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Histoire d’une révolution industrielle LE VIRAGE À 90° FORAGE HORIZONTAL

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Retracer l’histoire du forage horizontal, des années 1930 à aujourd’hui, c’est se faire l’écho d’une formidable aventure humaine. Au fil des pages, ce livre-mémoire

donne la parole aux chevilles ouvrières du projet. Ces ingénieurs, chefs de sites, managers pionniers et audacieux qui y ont cru… Ensemble, ils ont vécu les premiers pas du forage horizontal, surmonté les difficultés, amélioré la technique. Ils ont aussi mis toute leur énergie à convaincre les « résistants », ceux qui pensaient que cela ne marcherait jamais, ceux qui objectaient un surcoût économiquement insurmontable. C’est grâce à ces passionnés qu’en moins de dix ans l’idée « folle  » du forage horizontal est devenue un standard technique. Un parcours de R&D exemplaire !

SOM

MAI

RE IN

TERA

CTIF P. 01 REMERCIEMENTS

P. 03 INTRODUCTION

CHAP. 1 / P. 08 FLASH-BACK

CHAP. 2 / P. 16 ELF AQUITAINE ET L’INSTITUT FRANÇAIS DU PÉTROLE TRANSFORMENT L’IDÉE

CHAP. 3 / P. 21 UNE HISTOIRE D’ÉQUIPE

CHAP. 4 / P. 24 LES PREMIERS PAS DE LA TECHNOLOGIE DU FORAGE HORIZONTAL

CHAP. 5 / P. 32 DES ÉQUATIONS AU TERRAIN

CHAP. 6 / P. 36 ROSPO MARE 6, UNE AUTRE PREMIÈRE MONDIALE

CHAP. 7 / P. 40 ELF AQUITAINE LANCE LE PROJET DE R&D « COMPLÉTION DES PUITS HORIZONTAUX »

CHAP. 8 / P. 47 LES DIX PREMIÈRES ANNÉES DU FORAGE HORIZONTAL

CHAP. 9 / P. 53 1983-1995 - LE TEMPS DE LA VALORISATION EXTERNE

CHAP. 10 / P. 62 TOTAL APPORTE SA PIERRE À L’ÉDIFICE

CHAP. 11 / P. 66 D’AUTRES APPLICATIONS

CHAP. 12 / P. 73 ET DEMAIN ?

CHAP. 13 / P. 76 AUDACE - SOLIDARITÉ - TRANSVERSALITÉ - ÉCOUTE

P. 81 BIBLIOGRAPHIE

P. 84 GLOSSAIRE TECHNIQUE

FRISE CHRONOLOGIQUE

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Le département Recherche & Développement et la Division Forage/Puits de l’Exploration-Production de Total remercient chaleureusement pour leur contribution à cet ouvrage :

Bertrand Bacaud, Jacques Bosio,Emmanuelle Bouvin,Philippe Coffin,Guillaume Dulout,Nicolas Durance,Philippe Essel,André Jourdan,Benoît Ludot,Daniel Plathey,Patrick Sorriaux,Alain Spreux,Roland Vighetto,Christian Wittrisch.

Remerciements

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Concrétiser le « rêve » des producteurs de pétrole !

En 1979, Elf Aquitaine* et l’Institut français du pétrole** (IFP) lancent le programme de recherche & dévelop-

pement  « FORHOR », le Forage horizontal pour l’amélioration de la production des hy-drocarbures. Objectif : prouver la faisabilité scientifique et technique d’une approche considérée comme  « folle » par la plupart des acteurs Oil & Gas de l’époque. Un bud-get de 60 millions de francs (9,16 millions d’euros) est attribué au projet sur une durée de cinq ans (1979-1984).

Alors que, jusque-là, l’exploitation des gi-sements était effectuée uniquement à l’aide de puits verticaux ou déviés, il s’agit de tes-ter la réalisation de drains horizontaux pour faciliter la récupération d’huile ou de gaz et améliorer la productivité des puits. Un vieux rêve des producteurs de pétrole… Dans les années 1930, des ingénieurs gisement ainsi que des foreurs français et étrangers évoquaient déjà cette alternative au forage classique… Le second choc pétrolier la concrétise. Entre 1978 et 1981, le prix de l’énergie triple. Sur fond de guerre Iran-Irak, de crise économique aux États-Unis et de croissance de la demande mondiale, l’opti-misation de la production devient un sujet d’actualité  ! Le forage horizontal ouvre de nouveaux horizons.

Avec « FORHOR », Elf Aquitaine et l’IFP prennent une longueur d’avance, ils sont les premiers à transformer l’idée et à ten-ter  «  l’impossible  »  : forer à 90°. En 1980, l’équipe de R&D réussit le premier puits horizontal, LACQ 90, et confirme la tech-nique un an plus tard avec LACQ 91.

Préparation d’un équipement de forage avant sa descente dans le puits horizontal de LACQ 91.

* 2000 : Fusion TotalFina/Elf Aquitaine.**2010 : IFP (Institut français du pétrole) devient IFP Énergies nouvelles (IFPEN).

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Les deux partenaires signent une innova-tion industrielle majeure, une révolution des pratiques pour l’univers de l’Oil & Gas. Entre 1980 et 1992, Elf Aquitaine fore une cinquantaine de puits horizontaux au pé-rimètre du Groupe, dont une bonne moitié sur le champ de Rospo Mare (Adriatique). Le forage horizontal permet notamment de valoriser les gisements d’huile très vis-queuse, relativement peu épais, fracturés verticalement, peu perméables, ou soumis à un aquifère actif susceptible d’ennoyer ra-pidement les puits forés à la verticale. Sans cette technique innovante, l’énorme gise-ment italien offshore de Rospo Mare n’aurait jamais pu être exploité. Là où les puits verti-caux avaient échoué, les drains horizontaux ont réussi  ! Plus tard, le forage horizontal permettra aussi le développement d’autres ressources majeures, notamment les hydro-carbures de schiste impossibles à produire sans cette technique révolutionnaire.

Retracer l’histoire du forage horizontal, des années 1930 à aujourd’hui, c’est aussi et surtout se faire l’écho d’une formidable aventure humaine. Au fil des pages, ce livre-mémoire donne la parole aux chevilles ouvrières du projet, ces ingénieurs, chefs de sites, managers pionniers et audacieux qui y ont cru… Ensemble, ils ont vécu les premiers pas du forage horizontal, surmon-té les difficultés, amélioré la technique… Ils ont aussi mis toute leur énergie à convaincre les  « résistants ». Ceux qui pensaient que cela ne marcherait jamais, ceux qui objec-taient un surcoût économiquement insur-montable. C’est grâce à ces passionnés, qu’en moins de dix ans, l’idée « folle » du forage horizontal est devenue un standard technique. Un parcours R&D exemplaire !

« Le challenge était séduisant »André Jourdan, ingénieur Forage, recruté par Elf Aquitaine en 1969« En 1980, la direction m’a proposé le poste de chargé de projet R&D “Forage des puits horizontaux”. Lorsque le responsable de la R&D m’a expliqué que j’allais forer  à  90°, je n’ai rien dit mais j’étais dubitatif… Et je n’étais pas le seul  ! Pendant dix ans, entre 1969 et 1979, je n’avais réalisé que des puits verticaux, au  Canada puis en Libye… Ma connaissance des problématiques de déviation était limitée… Je me rappelle avoir rencontré Bernard Astier à Pau, juste avant son départ pour la Chine. Il y croyait, il était enthousiaste sur le sujet… J’avais 40 ans, j’ai eu envie de relever ce challenge professionnel complètement fou  ! Mon prédécesseur m’a légué une année d’études et un premier résultat concret  : un puits test sur LACQ. Je me suis dit : “Pourquoi pas ?”. J’ai rédigé le bilan du premier forage pour le comité de gestion du projet (Elf Aquitaine/IFP) et j’ai suggéré la réalisation d’un second puits horizontal à Lacq pour “prouver que le succès du premier n’était pas un coup de chance”. Un an plus tard, la faisabilité de la technique était à nouveau confirmée avec un forage plus profond et une portion horizontale plus longue. Nous avions concrétisé le rêve de tout ingénieur Gisement  : traverser un réservoir dans sa longueur pour améliorer la productivité. Dix ans plus tard, le forage ne posait plus de questions : tous les puits, sauf exception justifiée, étaient horizontaux. »

« La montre, la montre… » Philippe Coffin, ingénieur Forage, recruté par Elf Aquitaine en 1981« Comment être sûr que le forage suit la bonne trajectoire ? Ce qui est simple dans un puits vertical l’est beaucoup moins quand on s’approche de l’horizontale. En 1981, nous n’avions pas de capteurs reliés à des ordinateurs… Il fallait faire avec les moyens du bord. Le seul outil dont nous disposions était un photo clinomètre-compas ou Magnetic Single Shot, une sorte de mini appareil-photo muni d’une boussole. Pour vérifier la direction et l’inclinaison, il fallait arrêter le forage, lancer et pomper le Magnetic Single Shot au fond du puits, prendre une “photo”, remonter l’appareil avec un câble et lire le négatif pour voir la position de l’aiguille… Cela prenait au minimum une heure à chaque fois ! Une minuterie, réglée avant la descente dans les tiges de forage, commandait le délai d’allumage et le temps d’exposition du film… En général, cette mission revenait au chef foreur qui orchestrait soigneusement chaque étape en criant “la montre, la montre…” par peur d’un déclenchement en cours de route ! Les premiers puits ont été forés de cette façon artisanale, jusqu’à l’utilisation du MWD (Measurement While Drilling), dont Elf Aquitaine a d’ailleurs été l’un des pionniers. »

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Ils racontent les débuts du forage horizontal…

« La génération des foreurs couchés » Bernard Astier, premier chef de projet « FORHOR »Au début des années 1980, cet ingénieur «  pionnier » est surnommé le «  foreur couché ». Il réalise LACQ 90, le premier puits horizontal expérimental sur le gisement de Lacq supérieur (Béarn)  : 1 036 m de longueur, dont 270 à l’horizontal. Un succès ! Huit ans plus tard, toujours prêt à relever les défis les plus fous, il coordonne la réalisation du premier forage horizontal dans un gisement de gaz (Zuidwal aux Pays-Bas). En septembre 1993, dans HC Magazine, le mensuel d’Elf Hydrocarbures, il avoue « l’inquiétude qui planait sur le projet… Et le “ouf” de soulagement de son équipe qui a réussi une première mondiale ! »

Champ de Lacq

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« Produire l’inaccessible »Philippe Essel, ingénieur Forage et Complétion« J’ai été embauché par Elf Aquitaine en 1992. Depuis, j’ai principalement participé à la réalisation de forages déviés, voire horizontaux… Lorsque je suis arrivé, c’était déjà un standard pour les puits de développement. Il fallait de bons arguments pour déroger à la règle et faire exceptionnellement un puits vertical ! Entre 1990 et 2000, nous avons foré de plus en plus profond, sur des longueurs plus élevées. En 1999, Total s’est offert un record du monde avec un puits ERD (Extended Reach Drilling) de 11 184 m en Argentine. Aujourd’hui, un seuil est atteint. Avec les techniques actuelles, il paraît difficile de dépasser les 13 000 m de déport. En 2016, plusieurs ruptures technologiques sont à l’étude  : remplacement des tiges acier par de l’aluminium plus léger, programme de recherche sur des tiges à double enveloppe, multilatérales horizontales… Dans le futur, elles pourraient permettre de forer des puits multi-objectifs de l’ordre de 20 000  m de déport pour produire des gisements considérés à ce jour comme inaccessibles ou non économiques. »

Au début des années 1980, le forage horizontal sus-cite des débats. Certains

managers sont « pour », d’autres «  contre ». Les détracteurs for-mulent des doutes sur la faisabilité technique du projet et objectent un surcoût inacceptable par rapport au forage vertical. Si les faits leur donnent raison sur les prototypes – leur coût est 10 fois supérieur à celui d’un puits vertical –, très vite les avancées technologiques per-mettent de resserrer les budgets. Dix ans après le début de l’aven-

ture, le surcoût d’un forage hori-zontal n’est plus que de 30 à 40 % pour une production 2 à 3 fois su-périeure ! Partout où il est utilisé, il génère une hausse de production qui compense largement l’investis-sement supplémentaire. Concrè-tement, la production de pétrole a été multipliée par 6 entre 1986 et 1990 sur les champs Pelican Lake et Winter (Canada). Elle est passée de 200 à 1 200 m3/jour sur Rospo Mare (Italie). (Source : Oil & Gas Journal)

POUR OU CONTRE ?

Puits vertical (XIXe siècle) Puits dévié (1930+) Puits horizontal (1980+) Puits multihorizontal (1990+)

Évolution de l’architecture des puits

INTRO INTRO

« Rospo Mare : RSM-6d, une première mondiale » 

Patrick Sorriaux, recruté en janvier 1982 en tant qu’ingénieur Géologue (Laboratoire de géologie de Boussens)« En 1980, Elf Aquitaine sponsorisait ma thèse sur le karst. Le gisement de Rospo Mare a été mon premier sujet d’étude : le réservoir est un paléokarst dans des carbonates du Crétacé. Le gisement découvert en 1975 (Rospo Mare 1) en offshore Adriatique, sous 80 m d’eau, était en fin de phase d’appréciation avec plusieurs puits verticaux bien carottés déjà réalisés. L’idée d’embrocher les fractures verticales karstifiées par des puits horizontaux éloignés du plan d’eau pour améliorer la production avait fait son chemin. Pour tester le concept, la filiale démarrait une phase-pilote avec un puits vertical (RSM-4), un puits dévié (RSM-5d) et un puits horizontal (RSM-6d). C’est ce dernier puits qui allait devenir le premier puits producteur horizontal offshore du monde ! »

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1.FLASH-BACK

1. Forer à l’horizontale, une idée ancienne

2. L’état de l’art avant le lancement du programme de R&D « FORHOR »

FLASH-BACK

1. Forer à l’horizontale, une idée ancienne

Un « grand frère » : le tunnel d’eauLes premiers remonteraient à plus de 2 000 ans. L’historien grec Polybe évoque des dizaines de forages de ce type en Iran pour capter les eaux souterraines. Les « tunnels d’eau » horizontaux – appe-lés «  ghanats  » en Iran, « kharis » en Tur-quie, « fogara  » en Arabie – facilitent l’ac-cès à la ressource et augmentent le débit. En Égypte, ils optimisent la récupération d’eau dans des formations de grès fractu-rés en plein cœur du désert. Avant-gardiste, la technique essaime un peu plus tard en Europe. Dans le sud de l’Angleterre, les foreurs constatent que lorsqu’ils creusent perpendiculairement à la fracture princi-pale, ils traversent un plus grand nombre de fractures secondaires et prélèvent ainsi des quantités d’eau plus importantes.

L’Oil & Gas s’intéresse à la technologieDe l’eau au pétrole, il n’y a qu’un pas… Premiers frémissements outre-Atlantique à la fin du XIXe siècle. En 1891, John Smalley Campbell met au point un arbre flexible qui permet d’entraîner un outil de forage en rotation. Au départ destiné aux dentistes, l’outil intéresse rapidement d’autres secteurs d’activités, notamment l’exploration pétrolière  ! Un premier puits horizontal est foré au Texas en 1929, un autre en Pennsylvanie en 1944 (152 m). Les Soviétiques en réalisent une quarantaine entre 1940 et 1960… Malheureusement, le bilan reste décevant  : si la faisabilité technique est validée, la profitabilité est loin d’être acquise. La technique est délaissée… avant d’être reprise par les Chinois au milieu des années 1960 avec deux puits de

Tunnels d’eau appelés « ghanats » en Iran

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« Il ne suffisait pas de lan-cer le programme de recherche “FORHOR”,

il fallait aussi convaincre les équipes de l’intérêt de la dé-marche. Le forage horizontal a fait l’objet de fortes résistances, plus à cause de l’état d’esprit des industriels que des challen-ges techniques. À la fin des an-nées 1970, les ingénieurs Forage étaient persuadés que l’inclinai-son maximale possible d’un puits ne pourrait jamais dépasser 70°. Les ingénieurs Réservoir, de leur côté, ne croyaient pas à une com-pensation du surcoût du forage horizontal par une amélioration de la production. Changer la façon de penser de 90° a été beaucoup plus compliqué que de modifier la trajectoire des puits ! »

Jacques BOSIOAdjoint au directeur de la R&D de l’EP en 1979

Difficile d’approcher l’horizontale

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500 m de longueur. Le premier s’effondre, le second est stoppé par la révolution culturelle. Le forage horizontal ne semble plus avoir d’avenir… Trop compliqué ! Trop coûteux ! Pour Jacques Bosio, adjoint au directeur de la R&D de l’EP : « Ces échecs étaient liés au choix des sites et non à la technique ».

Le catalyseur soviétiquePour comprendre le développement du fo-rage horizontal, il faut revenir dans l’URSS des années 1940 et s’attarder sur les travaux d’Alexander Grigoryan. En 1941, fraîchement diplômé de l’Institut industriel d’Azerbaïdjan, le jeune ingénieur pétrolier visionnaire dirige le premier forage horizontal de la région à 1 700 m de profondeur. Intuitif, il associe au projet une innovation majeure : le forage par turbine, mis au point quelques années plus tôt par un autre Soviétique, Matvei Alkuno-vich Kapelyushnikov, formé en Sibérie sur les bancs du Tomsk Technical Institute. Le principe ? Simple mais astucieux ! Installé au-dessus de l’outil de forage, le turbomo-teur est actionné par la boue de forage. Le recours à un moteur de fond évite d’avoir à faire tourner l’outil de forage à partir de la surface (« forage rotary »). Résultat ? Le fo-rage est plus rapide et plus efficace : 60 % de gain de temps, 30 % d’économie d’éner-gie. Tous les espoirs sont permis, les So-viétiques poursuivent les développements. En 1968, un nouveau record de longueur est atteint en Sibérie avec un puits d’une lon-gueur de 2 507 m, dont une portion horizon-tale de 632 m.

Le terme puits ou forage hori-zontal peut paraître restrictif. De fait, il inclut l’ensemble

des technologies et des systèmes de production qui présentent une section horizontale ou subhorizon-tale dans le réservoir producteur. Les puits horizontaux peuvent être classés en fonction de la technique de forage utilisée :

> Les puits à moyen et long rayon de courbure (long and medium radius) nécessitent plusieurs centaines de mètres pour dévier de la verticale à l’horizontale. Des équipements maintenant standards sont utilisés. La por-

tion horizontale de ces puits fait plusieurs centaines de mètres de longueur, avec des diamètres de forage classiques.

> Les puits à faible rayon de cour-bure (short radius) nécessitent des équipements spéciaux pour atteindre l’horizontale en seu-lement quelques dizaines de mètres. La portion horizontale est courte, moins de 100 m, avec un faible diamètre de puits. La trajectoire est difficile à maîtri-ser. Cette technique est utilisée principalement pour réaliser un drain horizontal à partir d’un puits vertical existant.

FORAGE HORIZONTAL – LA DÉFINITION

Un succès ? Pas tout à fait. Malheureuse-ment, le volume de production reste infé-rieur aux attentes. Les analyses a posteriori montrent que les Soviétiques n’ont pas su positionner les portions horizontales dans les zones les plus « payantes » en pétrole ou en gaz.

Du coup le régime impose un changement de cap ! Les pétroliers et les gaziers sont contraints d’abandonner le forage hori-zontal pour se concentrer à nouveau sur la technologie verticale. Dans un contexte de hausse des prix de l’énergie, l’URSS veut augmenter ses exportations pour faire ren-

trer les devises. Une seule consigne : creu-ser un maximum de puits à la verticale pour doper la production.

