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History of Romanians in French

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  • HISTOIRE,

    DES ROUMAINS

  • BAL'G (mAIXE-ET-I.OIREJ. IMl'lUJIEHIE !>.M,OLX

  • HISTOIRE

    DES ROUMAINSDE

    LA DACIE TRAJANEDEPUIS LES ORIGINES JUSQU'A L'UNION DES PRINCIPAUTS EN 1839

    PAR

    A.-D. XNOPOLl'ROFESSEUR A l'UNIVERSIT DE JASSY, MEMBRE DE l'aCADMIE ROUMAINE

    AVEC UNE PRFACEPar Alfred RAMBAUD

    PROFESSEUR A LA FACULT DES LETTRES DE PARIS

    I

    ;513 av. J-C.-1633) _ 'Z, ^

    ^1^

    PARISERNEST LEROUX, DITEUR

    28, RUE BONAPARTE, 28

    1896

  • PRFACE

    Entre la Theiss, le bas Danube, la mer Noire et le Dniesters'tend une vaste contre qui, dans l'antiquit, s'appelait la Dacie.Elle a pour centre le massif des Carpathes, qui sont comme lesAlpes Daciques, et la crte de ce massif la divise en deux paris peu prs gales. De ces deux parts, l'une descend vers la merNoire et le bas Danube : l'autre, vers cette verte mer que formentles steppes immenses de la Hongrie. Tout ce pays est l'habitatd'une nation qu'on appelle aujourd'hui les Roumains. Duct de la mer Noire ils peuplent la Valachie, la Moldavie, la

    Rukovine, la Ressarabie : ce sont les Roumains cisalpins. Du ctde la plaine hongroise, ils peuplent en majeure partie l'Ardal(Transylvanie) et le Ranat de Tmesvar : ce sont les Roumainstransalpins.

    kn point de vue politique, ils sont partags entre quatre cou-ronnes : la Ressarabie appartient la Russie ; la Rukovine, l'Autriche

    ; la Transylvanie et le Ranat, la couronne de Hongrie ;quant la Valachie et la Moldavie, deux principauts longtempsdistinctes, et parfois cruellement ennemies, elles se sont runies,en 1839, pour former un seul Etat qui, depuis 1881, est le royaumede Roumanie.

  • Il HISTOIRE DES ROUMAINS

    C'est seulement dans ce royaume que les Roumains obissent

    leurs propres lois ; partout ailleurs ils subissent les lois, parfois

    dures et iniques, que leur imposent des trangers ; on peut dire

    que l seulement ils sont libres.

    Les noms mmes de Roumanie et de Roumains sont nouveauxdans notre vocabulaire politique. Il y a trente ans la diplomatie

    ne connaissait que ceux de Moldavie et de Valachie. Ce

    qu'taient ces pays-l, on ne le savait pas trs bien. Dans une

    gographie qui n'est pas trs vieille, de nombreuses gnrations

    de Franais ont pu apprendre que ce sont deux principauts

    5/i'e5 tributaires de la Turquie . Bien avant Cortambert, l'imp-

    ratrice Catherine II, dans ses proclamations, parlait des habitants

    de ces contres comme s'ils taient une varit de Slaves. Pour

    son contemporain, le baron de ott, trs bon observateur cepen-

    dant, les Moldaves sont des Grecs et la Moldavie une prin-

    cipaut grecque .

    Personne n'avait donc pris la peine d'couter la langue^ que

    parlent Valaques et Moldaves et d'entendre le nom qu'ils se donnent

    eux-mmes? Cette langue et frapp les moins attentifs par l'vi-dence de son origine latine ; et le vocable national qui retentissait

    non-seulement du bas Danube aux sources du Dniester, mais duDniester la Theiss par-dessus les sommets des Carpathes, c'tait

    celui de Romini ou Roumini, Romani ou Roumni, que nous tra-duisons par Roumains. Pourquoi pas, tout simplement parRomains ?

    Car ces Valaques', ces Moldaves, ces Transylvains, ces gens duBanal, ce sont simplement les Romains de l'Est. Ce nom deRomains, tous dans l'Occident, nous l'avons port autrefois, il y aquatorze sicles. Nous nous appelions alors Gallo- Romains,Hispano-Romains, Italo-Romains, Romains de la Grande-Bretagne et Romains d'Afrique. Seulement ce nom du Peuple-

    \. Au reste le nom mme de Valaques (Vlaques, VIochp, etc.) a sa noblesse : c'estune des formes du mot Gaulois (tout commme Welc/ies). Les Germains appel-lent Wlschland la Gaule cisalpine, c'est--dire l'Italie du Nord, qui serait ainsila Valachie de l'Occident.

  • PREFACE III

    Roi, le plus sonore et le plus retentissant de l'histoire, qui roula

    comme un tonnerre sur les rois et les nations de l'antiquit, nous

    l'avons oubli pour nous-mmes, et comme rpudi ; or, voici qued'autres hommes, qu'eux aussi nous avions oublis, s'en souvien-nent. A travers tous les bouleversements, submergs mais nonpas emports par le flot incessant des invasions barbares, parfoisse cramponnant au sol et parfois comme rentrs sous terre,chappant aux regards distraits de l'histoire et s'ciipsant pendantde longues priodes, tel sicle nous les entrevoyons sur les

    pentes occidentales des Garpathes, tel autre sicle sur les plages

    de la mer Noire. On les prendrait pour des nomades, eux lessdentaires par excellence, eux qui ont au suprme degr l'amourde la terre et le culte romain du dieu Terme, et qui, dans un de leursproverbes, se comparent aux pierres d'un torrent, qui restenttandis que l'eau s'coule.

    A peine si le nom antique, patrimoine commun de tant depeuples, s'est un peu dform, et comme assourdi, sur leurs lvres.Peut-tre mme est-ce ainsi que le prononait le peuple de Rome :Ruma est une forme archaque de Borna et Rumon est l'ancien nomdu Tibre.La langue roumaine n'est point utie espce d'italien ml de

    mots grecs et slaves *. Car elle a jailli de la souche latine, aussidirectement que l'italien ou le franais, et en vertu de lois philo-logiques et phontiques qui lui sont propres. Seulement, pourexprimer certains traits de son existence politique et religieuse,ce peuple a d faire des emprunts aux idiomes des peuplesvoisins. Il ne pouvait emprunter ni la littrature latine,puisqu'il mena pendant des sicles une vie barbare et sanslettres ; ni aux langues issues comme la sienne du latin, puisqu'iltait comme exil aux extrmits du monde, presque aux mmeslieux o Ovide, exil, se lamenta dans ses Trstia et ses Pontica.Longtemps ce peuple n'a connu, part les Grecs, que des peuplesplus barbares que lui-mme, parfois apportant du fond de l'Asie

    1. Expression d'une autre gographie chez nous populaire: Dussieux, dit. de 1869.

  • IV HISTOIRE DES ROUMAINS

    la barbarie crue. C'est seulement au xvi'' sicle que son lite est

    entre pour la premire fois en relations avec un peuple de mmesang, les Italiens ; et prs de deux sicles se sont couls encore

    avant qu'il fit connaissance avec le chef de la famille latine^ le

    peuple franais.

    Il y a dans Edgar Quinet * une page qui venge les Roumains detoutes les sottises qui ont pu tre dbites, ou le seront encore, sur

    leur origine. Cette page consacre leur tat civil comme peuple latin ;

    elle signifie leur avnement dans l'histoire europenne ; elle a timprime juste au moment o la France prenait rsolument enmain la cause de ces dshrits, les plaant sous la protection del'Europe tout entire ; elle est comme la justilication loquente et

    comme les potiques considrants des stipulations diplomatiques

    de 48S6.

    Et qui sait si cette solennelle parole de bienvenue n'a pas agicomme une incantation, par la vertu de laquelle se sont pr-

    cipits, pour ce peuple si longtemps infortun, les vnementsheureux ?Peu d'annes s'coulaient, et l'union se faisait des deux princi-

    pauts (1839) ; et la Roumanie nouvelle affirmait son autonomiereligieuse en face du patriarche de Constantinople (1865) ; et unearme latine faisait son entre en scne, victorieusement, sous lecanon de Plevna (1878). Enfin, la pleine indpendance de la Rou-manie tait reconnue par l'Europe, et les deux Principautsunies se transfiguraient en un royaume (1881). Ainsi successive-ment, mais trs rapidement, en moins de trente ans, se brisaienttoutes les chanes, s'effaait toute trace des hontes du pass.C'en tait fini, la fois, de la conqute ottomane, du protectoratrusse, de l'exploitation ecclsiastique par les Grecs ; au morcelle-ment succdait l'unit; l'humiliation, la gloire militaire etl'clat d'une couronne royale; la servitude pour chacun etpour tous, l'mancipation politique, avec l'galit sociale, un

    1. Dans le volume les Roumains des uvre'i compltes. Ce volume fut dit Bruxelles en dcembre 1856, cinq ans aprs le coup d'tat qui ft d'Edgar Quinetun proscrit, huit ans aprs la rpression roumaine de 1848 qui avait fait tant d'exils.

  • fREFACK V

    parlement, une presse libre, toute la vie intense de TOcci-

    deiit. Quinet (mort en 1875) n'a pas vu ce glorieux avnementde la Roumanie sur les champs de bataille ; mais il avaitsouhait, il avait prdit son relvement : peut-tre y a-t-ilcontribu.

    Qu'est-ce donc, aujourd'hui, que cette nation qui, presqueen mme temps que les Serbes et les Bulgares, un demi-sicleaprs les Hellnes, est venue rclamer, aux confins de l'Europe,

    son droit de cit europen ? Assurment le royaume de Roumanien'est pas une des grandes puissances du continent. Gardons-nouscependant de le trop rabaisser. Il s'tend sur 131.000 kilomtres

    carrs, avec une population de plus de 3 millions d'mes. Il est vaste

    comme quatre ou cinq fois le royaume de Belgique ou celui des

    Pays-Bas, trois fois la Suisse, une fois et demie le Portugal, peuprs autant que l'Angleterre proprement dite. Comme populationil gale presque la Belgique ; il dpasse la Sude et la Hollande.Et qui ne voit que sous une bonne administration nationale, avecun sol aussi riche, la Roumanie est destine obtenir trs promp-tement, ce dont les atroces misres du pass l'avaient prive, unchiffre de population en rapport avec sa superficie. Ds mainte-nant, elle laisse derrire elle, comme population, six royaumes

    d'Europe, et, comme superficie, neuf royaumes. Dans la pninsule

    des Balkans, elle est suprieure tous les autres Etats chrtiens :

    Bulgarie, Grce, Serbie, etc. Elle y dispute le premier rang la

    Turquie elle-mme, si l'on ne considre que les possessions euro-pennes de celle-ci ; et encore, ce compte, le roi Charles est-ilplus puissant que le sultan, car ses lois sont obies des sources

    du Pruth aux Portes de Fer, tandis que, dans les Etats duPadishah, l'Albanie, par exemple, ou le Rhodope, ou la Crte

    n'obissent personne.

