Ce travail n'a pas abordé le problèmesous l'angle du droit international, mais c'est unelacune qui mériterait d'être comblée.

Selon la documentation officielle, les on-des VLF/ELF générées par la station HAARP,par l'intermédiaire de l'ionosphère, pourraientbalayer la majeure partie de l'hémisphère nord.Cette application du programme HAARP n'estpas sans risque d'incidence sur les individus etleur environnement.

L'utilisation d'ondes VLF pour les com-munications sous-marines semble peu préoccu-pante: ce type de communication existe déjàdepuis longtemps grâce à des stations terrestresdans le Michigan et le Wisconsin. De toute ma-nière, les sous-marins ne se bousculent pas et, làoù ils sont, on ne voit pas quel impact pour-raient avoir sur notre santé les ondes qui leurssont destinées.

Le problème de la tomographie est diffé-rent. L'objectif déclaré des militaires est la dé-tection d'installations souterraines dissimulées.Simple anecdote, n'importe qui peut actuelle-ment acheter sur Internet, pour quelques dollars,une photo satellite détaillant, avec une précision

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de quelques mètres, ce qui se passe dans le jar-din du voisin 31. Mais à en croire les documentstechniques, HAARP pourra dorénavant nousmontrer, de plus, ce qui s'y trouve enterré. Cen'est évidemment pas notre jardin qui intéresseles militaires. Cette technique, dont l'efficacitéreste à démontrer, est surtout intéressante engéophysique et notamment, selon les promo-teurs de HAARP, pour la détection de ressour-ces minérales ou d'anomalies souterraines. Ellepermettrait alors de remplacer avantageusementles techniques actuelles de sismique réflexion.

Les applications militaires de la tomogra-phie sont financées par les budgets affectés à lacontre-prolifération et visent à détecter d'éven-tuels laboratoires ou installations militaires illi-cites ou menaçant la sécurité des Etats-Unis. Ilconvient cependant de constater que les paysvisés par cette technique (Irak, Soudan, ...) sontsitués aux latitudes les plus basses, et sans doutetrop loin de la station HAARP, ce qui accréditeencore la thèse selon laquelle il faut plus depuissance... ou d'autres émetteurs à d'autres la-titudes.

Indépendamment des aspects politiques etéthiques, voire tout simplement de la faisabilitétechnique, on peut légitimement s'interroger surla réelle innocuité de ces fréquences extrême-ment basses (entre 0.001 Hz et 40 kHz) sur lasanté publique et les populations animales, parexemple pour la navigation des espèces migra-trices. Les avis sont, à l'évidence, extrêmementpartagés sur ce point.

• Les relations avec d'autres program-mes militaires

Cette question de l'impact des fréquencesextrêmement basses sur les organismes vivantsrestera ouverte, mais permet la transition versune autre hypothèse: les relations présuméesentre le programme HAARP et le développe-ment des systèmes d'armes de la Future War-fare.

Les recherches dans le domaine des ar-mes non létales occupent une part croissante dupotentiel des laboratoires de recherche militai-res. Ces armes sont d'une grande diversité et

31 http://www.terraserver.microsoft.com.

font appel à de nombreuses technologies et pro-cédés: micro-organismes, substances super-caustiques, nanotechnologies, stimuli sensorielspar ondes acoustiques, électromagnétiques oupar des substances chimiques, etc.

De plus, ces programmes dépassent lar-gement le domaine militaire. En 1994, une dé-claration commune d'intention entre le Dépar-tement de la Justice et le Département de laDéfense a donné naissance au programme "Ope-rations Other Than War" par lequel les deuxagences prévoient un développement communde technologies et de systèmes avancés pour lecontrôle des populations. Les armements déve-loppés dans le cadre de ces programmes doiventavoir une application autant dans des opérationsmilitaires (maintien de la paix par exemple) quedans des opérations civiles de maintien de l'or-dre. Ces nouvelles doctrines envisagent expli-citement l'utilisation des fréquences ELF pourinfluencer, ou inhiber des comportements chezl'être humain. D'une façon plus générale, plu-sieurs de ces armes, dites "non létales", sontbasées sur une nouvelle maîtrise de phénomènesélectromagnétiques. Si HAARP peut générerdes signaux ELF et les diriger avec suffisam-ment de précision pour les travaux de tomogra-phie, il n'est certainement pas tout à fait absurded'imaginer des applications antipersonnel. L'uti-lisation des propriétés électromagnétiques à desfins de guerre psychologique ou d'influencecomportementale serait totalement inacceptable.