Une déception pour Alexander Grigoryan, nommé entre-temps à la tête du All-Union Scientific Research Institute for Drilling Technology de Moscou, qui croit toujours au forage horizontal. Désillusionné – ses travaux sont désormais contrôlés et soumis à des restrictions – il se rapproche de l’Ins-titut français du pétrole : un catalyseur pour le programme de recherche « FORHOR », lancé conjointement par l’IFP et Elf Aqui-taine en 1979.

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Schéma historique de garniture de forage

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Jusqu’en 1920, les foreurs n’imagi-naient pas pouvoir s’écarter de la verti-cale. Les premiers puits dirigés ont été

réalisés au début des années 1930. Anec-dotique mais significatif, Mark Mau et Henry Edmundson racontent dans Drilling for Oil & Gas qu’aux États-Unis, « ces puits étaient probablement illégaux, forés par des opé-rateurs peu scrupuleux pour voler leurs voi-sins ». Au Texas, des inspecteurs assistés par les Texas Rangers ont identifié et fermé plus de 380 puits de ce type forés dans la formation Woodbine… La méthode de ces foreurs escrocs était simple. Ils achetaient ou louaient des puits en perte de production délaissés par les majors. Lorsque la pro-duction cessait, ils installaient une tour de forage à des fins de maintenance et d’amé-lioration du puits ! Il ne leur restait plus qu’à installer un sifflet déviateur pour aller cher-cher le pétrole à l’oblique de la cible initiale.

les techniques de forage classiques ne fonctionnent plus car les forces de frotte-ment compensent la gravité.

En 1970, le forage dévié repose sur une méthodologie validée.

> Une garniture de fonds composée d’un trépan, d’un moteur hydraulique de fond et d’un raccord coudé. La déviation est amorcée jusqu’à +/- 10° dans la direc-tion choisie.

> Le forage rotary est utilisé pour pour-suivre la déviation. Le positionnement des stabilisateurs dans la garniture de

fond (BHA) et les paramètres de forage (poids et rotation) sont déterminants pour conduire la trajectoire.

> La trajectoire est contrôlée via la mesure de paramètres directionnels en fond de puits : inclinaison, azimut, orientation du raccord coudé.

> Plusieurs outils sont dédiés à la sur-veillance des forages déviés : essen-tiellement le Magnetic Single Shot, et les systèmes « steering tools » à câble interdisant la rotation. Dans les années 1970, le MWD n’existe pas encore.

2. L’état de l’art avant le lancement du programme de R&D « FORHOR »

Le forage offshoreL’augmentation de la demande en énergie qui suit la Seconde Guerre mondiale incite les producteurs d’huile à regarder vraiment du côté de l’offshore. Dans un premier temps les plateformes de forage sont permanentes, des barges mobiles transportent les équipements d’un puits à l’autre. Accroître la production signifie forer plus de puits et multiplier les installations de forage, ce qui serait à la fois coûteux et consommateur de temps. Le forage dévié permet de regrouper les puits sur une même plateforme et donc de réduire les coûts. Une étape est franchie au début des années 1960 avec le démarrage du forage offshore en eau profonde. Des appareils de forage « nouvelle génération » font leur apparition. Un système de positionnement dynamique – propulseurs aux angles du navire, capteurs – résout les problématiques de dérive.

Jusqu’à 70° !Onshore comme offshore, le forage dirigé connaît un fort développement dès la fin des années 1960. Pourquoi dévier de la verticale ? Pour répondre à des besoins de logistique surface ou de configuration de réservoir. Il s’agit d’atteindre une cible décalée par rap-port à la verticale de l’appareil de forage. Les cas de figures sont multiples : exploitation de plusieurs puits, forage sous la mer à partir de la côte, zone faillée, emplacement inacces-sible, pièges stratigraphiques, opération de sauvetage, forage sous des dômes de sel, redressement et déviation avec abandon du fond… L’angle de déviation de ces forages ne dépasse jamais les 70°, une « barrière » au-de-là de laquelle les équipements standards et

Le sifflet déviateur (whipstock)Tout à fait légal, celui-ci a été inventé par John H. Eastman, en 1929, pour atteindre des pétroles visqueux offshore à partir de sites onshore sans avoir à construire de nouvelles plateformes. En 1934, il est considéré comme l’expert du forage dévié lorsqu’il réalise le premier puits de secours pour contrôler une éruption en réalisant une sortie latérale dans un puits existant, opération de side track. À partir de cette date, les foreurs voient le forage dévié d’un autre œil et se forment. Le sifflet déviateur permet d’amorcer la déviation.

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Blocages à 90°

Quelles sont les difficultés inhérentes à l’action de la gravité perpendiculairement à l’axe du drain ?

> Le transport et l’élimination des déblais de forage.

> La tenue des parois du puits. > La mise en place des instruments habi-

tuellement manœuvrés avec un câble. > La conduite des opérations de descente

et de cimentation des cuvelages. > La transmission du poids sur l’outil.

Estimation basse = survol

Estimation haute = crash

Profondeur réelle du réservoir

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Les foreurs sont formels : impossible de décliner à 100 % les techniques du forage dévié pour forer à l’horizontale. Les dif-ficultés liées aux très fortes inclinaisons et la précision impérative requise pour atteindre la cible impliquent d’établir de nouvelles règles de l’art. Le forage hori-zontal suscite des interrogations de fond.

Comment gérer la chute inévitable de l’inclinaison ?Maximale en forage vertical, la force d’appui du trépan sur la roche à forer diminue puis s’annule au profit d’une autre force parasite – cette fois perpendiculaire à l’axe de forage – et dont l’amplitude devient maximale à 90° dans le drain horizontal. Cette force parasite a deux conséquences : elle accroît les frottements de la garniture de forage sur les parois du puits et elle plaque l’outil sur la génératrice basse du trou de forage. Une configuration qui favorise l’effet pendulaire de la garniture (c’est-à-dire sa tendance à pointer vers le bas) et tend à faire chuter l’inclinaison.

Comment atteindre la cible avec précision ?En forage dévié classique, la cible est re-présentée par un point d’impact situé au centre d’un cercle de tolérance de 100 à 200 m de diamètre situé sur un plan hori-zontal. Cette cible se compare assez bien à l’aire d’atterrissage d’un hélicoptère. Pour se poser, il faut certes contrôler l’azimut et l’inclinaison pendant toute la descente, mais peu importe que l’angle d’arrivée soit différent de celui initialement prévu.

Il n’en va pas de même en forage horizon-tal. Cette fois, la cible est un long cylindre, d’une hauteur environ 20 fois plus petite que le diamètre du cercle précédent. Non seulement il faut atteindre l’entrée du cy-lindre, mais encore le suivre sur des cen-taines de mètres sans en ressortir… L’exer-cice relève d’une procédure d’atterrissage d’avion. La trajectoire finale est connue, l’avion ne peut s’en écarter sans prendre de risques. Idem pour l’approche réservoir. À chaque instant, les paramètres – profon-deur, distance au point d’impact et inclinai-son – doivent respecter les valeurs définies. Tout écart de la trajectoire théorique impli-querait une correction extrêmement com-plexe compte tenu de la forte inclinaison.

« Jusque dans les années 1980, un puits dévié était plus complexe et

plus coûteux à forer qu’un puits vertical. Le contrôle de la direc-tion du forage nécessitait de nom-breuses manœuvres et de nom-breux arrêts pour changer la partie basse de la garniture – celle qui permet de “dévier” – et pour ef-fectuer les mesures de direction. Personne n’imaginait ou ne vou-lait se risquer à dépasser la limite d’inclinaison de 60/70°… Trop de problèmes en perspective ! Et puis, concours de circonstances, un jour les conditions ont été réunies

pour qu’une poignée de foreurs se lancent un défi. Deux éléments ont joué un rôle catalyseur :

– nous avions un objectif “gise-ment”, il s’agissait de réussir à produire le champ de Rospo Mare dont le rendement était proche de zéro en forage vertical ;

– nous avions un emplacement de choix – le champ de Lacq – pour forer librement des puits expéri-mentaux. À partir de là, tout s’est enchaîné pour battre un record et réaliser un challenge technolo-gique. »

André JOURDAN Chef de projet « Forage horizontal » à partir de 1980

Toutes les conditions étaient réunies pour lancer un programme de R&D

ZOOM

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2.ELF AQUITAINE ET L’INSTITUT FRANÇAIS DU PÉTROLE TRANSFORMENT L’IDÉE

1. Le programme de R&D « FORHOR »

2. Les cas possibles d’application du forage horizontal

Le programme de R&D « FORHOR » foca-lise sur quatre thématiques :

> la méthodologie gisement ; > la conduite du forage ; > les diagraphies électriques ; > l’équipement des puits et leur mise en

production.

Les objectifs > Valider la faisabilité technique du forage

horizontal. > Développer une technologie innovante

pour valoriser des réserves considérées inaccessibles jusqu’au début des années 1980.

> Améliorer la productivité de gisements. > Prouver que le surcoût du forage horizon-

tal est largement compensé par l’amélio-ration de la productivité.

1. Le programme de R&D « FORHOR »

ELF AQUITAINE ET L’INSTITUT FRANÇAIS DU PÉTROLE TRANSFORMENT L’IDÉE

Sur cinq ans, plusieurs réalisations expérimentales de taille industrielle vont être réalisées.

1980/mai-juinForage du puits LACQ 90, le premier puits ho-rizontal d’Europe occidentale. Profondeur de 670 m, traversée du gisement sur 270 m dont 100 à l’horizontale.

1981/mars-avrilForage du puits LACQ 91. Longueur de 1 250  m, traversée du gisement sur 470 m dont 370 à l’horizontale.

Au milieu des années 1970, l’extraordi-naire gisement d’huile de Rospo Mare (Italie) pousse à l’innovation. La roche

est compacte, le réseau très fissuré, l’huile visqueuse, avec d’importantes venues d’eau. Les puits verticaux et déviés ne sont pas adaptés à cette configuration. En pleine crise mondiale des prix du pétrole, Elf Aqui-taine doit se rendre à l’évidence : impos-sible d’optimiser cette manne énergétique européenne ! À moins d’une idée de génie…Celle-ci vient d’un ingénieur Gisement de la division Production, Herbert Reiss, spécialiste des réservoirs fracturés. Il est convaincu que la seule façon de produire cette huile est d’embrocher un maximum de ces fractures verticales à l’aide d’un puits horizontal  ! L’idée est osée, voire «  farfelue  », surtout pour les foreurs qui vont pourtant relever le défi ! Elle séduit Jacques Bosio, alors adjoint au directeur de la R&D de l’EP, qui se rapproche de l’Institut français du pétrole (IFP). Visionnaires, Elf Aquitaine et l’IFP lancent le programme de recherche « FORHOR », le forage horizontal pour l’amélioration de la production des hydrocarbures. Un sujet dans l’air du temps en 1979, alors que le second choc pétrolier occupe encore la scène internationale. Sur cinq ans, « FORHOR », soutenu par la Communauté économique européenne (CEE) et le Fond de soutien des hydrocarbures (FSH), doit développer des techniques nouvelles au service de la productivité et de la récupération des hydrocarbures dans les gisements terrestres et offshore. Stratégiquement, il s’agit d’ouvrir la voie qui permettra d’exploiter de nouvelles ressources énergétiques fossiles.

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« Le programme de R&D “FORHOR” a démarré en 1979, l’année où j’ai inté-

gré l’IFP après trois années passées chez Schlumberger à travailler sur les diagraphies. C’est cette expérience qui m’a permis de proposer une innova-tion de rupture, le SIMPHOR (Système d’instrumentation et de mesures en puits horizontaux). La problématique à résoudre était la suivante : comment déplacer les sondes de diagraphie dans les drains horizontaux ? La des-cente par un câble, comme on le faisait traditionnellement dans un puits verti-cal, n’était plus possible à partir d’une inclinaison de 55 à 60°, lorsque la force motrice de la gravité égalait celle de la

friction de la sonde avec la paroi. J’ai donc imaginé d’acheminer les sondes de diagraphies par les tiges de forage, en les fixant sur un support comportant un connecteur mâle de sept conduc-teurs, avec un connecteur femelle re-lié au câble de diagraphie pour établir la liaison électrique. Un second pro-blème s’est posé : le câble empêchait d’ajouter de nouvelles tiges de forage. J’ai donc conçu un raccord spécifique avec une fenêtre latérale pour le faire passer. Cela a marché  ! Les premiers essais ont eu lieu en mars 1981 sur LACQ 91. “FORHOR” a été un extraor-dinaire bouillon de culture d’innovation et de prise de risque. »

Christian WITTRISCHChercheur à l’Institut français du pé-trole (IFP) depuis 1979

C’était formidable, il fallait tout inventer. Notamment dans le domaine des diagraphies !

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1982/février-marsRéalisation sur LACQ 91 du premier équi-pement de production sélective dans un puits horizontal.

1982/janvier-avril Forage du premier puits horizontal offshore de Rospo Mare (Italie). Profondeur de 1 380 m, traversée du gisement sur 606 m, dont 380 à l’horizontale.

1983/juinForage du puits horizontal CLU 110 sur Castéra-Lou. Objectif : améliorer la producti-vité dans la formation de la brèche de Garlin. Un record : une profondeur de 2 891 m.

2. Les cas possibles d’application du forage horizontal

Les études de gisement réalisées dans le cadre du programme de R&D «  FORHOR » ont permis de recenser

les caractéristiques propices au forage horizontal. Des modèles numériques spécifiques ont été élaborés pour préciser le déplacement des surfaces de séparation eau-huile et le gain de balayage de l’huile. Dès 1980, le forage horizontal est

préconisé pour les réservoirs fissurés, les gisements d’huile homogènes mais minces et l’amélioration des mécanismes de production multiphasiques : venue d’eau ou de gaz, balayage et récupération assistée. Un énorme potentiel pour les pétroliers. Des gisements nouveaux à produire partout dans le monde.

Domaines d’utilisation des puits horizontaux

Banc aquifère

Banc argileux

Banc à huile et à gaz

Réservoir mince

Production multiphasique

Réservoir fissuré

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3.UNE HISTOIRE D’ÉQUIPE

1. Une approche transverse

2. Des prix, des succès collectifs !

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Les réservoirs fissurésLe bénéfice des forages horizontaux est évident  : alors qu’un puits vertical rencon-trera peu de fissures, parfois même aucune, le puits horizontal en traversera plusieurs et sera donc beaucoup plus producteur. En effet, c’est à travers ce réseau de fissures, parfois peu nombreuses et espacées, que se font les écoulements vers le puits.

Les gisements d’huile homogènes mincesLà encore, la comparaison fait pencher la ba-lance en faveur du forage horizontal. Dans le cas d’un puits vertical, la pénétration est limi-tée à l’épaisseur de la couche (typiquement 2 à 20 m). Dans le cas d’un puits horizontal elle pouvait, à l’époque, dépasser 500 m. Si le gain de productivité n’est pas proportionnel à la longueur du drain, il est facilement 3 à 5 fois supérieur. Et bien que le forage hori-zontal soit un peu plus coûteux, les études montrent qu’il faudrait a minima quatre puits verticaux pour obtenir la production d’un puits horizontal (Source : Elf Aquitaine, 1983).

L’amélioration des mécanismes de production multiphasiqueConcernant le balayage de l’huile par l’eau ou le gaz, les puits horizontaux confirment une supériorité d’autant plus nette que la viscosité de l’huile est élevée. En effet, l’en-noyage des puits est plus précoce lorsque l’écoulement est instable, mais la régularité du drainage entre drains horizontaux ap-porte une progression plus homogène des fronts, avantageuse notamment en début de production. En matière de lutte contre les venues d’eau ou de gaz, le puits horizontal présente deux atouts : la possibilité de le pla-cer à une cote verticale éloignée de la source de fluide non désirable ainsi qu’une produc-tion au mètre linéaire plus faible qui entraîne une sollicitation plus modérée de la surface de séparation huile/eau. La forme de cette dernière est plus « galbée  » et le balayage vertical plus efficace à la percée de l’eau ou du gaz.

Production par puits horizontal dans des réservoirs à aquifère actif

Banc aquifère

Banc à huile

Aquifère actif

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1. Une approche transverse

Définir la cible et la trajectoire du forage nécessite un travail d’équipe... Dès le début de l’aventure du forage

horizontal, le groupe projet a misé sur une approche pluridisciplinaire. Plusieurs métiers sont impliqués : gisement, forage, fluides de forage, complétion, production... La synergie joue également entre les deux partenaires – l’IFP et Elf Aquitaine – ainsi qu’avec les sociétés de services. « Les débuts du forage horizontal signent une coopération très étroite avec Top Services (devenu Anadrill-Schlumberger), spécialiste du forage dirigé. Son directeur technique, Pierre Armessen, a été consulté sur tous les premiers puits du groupe (de LACQ 90 à Rospo Mare) », se remémore André Jourdan.

Innovation – Ensemble, les hommes sont des « déclencheurs » d’innovations. Confrontés à des difficultés concrètes sur le terrain, ce sont eux qui font évoluer les outils du

forage horizontal vers plus de performance : ils inventent le MWD (Measurement While Drilling), le LWD (Logging While Drilling) et le SIMPHOR (Système d’instrumentation et de mesure en puits horizontaux).

Sur le terrain – Lorsque les ingénieurs Réservoirs décident de réaliser un drainage par puits horizontal, ils fixent au foreur un « point d’entrée » ou une « cible » dans le réservoir (le fameux cylindre). Pour l’atteindre, le foreur va devoir suivre une trajectoire dont la détermination est un des éléments essentiels de la préparation. Cette trajectoire doit prendre en compte non seulement les contraintes propres au forage mais également aux éventuelles modifications de la configuration du réservoir. Il s’agit ensuite de vérifier que le surcoût du puits horizontal est largement compensé par la production et le drainage supplémentaire à moyen et à long termes.

2. Des prix, des succès collectifs !

Hall of Fame, 2014 : triple récompenseDans le cadre du Hall of Fame 2014, l’Offshore Energy Center a attribué les titres de « Pionnier de l’Industrie » et de « Pionnier de la Technologie forage hori-zontal » à deux anciens collaborateurs du Groupe : André Jourdan et Jacques Bosio.Le groupe Total, pour sa part, s’est vu décerné le prix « Technologie forage ho-rizontal ».

Le SIMPHOR reçoit le prix Ingénieur-Inventeur Chéreau-Lavet, 2011Christian Wittrisch, ingénieur de recherche pour l’IFP (département Géophysique et Instruments), impliqué dans le programme de R&D « FORHOR », a reçu le prix spécial Chéreau-Lavet 2011 pour la conception et le développement du Système d’instrumen-tation et de mesure en puits horizontaux (SIMPHOR). Une solution technologique innovante qui permet d'enregistrer les diagraphies classiques (logs) de fin de fo-rage en puits très inclinés et horizontaux. À la fin des années 1980, toutes les compa-gnies pétrolières adoptent le SIMPHOR. Le forage horizontal devient un standard pour produire des volumes plus importants, sur une durée plus longue, et pour augmenter le taux de récupération de pétrole ou de gaz accumulés dans la formation géologique.Depuis 1981, l’IFP a déposé plus de 60 brevets en France et 55 aux États-Unis. En 2011, les recettes et redevances du SIMPHOR s’élevaient à 22 millions d’euros.

Prix « Pionnier de la Technologie », 2011II a été attribué par l’Offshore Energy Center à Total pour le Measurement While Drilling (MWD).