    Toutes les Roumanies, tous les Roumains ne sont pas runis

    sous le sceptre du roi Charles. La Bessarabie est entre des mains

  • \l ilISTOlRE 1)ES ROUMAINS

    trop fortes pourqu'on ne la considre pas comme gravement com-

    promise. Peut-tre n'en est-il pas ainsi pour la Transylvanie, le

    Banat, la Bukovine. Or, dans ces trois pays, on compte plus de

    4 millions de Roumains, anims du mme sentiment national queles 5 millions du royaume danubien. Pas un d'eux n'ignore aujour-d'hui quelle solidarit les unit tous. Beaucoup savent qu' un

    certain moment, quoique trs court, sous Michel le Brave, toutes

    les Roumanies obirent au mme prince. Ils n'ont garde deplus jamais l'oublier. Le 19 juin 1883, lors de l'inauguration lassy de la statue d'Etienne le Grand, uvre d'un artiste franais,

    Frmiet, le bronze du hros moldave entendit d'tranges discours.Ils rappelaient le temps dont il est question dans les chants natio-

    naux, le temps oii

    Etienne, Etienne le vovodeSortait tout arm de Suciava,Battait Tatars et Polonais,

    Battait Turc?, Russes et Hongrois.

    Le prsident de la chambre des dputs porta au souverain cetoast: Au roi des Roumains ! Et non pas, notons le bien, auroi de Roumanie, c'est--dire au chef d'un Etat dont les traits de1878 ont marqu les limites. Le snateur Gradisteanu se chargeade faire ressortir la nuance. Dans un autre toast, il dit : A lacouronne de Votre Majest il manque encore quelques perles : leBanat, la Bukovine, la Transylvanie ; mais, esprons-le, pas pourtoujours . Toutefois, l'ambition la plus haute n'excluant pas laprudence, l'orateur s'est gard de mentionner une autre perleroumaine. En imitant sa rserve et en laissant aussi de ctla Bessarabie, si nous lchons les rnes notre fantaisie et quenous nous essayions dessiner sur la carte une Grande Roumanie,nous trouvons qu'elle s'tendrait sur prs de 240.000 kilomtrescarrs (l'Italie en a 286.000), et que ds maintenant elle seraitpeuple de neuf ou dix millions d'mes. Elle deviendrait lapuissance prpondrante dans la pninsule des Balkans et lahuitime puissance de l'Europe.

  • PRFACE VI

    Les Roumains ne sont pas seuls faire de ces rves d'avenir quid ailleurs sont aussi des vocations du pass. Le royaume deGrce, le royaume de Serbie, la principaut de Bulgarie, ne

    comprennent pas davantage tous les Grecs, tous les Serbes (en ycomprenant les Croates), tous les Bulgares. Ces races ont eu leur

    moment d'union, de grandeur, de prpondrance, au temps des pluspuissants empereurs byzantins, ou de Douchan le Fort, ou du tsarSimon. Elles aussi rvent de grouper autour du petit Etat consacrpar les traits les membres disperss de la famille. Et alors il yaurait, comme il y eut autrefois, une Grande Hellade^ une GrandeSerbie^ une Grande Bulgarie. Mais toutes la Grande Roumanieresterait encore suprieure en tendue comme en population.

    Ceux qui, avant la renaissance roumaine de ce sicle, ont prisles Latins du Danube ou pour des Slaves, ou pour des Grecs, oupour des Barbares quelconques, taient peut-tre excusables.

    Jusqu' la fin du sicle dernier, le roumain, quand il s'crivait,s'crivait non pas en lettres latines, mais en lettres slaves. Quel'on soumette ce rgime la plus belle page de Bossuet, d'Alfieri

    ou de Cervantes, on verra si elle ressemble du franais, del'italien ou de l'espagnol. Edgar Quinet a transcrit cette lamenta-tion d'un philologue roumain de Transylvanie : Ils ont recouvertd'une si laide suie les nobles formes romaines qu'elles paraissaient

    ensevelies sans espoir de salut. Que de fois, quand je commenais crire avec des lettres latines, je voyais soudainement apparatre

    devant moi la figure antique ! Elle brillait de tout son clat, et

    semblait me sourire de ce que je l'avais dbarrasse des vils

    haillons de Cyrille* .

    Convertis ou, aprs une priode de rechute dans la barbarie,

    1. Cette boutade d'un patriote roumain doit s'excuser ; naais n'oublions pas quel'alphabet de saint Cyrille ouvrit au monde slave presque entier les accs de lacivilisation ; et qu'aujourd'hui 120 millions d'hommes se servent d'alphabets drivsde celui-l.

  • vin HISTOIRE DES ROUMAINS

    reconvertis au christianisme parles Aptres des Slaves *, les

    Roumains avaient d emprunter ceux-ci leurs livres d'glise,leur rituel, leurs chants liturgiques, et tout le vocabulaire eccl-

    siastique, qui du reste procdait en grande partie du vocabulaire

    byzantin. Quand le clerg de Byzance eut pris la place du clergslave, ce fut la langue grecque d'glise qui prdomina. Pour tout

    ce qui regardait les ides de pouvoir militaire et de gouvernement

    civil, les Roumains, peuple de laboureurs et de pasteurs, durentemprunter aux Byzantins, aux Bulgares, aux Hongrois, aux atars,

    aux Ottomans. Mais comment les Occidentaux eussent-ils reconnu

    des Latins dans un peuple qui avait un alphabet slave, un clerg

    grec, et, pour souverain, un Grec sorti du Phanar de Constan-tinople, sujet du sultan osmanli et portant les insignes d'un pacha trois queues ? L'originalit des Roumains, par rapport aux autresLatins dont ils vcurent si longtemps spars, apparat surtout ences deux caractres : ils parlaient une langue latine qui ne s'crivaitpas en lettres latines ; ils sont le seul peuple latin qui professe

    non la foi romaine, mais la foi orthodoxe. Cette double originalitnous les rendait difficiles reconnatre.

    Avec la situation gographique de leur pays, enclos de toutesparts entre des Slaves et des Finnois^, avec leur histoire et leurs

    relations toutes barbares, avec leur alphabet slave et leur glisegrecque, il tait presque paradoxal de revendiquer pour eux unefiliation latine. Pourtant rien de plus authentique que celle-ci. LesRoumains sont des Latins au moins au mme titre que nous-mmes. Ils ne sont point de purs Latins, pas plus que nous-mmes.Leur origine est double, comme la ntre. De mme que noussommes des Celtes et des Romains, ils sont des Daces et desRomains. Aux origines de notre histoire apparaissent, doublesymbole de ce dualisme, ces deux hros ennemis. Csar et Vercin-gtorix, irrconciliables de leur vivant, rconcilis dans la postrit,car, quel Franais pourrait dcider s'il est plutt de sang romain

    1. Saint Cyrille et saint Mthode; ou plutt par les disciples de ces Aptres

    2. N oublions pas que les Magyars sont des Kinnois, c'est--dire des Turc?, toutcomme les Ottomans. Ils sont des Turcs chrtiens.

  • PRKFACK rX

    OU de sang gaulois? De mme, aux origines de l'hisloire rou-maine apparaissent deux hros ennemis, le Dcbale el l'empereurrajan ; la tte sanglante de celui-l lnit par tre apporte auxpieds de celui-ci, et alors tomba la puissance des Daces ; alorscommena la colonisation latine. Mais quel Roumain aujourd'huipourrait dcider s'il descend d'un guerrier de Dcbale ou d'unsoldat de Trajan ? A sa volont il peut choisir, comme anctres,ou ces Barbares ou ces lgionnaires romains qui, confondus end'ardentes mles, droulent sur le ft de la Colonne Trajane lalongue spirale de leurs batailles de bronze.

    Pour le peuple roumain comme pour le peuple franais,c'est sur une vigoureuse souche barbare qu'ont t greffes lacolonisation, la civilisation latines ; mais, pas plus que nous

    ne pouvons reconstituer la langue que parla Vercingtorix,on n'est parvenu reconstituer celle du Dcbale. De la languedace il ne reste gure que ce qui subsiste de la langue des dueset des Arvernes : quelques noms patronymiques et quelquesnoms gographiques. Seulement, cette langue gauloise quenous oe pouvons reconstituer, c'est avec une pleine certitudeque nous la rattachons aux langues celtiques, mme cellesaujourd'hui vivantes. Au contraire, sur ce que fut la langue desDaces, il subsiste des doutes. On la qualifie de daco-thracique;elle semble avoir t apparente l'ancien illyrien, dont procdel'albanais d'aujourd'hui. Trs probablement, elle admettait deslments danubiens celtiques. Premier point de contact entre lesFranais et les Roumains.En voici un second. L'acte de naissance de la nation roumaine

    se trouve dans quelques lignes d'un crivain obscur, Eulrope, qui,parlant de Trajan, nous dit : Ex toto orbe romano infinitas copiashominum eo transtulerat ad agros et urbes colendos. Or, parmi cescolons que Trajan amena dans le pays conquis, de tout le monderomain et en multitudes infinies, il y eut assurment des Gallo-Ro-mains. Leur prsence, dans la foule des autres colons latins, nousest rvle par les inscriptions votives qu'on peut relever parcentaines, aujourd'hui, dans la plaine dacique : ce sont des Gaulois

    I

  • X HISTOIRE DES ROUMAINS

    d'Asie qui myoquGni Jupiter Taviamis et ce sont des Gaulois de Gaulequi firent graver le nom de Nhalnia, desse des eaux.

    Par la suite, entre Daces et colons toute diffrence s'effaa. Dans

    l'immensit du monde romain, un nouveau groupe se manifesta :celui des Daco-Romains. Toute romaine fut la vie de cette nation

    qu'avait cre la victoire de Trajan : les mmes inscriptions nousmontrent fonctionnant partout les magistratures municipales, les

    collges d'artisans, les collges de prtres, tout le cursus honorum^

    et la vie des camps, et la vie des thermes, et la vie de plaisir. C'est

    en pays roumain qu'a t releve la curieuse pitaphe : Saltavit,cantavit cunctis placuit.

    Cette florissante Romanit du Danube fut bientt menace.Dj sous Hadrien, Rome dsesprait de protger sa coloniecontre les perptuelles incursions des Barbares. Hadrien avait

    song l'abandonner. Il y renona, nous dit Yopiscus, nemulti cives romani Barbaris traderenlur : tant les colons romainss'taient dj multiplis, ou tant les primitifs indignes s'taientdj romaniss ! Pourtant il fallut en venir cette extrmit lors-que l'empereur Aurlien, en 274, renonant dfendre la rivegauche du Danube, dcida l'vacuation de la Dacie trajane.Deux lignes de Vopiscus semblent enregistrer l'acte de dcs :

    Sublato exercitu et provincialibus reliquis... abductosque ex ea

    populos in Msia coliocavit\ A-t-on assez discut sur ce texte sibref ! Il y a eu la thse nationale roumaine, qui tendait prouver laperptuit de l'existence des Romains mme dans la Dacie va-cue par Aurlien ; il y a eu la thse anti-roumaine, celle des Alle-mands et des Magyars, qui, prenant la lettre Vopiscus, affirmaientque les Romains avaient totalement disparu de la rive gauche duDanube. Les Hongrois, quand ils arrivrent au ix" sicle avecArpad, auraient donc trouv l'Ardal inoccup ; de mme lescolons saxons du x^l^ Si ensuite des Roumains avaient reparudans le pays, ce n'avait t qu'en qualit de simples intrus ; etcomme tels, ils taient mal venus se plaindre de l'espce de

    1. Sextus Rufus s'exprime presque dans les mmes termes : translatis exindeRomanis. Et Eutrope ; abductos Romanos ex urbibus et agris Daciae.

