hétérochronies : êtat des lieux

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Pimatologie, 2000, 3, 479-51I Hétérochronies : êtat deslieux Fernando V. Ramirez Rozzi CNRS/Collège de Franc:e, Meudon la Forêt, France Résumé Dans les dernières années, le terme hétérochronie est devenude plus en plus utilisépour expliquer desdifférences entreles espèces. Mais, qu'est-ce qu'unehétérochronie ? Les hétérochronies sontdes modifications évolutives de la chronologie et de la vitesse du développement relatif à la croissance. L'emploi sans mesure du termehétérochronie à toute modification morpho- logiqueentre deux espèces et même entre deux individus I'a vidé de son sens originel et a provoqué une large confusion. A la base de cetteconfu- sion, se trouve une erreur conceptuelle introduiteet repétée par ceux qui postulent et appliquent la méthode de hétérochronies allométriques. Afin de dissiper la confusion et rendreaux études des hétérochronies I'importance qu'elles méritent, les résultats hétérochroniques doivent être déterminés seulement à partir de la comparaison de la conformation des deux espèces (et non de la taille ou de la duréedu développement). Pour confirmersi le résultat est effectivement hétérochronique, I'existence d'un processus hété- rochronique doit être vérifiée et, pour cela,le développement du descendant doit suivre la modalité de celui de I'ancêtre. Donc, l'étudedes hétérochro- nies doit être fondéesur deux conditions sine qua non : la comparaison de la conformation et I'identité de la modalité du développement. Mots clés : conformation,modalité du développement, méthode, processus. Key words: shape, developmental pathway,methodology, processes. Adresse de correspondance : CNRS UPR. 2147, Station M. Berthelot, 30 av. M. Berthelot, 92360, Meudon la Forêt, France (e-mail: [email protected]).

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Pimatologie, 2000, 3, 479-51I

Hétérochronies : êtat des lieux

FernandoV. Ramirez Rozzi

CNRS/Collège de Franc:e, Meudon la Forêt, France

RésuméDans les dernières années, le terme hétérochronie est devenu de plus enplus utilisé pour expliquer des différences entre les espèces. Mais, qu'est-cequ'une hétérochronie ? Les hétérochronies sont des modifications évolutivesde la chronologie et de la vitesse du développement relatif à la croissance.L'emploi sans mesure du terme hétérochronie à toute modification morpho-logique entre deux espèces et même entre deux individus I'a vidé de sonsens originel et a provoqué une large confusion. A la base de cette confu-sion, se trouve une erreur conceptuelle introduite et repétée par ceux quipostulent et appliquent la méthode de hétérochronies allométriques. Afin dedissiper la confusion et rendre aux études des hétérochronies I'importancequ'elles méritent, les résultats hétérochroniques doivent être déterminésseulement à partir de la comparaison de la conformation des deux espèces(et non de la taille ou de la durée du développement). Pour confirmer si lerésultat est effectivement hétérochronique, I'existence d'un processus hété-rochronique doit être vérifiée et, pour cela, le développement du descendantdoit suivre la modalité de celui de I'ancêtre. Donc, l 'étude des hétérochro-nies doit être fondée sur deux conditions sine qua non : la comparaison dela conformation et I' identité de la modalité du développement.

Mots clés : conformation, modalité du développement, méthode, processus.Key words: shape, developmental pathway, methodology, processes.

Adresse de correspondance : CNRS UPR. 2147, Station M. Berthelot, 30 av. M.Berthelot, 92360, Meudon la Forêt, France (e-mail: [email protected]).

480 F. V. Ramirez Roui

INTRODUCTION

La phrase "l'ontogenèse récapitule la phylogenèse" est très utilisée poursynthétiser, et à la fois discréditer, une théorie assez répandue pendant leXIXe siècle, la théorie de la Récapitulation. D'après cetre théorie, les ani-maux dits supérieurs passent au cours de leur développement par les stadesadultes des espèces inférieures. Ernst Haeckel a été le principal défenseurde cette théorie ; il I'a développée en essayant d'accommoder par tous lesmoyens possibles les preuves de plus en plus nombreuses et accablantes quiI'infltrmaient. La défense farouche de Haeckel résulte de la vision qu'il avaitde I'ontogenèse et de la phylogenèse dont, pour lui, la théorie de la Récapi-tulation n'était que la conséquence logique. D'après Haeckel, I'ontogenèseet la phylogenèse sont deux stades d'un processus de développement uni-que, la phylogenèse correspondant à I'histoire généalogique de I'individu etI'ontogenèse à son histoire morphologique. La théorie de la Récapitulation aété abandonnée depuis longtemps, cependant elle a le mérite de souleverune question intéressante : quel est le rapport entre la phylogenèse etI'ontogenèse ?

Pendant à peu près un siècle, cette question n'a pas attiré beaucoupI'attention ou, si elle I'a fait, les raisonnements à son propos sont restésplutôt en marge des débats scientifiques. Il faut aussi ajouter que les étudessur le rapport entre la phylogenèse et I'ontogenèse ont toujours été accom-pagnées d'une pléthore de termes pour désigner les processus et les résultatslesquels, à leur tour, n'étaient pas toujours très faciles à distinguer les unsdes autres. Tout ceci produisait une telle confusion que peu de chercheurss'avisaient de I'aborder. Le livre de S. J. Gould, Ontogeny and phylogeny(1977), marque un tournant incontestable dans les études sur le rappoftentre la phylogenèse et I'ontogenèse. Ce livre a relancé ces études qui à par-tir de cette date-là, seront appelées études des hétérochronies. Le premierméritê de Gould est d'avoir donné un ordre à la terminologie de ces étudesen distinguant clairement entre processus et résultats. Le deuxième grandapport de ce travail a été de proposer une méthode pour aborder ce typed'études.

Les recherches sur les hétérochronies se sont largement développéesdepuis, mais un quart de siècle après la publication du livre'de Gould laconfusion est à nouveau d'actualité. Soucieux d'analyser les processus hété-rochroniques chez différents groupes d'animaux et leurs résultats, certainschercheurs se sont heurtés à des problèmes pratiques. Mais les solutionsadoptées les ont parfois conduits à utiliser une nouvelle méthode, ce qui aentraîné une redéfinition des processus hétérochroniques. Ainsi, trois mé-

I,.{

Hétérochronies : état des lieux 481

thodes peuvent ôtre reconnues pour étudier les hétérochronies, la méthodede Gould (1977), la méthode d'Alberch (Alberch, Gould, oster et wake,1979), et la méthode des hétérochronies allométriques (McNamara, 19g6 ;McKinney, 1986). euelques différences entre ces méthodes sont consi-dérables, à tel point, pensons-nous, que les méthodes de Gourd et d,Arberchs'identifient avec les hétérochronies tandis que celles d'hétérochronies allo_métriques ne sont pas du tout des hétérochronies. comme conséquence, iln'est pas facile de comprendre, pour les chercheurs qui ne sont pas direc-tement impriqués dans ce type d'éfude, ce qu'est une hétérochronie, quel estIe champ d'étude et quers sont res apports que l'étude des hétérochroniespeut réaliser.

Malgré les différences entre les méthodes, il existe des points, que |onpeut appeler "les bases" des études des hétérochronies, qui sont communs.Avant de caractériser chaque méthode et de la critiquer, nous présenteronsles bases des érudes des hétérochronies. Les questions théoriques encore àrésoudre seront discutées à la fin.

LES BASES

Trois aspects (parfois appelés facteurs) fondamentaux sont reconnus ausein de I'ontogenèse : la croissance, le développement et la maturation(Gould, 1977 : Needham, rg33). La croissance correspond à r'augmentationdans les dimensions et le poids. Le développemenr comprend Ia différencia_tion ou I'augmentation de la comprexité ou de l'organiiation et res change_ments de la conformation (pour traduire "shape,,, c'est-à-dire Ia formeconsidérée indépendamment de ra tailre). une àefinition plus synthétiqueserait que la croissance correspond au changement de la taille et le dévelop_pement au changement de la conformation au cours de I'ontogenèse. Lamaturation fait référence à l'âge auquel I'individu atteint le stade adulte.ces aspects, leurs extensions temporelles et les rapports qu,ils entretien-nent, sont propres à chaque espèce. En d'autres mots, si une modificationde la durée etlou des rapports entre les facteurs survient, le résultat estI'apparition d'une nouvelle "espèce". Les modifications de l,extension tem_porelle et des rapports entre les trois aspects fondamentaux sont à r,originedes relations comprexes entre |ontogenèse et ra phyrogenèse, et sont doncle sujet d'étude des analyses de hétérochronies.

on définit les hétérochronies comme res modifications évorutives de rachronologie (début, durée et fin) et de ra vitesse (taux) du rtéveroppementrelatif à la croissance. cette définition de I'hétérochronie, largement accep_

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482 F. V. Ramirez Rozzi

tée, met en évidence deux aspects très importants des étucles clans ce champ.Premièrement, ces études doivent être effectuées en comparant des espècesqui présentent un rapport ancêtre-descendant ou, à défaut, un rapport phylé-tiquement proche. Ensuite, les modifications évolutives recherchées sontcelles qui concernent le développement et, donc, il ne suffrt pas de compa-rer des individus adultes, il faut aussi inclure des individus juvéniles.