Drilling Engineering Award, Amsterdam, 1991La SPE (Society of Petroleum Engineers) récompense les avancées réalisées en ma-tière de forage horizontal mais aussi l’esprit d’équipe qui a permis de rendre la techno-logie opérationnelle ! Deux hommes sont mis à l’honneur pour leur capacité à fédérer les énergies : André Jourdan, côté forage, et Herbert Reiss, côté gisement. En 1990, André Jourdan a été désigné « Distingui-shed lecturer » pour les années 1990 et 1991 sur le thème « Horizontal Drilling, is it worth it? »

Entreprise innovatrice, 1987La Fondation du brevet d’invention récom-pense l’IFP pour ses développements au-tour du SIMPHOR.

Prix Société Générale pour l’énergie, 1983« Le forage horizontal pour l’exploitation de nouvelles ressources énergétiques. »

La remise du prix « Pionnier de l’Industrie » à André Jourdan par le chairman du Hall of Fame Committee de l’Offshore Energy Center, à Houston, 20 septembre 2014.

SPE Drilling Engineering Award 1991, à gauche André Jourdan, à droite Herbert Reiss

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4.LES PREMIERS PAS DE LA TECHNOLOGIE DU FORAGE HORIZONTAL

1. Les outils mythiques

2. Le train de forage

1. Les outils mythiques

Surveiller l’inclinaison, l’azimut et l’orienta-tion du rapport coudé Une photo tous les 10 m avec le photo clinomètre-compas ou Magnetic Single Shot :« La montre, la montre… » Ceux qui ont participé aux premiers forages horizon-taux évoquent encore le stress du Magne-tic Single Shot : la descente et la remontée minutée, les photos ratées… Emprunté au forage vertical, c’est le seul outil qui per-met de suivre les paramètres direction-nels des premiers forages horizontaux au début des années 1980. Le principe ? Très simple  ! Le Magnetic Single Shot est un mini appareil photo muni d’un compas flottant, sphérique et transparent, relié à un câble. On l’envoie prendre une photo tous les 90 à 120 m forés dans les parties ver-ticales du puits, beaucoup plus fréquem-ment (tous les 10 m) dans les parties dé-viées et horizontales. Une minuterie, réglée avant la descente dans les tiges de forage, commande l’allumage et le temps d’ex-position du film. Après développement en surface, la pastille du film montre la partie du compas qui se trouvait en face de l’axe de l’appareil au moment de la mesure. La limite sur le terrain ? Des arrêts de fo-rage répétés, des mesures ponctuelles, des « séances photos » trop longues. Il faut entre 1 h et 1 h 30 pour obtenir une image, sans compter les déclenchements intem-

pestifs et les clichés noirs qui nécessitent de renouveler l’opération. Au-delà de 65° d’inclinaison, le Magnetic Single Shot ne descend plus par gravité, il doit être pro-pulsé hydrauliquement par pompage de la boue de forage dans les tiges.

Une avancée : le système AZINTAC en « temps réel » Conçu par l’IFP, l’AZINTAC est un instru-ment de mesure à lecture directe instan-tanée qui suit les paramètres directionnels en temps réel. Trois accéléromètres me-surent les composantes du vecteur champ de gravité sur les axes d’un trièdre tandis que trois magnétomètres mesurent les composantes du champ magnétique ter-restre. Ces six mesures sont multiplexées, codées, puis transmises en continu vers la surface, via un câble d’alimentation mono-conducteur qui alimente aussi les capteurs, l’électronique et la sonde en électricité.En surface, un calculateur interprète les mesures et affiche les paramètres direc-tionnels. La présence du câble interdit toute rotation de la garniture (à utiliser donc avec un moteur de fond). Il peut être très intéres-sant pour réaliser des corrections d’azimut difficiles nécessitant de nombreuses me-sures d’angles d’outil. Sur le plancher de l’appareil de forage, un répéteur permet à l’opérateur de déviation de contrôler la tra-jectoire du puits.

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Measurement While Drilling (MWD), le premier « sans-fil »Fruit de la recherche menée par Elf Aquitaine depuis 1965, cet outil est commercialisé dès 1978 par la société Teleco Oilfield Services. Pendant longtemps, il a été l’unique représentant des systèmes de mesures directionnelles « sans fil » compatible avec toutes les opérations de forage nécessitant la rotation du train de tiges.

> Le TELECO est composé d’un capteur directionnel (accéléromètres et magné-tomètres), d’un codeur, d’un transmet-teur et d’un générateur logés dans une masse-tige amagnétique. Il fait partie intégrante de la garniture de fond.Pour effectuer une mesure direction-nelle, la rotation du train de tiges est stoppée pendant 1 minute et 30 se-condes, et la circulation de boue est maintenue. Il faut ensuite 2 minutes et 30 secondes pour transmettre à la sur-face les paramètres collectés par des impulsions codées dans la boue, de la même façon que l’ADSL ou la fibre in-ternet actuelle, mais avec des débits de données de quelques bits par seconde (contre 1 milliard pour la fibre !).C’est ce système qui a été utilisé sur LACQ 91 et Rospo Mare pour conduire les forages jusqu’à des inclinaisons de 70 à 80°, ses dimensions ne permettant pas encore son emploi dans la partie horizontale.

Le système TELECO Logging While Drilling (LWD)Le LWD associe les mesures directionnelles et les caractéristiques basiques des forma-tions traversées, essentiellement la résisti-vité et la présence d’argile (gamma ray). La reconnaissance des formations est particu-lièrement importante durant la phase d’ap-proche du réservoir afin de pouvoir se caler, en profondeur, sur les coupes géologiques prévisionnelles. Cela permettra d’ajuster la trajectoire d’atterrissage dès que les mar-queurs qui annoncent le toit du réservoir seront identifiés. Dans la section horizon-tale du puits, l’information est aussi très importante : tout élément de changement de faciès (sortie du réservoir, approche du plan d’eau/gaz...) permettra de réagir rapi-dement pour corriger la trajectoire. Ne pas oublier que le capteur MWD/LWD se situe en général à plus ou moins 10 m derrière l’outil : il faut donc bien anticiper la réaction de la garniture au changement de direction et c’est là que l’expérience du « déviateur » est importante. Ces systèmes permettent aussi :

> d’identifier les modifications de réser-voir : porosité, fluides ;

> de révéler les failles assez tôt pour réa-gir aux problèmes potentiels ;

> de détecter les frontières fluides ; > de définir les points de carottage et de

tubage plus tôt.

Au milieu des années 1970, Gearhart-Owen et Teleco Oil-field Services, auxquels Elf

Aquitaine a accordé des licences, sont les « développeurs » du MWD. En 1978, après des tests fructueux dans le golfe du Mexique, Teleco Oilfield Services lance la première version commerciale. Dans la fou-lée, plusieurs sociétés de services – Schlumberger, Sperry-Sun, Exlog, Eastman Christensen – s’impliquent dans la recherche et l’ingénierie MWD et LWD.

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Atteindre la cible plus rapidementLe Télépilote : un raccord coudé à angle variableEn forage dirigé, l’emploi d’un moteur de fond surmonté d’un raccord coudé est cou-rant pour réaliser l’amorce de la déviation ou pour des corrections d’azimut sous des inclinaisons inférieures à 50/55°. Jusqu’ici, pour atteindre la cible, il fallait modifier plu-sieurs fois l’angle de ce raccord coudé, ce qui obligeait à remonter la garniture de fo-rage en surface pour l’équiper du rapport coudé adapté.Les « plus » du Télépilote ? Un raccord coudé à angle variable, modifiable depuis la surface. Le Télépilote est composé de deux corps cylindriques – un élément su-périeur fixe, un élément inférieur mobile – reliés entre eux par un arbre solidaire. L’axe du cylindre inférieur est oblique par rapport aux éléments principaux. La rotation de ce cylindre est activée par l’augmentation du débit de boue.> Intéressant sur le papier, le dispositif développé par la R&D ne suscite pas l’ad-hésion sur le terrain. Son fonctionnement est aléatoire, il est basé sur les capacités hydrauliques de l’appareil de forage et de-mande donc une bonne prévision des para-mètres débit et densité de boue jusqu’à la fin de la phase. Il sera abandonné.

Reconnaître le réservoirDiagraphies « nouvelle génération » signées SIMPHOR Inventé par Christian Wittrisch, ingénieur de recherche pour l’IFP (département Géo-physique et Instruments), le Système d’ins-trumentation et de mesures en puits hori-zontaux (SIMPHOR) est préconisé dès 1981 par l’équipe de recherche « FORHOR » pour réaliser des diagraphies de qualité égale à celle obtenue sur les puits convention-nels, dans des drains fortement déviés et horizontaux. L’équipement est utilisé sur le forage expérimental LACQ 91 : les diagra-phies couvrent un drain horizontal de 470 m de longueur à 670 m de profondeur. Elles ont été réalisées en trois portions de 150 m avec enregistrement à la descente et à la montée. Une première !Comment ça marche ?

> Une sonde de diagraphie et son carter de progression sont fixés au support de sonde. L’ensemble est vissé à l’extrémi-té de la première tige de forage et des-cendu jusqu’à la zone à enregistrer par ajout de tiges.

> Une connexion électrique est assurée entre le support de sonde et le câble électrique de transmission situé à l’inté-rieur des tiges.

> Un raccord d’entrée latérale (REL) fait passer le câble de l’intérieur vers l’ex-térieur des tiges dans la partie verticale ou faiblement inclinée du puits.

> Le déplacement des tiges permet l’en-registrement de la mesure ou l’opéra-tion de complétion.

Diagraphies aller-retour par descente et remontée des tiges de forage

Principe de fonctionnement du Télépilote

Axe du module supérieur

Axe du piston

Axe du module inférieur

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2. Le train de forage

C’est l’ensemble du matériel tubulaire qui relie le trépan à la surface et transmet donc rotation et poids. Il se divise en deux élé-ments :

La garniture de fond C’est la partie dédiée à la déviation, sa mesure et son comportement. Il existe plusieurs types d’assemblage : rotary et moteurs de fond. Dans tous les cas, la gar-niture de fond est réduite au minimum  : une ou deux masse-tiges DC (Drill Collar) amagnétiques, MWD/LWD stabilisateurs et moteur suivant le cas. Pas de poids inutile. > L’assemblage rotary

En mode rotary, on utilise à la fois l’effet de la gravité et de la flexibilité des élé-ments, l’ensemble réagissant comme une poutre sur des appuis soumise à une force axiale, avec le poids sur l’ou-til. Les variations de ce poids et de la vitesse de rotation peuvent modifier le comportement directionnel des gar-nitures. Il faut tâtonner pour trouver le bon assemblage. Le logiciel ORPHÉE 2D, développé par Elf/Total, permet-tait d’optimiser le choix de la garniture. Mais en cas d’échec, il fallait remonter à la surface pour changer la position des stabilisateurs. Il existe trois types de garnitures : garnitures de montée en déviation, lente ou rapide, garnitures stabilisées, et garnitures pendulaires, la différence se concrétisant par l’empla-cement des stabilisateurs dans chaque configuration. À noter que le MWD/LWD est situé très près de l’outil.

Assemblage de fond

Assemblage de build up rotary

Assemblage de build up

cracker rotary

Assemblage stabilisé rotary

Seuls les moteurs volumétriques (Posi-tive Displacement Motors ou PDM), dé-rivés de la pompe MOINEAU, ont béné-ficié de grandes avancées techniques, depuis le simple moteur droit associé à un raccord coudé jusqu'aux récents « steerable systems ». Lents ou rapides, courts ou longs, lisses ou associés à des stabilisateurs, coudés, double coudés, toutes les configurations sont possibles. Chacune correspond à une utilisation précise : montée en déviation ou en stabilisation, nature des terrains et donc de l'outil de forage. Bien sûr, les mesures de fond sont remontées au-dessus du moteur donc, quelque 9  m plus loin de l'outil qu'en mode rotary pur.

La garniture de forage, tiges et masse-tigesElle assure la liaison entre l'assemblage de fond et la surface. En forage vertical, les éléments lourds (masse-tiges, en anglais Drill Collar, DC) sont placés au-dessus de l'outil. Le point neutre est maintenu dans ces DC dont la partie inférieure travaille en compression et la partie supérieure en ten-sion. Les tiges de forage travaillent donc en tension, c'est normal.En puits très inclinés ou horizontaux, il faut déplacer ces éléments dans la partie « faiblement » inclinée ou verticale pour avoir une réserve de poids suffisante. C'est la garniture inversée. On pousse sur les tiges  : elles vont maintenant travailler en compression entraînant des risques de flambage. Des études ont déterminé la charge axiale critique au-delà de laquelle

Moteur et raccord coudé

Moteur avec bent housing

le phénomène apparaît, et ceci pour diffé-rents diamètres de forage et de tiges. Ceci a permis de définir des configurations par-ticulières des tiges de forage en combinant tiges classiques et tiges dites « lourdes » (Heavy Weight Drill Pipe, HWDP) de diffé-rents grades.

LES FROTTEMENTS ET LE COUPLE

C’est un des problèmes majeurs des puits très déviés et horizontaux. La grande partie de la garniture de fo-rage reposant sur la génératrice basse du trou engendre des frottements qui peuvent devenir critiques en augmen-tant le couple de mise en rotation de la garniture et les tensions au crochet lors des manœuvres. Il faut donc évaluer et limiter ces frottements. Pour cela, on pouvait utiliser le logiciel FRISSON pour une estimation correcte de la va-leur de ces frottements. L’expérience a montré que pour les minimiser, il faut : - optimiser le coefficient de friction

de la boue et le profil de déviation ; - diminuer le poids de la partie « hori-

zontale » de la garniture.Il n’existe pas de profil idéal minimisant à la fois les frottements en manœuvre et le couple. Cependant, l’expérience a permis de déterminer des profils plus favorables en choisissant la position et la valeur des gradients de montée en déviation.

> L’assemblage moteurs de fondLes turbines à aubages, telles les turbines Neyrpic, ne sont plus guère utilisées en forage classique et encore moins en forage horizontal. Elles servaient, en configurations courtes, avec un raccord coudé au démarrage de la déviation.

Raccord coudé, moteur et

bent housing

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TAL FORAGE HORIZONTALDES ÉQUATIONS AU TERRAIN

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1. Deux puits-tests sur le bassin de Lacq au début des années 19805.

DES ÉQUATIONS AU TERRAIN

1. Deux puits-tests sur le bassin de Lacq au début des années 1980

Forer, observer, résoudre !En 1979, Bernard Astier, ingénieur au ser-vice Études du département Forage d’Elf Aquitaine, est nommé chef de projet « Fo-rage horizontal ». Pendant un an, il dirige et coordonne les études de faisabilité et les expérimentations techniques confiées au laboratoire de Boussens. « Nous démar-rions de zéro. Une fois le site de Lacq re-tenu, nous avons essayé de définir le meil-leur profil de trajectoire du puits LACQ 90, puis nous avons précisé les cotes de pose des différents tubages ». Volontairement, l’équipe de R&D part sur un programme très « libre » pour que les responsables de chan-tier puissent prendre les meilleures déci-sions in situ, en fonction de l’évolution de la trajectoire et du forage en général, tout par-ticulièrement au-delà de l’inclinaison de 70°. « Les opérations étaient gérées au jour le jour, mètre après mètre. Les membres de l’équipe étaient enthousiastes, motivés par le challenge un peu fou du forage horizon-tal… Certains d’entre nous n’ont pas beau-coup dormi pendant les 44 jours du forage de LACQ 90 (mai-juin 1980) ! ». Le résultat vaut bien quelques insomnies : le forage fait 1 086 m de long, dont 270 m dans le réser-voir et… 100 m à l’horizontal. Une première mondiale !

Pour la première fois en 1980, sur le champ de Lacq supérieur, l’équipe a réussi à forer un puits qui pénètre horizontalement à l’in-térieur d’un gisement d’hydrocarbures sur une très grande longueur. Le vieux « rêve » des producteurs se réalise.

Dans le cadre du programme de re-cherche « FORHOR », deux forages horizontaux expérimentaux, LACQ 90

et LACQ 91, ont été réalisés pour valider la technologie.

LACQ 90, une première mondialeLe choix du siteCe sera Lacq, au pied des Pyrénées ! Plus précisément le gisement d’huile du champ de Lacq supérieur. Un site qui répond aux exigences de l’équipe projet :

> le périmètre fait l’objet d’une autorisation d’exploitation du Service des Mines ;

> le site est contrôlé à 100 % par Elf Aqui-taine ;

> le dispositif de sécurité est rodé ; > la logistique est simplifiée avec la pré-

sence sur place des services centraux d’Elf Aquitaine et de sociétés de ser-vices, dont Top Services ;

> la nature du gisement permet d’espérer une relance de la production.

Les objectifs > Confirmer la faisabilité « globale » du fo-

rage horizontal sur un gisement connu à faible profondeur.

> Identifier les problèmes nouveaux et les analyser.

> Appréhender les limites de la technique en laissant l’initiative au personnel du chan-tier.

> Limiter l’utilisation de la méthode « moteur de fond – raccord coudé » en privilégiant les garnitures rotary.

> Cerner l’enveloppe des coûts.

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TAL FORAGE HORIZONTALDES ÉQUATIONS AU TERRAINDES ÉQUATIONS AU TERRAIN

LE VIRAGE À 90°

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Profil du puits LACQ 90

Les résultats > 44 jours pour forer 1 086 m. > 270 m dans le réservoir dont 100 m à

l’horizontale. > Utilisation et adaptation des méthodes

conventionnelles. > Prise de trois carottes à l’horizontale. > Contrôle très satisfaisant de la trajec-

toire. > Très bon comportement du puits mis en

production. > Temps de forage raisonnable pour un tel

challenge. > Efficacité de la supervision.

Confirmer et réduire les coûts !À peine un an après ce premier succès de forage à l’horizontale, le programme de R&D « FORHOR » lance un second puits expérimental pour confirmer la technolo-gie, l’améliorer et forer un drain horizontal encore plus long… Muté en Chine, Bernard Astier a passé le flambeau à André Jourdan. « Bernard m’a remis tous les rapports de fo-rage de LACQ 90. J’ai rédigé un bilan que je suis allé présenter au comité de gestion de “FORHOR” à Paris. J’ai conclu en sug-gérant de faire un second puits pour prou-ver que la réussite du premier n’était pas un coup de chance ». Le « pour » l’emporte ! Il fallait bien être sûr de la technique avant d’aller forer sur le gisement de Rospo Mare, objectif principal de ce projet. Le second forage expérimental LACQ 91 démarre en mars 1981. Verdict ? Cela marche de mieux en mieux ! Le puits est livré 42 jours plus tard. Il fait 1 250 m de longueur, dont 470 m dans le réservoir. La portion horizontale at-teint 370  m ; elle est presque 4 fois plus longue que sur LACQ 90.

LACQ 91Les objectifs

> Confirmer les méthodes utilisées sur LACQ 90.

> Pousser plus loin les performances et les expérimentations quitte à prendre des risques calculés.

> Optimiser les méthodes, en particulier les diagraphies de fin de trou et d’équipe-ments de production.

Les résultats > 42 jours pour forer 1 250 m. > 470 m dans le réservoir dont 370 m

à l’horizontale. > Prise de 5 carottes à l’horizontale. > Le profil réalisé est la répétition presque

parfaite de celui de LACQ 90, ce qui prouve la bonne maîtrise de la trajec-toire en terrain connu.

> Premières diagraphies SIMPHOR enre-gistrées dans le trou ouvert horizontal (première mondiale).