  • PREFACE XI

    servitude o ils s'y virent bientt rduits. L'rudition magyare ouallemande se mettait donc au service du systme politique quientendait perptuer l'oppression des Roumains transalpins.L'rudition roumaine, au contraire, cherchait exhumer leurstitres d'hommes libres et de propritaires.Pendant longtemps les savants des Roumanies, pour prouver que

    leurs compatriotes n'avaient jamais abandonn la terre que leurdonna Trajan, n'eurent d'autre ressource que de discuter sur le textede Vopiscus, de dmontrer, par a priori, qu'il ne devait pas trepris au pied de la lettre. Ils affirmaient qu'aprs la retraite des

    lgions [sublato exercitu) et celle des fonctionnaires (c est ainsi

    qu'ils essayaient de traduire pi'ovinciales) , la masse des sujetsromains resta dans lepaysvacu par l'arme impriale. Cette massedevait tre considrable [infinitas miiltitiidines ; multi cives) ; elle

    n'avait pu que s'accrotre sans cesse pendant 168 ans d'occupationromaine. Il tait impossible que sur un signe d'Aurlien elle et

    pu se transporter, tout entire, l'autre rive du Danube ; impos-sible aussi que, tout entire, elle et pu ensuite migrer de cetterive droite pour roccuper la rive gauche (Transylvanie et Banat).On pouvait invoquer les situations analogues dont abonde

    rhistoire. Par exemple, quand la Gaule, au v*' sicle, dut trevacue par les troupes romaines, est-ce que les Gallo-Romainsn'y restrent pas? Quand, plus tard, la France dut vacuer leCanada et la Louisiane, est-ce que nos colons ont suivi dansleur retraite les soldats de Louis XV ?

    Bientt, force de recherches, les savants des Roumaniestrouvrent moyen d'ajouter ces preuves indirectes des argumentspositifs. Les plus probants, les plus topiques leur furent fournis

    par leurs adversaires naturels, par les chroniques et les chartes

    des Hongrois. Celles-ci nous montrent, en effet, les descendants

    des colons de Trajan occupant la Transylvanie et une partie de laHongrie antrieurement l'invasion magyare, s'y perptuantmme aprs celle-ci, s'accommodant au rgime de la conqute,et le peuple continuant mener la vie agricole ou pastorale, les

    classes suprieures trouvant moyen de s'affilier la noblesse

  • XII HISTOIRE bES ROUMAINS

    magyare. Plus tard', les hros de la rsistance hongroise

    l'invasion ottomane seront des Roumains d'origine : Jean Hu-nyade, le chevalier blanc des Valaques , et le glorieux roi

    Mathias Corvin.

    Et, chose trange, tandis que dans la Dacie vacue par Aurlien

    la perptuit de l'occupation roumaine nous apparat incontestable,c'est prcisment sur la rive droite du Danube, dans cette Msieoii il aurait donn l'ordre aux colons de se transporter, que leurtrace est presque impossible saisir. Tout au moins, leur sjoury fut trs court. Us y furent promptement supplants par ces

    Slaves auxquels les conqurants finnois, venus des bords du Volga,imposrent ensuite le nom de Bulgares.

    C'est dans la Dacie trajane, ou du moins dans la partie monta-gneuse de cette Dacie, en un mot dans le massif des Carpathes, que

    la race roumaine s'est perptue sans interruption de l'empereurAurlien jusqu' nos jours. Ce massif-l, c'est proprement la Rou-manie. La Valachie et la Moldavie, fondes l'une en 1290, l'autreen 1348, n'en sont, en ralit, que des colonies.

    Rfugis dans les gorges et sur les plateaux de l'Ardal, les hri-tiers du Decbale et de Trajan ont vu se succdei'dans la plaine lesinvasions: Goths, Slaves, Huns, Avars, Hongrois, atars, Otto-mans. De l-haut, par des temps plus calmes, ils sont redescenduspour roccuper les plaines : la basse Transylvanie et le Banat, d'unepart ; la Moldavie et la Valachie, de l'autre. Et avec quelle nergie

    prolifique (que leur reprochent, comme une honte, les Hongrois),avec quelle puissance d'absorption l'gard des autres races,

    n'ont-ils pas recommenc la conqute de la plaine ! En Transyl-vanie, ils ont absorb les colonies serbes ; dans la rgion de laTheiss, ils absorbent galement les Serbes ; en Valachie et Molda-vie, tout ce qu'ils ont trouv de prexistant eux-mmes, tout cequi s'est parla suite hasard chez eux, Goths, Slaves, Grecs, Alle-mands, ils ont tout absorb, tout romanis. Et, sous nos yeux, peine mis en possession de la Dobroudja par les traits de 1878,ils ont commenc s'assimiler les Tatars. Ils n'ont trouv de r-fractaire jusqu' prsent, l'ouest des Carpathes, que le Magyar

    ;

  • PREFACE XIll

    l'est et au sud, que l'Isralite et le Tsigane. Et plus compltementils s'agrgent les lments trangers, plus soigneusement, en mmetemps, ils tendent expulser de leur langue les mots d'origine

    trangre. Ethnographiquement, ils sont des conqurants irrsis-tibles

    ;philologiquement, ils deviennent des puristes, rvant d'une

    langue roumaine dont la grammaire et le vocabulaire soientexclusivement latins. Pour ces conqutes sur leurs voisins, ils

    semblent tre en possession de deux dons inns. D'une part, ils

    s'accommodent au climat, prosprent l oi le colon allemandprit de la malaria^ attestant ainsi qu'ils sont bien les fils de cette

    terre. L'autre don qu'ils possdent, c'est, si l'on veut, unefaiblesse ; mais c'est aussi une force. A la diffrence des Slaves,si prompts s'assimiler les langues trangres, le Roumain^comme le Romain des grands sicles, comme le Franais detous les temps, ne veut savoir que sa langue. Aussi, dans toute

    mise en contact avec les bommes d'autres races, il faut bien, si l'onveut s'entendre, que ce soit l'autre, ou le Serbe, ou l'Allemand, ou

    le Tatar, qui se dcide apprendre le roumain. Toute femmetrangre qui entre dans une maison roumaine s'y romanise

    ;

    mais toute Roumaine qu'un mariage amne dans une maison tran-gre y impose sa langue. C'est ainsi que, dans toutes les plainesque domine la citadelle roumaine des Carpathes, ne cesse des'tendre, comme une tache d'huile, la colonisation roumaine oula romanisation des allognes. Et notez qu'en Transylvanie et en

    Hongrie tout travaille contre le Roumain, et la partialit dugouvernement, et la propagande par l'cole, et l'iniquit de la loipolitique et sociale. Que serait-ce donc si ces forces travaillaientpour lui ?

    On comprend l'inquitude dont est saisi le Magyar en prsencede ce monstrueux phnomne ; il voit sa conqute du ix" sicleremise en question, son royaume de saint Etienne rong et commedissous par ces gens qui semblent sortir de dessous terre. C'est legnie de Trajan qui l'emporte sur le gnie d'Arpad, la Rometernelle qui triomphe de l'phmre invasion. La donation queTrajan fit ses vtrans et ses colons, un moment compromise

  • XIV HISTOIRE DES ROUMAINS

    par la pusillanimit d'Aurlien, un moment frappe de caducitpar l'irruption des cavaliers d'Asie, revit dans toute sa force.

    Lentement, mais srement, inluctablement, ce sont les fils dela Louve, les Daco-Komains, qui reprennent possession de leurdomaine. Ces craintes du Magyar, comme il les exprimait avecfranchise, avec plus de franchise encore qu'aujourd'hui, il y adeux sicles ! En 1699, les trois nations privilgies de la Transyl-vanie, Hongrois, Szklers, Saxons, expliquaient nettement

    l'empereur Lopold pourquoi elles ne voulaient pas d'mancipationpour la quatrime nation, la roturire nation des Valaques. Ellesn'en voulaient pas, de peur que la nation roumaine, barbare etprolifique, ne s'levt pour renverser les [trois] autres nations .

    C'est pour la mme raison qu'elles s'opposaient ce que lesmissions catholiques s'employassent extirper chez les Rou-

    mains ou l'hrsie protestante ou l'orlhodoxie grecque: deve-nus catholiques, n'allaient-ils pas rclamer Tgalit des droitspolitiques ? Et la dite transylvaine (oii les Roumains n'taientpas reprsents) dployait toutes les ressources de la persuasionpour faire renoncer Sa Majest Apostolique son apostolat : Le peuple roumain n'est point attach la religion, mais seule-ment rempli de superstitions ; il est trs barbare et prt tous lesmfaits ; il ne sera d'aucune utilit la religion catholique ! Dans l'Ardal le noble vocable de Romani tait devenu synony-

    me de paysan, d'esclave rural. D'une faon gnrale, tout Roumainy tait serf, comme tout seigneur tait hongrois. Le servage y taitplus dur qu'en Russie, aussi dur qu'en Pologne, avec cette aggra-vation que le matre tait de sang tranger et de religion ennemie.

    Pourtant il ne faut pas croire que les Roumains fussent rsigns l'oppression, simplement parce qu'elle tait sculaire. On devinel'prcl de la rsistance la multitude des supplices. Lorsquel'empereur Joseph II se prparait son premier voyage en Transyl-vanie, l'Impratrice-Reine, pour pargner son fils des impres-sions par trop pnibles, enjoignit au gouverneur, par lettre du 11mai 1773, d'avoir faire enlever et ensevelir les cadavres deceux qui ont pri par la potence, la roue ou le pal, et qu'on laisse

  • PREFACE XV

    exposs sur les routes, l'horreur et au dgot des passants . Lemme empereur, mu par la misre du paysan roumain, essayad'amliorer son sort : les classes privilgies l'en empchrent. Uneleve d'hommes ordonne par lui en Transylvanie avait t accueil-lie par les paysans comme un bienfait ; le rgime de la caserne,si dur qu'il ft, avec la boule de son et la schlague, leur semblait

    prfrable au rgime seigneurial : les privilgis russirent em-pcher la leve, parce qu'elle les et privs de leurs esclaves. Cette

    fois les paysans perdirent patience. Un des leurs, un ancien soldat,Ursu Horia, revenant de Vienne o il n'avait pu faire entendreleurs dolances, leur annona que l'empereur Joseph, mcontentdes obstacles que la noblesse opposait ses bonnes intentions, lesautorisaient la contraindre par la force. Il n'en fallut pas davan-

    tage pour qu'une jacquerie clatt : lo.OOO paysans, tout couprassembls, assaillirent les chteaux, gorgrent, assommrent,brlrent. Cela ne dura que quelques mois. Horia et les autres chefs

    du mouvement furent pris et prirent dans les supplices. Du moinsl'empereur profita de la terreur qui avait un moment domptl'orgueil nobiliaire pour dcrter l'abolition du servage en Tran-sylvanie, dcret qui resta lettre morte.

