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Université Lumière Lyon 2 Handicap et Surdité L’influence d’un mode de communication différé sur l’intégration sociale des personnes sourdes. Méthodologie de l’expression écrite Licence 2 ème année. Année 2008-2009 Anne-Lyse DESCHAVANNES 2072373 Anna Rita GALIANO Nelly THOMAS 208478

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Université Lumière Lyon 2

Handicap et Surdité

L’influence d’un mode de communication différé sur

l’intégration sociale des personnes sourdes.

Méthodologie de l’expression écrite Licence 2ème

année.

Année 2008-2009

Anne-Lyse DESCHAVANNES 2072373 Anna Rita GALIANO

Nelly THOMAS 208478

2

Sommaire

Introduction…………………………………………………………………………………p 3

Partie 1 : L’intégration et la socialisation dans le domaine de la surdité………………p 4

Introduction………………………………………………………………………………..p 4

1.1 Que signifie l’Intégration ?……………………..……………...……………..p 4

1.2 Surdité………………………………………………………...……………….p 5

1.3 La question de la Communication en Psychologie………………………….p 5

Conclusion………………………………...…………………………………………………p 6

Partie 2 : Que propose notre société d’entendants pour favoriser l’intégration sociale des

personnes sourdes ?......................................................................................................p 6

Introduction ……………………………………………………………………………….p 6

2.1. Chronologie des lois et dispositifs mis en place concernant la surdité…..….p 7

2.2. Quelle pédagogie pour favoriser l’intégration scolaire des enfants sourds .p 9

2.3 Quelle culture propre à la communauté sourde ?…………………………..p 11

Conclusion………………………………………………………………………………….p 12

Partie 3 : Un témoignage à travers la littérature………………………………….…….p 12

Introduction……………………………………………………………………………....p 12

3.1. Etre sourd sans connaître le langage des signes…………………………p 13

3.2. L’apprentissage de la langue des signes vécu comme une libération……p 14

3.3. L’adaptation à un monde entendant………………………………………p 15

Conclusion ………………………………………………………………………………....p 17

Conclusion………………………………………………………….…………….p 18

Bibliographie………………………………………………………………..……………p 20

Mots Clés et Résumé………………………………………………………………………p 21

3

Introduction

Les personnes sourdes représentent dans la société une minorité. Dans le monde trois

millions et demi d’individus sont atteints de surdité. Cette dernière, qu’elle soit profonde ou

non, de naissance ou non, est considérée comme un handicap. En effet, ne pas entendre

pourrait présenter un obstacle à la vie en société du fait que les sourds ne peuvent pas

comprendre ni pratiquer le langage verbal. Ce dernier étant considéré comme le pilier de toute

socialisation, les sourds ne pourraient parvenir à s’intégrer au monde des entendants.

Néanmoins, sans ouïe, la communication avec autrui, et par conséquent la socialisation, sont

tout de même envisageables, et ce grâce à l’invention en 1620 de la langue des signes. Chaque

mot est symbolisé par un geste manuel. L’utilisation d’un langage symbolique est donc

possible. Aux XVIIème et XVIIIème, le langage des signes est inculqué dans un institut

spécialisé dans l’éducation des sourds créé par l’abée de l’Epée. L’Europe toute entière

s’intéresse à l’invention de cette nouvelle langue gestuelle et visuelle. Cependant, celle-ci sera

interdite dans les écoles au XIXème siècle du fait de sa prétendue indécence. Et l’interdiction

perdurera jusqu’en 1991 en France. A cette oppression vient s’ajouter une polémique

concernant l’approche médicale : faut-t-il forcer les sourds à parler malgré le fait qu’ils

n’entendent pas leur voix ? L’éducation française a imposé la méthode d’apprentissage

d’oralisation pendant de nombreuses années. Ce n’est qu’à partir des années 1990 que

l’éducation nationale a pris l’initiative d’enseigner aux enfants sourds le langage des signes.

La surdité peut-elle avoir un impact sur la capacité d’intégration des enfants dans leur

environnement social ? Le langage des signes est-il un moyen efficace de communication ?

Permet-il d’effacer le handicap ? Est-il possible de se construire non seulement

individuellement mais aussi socialement lorsqu’on est atteint de surdité ?

Pour éclairer ces interrogations, nous verrons quelles dispositions ont été mises en

place pour aider l’intégration scolaire et sociale des enfants sourds. Nous aborderons les

méthodes pédagogiques et éducatives d’apprentissage car l’école, après la famille, est le

second lieu de socialisation dans le développement de l’enfant ; puis nous verrons quelles sont

les possibilités culturelles et artistiques des personnes atteintes de surdité. Pour finir, nous

prendrons l’exemple de vie d’Emmanuelle Laborit, auteur sourde de « Le cri de la mouette ».

Cette étude nous permettra de voir quelles difficultés la surdité peut-elle engendrer par rapport

au développement individuel et social de l’individu.

4

Partie 1 : L’intégration et la socialisation dans le domaine de la surdité.

Introduction

Dans cette partie, nous chercherons à déterminer en quoi l’intégration des personnes sourdes

peut être rendue difficile. Nous définirons ainsi les concepts d’intégration, de socialisation et

de communication tout en les reliant à la problématique propre aux personnes sourdes.