La comparaison des individus adultes et juvéniles de cleux espèces pro-ches aboutit à deux résultats hétérochroniques qui concernent le cléveloppe-ment, c'est-à-dire les changements de conformation. ils mettent en éviclencela quantité de changement de conformation d'une espèce par rapport àI'autre. Une paedomorphie indique que la conformation de I'indiviilu aclultede I'espèce descendante est semblable à celle de I'inclividu juvénile cleI'espèce ancêtre; la quantité de changement de conformation au cours cleI'ontogénèse est moindre chez l'espèce descendante que chez I'espèceancêtre. une péramorphie, au contraire, signale que la quantité de change-ment de conformation chez l'espèce descendante est plus élevée que chezI'espèce ancêtre, la conformation de l'individu aclulte cle I'espèce descen-dante va au-delà de celle de I'individu adulte de I'espèce ancêtre.

un troisième résultat hétérochronique est l'isomorphie (Goclinot, cevolume). A la différence de la péramorphie er de la paedomorphie, dans uneisomorphie la conformationl ne se modifie pas entre ancêtre et clescenclantadultes, mais les rapports entre conformation et les deux autres aspects cleI'ontogénèse (croissance en tailre et maturation) ont été changés.

Les modifications dans le développement peuvent être accompagnées pardes changements dans l'âge et la croissance en taille, du fait que les rap-ports entre les trois aspects fondamentaux peuvent soit rester semblables,soit être modifiés. on parle alors, dans ce dernier cas, de "dissociation" desaspects. Les différents rapports entre les trois aspects sont à I'origine de ladistinction entre processus hétérochroniques (voir plus bas).

Les études d'hétérochronie présentent quelques limites. Si les premierstravaux considéraient l'individu dans son ensemble pour effectuer lacomparaison entre les espèces, il est évident que les différentes parties ducorps ne se modifient pas de façon semblable et il a même été suggéré queles résultats hétérochroniques peuvent être distincts selon la partie du coipsconsidérée (voir Berge, 1998 ; Tardieu, l99g ; Gould, lg70). Les études

l. Nous voulons attirer I'attention sur le rôle fondamental de la conformation pourdéterminer les résultats hétérochroniques car, comme nous le verrons, elle estignorée dans de nombreuses études qui se réclament de I'hétérochronie.

Hétérochronies : état des lietrr 483

d'hétérochronie doivent donc être effectuées sur des organes ou des partiesrestreintes de I'individu qui puissent être définis comme des champs decroissance ("growth fields").

Le type de développement à comparer correspond à une autre limite dece type d'études. Bien que I'existence d'un rapport d'ancêtre à descendantentre les deux espèces analysées soit une condition nécessaire pour les étu-des d'hétérochronie, elle n'est pas suffisante. Pour pouvoir effectuer uneétude des hétérochronies, il est fondamental que le développement du des-cendant suive la même modalité que celui de I'ancêtre, car c'est le seulmoyen de pouvoir les comparer. Il se peut que le descendant montre undéveloppement dont la modalité est distincte de celle de I'ancêtre ; dans cecas, l'étude des hétérochronies ne peut pas être réalisée, car les deux typesde développement ne sont pas comparables.

LBS METHODES

Les trois méthodes d'étude présentées ici sont différentes, mais elles ontaussi des points en commun. La méthode d'Alberch comble quelquesinsuffisances de Ia méthode de Gould. Les défenseurs de la méthode deshétérochronies allométriques ont tenté de montrer que cette méthode étaitproche de celle d'Alberch, mais ceci ne nous semble pas fondé.

Méthode de Gould (1977)

Pour caractériser et comparer les aspects fondamentaux de I'ontogenèsede deux espèces proches phylétiquement, Gould a proposé une méthodenommée "les horloges". Dans les horloges, chaque aspect fondamental deI'ontogenèse est représenté par une barre. La barre de la maturation, barrehorizontale, enregistre l'âge ; les barres correspondant à la croissance entaille et au développement forment chacune un demi-cercle où les change-ments de taille et de conformation sont inscrits. L'extrémité gauche de cha-que barre signale le début et le point central correspond au stade adulte deI'ancêtre. Dans le cadran de gauche, les stades juvéniles de I'ancêtre peu-vent être calibrés. Sur I'horloge ainsi construite, le stade adulte du descen-dant doit être représenté. L'âge de marurité du descendant sera signalé ennoircissant I'intérieur de la barre correspondante. Deux flèches, pivotant aucentre de I'horloge, vont pointer vers la taille et la conformation atteintespar le descendant adulte. Le descendant adulte peut donc être comparé àI'ancêtre adulte.

484 F. V. Ramirez Roui

Figure l. Méthode des horloges de Gould Q97n.Dans cette méthode, chaque aspect fondamental de I'ontogenèse est représenté parune barre. La barre horizontale représente l'âge; les barres correspondant à lacroissance en taille et au développement forment chacune un demi-ôercle où leschangements de taille et de conformation sont inscrits. L'extrémité gauche dechaque barre signale le début, et le point central correspond au stade adulte deI'ancêtre. Dans le cadran de gauche, les stades juvéniles de I'ancêtre peuvent êtrecalibrés. sur cette horloge, le stade adulte du descendant est représenié. L'âge dematurité du descendant sera signalé en noircissant I'intérieur de la barre corres-pondante. Deux flèches, pivotant au centre de l'horloge, vont pointer vers la tailleet la conformation atteintes par le descendant adulte. Le descendant adulte peutdonc être comparé à I'ancêtre adulte. Les processus hétérochroniques sont rangésselon qu'ils aboutissent à une paedomorphie, à une péramorphie ou à une isomôr-phie. La flèche de la taille, celle de la conformation et la zone ombrée de l'âgebougent ensemble si les aspects fondamentaux de I'ontogénèse se trouvent asso-ciés. Elles peuvent se trouver dans le cadran de gauche ou celui de droite, indi-quant respectivement que l'ontogenèse a été raccourcie ou prolongée. Dans lepremier ca,s (A, ontogenèse raccourcie), on est en présence drune hypomorphosede durée (Shea, 1989 ; progenèse de Gould, 1977), la conformation du descendantadulte est égale à la conformation de I'ancêtre juvénile comme conséquence d'unecourte durée du développement. Dans le deuxième cas (B, ontogenèse prolongée),on parle d'hypermorphose de durée (Shea, 1989 ; hypermorphose de Gôuld,1977), la conformation du descendant adulte transcende celle dè I'ancêtre adultepar suite d'une longue durée du développement. Dans le cas où l'âge est dissociédes deux autres aspects et reste chez le descendant semblable à I'ancêtre, ontrouye deux processus. Si les flèches pointent vers le cadran de gauche (c), ledescendant adulte présente une conformation semblable à cellà de I'ancêtrejuvénile comme conséquence d'un taux de développement plus bas. La quantité dechangement de conformation par unité de temps est moindre chez le descendantque chez I'ancêtre, c'est pour cela que cette hétérochronie reçoit le nom de hypo-morphose de taux. Si les flèches pointent vers le cadran de droite (D), la confor-mation de I'adulte transcende celle de I'ancêtre adulte, on est face à une péramor-phie- par voie d'une hypermorphose de raux, car la quantité de changément deconformation par unité de temps a été plus élevée chez le descendani que chezl'ancêtre. La dissociation de la taille et la conformation conduit à deux processushétérochroniques, la néoténie et I'accélération. Dans les deux cas, l'âge ét la tailledu'descendant adulte sont semblables à ceux de I'ancêtre adulte. Dans la néoténie(E), la flèche de la conformarion, séparée de celle de la taille, pointe vers lecadran de gauche indiquant que, chez le descendant, le changemenf de la confor-mation est inférieur à celui de la taille. Bien que la taille sôit ta même pour ledescendant et I'ancêtre, la conformation du descendant adulte ressemble à èelle del'ancêtre juvénile. Le contraire est vrai pour I'accélération (F) : chez le descen-dant, la flèche de conformation se trouve dans le cadran de droite car le chan-gement de la conformation est supérieur à celui de la taille. La conformation dudescendant adulte transcende celle de I'ancêtre adulte en gardant la même taille.La dissociation de taille et de conformation peut aussi conàuire à des descendantsqui gardent dans leur stade adulte l'âge et la conformation de I'ancêtre adulte,mais la taille se modifie. Dans le nanisme proportionné (G), la flèche de taille estdans le .cadran de gauche et, dans le gigantisme proportionné (H), la flèche detaille pointe vers le cadran de droite (d'après Gould, 1977, et Shea l9g9).

Hétérochronies : état des lieux

ldll. 6bn.b : lnyPermorpn$s)

/,/ gigæùmo

, P.oPortjm6

485

Hypermorphosed€ duréo

Figure I. Gould's (199fl cloclcs methodology.