    Il y eut une autre occasion o les Roumains de Transylvaniepurent manifester aux Magyars les sentiments que ceux-ci leur

    inspiraient. C'est en 1848, lorsque la Hongrie se leva tout entire, la voix de Kossuth, pour la cause de la libert. Noble causeassurment ; mais la libert, telle que les Magyars l'entendaient,c'tait uniquement la libert hongroise. Quant celle des autresnations du royaume de saint Etienne, quant celle des Croates,des Serbes, des Roumains, il n'en tait pas question. On reliraitmme ces nations ce que la prpondrance magyare n'avait puencore leur ravir; on substituait partout leurs idiomes, dans la

    vie politique comme aux coles, la langue magyare. On saitcomment ces prtentions furent accueillies. Contre l'insurrectionhongroise, Serbes et Croates s'insurgrent, au nom de l'empereur,

    avec le ban Jellachich leur tte. Les Roumains se runirent Blache,dans la Plaine delaLibert^ renouvelantle sermentdefidlit

  • XVI HISTOIRE DES ROUMAINS

    l'empereur, mais revendiquant tous les droits que leur refusaient

    les Magyars, et coururent aux armes. Eux aussi tirent cause

    commune avec les troupes impriales ; mais ils ne furent pas les

    plus forts. Csanyi, le victorieux Magyar, leur infligea d'atroces

    reprsailles. En deux mois, 4000 Roumains sont fusills ou pen-dus. Qu'on s'tonne que les Latins aient, comme faisait alorsl'empereur de Vienne, fait appel l'intervention russe ! Et chose

    trange, c'est en cette mme anne i 848 que les Russes intervinrenten Transylvanie pour protger les Roumains contre les Hongrois,en Valachie et Moldavie pour dompter la rvolution roumaine !

    La jacquerie du xviii" sicle et la rvolution de 1848 jettent unelumire assez vive sur les questions qui s'agitent aujourd'hui enTransylvanie. Le rcent procs de Klausenburg en a rvl l'Europe la persistante acuit.

    La crte des Carpathes continue sparer les Roumains soumis la monarchie austro-hongroise et les Roumains des deuxPrincipauts ; elle a contribu sparer leurs destines, imposant ceux-l une histoire qui se confond avec celle des Magyars,engageant ceux-ci dans une lutte sculaire contre l'invasionturque. Cette lutte fut opinitre, sauvage, et parfois d'une barbarie

    qui intimida la barbarie ottomane. Si ce sont des fils de Romulusque Mircea le Grand, et Vlad TEmpaleur, et Etienne le Grand,convenons qu'ils ne ressemblent gure aux empereurs Flaviens,ces guerriers philosophes qui fondrent la Dacie roumaine. A ctd'un Trajan, d'un Anlonin, d'un Marc-Aurle, dont les mdaillesnous ont gard les augustes et calmes prolils, Etienne, Vladsurtout, semblent des btes froces. Le type romain, lui aussi,fut dform par cette mme suie barbare qui souillait l'idiome.Du moins, au prix d'une lutte dsespre, et mme d'atroces

    cruauts, Vlad a fait empaler d'une seule fois 2000 prisonniersturcs, et les chroniqueurs ont not la stupeur admirative dont futsaisi le sultan Mohammed la vue de ces 2000 pals, en terrifiantces Turcs qui terrifiaient le monde entier, les princes roumains

  • PREFACE XVII

    russirent relarder la chute de l'indpendance. La fin de la lutteest marque, pour la Valachie, par le trait conclu en 1391 avecles Turcs par Mircea le Grand et renouvel pendant les guerres deYlad l'Empaleur

    ;pour la Moldavie, parle trait que le succes-

    seur d'Etienne le Grand, obissant aux dernires volonts de cehros, conclut en 1513 avec Soliman le Magnifique.

    Ces traits taient de vritables chartes protectrices : ils main-tenaient aux princes roumains le droit de vie et de mort sur leurssujets, le droit de paix et de guerre ; ils garantissaient l'autonomiedes Principauts en stipulant qu'aucun Ottoman ne pourraits'tablir dans le pays, aucune mosque s'y construire ; le sultann'exigeait de ses deux vassaux princiers que le paiement d'un tribut,trs modr l'origine, et le concours d'un contingent militaire.Protges contre le suHan par sa parole mme, protges contreleurs autres ennemis, le Polonais, l'Allemand, le Hongrois, par laterreur qu'inspirait le sultan, les deux principauts roumainesauraient pu avoir une destine supportable en comparaison desinfortunes qui accablaient les autres peuples chrtiens d'Orient.

    Il et suffi que, dans chaque principaut, le prince et sa famille, leprince et sa noblesse vcussent en bonne intelligence, respectantla principaut voisine, s'appliquant uniquement faire observerpar les Turcs le trait de protectorat, vitant de leur donner desoccasions d'intervenir.

    11 n'en fut rien, et l'on peut dire que les princes et la noblesse

    des Roumanies furent les artisans de tous les malheurs de leurspeuples. Le prince trouvait un rival pour le trne dans chaquemembre de sa famille, un ennemi dclar ou secret dans chaquemembre de sa noblesse, son ennemi le plus dangereux dans leprince de l'Etat voisin, car un prince moldave aspirait toujours conqurir le trne valaque et un prince valaque faisait le rve derunir les deux trnes. Ce n'taient qu'intrigues, conjurations,guerres civiles, oii les divers partis appelaient leur secours ou le

    Polonais, ou le Hongrois, ou l'Osmanli. Le Turc intervenait, lui,

    ave3 l'autorit que lui assurait le trait de protectorat. Il appa-

    raissait en justicier, coutant les plaintes du prince ou des sujets,

  • XVIII HISTOIRE DES ROUMAINS

    d'ailleurs dcidant tort et travers, restituant ou reprenant les

    trnes, faisant tomber les ttes. Par l fut dtruite la plus prcieuse

    garantie que leur charte et assure soit la Valachie soit la

    Moldavie : il ne fut plus question de couronne hrditaire ou mmeviagre. Le Turc, ayant usurp le droit de disposer des trnes, ne

    fut pas longtemps s'apercevoir du profit qu'il aurait en disposer

    en faveur, non du plus mritant, mais du plus offrant. Alors

    commence la mise l'enchre des trnes roumains : le tribut, si

    lger au dbut, est bientt, dans le feu des enchres, quintupl,

    dcupl, centupl. En 1391 Mircea-le-Grand s'tait engag payer

    annuellement 500 piastres (25.000 francs) ; mais, ds le milieu du

    xvi^ sicle, on ne parle plus que par 500 ou 600.000 ducats, sans

    compter les prsents aux vizirs, aux pachas, aux drogmans, aux

    eunuques, aux femmes du harem imprial, au sultan lui-mme,

    car le Padishah se laissait dorer la main comme un simple vizii-.Les Turcs prennent got ce jeu lucratif: au prix de sommescolossales les prtendants n'obtiennent plus la couronne que pour

    quelques annes, pour quelques mois. C'est la substance mme dupays, le pain des pauvres qui s'engouffre dans ces folles enchres.

    Bientt pas un prince, pas un boar roumain n'est assez richepour s'y risquer, et alors apparaissent les premiers aventuriers

    trangers, les Italiens, puis les Grecs.

    L'acquisition d'une des couronnes roumainesdevientune affaire ;elle se met en commandite. Le prtendant cherche d'abord descapitalistes, grecs ou turcs, qui lui avancent les fonds pour payer

    et pour corrompre. Ces cranciers, il faut bien ensuite qu'il leur

    livre le pays exploiter,, pressurer, torturer. Puis les princes

    se succdent si vite que, les cranciers de celui-l n'tant pas encorepays, dj s'alignent les cranciers de celui-ci, puis de cet autre,parfois d'un quatrime. Ils s'organisent par bandes, exploitantchacune telle ou telle province, se disputant les villes, se livrantbataille dans les rues, incendiant les maisons. C'est prix d'argent

    qu'en Moldavie Jean le Terrible, en Valachie Michel le Brave ont,tout comme leurs prdcesseurs, acquis la couronne. Tous deuxdsesprent de payer les hordes de cranciers. Tous deux compren-

  • PREFACE XIX

    nent que la rvolte contre le Turc vaut encore mieux, avec sespouvantables risques, que cette agonie financire. Et Jean le Ter-rible entrane dans son insurrection mme les paysans, qui aimentmieux mourir en combattant qu'expirer dans les tortures par lesmains des usuriers. C'est une bataille de paysans qu'il livre auxTurcs, dans la plaine de Kagoul (1574); il y est pris et cartel,ses soldats-paysans passs au fil de 1 epe, et plus lourdement laMoldavie retombe sous le joug ottoman. Le pendant de Jean leTerrible, c'est, en Valachie, Michel le Brave. Lui aussi, c'estl'impossibilit de remdier la situation financire qui lui a misles armes la main. Il dbute par apurer^ sa faon, les comptes. Le13 novembre 1594, il convoque les cranciers au palais du Trsor

    ;

    puis il le fait entourer par la troupe et y met le feu ; pas un cran-ciei' n'en rchappe. Michel le Brave tait d'autre envergure queJean le Terrible. C'est lui qui eut l'honneur de runir un moment,malgr les Turcs, malgr les Hongrois, malgr les Allemands, lestrois principauts roumaines, Yalachie, Moldavie, Transylvanie, sous le mme sceptre, ou plutt sous le mme sabre (1600).Encore qu'il n'ait cherch que l'union matrielle, qu'il se soitappuy sur l'aristocratie magyare de Transylvanie et non sur lepaysan roumain, qu'il lui ait manqu ce qui anima plus tard lajacquerie vengeresse d'Ursu IToria, qu'il ait t un simple conqu-rant, sans aucune intelligence de l'me nationale, son nom n'en

    marque pas moins un point culminant dans l'histoire du peuple deTrajan. Matriellement, grossirement, brutalement, il a ralis lerve qui hante aujourd'hui tant d'esprits dans les trois principauts.C'est sur la crte mme des Carpathes, entre les Roumanies dubas Danube et les Roumanies de la plaine magyare, que s'lveraquelque jour sa statue. Notons que ce n'est point le sabre turcqui mit fin aux exploits de Michel le Brave. Les Magyars de

    Transylvanie le trahirent; l'empereur allemand le condamna ; etun Grec au service de l'Autriche, le gnral Bastas, le tit sabrer :

    comme s'il fallait que toutes les races rivales de la roumaine, le

    Magyar, l'Allemand, rtlellne, unissent leurs mains dans le sangdu hros latin (1601).