1.1 Que signifie l’Intégration ?

« Les enfants non handicapés sont scolarisés, les enfants handicapés sont en intégration

scolaire » affirme, Jean-Yves le Capitaine (2004), ainsi nous pouvons être amenés à penser

que les enfants handicapés doivent être intégrés afin de se rapprocher un peu plus des enfants

non handicapés qui sont eux, scolarisés. Mais se pose alors à nous la question de la définition

du terme intégration, les dictionnaires de langue française nous dirons que c’est un processus

visant à inclure un élément à un ensemble plus vaste. En sociologie, Emile Durkheim définit

l’intégration comme « processus par lequel l’individu participe à la vie sociale ». Cette

participation s’opère grâce à l’intégration des individus dans plusieurs instances qui sont :

- La famille

- L’Eglise

- Les groupes professionnels ou sociaux dont l’école fait partie pour les enfants.

Toujours selon Durkheim, l’intégration à ces instances permettra alors l’intégration à la

société. L’intégration devenant donc le résultat de la socialisation. Rocher (1984) définit la

socialisation comme « processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise les

éléments socioculturels de son milieu, les intègre à sa personnalité sous l’influence d’agents

sociaux-significatifs et par là-même s’adaptent à l’environnement où elle doit vivre. »

Il ajoute que c’est un processus qui perdure tout au long de la vie et qui consiste à

s’approprier les normes et les valeurs dominantes de la société, sous l’égide d’instance de

socialisation telles que :

- la famille (socialisation primaire)

- les groupes de pairs (socialisation au milieu des semblables) l’école (espace ou l’enfant est

confronté de manière normative aux attentes de la société)

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- le marché du travail (apprend les comportements, fait respecter les règles …)

- les médias (certaine façon de toucher les choses).

1.2 Surdité

La surdité peut survenir pour diverses raisons et à n’importe quel moment de la vie.

Suite à un traumatisme sonore, l’administration d’un substance toxique etc… ou bien, il se

peut qu’un enfant naisse sourd, pour des raisons génétiques par exemple. La principale

différence est que dans le premier cas, les personnes devenant sourdes ont déjà entendu et

savent ce que c’est que d’entendre, ainsi, ils se sont représenté le monde tel qu’il est et tel

qu’ils lui appartiennent à travers ce langage oral et, en devenant sourds, leur désir de retrouver

l’ouïe peut être compréhensible. Or, les personnes sourdes de naissance comme Emmanuelle

Laborit, ne savent pas ce qu’est l’ouïe et ne l’on jamais connue, ainsi, leur représentation du

monde depuis leur naissance s’est toujours faite sans le son et dans la mesure ou il ne

connaisse pas, il est également compréhensible qu’il ne voit pas l’intérêt d’être « réparés »

c’est-à-dire appareillés dans le but de percevoir quelques sons, ce qui n’est souvent pas très

efficace et surtout inutile d’après Emmanuelle Laborit.

1.3 La question de la Communication en Psychologie

La communication est l’ensemble des phénomènes qui interviennent lorsqu’un

individu transmet des informations à un autre ou à un groupe, ce sous la forme de langage oral

ou de tout autre code : mouvements, ton de la voix, regard… Or, dans notre société

d’ « entendants », le langage est le mode de communication le plus répandu à l’oral, au

quotidien et avec de nombreux médias tels que la télévision, la radio etc.… En effet, dès le

début de la vie même intra-utérine, le fœtus perçoit des sons venant du monde extérieur, qui

lui permettent déjà de se créer des repères, par exemple, la voix de sa mère qu’il entend très

souvent, lui devient familière et créé ainsi un repère précoce auquel les enfants sourds de

naissance n’ont pas accès. Ensuite, à l’école, toute communication du savoir se fait la plupart

du temps par un(e) enseignant(e) par l’intermédiaire d’un langage oral, que les enfants sourds

ne peuvent percevoir.

Ainsi, la socialisation et donc l’intégration passeraient par l’intériorisation de

« normes », d’éléments socioculturels propres à notre société par le biais de la

communication. Or, la surdité, en limitant la communication avec les personnes entendantes,

6

réduit les possibilités d’intégration par le langage parlé telles qu’elles se font dans les

situations de communication dites « normales ».

Conclusion

En effet, comme le dit Dethorre (2006), l’organisation psychique des personnes

entendantes passe par des représentations acquises grâce au langage oral. Le fait qu’il

commence marque de façon quasiment automatique son intégration à sa société, famille, puis

école etc. Or, l’enfant sourd n’ayant pas accès à ce mode de communication commun, il n’a

pas accès à ces représentations communes elles aussi à un groupe spécifique. Ainsi, incapable

d’intérioriser ces représentations à cause de la barrière du langage, l’enfant sourd, dès le

départ, a des difficultés d’intégration.

Partie 2 : Que propose notre société d’entendants pour favoriser l’intégration sociale des

personnes sourdes ?

Introduction

Les personnes atteintes de surdité ont nécessairement besoin de la société pour s’y

intégrer. En effet, des lois et des dispositifs vont permettre à la communauté sourde de

s’émanciper socialement. Cette intégration sociale passe par l’éducation et aussi par la

culture. Mais nous allons voir que l’accès des sourds à la vie sociale en général est très récent

car les pouvoirs politiques ont mis plusieurs siècles à réaliser la nécessité pour les sourds

d’avoir leur propre langue pour pouvoir s’intégrer de manière efficace au groupe social auquel

chacun appartient.

2.1. Chronologie des lois et dispositifs mis en place concernant la surdité :

Les personnes atteintes de surdité sont considérées dès le XIIème siècle avant J.C.dans

l’ancien testament. Le philosophe grec Platon a mis par écrit que les sourds communiquent

par gestes. Mais jusqu’au XIIème après J.C. aucun enseignement ne leur est assigné : ils ne

savent donc ni lire ni écrire. De plus, la société les considère comme des personnes

irresponsables. En effet, ils ne disposent pas de manière libre de leurs biens et des tuteurs

s’occupent d’eux. Le mariage leur est aussi interdit. Ce n’est qu’au XIIème siècle que le pape

autorise les personnes sourdes à se marier, mais uniquement avec des personnes entendantes.