486 F. V. Ramirez Rozzi

Parmi les multiples modifications que le descendant adulte peut présenter

par rapport à I'ancêtre adulte, huit processus hétérochroniques, dits "stan-

dard", proposés par Gould (1977) et Shea (1989), ont reçu un nom parti-

culier (Figure l). Dans six des huit processus standard, la conformation du

descenclant est différente de celle de I'ancêtre et le descendant peut donc

être caractérisé comme paedomorphe ou péramorphe par rapport à I'an-

cêtre. Mais, dans les deux autres cas, la conformation ne se modifie pas

entre l'ancêtre et le descendant. Ces deux cas sont nOmmés nanisme etgigantisme proportionnels, car la taille change mais la conformation reste

semblable. Ils correspondent de toute évidence à deux cas d'hétérochroniescar la taille et la conformation sont dissociées et ne conservent donc pas,

chez le descendant, Ie même rapport que chez I'ancêtre. Néanmoins, ils nepeuvent être classés clans les résultats de paedomorphie et péramorphie, car

ceux-ci se fondent sur la modification de la conformation. Pour cette raison,le terme d'isomorphie est proposé pour nommer le résultat auquel aboutis-

sent ces deux processus hétérochroniques (Godinot, ce volume).La néoténie et I'accélération correspondent aux deux autres cas où il y a

dissociation entre taille et conformation chez le descendant par lapport à

l'ancêtre. La néoténie est définie coûrme un processus où le changement de

la conformation est en retard par rapport au changement de la taille, et

I'accélération comme le processus contraire, où le changement de la confor-

mation est en avance par rapport au changement de la taille. Dans les casdits standard, la taille et l'âge chez le descendant sont semblables à ceux deI'ancêtre. La néoténie produit un descendant paedomorphe, tandis que I'ac-

célération aboutit à un descendant péramorphe.Dans les quatre autres cas, la conformation et la taille ne se trouvent pas

dissociées. Les modifications de la conformation et de la taille chez le des-cendant résultent d'un changement dans la durée ou dans la vitesse (taux) dudéveloppement et de la croissance en taille.

Gould (1977) a proposé aussi une autre méthode nommée "analyse métri-que de dissociation" (Figure 2). Cette méthode compare la taille et la con-formation entre deux espèces afin de mettre en évidence si la conformationest dissociée de la taille. L'analyse métrique de dissociation ne permet dedéterminer que les résultats hétérochroniques, c'est-à-dire si le descendantest péramorphe, paedomorphe ou isomorphe par rapport à I'ancêtre, et ceciseulement dans les cas où il y a dissociation entre conformation et taille.L'analyse métrique de dissociation est une analyse bivariée où la taille est

estimée par I'addition de la taille de plusieurs caractères (mesures de dimen-sions ou de poids) et la conformation correspond à la proportion du carac-tère ou à I'addition de plusieurs proportions (Figure 2) (Alberch et al.,

Hétérochronies : état des lienr 487

1979: Goulcl, 1977 ; Godfiey et Sutherland, 1995, 1996). Dans un graphi-

que cle coordonnées, la taille du caractère (y) et la taille globale (x) de

I'ancêtre et du descendant adultes, transformées logarithmiquement, sont

représentées. Les points représentés sur le graphique correspondent à la

conformation (y/x) de I'adulte. La trajectoire ontogénique est tracée pour

I'ancêtre (TOA) et pour le descendant (TOD). C'est une ligne qui rejoint les

conformations de I'individu au cours de son ontogenèse, depuis le début

(naissance) jusqu'à la conformation finale (stade adulte). La trajectoire

ontogénique corresponcl à la ligne de régression déterminée par des indivi-

dus représentant plusieurs stades du développement, et non à la ligne de

régression établie à partir de plusieurs individus ayant atteint le même stade

de développement. La conformation du descendant adulte (DA) est com-

parée avec celle de I'ancêtre adulte (AA) pour déterminer si la première est

semblable à la conformation d'un ancêtre de taille globale semblable, plus

grancle ou plus petite. Pour effectuer la comparaison, la ligne isométrique

(LI), ligne qui rejoint les points représentant la même conformation (y/x),

est tracée en passant par le descendant adulte (DA). Dans un espace loga-

rithmique, les lignes isométriques ont une pente k : l. Si cette ligne coupe

la trajectoire ontogénique de I'ancêtre (TOA), cela signifie que la conforma-

tion clu descenclant adulte (DA) est semblable à la conformation de I'ancêtre

avant que celui-ci atteigne le stade adulte. Il s'agit donc d'une paedo-

morphie. Si LI coupe le prolongement de TOA, ceci veut dire que la con-

formation du descendant adulte (DA) va au-delà de celle de I'ancêtre adulte

et cofrespond à une conformation que I'ancêtre ne peut atteindre qu'avec

une plus grande taille. Ce cas correspond à une péramorphie. Si le descen-

dant et I'ancêtre se situent sur la même trajectoire ontogénique, la taille et la

conformation ne se trouvent pas dissociées car, pour une conformation

déterminée. la taille du descendant et de I'ancêtre sera la même, donc I'ana-

lyse métrique de dissociation ne peut être utilisée.

Méthode d'Alberch (Alberch et a1.,1979)

Un des processus majeurs des hétérochronies échappait aux méthodes

proposées par Gould (1977), à savoir le déplacement du développement

dans le temps. En effet, les horloges de Gould permettent de comparer la

durée du développement entre I'ancêtre et le descendant, mais elles ne per-

mettent pas de savoir si l'âge du début ou de la fin du développement est

modifié chez le descendant par rapport à I'ancêtre. Alberch et al. (1979) ont

suggéré une méthode qui décèle ce type de processus hétérochronique. Ils

488 F. V. Ramirez Roui

\Bure 2. Analyse métrique de dissociation (d,après Gould, 1977).Cette méthode ne permet de_ déterminer que les résultats hétérochroniques, c'est-à-dire si le descendant est péramorphe, pàedomorphe ou isomorphe par rapport àI'ancêtre. Elle, peut être utilisée ieulement si la trajectoire onfogenique âu a.r_cendant est différente de celle de I'ancêtre car leur suiperposition if,oiquirait que tataille et la conformarion ne sont pas dissociées. Les ioints ,"p.esenté, sur le gra_phique.correspondent à la conformation (taille caractôre/tailte gtoUate; de l,adulte.La trajectoire ontogénique, ligne qui rejoint les conformations de I'individu augouls fe son .ontogenèse, depuis le début (naissance) jusqu'à la conformarionIrnale (stade adulre), est tracée pour I'ancêtre (ToA) et pour le descendant (ToD).La conformation du descendant adulte (DA) est comparée à celle de I'ancêtreadulte (AA) pour déterminer si la première est semblable à la conformation d'unancêtre de taille semblable, plus grande ou plus petite. pour .}i."n., la com_paraison, la ligne isométrique (LI), ligne qui iejoini les points quii.prer.ntenr lamême conformation, est tràcée en pasiant par lë descend'ant aautte (ôe,). si ..tt.ligne coupe la trajectoire- ontogénique de l'ancêtre (ToA), ceta signifie que raconformation du descendant adulte (DA) est semblable à la conformation del'ancêtre avanr que celu_i-ci aneigne le stade adulte (A-j) c'iÀure zel. Il s'agitd'une- paed_omorphie. si LIcoupele-prolongement de la tialectiire ontogénique ieI'ancêtre (Ptoa), ceci veur dire que lâ confùmarion du deséendant aoutié (oi) vaau-delà de celle de I'ancêtre aduite_ et correspond à une conformation que I'ancêtrene peut aneindre qu'avec_une-plus grande taille (A+a) (Figure 2'B;. ce cascorrespond à une péramorphie. Si le descendant et I'ancêtre se Jinrent sur la mêmetrajectoire.ontogénique, la taille et la conformation ne ,. trouu.rrt-fas dissociées,donc I'analyse métrique de dissociation ne peut être utilisée.

Alog taillecaractère

Blog laillecaractère

Figure 2. Metic analysis for dissociation (Goutd, 197V.

PERAMORPHIE

Hétérocltronies : état des liew 489

proposent un graphique tridimensionnel où l'âge, la taille globale et la con-forrnation sont représentés. Cependant, dans I'application pratique, Alberchet al. proposent une analyse bivariée dans laquelle, soit les changements detaille, soit ceux de la conformation peuvent être représentés avec l'âge (ilfaudrait faire les deux). Mais, étant donné que la comparaison des confor-mations entre le descendant et I'ancêtre est celle qui détermine les résultatset les processus hétérochroniques, Alberch et al., dans les faits, finissentpar établir uniquement les changements de la conformation dans leur tra-vail .

Dans le graphique bivarié d'Alberch et al. (1979), les points correspon-dant aux changements de conformation au cours de la durée du dévelop-pement (âge) déterminent une ligne qui n'est autre que la trajectoire onto-génique. La comparaison des trajectoires ontogéniques de I'ancêtre (TOA)et du descendant (TOD) permet d'établir les résultats et les processus hété-rochroniques. La conformation de I'ancêtre adulte divise le graphique en unespace supérieur et un autre inférieur. Si la TOD finit dans I'espace supé-rieur, le descendant est péramorphe, si elle se termine dans l'espace infé-rieur le descendant est paedomorphe. La trajectoire ontogénique peut sedéplacer sur I'axe des x, ce qui permet de représenter les modifications del'âge du début du développement du champ de croissance analysé. La pentede la trajectoire ontogénique (k) est un indice du taux de changement deconformation, car elle résulte de la quantité de changement de conformationpar unité de temps ; plus élevé est le changement de conformation pour unepériode donnée, plus forte sera la pente de la trajectoire ontogénique. Parexemple, si la TOD montre une pente plus faible que la TOA, le descendantest paedomorphe - conséquence d'une néoténie, car la néoténie se carac-térise par un taux de changement de conformation inférieur chez le descen-dant par rapport à celui de l'ancêtre.