> Mise en production : venue d’eau im-portante nécessitant une intervention.

Vue d’ensemble des carottes prélevées horizontalement dans le drain de LACQ 91 avec un turbocarottier

GAINS DE PRODUCTION CONFIRMÉS SUR CASTÉRA-LOU

Foré mi-1983, le puits horizontal de Castéra-Lou a deux objectifs : accroître la production et valider la technique à grande profondeur, avec une cible à 3 000 m. « En cours de forage du drain horizontal, une “venue” de pétrole est survenue, que nous avons mis plus de deux jours à contrôler en alourdissant la boue. Une première en puits horizontal », se souvient Philippe Coffin, superviseur de forage sur le puits. Premiers résultats ? Le puits démarre avec une production 4 fois supérieure à celle d’un puits vertical. En 1999, le bilan reste positif : le puits continue de produire plus que ses homologues verticaux et, surtout, affiche une production 3,9 fois supérieure en cumulé. Ceci malgré un parcours marqué par l’ouverture d’une fissure et une venue importante d’eau. Autre constat : la grande profondeur n’a pas eu d’impact négatif sur la conduite du forage. Un résultat qui élargit considérablement le champ d’application de la technique. On pense déjà aux grandes longueurs, aux grands déports…

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TAL FORAGE HORIZONTALROSPO MARE 6, UNE AUTRE PREMIÈRE MONDIALE

PESCARA

ORTONA

VASTO

TERMOLI

VICO DEL GARGANOVIESTE

SAN SEVERO

LE VIRAGE À 90°

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1. La R&D s’attaque à l’offshore6.ROSPO MARE 6, UNE AUTRE PREMIÈRE MONDIALE

1. La R&D s’attaque à l’offshore

2. Les difficultés, les choix techniques

l’expérience. Une équipe est formée : elle fore Rospo Mare 6 en 71 jours entre jan-vier et avril 1982. La longueur du puits est de 2 316 m, dont une section horizontale de 370 m à une profondeur de 1 370 m. Le fo-rage traverse le gisement sur 606 m. Encore un succès ! Rapidement, le puits pro-duit 3 000 barils par jour, 20 fois plus que les puits verticaux voisins. Ce qui fait passer les réserves récupérables, jusque-là proches de zéro, à 450 millions de barils… Assez pour sauver la filiale italienne et la faire grandir ! Le champ de Rospo Mare, premier gise-ment d’Europe par le volume des réserves, va très vite devenir le premier champ d’huile du monde produit via des puits horizontaux. Il confirme le leadership du Groupe sur cette technologie qui commence à intéresser les majors. En 1992, 27 puits sont opérationnels. Le coût très élevé du premier forage – 3 fois celui d’un puits vertical – a été ramené à un ratio de 1,2.

Fin 1981, la production de Rospo Mare est proche de zéro et la filiale italienne Elf Idrocarburi Italiana au bord du

gouffre. Les forages verticaux ne viennent pas à bout de cet énorme réservoir karstique très fracturé. Le forage horizontal devient le seul espoir. « Il faut se rappeler que, depuis 1979, l’application industrielle de la tech-nologie sur Rospo Mare constitue la princi-pale “locomotive” des efforts de recherche consentis par le groupe Elf Aquitaine », com-mente André Jourdan. Les réussites enregis-trées par le programme « FORHOR » sur les puits onshore LACQ 90 et LACQ 91 ouvrent la voie. Un nouveau challenge pour l’équipe R&D : cette fois il s’agit de forer offshore, en mer Adriatique au large de Pescara, et de produire un gisement pas tout à fait comme les autres, visqueux et peu épais. Un envi-ronnement beaucoup plus complexe que les formations de Lacq.L’adjoint au directeur de la R&D, Jacques Bosio, convainc le management de tenter

PROMONTORIO DEL GARGANIO

ROSPO MARE

MER ADRIATIQUE

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TAL FORAGE HORIZONTALROSPO MARE 6, UNE AUTRE PREMIÈRE MONDIALEROSPO MARE 6, UNE AUTRE PREMIÈRE MONDIALE

« Un épisode a marqué le jeune géologue que j’étais ! Les carottes étaient analysées

à Pescara, la base opérationnelle d’Elf Aquitaine sur les bords de l’Adriatique. Je travaillais avec Henri Soudet, géologue, qui avait commencé les études des puits d’appréciation. Pour Rospo Mare  6, six carottes sur les huit avaient été prélevées dans le réservoir. Sur les deux dernières, on ne retrouvait pas le calcaire franc karstifié du réservoir mais un calcaire argileux vert caractéristique de la couverture… J’en ai conclu que le forage était sorti du réservoir dans sa dernière partie  ! Les chefs étaient dubitatifs… Et pourtant… Quelques jours plus tard, les biostratigraphes du laboratoire de Boussens ont confirmé un âge oligo-miocène. Le toit du paléo-karst et donc du gisement devait présenter une morphologie beaucoup plus contrastée que prévue, avec des paléo-vallées et des dolines caractéristiques d’une morphologie karstique.

Pour se remettre dans les conditions de l’époque, il faut se rappeler qu’il n’y avait pas de geosteering et pas de sismique 3D pour implanter les puits… Les diagraphies enregistrées à la fin du forage ont donc validé l’hypothèse et permis d’affiner l’interprétation en mettant en évidence une deuxième dépression. De retour au labo, grâce à nos amis foreurs qui avaient utilisé un

carottier à griffes permettant d’orienter les carottes dans l’espace, des études plus précises ont été réalisées, avec un système de gouttière inclinée permet-tant de les remettre en position de fond. Les analogies avec ce qu’on connais-sait des karsts ont permis de faire une coupe interprétative de RSM-6d. Cette coupe est restée dans les mémoires, elle a été reprise dans de nombreuses publications.

En 1986, le logiciel SISMAGE®, déve-loppé par Noomane Keskes, entre en scène. La sismique 3D a définitivement confirmé la morphologie contrastée du toit du réservoir karstique avec des dé-pressions circulaires de type dolines et des vallées. Il est évident que pour im-planter d’autres puits horizontaux, il fal-lait connaitre cette paléo-morphologie.

Après le forage de ce premier puits horizontal, le développement de Rospo Mare s’est poursuivi avec la plateforme B et son premier cluster de cinq puits horizontaux réalisés en 1986 et 1987. Une routine pour les foreurs qui ont associé forage horizontal et puits à grands déports ! Et la confirmation de l’intérêt des puits horizontaux pour la production : les 600 m de la portion horizontale des puits qui explorent la partie supérieure du karst en recoupant des drains verticaux ont multiplié par 20 la productivité des puits par rapport à un puits vertical. »

Patrick SORRIAUX Ingénieur Géologue

600 mètres à l’horizontale, une production multipliée par 20 !

Crédits Patrick Sorriaux

LE VIRAGE À 90°

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2. Les difficultés, les choix techniques

Sur LACQ, « FORHOR » devait « seu-lement » démontrer la faisabilité tech-nique du forage horizontal. Sur Ros-

po Mare 6, la barre est plus haute. Ce n’est plus une expérimentation, il s’agit de pro-duire sur un gisement en phase d’exploita-tion déclinante. L’équipe R&D veut prouver que la technologie peut donner une chance de production au réservoir italien. Elle doit adapter la feuille de route pour optimi-ser le forage dans un contexte géologique complexe (formation karstique hétérogène et fracturée) et obtenir un maximum d’in-formations sur la géologie du réservoir en renforçant le carottage et les diagraphies, prévoir une complétion de qualité… Aux 71 jours de forage, il faudra finalement ajouter 13 jours pour les mesures et la complétion. Huit carottes ont été prélevées, une série complète de mesures de forage a été réa-lisée avec la nouvelle méthode SIMPHOR avant l’installation de la complétion, un tube crépiné non cimenté.

Bloc diagramme Rospo Mare ROSPO MARE, IDÉAL POUR LA PRODUCTION HORIZONTALE !

- Dans la zone productrice, une per-méabilité uniquement liée aux fis-sures verticales.

- Un aquifère très actif provoquant des phénomènes de venues d’eau.

- Une situation offshore permettant de tirer parti des grands déports latéraux engendrés par les puits horizontaux.

Champ de Rospo Mare, profil de puits horizontal

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ELF AQUITAINE LANCE LE PROJET DE R&D « COMPLÉTION DES PUITS HORIZONTAUX »

1. Les puits-tests7.ELF AQUITAINE LANCE LE PROJET DE R&D « COMPLÉTION DES PUITS HORIZONTAUX »

1. Les puits-tests

2. L’inventaire des équipements de diagraphie et de complétion

section horizontale. Sur les puits-pilotes de LACQ, l’équipe de R&D a constaté qu’au-de-là d’une inclinaison de 60° des fragments de roches étaient meulés très finement sous l’effet de la garniture de forage et colma-taient partiellement la paroi de la formation géologique. Il est donc nécessaire, préala-blement à la mise en production, de pro-céder à un décolmatage du drain sur toute la longueur de la zone destinée à produire. Habituellement, cette opération est réalisée en injectant un acide dilué à travers la paroi du puits. En forage vertical les épaisseurs des formations à traiter sont relativement faibles, c’est donc assez simple de mettre l’acide en contact avec toute la paroi du ré-servoir traversé. Dans le cas d’un puits ho-rizontal, en raison de sa grande longueur, il est indispensable de répartir cet acide aussi uniformément que possible.Une méthode d’acidification originale a été mise au point et appliquée pour la première fois sur le puits LACQ 90.

> L’acide est mis en place à l’aide d’un tube descendant jusqu’au fond du puits.

> Le tube est ensuite déplacé à la fron-tière de la zone occupée par le volume d’acide.

> En surface, la tête de puits est fermée sur l’annulaire entre le tube et le cuve-lage du puits. Des volumes successifs d’eau et de gel sont injectés. Objectif : passer en force l’acide à travers les pa-rois de la portion concernée du drain.

> À l’intérieur du puits, l’acide est rempla-cé par un volume de fluide suffisamment visqueux pour ne plus être mis en mou-vement pendant la manœuvre.

En 1980, les drains horizontaux sont ré-alisés dans un but d’amélioration de la productivité des « gisements com-

plexes ». Un des enjeux majeurs consiste à maîtriser la production de ces puits hori-zontaux sur toute leur longueur – plusieurs centaines de mètres – mais aussi sur une durée de vie de plusieurs dizaines d’années.

Des tronçons indépendants pour pérenni-ser l’ouvrageIl s’agit d’empêcher l’effondrement des pa-rois du drain. Les risques d’instabilité de l’ouvrage sont aggravés par sa longueur, sa disposition horizontale rompt la symétrie de répartition des contraintes mécaniques développées dans la roche. La zone à pro-duire, qui fait plusieurs centaines de mètres, recoupe le plus souvent des faciès géolo-giques divers en raison des hétérogénéi-tés du gisement, ainsi que des fissures qui constituent parfois les cibles recherchées. Les variations des caractéristiques pétro-physiques de la matrice poreuse ont une influence importante sur les écoulements.Ces caractéristiques impliquent d’isoler des tronçons de puits homogènes qui seront mis en production indépendamment les uns des autres, chaque tronçon étant équipé et exploité de la manière la plus pertinente. Le système doit être suffisamment souple pour répondre aux modifications successives de la répartition des fluides dans le gisement au cours de la vie du puits.

Traiter le drain horizontal avant la mise en productionLors du forage d’un puits horizontal, une partie des déblais de forage reste dans la

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ELF AQUITAINE LANCE LE PROJET DE R&D « COMPLÉTION DES PUITS HORIZONTAUX »ELF AQUITAINE LANCE LE PROJET DE R&D « COMPLÉTION DES PUITS HORIZONTAUX »

Ces différentes opérations sont répétées autant de fois que nécessaire pour répartir l’acide uniformément tout le long du drain horizontal. L’utilisation de cette méthode a permis de multiplier la capacité de produc-tion du puits par 2,5 sous des conditions de pompage équivalentes.

Cloisonner les tronçons en vue d’une pro-duction sélectiveAu cours de la réalisation du drain horizontal du puits LACQ 91, les pertes de fluide de fo-rage et les diagraphies ont mis en évidence des fractures larges de quelques millimètres vers la cote 1 050 m. Celles-ci expliquent l’importante teneur en eau des volumes produits pendant les huit mois d’exploita-tion du puits.Après cette première phase, une opération de reprise du puits a été engagée afin de colmater la fracture et de tenter une pre-mière mise en production sélective du puits horizontal. Les étapes :

> après avoir remonté la colonne perforée mise en place à la fin du forage, le trou a été nettoyé ;

> pour vérifier que la majeure partie de l’eau produite provenait de la fracture observée précédemment, de l’eau froide a été injectée, puis des relevés de tem-pérature ont été réalisés à l’aide de sondes de thermométrie pour localiser le passage par lequel l’eau froide s’était introduite en refroidissant la roche envi-ronnante ;

> la mise en place et le déplacement si-multané à l’horizontale de trois sondes de thermométrie, chacune sur le tiers de

la longueur productrice du puits, repré-sentent une avancée en termes de dia-gnostic ;

> après une protection du fond du puits par bouchage provisoire avec du gel, la frac-ture a été colmatée en injectant quinze tonnes de laitier de ciment sur un mas-sif support constitué de deux tonnes de sable ;

> après nettoyage du trou, un second test d’injection a prouvé l’efficacité du colma-tage de la fracture ;

> la colonne destinée à équiper le puits a été descendue mais le gonflage des joints de formation par injection de laitier de ciment n’a pas permis d’isoler les tron-çons comme prévu. Après perforation des trous destinés à assurer le passage de ce laitier de ciment, la colonne a été cimentée. Par la suite, la qualité de la ci-mentation a été vérifiée via des méthodes hydrauliques et acoustiques.

À l’issue de ces travaux de reprise, le drain horizontal LACQ 91 se présentait en trois in-tervalles délimités par les deux joints de for-mation :

> le premier, équipé par un tubage cimenté, appelé tronçon amont ;

> le second, recouvrant la zone fracturée et colmatée, appelé tronçon intermédiaire ;

> le troisième, équipé d’une colonne de tu-bage préperforée (crépine), appelé tron-çon aval.

Ultérieurement, le tronçon amont a été perfo-ré, en utilisant la méthode SIMPHOR.Les deux autres tronçons ont produit simul-tanément et indépendamment grâce à deux pompes, chacune incorporée à son propre train de tubes de production.

2. L’inventaire des équipements de diagraphie et de complétion

Le début des années 1980 est une étape charnière pour les diagraphies, la com-plétion et la maintenance des puits.

Les techniques utilisées jusque-là dans un contexte de forage vertical suscitent des in-terrogations.

> Est-il possible de les transposer aux puits horizontaux ?

> Quelle sorte de complétion faut-il utiliser ? > Quels sont les moyens et les procédures

utilisables sur ce type de puits ? > Est-il vraiment possible d’effectuer les

mêmes opérations sur un drain horizon-tal et un puits conventionnel ?

Elf Aquitaine et l’IFP mobilisent la R&D pour apporter des réponses. Les projets « Complétion des puits horizontaux » et «  Production des puits horizontaux – PRODHOR » mettent en évidence les «  difficultés supplémentaires générées par le forage horizontal  » – force de gravité, longueur du drain – qui impliquent d’adapter les outils conventionnels et d’en concevoir de nouveaux, propres aux puits horizontaux.

DiagraphiesLes diagraphies au câble électrique, cou-ramment utilisées jusqu’à des déviations de l’ordre de 65 à 70°, cèdent le pas à d’autres technologies : > le LWD (Logging While Drilling) est la

première méthode qui permet d’avoir des informations en temps réel sur le réservoir : rayons gamma, résistivité, température, densité (density tool) ;

> le SIMPHOR, développé par l’IFP, ainsi que des produits du même type commercialisés sous licence (Tough

Logging Conditions, Drill Pipe Conveyed Logging System) ;

> le Coiled Tubing, une technique simple et rapide à mettre en œuvre mais qui n’est pas la plus efficace pour pousser les outils sur une longue distance hori-zontale ;

> le Stinger pompable est une pompe qui projette les outils de diagraphie à tra-vers les tiges de forage. Cette méthode de type « sarbacane » ne peut être uti-lisée que pour des outils de faible dia-mètre.

Complétion par colonne perdue (liner)La plupart des drains horizontaux sont équi-pés de crépines à fentes. D’autres confi-gurations sont possibles : drain non tubé, colonne cimentée, colonne pré-perforée partiellement cimentée avec des garnitures d’étanchéité externes… Dans l’idéal, le drain ne croise qu’un seul réservoir, ne traverse qu’un fluide, subit une pression unique et constante ! Dans ce cas, si la résistance géomécanique est suffisante, le puits peut rester non tubé et être simplement équipé d’une colonne pré-perforée.D’autres solutions doivent être adoptées si la configuration n’est pas idéale : hétéro-généités importantes, failles, faciès variés, poches de gaz (gas cap), réseaux alimentés par l’aquifère, plusieurs réservoirs traver-sés… Dans ces cas, il faut isoler certaines portions et se prémunir des flux aléatoires (fluides, eau). Deux techniques sont préco-nisées : la cimentation et les packers de tu-bage gonflables.

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ELF AQUITAINE LANCE LE PROJET DE R&D « COMPLÉTION DES PUITS HORIZONTAUX »ELF AQUITAINE LANCE LE PROJET DE R&D « COMPLÉTION DES PUITS HORIZONTAUX »

Design de complétionLa complétion repose sur des données telles que la nature des roches, les fluides rencontrés, la présence d’hétérogénéités… Mais choisir le meilleur design signifie pouvoir tenir compte également de l’influx de fluides. Ce qui est relativement simple dans un puits vertical l’est beaucoup moins dans un puits horizontal. Ainsi est-il parti-culièrement difficile de prédire les points de contact huile-eau, les cônes de gaz, etc. qui peuvent survenir à n’importe quel moment tout au long du drain horizontal. Une inconnue subsiste et il est parfois dif-ficile de choisir la bonne complétion avant d’avoir observé le puits. Sur Rospo Mare, les drains n’ont pas été tubés pour pouvoir installer un liner adapté en fonction des flux. Sur LACQ 91, un nouveau liner a rem-placé l’initial au bout d’un an pour mieux isoler le puits des venues d’eau.

Cimentation du drainLa cimentation du drain pose deux pro-blèmes qu’il faut réussir à éviter : la for-mation d’eau dans la partie supérieure et la présence de canaux de boue résiduelle. Des tests de laboratoires ont confirmé les techniques suivantes : > Nettoyage du puits

Le déplacement des déblais vers la sur-face est beaucoup plus complexe dans la partie horizontale que dans la portion comprise entre 30 et 65° d’inclinaison. La méthode d’évacuation des déblais sera différente dans les deux sections.

> TubageLe centrage du tubage par un disposi-tif de centreurs et de stabilisateurs doit laisser un espace suffisant au niveau de l’annulaire pour empêcher le piégeage de la boue de forage.

> Espacement boue-cimentIl doit être suffisamment important pour éviter le piégeage de la boue.

> CimentUn laitier de ciment sera utilisé pour évi-ter la migration d’eau.

> PompageSi possible, le ciment sera pompé en régime turbulent (turbulent flow condi-tions).

> DiagraphiesPour vérifier les résultats de la cimen-tation, il est nécessaire de centrer les outils de logging ou d’utiliser des outils appliqués directement sur le tubage.