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L’éducation des sourds commence à prendre son essor seulement à partir du XVIème siècle :

l’espagnol Pedro Ponce parvient à donner la parole à des enfants sourds issus de familles

nobles. En 1620, Pablo Bonet écrit un ouvrage sur l’éducation des sourds dans lequel se

trouve un alphabet gestuel. A partir de ce livre, l’Europe toute entière se penche sur ce

nouveau mode de communication. La France est en retard : ce n’est qu’en 1679 que le

parlement reconnaît le testament d’un sourd-muet écrit par lui-même.

Le XVIIIème siècle constitue un tournant majeur dans l’histoire de la surdité. Le sourd

Etienne de Fay met en place à Amiens une école spécialisée pour les enfants sourds dans

laquelle il enseigne par le biais de signes. Suite à sa mort, l’école disparaît. Le premier

ouvrage écrit par une personne sourde est publié en 1779 : il s’agit de « Observations d’un

sourd-muet » de Pierre Desloges. De 1712 à 1789, l’abbé de l’Epée enseigne à de jeunes

sourds dans sa propre maison. Il s’occupe de soixante-dix élèves et leur apprend à

communique par le « signe méthodique ». Son enseignement est gratuit et il parvient à former

des professeurs français et européens. Suite à la mort de l’abbé de l’Epée, l’abbé Sicard

devient le premier directeur de l’Institution nationale de Paris.

Durant la période de la Révolution française, il existe trois écoles spécialisées pour les

enfants atteints de surdité : celles de Paris, d’Angers et de Bordeaux. L’école créée par l’abbé

de l’Epée est prise en charge par le gouvernement français. A cette époque, on reconnaît

l’importance du rôle tenu par l’abbé : il est considéré comme faisant partie des citoyens « qui

ont bien mérité de la patrie et de l’humanité ».

Le pasteur américain Thomas Gallaudet crée la première école de sourds aux Etats-

Unis en 1815 dans laquelle sont enseignés les « signes méthodiques ». A partir des années

1820, la méthode établie par l’abbé de l’Epée disparaît car elle est jugée source de problèmes

pédagogiques. C’est ainsi que naît la langue des signes française.

Au cours de la moitié du XIXème siècle, les personnes sourdes s’émancipent d’un

point de vue artistique et culturel : ainsi, des peintres, des poètes et des écrivains sourds

parviennent à exprimer leurs passions. Aussi, des premières recherches sur la langue des

signes française apparaissent : Bebian tente de mettre par écrit la langue des signes ;

Joséphine Brouland et l’abbé Lambert mettent en place des répertoires de signes ; et Rémi

Valade travaille en 1854 sur la grammaire de la langue des signes française.

8

Le langage des signes est utilisé dans l’enseignement français jusqu’au milieu du

XIXème siècle. Dans les années qui suivent, de plus en plus d’écoles privilégient la méthode

d’oralisation qui est déjà appliquée en Italie ou en Allemagne. Le langage des signes est

désormais considéré comme mode de communication indécent car c’est le corps tout entier

qui s’exprime.

Aux Etats-Unis, on enseigne par la parole et par les signes. En 1864 est créée

l’université Gallaudet à Washington, la première université adaptée aux sourds dans le

monde.

Suite au congrès international de Milan en 1880, le langage des signes devient interdit

dans l’enseignement et la méthode orale devient obligatoire. Ces décisions amènent les écoles

françaises à adopter la méthode orale. L’oralisme est encore aujourd’hui enseigné dans de

nombreuses écoles de France même si la langue des signes est autorisée. Suite à l’interdiction

de l’utilisation de signes, beaucoup de malentendus surgissent : quelques sourds pensaient

annuler leur surdité s’ils parvenaient à parler ; ou pensaient ne pas atteindre l’âge adulte s’ils

ne parvenaient pas à communiquer par la parole puisqu’ils ne voyaient que des adultes qui

parlent. Aux Etats-Unis, les signes sont mieux acceptés. En effet, les américains continuent

d’enseigner par la méthode combinée (parole et signe). Le collège national des sourds est crée

en 1864 à Washington.

Ce n’est qu’à partir des années 1970 que le gouvernement français prend conscience

du mal-être des personnes atteintes de surdité qui ne parviennent pas à communiquer de

manière efficace. En 1971, le sixième congrès de la F.M.S. (fédération mondiale des sourds)

souligne l’importance de la traduction simultanée en langue des signes. En 1975, les Français

découvrent, par un autre congrès de la F.M.S. qui se déroule à Washington, des efforts faits

aux Etats-Unis pour intégrer les sourds dans la société. En 1977, l’interdiction de la langue

des signes est abrogée par le ministère de la santé et la langue des signes française commence

à être employée dans l’enseignement français.

En 1982, se tient à Toulouse le premier congrès national de l’éducation bilingue de l’enfant

sourd. Aussi, le dictionnaire de Poitiers « Les mains qui parlent » est publié. En 1984, les

premières classes bilingues sont créées à Poitiers et à Châlon. En 1991, l’Assemblée

Nationale vote la loi Fabius qui rend légale l’utilisation de la langue des signes française dans

l’enseignement des enfants sourds. En 2005, la loi du 11 février pour l’égalité des droits et des

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chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est votée. La langue des

signes française est enfin reconnue comme une langue à part entière.