Le graphique bivarié ne permet pas la représentation de deux autres pro-cessus hétérochroniques, le nanisme et le gigantisme proportionnés, car cesprocessus ne font pas intervenir la conformation mais la taille, qui en estdissociée. Il faut cependant remarquer que Alberch et al. distinguent cesdeux processus.

Méthode des hétérochronies allométriques(McNamara, 1986 ; Mc Kinney, 1986)

Les fondements de cette méthode se trouvent dans le travail deMcNamara (1986). McNamara reconnaît tous les aspects que nous avons

490 F. V. Ramirez Roui

nommés les "bases" des études d'hétérochronie. Il est intéressant de remar-

quer que McNamara, comme Gould, décrit comme des processus hétéro-

chroniques le nanisme et le gigantisme, mais comme ces deux processus"parlent par eux-mêmes" (McNamara, 1986, p. 5), ils ne seront plus consi-

dérés dans son travail.McNamara considère que les rapports entre la conformation et la taille

définissent les allométries (sensl Gould, 1966). La croissance est isomé-

trique si le rapport entre la conformation et la taille reste le même au cours

de I'ontogenèse d'un organisme. Au contraire, si ce rapport est modifié au

cours de I'ontogenèse, la croissance est allométrique. Les allométries sont

la conséquence d'une différence entre le changement de la taille et celui de

Figure 3. Méthode d'Alberch (Alberch et al- 1979)'Les résultats hétérochroniquet tont déterminés par la disposition du descendant

adulte par rapporr à I'ancêtie adulte, et les proceisus hétérochroniques à partir de

la comiaraiôï de la pente et de la longuèur des trajectoires ontogénique.sr I=a

p.nt. irt fonction de ia quantité de changement de conformation par unité. de^temps

(taux) et la longueui O. tr durée de I'onto_genèse. La longueur de la trajec-

toirô ontogenique de ùancêtre (TOA) va de cr à p. Si TOD avec une moindre lon-

gueur se iup..por. à TOA, cela signif,re que la durée du développement est plus

Ëourte (cr a^p-ô) et la conformatioi Au deicendant ressemble à celle de I'ancêtrejuvénile. C'est un cas d'hypomorphose de durée (Shea, 1989 ; progenèse de

Gould, 19i7, etd'Alberch Liat., iglg). Si TOD est plus longue (cr à Ê+ô)' la

conformation du descendant.adulte transcende celle de I'ancêtre adulte comme

conséquence d'une durée plus prolongée du dévelopfeT:n!:j-c'ït une hyper-

morph'ose de durée (Strea, igsg'; hypeimorphose de Gould, 1977, et d'Alberch et

al.,'1979). TOD et TOA'peuvent prèsenter une même longueur, mais la pente de

TOD va être différente de celle oe ron. une pente de ToD plus faible que celle

de TOA indique que le taux de changement dè conformation chez le descendant

est plus Uas que .Ëlui de I'ancêtre pour ury-même période de temps..; c'est un cas

de néoténie. si, au contraire, la pente de ToD est plus forte que celle de ToA' le

taux de changement de coniormation chez le descèndant est plus élevé que-celui

chez I'ancêtre, on est face à une accélération. TOD peut être semblable à TOA'

mais le début du développement ne se situe pas au même moment' Un processus

de pre-déplacement a lieu si le développement chez le descendant commence avant

..fii à. iI"".etre (cr-ô) et de post-dépiâcement si celui-là commence après celui-ci(a+ô). Atberch ei al. (1979) ont supposé que ces modifications dans le début du

àenetoppement n'étaient pas suivies pâr des changements-dans la.fin du développe-

,n nt iqu., donc, un p.è-dép1"..*ént produira une durée de développement plus

longue, ^et

le résultat -sera

un descendant péramorphe et inversement, un post-

dépîacément aboutira à un descendant paedomorphe comme conséquence de la

courte durée du développement. Bien entendu, Alberch et al. présentent des cas"standards". Si, par.*.*pt., les modifrcations de déplacement sont indépendantes

de la durée, la cbnformation atteinte par le descendant sera la même que celle de

I'ancêtre. et le résultat sera une isomorphie.

Hétérochronies : état des liew

la conformation. Donc, les allométries, d'après McNamara, résultent de la

dissociation entre la taille et la conformation. Elles peuvent être positives ou

négatives. Dans une allométrie positive, la taille d'une partie de I'organisme

augmente par rapport à la taille totale de I'individu. Si, au contraire, elle

diminue par rapport à celle de I'individu, l'allométrie est négative. Les

changements dans la taille relative des caractères conduisent forcément à

des changements de conformation. Ceci indique que tout changement de la

taille relative d'un caractère par rapport à la taille globale de I'individu

produira une modification dans le rapport entre la conformation et la taille,

celles-ci se trouvant dissociées. Les représentations de la modification de la

taille d'un trait par rapport aux changements de la taille globale permettent

donc de déceler et de décrire les hétérochronies (Figure 4)'

49r

.9(0EL

oCo()

PÉRAMORPHIE ,, , // - 1 - - - .

PAEDOMORPHIE , ' . r ' -^q@,,;M

B-ôAge

Figure 3. Albgrch methodology (Alberch et al., 1979).

Ê+ô

492 F. V. Ramirez Roai

Figure 4. Méthode des hétérochronies allométriques (McNamara, 1986 ;McKinney, 1986).Les processus hétérochroniques sont déterminés à partir des changements desallométries entre la taille d'un caractère (c) et la taille globale (T). Dans le cas dela progenèse et I'hypermorphose, les allométries du descendant et de l'ancêtre sesuperposent. Dans la progenèse, I'allométrie du descendant précède celle deI'ancêtre, et dans I'hypermorphose, elle prolonge cette dernière. L'age n'est pasreprésenté et les définitions des processus sont tellement différentes de celles àesautres méthodes qu'il est difficile d'identifier ces deux processus à une hypomor-phose et une hypermorphose de durée. Les processus de déplacement sontindiqués par des allométries parallèles et écartées- Si l'allométrie du descendant sedispose au-dessus de celle de I'ancêtre, c'est un cas de pré-déplacement ; si elle seplace au-dessous, c'est un cas de post-déplacement. L'accélération et la néoténiese manifestent par un changement dans la pente de I'allométrie du descendant. Sila pente.est plus faible, le descendant est néoténique, par contre si la pente est plusaccenfuée, le descendant a subi une accélération (d'après McKinney, 1986).

Hypermorphose

Prédéplacement

#

Figure 4. Allometric heterochrony methodology (McNamara, 1986; McKinney,1986).

Progénèse

Postdéplacement

Accélération Néoténie

Hétérochronies : état des lieux 493

McNamara confirme qu'un descendant néoténique résulte de la dissocia-tion entre les changements de la conformation et ceux de la taille. Pour cetteraison, la néoténie correspond à une allométrie où la pente de la ligne quireprésente le descendant est inférieure à celle de I'ancêtre. De la lecture dugraphique proposé par McNamara, la néotenie peut être définie comme unprocessus où la modification de la taille d'un caractère est inférieure à cellede la taille globale.

La lecture des processus hétérochroniques à partir des graphiques d'allo-métries ressemble à celle que I'on doit effectuer à partir de I'analyse biva-riée proposée par Alberch et al. (1979). Par exemple, dans le cas de la néo-ténie, la pente de la trajectoire ontogénique du descendant doit être moinsforte que celle de I'ancêtre d'après Alberch et al., ce qui revient au mêmegraphique de néoténie suggéré par McNamara (1986) et McKinney (1986).Cependant, I'analyse bivariée d'Alberch et al. compare la conformationavec l 'âge et, dans les graphiques d'al lométr ies (Figure 4), la tai l le d 'uncaractère est représentée par rapport à Ia taille globale. Les défenseurs del 'école des hétérochronies al lométr iques considèrent qu' i l n 'existe aucuneincongruité entre les deux méthodes. La taille présente une polarité ontogé-nique, c'est-à-dire qu'elle augmente au cours de I'ontogenèse. De ce fait, lataille est un excellent indice de l'âge, car il existe un rapport très étroitentre les deux : plus grand est I' individu, plus élevé sera son âge. L'âge etla taille peuvent être utilisés indifféremment, le remplacement de l'âge parla taille est donc tout à fait justifié.

Les études d'allométrie peuvent être abordées à partir de la comparaisonentre la conformation et la taille (sensu Gould, 1966 : Mosimann, 1970) ouentre la taille d'un caractère et la taille globale (sensu Huxley, 1932 ;Jolicoeur, 1963). La taille d'un caractère et la conformation peuvent alorsêtre interchangées sans que la lecture des graphiques d'allométries ne soitmodifiée. De plus, Alberch et al. suggèrent que soit la conformation, soit lataille puissent être représentées dans I'analyse bivariée. Si, dans I'analyse,la taille globale remplace déjà l'âge, la taille d'un caractère, surtout quandun champ de croissance est étudié, peut remplacer la taille globale dansI'axe y. Donc, les processus et les résultats hétérochroniques peuvent êtreconnus à partir des études d'allométrie (McKinney, 1986, 1988 ; McKinneyet McNamara, 1991 ; Shea, 1988, 1989). Pour cela, il suffit d'interpréterles graphiques d'allométries selon la lecture proposée par Alberch et al.(1979).