  • XX HISTOIRK DES ROUMAINS

    Seule la Turquie n'y avait pas tremp la sienne. Du moins, elle

    profita de la chute de Michel pour replacer sous son joug et souslejougdespublicains les deux principauts danubiennes. Il se faitsur ces vaincus un silence de plus de cent annes. A quel point lergime tait intolrable pour le prince, pour la noblesse, pour le

    peuple, on le voit l'empressement dont ils accueillent toute occa-

    sion, toute esprance, si vague soit-elle, de s'affranchir. Telle

    fut la crise de 17H, quand les princes roumains, se trompant

    sur leurs propres forces, tromprent le tsar Pierre le Grand, si

    cruellement que l'aigle russe, prise comme au trbuchet, faillit

    avoir les ailes casses. On sait comme la fortune du tsar fut sauve ;quant aux deux princes roumains, le Kantmir et le Brancovane,ils expirent svrement leur erreur, celui-l forc d'abandonnerson trne et de s'vader dans les fourgons de l'arme russe,

    l'autre amen Constantinople et dcapit avec tous les siens.Les Principauts eurent leur part dans cette infortune. C'est

    partir de ce moment que la Porte se fait une rgle de ne plus jamaisdonner le trne un prtendant roumain : seuls les Grecs duPhanar sont admis aux enchres. De plus, les hospodars, nagure vie, ne sont plus nomms que pour trois ans. N'ayant que troisans, au plus, pour rcuprer leurs avances et faire un bnfice

    honnte, on pense s'ils devaient tondre de prs les contribuables.

    Quelle piti auraient-ils pu ressentir pour des sujets qu'ils taientsrs de quitter au bout de trente-six mois ? Jusqu'alors l'espranceque le nouveau prince pourrait durer plus que ses prdcesseurs, sa

    qualit de Roumain, la pompe dont il environnait son trne, avaientpu faire aux sujets quelque illusion; le manteau du prince voilaitun peu l'infamie du publicain ; dsormais c'est le publicain quimasque le prince. Les crmonies de son sacre, les splendeurs desa cour, apparaissent tous comme une honteuse comdie. Etait-il vraiment ncessaire de s'asseoir sur un trne et de se coifferd'une couronne pour faire le mtier de recors ? Et quel besoin avaitcet aigrefin de se faire saluer par le chant des hymnes, le son descloches et les salves d'artillerie ?

    Par ses origines l'hospodar est tranger, doublement tranger

  • PRFACE XXIson peuple. C'est Constantinople mme qu'aprs avoir achet sacouronne il subit une double investiture. D'une part, il reoit dusultan le kafetan d'honneur, la masse, le tambour, les troisqueues du pacha de premier rang ; aprs quoi, par des insignesd'un colonel de janissaires, il se rend aux casernes de ceux-ci,gote leur soupe, leur fait largesse. D'autre part, il se rend lacathdrale grecque, y est sacr par le patriarche de Constantinople,

    au chant des polychronia et avec un crmonial emprunt celuides empereurs de Byzance. Donc investiture politique ottomane,

    investiture religieuse hellnique. Quand l'hospodar va prendrepossession de sa principaut, on pourrait dire de sa ferme ou de sabergerie, quand il s'achemine sur Bucarest ou surlassy, il marcheescort de soldats turcs, suivi de la tourbe de ses cranciers et

    commanditaires ottomans ou grecs. Il s'installe dans ce palais bail de trois ans non renouvelable. Sa cour ressemble celle d'un

    pacha beaucoup plus qu' celle d'un prince chrtien : parmi sesprincipaux officiers^, on distingue le chef des bottes, le gardien des

    pipes, le prpos aux sorbets, au caf, au narghil. Au reste, laculture grecque, plus encore que la barbarie turque, achve decreuser Tabme entre la cour et le peuple, et, dans le clerg mme,entre les vques hellnes et les popes roumains. Depuis longtempsle prince a fait l'conomie d'une arme nationale : quoi pourrait-elle servir? Les temps de la lutte pour l'indpendance, les temps

    d'Etienne le Grand, de Michel le Brave sont loin ! Et qui, dans lesRoumanies, songe encore l'indpendance? Dans quelle me vitencore le sentiment roumain ? Est-ce dans cet usurier grec devenuprince par la grce de ses ducats et la volont de quelque eunuque?

    Ou dans cette noblesse servile qu'on chtie avec le bton, et nonplus avec le sabre ? Est-ce dans ce peuple qu'on a rduit au servage

    de la glbe? Oii sont les paysans libres ou demi-libres qui recru-taient les armes de Mircea le Grand et de Jean le Terrible ?

  • Xrtll HISTOIRE DES ROUMAINS

    L'expdition de Pierre-le-Grand en 1711 fut la premire inter-

    vention russe dans les Roumanies ; on a vu qu'elle fut plusdsastreuse encore pour celles-ci que pour la Russie.

    La deuxime intervention se produisit en 1739, sous la tsarine

    Anna Ivanovna : une arme runie sous le marchal Miinich,entra dans lassy.

    La troisime intervention se produisit en 1769, sous Catherine II :

    lassy fut de nouveau occup, puis Bucarest. Cette fois encore les

    Russes sont venus en librateurs ; mais dj de leur ct se rvlepour la nationalit roumaine un grand danger. Les Russes se trou-vent bien dans les Roumanies ; ils les organisent et s'y installent ;chacune des deux Principauts est administre par un divan

    de boars roumains que prside un gnral russe. Quand la Turquiedemande la paix la tsarine, celle-ci, entre autres conditions(dcembre 1770), demande que les deux Principauts soientreconnues indpendantes, ou que la Russie soit autorise les

    occuper pendant vingt-cinq ans. Les deux combinaisons devaientaboutir avec une gale certitude au mme rsultat : la dominationrusse. Les populations, satisfaites d'un peu de soulagement dans

    leur misre, ne voyaient peut-tre pas le pril : il tait plus

    terrible que toutes les invasions ottomanes ou tatares. Sous la

    domination russe, que ft-il advenu de la nationalit roumaine?Toute chance d'avenir s'vanouissait pour la langue nationale,

    celte langue dont Edgar Quinet a si bien expliqu les mrites etl'originalit, cette langue qui est le sixime des grands idiomeslatins, la sixime corde de cette grande lyre qui s'branle sousun mme souffle puissant ? La domination turque, prcismentparce que la diffrence de religion lui te toute prise sur ses sujets,conserve les nationalits vaincues. Elle a conserv la serbe, labulgare, la grecque, tout aussi bien que la roumaine. La domina-tion russe, arme du prestige d'une religion commune, outille detous les instruments de centralisation, et-elle t aussi clmente cette nationalit alors si misrable, cette langue encore si rudeet que les haillons de Cyrille auraient pu faire prendreplutt pour quelque patois slave que pour une fille de Rome ?

  • PBEFAC XXiri

    La nationalit roumaine fut alors sauve par Tinlervention del'Autriche, derrire laquelle manuvrait la Prusse. Au trait deKanardji, Catherine II, en ce qui concernait les Principauts, neput que stipuler certaines clauses, assez avantageuses pour les Rou-manies, mais qui lgalisaient les immixtions russes dans leursaffaires. C'taient l'amnistie, le libre exercice du culte, la restitutionde leurs biens aux monastres, la remise des impts arrirs, bref,les mmes avantages que sous Mohammed IV d'heureuse mmoi-re : le tout sous la garantie de la Russie. En outre, celle-ci avait ledroit, en ce qui regardait les Roumains, de parler en leur faveur .Ainsi, la domination turque tait dsormais contrle et mitigepar la protection russe. Mais protection, n'est-ce pas protectorat?

    Si les Roumanies chapprent la conqute russe, ce ne fut passans laisser une plume dans la bagarre. L'Autriche prlendit fairepayer par le sultan son intervention : elle se fit adjuger la Bukovine.Mais la Bukovine n'est pas un pays turc ; c'est un pays roumain,c'est un morceau de la Moldavie, et le plus foncirement moldave,celui-l mme oii se trouvent les vieilles spultures princires, leschamps de bataille d'Etienne le Grand, et Suciava, sa capitalehroque. Ainsi la nationalit roumaine paya la ranon de laTurquie, et ce fut l'Autriche, parce que la Russie n'avait pus'annexer les Roumanies, qui s'annexa un morceau de celles-ci.

    Les Roumains commenaient devenir plus dfiants de leursprotecteurs, le Russe ou l'Allemand, qu'ils n'avaient t inquiets

    de l'oppresseur, l'Osmanli.

    La quatrime intervention russe, encore sous Catherine II, de1789 1792, se termina par la paix d'Iassy (janvier 92) quirenouvela toutes les garanties accordes aux Principauts etconfirma le protectorat russe.

    La cinquime occupation russe, de 1806 1812, sous AlexandreI", abrge tout coup par l'imminence de l'invasion napolo-nienne en Russie, aboutit au trait de Bucarest (28 mai 1812). Ilcota aux Roumains le pays compris entre le Dniester et le Pruth.Aprs le rapt de la Bukovine par l'Autriche, le rapt de laBessarabie par la Russie.

  • XXIV HISTOIRE DES ROUMAINS

    En 1821, peu s'en fallut que la prise d'armes des deux Ipsilantin'entraint la Russie dans une guerre en faveur des Grecs, et, parconsquent dans une nouvelle occupation des Principauts. LesRoumains, en aidant la Porte touffer chez eux le mouvementhellnique, retardrent la crise. La Porte reconnut ce service en

    rendant les hospodars, de triennaux qu'ils taient depuis 1711,septennaux. Jusqu'alors, elle avait livr aux Grecs les couronnes

    valaque et moldave ; dsormais elle ne voulut plus que desprinces roumains.

    Plus tard, sous l'empereur Nicolas P"", en 1827, la conventiond'Akkerman (17 octobre), explicative du trait de Bucarest ,dclara que les hospodars seraient lus par l'assemble gnraledes boars, qu'ils seraient investis et pourraient tre destitus

    par la Porte, mais que celle-ci ne pourrait ni refuser l'inves-titure ni prononcer la destitution que du consentement de laRussie. Par consquent les princes taient lus, mais par desboars dvous la Russie ; celle-ci pourrait obliger la Porte n'investir qu'un lu dvou la Russie, et s'opposer ce que laPorte pt jamais le destituer. Ds lors les hospodars devenaientles cratures du tsar au lieu d'tre les vassaux du sultan. Laconvention stipulait, en outre, qu'ils auraient gard aux repr-sentations du tsar et celles de ses reprsentants.La sixime occupation russe, de 1828 1829, sous Nicolas P%

    aboutit au trait d'Andrinople (^14 septembre 1829), qui confirmaitles stipulations antrieures et rendait viagers les hospodars.La Turquie avait t, dans cette guerre, tellement vaincue et laRussie tellement victorieuse que l'espce d'quilibre que se faisaientl'un l'autre, dans les Roumanies, la suzerainet ottomane et leprotectorat russe fut rompu au profit de ce dernier. Il fut rompu audtriment des Roumains eux-mmes. L'administration de Pahlen(1828-1829), puis de Kisslef (1829-1834), le Rglement organiquedict par celui-ci organisrent le protectorat russe. Ils le firent repo-ser sur le conservatisme le plus rigoureux dans les rapports sociaux,consacrant la prpondrance de l'oligarchie et la nullit politiquedes classes roturires. L'ambassadeur du tsar auprs de la Porte,

  • PREFACE XXV

    SOS consuls-ministres lassy et Bucarest, taient beaucoup plus

    matres dans les Principauts que le sultan lui-mme ou que leshospodars. Les ministres russes commenaient jouer dans cespays le rle qu'au temps de Catherine II ils avaient jou Stockholm et Varsovie. Ni le prince ni le divan des boars, pas

    plus lassy qu' Bucarest, ne pouvaient prendre une dcision qui

    ne ft approuve par la Russie. Le rgime politique tait presque

    le mme lassy ou Bucarest qu' Varsovie sous la vice-royautdu grand-duc Constantin. C'est l'absolutisme russe que se

    heurtrent les premires tentatives de renaissance intellectuelle en

    Roumanie. Comme ce protectorat n'en laissait pas moins subsister,au moins en principe, la suzerainet du sultan, la libert roumaine,

    la pense roumaine touffaient sous une double domination tran-

    gre. Le tsar et le sultan ne s'entendaient que pour entraver le

    mouvement national, et les firmans frappaient les mmes coupsque les oukazes.