La langue des signes a été sous-estimée jusqu’à aujourd’hui. Elle semble pourtant être

le moyen de communication le plus efficace pour les personnes sourdes. Elle est la seule, en

effet, à permettre aux enfants sourds de s’intégrer à la société car elle permet d’accéder

véritablement au langage, et ce via la symbolisation des mots. Cette intégration sociale se fait

dans un premier lieu à travers l’école et son enseignement.

2.2. Quelle pédagogie pour favoriser l’intégration scolaire des enfants sourds ?

Pendant de très nombreuses années, l’éducation nationale, comme nous l’avons vu

précédemment, a privilégié pour l’apprentissage des sourds une méthode d’oralisation. Il

s’agit pour les enfants non entendants, souvent équipés d’appareils auditifs, de lire sur les

lèvres de leurs professeurs et d’essayer de parler. Or, ne pouvant s’entendre parler, cet

exercice s’avère extrêmement compliqué, voire même inutile. Cette méthode d’apprentissage

fut obligatoire en France jusque dans les années mille neuf cent quatre-vingt dix. Cette

dernière a engendré de nombreux retards scolaires plus particulièrement dans les domaines de

l’écriture et de la lecture. En effet, sans avoir la possibilité d’entendre ce que l’on dit

oralement, on ne peut pas se donner une signification précise du mot car on ne peut

comprendre le symbole qui lui est assigné.

L’éducation nationale a réussi à réunir les enfants sourds et les enfants entendants dans

une même école, mais l’apprentissage se fait autour de la langue française. Or, les personnes

sourdes ont réussi à créer leur propre langue ; une langue qui n’est pas la traduction gestuelle

de la langue française, mais qui a ses propres règles de grammaire, de vocabulaire, de syntaxe.

Un enfant sourd a donc besoin d’apprendre par la langue des signes ; sans cela, il sera sans

cesse en retard scolaire car s’adapter à la langue française demande un double effort. La

pédagogie française est principalement axée sur l’oral. En lisant sur les lèvres et/ou en portant

un appareil auditif, certains enfants sourds parviennent à suivre correctement leur scolarité

dans un enseignement oral. Cependant, il ne s’agit là que de quelques cas particuliers, ceux

des enfants atteints très légèrement de surdité. Pour les autres, ces moyens se sont montrés

inefficaces. Une grande majorité de sourds ne parviennent pas au niveau du baccalauréat. Ils

sont très souvent forcés d’exercer un métier manuel.

10

La langue des signes exercée à l’école permet aux enfants d’appréhender non

seulement la lecture et l’écriture par le biais de l’acquisition du symbole qui s’avère

impossible avec la méthode d’oralisation, mais aussi les mathématiques, les sciences, ou

encore l’histoire, disciplines abstraites qui ne peuvent être saisies par l’élève que par un

médiateur langagier qu’il a assimilé correctement.

Cependant, l’enseignement de la langue des signes reste très limité en France. Le

ministre de l’éducation Xavier Darcos a annoncé au mois d’août 2008 que le langage des

signes serait enseigné dans trente à cent écoles en France. A la rentrée, seulement une dizaine

d’écoles proposent cet enseignement qui, de plus, est pour les enfants entendants, et pas pour

les enfants sourds. Il s’agit de cours de la langue des signes française, et non pas en langue

des signes.

La nécessité d’apprentissage via la langue des signes peut poser un problème vis-à-vis

de l’intégration des jeunes sourds au sein de groupes d’enfants entendants. En effet, des

écoles spécialisées enseignant par le langage des signes existent, mais empêchent la mixité

enfants sourds/enfants entendants. Cependant, depuis quelques années, des écoles bilingues

ont été ouvertes. Celles-ci permettent non seulement aux enfants sourds de côtoyer le monde

social entendant et ainsi d’être considérés comme des citoyens à part entière, mais aussi aux

enfants entendants de découvrir, même brièvement, la langue des signes et de ne pas

concevoir la surdité comme un handicap. Néanmoins, l’ouverture de

ces classes reste encore aujourd’hui laborieuse. Seulement cinq écoles

françaises ont mis en place un pôle expérimental bilingue. A travers

l’émission de télévision « L’attitude 91 » présentée par Sandrine Frentz

et diffusée le 24 octobre 2008, nous pouvons prendre l’exemple de

l’école de Massy qui a accueilli à la rentrée 2008 des enfants signants. Trois classes bilingues

se sont créées, dont deux à l’école maternelle des Coquelicots et une à l’école élémentaire

Roux Tonon. La mise en place de ces classes a été initiée par l’association « Les yeux pour

entendre » présidée par Sandrine Herman, et subventionnée par le département et la ville de

Massy. Ces derniers ont pris de l’avance sur l’arrêté du 15 juillet 2008 qui vise à favoriser

l’enseignement de la langue des signes dans les écoles françaises. L’émission télévisuelle

propose quelques témoignages de parents d’élèves entendants. Ceux-ci expriment un

enthousiasme vis-à-vis de l’entrée dans l’école de ces enfants signants. Il semble que la

réunion des enfants sourds et entendants autour d’un même enseignement aide à effacer la

vision de handicap assimilée à la surdité.

11

En développant à plus grande échelle ces écoles bilingues, la société globale pourrait

parvenir à considérer autrement les personnes atteintes de surdité, à savoir des agents à part

entière de la société. Seule l’éducation nationale peut prétendre, par ses subventions, à élargir

l’enseignement de la langue des signes française. De nombreuses associations voulant

favoriser l’éducation des enfants sourds sont en attente du soutien de l’Etat.