Le grand avantage des analyses allométriques d'hétérochronies par

rapport à l'étude bivariée d'Alberch et al. se situe dans la nature des don-nées qu'il faut recueillir. La méthode d'Alberch requiert la connaissance de

494 F. V. Ramirez Roui

la conformation et de l'âge des individus, tandis que les études allométri-

ques ont besoin de la taille globale et de la taille d'un caractère. Bien que la

conformation puisse être évaluée, l'âge des individus est pratiquement

impossible à estimer, surtout pour les restes fossiles. Le remplacement de

ces deux variables par la taille globale et la taille d'un caractère rend l'étude

des hétérochronies tout à fait accessible. Dans les années postérieures aux

travaux de McNamara (1986) et de McKinney (1986), les études d'hétéro-

chronie allométrique se sont multipliées et ont concerné de nombreux

groupes d'animaux.

CRJTIQUE DES MÉTHODES

Les défauts

La méthode des horloges de Gould a étê la première méthode suggérée

pour étudier les hétérochronies. Elle a été conçue pour analyser les hétéro-

chronies des individus dans leur ensemble et, pour cette raison, la quanti-

fication de l'âge co[Imence au moment où ont lieu les changements de la

conformation et de la taille, c'est-à-dire à la naissance. Mais, en fait, on

doit étudier les hétérochronies des champs de croissance. Dans ces cas,

l'âge auquel les processus commencent n'est pas fOrcement la naissance.

Les modifications de l'âge auquel débutte le développement du champ de

croissance chez le descendant par rapport à I'ancêtre sont des hétérochro-

nies qui ne peuvent pas être décelées par les horloges de Gould' Donc,

celles-ci ne peuvent pas être utilisées pour identifier des pré- ou post- dépla-

cements.La méthode proposée par Alberch et al. (1979) résout cet inconvénient

des horloges de Gould, mais cependant elle présente aussi quelques incon-

vénients. Comme le graphique bivarié représente la conformation et l'âge,

la taille n'est plus connue et il devient impossible de savoir si les modifica-

tions de la taille se trouvent associées ou dissociées de celles de la confor-

mation. Les conséquences sont très importantes. Par exemple, d'après les

horloges de Gould, I'hypomorphose de taux, (Figure 1) se caractérise par

une association entre la taille et la conformation, qui se modifient chez le

descendant moins qu'elles ne le font chez I'ancêtre, pour une même durée

de I'ontogenèse. La représentation de ce processus dans le graphique

d'Alberch et al. serait une TOD de la même longueur que la TOA, car la

durée de I'ontogenèse est semblable, mais avec une pente plus faible, car la

quantité de changement de conformation par unité de temps (taux) est moins

Hétérochronies : état des lietu 495

importante. Cette représentation de I'hypomorphose de taux est la même

que celle de la néoténie (voir Figure 3). Par analogie, I'hypermorphose de

taux et I'accélération montrent le même graphique. La méconnaissance du

rapport entre la conformation et la taille rend impossible la distinction entre

ces processus.L'util isation de la méthode proposée par Alberch et al. (1979), en obli-

geant à caractériser les processus hétérochroniques par les seuls paramètres

représentés, la conformation et l 'âge, amène à modifier la définition de cer-

tains processus hétérochroniques et, plus grave, ne permet plus d'analyser

les rapports de la taille avec la conformation et l 'âge.

Les horloges de Gould et la méthode d'Alberch requièrent des données

difficiles, voire impossibles, à obtenir comme c'est le cas pour l 'âge des

individus. La méthocle des hétérochronieS allométriques a résolu le pro-

blème cles données à analyser, mais elle a introduit d'autres problèmes

épineux ; sans la référence aux âges, au déroulement temporel, on ne parle

plus réellement d'hétérochronie. Des travaux récents ont analysé les diffé-

renres méthodes (Klingenberg, 1998) et ont montré que la méthode des

hétérochronies allométriques, en effectuant une lecture des graphiques

semblable à celle de la méthode d'Alberch, donne une interprétation erronée

des résultats (Godfrey et Sutherland, 1995, 1996).

Une comparaison rapide entre les méthodes présentées dans ce travail

permet de se faire tout de suite une idée sur la non validité de la méthode

des hétérochronies allométriques. Bien que les défenseurs de cette méthode

suggèrent une lecture semblable à celle utilisée pour la méthode d'Alberch,

on s'aperçoit que I'analyse bivariée suggérée par la méthode des hétéro-

chronies allométriques n'est autre que celle que Gould avait proposée pour

déceler la dissociation entre taille et conformation, I'analyse métrique de

dissociation (Figure 2). La lecture qu'il faudrait effectuer de ce graphique

serait très différente d'après Gould (1977).

Selon Gould, la conformation correspond au rapport entre la taille d'un

caractère et la taille globale. De ce fait, les points dans I'analyse bivariée

correspondent à la conformation. La ligne isométrique relie tous les points

avec le même rapport taille caractère/taille globale et chaque ligne isomé-

trique représente une conformation particulière. Dans cet espace, la ligne

isométrique correspond à toute ligne droite qui part du point zéro et, dans

un espace logarithmique, à toute ligne avec une pente égale à 1.

McNamara (1986) suggère, lui aussi, que la conformation correspond au

rapport entre la taille d'un caractère et la taille globale' Cependant, I'inter-

préiation qu'il suggère pour les résultats de la méthode des hétérochronies

allométriques ne répond pas à ce concept. Godfrey et Sutherland (1995'

496 F. V. Ramirez Roui

1996) démontrent mathématiquement cette incongruité, mais ne montrentpas I'origine de cette erreur. La lecture attentive de I'article de McNamara(1986) révèle la cause de cette déviation enrre le concept er la pratique.McNamara (1986) confond deux méthodes d'analyses allométriques dis-tinctes. L'école Huxley-Jolicoeur (Huxley, 1932; Jolicoeur, 1963), baséesur un modèle de dynamique de croissance, considère la conformationcomme la taille relative des parties et son principal intérêt est I'analyse desvariations entre les parties ; on compare fondamentalement la taille d'uncaractère avec la taille globale. Dans l'école de Gould-Mosimann (Gould,1966 ; Mosimann 1970),la conformation est définie comme une proportion.si taille et conformation sont liées, leur relation sera dite allométrique ; sitaille et conformation sont indépendantes, leur relation sera isométrique.Dans ce cas, on compare la proportion d'un caractère (conformation) avecla taille globale (voir Klingenberg, 1998). McNamara commence son rai-sonnement en partant de I'idée que la comparaison entre taille et confor-mation définit les allométries (école Gould-Mosimann), mais il considèreque l'isométrie correspond à un rapport stable (et non indépendant) entretaille et conformation. ce concept fait le pont entre les deux écoles, car illui permet de définir les allométries comme la variation différentielle de lataille d'un caractère par rappon à la taille globale (école Huxley-Jolicoeur).A partir de ces concepts théoriques, McNamara va proposer un graphiquequi correspond à celui des analyses de l'école Huxley-Jolicoeur (taillecaractère vs. taille globale), mais qu'il interprétera comme s'il s'agissait desanalyses de l'école Gould-Mosimann (conformation vs. taille globale).McNamara, en confondant les deux méthodes, finit par traiter la taille d'uncaractère comme s'il s'agissait de la conformation.

La ligne isométrique dans le graphique taille du caractère vs. taille glo-bale relie tous les points ayant le même rapport taille caractère/taille glo-bale. McNamara va I'interpréter comme une ligne qui indique un rapportconstant (stable) entre taille et conformation, ce qui est faux, car la confor-mation (rapport taille caractère/taille globale) est toujours la même, tandisque la taille varie (indépendance). D'après McNamara, un descendant estnéoténique si la droite qui représente le rapport taille caractère/raille globaleau cours de I'ontogenèse du descendant montre une pente plus faible quecelle de I'ancêtre. Etant donné que ce n'est pas la conformation, mais lateille d'un caractère qui est comparée avec la taille globale, la modificationde la pente indique que le rapport entre taille du caractère et taille globales'est modifié chez le descendant par rapport à celui de I'ancêtre. De plus, laseule pente de la droite n'indique pas si ce nouveau rapport taille caractère/taille globale correspond à un stadejuyénile de I'ancêtre, car cela dépend du

Hétérochrorùes : état des lietu 497

type d'allométrie que la taille du caractère montre avec la taille globale

(Godfrey et Sutherland 1995, 1996 ; voir plus bas). Pour déterminer s'il

s'agit rl'une néoténie, il faut tracer la ligne isométrique en passant par le

descendant adulte pour vérifier si elle coupe la TOA et, de cette façon, on

revienr à la lecture proposée par Gould (1977). Donc, la lecture proposée

par les défenseurs de la méthode des hétérochronies allométriques du gra-

phique taille caractère vs. taille globale est complètement erronée et doit

être remplacée par celle suggérée par Gould (1977).