PerforationLes techniques – Coiled Tubing, Stinger pompable, SIMPHOR – peuvent être utili-sées pour perforer le ciment d’une colonne de drain horizontal. Elles complètent la mé-thode du TCP (Tubing Conveyed Perforator) parfaitement appropriée pour les forages horizontaux. Le coût de la perforation – très élevé – est un élément-clé dans le choix de la méthode. Il remet aussi en question la nécessité de cimenter la colonne.

Contrôle du sableIl est essentiel dans les réservoirs clastiques (à sable) non consolidés. L’accumulation de sable sur la colonne, même en petites quan-tités, peut causer des problèmes en opéra-tions. Plusieurs dispositifs ont été testés : > Consolidation chimique

Utilisée sur des puits verticaux, elle n’est pas efficace sur les drains hori-zontaux.

> Garniture de graviersLes graviers forment un filtre efficace à condition qu’ils soient suffisamment compactés.

> Filtres à sableTous les tests convergent pour dire que c’est une solution performante, largement plébiscitée sur les drains horizontaux.

StimulationComme pour les puits conventionnels, les procédures de stimulation de tout ou partie d’un drain horizontal dépendent de la com-plétion du puits (trou ouvert, tubé et cimen-té, non cimenté, équipé de filtres à sable, tubage de production…). > Acidification

Sur un trou ouvert de drain horizontal, il est possible d’acidifier l’ensemble du drain ou de procéder par section en iso-lant les zones traitées. Dans le cas d’un tubage cimenté et perforé, il est conseil-lé d’utiliser un outil à coupelle (cup tool) pour faire passer le fluide acidifié à tra-vers le tubage. Le tubage non cimenté et non perforé s’avère être la configuration la plus fréquente et la plus complexe.

FracturationLes dispositifs des puits conventionnels – notamment la fracturation hydraulique avec des agents de soutènement sur une colonne cimentée – peuvent être utilisés sur des drains horizontaux. Les équipements de fracturation, les packers, les perforations, les bouchons de colmatage de puits, les fluides… sont facilement transposables.

Équipement de complétionQuelques drains horizontaux sont mis en production avec une complétion unique. D’autres présentent une double complé-tion. Lorsque le tubage divise le drain en plusieurs sections, des moyens de produc-tion sélectifs peuvent être mis en place.

Équipement de complétion

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ELF AQUITAINE LANCE LE PROJET DE R&D « COMPLÉTION DES PUITS HORIZONTAUX »ELF AQUITAINE LANCE LE PROJET DE R&D « COMPLÉTION DES PUITS HORIZONTAUX »

« J’étais chef du service Exploitation en Italie lorsque le premier puits

horizontal de Rospo Mare a été foré. Il a fallu que je trouve la com-plétion la plus adaptée avant même que la recherche s’en mêle… Trois ans plus tard, en 1985, lorsque je suis rentré au siège après un poste de chef de la complétion au Ga-bon, on m’a proposé de prendre la responsabilité du projet de R&D “Complétion des puits”, lancé conjointement par Elf Aquitaine et l’IFP, dont un des volets était foca-lisé sur la cimentation des liners.

En 1987, Elf Aquitaine a souhaité aller plus loin avec un second projet de R&D “Production des puits horizontaux – PRODHOR”. Cette nouvelle phase comprenait un volet “Gisement” et un volet “Production”. Ce dernier cherchait à répondre aux questions suivantes  : comment réaliser, en puits horizontaux, tout ce qui se faisait en puits classiques ? Quelles étaient les limites des équipements et techniques ? Par quoi les remplacer ?... Ceci concernait, outre le centrage et la cimentation

des liners, les équipements de complétion, y compris ceux de pompage, le travail au câble, les perforations, le logging de production, le contrôle des sables, le traitement, l’acidification et la stimulation… Nous avons impliqué des filiales et des sociétés de services pour tester des packers gonflables, insérer un câble de logging dans un Coiled Tubing, vérifier la faisabilité en logging production… Le volet “Gisement” a lui aussi été approfondi avec l’étude de la circulation des fluides, en particulier les montées d’eau autour des drains. Avec André Jourdan, nous sommes allés dans les filiales expliquer l’intérêt des puits horizontaux et montrer l’avancement de notre savoir-faire dans ce domaine. Nous avons aussi participé à des congrès et conférences à Houston, à Calgary ou Los Angeles… Mon implication au sein de l’équipe R&D “puits horizontaux” a duré de 1985 à 1992, sept années dans un monde alors complètement nouveau et pour lequel tout était à imaginer. »

Le « Monsieur complétion » du forage horizontal

8.LES DIX PREMIÈRES ANNÉES DU FORAGE HORIZONTAL

1. Elf Aquitaine a foré 50 puits entre 1980 et 1992

2. La carte des forages horizontaux dans le Groupe (1980-1992)

Alain SPREUXIngénieur Complétion, responsable du projet de R&D « PRODHOR »

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LES DIX PREMIÈRES ANNÉES DU FORAGE HORIZONTAL LES DIX PREMIÈRES ANNÉES DU FORAGE HORIZONTAL

Après la méfiance, l’enthousiasme ! Le contexte est porteur… Elf Aquitaine est très vite considéré comme la

référence du forage horizontal. Ses experts sont sollicités partout dans le monde. Il faut dire que tout est allé très vite. En dix ans, Elf Aquitaine a foré la bagatelle de 27 kilomètres de puits horizontaux. Mission accomplie pour le programme de R&D « FORHOR » qui s’achève en 1983 : les quatre puits forés – LACQ 90, LACQ 91, Rospo Mare 6 et Castéra-Lou 110 – confirment la faisabilité technique et économique du forage horizontal. L’aventure peut continuer…Parallèlement au projet « FORHOR », Elf Aquitaine et Total ont participé à un projet de recherche international, managé par Mobil, sur la faisabilité des puits à grands déports ERD. Des puits qui sont dès le départ déviés à plus de 70 ou 80° afin d’atteindre des cibles très éloignées et qui peuvent se terminer par des phases horizontales.La filiale Italie, dans les starting-blocks de-puis plusieurs années pour produire le gise-ment de Rospo Mare, lance une première campagne de forage (Rospo Mare B) en 1986-1987 ; Zuidwal suit en 1988. L’ac-tivité « puits horizontaux » s’emballe sur les puits opérés et non opérés. En 1990, l’engouement devient mondial, dû notam-ment au développement des Austin Chalk (USA). Elf Aquitaine développe des partena-riats avec Shell (champ de Rabi, 18 puits), Amoco* (Valhall, 7 puits), Norsk Hydro (Troll, 2 puits), Agip, BP, Chevron...

1. Elf Aquitaine a foré 50 puits entre 1980 et 1992

*Depuis, Amoco a été racheté par BP, et Norsk Hydro par Statoil.

Le « Bilan des puits horizontaux 80-92 », publié par Elf Aquitaine en février 1993, donne le ton.

> 50 puits forés en dix ans, dont 25 sur le gisement de Rospo Mare.

> Une longueur moyenne des drains hori-zontaux de 600 m.

> Une profondeur verticale comprise entre 600 et 4 000 m.

> Un ratio de coût de 1,5 par rapport à un puits conventionnel vertical ou dévié.

> Un ratio des réserves développées compris entre 1 et 9 avec une moyenne de 2,5 par rapport à un puits conven-tionnel vertical ou dévié.

> Seulement 5 échecs en dix ans : mau-vaise définition de la cible, puits à haut risque.

Positif ! > Augmentation des réserves dévelop-

pées par puits. > Baisse des coûts des installations de

surface (plateformes notamment). > Baisse des coûts d’exploitation.

Champ de Rospo Mare (ELF AQUITAINE), production par puits

Quelques chiffres Des constats

> Les principales applications : le coning à l’eau ou au gaz, l’amélioration de la productivité, les gisements fracturés.

> La technique la plus utilisée : la mé-thode du long rayon de courbure.

> Un éventail large de formations forées à l’horizontale, sans contre-indication : sables inconsolidés, grès compacts, craie, dolomie, calcaire, granit.

> Les complétions les plus courantes : le liner crépiné non cimenté.

> Les incontournables pour réussir : une bonne description du réservoir, une sis-mique 3D de qualité.

> Surcoût des sondages. > Courbe d’apprentissage à développer.

Bilan économique (1992)

Peut mieux faire !Couverture du bulletin interne d’Elf Italiana

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2. La carte des forages horizontaux dans le Groupe (1980-1992)

FRANCE > Deux puits sur le bassin de Lacq (64)

pour acquérir la maîtrise du forage ho-rizontal - LACQ 90, implanté en 1980 sur une

zone compacte à l’est du champ de Lacq supérieur. Ce puits a produit 11 000 m3 entre 1980 et 1992.

- LACQ 91, foré en 1981 sur une zone compacte à l’ouest du champ Lacq supérieur. En milieu de drain hori-zontal, le forage a rencontré une zone très fissurée. En raison d’un pourcentage d’eau élevé, un essai d’isolation a été tenté en 1983. Fi-nalement le puits a dû être arrêté en mars 1986, ne produisant plus que de l’eau.

> Castéra-Lou – CLU110 – en 1983C’est le dernier puits réalisé dans le cadre du programme de R&D «  FORHOR  ». Objectif  : améliorer la productivité de la brèche de Garlin. La preuve est faite : au démarrage, le débit de production s’avère 4 fois supérieur à celui d’un puits vertical. CLU110 confirme les caractéristiques des puits horizontaux : un meilleur rendement initial, un déclin plus rapide, une grande sensibilité aux hétérogénéités.

> ChâteaurenardForé en 1986, le puits CR163 devait dé-montrer la faisabilité d’un puits horizon-tal dans des sables inconsolidés. Suc-cès mitigé.

> LACQ 414 foré en 1988 pour injecter de la vapeur entre deux lignes de puits pro-ducteurs.

ITALIE > Rospo Mare, une référence mondiale

L’important gisement offshore a été à l’origine des efforts consacrés par le Groupe aux techniques horizontales. Entre 1982 – année du premier forage test – et 1992, 27 puits ont été forés sur Rospo Mare, soit 50 % des puits horizontaux réalisés par Elf Aquitaine sur la même période. Avec le temps, la « courbe d’apprentissage » forage/com-plétion évolue : le coût d’un sondage horizontal n’est plus que de 1,2 fois celui d’un sondage vertical ou dévié, le débit initial est 4 fois supérieur avec un ratio de réserves de 3,3.

ÉTATS-UNIS/Nouveau-Mexique > Le puits Chacon Dakota CAD11 foré fin

1987 par Elf Aquitaine a été un échec. L’objectif de forage a été atteint – 610 m dans des formations de grès – mais le budget initial a été multiplié par deux pour une production décevante, de l’ordre de 10 barils par jour. Le puits a été abandonné. Un mauvais candidat gisement !

LES CHAMPS OPÉRÉS

PAYS-BAS > Zuidwal, premier gisement de gaz déve-

loppé par des puits horizontaux sur une zone sensible d’un point de vue écolo-gique (1988-1989). À partir de 1988, le champ est exploité par 6 puits déviés et 3 puits horizontaux (ZDWA6, ZDWA8 et ZDWA9). Le forage n’a posé aucune difficulté majeure avec un surcoût stabilisé à 30 %. Les puits de Zuidwal ont adopté un profil de drain novateur, en « baïonnette » ou « marche d’escalier », de manière à drainer deux formations séparées par une zone moins perméable. Les trois puits confir-ment une production de fond 2 fois supérieure à celle des puits conven-tionnels mais des pertes de charge im-portantes dans le tubing de production. Le puits ZDWA6, qui a pu être équipé d’un « gros » tubing de 5,5" de diamètre, affiche les meilleures performances.

> Champ de K6 (1991-1992)Forés en 1991 et 1992, les puits K6-C2, K6-D2, K6-DN2 et K6-DN3 ont bénéfi-cié d’une sismique 3D de qualité à l’ap-proche du réservoir. Les résultats ont permis de confirmer la profondeur et l’épaisseur de la cible en « éclairant » la zone d’atterrissage. Une première ! Les résultats de production sont conformes, voire supérieurs aux prévisions, sans pour autant confirmer la supériorité par rapport aux puits verticaux dont les per-formances ont été largement amélio-rées par acidification.

> Champ de L7 (1991)Objectif : produire les réserves de gaz du Slochteren supérieur et notamment un appendice horizontal du Slochte-ren inférieur à 4 000 m de profondeur. Le puits a été mis en production sur la partie supérieure, la partie horizontale a été finalement bouchée du fait de débits trop faibles.

> Harlingen HRL7En 1992, un puits horizontal est foré dans la craie en complément des quatre puits verticaux en production depuis 1988. Trois objectifs pour HRL7 : augmenter la productivité, assurer une meilleure garde à l’eau et accélérer la produc-tion. Mission accomplie : le puits produit 250 000 m3/jour, 5 fois plus qu’un puits vertical.

OMAN > Sahmah – SAH10 (1990)

La production a été quasiment nulle sur ce puits techniquement complexe : drain long (1 000 m) et profond, multifracturé, foré dans un réservoir très compact. A posteriori, un mauvais candidat.

ANGOLA > Bufalo – BUF106

En 1990, c’est le puits le plus profond réalisé par le Groupe : 525 m de drain à une profondeur de 3 370 m. Malheureu-sement, l’objectif n’a pas été rencontré à la cote prévue. La décision a été prise de descendre sous le plan d’eau et de transformer le puits en injecteur d’eau. Finalement la partie horizontale a été bouchée.

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GABON > N’Tchengué M’Bega – TCNE2HG (1990)

C’est le deuxième puits de développe-ment complémentaire du corps sableux M’Bega du champ N’Tchengué. La conduite du forage a été difficile avec trois side-tracks, dont deux techniques (coincement et back-off) et un géolo-gique (cote basale des grès dépassée). Le toit des grès a été rencontré 22 m plus bas que prévu. Sur les 400 m de drain horizontal, seulement 100 se sont avérés « utiles ».

> Coucal – Dico4H et Dico5H (1991-1992)Le gisement est un disque d’huile légère de 42 m d’épaisseur, situé dans les grès de Gamba et du Dentale. Le développe-ment repose sur deux puits verticaux et deux puits horizontaux.

CONGO > Émeraude – EMP-03 (1992)

C’est le troisième puits du pilote EMP, il vient compléter un puits vertical et un puits dévié. Il présente une architecture de puits spéciale avec un drain remon-tant et une pompe au point bas, d’où l’appellation « puits inverse ».

> Tchibouela – TBM 111Z (1992)Le premier des sept puits horizontaux programmés sur ce champ a commencé à produire début 1993, à 1 100 m3/jour.

ROYAUME-UNI > Clair – 206/7a-2 et 206/8-9z (1991-1992)

Le puits 206/7a-2 a été foré pour prou-ver la production d’huile par les frac-tures du socle (Lewisian) et la formation gréseuse supérieure. L’objectif a été atteint mais la quantité produite a été inférieure au « minimum économique ».

LES CHAMPS NON OPÉRÉS

LES CHAMPS OPÉRÉS 9.1983-1995 – LE TEMPS DE LA VALORISATION EXTERNE

1. Elf Aquitaine et l’IFP créent Horwell (1984)

2. Un contrat d’assistance pour CS Resources (Canada)

3. Le forage horizontal traverse les frontières

4. Le système SIMPHOR trouve des relais

5. Engouement international, l’industrie emboîte le pas

NORVÈGE > Troll (1989-1990), deux puits : 31/2-16S,

31/5-4AS1Opéré par Norsk HydroGroupe Elf Aquitaine 2,353 %.

GABON > Rabi, 50 puits verticaux, 17 puits hori-

zontaux (1989-1992) Opéré par Shell Gabon Groupe Elf Aquitaine 47,50 %. En 1993, la moitié de la production du champ provient des puits horizontaux.

> Echira – Ech-4 (1992)Opéré par Shell Gabon Groupe Elf Aquitaine 42,50 %.

ANGOLA > Cabinda, 4 puits (1992)

Opéré par ChevronGroupe Elf Aquitaine 10 %.

CONGO > Zatchi 215H

Opéré par Agip Groupe Elf Aquitaine 35 %.

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1. Elf Aquitaine et l’IFP créent Horwell (1984)

En 1983, les objectifs du programme de recherche « FORHOR » sont atteints :

> La faisabilité technique du forage hori-zontal est confirmée.

> La technologie a permis de valoriser des réserves considérées inaccessibles.

> La productivité des gisements est amé-liorée.

> Le surcoût – en diminution au fil des fo-rages – est largement compensé par la hausse de la production.

Les travaux pionniers d’Elf Aquitaine sur le forage horizontal deviennent une « référence », ses ingénieurs sont considérés comme des « experts ». C’est dans ce contexte euphorique, porté par un intérêt international, qu’Elf Aquitaine et l’IFP ont créé la société de services Horwell dont chacun est actionnaire à hauteur de 50 %. Sa vocation : essaimer la technologie, conseiller les sociétés porteuses de projets, réaliser des études… Le siège de la jeune filiale, dirigée par Jean-François Giannesini, est installé à Rueil-Malmaison  (92). Les prestations « à la carte  » sont assurées par les équipes techniques issues du programme de recherche « FORHOR ». De nombreux acteurs internationaux de l’Oil  & Gas ont sollicité l’expérience IFP/Elf Aquitaine via Horwell pour des études gisement, l’implantation d’une cible, le forage, la programmation et la supervision de chantier.

« La filiale vendait de l’en-gineering de puits, des programmes de forage

et de l’assistance sur chantier. Nous avons conçu et assisté la ré-alisation du premier puits horizon-tal de BP, Beckingham 36, dans la forêt de Sherwood, en Angleterre. Ensuite nous sommes allés au Da-nemark, sur le champ de Dan, pour assister Maersk. Puis en Inde pour réaliser les études des premiers puits horizontaux de la compagnie nationale ONGC. Je me rappelle de réunions interminables à Bom-bay, en face à face avec une cin-quantaine d’ingénieurs indiens qui nous bombardaient de questions !Globalement, cette expérience a été passionnante, riche en dépla-cements, en rencontres, en pro-blématiques techniques. Même si,

Philippe COFFIN et André JOURDAN

À la demande du management, nous avons intégré Horwell en 1984.

il faut le mentionner, le bien-fon-dé d’Horwell faisait débat à l’époque… Certains pensaient qu’Elf Aquitaine “bradait” son sa-voir-faire, que nos managers ne faisaient pas les bons choix.Et il est vrai que, très vite, nos “clients” ont volé de leurs propres ailes et nous ont parfois doublés. C’est BP, et non Elf Aquitaine, qui a battu le record du forage hori-zontal au Royaume-Uni  ! C’est Maersk qui est devenu le cham-pion du forage horizontal au Qatar en 2012 !Moins de dix ans après sa créa-tion, Horwell n’avait plus de clients. Le forage horizontal était devenu un standard. La filiale a été rachetée par une société de forage puis réorientée vers l’ex-tinction d’incendies au Koweït. »

2. Un contrat d’assistance pour CS Resources (Canada)

En 1987, un géologue canadien clairvoyant, Dennis Sharp, crée CS Resources. La nouvelle société

pétrolière a l’intention d’exploiter des gisements d’huile lourde très minces dans la région de Calgary, via la technologie du forage horizontal. Des champs, impossibles à produire avec des forages verticaux, sont rachetés pour quelques dollars symboliques à des majors pétrolières…

Dans la foulée, l’entrepreneur se rapproche de l’IFP et d’Elf Aquitaine avec lesquels il signe un accord de mise à disposition technologique d’une durée de trois ans. « Voilà comment je suis arrivé au Canada », explique Philippe Coffin, détaché d’Elf Aquitaine pour assurer cette mission d’assistance. « Entre 1988 et 1990, nous avons foré une cinquantaine de puits. Les résultats étaient impressionnants. Nous sommes passés d’une production nulle à 15 000 barils par jour, plus que la filiale Elf Aquitaine aux États-Unis ! »Au fil des puits, le temps moyen de forage sur le champ de Pelican Lake diminue : 30 jours pour le premier puits, 10 à 12 jours pour les derniers. En trois ans, l’effectif de la start-up gonfle de 2 à 70 personnes. En 1992, la technologie progresse encore et un puits horizontal avec branche multilatérale est foré. Dès 1989, Dennis Sharp, élu meilleur entrepreneur canadien en 1997, prépare l’introduction en bourse de CS Resources. Quelques années plus tard, le visionnaire cède l’entreprise pour la bagatelle de 500 millions de dollars canadiens et se lance dans l’aventure des sables bitumineux.