2.3 Quelle culture propre à la communauté sourde ?

La culture, malgré les apparences, reste néanmoins accessible aux personnes sourdes.

Dans le domaine de la musique par exemple, comme le dit Emmanuelle Laborit, bien qu’elle

ne puisse l’entendre, elle est capable de la ressentir par le biais des vibrations produites contre

le sol ou contre un instrument. Ainsi, même si ce plaisir est limité, il est accessible aux

personnes sourdes encore par un mode de communication alternatif, permettant des

possibilités de partage de ce plaisir avec une communauté spécifique. D’autre part, le théâtre,

dans la mesure où il permet l’expression des émotions et des pensées par le corps en plus du

langage est un domaine dans lequel les sourds peuvent s’intégrer et s’épanouir. En effet,

comme le montre notamment le parcours d’Emmanuelle Laborit, Molière de la meilleure

révélation théâtrale en 1993, pour son interprétation de Sarah dans « Les Enfants du Silence »

montre que le langage des sourds peut aussi toucher un public entendant.

D’autre part, depuis 1924 déjà, et grâce aux efforts d’Eugène RUBEN-ALCAIS, les

personnes sourdes ont leur Jeux Olympiques. Lors de la première édition, à Paris, 145

personnes y ont participé. Dans la même lignée, des associations sportives dédiées aux

personnes sourdes voient aussi le jour, tels que le "Club Sportif des Sourds-Muets de Paris"

(C.S.S.M.P) ou le Club des motards sourds de France. En 1937, pour la 1ère fois de toute

l'histoire du cinéma français, un comédien sourd, Maurice HUMBERT, tient un rôle dans le

film "CHERI BIBI" de Léon MATHOT. En 1961, plusieurs années après sa création « La

Gazette des Sourds-Muets devient « La voix du sourd », témoignant d’une activité importante,

à l’initiative de rédacteurs sourds en majorité. Enfin, l’année 1990 est prolifique dans le

domaine de la littérature avec la sortie de "Des yeux pour entendre, voyage au pays des

Sourds", par Oliver SACHS et de "L'abbé de l'EPEE" de Maryse BEZAGUDELUY

12

Conclusion

De telles implications de la communauté sourde dans les différents domaines sportifs et

culturels, témoigne bien d’une grande envie de vivre et de s’épanouir. Néanmoins, nous

remarquerons que la plupart des initiatives prises pour amener les personnes sourdes à la

culture, sont motivées au départ, par soit des personnes sourdes elles-mêmes ou bien, très

sensibilisées et conscientes des problématiques inhérentes à la surdité.

Partie 3 : Un témoignage à travers la littérature :

Introduction

A travers l’ouvrage-témoignage d’Emmanuelle Laborit « Le cri de la mouette »

(1993), nous allons pouvoir aborder la surdité et les problèmes d’intégration sociale et/ou

scolaire qu’elle engendre de manière plus approfondie et précise. Cette étude va nous

permettre d’illustrer de manière concrète les propos évoqués auparavant. Mais cette approche

reste subjective car elle est individuelle et personnelle.

Cependant, cet ouvrage a permis aux sourds de s’identifier à l’expérience de vie d’une

personne atteinte elle aussi de surdité ; et à de nombreux entendants de tenter de concevoir

quelles sont les difficultés causées par ce handicap visuel. Ces difficultés sont principalement

d’ordre social. En effet, le langage des signes ayant été interdit en France jusqu’en 1976 et

non appliqué dans l’enseignement avant 1991, les sourds n’ont pas pu établir une

communication concrète et, par conséquent, s’intégrer à la société.

Une communication est-elle tout de même possible sans langage symbolique, sans

l’apprentissage de la langue des signes ? Que permet cet apprentissage ? Quel rôle joue-t-il

dans la capacité d’intégration sociale et scolaire des enfants sourds ?

3.1. Etre sourd sans connaître le langage des signes

Emmanuelle Laborit décrit à travers son autobiographie les difficultés engendrées par la

surdité. Elle parle d’une absence quasi-totale de communication avant l’âge de sept ans, âge

du début de son apprentissage de la langue des signes. Elle souffre de ne pas pouvoir échanger

avec ses parents, et ceci dès le plus jeune âge. « [Ma mère] me regardait, incapable d’inventer

quoi que ce soit pour créer le lien entre nous. » (p.15) La mère et la fille n’ont aucun moyen

efficace de communication. Seuls des regards et des expressions permettent à la jeune enfant

13

de comprendre les éléments de son environnement familial. Emmanuelle ne peut pas

participer à la vie familiale car elle seule est sourde ; elle ne peut pas non plus poser les

questions qu’un enfant pose habituellement à ses parents pour apprendre la vie et se construire

individuellement. Elle se retrouve seule avec son handicap sans pouvoir acquérir les concepts

et connaissances dont tout enfant a besoin pour son développement cognitif. Emmanuelle

associe ce manque de communication au silence qu’elle subit depuis son enfance : « Le

silence a donc un sens qui n’est qu’à moi, celui de l’absence de communication. » (p.20) La

surdité sans langage symbolique établi entraîne d’autres formes d’obstacles à la vie en

société : celui de n’avoir aucune représentation du temps : « mon cerveau fonctionnait au

présent » (p.7) ; « avenir, passé, tout était sur une même ligne de l’espace-temps ». C’est

pourquoi l’auteur n’est pas très précise quant à la chronologie de sa vie avant l’âge de sept

ans. Un second obstacle vient s’ajouter à celui-ci : l’incapacité de concevoir son identité, son

Moi : « Emmanuelle est un peu une personne extérieure à moi. Ou un double. » (p.49) Cette

absence de représentation du temps et de conception de soi entraîne chez la jeune enfant la

certitude de rester à jamais une enfant. Elle ne pense pas qu’elle puisse grandir aussi parce

qu’elle n’a encore jamais rencontré d’adulte sourd. Pour elle, seuls les enfants sont sourds,

donc ceux-ci ne peuvent pas devenir grands. Avant l’âge de sept ans, l’auteur s’est trouvée

cloisonnée dans son monde intérieur sans pouvoir établir de liens sociaux avec son

environnement. La surdité sans langage symbolique apparaît donc un obstacle à la sociabilité,

voire même un handicap empêchant tout échange social.