Les excès

La lecture erronée des graphiques et la mauvaise interplétation des résul-

tats ont conduit à modifier dans la pratique la définition de I'hétérochronie.

La définition d'hétérochronie largement acceptée, même par McNamara, est

celle de modifications évolutives de la chronologie et de la vitesse du déve-

loppement relatif à la croissance. Exprimées en termes qui sont en relation

avec I'aspect pratique de ce type d'étude, les hétérochronies sont devenues

les modifications évolutives de la conformation par rapport à la taille au

cours de I'ontogenèse. L'application de la méthode des hétérochronies allo-

métriques a changé complètement la définition des hétérochronies, celles-ci

étant vues comme des changements relatifs d'un trait par rapport à la taille

globale entre ancêtre et descendant. Cette définition n'est autre que celle

d'une allométrie.La confusion entre allométrie et hétérochronie s'est vue de plus renforcée

à partir du moment où les défenseurs de cette méthode ont adopté une

démarche "réductionniste". En s'appuyant sur des concepts avancés par

Alberch et al. (1979), mais en les interprétant de façon erronée, ils ont sug-

géré que la terminologie utilisée pour définir les changements de confor-

mation"serve aussi à caractériser les modifications de la taille. En d'autres

mots, étant donné que Alberch et al. (1979) ont proposé que la conforma-

tion, ou la taille, soient comparées avec l'âge dans les études d'hétéro-

chronie, les résultats qu'ils ont proposés reflètent aussi les changements de

taille, et les processus qui les produisent sont donc les mêmes (McNamara,

lgg7). Ainsi, si le clescendant présente une taille plus grande que I'ancêtre,

il est péramorphe, ou si un organe du descendant est plus petit, il est paedo-

morphe (Berge, ce volume). Le nanisme et le gigantisme proportionnés,

deux processus rec6nnus comme tels dans les premierS travaux de

McNamara (1986), n'existent plus du tout par la suite (McNamara,1997),

car le nanisme est devenu hypomorphose (de durée ou de taux), ou néoté-

498 F. V. Ramirez Roui

nie, et le gigantisme hypermorphose (de durée et de taux), ou accélération.La taille et la conformation deviennent donc un seul paramètre. Si I'on serappelle que l'âge avait été remplacé par la taille, étant donné la polarité decette dernière, on comprend le terme de réductionniste. Les défenseurs de laméthode des hétérochronies allométriques ont réduit, à la fin de leur raison-nement, les trois paramètres de I'analyse à un seul, la taille.

Il faut se rappeler que Alberch et al. (1979) ont suggéré que la taille oula conformation puissent être représentées avec l'âge dans une analyse biva-riée, mais ils ne considèrent que la conformation car c'est à partir de celle-ci que les résultats et les processus hétérochroniques sont définis. L'utili-sation de la taille pour décrire les hétérochronies résulte d'une mauvaiseinterprétation du travail d'Alberch et al.

La méthode des hétérochronies allométriques, d'après ses défenseurs,peut être utilisée presque sans restriction. De ce fait, les analyses des hété-rochronies ont été effectuées sur des individus de la même espèce. Ainsi, ila été proposé que les dimorphismes sexuels, de même que les différencesentre les individus de classes différentes, chez les insectes, puissent résulterde processus hétérochroniques (McNamara, 1997). McNamara, par exem-ple, a suggéré que les différences entre un soldat et un ouvrier chez lesfourmis répondent à une hétérochronie. La taille plus grande du soldat indi-querait que la larve à partir de laquelle il s'est métamorphosé a suivi unprocessus hétérochronique qui a résulté en une péramorphie. Cependant, ledéveloppement de la larve en soldat suit une modalité complètement diffé-rente du développement de la larve en ouvrier, les différences arrivant à unpoint que les entomologistes appellent "point de décision", moment où lalarve va suivre un des deux développements possibles. L'interprétation dudéveloppement de la larve en terme d'hétérochronie est donc impossible.

La détermination des processus et résultats hétérochroniques a récem-ment connu une nouvelle extrapolation aussi aberrante que celle fondée surla taille. A partir de la durée du développement, Chaline (Chaline, 1999 ;Chaline et Marchand, 1999;Chaline et al., 1998) a suggéré des cas depaedomorphie ou de péramorphie. Ainsi, I'homme serait péramorphe parrapport au chimpanzé, car la durée de son développement est plus longue.Mais cette analyse (Chaline et Marchand 1999) ne tient pas compte de laconformation. De plus, Chaline (1999) confond constarnment croissance entaille avec développement et ne semble pas distinguer les trois aspects fon-damentaux de I'ontogenèse. Pour ces raisons, ces travaux ne peuvent pasêtre considérés comme des études d'hétérochronie et ne seront plus com-mentés dans ce travail.

Hétérochronies : état des lieux

Apport des allométries

La méthode des hétérochronies allométriques, malgré les points faiblesqui ont été soulignés, a le mérite d'avoir soulevé la question du rapport

entre les hétérochronies et les allométries. Les études des hétérochroniesallométriques ont estimé les hétérochronies à partir de la modification de lapente des allométries, mais, comme il a été signalé, la lecture des résultats

était erronée. Cependant, le rapport entre les hétérochronies et les allomé-.tries existe. La modification de la pente des allométries permet, en effet,

d'estimer les hétérochronies dans un seul cas bien particulier : celui où la

taille et la conformation se trouvent dissociées (Godfrey et Sutherland,

1995, 1996). A partir d'un point déterminé, le rapport entre la taille d'un

caractère et la taille globale peut être isométrique (elles gardent toujours le

même rapport), allométrique positif (la taille du caractère augmente propor-

tionnellement plus que la taille globale), ou allométrique négatif (la taille du

caractère augmente proportionnellement moins que la taille globale) (Figure

5). Dans le cas d'une néoténie, le descendant adulte sera paedomorphe et

montrera les mêmes rapports que I'ancêtre, mais d'une façon moins accen-

tuée car le développement se sera arrêté avant. Ceci veut dire que, dans le

cas d'une isométrie, le descendant ne se distinguera pas de I'ancêtre car les

deux lignes se superposeront. Dans le cas d'une allométrie positive, la ligne

qui représente le descendant aura une pente plus faible, car I'augmentation

proportionnellement plus importante de la taille du caractère aura été moins

poussée. Dans le cas d'une allométrie négative, la ligne correspondant au

descendant montrera une pente plus accentuée car, dans ce cas, c'est I'aug-

mentation proportionnellement plus importante de la taille qui ne sera pas

allée si loin. Donc, I'interprétation de la modification de la pente dépend du

type d'allométrie existant entre la taille du caractère et la taille globale'

Dans tous les cas où la taille et la conformation ne sont pas dissociées(plus les cas d'isométrie), la lecture des allométries ne permet pas d'iden-

tifier d'éventuelles hétérochronies.

PROBLÈMES À RÉSOUDRE

Les horloges de Gould et la méthode d'Alberch sont les méthodes lesplus appropriées pour aborder les études des hétérochronies, car ellessuivent les aspects théoriques. Mais, au moment de passer aux aspectsconcrets, aux individus à étudier, aux données à obtenir, aux facteurs à ana-

499

500 F. V. Ramirez Roui

lyser, les problèmes surgissent. Ces problèmes mettent en relief la distancequi sépare la théorie de la pratique dans les études d'hétérochronies.

Toute étude des hétérochronies doit comprendre des individus adultes etjuvéniles de I'espèce ancêtre et de I'espèce descendante. Dans la plupart descas, ces études comprennent au moins une espèce fossile car elles sontdestinées à comprendre si les hétérochronies ont été le mécanisme évolutifresponsable de l'évolution de I'espèce ancêtre. L'obtention des individusnon-adultes des espèces fossiles est difficile, surtout chez les vertébrés. Sides individus non-adultes sont disponibles, il reste encore . le principalinconvénient, la détermination de leur âge. Il est tout à fait possible deregrouper les individus d'une espèce en adultes et non-adultes et d'effectuerdes études des hétérochronies, pratique assez répandue parmi les défenseursde la méthode des hétérochronies allométriques. Mais ces études restentdouteuses et limitées dans leurs résultats, car elles ne peuvent pas démon-trer que les deux développements suivent la même modalité, et la représen-tation du développement à deux stades revient à une vision très simpliste deI'ontogenèse. Pour éviter ces inconvénients, il est très important de disposerde plusieurs classes d'âge pour chaque espèce.

Figure 5. Différents rypes de rapports entre la taille d'un caractère et la tailleglobale (page de droite).Les modifications des allométries entre ancêtre et descendant permettent d'estimerles hétérochronies, mais il faut connaître le type d'allométrie existant pour pouvoirinterpréter ces modifications. une croissance isométrique n'indique pas du toutqu'i l n'y a pas d'hétérochronie, mais elle ne permet pas de I ' identif ier. Dans le casd'une néoténie, les allométries du descendant se rapprochent de la ligne isomé-trique qui passe par le point du début de la croissance, car la néoténie affaiblit tesallométries. Au contraire, dans une accélération, les allométries du descendants'éloignent de la ligne isométrique qui correspond au rapport taille caractère/tailleglobale au début de la croissance, car I'accélération renforce les allométries(d'après Godfrey et Sutherland , 1996).