D'autre part, même si l'on n'accordequ'une importance relative aux fameux brevetsde la société APTI, il existe néanmoins suffi-samment d'éléments démontrant que les vieuxrêves américains de "Guerre des Etoiles" et demaîtrise du temps sont toujours bien vivants.Les rapports publiés dans le cadre des étudesAir Force 2025 et SPACECAST 2020, sur laseule base des éléments qui ont été rendu pu-blics, le démontrent sans ambiguïté.

La construction d'une défense stratégiquearticulée autour d'un réseau de bases spatiales,de systèmes de communication infaillibles etdans un environnement prévisible, voirecontrôlable et influençable, le tout renforcé parde nouvelles classes d'armes à énergie dirigée,apparaît très clairement comme la priorité dudébut du 21ème siècle.

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Les centres névralgiques de la recherchemilitaire chargés de relever ce défi sont égale-ment les promoteurs du programme HAARP.Affirmer qu'il existe un découplage parfait entreles objectifs scientifiques du programmeHAARP et le reste de la recherche et dévelop-pement militaire n'est tout simplement pas sé-rieux.

A quel niveau le programme HAARP in-tervient-il réellement? Il est actuellement im-possible de répondre à cette question. HAARPn'est pas un système d'arme per se. Il est seule-ment l'une des innombrables pièces d'un grandpuzzle. Une sorte de universal tool, destiné àvérifier des théories, valider des concepts, qu'ilsproviennent des brevets de APTI ou d'ailleurs.HAARP est un instrument, certes d'une grandevaleur scientifique, mais qui, soumis aux ambi-tions militaires, permettra à plusieurs program-mes, dont les plus secrets, de franchir une étapepeut-être décisive.

Plus aucun pays ne peut rivaliser avec lesEtats-Unis sur le terrain des technologies mili-taires. Lorsqu'on découvre les programmes dufutur, il est souvent difficile de démarquer leréalisable du spéculatif. Si, toutefois, le spécu-latif devenait réalité, l'hégémonie américaineserait parfaite. Une maîtrise des communica-tions, de l'information, de nouvelles formes detransfert d'énergie, et de certains processus natu-rels, leur assure un levier redoutable pour désta-biliser n'importe quel Etat.

Steven AFTERGOOD, évoquant les"black programs", écrivait en 1994 dans TheBulletin of the Atomic Scientists, que la culturedu secret, héritage de la guerre froide, est un

véritable cancer pour nos démocraties. C'est unfait, l'information dont nous disposons est in-complète. Nos hypothèses et spéculations sontdonc biaisées d'avance. D'autre part, l'arbitrageentre ce que les autorités militaires décident dediffuser et ce qui reste secret n'est pas innocent.Ce qui est finalement publié résulte de la vo-lonté d'informer, sans aucun doute, mais certai-nement aussi de la nécessité de préparer pro-gressivement l'opinion publique à accepter lesdécisions futures.

Une bonne analyse doit donc éviter deuxgrands pièges: celui de la manipulation et de lanaïveté, mais aussi, puisque l'essentiel de l'i n-formation provient des Etats-Unis, celui desthèses de la "grande conspiration" souvent ré-pandues au sein du mouvement contestataireaméricain. C'est un défi difficile. Le refuser,c'est être réduit au silence. Le relever, c'est ac-cepter le risque de prendre position et de s'enga-ger dans une analyse, sachant qu'elle se révèlerapeut-être fausse lorsqu'elle sera confrontée à denouveaux éléments.

HAARP est un programme scientifique.Aux mains des puissants, il peut cependantconduire au progrès comme à l'oppression et audésastre. Sans préjuger des intentions finalesdes Etats-Unis, et reconnaissant que ce travailémet plusieurs hypothèses, et relaye certainesspéculations, il s'avère fondé d'affirmer que leprogramme HAARP, en synergie avec d'autresprogrammes militaires, peut conduire à des dé-sé-quilibres dangereux pour l'environnement etles populations.

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RAPPORT DU GRIP 98/5 77

Annexes

Loi belge du 3 juin 1982 portant approbation de la Convention de 1977 sur l'inter-diction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militairesou toutes autres fins hostiles.