Vers l’âge de cinq ou six ans, Emmanuelle intègre une classe d’enfants sourds. Elle

apprend à lire, écrire et compter avec plaisir car la méthode d’apprentissage semble être

adaptée aux enfants sourds. Elle n’est plus exclue ou isolée des autres élèves. Elle parvient

ainsi à mettre en place une sorte de communication avec ses camarades qui passe par le jeu.

En revanche, il ne s’agit pas encore d’un « langage libérateur » (p.45) dit-elle. La jeune

enfant souffre encore de ne pas entendre car les moyens de communication qu’elle connaît se

limitent au jeu.

Le langage symbolique semble donc être nécessaire à la capacité d’intégration sociale et

scolaire car il permet d’acquérir les concepts essentiels pour pouvoir communiquer avec

autrui.

14

3.2 L’adaptation à un monde entendant

Ce manque de communication propre aux individus atteints de surdité et n’ayant pas accès

à la langue des signes peut être source d’angoisse et de repli sur soi-même. Pour échapper à

cela, Emmanuelle tente très vite de s’adapter au monde qui l’environne et ce par différents

moyens. Malgré « l’absence du langage, l’inconnu des mots, la solitude et le mur du silence,

[elle s’est] débrouillée » (p.16) Sa première tentative de communication a débuté avec la

méthode Borel-Maisonny, qui consiste en l’oralisation des lettres puis des mots sans se servir

des mains pour faire des mimes (p.17) , c'est-à-dire à s’adapter aux entendants en tentant de

parler malgré le fait de ne pas s’entendre parler, et ce même avec le port d’un appareil auditif.

Malgré cette interdiction formelle de signer, Emmanuelle et sa mère se sont inventé des

mimes leur permettant d’établir une première communication : « ce geste de ramener mon

visage vers le sien, ce geste du face-à-face mère-enfant, fascinant et terrible, qui nous a servi

de langage » (p.18). Avec son père, la communication passait uniquement par le jeu. Mais

s’agit-il réellement de communication ? Emmanuelle se pose cette question. (p.29)

Cependant, son père lui a permis de ressentir la musique. En effet, Emmanuelle interprète le

monde qui l’entoure par les vibrations qu’elle ressent par le sol, mais aussi par les couleurs :

« j’ai mon imagination, et elle a ses bruits en images. J’imagine des sons en couleurs. » (p.20)

« la musique est un langage au-delà des mots, universel. […] [Elle] réussit à faire vibrer

physiquement le corps humain. » (p.31) Par ces moyens inventifs, la jeune enfant parvient à

établir ses propres codes pour interpréter les éléments de son environnement. Mais cela suffit-

il pour parvenir à créer des liens sociaux avec autrui ? Certainement pas car ces codes pour

comprendre les éléments de son environnement ne sont qu’une interprétation individuelle et

subjective. Or, pour pouvoir établir de réelles relations sociales, l’individu a besoin de

connaître les codes sociaux communs à tous. Et sans cette connaissance sociale, l’être humain

se cloisonne à sa propre interprétation du monde.

Pour comprendre plus précisément que l’adaptation d’un sourd au monde entendant n’est

pas utile, voire même dangereuse, nous prendrons l’exemple de l’enseignement

qu’Emmanuelle a reçu après avoir découvert le langage des signes. Cet enseignement prônait

l’utilité pour les enfants atteints de surdité de lire sur les lèvres pour comprendre autrui et de

tenter de parler, ou du moins d’émettre des sons. L’auteur décrit sa frustration et sa déception.

En effet, elle réalise à ce moment là que la langue des signes est le seul moyen de

communiquer et que le fait de lire sur les lèvres de ses enseignants est très difficile et ne

semble pas améliorer son intégration au monde des entendants. Elle est « choquée » et

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« écœurée » de voir sa professeur qui « ne se sert ni de ses mains ni de son corps pour

enseigner » (p.89). Emmanuelle veut une révolution pour mettre fin à la « loi du silence »

(p.90). Pour résumer, l’auteur fait parler les entendants : « débrouille-toi pour être à mon

IMAGE » (p.92).

Cette tentative d’adaptation au monde entendant ne permet pas une réelle communication,

non seulement avec les entendants, mais aussi avec les sourds eux-mêmes. Cette non-

communication empêche les échanges sociaux et rend difficile l’apprentissage scolaire.

3.3. L’apprentissage de la langue des signes vécu comme une libération

A l’âge de sept ans, Emmanuelle Laborit découvre un langage créé par les sourds, la

langue des signes. Cette découverte va constituer pour elle et pour tant d’autres sourds une

ouverture au monde, et ce par la mise en place de codes universels qui vont permettre de

mêler le monde des sourds à celui des entendants.

Emmanuelle apprend sa première langue à l’âge de sept ans. La langue française, affirme-

elle, n’est que sa seconde langue. « [Son] langage des signes est [sa] vraie culture » (pp. 9-

10).