    En 1843, comme la Russie ne trouvait pas encore assez docile

    Alexandre Ghika, prince de Valachie, elle obtint de la Porte sa

    destitution. Il eut pour successeur, le 30 octobre, le prince Bibesco.

    Celui-ci se trouvait le premier hospodar qui ft, la fois, lu en

    vertu de la convention d'Akkerman et viager en vertu du traitd'Andrinople. On verra que ni l'un ni l'autre de ces avantages nelui servit beaucoup. Ds son avnement il sentit peser sur lui lalourde main du tsar.

    Aussi fut-ce moins contre Bibesco que contre la Russie qu'clata

    la rvolution de 1848 Bucarest, et, de mme, ce fut moins contreMichel Stourza que contre la Russie qu'elle clata lassy.

    En Moldavie, l'hospodar fut assez adroit ou assez fort pour la

    rprimer, lui tout seul, et pour faire dporter Brousse les

    meneurs. II n'en fut pas de mme Bucarest. Ici les chefs dumouvement, qui taient vraiment l'lite de la nation et dont le

    programme restera leur ternel honneur devant l'histoire, avaient

    tent de placer l'hospodar Bibesco la tte de cette rvolution

    la fois librale et nationale. Ils s'adressaient au sultan lui-mme,

    lui disant: Nous sommes revenus de l'ancienne et funeste

  • XXVI HISTOIRE DES ROUMAINS

    politique de nos pres et nous ne songeons aujourd'hui qu' nousrallier sincrement la Sublime-Porte, pourvu que celle-ci nousdlivre du flau du protectorat . Ainsi, en haine du protectorat dutsar, on voulait restaurer celui du Padishah. Mais on ne pouvaitremonter le courant de l'histoire : l'hospodar ne pouvait se mettre

    la tte d'un mouvement dirig contre le tsar ; la Porte, trs bien-veillante aux insurgs, tait oblige de tenir compte des droits

    concds la Russie par tant de traits, et aussi de sa redoutablepuissance d'agression.

    Bibesco avait abdiqu le 25 juin ; un gouvernement pro-visoire sigea du 23 juin au 4 aot 1848 ; il rdigea uneconstitution des plus sages, oii figure notamment l'mancipation

    des paysans. Or, ds la fin de juin, 12.000 Russes avaient franchile Pruth et occup la Moldavie. Un moment, l'attitude desambassadeurs de France et d'Angleterre Constantinople arrtales envahisseurs sur la route de Bucarest. Les Russes, d'abord

    intimids, assurrent qu'il y avait eu malentendu et firent mmerepasser le Pruth quelques rgiments. Puis leurs partisansprovoqurent une meute dans Bucarest, emprisonnant le gouver-nement, qui fut aussitt dlivr et rtabli par la population. Ces

    dsordres servirent de prtexte l'intervention russe : 25.000 hom-mes pntrrent jusqu' Bucarest, et l'ordre rgna en Valachie. Le1" mai 1849, la convention de Balta-Liman, conclue entre la puis-sance suzeraine et la puissance protectrice, dcida qu' l'avenirles hospodars ne seraient plus lus, mais nomms par les deuxcours ; les assembles gnrales taient suspendues pour s'trelivres des actes d'insubordination ouverte et remplaces pardes divans ad hoc. Ainsi l'lection tait supprime pour lesassembles comme pour les princes; Nicolas P' reprenait large-ment aux Roumains ce qu'il leur avait fait accorder en 1827et 1829. Par une nouvelle transaction entre les deux cours. BarbeStirbey fut nomm hospodar de Valachie pai' les Russes, et Gr-goire Ghika hospodar de Moldavie par les Turcs.La rvolution de 1 848 avait donc provoqu la septime occupation

    russe. Celle-ci avait, en apparence, ananti toute rforme, touff

  • PRFACE XXVll

    toute libert. Mais les ides qu'avait mises en vogue la rvolution

    roumaine de 1848 n'taient pas de celles qu'on tue avec desbaonnettes. Elles vivaient dans presque toutes les classes de la

    population; elles parlaient haul, dans toute l'Europe, par la

    bouche des proscrits et des migrs ; Paris, elles sduisirent

    celui-l mme qui avait touff la rvolution franaise de 1848;elles gagnrent Napolon III par le principe dont il tait engou :celui des nationalits.

    Le 3 juillet 1853, se produisit la huitime occupation russe, qui

    tait la quatrime du sicle. Ces occupations devenaient trop fr-

    quentes pour que la nationalit roumaine n'y court pas un trs

    grand danger. Mais cette fois l'Europe tait en veil. Comme autemps de Catherine II, la prsence des Russes dans les Princi-

    pauts dtermina l'intervention de l'Autriche, soutenue distance

    par la Prusse. Plus efficace fut celle de la France et de l'An-

    gleterre, quoiqu'elle ait eu pour principal thtre, non la rgion

    danubienne, mais la Crime. C'est Svastopol que se dcida le

    sort des Principauts. Une des clauses du trait de Paris eut pourobjet de retirer la Russie le protectorat sur la Roumanie pourl'attribuer l'Europe entire. Alors commence vraiment l'affran-

    chissement des Roumains ; alors s'inaugure la srie des progrspolitiques qui aboutit d'abord l'autonomie, puis l'union des

    deux Principauts et enfin la pleine indpendance, manifeste

    par la proclamation du royaume.

    *

    Ainsi la nationalit roumaine a pu survivre tous les dangers,

    la conqute turque, au protectorat russe, aux essais de protecto-

    rat autrichien, n'ayant perdu travers tant d'preuves que deux

    provinces moldaves (Bukovine et Bessarabie}. 11 reste voir parquel travail de renaissance intrieure elle s'est prpare la

    renaissance politique ; comment, par les travaux des lettrs et par

    les coles, elle s'est rendue digne de rapprendre la Victoire,

    sous le canon de Plevna, le glorieux et antique nom national ;

    comment elle s'est tenue prte se lever au coup de trompette qui,

  • XXVIII HISTOIRE DES ROUMAINS

    en ce dix-neuvime sicle, a sonn la rsurrection de tant depeuples que l'on croyait morts pour toujours.Aux vicissitudes politiques de cette histoire correspondent des

    priodes trs diverses de civilisation. Pour les Roumains, il y aunepremire priode de culture qui est caractrise par le slavisme.Celui-ci a prsid aux origines mmes et au berceau de la Roumanie.Si on excepte une priode trs mal connue et peut-tre problma-tique de christianisme latin, c'est de l'glise fonde par les iVp-tres des Slaves que les Roumains, tant cisalpins que transalpins,presque tout d'abord ont t membres. Leurs plus ancienslivres d'glise sont en caractres cyrilliques et en langue

    slavonne, et ils les ont reus de leurs voisins slaves, Moraves

    de la Grande Moravie^ Bulgares de la Bulgarie nord-danubienne,avant que toutes deux eussent t ananties par l'invasion magyaredu ix^ sicle. Slave fut le rituel des Roumains et slave leur pre-mier clerg ; slave, en grande partie, le vocabulaire des fonctionsd'Etat et de cour dans les Principauts danubiennes. Le slavismes'est perptu dans les Roumanies pendant tant de sicles que levieux slavon eut le temps de devenir une langue morte, au mmetitre que le latin. Ni les princes ni le peuple ne le comprenaient, peine les prtres ; et cela va de soi puisque les voisins slaves desRoumains, les Russes, les Bulgares, les Serbes, parlaient maintenantdes langues no-slaves^ dont le slavon a pu tre la souche. Pourtantcelui-ci avait gard un tel prestige, un tel caractre de dignit au-guste et archaque, que non-seulement les chancelleries princiresscellaient encore au xvi sicle des actes rdigs en cette langue,mais que mme des particuliers qui ne savaient un mot de cettelangue entendaient qu'elle ft employe la rdaction des actesles plus importants.

    Peu peu, cependant, les Grecs s'introduisaient dans le pays, plusnombreux encore quand l'invasion ottomane les chassa du leur. Descontres hellniques il vint des ngociants ; il vint des prtres etdes moines

    ;il vint des reprsentants d'illustres familles byzantines.

    Des mariages se firent entre nobles roumains et nobles grecs ; desaventuriers grecs achetrent les couronnes princires, quoiqu'ils

  • PRFACE XXIX

    ne fussent encore qu' l'tat d'exceptions dans la double liste

    des hospodars valaques et moldaves. Le grec, qui avait sur le

    slavon l'avantage d'tre une langue vivante et une langue de large

    civilisation, fut celle que Ton parla dsormais la cour et dans

    l'aristocratie. Cette conqute de la Roumanie par l'hellnismes'affirma surtout pendant les rgnes jumeaux de Basile le Loupen Moldavie (1634-1654) et Mathieu Bassaraba en Valachie (1633-

    1654). La part que prirent en 1711 les deux hospodars Dmtrius

    Kantmir et Constantin Brancovane la tentative de Pierre leGrand dtermina la Porte ne plus adjuger les couronnes desprtendants roumains et en faire le monopole des Grecs du

    Phanar. L'hellnisme resta prpondrant jusqu' la tentative desIpsilanti en 1821 . Il sombra dans la sanglante dfaite des htairistes

    grecs Dragatchan (19 juin 1821). Durant cette crise, il eut contrelui le sentiment national, qui s'incarna dans Thodore Vladi-

    mirescu. Vladimirescu se mit la tte d'une contre-insurrection

    roumaine contre l'insurrection grecque. Arrt en trahison par leschefs de bandes hellniques, conduit devant Alexandre Ipsilanti,

    il fut, aprs un semblant de jugement, mis mort. Pour les Grecs,il est un tratre ; mais tratre envers qui ? La cause des Grecs n'tait

    pas celle des Roumains. Pour ceux-ci au contraire, il est un hros

    et un martyr. Si nous devons glorifier les vaillants Hellnes, les

    hommes du bataillon sacr qui se firent tuer bravement sur lesol roumain pour la cause de l'indpendance grecque, nous nepouvons blmer ce rude chef latin qui refusa de pactiser avec les

    cioco (sobriquet donn aux Grecs par les Roumains), exploiteurssculaires de son pays. D'ailleurs il ne fut pas le seul protester

    contre l'abus que prtendaient faire les Grecs des ressources de la

    Roumanie. Presque partout le peuple s'insurgea contre eux.Nous avons vu comment la Porte reconnut cette fidlit relative

    du peuple roumain. Les vnements de l'anne 1821 furent donc,pour la Roumanie, la contre-partie exacte, et comme la rparationdes dsastres de l'anne 1711. Celle-ci avait marqu le pointculminant de l'influence hellnique dans les Roumanies ; celle-len marqua la fin.