Hétérochronies : état des lieux

ANCÊTRE

taille globale

tai l le globale

Figure 5. Different relations between trait size and global size.

501

to

I

c t,oo(Uo

E

_c Io

I

ruÉorÉrurE

ta i l le globale

502 F. V. Ramirez Roui

La détermination de l'âge

La méthode à suivre pour déterminer l'âge des individus dépend dechaque groupe d'animaux. Certains groupes d'invertébrés ont le registre deleur croissance dans leur exo-squelette (i.e. ammonites, bivalves) et, parmiles vertébrés, l'éruption des différents types de dents chez les mammifèresdonne des indices appropriés pour classer les individus. La détermination del'âge des individus a connu récemment une poussée considérable avec ledéveloppement de nouvelles méthodologies d'étude chez les hominidés,lesquelles ont permis de connaître l'âge à la mort des individus (Bromage etDean, 1985). Cette méthodologie se fonde sur I'existence dans l'émail et ladentine dentaires de lignes de croissance. Il existe deux types de lignes decroissance : les striations transversales (émail) et les lignes de von Ebner(dentine) présentent une périodicité circadienne, tandis que les stries deRetzius (émail) et les lignes d'Andresen (dentine) montrent une périodicitéqui varie entre 6 et I I jours selon les individus (Dean, Beynon, Reid etWhittaker, 1993a ; Dean, Beynon, Thackeray et Macho, 1993b). Ledécompte de ces lignes permet de connaître la durée de formation de la dent(Ramirez Rozzi, 1998). Chez les hominidés, la formation de la premièremolaire commence au moment de la naissance. Le stress de cet événementse traduit par I'accentuâtion des lignes de croissance ; la strie de Retzius quisignale le moment de la naissance reçoit le nom de ligne néonatale. D'autreslignes de croissance très marquées sont souvent présentes dans l'émail et ladentine. Ces lignes doivent leur caractère marqué à un phénomène quiaffecte le développement dentaire tout entier, elles deviennent donc facile-ment reconnaissables d'une dent à I'autre. Les individus non-adultes présen-tent des dents qui ne sont pas complètement formées. Le suivi des lignes decroissance depuis la ligne néonatale (naissance), en passant d'une dent àI'autre grâce aux lignes marquées, jusqu'à la dernière ligne formée sur ladent en voie de formation permet de connaître l'âge à la mort de I'individu(Reid, Beynon et Ramirez Rozzi,1998).

Cette méthode a été utilisée pour déterminer l'âge à la mort des hommesmodernes (Reid et al., 1998) et des hominidés fossiles (i.e. Bromage etDean, 1985 ; Dean, Stringer et Bromage, 1986 ; Dean et al., 1993a et b).Les résultats de ces études ont changé notre compréhension du développe-ment des hominidés du plio-pléistocène et des hommes fossiles. La mêmeméthodologie a été employée dans l'étude d'autres groupes de primates(Dean et al., 1993 ; Macho, Reid, Leakey, Jablonski et Beynon, 1996)mais, bien que ces études n'aient pas été destinées à déterminer l'âge à lamort, elles montrent que ce type d'information peut être obtenu et I'utilisa-

Hétérochronies : état des liew s03

tion de la méthodologie élargie à d'autres groupes de mammifères. Néan-

moins, I'application de cette méthodologie ne va pas sans inconvénient'

L'âge de I'individu ne peut pas être connu si la plupart des dents sont

absentes et, bien que les techniques de moulage soient très perfectionnées et

permettent des reprocluctions exactes des dents, il faut couper les pièces ori-

ginales pour avoir accès aux couches internes de l'émail et de la dentine. La

détermination de l'âge des individus reste pour le moment un véritable défi

pour les études d'hétérochronies.

La comparaison de la conformation

Dans les horloges de Gould (1977),les modifications de la conformation

au cours de I'ontogenèse sont calibrées avec les changements de la crois-

sance en taille et de l'âge ; la conformation suit ainsi les deux autles

facteurs qui se caractérisent par une polarité très nette. Dans le graphique

de la méthode d'Alberch (Alberch et al., 1979),la conformation est ana-

lysée avec l'âge et les trajectoires ontogéniques sont représentées cotnme

des lignes droites. La représentation de l'âge ne pose pas de problème car

l'âge, bien évidemment, augmente au cours de I'ontogenèse. Par contre,

cela n'est pas vrai pour la conformation, qui ne présente pas de polarité. Il

est possible de représenter les changements de la conformation dans la

méthode de Gould, mais cette représentation devient compliquée dans la

méthode d'Alberch.si une variable présente une polarité, comme c'est le cas de l'âge, mais

pas I'autre variable, dans ce cas-ci la conformation, les points, fort proba-

blement, ne se disposeront pas en continuum et, donc, les trajectoires onto-

géniques ne correspondront pas à des lignes droites comme elles ont été

proposées par Alberch et al. (1979). De plus, si les trajectoires ontogéni-

ques ne sont pas des lignes droites, cornment comparer deux trajectoires

ontogéniques ? Quelle est la signification du changement de la pente ? Pre-

nons par exemple une espèce dont la conformation du stade juvénile est

égale à 3,25 et celle du stade adulte égale à 1,84 (la conformation est

adimensionnelle). La trajectoire ontogénique de cette espèce sera une droite,

car seulement deux stades ont été utilisés, mais étant donné que la valeur de

la conformation décroît, la pente de la ligne sera négative. Si cette espèce

est comparée avec une autre clont la conformation juvénile reste stable et la

conformation adulte est de 0,98, la trajectoire ontogénique de cette deu-

xième espèce sera négative et plus accentuée. Dans le graphique d'Alberch

et al. (1979), si la trajectoire ontogénique du descendant se situe en dessous

504 F. V. Ramirez Roui

de celle de I'ancêtre, le cas est celui d'une néoténie. Dans I'exemple iciprésenté, la trajectoire ontogénique du descendant se place en dessous decelle de I'ancêtre mais, en fait, il ne s'agit pas d'une néoténie car le stadeadulte est plus éloigné du stade juvénile chezle descendant que chez I'an-cêtre : il s'agit d'une accélération. Alberch et al. (1979) ont remarqué quela modification de la pente est le caractère qui permet de déterminer les pro-cessus hétérochroniques et non la position dans le graphique d'une trajec-toire ontogénique par rapport à une autre. Si I'on veut obtenir un graphiqueconrme celui suggéré par Alberch et al. (1979) pour faciliter la lecture, ilsuffit d'inverser la représentation de la conformation.

Si deux stades sont comparés, la polarité peut être gardée ; par contre, siplus de deux stades sont considérés pour chaque espèce, I'absence de pola-rité devient évidente. Par exemple, si un tout premier stade dont la confor-mation est égale à 0,85 est ajouté à I'ancêtre, la trajectoire ontogénique decelui-ci sera irrégulière, la pente de la ligne entre le premier et le deuxièmestades sera positive, tandis que celle de la ligne entre le deuxième et le troi-sième stades sera négative. La seule façon de garder la polarité, pensons-nous, est de ne plus considérer la conformation mais la modification cumu-lée de la conformation sur I'axe Y. Les trois stades de I'exemple sont ainsiutilisés pour déterminer la quantité de modifications de la conformationd'un stade à I'autre. Il y aurait eu une première modifrcation de3,25 - 0,85: 2,4 et une deuxième modification de 3,25 - 7,84 : 1,41. Le premierpoint sur le graphique se trouveraità2,4 de I'axe Y et le deuxième à2,4 +l,4l : 3,81. En représentant les modifications de la conformation de façoncumulée, les modifications gardent une polarité car tout changement produitune valeur qui est additionnée à la valeur déjà existante ; de plus, la repré-sentation aura toujours une pente positive.

La comparaison entre deux lignes qui représentent la modification cumu-lée de la conformation peut s'avérer très difficile. On peut s'attendre à ceque le dessin de chaque ligne soit trop différent, ou que le résultat pour unephase soit contradictoire avec celui de la phase suivante : par exemple unenéoténie de la première phase peut être suivie par une accélération de ladeuxième phase. La représentation de la modification cumulée de la confor-mation doit être testée.

Modalité du développement

La conformation représentée dans le graphique d'Alberch et al. (1979),ainsi que dans les horloges de Gould (1977), est proportionnelle, c'est-à-

Hétérochronies : état des liew 505

dire qu'elle résulte du rapport entre la taille d'un caractère et la taille glo-bale. Cela signifie que la conformation d'un même individu peut être mesu-rée autant de fois qu'il présente de caractères, et on peut s'attendre à ce queles résultats et les processus hétérochroniques soient différents selon lecaractère analysé. De plus, si la conformation est établie par un seul carac-tère, comment peut-on être sûr que le développement des deux espèces com-parées suit la même modalité ?