Le père d’Emmanuelle décide d’emmener sa fille au château de Vincennes pour lui faire

rencontrer Alfredo Corrado, acteur et metteur en scène sourd qui a créé en 1976

l’International Visual Theatre (IVT), « le théâtre des sourds de Vincennes » (p.50). Cette

rencontre a permis à Emmanuelle de découvrir qu’un adulte pouvait être sourd, et donc, par le

biais du processus d’identification, qu’elle-même pouvait devenir grande malgré son

handicap. De plus, cette rencontre fortuite lui a permis de voir pour la première fois qu’il

existe des signes, des codes, pour se faire comprendre, pour communiquer avec les sourds,

mais aussi avec les entendants par l’intermédiaire d’un traducteur. Elle réalise à ce moment là

qu’une langue existe pour elle et pour toutes les autres personnes atteintes de surdité. Par la

suite, Emmanuelle et son père retournent à Vincennes pour assister à « un atelier de

communication parents-enfants » (p.54) Emmanuelle parvient progressivement à faire des

phrases en langue des signes. Ce nouvel apprentissage lui permet de concevoir son identité :

« je m’appelle « JE » » (p.59). Elle se dit être désormais « un être communicant, capable de se

construire. » (p.57) La découverte de la langue des signes semble être une seconde naissance

pour elle : elle s’aperçoit qu’elle a un avenir et une identité.

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L’enthousiasme de cette révélation est amplifié par son séjour à Washington, « la ville des

sourds » (p .69), dit-elle, à l’université Gallaudet. Ce voyage est organisé par l’interprète

d’Alfredo Corrado et le groupe d’IVT et est destiné à faire découvrir la façon de vivre des

Américains sourds. Emmanuelle découvre une ville où les sourds s’affirment en pratiquant

ouvertement le langage des signes et parviennent donc à s’intégrer à la société. Ce séjour dure

un mois, un mois durant lequel la jeune enfant apprend ce nouveau mode de communication

et découvre qu’elle n’est pas la seule à être sourde. C’est à ce moment précis qu’elle

comprend qu’elle est sourde (pp.73-74). En effet, sans l’acquisition des concepts primordiaux

pour interpréter ce qui nous entoure, un sourd ne peut comprendre quel est son état car sans

mots, c'est-à-dire sans représentation symbolique, on ne peut pas savoir quels sont les attributs

qui nous constituent en tant qu’individu.

Par l’apprentissage de la langue des signes, Emmanuelle découvre qui elle est. Elle

découvre aussi qu’elle a un avenir, qu’elle peut vivre et échanger avec autrui, qu’elle peut

apprendre et apprendre aux autres.

Le langage apparaît donc comme un élément primordial pour vivre en société et pour s’y

intégrer. En effet, sans langage, aucun échange ne peut se mettre en place et par conséquent la

construction de soi devient impossible car c’est l’autre qui nous renvoie notre propre image.

La langue des signes permet aux sourds de s’accomplir et de se construire socialement et

psychologiquement comme n’importe quel autre individu. Cependant, la suite du livre

autobiographique d’Emmanuelle Laborit nous informe que la société ne s’adapte pas à ce

handicap sensoriel. Les sourds doivent encore faire l’effort de s’y intégrer. En effet, en

grandissant, Emmanuelle se rend compte qu’elle fait partie du monde minoritaire des sourds,

monde qui s’oppose à celui des entendants. Elle affirme que c’est « la société qui [la] rend

handicapée, qui [la] rend dépendante des entendants. » (p.136) Elle parvient à s’adapter à une

société entendante, c’est cette dernière qui n’arrive pas à considérer les sourds comme des

personnes à part entière capables de se développer et d’évoluer au sein d’un groupe. L’auteur

illustre ce propos à travers deux principaux exemples. D’abord celui du sida. Elle dénonce la

non-adaptation aux sourds des campagnes d’information pour lutter contre le sida : « Les

campagnes d’information sur le sida sont faites par des entendants, pour des entendants » ;

« le sida tue les sourds, par absence d’information » (p.165). Ne pouvant comprendre les

causes et les conséquences du sida, les sourds risquent leur vie. Ce manque d’information est

aussi présent dans la politique. Les discours politiques n’étant pas traduits, certains sourds

17

seraient tentés de voter pour un candidat qui articule bien, du fait qu’ils comprennent ses idées

en lisant sur les lèvres ; ou bien de ne pas voter du fait qu’ils ne discernent pas les idées

principales des politiciens. (p.178)

Conclusion

Ce témoignage personnel permet de nous faire comprendre que la surdité ne représente

pas nécessairement un obstacle à la capacité d’intégration sociale et scolaire car un langage

symbolique a été créé permettant aux sourds de communiquer et donc de se construire

socialement. En revanche, l’image que la société donne des sourds est celle du handicap. Une

adaptation aux entendants reste donc nécessaire pour permettre une totale intégration sociale.

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Conclusion

En conclusion, nous dirons que, bien que la surdité limite indéniablement la

communication des sourds avec les entendants, le langage des signes, permet aux personnes

sourdes de communiquer au moins avec les personnes qui le maîtrisent. Ainsi, la surdité, et

surtout si elle est précoce prive littéralement la personne sourde d’une intégration complète à

la société entendante et ce même en 2008 et malgré les dispositions prises par les

gouvernements successifs ou les nombreuses associations et aménagements créés. En effet,

dans la mesure où tout ceci est créé et régi par des personnes non-atteintes de surdité, on

pourrait penser que l’inadéquation aux besoins de la population sourde soit inévitable.