Appareil de forage en Alberta, 1989

1983-1995 – LE TEMPS DE LA VALORISATION EXTERNE 1983-1995 – LE TEMPS DE LA VALORISATION EXTERNE

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1983-1995 – LE TEMPS DE LA VALORISATION EXTERNE 1983-1995 – LE TEMPS DE LA VALORISATION EXTERNE

Les forages canadiens renforcent la technologie du forage horizontal. Pour la première fois l’équipe technique va utiliser des moteurs équipés d’un raccord coudé. Plus besoin de remonter la garniture de forage et de la changer pour modifier la direction ! En quelques mois, le temps de forage d’un puits a été divisé par trois. Pour pomper la production, des pompes Moineau à haut débit sont descendues à l’horizontale, une première mondiale. Des techniques qui ont été reprises par Total dans les années 2000 sur le projet de SINCOR/Petrocedeño (Venezuela).

3. Le forage horizontal traverse les frontières

Conférences, congrès, publications scientifiques, ouvrages de réfé-rence… Dès les années 1980, les in-

génieurs qui ont participé aux programmes « FORHOR » et « PRODHOR » deviennent les « ambassadeurs du forage horizontal ». Pas d’ordinateur, pas de PowerPoint… Alain Spreux et André Jourdan se rappellent avoir sillonné la planète avec leurs « dia-pos », dont certaines colorisées à la main. Une époque pionnière… À Luanda, ils ne se démontent pas lorsqu’une panne d’électri-cité met fin à la projection organisée pour le ministère du Pétrole… Un drap blanc et le tour est joué, les participants regarderont les transparents chacun leur tour sur une table ! Avec des commentaires en anglais, en portugais et en français.

« Je me rappelle d’une tournée aux États-Unis et au Canada

(Los Angeles, Houston, Calga-ry…). L’objectif était double : faire une conférence sur les atouts du forage horizontal à destination des acteurs de l’Oil & Gas mais aussi les questionner pour faire remonter tous les problèmes ren-contrés sur le terrain.

Avec André Jourdan, nous avons aussi fait un tour des filiales pour les inciter à faire les puits horizon-taux. Les débuts ont été difficiles, on nous prenait un peu pour des “charlatans”. D’ailleurs, l’interne a été beaucoup plus difficile à convaincre que l’externe, en dépit de la réussite de Rospo Mare. »

Alain SPREUXIngénieur Complétion, responsable du projet de R&D « PRODHOR »

Convaincre les filiales

Outil de forage PDC (polycrystalline diamond compact)

Carte de situation des champs de Pelican Lake et Winter, Canada

COLOMBIE BRITANNIQUE

ALBERTA

SASKATCHEWANPELICAN LAKE

EDMONTON

CALGARY

REGINA

WINTER

MER DE BAFFIN

BAIE D’HUDSON

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1983-1995 – LE TEMPS DE LA VALORISATION EXTERNE 1983-1995 – LE TEMPS DE LA VALORISATION EXTERNE

> 1980-1981 – Le succès du puits LACQ 90, fait l’objet d’une publication dans la revue Pe-troleum Engineer International: “Elf well turns 90 degree and stays there”. Suivie de près par un second article, cette fois sur LACQ 91 : “Elf drills 1,000 feet horizontally”. La technique commence à susciter curiosité et intérêt.

> 1982 – Les résultats du puits expérimental Rospo Mare 6 font la une des revues du secteur Oil & Gas. Les majors sont in-terpellées, elles ont envie d’en savoir plus. Plusieurs prennent contact avec les responsables du projet.

> 1983 – Dans la revue Pétrole Informations : “Review of hori-zontal drilling progress”.

> 1984 – Dans la revue Petroleum Engineer International : “Hori-zontal well proves productivity advantages”.

> 1987 – Premier forum interna-tional sur les puits horizontaux organisé par la SPE (Society of Petroleum Engineer). Elf Aqui-taine y présente ses réalisa-tions.

> 1988 – Oil & Gas Journal (Tech-nology) : “Elf has set up rules for horizontal drilling”, “Horizontal drilling has negative and posi-tive factors”.

> 1988-1989 – Les résultats de production des trois puits hori-zontaux de Zuidwal font l’objet d’une conférence SPE. Le pu-blic ne cache pas son intérêt.

> 1990-1991 – André Jourdan est sollicité par la SPE pour don-ner une série de conférences au Moyen-Orient, en Europe du Nord et aux États-Unis sur le thème : « Les puits horizontaux sont-ils rentables ? »

ILS PUBLIENT ! ILS TRANSMETTENT !

> LE CAIRE – novembre 1982 – EGPC Production Conference : “Horizontal drilling”.

> LONDRES – mars 1983 – 8e  SPWLA conference   : “Hori-zontal logging by SIMPHOR”.

> KRISTIANSAND – novembre 1983 – Northern European Dril-ling Conference : “Experiences in drilling of horizontal wells”.

> STAVANGER – mai 1984 – Offshore Northern Seas : “Re-servoir development through horizontal drilling”.

> HOUSTON – mai 1984 – Offshore Technology Conference : “Offshore and onshore Euro-pean horizontal wells”.

> CALGARY – juin 1984 – 5th an-nual technical conference “Ad-vances in petroleum recovery and upgrading technology”, “The four horizontal wells pro-ducing oil in Western Europe”.

> HOUSTON – septembre 1984 – SPE of AIME : “ The reservoir engineering aspect of horizon-tal drilling”.

> NOUVELLE-ORLÉANS – février-mars 1989 – SPE/IADC Drilling Conference : “How to build and hold a 90 degree angle hole”.

> HOUSTON – juillet 1990 – SPE/University of Houston Emerging Technology Conference : “Well deviation optimization for pro-duction improvement”.

> SICILE – octobre 1990 – The Eu-ropean Oil & Gas Conference. : “Horizontal wells and reservoir management strategy”.

> BANDUNG – 1995 – International Symposium on Horizontal Well Technology : “Horizontal wells, a standard for tomorrow”.

ILS PRENNENT LE MICRO PARTOUT DANS LE MONDE

Membre actif de la direc-tion de la SPE (Society of Petroleum Engineers), il a

largement contribué à la diffusion de l’expérience Elf Aquitaine et à la reconnaissance des avantages des puits horizontaux. Dès 1989, il parcourt les sections locales de la SPE à travers le monde n’hésitant pas à « raconter » notre aventure et à valoriser les puits horizontaux. Jacques Bosio a été le premier pré-sident français de la SPE (1993).

Jacques BOSIO, adjoint au directeur de laR&D de l’EP, prend son bâton de pèlerin !

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4. Le système SIMPHOR trouve des relais

À partir de 1988, les compagnies pétrolières développent les champs pétroliers avec des architectures

d’exploitation utilisant en majorité les forages horizontaux. Depuis cette date le système SIMPHOR est systématiquement utilisé pour permettre les mesures de diagraphie dans les drains horizontaux. En 1985, l’IFP vend cinq équipements SIMPHOR dit « standard » de diamètre 127 mm (5˝) à Schlumberger, ce qui permet de passer d’un équipement prototype à la phase d’industrialisation. L’inventeur du SIMPHOR, Christian Wittrisch, se déplace dans le monde entier pour faire connaître l’équipement et former les opérateurs de diagraphie. « Il fallait lever les freins et modifier les habitudes d’un métier resté traditionnel ». Des licences d’exploitation du brevet SIMPHOR, assorties de redevances sur le chiffre d’affaires généré, sont cédées, à partir de 1986, aux sociétés de services en diagraphies opérant partout dans le monde : Schlumberger, Halliburton, Baker Atlas, Gearhart… À partir de 1988, des équipements SIMPHOR, conçus dans un schéma industriel, sont fabriqués et vendus sous licence par la société Vinci Technologies, filiale de l’IFP.

Les équipements vendus sont adaptés aux besoins des clients et aux caractéristiques du puits. Plusieurs modèles de différents diamètres (5˝, 3˝3/8 et 2˝7/8) sont proposés. L’équipement le plus commercialisé (au moins 60 exemplaires) est le SIMPHOR dit « modulaire » associant les deux diamètres 5˝ et 3˝3/8. Le connecteur électrique de fond enfichable dans le milieu de fond de puits, dans un premier temps fabriqué par l’IFP, passe sous licence Deutsch en 1990. Les sociétés de services en diagraphies licenciées ont une assistance technique de procédure d’utilisation et de formation sur chantiers de forage.En 2011, plus d’une centaine de catégories d’équipements sont opérationnelles dans le monde, produites par des sociétés de services en diagraphie : Schlumberger, Baker Atlas, Reeves-BPB, Geoinform (Hongrie), Petrom (Roumanie), Geofizyka (Pologne), COOLC-CNLC (Chine)… La société Vinci Technologies, filiale puis indépendante de IFP Énergies nouvelles, commercialise encore sous licence les équipements SIMPHOR, vendus à 100 % à l’exportation.

5. Engouement international, l’industrie emboîte le pas

En dix ans, le forage horizontal est devenu un standard mais aussi une manne pour les universitaires, les organismes

professionnels, les experts… Les Américains lancent les premiers cours, les ouvrages de référence fleurissent dans toutes les langues, les conférences continuent aux quatre coins de la planète… Une aubaine également pour les sociétés de services qui diffusent la technologie validée par Elf Aquitaine et la perfectionnent. «  En phase de développement, nous avons beaucoup travaillé avec ces sociétés – foreurs, déviateurs, compléteurs… – qui ont accepté de prendre des risques, d’avoir parfois de la “casse” de matériels, d’investir sans savoir quel serait le retour… Lorsque la technologie a pris son envol, il était légitime qu’elles profitent de la dynamique et prennent une longueur d’avance par rapport à celles qui étaient restées plus attentistes. C’est ce “partage commercial” de la technologie qui a permis de réduire les coûts et de la rendre plus accessible  », explique Alain Spreux, ingénieur Complétion, responsable du projet de R&D « PRODHOR » (1985).

Dossier d’Elf Aquitaine réalisé par André Jourdan, Philippe Coffin et André Sagot

La brochure SIMPHOR de l’époque

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10.TOTAL APPORTE SA PIERRE À L’ÉDIFICE

1. Record de forage en Argentine :

un déport de 10 585 m (1999)

TOTAL APPORTE SA PIERRE À L’ÉDIFICE

1. Record de forage en Argentine : un déport de 1O 585 m (1999)

Contexte Le champ argentin Hydra se trouve à environ 12 km des côtes de la Terre de Feu par 35 m de profondeur d’eau. En 1989-1990, les premiers développements réalisés par Total Austral (filiale argentine de Total) utilisent la technologie des puits déviés – à partir de deux plateformes (Hydra Centro et Hydra Norte) installées en mer – pour atteindre les réserves.

Les premiers puits ERDCinq ans plus tard, une innovation change la donne… Total Austral tente le premier puits Extended Reach Drilling (ERD), le puits HNP7, sur un gisement satellite de Hydra. Le principe ? Installer un drain horizontal très éloigné de la plateforme offshore pour accéder à des compartiments de gisements satellites. Cette technique permet à Total d’enregistrer un premier record en Amérique latine : le premier puits ERD va atteindre sa cible avec une longueur totale de 6 982 m et le départ du drain horizontal est à 5 089 m. Un succès ! Sur place, l’enthousiasme gagne l’équipe et le management ; la production est au rendez-vous… Plus de 2 500 m3/jour de brut sans eau en débit naturel ! Dans la foulée, deux autres puits du même type sont forés, le rendement est tout aussi intéressant (1995-1996).

Les drains horizontaux tiennent leurs promessesAu début des années 1990, partout dans le monde, les puits ERD deviennent une alternative pour produire les champs satellites sans avoir à construire de nouvelles plateformes. Ils sont fiables aussi bien d’un

point de vue technique qu’économique. La solution de pouvoir placer un drain horizontal très loin du point de départ du puits trouve une application très spécifique en Terre de Feu : elle va permettre de développer une série de puits à long déport à partir d’emplacements situés sur la côte pour produire des réservoirs sous la mer. En 1997, Total et ses partenaires décident de lancer une seconde campagne encore plus ambitieuse pour développer la production d’huile et de gaz des champs satellites Ara et Kaus. L’équipe projet pluridisciplinaire se déplace de Buenos Aires à Rio Grande où elle partage les bureaux avec les équipes administratives et logistiques de l’usine de production de Río Cullen et Cañadón Alfa. Huit nouveaux puits sont programmés à partir de la côte. Cinq sont finalisés dans l’année qui suit et un nouveau record est enregistré avec le forage d’un puits à gaz AS3 de 7 973 m de déport horizontal (fin du drain) à une profondeur verticale de 1  615  m. Un puits foré en seulement 90 jours avec 700 m de perforations TCP d’un

Forage du premier puits ERD, le puits HNP7, en Terre de Feu, Argentine

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seul bloc dans le drain horizontal, ce qui est une performance pour l’époque ! Les délais raccourcissent… « Entre les puits AS-2 et AS-5 forés à neuf mois d’intervalle, le temps de forage est passé de 96 à 51 jours  ! », précise Roland Vighetto, chef de projet ERD-Total Austral (1993-1996 et 1998-1999).

Un déport record en ArgentineEn mars 1999, un nouveau défi ! Total Austral, soutenu par ses partenaires Deminex et Pan American Energy, dépasse toutes les limites et réalise « l’impossible » : un puits de 11  184  m de longueur forée, CN-1, foré depuis le site à terre de Cullen Norte, avec un déport total horizontal de 10 585 m, à 1 650 m de profondeur, naviguant par endroits dans un réservoir de 3 m d’épaisseur. Ce déport de plus de 6 fois la profondeur verticale du puits est une nouvelle performance technique hors normes et un record du monde. Pour se la représenter, il faut imaginer la finesse du placement du drain dans le réservoir qui équivaut à enfiler dans la tranche d’un passeport un fil fin comme un cheveu et aussi long que 3 étages !

TOTAL APPORTE SA PIERRE À L’ÉDIFICETOTAL APPORTE SA PIERRE À L’ÉDIFICE

Parmi les innovations retenues pour la réalisation de ce forage inédit sur un site préservé : l’utilisation d’une machine de levage innovante à bras automatique pour gerber et dégerber les tiges de forage, l’utilisation de plus de 4 000 m de tiges de petit diamètre (4”) avec un filetage extrêmement résilient pour assurer la transmission de l’énergie à l’outil de forage…

Architecture du puits CN-1

PLUSIEURS ÉLÉMENTS ONT PERMIS À TOTAL DE RELEVER LE CHALLENGE ERD 

L’esprit d’innovation du Groupe, l’expérience, la polyvalence et la continuité de l’équipe Total Austral, la configuration du puits avec un forage petit diamètre… Un contexte favorable qui a permis de réduire de 20 % le budget initialement prévu pour ce puits hors normes !

« Nous avons installé des drains horizontaux en fond de puits fortement

déviés pour atteindre des réserves plus éloignées à partir d’une plateforme unique. Les premiers essais ont eu lieu en Mer du Nord (Alwyn 1988-1989)  ; deux puits record en termes de déport et de déviation (N28 et N29) ont été forés avec succès (plus de 7 000 m) sans drains horizontaux. La technologie fait également ses preuves au tout début des années 1990 sur le bassin parisien (champ de Montmirail). C’était le temps des premiers développements sur Rospo Mare. Je connaissais bien les ingénieurs Elf Aquitaine qui planchaient sur le forage horizontal. Toute la communauté Oil & Gas suivait de près leurs résultats… L’époque était pionnière, nous étions un petit noyau d’ingénieurs à l’affût des innovations, nous avions foi dans la technologie…

Ensuite il y a eu l’aventure argentine. Les premiers puits, très déviés et particulièrement productifs, ont été forés à partir de deux plateformes en mer. Très vite il a fallu répondre à la question suivante : comment accéder de façon économique aux

autres réserves dispersées à plus de 7 km des côtes ? La multiplication de plateformes offshore étant beaucoup trop coûteuse, nous avons à nouveau utilisé la technologie ERD, cette fois à partir de trois emplacements installés sur la côte. Les résultats étaient encourageants, chaque drain horizontal nous amenait un peu plus loin… Jusqu’au record de l’année 1999 : le puits Cullen Norte n° 1 d’une longueur de 11 184 m. Une première ! En 2013, ce puits était encore classé numéro 5 mondial pour son déport !

Trois collaborateurs ont joué un rôle fondamental sur ce projet de Terre de Feu :

- Thierry Delahaye a suivi l’ingénierie entre 1993 et 1996 avant de me remplacer ;

- Herbert Lescanne m’a épaulé très efficacement lors de la campagne offshore des trois premiers puits (1994-1996) ;

- Matthieu Naegel a participé au projet depuis le début sur la plateforme de forage en 1995 et a terminé en 1999 à mes côtés. Sans lui, on n’y serait peut-être pas arrivé ! »

Nous avions foi dans la technologie…

Roland VIGHETTOChef de projet ERD-Total Austral SA (1993-1996 et 1998-1999)

ratio H/V 6.24 6.39 VD 1,666 m 1,656 m

MD 11,021 m 11,184 m

Horizontal Departure 10,422 m 10,585 m

9"5/8 csg at 6,350 m MD 7" liner at 10,025 m MD

5" cemented liner

13"3/8 csg at 1,135 m MD

20"csg

> Progressive Build Up Rate (BUR = 1.5 to 3.5°/30 m) > Long Slant Section (5,215 m, inc. 81°)> Long Sub Horizontal Reservoir approach (88°)> Lateral Branch

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11.D’AUTRES APPLICATIONS

1991 – À Vauvert, dans le Gard, le forage horizontal vient au secours de la chimie

1997 – Création du groupe Technology Advancement for Multilaterals (TAML)

2000-2007 – Le forage horizontal facilite la traversée du canyon sous-marin du fleuve Congo

2006-2014 – Le forage horizontal fait décoller l’exploitation du gaz et de pétrole de schiste aux États-Unis

2015 – Total, partenaire de la technologie SAGD au Canada

D’AUTRES APPLICATIONS

Elf Atochem rachète le site en 1983 pour produire du sel. À l’époque, c’est l’exploitation la plus profonde du

monde. Les couches de sel, d’une épaisseur de 400 à 1 200 m, se trouvent sous 1 900 m de roches sédimentaires. Il faut donc forer très profond pour les atteindre. Les foreurs ont opté pour la technique du doublet : deux puits sont réalisés à 100 m de distance. En injectant de l’eau sous pression (400 bars) dans l’un des puits appelé « canon », on fracture la couche salifère. Il ne reste plus qu’à opérer la connexion entre les deux puits : l’eau dissout le sel récupéré sous forme de saumure.