Godfrey et Sutherland (1996) ont suggéré une méthode qui consiste dansla représentation au cours de I'ontogénèse d'une série de caractères ("multi-variate perspective", QU€ nous traduisons en français par "perspective

multicaractère") (Figure 6). Dans cette analyse, la taille correspond àI'addition de tous les caractères inclus dans l'étude et la conformation estdonnée par la distribution des contributions proportionnelles de chaquecaractère dans la taille globale. De cette façon, la conformation totale àchaque stade de I'ontogenèse est égale à 1, car chaque rapport taille decaractère/taille globale correspond à la contribution en pourcentage ducaractère dans la taille. La modification de la contribution de chaque carac-tère dans la taille, et donc aussi dans la conformation, peut être suivie aulong de I'ontogenèse. La taille des caractères, la taille globale, la conforma-tion et l'âge sont représentés comme des rectangles. La comparaison entredeux perspectives multicaractère peut montrer que les rectangles corres-pondant aux caractères ne se disposent plus en ligne chez le descendantadulte, car leur rapport a été modifié. Cependant, leur rapport avec la taillepeut être semblable à celui que I'ancêtre montrait dans un stade juvénile,donc le descendant a suivi un processus de néoténie (Figure 6). La taille descaractères du descendant est égale, plus petite ou plus grande que celle deI'ancêtre, tout dépend du type de rapport que la taille de chaque caractèreprésente avec la taille globale : isométrie, allométrie positive ou allométrienégative. De ce fait, la taille chez le descendant est la même que chezI'ancêtre et les changements de conformation résultent de la modification dela contribution de chaque caractère dans la taille. Cette méthode présentedonc I'avantage de comparer la conformation des individus en tenantcompte de plusieurs caractères à la fois.

Un autre avantage de cette méthode consiste à évaluer si les espècescomparées présentent un développement qui suit les mêmes modalités. Sic'est le cas, la distribution des contributions proportionnelles de chaquecaractère (c'est-à-dire, la conformation) du stade adulte d'une espèce sera lamême que celle du stade juvénile de I'autre espèce. Si les modalités dedéveloppement sont différentes, la distribution des contributions propor-tionnelles des caractères dans la taille, à un moment donné chez une espèce,

506 F. V. Ramirez Roui

ne sera jamais retrouvée au cours de I'ontogenèse de I'autre espèce. L'ana-

lyse de perspective multicaractère de Godfrey et Sutherland (1996) peut

alors se révéler très utile pour déceler les hétérochronies, en contrôlant le

fait que les deux développements soient compatibles, et en analysant la

conformation de façon multicaractère. Mais, pour l'instant, cette méthode

n'a pas été essayée.Trois problèmes ont été présentés ici, ainsi que les suggestions qui per-

mettraient probablement de les résoudre. Mais il y en a d'autres, et de nou-

veaux apparaîtront à mesure que les nouvelles méthodes seront essayées etque les études des hétérochronies se multiplieront.

Figure 6. Méthode de perspective multivariée (Godfrey et Sutherland, 1996).L'âge, la taille des caractères, la taille globale et la conformation sont représentéspar des rectangles où les modifications au cours de I'ontogenèse sont inscrites. Lataille globale correspond à I'addition de la taille des caractères. La conformation,déterminée par plusieurs caractères, est donnée par la distribution des contribu-tions proportionnelles de chaque caractère dans la taille. L'addition des contri-butions proportionnelles est égale à l. La conformation de I'ancêtre juvénile est ladistribution 0,54, 0,31 et 0,15. Cette distribution est la même chez le descendantadulte, la contribution de chaque caractère dans la taille restant la même. La tailleglobale est semblable pour le descendant ; la taille et la conformation sont alorsdissociées, et c'est un cas de néoténie. La modification particulière de chaquecaractère chez le descendant résulte des rapports différents entre la taille du carac-tère et la taille globale, Yl : allométrie positive, Y2 : allométrie négative, Y3= isométrie. Cette méthode présente I'avantage de considérer un série de carac-tères et de pouvoir comparer les développements afin de déterminer si le dévelop-pement du descendant suit la même modalité que celui de I'ancêtre (d'après

Godfrey et Sutherland, 1996).

Hétérochronies : état des lieux s07

ANCETREcaractère (cm) taille (cm)AGE (mo)

t

2 2 , 5 1 1 2 , 6 | . 6 , 3

o 1 1 . 0

forme

Yrl( Yzlx

0 , 5 4 I 0 , 3 1 1 0 , 1 5

o , s s l 0 , 2 6 l o , 1 5

Y3/X

DESCENDANTY3 X Y1/X Y3/X

DESCENDANT RECALIBREY1 Y2 Y3 X Yrr( Y2lX YslX

1 I 0 . 1 5

Y2/X ElYlrq

rlYl/xl

1 1 14 1

Figure 6. Multivariate perspective methodology (Godfrey & Sutherland, 1996).

508 F. V. Ramirez Roui

CONCLUSION

Les bases cles étucles d'hétérochronie sont partagées par les utilisateurs

des trois méthocles ici présentées. Cependant, la définition des processus

hétérochroniques n'est pas la même selon la méthode suivie. On a donné, à

titre cl'exemple, les clifférentes définitions attribuées à la néoténie, et I'on a

vu comment la néoténie caractérisée, selon Gould (1977) par un retard dans

le changement de la conformation par rapport à celui de la taille, devient,

d'après la méthode cles hétérochronies allométriques, un changement dis-

tinct entre la taille d'un caractère et la taille globale, en passant par un pro-

cessus où les changements de conformation s'effectuent plus lentement(Alberch et al. 1979). Toute étude des hétérochronies doit donc préciser de

manière très claire les données analysées et la méthode suivie. Il est souhai-

table que l'étude soit effectuée avec plusieurs méthodes pour pouvoir com-

parer les résultats.L'util isation sans critique de la méthode des hétérochronies allométriques

par plusieurs chercheurs (i.e. McKinney et McNamara, l99I ; McNamara,

1995 ; Shea, 1989) a conduit à la confusion de ce qu'est, en fait, une hété-

rochronie. car hétérochronie et allométrie sont devenues des synonymes

dans leurs travaux. La généralisation excessive des études d'hétérochronies

implique que celles-ci ne soient plus considérées comme des modifications

exclusivement évolutives (par exemple, études de dimorphisme sexuel) et

que les études des hétérochronies ne tiennent plus compte des types de

développement (par exemple, études de classes sociales des insectes). De

plus, I'utilisation de la terminologie des hétérochronies à toute modification

de taille a vidé les termes de tout leur signification. Tous ces cas ont fait

que les hétérochronies perdent tout leur sens, car tout (et n'importe quoi)

est défini comme une hétérochronie. Les excès que nous venons de décrire

sont donc les responsables de la confusion qui existe sur ce qu'est une hété-

rochronie. Pour éviter ces confusions et comprendre l'apport des études

d'hétérochronie, il faut garder les bases conceptuelles, utiliser les méthodes

appropriées et interpréter correctement les résultats.Les résultats hétérochroniques de péramorphie, paedomorphie et isomor-

phie ne font référence qu'à la conformation, ce qui veut dire que seulement

une comparaison de conformation (et non de taille, de durée ou de vitesse)

entre deux espèces permet de mettre en evidence I'existence d'une hétéro-

chronie. Une fois ce pas franchi, I'existence d'un processus hétérochronique

doit être vérifiée, car il se peut que ce que I'on voit coûrme un résultat

hétérochronique résulte en fait d'un autre type de processus. Les processus

hétérochroniques peuvent être suggérés dans le seul cas où le développe-

Hétérochronies : état des liercr

ment du descendant suit la modalité de celui de I'ancêtre. Donc les étudesd'hétérochronie doivent être fondées sur deux conditions sine qua non : lacomparaison des conformations et I' identité de la moclalité du dévetop-pement.

Nous pensons que la méthode des horloges de Gould (1977) et laméthode d'Alberch (Alberch et al. 1979) sont celles qui permetrent le mieuxde déterminer les processus et les résultats hétérochroniques. Il est vraiqu'aussi bien les horloges que la méthode d'Alberch présentent I' inconvé-nient du type de données à utiliser. Si les données chronologiques ne sontpas disponibles, alors I'analyse métrique de dissociation ou l'étude cles allo-métries deviennent préférables. cependant, c'est précisément le facteur âge(le temps) le plus approprié pour les études des hétérochronies, car, à ladifférence de toutes les autres analyses, les étudès cles hétérochronies sontles seules à vouloir comprendre le développement, I'ontogenèse, d'un pointde vue évolut i f .

REMERCIEMENTS

Je remercie vivement Marc Godinot, christine Berge et christineTardieu pour les fructueuses discussions. Mes remerciements vont égare-ment à M. Godinot et M.-F. Leroy pour les corrections de style et à D.Foucher pour la réalisation des figures.

ABSTRACT

In the last years, the word heterochrony became largely employed toexplain differencies between species. However, what is heterochrony?Heterochronies are viewed as evolutionary modifications in rate and timingof development relative to growth. The use of the word heterochronies toany morphological differencies between two species and even between twoindividuals, has changed its original meaning and produced a wide confu-sion on what heterochrony really is. This confusion is based on a miscon-ception introduced and repeatedly used by those who propose the allometricheterochony methodology. In order to avoid any confusion and give toheterochrony studies the importance indeed they have, heterochronicproducts have to be established only from shape comparison of two species(and not size or time of development). Heterochronic process have tovalidate the heterochronic product but, for a heterochronic process to occur,

509

5 1 0 F. V. Ramirez Roui

descendant development must follow the developmental pathway of theancestor. Therefore, studies in heterochrony studies have to be founded ontwo sine qua non conditions: shape comparison and the identification of thedevelopmen tal p at hw ay .

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