  • XXX HISTOIRE DES ROUMAINS

    Il tait temps, aprs dix sicles de slavisme, aprs deux siclesd'hellnisme, que la culture nationale roumaine eteniin son tour.Dans les ges prcdents, de loin en loin, on avait vu poindre

    comme les rayons avant-coureurs de cette aurore. Au xvn" sicle,Thodose, mtropolite de Valachie, un Roumain d'origine, osapour la premire fois employer la langue nationale dans le rituel, l'exclusion du slavon. A partir de ce moment, suivant que lesmtropolites taient d'origine grecque ou roumaine, le rituel estgrec ou roumain. Dans la seconde moiti du xviu* sicle, c'est legrec qui semble devoir l'emporter. La langue roumaine, pauvre,inculte, ayant pour unique littrature quelques chants populaireset quelques chroniques, tait hors d'tat de lutter contre l'opu-lente et souple langue des Hellnes. Il fallait d'abord qu'ellereprt contact avec la langue mre, le latin, et avec les languessurs. De celles-ci, quelle tait la plus glorieuse ce moment,celle qui s'tait impose la diplomatie, celle qui tait danstout l'clat de sa supriorit littraire, celle que, hors deFrance, tout Europen, mme de sang germanique ou slave,apprenait comme la seconde langue maternelle ? Ce fut d'abord titre de langue diplomatique que les drogmans grecs de la Porte,dlaissant pour lui l'italien, apprirent le franais. Or c'tait parmiles grands-drogmans que le sultan choisissait les hospodars.Ce furent donc les Mavrocordato, les Ghika, les Callimaquequi importrent dans les Roumanies la langue de Racine. Ils yappelrent des Franais. Ceux-ci se multiplirent dans les Princi-pauts presqu'autant qu'ils s'taient multiplis en Russie. Ils y ser-vaient surtout commesecrtaires ou comme prcepteurs. On a gardles noms de quelques-uns de ceux qui firent ainsi la conqutepacifique des Roumanies, prparant ainsi leur triomphale rentredans la grande famille latine. Tels furent, dans la seconde moitidu xvni" sicle. De la Roche, Nagny, Tissandier, Durosoy, Martinot,Clmaron, Jacques Ledoulx, les deux Trcourt, Laurenon, Rcor-don, Mondovillier, Cadot de Lille, et combien d'autres! Un Gasparide Belleval devint ministre des affaires trangres de Valachie.Les femmes de la noblesse se piquent de savoir le franais ; elles

  • PRFACE XXXI

    lisent nos romans. Bientl va commencer cet exode continu de

    jeunes Roumains vers nos lyces parisiens, d'o ils rapporterontsur le Danube l'tincelle no-latine.

    Paralllement ce mouvement franais, un mouvement propre-

    ment roumain. C'est dans l'Ardal qu'il dbuta. Depuis l'expul-

    sion des Turcs, la Transylvanie, mieux abrite contre les invasionsque la Roumanie danubienne, tait devenue le principal foyer deculturenationale. Cela commena, sous l'impratriceMaric-Thrse,

    par Tvque Innocent Micou. Il avait accept Viinion avec Romesurtout pour prparer l'admission des Roumains aux droits politi-ques. Si l'gosme hautain des trois nations privilgies lui fit

    manquer ce but, s'il faillit tre jet par les fentres de la salle

    o sigeait la dite de Transylvanie, si les Roumains z/m-s continu-rent tre aussi maltraits que les Roumains ^iwrQxnewiorthodoes^du moins ce rapprochement avec Rome ne fut pas inutile leurmancipation intellectuelle. Micou en profita pour obtenir l'envoi dejeunes Roumains Rome, Rome o se dresse la Colonne Trajane et o les tombeaux des anctres parlent encore de courage et devertu. C'est parmi les jeunes Roumains revenus de la Ville Eter-nelle que se forma une cole vraiment nationale, d'abord avecPierre Aron, plus tard mtropolite de Transylvanie et fondateur

    de l'cole roumaine de Blache. Puis Samuel Micou, neveu de l'v-que Innocent et professeur dans cette cole, prit l'initiative d'crire

    le roumain en caractres latins et, dans cette langue ainsi pu-re, crivit VHistoire des Roumains de rArdalQ,\ VHistoire des Rou-mains de Moldo-Valachie. Georges Schinka poursuivit la mmetche, crivit un trait d'orthographe roumaine, rdigea une his-

    toire de son peuple, qui commenait aux origines daciques, et dontles autorits magyars empchrent l'impression, jugeant o/?M5 {gne,auctorem patibiilo dignum. Enfin, Pierre Maor, autre historien desorigines roumaines, poussa l'intransigeance du patriotisme jus-qu' refuser d'admettre que son peuple et jamais t vaincupar d'autres peuples.

    Ainsi, de ce groupe de travailleurs qui a mrit de la patrie

    roumaine autant que les hros des guerres saintes d'autrefois, se

  • XXXII HISTOIRE DES ROUMAINS

    dtachent, dans l'Ardal, en une trinit libratrice, ces trois noms:

    Samuel Micou, Georges Schinka, Pierre Maor. A cette trinitrpond celle de la Roumanie danubienne : Georges Lazare,Georges Asaki, Hliade.

    En 1816, vint de Transylvanie Bucarest Georges Laza-

    re : dans les ruines du couvent de Saint-Sava il fit, en languenationale, des cours de mathmatiques, de philologie et enlind'histoire. On l'a surnomm le rgnrateur de la nationalitroumaine . Parmi ses lves, le pote Hliade Radulescu,Georges x\saki, et d'autres patriotes. De ceux-l et de ceux

    qui avaient reu l'ducation franaise se forma le groupe

    qui devait un jour dresser le programme des revendicationsde 1848. En attendant, ds 1826, ils dressaient un programmede rgnration intellectuelle : l'rection de Saint-Sava en cole

    suprieure et la cration d'une seconde cole Craova ; des coles

    normales pour former des instituteurs ; des coles primaires dans

    tous les villages ; traduction de nombreux ouvrages trangers,surtout franais

    ;journaux en langue roumaine, thtre national,

    etc. Peu s'en fallut qu'ils ne ralisassent tout ce qui tait ralisable

    dans ce programme. Hliade assouplissait la langue nationale entraduisant les posies de Lamartine. Des coles s'organisaient ; celle de Saint-Sava, en Valachie, rpondait l'cole des Trois-Saintsen Moldavie. Elles eurent comme professeurs de jeunes Roumainsrevenus de Paris et d'Italie.

    A Bucarest, Hliade publiait, le l" mars 1829, le premiernumro du Currierid romanesc ; lassy, trois mois aprs, appa-raissait VAlbina romanesca de Georges Asaki. Une socit littraire,bientt dnomme philharmonique ^ comptait parmi ses membrestous les boars de Bucarest. A son tour, elle fondait une coledestine former des acteurs ; Aristias, Grec de naissance, maiszl patriote roumain, y professait l'art dramatique, qu'il avaitappris Paris chez Talma. En 1834, s'ouvrit le premier thtrequ'ait possd Bucarest : on y joua en roumain presque tout lerpertoire de Molire

    ; et lassy ne voulut pas tre en retard. Enoutre, dans cette ville se fondait la Socit des mdecins et

  • PREFACE XXXIII

    naturalistes : en 1838, elle reut la premire invitation un

    congrs scientifique d'Europe, celui de Fribourg (Suisse). Chaqueanne voyait surgir quelque cration nouvelle. La rgnration,intellectuelle, par la langue, la littrature, l'histoire, le droit,,

    l'tude des monuments anciens et des chants nationaux, l'cole etle thtre, les sciences, prcdait et prparait la rgnration

    politique. La Russie, plutt bienveillante au temps de Kisslef,

    chercha bientt entraver le mouvement. Hliade faillit tre

    exil pour avoir affirm l'origine latine du peuple roumain: leconsul gnral de Russie et prfr sans doute qu'il dmontrtl'origine slave. Les deux coles dramatiques de Bucarest et de

    lassy furent supprimes, l'enseignement suprieur devint suspect

    et les cours suprieurs de l'cole des Trois-Saints ou acadmieMichel furent supprims. On comprend pourquoi le mouvement de1848 fut surtout dirig contre le protectorat russe. Le capricieux

    despotisme de Nicolas I" avait lass les Roumains avant de fatiguerl'Europe.

    Une concidence qui mrite d'tre note, c'est que la rgnrationroumaine sous l'influence intellectuelle de la France pritson essor dans le mme temps que la France, jusque-l trangreaux destines des Roumains, ignore d'eux et les ignorant, com-mena trs srieusement se proccuper de leur sort. A mesureque son action devenait plus directe, elle devenait plus bienfaisante.

    Pendant longtemps nos consuls lassy et Bucarest s'taient

    borns observer les faits, informer leur gouvernement. Dj,pendant la critique anne 1848, l'action diplomatique de la Francecombine avec celle de l'Angleterre avait un moment arrt l'inva-sion russe. Plus dcisive encore fut l'action de la France quandses succs de Crime lui permirent de substituer la protectioncollective de l'Europe au protectorat oppressif de la Turquie et de

    la Russie. Tous les pas qu'accomplit ensuite le peuple roumaindans les voies de l'unit et de la libert, la France les a favoriss.

    La politique franaise dans les affaires d'Orient fut toute bienveil-

    lante pour les nationalits chrtiennes, et toute dsintresse. Elle

    s'inspira, mme sous Napolon III, des principes formuls autrefois

  • XXXIV HISTOIRE DES ROUMAINS,

    par M. Thiers et M. Guizot, Du jour o Edgar Quinet nous rvlace peuple de huit millions d'mes qui demandait rentrer dans lafamille latine aprs un sculaire exil, une amiti sincre n'acess d'unir l'ane des nations romaines et la nouvelle venue.

    Certes, le peuple de Trajan mritait qu'une part des sympathiesmanifestes par nous au peuple grec lui ft rserve. La France at partie principale dans l'affranchissement de celui-ci ; elle a tpour beaucoup dans l'mancipation de celui-l. Et il n'y a pas dansnos annales de page plus honorable pour nous que ces deux pages.

    On voit combien de titres l'histoire des Roumains est digne denotre intrt. Elle est celle d'un peuple frre, et elle ajoute despisodes aux Gesta Dei per Francos.