En 1991, la donne change. Les foreurs essuient un échec, une faille rend impossible le « passage » entre les puits LG3 et LG4. Il faut trouver une autre solution… Les foreurs se rapprochent des pétroliers. C’est la technique du short radius qui va relancer la production. Un test de forage horizontal est effectué avec un rayon de courbure court de l’ordre de 18 m dans la couche de sel. Un succès ! L’idée de réunir les deux puits du doublet par une passe à l’horizontale a permis d’augmenter la production de sel de 800 000 à 1 million de tonnes et de réduire les coûts.

1991 - À Vauvert, dans le Gard, le forage horizontal vient au secours de la chimie

1997 - Création du groupe Technology Advancement for Multilaterals (TAML)

La technologie des drains multilatéraux n’est pas nouvelle. Les premiers forages apparaissent dans les années

1930, plusieurs puits de ce type ont été forés en URSS entre 1950 et 1980, puis aux États-Unis à partir de 1980. Mais c’est à partir des années 1990 qu’apparaissent les puits multilatéraux dits « modernes ». Les connaissances liées au forage horizontal vont en effet permettre de complexifier les systèmes et d’augmenter le nombre de drains multilatéraux pour accéder à des réserves satellites. En 1997, un ingénieur Shell Expro a pris l’initiative de former un groupe d’opérateurs Technology Advancement for Multilaterals (TAML) chargés de promouvoir

le développement de la technologie dans l’industrie pétrolière. Il est à l’origine d’une classification des puits de 1 à 6 en fonction de la complexité technique.Trois fois plus de puits multilatéraux ont été forés au début des années 2000 que pendant les cinquante années précédentes. Depuis quelques années, environ 75 puits multilatéraux sont forés chaque année dans le monde. Total a acquis une bonne expérience sur les puits de niveaux 1-2 et a réalisé une dizaine de puits de niveaux 3-4. Les puits multilatéraux présentent plusieurs avantages par rapport aux puits conventionnels :

> ils réduisent le nombre de forages, le temps et les coûts de complétion ;

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D’AUTRES APPLICATIONS D’AUTRES APPLICATIONS

> ils diminuent la densité des puits et l’em-preinte en surface, ce qui est un « plus » d’un point de vue environnemental ;

> ils augmentent le drainage du réservoir et améliorent la récupération d’hydrocar-bures dans les réservoirs minces ou com-plexes ;

> ils améliorent la productivité ; > ils réduisent les risques de venues d’eau

ou de gaz.En 2012, le nombre de puits multilatéraux de niveau 1-2 était estimé à plus de 10 000.

Puits multilatéral

2000-2007 - Le forage horizontal facilite la traversée du canyon sous-marin du fleuve Congo

Le contexte – Au début des années 2000, les compagnies Oil & Gas partenaires du Bloc 14 au Cabinda

(Angola) – parmi lesquelles Total – cherchent une solution fiable pour transporter le gaz depuis la province du Cabinda – séparée du reste du territoire angolais par l’accès à la mer de la République démocratique du Congo – jusqu’à une unité GNL implantée au sud de l’Angola. Les partenaires s’interrogent  : faut-il installer un pipeline onshore ou offshore ? C’est la seconde option, plus sûre car non transfrontalière, qui l’emporte. Le pipeline passera sous le canyon sous-marin du fleuve Congo : un challenge technique sans précédent sachant que les bords du canyon sont composés

de turbidites qui génèrent des avalanches sous-marines fréquentes. Jusqu’ici aucun pipeline ou câble traversant la rivière n’a résisté plus de quelques années !

En 2001, Total démarre une étude de faisabilité. Plusieurs scénarios sont étudiés – puits déviés et horizontaux, Extended Reach Drilling, etc. – pour traverser ce canyon d’une profondeur de 400 à 2 000 m et d’une largeur de 4 km. L’équipe projet s’appuie sur les retours d’expérience du Groupe en matière de forage horizontal (Argentine, Venezuela…), sur la traversée des 1 350 m de la rivière Mahakam (Indonésie), sur des projets externes (traversée de la Volga sur 1 359 m

en 2000, de la St. Johns River en Floride sur 1 725 m en 1995…). Elle travaille avec un contracteur spécialisé, HDI, qui a plusieurs records de traversées de rivières à son actif.

Deux solutions sont étudiées > La plus classique : il s’agit de traverser

via un forage unique à partir d’une rive. > La plus innovante : forer deux puits A et B,

à partir de chaque rive, qui se rejoindront en un point d’interception sous le canyon. La partie horizontale sous le canyon est estimée à 3 000 m, à 750 m de profondeur. C’est cette technique qui est finalement préconisée par Total. Le forage horizontal est devenu un standard, il peut parfaitement répondre aux exigences du projet. Seul inconnue : le scellement du point d’intersection entre les deux puits.

Chevron l’a fait ! Les forages ont été lancés en 2015 par Chevron, opérateur du Bloc 14, sur la base des études réalisées par Total quatorze ans plus tôt.

Coupe de la traversée du canyon sous-marin du fleuve Congo

Un forage à l’horizontale de 3 000 m sous un fleuve

Bertrand BACAUDResponsable du programme de R&D Forage-Puits, Total EP

« Cette traversée de ri-vière était un véri-table défi technique.

Les études réalisées par Total dès 2001 ont permis de préconiser une solution robuste et innovante. Je venais d’arriver dans le service, j’avais travaillé sur le forage ho-rizontal en Terre de Feu… Nous avons imaginé un scénario tout à fait nouveau : le forage de deux puits en parallèle – un de chaque côté du canyon – et un point d’in-terception sous le canyon, avec une partie horizontale sur 3 000 m. Finalement, Chevron a repris l’idée et l’a réalisée. L’interception des deux puits en section 12-1/4’’ a été réussie du premier coup. Le casing 11-7/8’’ est passé sans pro-blèmes majeurs d’un rig à l’autre grâce à la technologie Active Ran-ging de Vector Magnetics. Les tra-vaux ont été réalisés en 296 jours pour un coût de 240 millions de dollars. Un peu plus que prévu  ! Aujourd’hui, le gaz des blocs 0 et 14 passe sous le fleuve pour re-joindre l’usine LNG. »

Puits sud Puits nord

3000 m0

0

750 m

A B

Crédits : Chevron

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2006-2014 - Le forage horizontal fait décoller l’exploitation du gaz et de pétrole de schiste aux États-Unis

Le forage des puits de gaz et de pé-trole de schiste à l’horizontale est ra-pidement devenu incontournable. Dès

le milieu des années 2000, la technologie s’avère parfaitement adaptée à la produc-tion de fluides localisés dans des forma-tions étendues mais peu épaisses, dans lesquelles ils ont une faible mobilité natu-relle. Le contexte implique de créer la plus grande interface de contact possible entre les niveaux contenant ces hydrocarbures dits «non conventionnels » du fait de leurs très mauvaises caractéristiques pétro-phy-siques (perméabilité, porosité).

Stimulation et forage horizontalPour « déverrouiller » l’accès aux ressources, il a fallu réussir à combiner deux technologies relativement matures : la stimulation des puits par fracturation hydraulique – dont l’objectif est justement de créer une plus grande surface de contact avec la matrice – et le forage horizontal qui permet de réaliser plusieurs zones de stimulation le long d’un même drain de manière à atteindre une production commerciale. Les puits sont regroupés en clusters ce qui permet de minimiser l’empreinte au sol (nombre de pads), d’optimiser le réseau de collecte et les installations de surface.

Réduire les coûts, améliorer les perfor-mancesComme dans une configuration offshore, les puits sont forés depuis un espace réduit pour aller chercher des ressources situées à plusieurs kilomètres de distance. L’industrialisation du forage horizontal et de la fracturation hydraulique a permis de réduire rapidement les coûts et de moderniser la flotte de rigs. Plusieurs dizaines de milliers de puits ont ainsi été forés, avec des coûts unitaires en constante diminution et des performances toujours améliorées. À titre d’exemple, un opérateur du bassin du Permian (Texas), qui forait 96 % de puits verticaux en 2009, avec une production de 200 000 barils par jour, est passé à 650 000 barils par jour en 2014 avec 42 % de puits horizontaux…

En 2010, Total s’est lancé dans l’aventure en s’associant avec son partenaire américain Chesapeake, suite à la signature d’un accord de joint-venture dans le Barnett (Texas).

> À savoir ! Une particularité pour les champs situés aux États-Unis : le propriétaire du sol est également propriétaire du sous-sol. Même si cela ne se voit pas en surface, forer un puits horizontal demande donc au préalable de s’être mis d’accord avec tous les propriétaires terriens concernés, parfois nombreux. Cette activité de négociation très locale, dite « land management », va mobiliser un contingent important de représentants de la société qui souhaite opérer…

Rig de forage de Fort Worth, Texas, États-Unis

Puits en cluster

crédits Dixxit et IDE

D’AUTRES APPLICATIONS D’AUTRES APPLICATIONS

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D’AUTRES APPLICATIONS LE VIRAGE À 90° FO

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Les puits Steam Assisty Gravity Drainage (SAGD) sont une autre application dérivée du forage horizontal. Le premier prototype a été développé par la société canadienne CS Resources en 1987 pour exploiter des gise-ments non mobiles, extrêmement visqueux, à plusieurs centaines de mètres de profon-deur. La technologie d’injection de vapeur d’eau recyclée SAGD repose sur deux puits horizontaux parallèles superposés : le puits supérieur est destiné à l’injection de vapeur, l’autre à la production des hydrocarbures. Le principe est simple : la chaleur diffusée par le puits de vapeur rend l’huile plus liquide et facilite son extraction.

Cette technologie SAGD est utilisée depuis 2002 sur le champ de Surmont (Canada) dans la région des sables bitumineux de l’Athabasca, à 63 km au sud-est de Fort McMurray, développé conjointement par ConocoPhillips et Total.

En 2015, une seconde phase de dévelop-pement SAGD a été lancée. Grâce à cette

technique de « chauffage », le projet devrait atteindre rapidement une production de plus de 150 000 barils par jour à 70 m de profondeur. À terme, quelque 150 paires de puits de ce type seront forées sur le site.

2015 : Total, partenaire de la technologie SAGD au Canada

EN CHIFFRES 

Total fore 200 à 250 puits par an : > 80 % sont horizontaux ou

fortement déviés (puits de développement) ;

> 20 % sont verticaux (puits d’exploration).

À fin 2013, 61 % des puits forés aux États-Unis étaient des puits horizontaux, contre 31 % fin 2008  ; 1 146 puits de ce type ont été réalisés en 2013 contre 1 111 l’année précédente.

12.ET DEMAIN ?

1. Un enjeu : toujours plus de déport

2. Innover pour aller plus loin

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ET DEMAIN ?

Au fil des années, la fenêtre de forabilité augmente. Le record réalisé par Total Austral en 2000, un déport de

11 184 m, a été battu. Deux performances à plus de 12 000 m ont été enregistrées en Russie (Sakhaline) en 2011 et au Qatar en 2009.Une base de données créée par BP, alimentée par l’ensemble des compagnies Oil & Gas, permet de faire un état des lieux annuel et de cartographier les puits en fonction des paramètres profondeur et déport. Les analyses confirment que Total a su capitaliser sur le saut technologique du forage horizontal et garder une longueur d’avance. À son actif, depuis quinze ans, de nombreux puits « proches des records » dans plusieurs pays :

> Argentine : plusieurs puits forés, dont un à plus de 10 000 m entre 1996 et 1999.

> Congo : 11 puits sur Nkossa et Nsoko, dont le record d’Afrique de l’Ouest à 9 152 m.

> Pays-Bas : Total réalise le puits à plus fort déport du pays (8 161 m).

> Qatar : Total atteint sa cible, un réservoir de 1 à 1,5 m d’épaisseur avec un drain horizontal de 3 500 m de longueur à 4 500 m de profondeur. Le geosteering a permis de suivre les variations de terrain et le réservoir.

> Angola : Total confirme l’intérêt de la technologie ERD (Extended Reached Drill) en deep offshore.

Augmenter encore le déport ouvrirait de nouveaux horizons. À terme, l’allongement des drains au-delà de 12 000 m devrait permettre d’exploiter des réservoirs marginaux éloignés des plateformes, d’accéder à des champs situés dans des parcs nationaux ou des zones protégées en minimisant l’impact environnemental, d’extraire à moindre coût les réserves résiduelles de certains champs matures…

1. Un enjeu : toujours plus de déport

2. Innover pour aller plus loin

Total est impliqué dans plusieurs programmes de recherche aux côtés de sociétés de services et de start-up

spécialisées dans les ERD. Objectif : valider les technologies qui permettront, dans un futur proche, de réaliser des forages allant jusqu’à des déports de 20 000 m. Le challenge  ? Gagner 8 000 m par rapport aux derniers records, ce qui permettrait d’accéder à des réserves marginales à

partir de plateformes existantes sans en créer de nouvelles.

Gagner 1 000 m avec des tiges en aluminiumTotal, avec un partenaire, étudie la possibilité de remplacer les tiges de forage en acier par des tiges aluminium. Les atouts  ? Ces dernières sont plus légères et flottent mieux, ce qui facilite le forage. Les freins ? Elles restent fragiles et ne supportent pas

ET DEMAIN ?

les températures supérieures à 100 °C. Leur utilisation serait donc limitée à des puits peu profonds. Des essais sont en cours, ce changement de matériau pourrait permettre d’atteindre un déport de l’ordre de 13 000 m, soit 1 000 m de plus que le record actuel.

Atteindre 20 000 m de déport avec la technologie ReelwellReelwell est engagé – avec plusieurs industriels dont Total – dans un projet de recherche ERD (Extended Reach Drilling) ambitieux. Le Dual Drill String mis au point par la start-up norvégienne – en rupture avec le train de forage classique – pourrait signer un saut technologique majeur. Le principe ? Un double pipe de forage : la boue passe par l’annulaire tige-tige et remonte avec les

déblais de forage par l’intérieur du Dual Drill String, l’espace tige-trou étant rempli d’une boue plus lourde. La technique de forage dite « Heavy Over Light » réduit le couple et la résistance ; elle permet de forer des sections horizontales au-delà de la portée conventionnelle. La pression exercée sur la formation reste également constante durant toute la phase de forage. Les atouts ? Moins d’effets de la boue sur la paroi, moins de perte de charge sur la formation, moins de fractures, une excellente flottabilité du pipe dans des boues de densité variable… La technologie Reelwell pourrait permettre d’atteindre des déports de 20 000 m. Elle fait l’objet de pilotes.

> Des appareils de forage plus puissants : le moteur topdrive remplace la table d’entraînement rotatif.

> Des tiges de forage plus résistantes qui acceptent du couple et sont en mesure de le transmettre de la surface vers le fond.

> Des outils et des garnitures de forage toujours plus efficaces.

> Une plus grande précision des trajectoires grâce au Rotary Steerable System (RSS).

> L’utilisation de nouveaux additifs dans les boues de forage.

> Une plus grande précision des outils de mesure de la position du puits.

> L’utilisation de capteurs pour vérifier que la pression en fond de puits est conforme au design.

> Des progrès sur l’ingénierie des hydrauliques et les déplacements des déblais de forage.

> La mise en œuvre d’outils de simulation pour mieux appréhender le nettoyage du puits et la gestion des déblais de forage.

DU NOUVEAU DEPUIS 15 ANS

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ET DEMAUN ?

13.AUDACE – SOLIDARITÉ – TRANSVERSALITÉ – ÉCOUTE

Interview croisée : Daniel PLATHEY, directeur de la R&D de Total EP Benoît LUDOT, chef du Métier Forage Puits de Total EP

AUDACE – SOLIDARITÉ – TRANSVERSALITÉ – ÉCOUTE

Interview croiséeEntretien avec Daniel PLATHEY, directeur de la R&D de Total EPet Benoît LUDOT, chef du Métier Forage Puits de Total EP

Quel regard portez-vous sur le projet de R&D FORHOR ? Sur ses retombées pour la filière Oil & Gas ?

Daniel Plathey : Les années 1980 ont vé-ritablement révolutionné l’Oil & Gas. Le fo-rage horizontal a permis de développer le SAGD EOR Thermique (Steam Assisted Gravity Drainage) sans lequel nous n’au-rions jamais réussi à produire le champ canadien de Surmont. Il a aussi été large-ment utilisé en deep offshore, un domaine

dans lequel nous nous positionnons au-jourd’hui en leader… Derrière la technolo-gie, il y a des hommes. Cette découverte est le fruit d’une belle aventure humaine, d’un formidable dialogue entre les métiers Géosciences et Forage qui ont trouvé une solution à la problématique des réservoirs impossibles à produire (très fins, huile très visqueuse…) avec des puits conventionnels verticaux. Le programme de R&D FORHOR a notamment permis d’exploiter le champ de Rospo Mare, un des plus grands gise-

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AUDACE – SOLIDARITÉ – TRANSVERSALITÉ – ÉCOUTE

ments d’huile d’Europe. L’enseignement à tirer ? On résout plus facilement les pro-blèmes en les partageant qu’en restant seul dans son bureau !

Benoît Ludot : Le forage horizontal a com-plètement bouleversé l’activité Forage Puits. Il s’agit d’une innovation de rupture, majeure pour l’industrie Oil & Gas. Un peu comme le forage rotary en son temps… Le transfert opérationnel a été rapide. En moins de dix ans, la technologie est devenue un standard international. Le forage horizontal a permis d’élargir le champ des possibles, de produire des ressources à l’époque considérées inexploitables, tant d’un point de vue économique que technique. Qua-rante ans plus tard, il ouvre encore des op-portunités : c’est grâce au forage horizon-tal que l’exploitation des hydrocarbures de schiste peut aujourd’hui se développer.

Les pionniers du forage horizontal ont dû déployer beaucoup d’énergie pour convaincre le management de la légiti-mité de la technologie… Qu’en est-il au-jourd’hui ?

Daniel Plathey : Rien n’a changé ! « Vendre » une idée innovante, ce n’est jamais facile. Surtout si elle est en rupture, éloignée de notre secteur d’activités. Je pense aux ro-bots utilisés dans le secteur automobile, aux nanotechnologies dans le secteur médical, au traitement des données auxquels la R&D s’intéresse pour des développements dans l’Oil & Gas. La transposition bouscule les cadres de référence, les chercheurs doivent rendre leurs idées séduisantes. Il faut que les porteurs de projet soient déterminés et

pugnaces. Visionnaires aussi, comme l’ont été les acteurs du forage horizontal.

En quoi un projet de ce type porte-t-il les valeurs du Groupe ?

Benoît Ludot : Le projet « FORHOR » il-lustre parfaitement l’audace, la transversali-té, la solidarité et l’écoute. La transversalité, ce sont trois métiers - Forage, R&D, Géos-ciences – qui ont travaillé main dans la main pour prouver la légitimité de la technologie. L’audace, c’est le propre de ces « pion-niers » du forage horizontal. Une poignée d’hommes qui y croyaient… Ils ont défendu leur projet, ils ont obtenu des financements et finalement ils ont été récompensés au niveau international. L’écoute est une autre valeur forte de ce projet. Le forage horizon-tal ne s’est pas fait en un jour… Ceux qui l’on concrétisé ont su écouter le terrain, les avancées des autres compétiteurs, les idées venues de l’étranger… C’est une autre leçon à tirer de cette épopée techno-logique : il faut être ouvert au monde exté-rieur, en veille continue, pour que les idées germent et se transforment.