Comme en témoignent les difficultés quotidiennes rencontrées par les personnes sourdes dans

le domaine éducatif, de la santé, dans le monde du travail, la société actuelle et toutes ses

démarches ne permettent pas d’effacer le handicap « surdité » ; il y a encore une barrière entre

le monde des entendants et celui des sourds. Dethorre (2006) nous dit que « L’histoire des

sourds et des entendants est celle d’une relation dans laquelle chacun est défini par le regard

de l’autre : on n’est sourd que pour ceux qui entendent et parlent, de même qu’on n’est «

entendant » que pour ceux qui entendent peu ou pas, et n’utilisent la langue orale que fort

difficilement. La surdité est donc un handicap de communication. »

Néanmoins, l’émergence tardive du langage des signes offre des possibilités multiples

pour les personnes sourdes de s’exprimer. S’il n’est pas oralisé, ce langage est seulement un

chemin différent de faire parvenir ses émotions, ses pensées et ses informations à son

interlocuteur, au même titre que le langage écrit par exemple. De plus, même si c’est un mode

de communication alternatif et différent du langage oral, il offre des possibilités de

communication que ce dernier ne permet pas, car il met en jeu le corps et ne se limite pas aux

mots. Ainsi, cela nous amène à nous interroger sur le bien fondé d’une telle différence.

Canguilhem (1966) nous laisse penser que le normal et le pathologique ne sont pas si faciles à

différencier et qu’ainsi, ce qui est normal pour un individu ne l’est pas pour un autre et donc

qu’aucune règle de normalité englobant toute l’humanité n’est énonçable. A partir de cela,

nous sommes en droit de nous demander qui des personnes sourdes ou des personnes

entendantes peuvent se déclarer plus normales ; si l’argument du nombre (il y a bien plus de

personnes entendantes que non-entendantes) justifie une relative supériorité sur une autre

population…Les personnes entendantes, dans la mesure où elles n’ont pas accès à la

communication et au ressenti du monde tels qu’appréhendés par les personnes sourdes,

deviendraient alors handicapées pour les personnes sourdes. Ainsi le handicap n’est pas la

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définition d’une personne, mais témoigne seulement d’une différence par rapport à la société

dans laquelle cette personne vit et évolue, c’est donc la société qui créé le handicap et non la

personne en situation de handicap.

En continuant sur ce sujet, nous aurions ainsi pu étudier les possibilités

d’apprentissage des élèves atteints de surdité du point de vue cognitif et les diverses méthodes

pédagogiques possibles développées par Le Capitaine (2004). Avec plus de temps et d’accès

aux structures spécialisées, il aurait été très intéressant d’aller observer des enfants sourds au

quotidien dans la cour de leur école ou même lors des heures de classe. C’est ce que nous

souhaitions faire au départ mais nous nous sommes heurtées à un « mur » administratif

(impossibilité d’accès aux écoles) nous rendant impossible cette observation et nous mettant

en quelque sorte en situation de handicap à notre tour…

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Bibliographie :

- Bertin, F. (2007). Les enfants sourds à l’école en France ; pour un projet bilingue.

Enfance, 59

- Clouard, C.et al. (2007). Sourds aux apprentissages. La psychiatrie de l’enfance, 50

- Courtin C. (2007). Introduction. Enfance, 59

- Dethorre, M., (2006). Dialogues de corps et de langues entre un sourd Entendre avec

les yeux, parler avec les mains. L’Esprit du Temps Recherches en Psychanalyse, 6, 41-

55.

- Douet, B. (2005). Troubles de l’identité sexuée chez l’enfant handicapé. La

psychiatrie de l’enfant, 48

- Niederberger, N. (2007). Apprentissage e la lecture-écriture chez les enfants sourds.

Enfance, 59

- Niederberger, N. et Prinz, P. (2005). La connaissance d’une langue des signes peut-

elle faciliter l’apprentissage de l’écrit chez l’enfant sourd ? Enfance, 57

- Paris, G. (2007). La langue des signes à l’école : les problèmes de l’interprète.

Enfance, 59

- Le Capitaine, J.-Y.(2004). Les enfants sourds à l’école ordinaire. Paris : L’Harmattan

- Rocher, G.(1984). Introduction à la sociologie générale. Parie : Seuil

- Canguilhem, G.(1966). Le normal et le pathologique. Paris : PUF

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Mots Clés et Résumé

Résumé

A travers l’étude des dispositifs mis en place par notre société d’entendants, dans le domaine

juridique, associatif, éducatif et culturel, puis du témoignage d’Emmanuelle Laborit, « Le cri

de la mouette » ce travail cherche à mettre en relief les difficultés d’intégration sociale

engendrées par la surdité. En effet, en partant d’un point de vue social et culturel, puis en

s’intéressant à l’individuel grâce à l’étude du livre d’Emmanuelle Laborit nous avons voulu

montrer les réelles possibilités d’intégration et d’épanouissement individuel et social des

personnes sourdes dans notre société contemporaine.

Abstract

Through an analysis of the devices set up by our hearing society, in the field of law,

associations, school and culture, and of the testimony of Emmanuelle Laborit entitled “Le cri

de la mouette”, this report aims at showing the obstacles in social integration due to deafness.

Indeed, by starting from a social and cultural point of view, and then by focusing on the

individual with the study of Emmanuelle Laborit’s book, we wanted to show the real

possibilities of integration and of individual and social blooming of deaf persons in today’s

society.

Mots clés : Handicap, Surdité, Intégration, Langage des signes, Société

Key words : Disability, Deafness, Integration, Language of the signs, Society