Daniel Plathey : Il y a eu, en effet, beau-coup d’audace et de ténacité autour du projet « Forage horizontal ». Ceux qui y ont participé évoquent : une « idée folle », des « managers qui n’y croyaient pas », « beau-coup de détracteurs ». Il a fallu de la soli-darité entre ces pionniers pour qu’ils aillent jusqu’au bout… Et aussi de l’écoute  : les pionniers du forage horizontal ont capita-lisé sur le forage fortement dévié, sur les travaux des foreurs soviétiques et amé-ricains qui avaient déjà fait des essais…

AUDACE – SOLIDARITÉ – TRANSVERSALITÉ – ÉCOUTE

Le programme de R&D « FORHOR » a ap-porté les « briques supplémentaires » qui ont contribué à transformer le rêve en success story… Quels enseignements en tirez-vous, chacun dans votre métier ?

Benoît Ludot : Toutes les idées sont bonnes à prendre ! Développons la curiosi-té et l’esprit d’avant-garde au sein de nos équipes. Luttons contre la résistance au changement. Le forage horizontal confirme que « tenter, c’est parfois gagner ».

Daniel Plathey : Restons en veille sur les idées non conventionnelles, les technologies de rupture… Certaines aboutiront, d’autres non ! Il faut s’en apercevoir le plus rapidement possible et ne pas s’acharner sur les sujets qui finalement ne présentent pas d’intérêt pour nos activités. Et lorsqu’on arrive à un stade plus avancé – les pilotes – avec des coûts élevés, il s’agit de tout mettre en œuvre pour dérisquer les technologies. Le forage horizontal a abouti dès le premier essai sur LACQ… Une chance ! Ensuite la technologie a été confirmée grandeur nature sur le champ de Rospo Mare… La maturité technologique est arrivée très vite sur ce projet. Par contre, celui-ci n’a pas échappé à la résistance au changement. Notamment en interne. Peut-on parler d’exemplarité ?

Benoît Ludot : C’est une réussite magnifique, pour le métier Forage Puits comme pour la R&D. Elle véhicule un

message fort à l’intention de ceux qui pensent que la recherche est l’apanage des seules sociétés de services, que les opérateurs doivent prendre des technologies existantes sur étagères. Au contraire, le projet « FORHOR » montre à quel point nous avons un rôle stratégique à jouer en interne – R&D et métiers – pour impulser les technologies de demain, assembler les briques, être intégrateurs… Dans le cas du forage horizontal, les sociétés de services ont suivi parce qu’il y avait un marché à développer mais l’idée a germé grâce aux métiers et à la R&D.

Daniel Plathey : La démarche a été exem-plaire, elle confirme que les technologies de rupture existent vraiment. L’impact se mesure en barils supplémentaires pro-duits, certes, mais aussi en image. Le fo-rage horizontal a fortement contribué à la construction de l’identité technologique du Groupe. C’est un « marqueur » du rôle que nous avons joué dans l’industrie pétrolière.

Le forage horizontal est un standard dans le monde entier depuis plus de trente ans… En quoi est-ce important pour le Groupe de continuer à valoriser la mémoire d’une telle avancée technologique ?

Benoît Ludot : L’innovation technologique fait partie de notre ADN. La mémoire est fondamentale pour l’esprit d’innovation et de créativité, pour la culture de l’entreprise. C’est un héritage pour les plus jeunes, à eux maintenant de continuer à faire naviguer le bateau. En interne, la valorisation des innovations marquantes génère de la fierté. En externe, c’est un formidable outil

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d’image. La culture française est souvent plus discrète que la culture anglo-saxonne sur ses réussites. À tort !

Daniel Plathey : La technique a toujours tendance à passer au second plan comme étant une variable d’ajustement… C’est bien de rappeler qu’elle joue un rôle essen-tiel et de la mettre en lumière. Ce livre mé-moire sur le forage horizontal est l’occasion de valoriser une aventure technologique d’envergure, de rappeler notre leadership technique en interne comme en externe, de générer de la fierté… C’est aussi l’occasion d’expliquer qui nous sommes, de revenir sur ces découvertes qui nous ont construits.

Quels sont les enjeux au-delà de l’image ?

Daniel Plathey : Derrière des avancées technologiques telles que le forage hori-zontal ou le deep offshore, il y a clairement un enjeu business. Notre profil de leader technologique constitue un atout concur-rentiel. Aujourd’hui, nous sommes recon-nus pour notre capacité à mettre en œuvre

des technologies de rupture, à intégrer des technologies permettant de faire des déve-loppements très innovants. Typiquement, le forage horizontal nous a permis de tirer l’industrie Oil & Gas. Cette success story doit nous inciter à rester audacieux pour toujours conserver une longueur d’avance. Pour véhiculer en France et à l’étranger l’image d’une entreprise pionnière.

Benoît Ludot : La diffusion de la technolo-gie du forage horizontal nous ramène à des questions toujours d’actualité. Faut-il parta-ger ouvertement nos découvertes ? Faut-il les protéger ? À l’époque, le parti a été pris d’ouvrir très largement la technologie aux autres compagnies pétrolières et gazières. La démarche va dans le sens d’une stra-tégie d’open innovation. Le retour d’expé-rience est intéressant, il met en évidence deux conditions de succès à long terme : préserver une position de leader technolo-gique, avoir toujours une longueur d’avance. Le Groupe a inventé la rupture, l’industrie a emboîté le pas… Mais c’est notre approche qui a résisté à la sélection naturelle !

BIBLIOGRAPHIE

BIBLIOGRAPHIE

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BIBLIOGRAPHIE

> “Elf well turn 90° - And stay there” (janvier 1981), Petroleum Engineer International, A. Jourdan (Elf Aquitaine), G. Baron (IFP)

> “Elf drills 1,000 + Ft horizontally” (septembre 1981), Petroleum Engineer International, A. Jourdan (Elf Aquitaine), G. Baron (IFP)

> “One, two and three… Horizontal wells in France and Italy” (1982), Pétrole Information, A. Jourdan, H. Reiss (Elf Aquitaine), C. Wittrisch (IFP)

> “Horizontal drilling – three field tests” (1982), Noroil

> “Review of horizontal drilling progress” (mars 1983), Pétrole Information, A. Jourdan, H. Reiss (Elf Aquitaine), G. Baron (IFP)

> « Le forage horizontal pour l’exploitation de nouvelles ressources énergétiques », Prix 1983 de la Société générale pour l’Énergie

> “IFP and Elf Aquitaine solve horizontal well logging problem” (1983), Petroleum Engineer International

> “Horizontal well proves productivity advantages” (octobre 1984), Petroleum Engineer International

> “Offshore and onshore European horizontal wells” (1984), Offshore Technology Conference, H. Reiss, A. Jourdan (Elf Aquitaine), F.M. Giger (IFP), P. Armessen (Top Services)

> “The four horizontal wells producing oil in western Europe” (1984), Conference “Advances in petroleum recovery and upgrading technology”, (Calgary, Alberta, Canada), A. Jourdan (Elf Aquitaine), F.M. Giger (IFP)

> “New drilling technology enables development of Italian Rospo Mare field” (1986), Noroil

> “Horizontal drilling has negative and positive factors”, “Elf has set up rules for horizontal drilling” (1988), Oil & Gas Journal (Technology), A. Jourdan (Elf Aquitaine), P. Armessen (Top Services), P. Rousselet

> “How to build and hold a 90° angle hole” (1989), SPE/IADC Drilling Conference, (Nouvelle Orléans, Louisiane) – A. Jourdan (Elf Aquitaine), C. Mariotti (IFP)

> “Horizontal Wells, a standard for tomorrow’’ (1991), International Symposium on Horizontal Well Technology – A. Jourdan (Elf Aquitaine)

> « Le forage horizontal et les puits horizontaux » (1991), Présentation aux participants du Programme d’études supérieures spécialisées en Gestion d’entreprises pétrolières, École des Hautes Études Commerciales de Montréal, P. Coffin

> “The first long-term horizontal well test in the Troll thin oil zone” (août 1991), Journal of Petroleum Technology, S.C. Lien (Norsk Hydro), K. Seines (Norsk Hydro), S.O. Havig (Norsk Hydro)

> « Bilan des puits horizontaux 1980-1992 » (1993), Elf Aquitaine, P. Coffin

> “Drilling sideways – A review of horizontal well technology and its domestic application” (1993), Energy Information Administration, Office of Oil and Gas, U.S. Department of Energy

> « Des puits de science… À chaque type de réservoir son type de puits » (1995), Produire n°7, Elf Aquitaine Production

> “Horizontal highlights” (1995), Middle East Well Evaluation Review

> “Extended reach drilling at the uttermost part of the Earth” (1998),SPE Annual Technical Conference and Exhibition (Louisiane), M. Naegel, E. Pradié, K. Beffa, J. Ricaud, T. Delahaye

> “Total drills extended-reach record in Tierra del Fuego” (1999), R. Vighetto, M. Naegel, E. Pradié, Oil & Gas Journal

> “Teamwork, downhole technology expedites Tierra del Fuego operations”(1999), R. Vighetto, M. Naegel, E. Pradié, Oil and Gas Journal

> « Histoire d’une technique innovante devenue un succès commercial : Système d’instrumentation et de mesures en puits horizontaux » (SIMPHOR) (2011) – IFP Énergies nouvelles

> “Groundbreakers: The story of oilfield technology and the people who made it happen” (2015), M. Mau, H. Edmundson, Schlumberger, Upfront publishing

> “Multilaterals 2012: state of art”, P. Résseguier, Total

> “Horizontal wells, a standard for today”, (December 2014), World Oil, Steven McGinn

> Dictionnaire du forage et des puits (2011) (anglais/français – français/anglais) – M. Moureau, G. Brace, G. Sevadjian, Éditions Technip

BIBLIOGRAPHIE

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> Azimut : direction du puits dans le plan horizontal par rapport au nord géographique/magnétique.

> AZINTAC : instrument qui transmet en temps réel, vers la surface et à l’aide d’un câble, les informations directionnelles recueillies au fond.

> Carotte : échantillon géologique.

> CEE : Communauté économique européenne devenue l’Union européenne (UE) en 1992.

> Complétion : ensemble des opérations – pose des tubings, des vannes, de la tête de puits... – destinées à mettre un puits en production.

> Coiled Tubing : tubage enroulé pour une intervention dans les puits sous pression.

> Déport : distance horizontale entre implantation en surface et coordonnée de fin du puits.

> Diagraphies électriques (electrical logging) : enregistrement des caractéristiques physiques de la formation géologique, notamment la résistivité et la conductivité.

> Dual Drill String : train de forage à tubes concentriques.

> DC (Drill Collar) : masse-tige.

> ERD : l’Extended Reach Drilling, puits dont le rapport déport / profondeur verticale est supérieur à 2.

> Forage Rotary : technique de forage consistant à entraîner en rotation depuis la surface le train de forage muni d’un trépan (par opposition au forage par battage).

> FORHOR : « Forage horizontal pour l’amélioration de la production des hydrocarbures ». C’est le nom du programme de R&D mené par Elf Aquitaine et l’IFP entre 1979 et 1984.

> FSH : Fonds de soutien des hydrocarbures, devenu le CITEPH (Concertation pour l’innovation technologique dans l’exploration production des hydrocarbures).

> IFP : Institut français du pétrole, devenu IFP Énergies nouvelles en 2010.

> Gamma ray (rayon gamma) : rayonnement électromagnétique généré par des processus nucléaires et induit par la désintégration d’un noyau atomique.

> Geosteering : guidage géologique.

GLOSSAIRE TECHNIQUEBIBLIOGRAPHIEBIBLIOGRAPHIE

GLOSSAIRE TECHNIQUE

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> GNL : gaz naturel liquéfié.

> Inclinaison : l’angle de la trajectoire du puits par rapport à la verticale.

> Laitier de ciment : coulis de ciment aux caractéristiques spécifiques, adaptées à la cimentation des tubages.

> Liner : tubage ou colonne de production ne remontant pas jusqu’en surface.

> LWD : Logging While Drilling, enregistrement en temps réel des paramètres physiques de reconnaissance de la formation.

> Moteur topdrive : moteur connecté en tête des tiges pour assurer leur rotation, en remplacement de la table de rotation.

> MWD : Measurement While Drilling, nom générique pour désigner l’instrument qui mesure les divers paramètres de fond (forage et géologie) et les transmet vers la surface via la boue de forage. Il est positionné au plus près de l’outil de forage.

> PDM : Positive Displacement Motors ou moteurs volumétriques de fond.

> Packer de tubage : garniture d’étanchéité pour colonne de production.

> Magnetic Single Shot : en français un photo clinomètre-compas, c’est-à-dire une sorte de mini appareil-photo muni d’une boussole.

> Paléokarst : karst fossile dont les cavités sont comblées de sédiments.

> PRODHOR : « Production des puits horizontaux », c’est le nom du programme de R&D lancé par Elf Aquitaine en 1987.

> Puits à long et moyen rayon de courbure (long and medium radius) : la déviation de la verticale à l’horizontale se fait sur plusieurs centaines de mètres.

> Puits à faible rayon de courbure (short radius) : la déviation de la verticale à l’horizontale se fait sur quelques dizaines de mètres, elle nécessite des équipements spéciaux.

> Rotary Steerable System (RSS) : association de la rotation du train de tiges et du moteur de fond dernière génération (coudé) .

> Raccord d’Entrée Latérale (REL) : il permet de faire passer un câble de l’intérieur vers l’extérieur des tiges dans la partie verticale ou faiblement inclinée du puits.

GLOSSAIRE TECHNIQUE

> SAGD : Steam Assisted Gravity Drainage, drainage d’huile lourde par gravité, assisté par vapeur d’eau.

> Side Track : opération de déviation d’un puits.

> Sifflet déviateur (Whipstock) : pièce métallique biseautée ancrée dans un tubage permettant de dévier un puits.

> SIMPHOR : Système d’instrumentation et de mesures en puits horizontaux.

> SPE : Society of Petroleum Engineers.

> SPWLA : Society of petrophysicists and well log analysts.

> Sonde de thermométrie : outil de mesure de la température.

> Systèmes « steering tools » : outils de fond transmettant les informations directionnelles par câble (cf. Azintac).

> Le Stinger pompable : une pompe projette les outils de diagraphie à travers le train de forage. Cette méthode de type « sarbacane » ne peut être utilisée que pour des outils de faible diamètre.

> TAML : Technology Advancement for Multilaterals, cette technologie permet de forer plusieurs drains horizontaux à partir d’un même puits.

> TCP : Tubing Conveyed Perforating, canons de perforation descendus au bout d’un train de tubing.

> TELECO : premier MWD commercialisé. Il est composé d’un capteur directionnel (accéléromètre et magnétomètre), d’un codeur, d’un transmetteur et d’un générateur logés dans une masse-tige amagnétique. Il fait partie intégrante de la garniture de fond.

> Télépilote : raccord coudé à angle variable.

> Trépan : outil de forage rotatif.

> Trièdre : qui a trois faces planes.

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ELF AQUITAINE CONCRÉTISE LE RÊVE DU FORAGE HORIZONTAL

PREMIÈRES TENTATIVES Elf Aquitaine et l’IFP lancent le pro-gramme de R&D « FORHOR ».

1979

FRANCE (HAUTES-PYRÉNÉES) – Forage du puits horizontal CLU 110 sur Castéra Lou. Record : une profon-deur verticale de 2 891 m.

1983

LACQ (FRANCE) – Forage du puits test LACQ 90 − Profondeur verticale 670 m, traversée du gisement sur 270 m dont 100 m à l’horizontale.

1980

LACQ (FRANCE) – Forage d’un second puits test LACQ 91− Profondeur verti-cale 670 m, traversée du gisement sur 470 m dont 370 m à l’horizontale.

1981

ITALIE (ROSPO MARE) – Forage du premier puits horizontal offshore pro-ducteur – Longueur du puits 2 316 m, dont 370 m à l’horizontale à une profondeur de 1 370 m.

1982

Elf Aquitaine et l’IFP créent la société de services Horwell pour diffuser la technologie du forage horizontal.

1984

Elf Aquitaine reçoit le prix de la Société Générale pour l’Énergie.

LE FORAGE HORIZONTAL DEVIENT UN STANDARD

TEXAS – Un puits horizontal de quelques dizaines de mètres.

Invention du sifflet déviateur pour atteindre des gisements offshore à partir de la côte.

1929

Elf Aquitaine dépose un brevet sur le Measurement While Drilling (MWD).

1969

URSS – Le premier forage horizontal par turbine à 1700 m de profondeur.

1941

PENNSYLVANIE – Un forage horizon-tal de 152 m de longueur.

1944

URSS – Plus de 40 tests de puits hori-zontaux en 20 ans.

1960

CHINE – Nouveaux essais : deux puits de 500 m de longueur.

1965

SIBÉRIE – Un puits de 2 507 m de longueur, dont une portion horizontale de 632 m.

1968

Drilling Engineering Award SPE

1991

Aprés avoir déposé le brevet du SIMPHOR en 1981, l’IFP cède des licences aux leaders mondiaux de diagraphies.

Elf Aquitaine lance le programme de R&D « PRODHOR ».

CANADA − CS Resources développe les premiers champs d’huile lourde par puits horizontaux, grâce à un accord technologique signé avec l’IFP et Elf Aquitaine.

CANADA – CS Resources développe le premier prototype SAGD.

PAYS-BAS – Zuidwal - Premier gise-ment de gaz développé via des puits horizontaux.

1988

USA, OMAN, PAYS-BAS, ANGOLA, GABON, CONGO, ROYAUME-UNI… plus de 50 puits horizontaux forés par Elf Aquitaine en 12 ans.

ITALIE – 27 puits horizontaux opéra-tionnels sur Rospo Mare.

1992

Développement industriel des puits multilatéraux.

1997

1987

Prix « Ingénieur-Inventeur Chéreau-Lavet » attribué à l’IFP pour le SIMPHOR.

Prix « Pionnier de la technologie »décerné à Total par l’Offshore Energy Center pour le Measurement While Drilling (MWD).

2011

ARGENTINE – Record mondial pour Total : 11 184 m de longueur, 10 500 m de déport horizontal.

1999

Fleuve CONGO – Total réalise les études de faisabilité de la traversée du canyon sous-marin.

2001

ÉTATS-UNIS – Le forage horizontal est utilisé pour l’exploitation des hydrocar-bures de schiste.

2006

Prix décernés par l’Offshore Energy Center à : - André Jourdan : prix « Pionnier de l’Industrie » et « Pionnier de la Technologie forage horizontal »

- Jacques Bosio : prix « Pionnier de la Technologie forage horizontal »

- Total : pour l’ensemble de ses travaux sur la Technologie du forage horizontal.

2014

ATTEINDRE DES DÉPORTS SUPÉRIEURS À 20 000 M

2020

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Rédaction : Florence Elman Comité éditorial Total : Bertrand Bacaud, Emmanuelle Bouvin, Philippe Coffin, Philippe Essel Conception et réalisation : Muriel Damasio Crédits photographiques :©Laurent Pascal, ©Thierry Gonzalez, Patrick Sorriaux, Dixxit et IDE, IFPEN, SPE, Offshore Energy Center

©TOTAL S.A. Septembre 2016

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total.com

Exploration-ProductionTOTAL S.A.Siège Social2, place Jean Millier – La Défense 692078 Paris-La Défense Cédex – FranceTél. +33 (0)1 47 44 45 46Capital social : 6 196 891 032,50 euros542 051 180 RCS Nanterre www.total.com

Total est l’une des premières compagnies pétrolières et gazières mondiales ainsi qu’un leader de l’énergie solaire. Présent dans plus de 130 pays, il compte près de 100 000 collaborateurs mobilisés autour d’une mission : s’engager pour une énergie meilleure.