    L'ouvrage en deux volumes que prsente aujourd'hui M. Xno-pol au public franais est la substance de six volumes qu'il apublis en sa langue maternelle. C'est une uvre srieuse etsincre. Elle rend compte du dernier tat de la science sur cettehistoire, et l'on sait par quelle somme norme de patientesrecherches s'est prpar le renouvellement de l'histoire roumaine.Des rudits ont fouill les archives de l'Etat et des monastres,publi des collections de textes (chroniques, actes, lois), prparl'uvre d'ensemble par de savantes monographies. Voici lepremier essai de synthse qui, depuis longtemps, ait t mis laporte du public franais. Nous n'avions jusqu'ici notre disposi-tion que les Provinces Boumaines dont A. Ubicini a enrichi lacollection de V Univers Pittoresque. Je me garderai bien d'enmdire

    ;les Roumains seraient les premiers ne pas me le par-

    donner, car ils savent quels services Ubicini a rendus leurcause, quel point il tait au courant de tout ce qui a t publisur leur pays, et combien relle est la valeur de ce livre. Maisenfin ce livre date de 1856. Et il y a quarante ans qu'en Rou-manie on ne cesse de travailler et de produire. Un jour peut-tre les noms de Melchisdek, Baritz , A. Odobescu, HasdeuUrechia, Gr. Tocilescu, M. N. Densusianu , Onciul , Esarcu

    ,

  • PREFACE XXXV

    Jean Bogdan, seront aussi connus en France qu'ils mritent del'tre.

    Sur ce vaste ensemble de recherches personne n'est mieux-inform que M. Xnopol, le savant professeur l'Universit deassy. Son nom est d'ailleurs familier aux lettrs de France.Collaborateur assidu de la Revue Historique^ les comptes-renduset les analyses de livres roumains qu'il y publie nous ont djcpermis d'valuer toute la somme de travail qui s'est dpensl-bas pour y renouveler la face de l'histoire. Ses premirespublications en franais, les Roumains du moyen-ge {une nigmehistorique) * et tudes historiques sur le peuple roumain (lesguerres daciques de Trajan, les interventions russes, etc.) ^, sontdans toutes les mains ^ Elles sont la meilleure recommandationpour le nouvel ouvrage : elles en sont la vraie Prface.

    C'est tout un vnement que la publication de cet ouvrage, lapremire histoire des Roumains qu'unRoumain aitcrite pour nous.

    C'est le fils d'un de ces colons romains, peut-tre d'un de cescolons gaulois que Trajan achemina, il y a dix-huit sicles, versles rives du Danube, qui revient nous raconter l'tonnante Odyssede son peuple travers tant de barbaries, l'tonnante Iliade de sescombats contre toutes les hordes de l'Asie. C'est le compte-rendud'une tentative de colonisation entreprise par nous en un tempso nous ne portions pas encore le nom de Franais. C'est le miracled'une France danubienne, presque aussi tonnant que celui de laFrance canadienne. Et quel encouragement pour nous, dans lesprils que nous traversons, que la perptuit de ce peuple, qui ena tant traverss, et de plus terribles ! C'est des rives de la merNoire que nous revient ce mot d'encouragement qui nous estpeut-tre ncessaire en face du menaant dveloppement des racesrivales : Romanul non pre. Pas plus sur la Seine que sur leDanube !

    Alfred Rambaud.

    1. Paris, Leroux, 1885.2. lassy, 1888.3. A ces publications il convient d'ajouter les chapitres consacrs la Roumanie

    dans l'Histoire Gnrale publie sous la direction d'Ernest Lavisse et du soussign.Paris, Armand Colin.

  • HISTOIRE DES ROUMAINS DE LA DACIE TRAJAl

    INTRODUCTION,

    L'histoire d'un peuple est en grande partie dtermine par lacondition gographique du territoire sur lequel elle s'est dve-loppe. Ce principe trouve son application aussi dans l'histoiredu peuple roumain. Voil pourquoi, avant d'aborder l'expos deses destines, nous jetterons un coup d'il sur le milieu qui les avu naitre.

    Si nous examinons une carte des nationalits europennes,nous observons que la race latine constitue en Occident unemasse compacte de plus de 80,000,000 d'habitants, professantpresque tous la mme religion et rpandus sur un territoirecontinu de prs de 1,200,000 kilomtres carrs. Nonobstant lesdivergences momentanes d'intrts politiques, il n'en est pasmoins vrai que ce groupe considrable du genre humain estmaintenu dans une cohsion naturelle par trois liens puissants :la contigut de territoire, la similitude de langage et l'identitde religion.Loin de ce corps des Latins occidentaux se trouve, rejet sur les

    limites de l'Orient, un autre groupe de peuples d'origine galementlatine mais de religion orthodoxe, les Roumains, issus de lamme souche, partageant les mmes aspirations et inclinant parleurs sympathies vers leurs frres de l'Occident, mais sparsd'eux par toute une mer d'lments htrognes une ile perduedans un ocan de nationalits trangres.

    1

  • 2 HISTOIRE DES ROUMAINS

    Cette position isole des Latins orientaux les expose bien desdang-ers, qui augmentent d'autant plus que la politique de racesprend le dessus dans la marche de l'histoire.A cette situation gographique si dfavorable aux intrts du

    peuple roumain, vient s'ajouter un autre mal, celui-l rsultantde la configuration du relief du sol sur lequel il se trouve rpandu.La rgion habite par le groupe des Roumains du nord duDanube * est comprise entre trois grands cours d'eau qui formentun triangle sphrique assez rgulier ; ce sont : le Danube au sud,le Dniester l'est et la Thess l'ouest. Les Roumains constituentdans cette rgion une population presque partout compacte,dont le chiffre atteint au moins 10,000,000 d'mes ^, et dont quel-ques lots dpassent mme les limites indiques.Au milieu de ce triangle de cours d'eau s'lve un autre triangle

    de montagnes, constitu par les puissantes assises des Carpathesorientaux. Les cts de ce second triangle s'tendent presqueparalllement ceux des rivires, et ne les coupent qu'en deuxendroits : au nord par le prolongement des Carpathes vers lecentre de l'Europe, qui spare les sources du Dniester de cellesde la Thess ; au sud sur le Danube, o les montagnes resserrentle lit du fleuve aux Portes de fer, donnant pour ainsi dire lamain aux ramifications suprieures des Balkans qui s'tendentsur sa rive droite.Ces deux obstacles partagent la rgion plane, comprise entre

    le triangle des montagnes et celui des rivires, en deux grandesplaines : la plaine occidentale de la Thess, laquelle s'unissant celle du Danube moyen forme ce que l'on pourrait appeler laMsopotamie europenne, et la plaine orientale qui s'tend verslamer Noire, traverse le Danube et ne s'arrte qu' la chane desBalkans.La situation des Carpathes par rapport la nationalit rou-

    maine forme une exception au rle habituellement rserv auxmontagnes, celui de sparer des peuples de diverse origine.Elle contrevient la rgle formule assez heureusement par

    1. On sait qu'il y a encore deux autres groupes de Roumains : ceux de la Mac-doine au nombre de 600,000 mes et ceux de l'Istrie, rduits de nos jours au chiffrede 5,000 et qui menacent de disparatre tout fait au sein des Slavons et desItaliens qui les entourent.

    2. Dans la Roumanie libre 6,000,000; en Transylvanie 1,300,000 ; en Hongrie toutautant (les statistiipjes maghyares, qui ont intrt rduire autant que possible le'nombre des Roumains, donnent elles-mmes 2,647,000: Paul Hunfalvy, EthnographieUngm-n's, Buda-Pest, 1877, p. 361) ; en Bukovine 230,00j0,;-en Bessarabie 730,000.

  • INTRODUCTION 3

    M. Odysse Barot : une nationalit c'est un bassin, une frontireune montagne '

    ;attendu que les Carpathes, loin de constituer

    une limite naturelle pour la nationalit roumaine, sparent, aucontraire, son corps mme en plusieurs tronons entre lesquelsils lvent des obstacles gig-antesques, dchirant ainsi sa conti-nuit gographique et partageant le pays qu'elle habite enplusieurs rgions communication mutuelle trs difficile. Voil lacause primordiale du morcellement politique du peuple roumain.Nous verrons pourtant que cette dispersion des Roumains

    autour des Carpathes^ au lieu de les laisser confins dans leursein, est due des causes historiques qui poussrent ce peuple en occuper les deux versants. Au commencement, lors de laconqute de la Dacie par l'empereur Trajan, le peuple dont lesRoumains sont issus occupait, conformment la rgle prcite,la citadelle des Carpathes, la Transylvanie, et ce n'est que par lasuite que les vnements poussrent les Roumains se rpandreaussi en dehors de ses murailles, vers la plaine orientaleeuropenne.

    . Ce furent toujours les Carpathes qui dterminrent les influen-ces auxquelles les Roumains furent exposs dans le cours deleur vie. Ceux qui occuprent la plaine du sud-est subirentl'influence des Turcs et des Russes qui les touchaient de ce ct.Ceux d'en de les montagnes, tourns vers l'occident, tombrentdans la sphre d'action des peuples occidentaux.

    Si toutefois les Carpathes s'opposrent au libre essor de lanationalit roumaine, d'autre part ce furent eux qui l'abritrentpendant l'poque pleine de prils de l'invasion des barbares. Cefut toujours dans leur sein que se forma la puissante unit de larace roumaine.Source de bien et de mal, les Carpathes exercrent une

    influence constante sur le sort du peuple roumain, dont l'histoirene serait point comprise si on n'avait pas toujours les yeux fixssur leurs pics levs.Aprs avoir dtermin le territoire au sein duquel se dveloppe

    la vie du peuple roumain, examinons le temps dans lequel ellese droule, pour en noter les grandes divisions qui nous donne-ront le moyen de nous orienter.

    L'histoire assez longue du peuple roumain, puisqu'elle com-mence au temps d'Hrodote qui nous a donn les premires

    1. Lettres sur la philosophie de Vhistoire, Paris, 1864, p. 32.

  • 4 HISTOIRE DES ROUMAINS

    indications sur ces contres, se partage naturellement enquatre priodes, qui, bien qu'on puisse leur appliquer les dno-minations usites dans l'histoire universelle, d'histoire ancienne,moyenne, moderne et contemporaine, ne cadrent point chrono-logiquement avec ces dernires.

    L'histoire ancienne chez les Roumains, caractrise par la for-mation de leur nationalit, commence aux temps les plus reculsdont les sources historiques fassent mention et se prolongejusqu'au moment o une partie des Roumains, opprims par lesHongrois, sort de la Transylvanie pour fonder dans la plaine dusud-est les deux Etats de Valachie et de Moldavie (513 av. J.-C. 1290 ap. J.-C).L'histoire moyenne pendant laquelle l'esprit roumain est sou-

    mis l'influence du slavonisme commence la fondation desprincipauts au xiii sicle et s'arrte aux deux rgnes paralllesde Mathieu Bassarabe en Valachie et Basile-le-Loup en Moldavie,poque laquelle le slavonisme, soumin par le grcisme, luicde la place (1290-1633).

    L'histoire moderne, pendant laquelle Vesprit grec est tout-puis-sant dure jusqu' la rvolution des Grecs contre la dominationdes Turcs, rvolution qui mit fin leur rgime dans les princi-pauts (1633-1821). A partir de cette poque la rgnration de lapense roumaine donne lieu un dveloppement national qui secontinue jusqu' nos jours. C'est l'histoire contemporaine carac-trise par le roumanisme (1821-1859, union des principauts dansun seul tat).

    Il est assez curieux de remarquer que chez un peuple dont lavie intellectuelle fut aussi peu dveloppe, les divisions de sonhistoire soient marques par des faits culturaux.Quoique le peuple roumain, mme aprs la constitution des

    principauts, ait continu habiter la Transylvanie, son histoirepolitique ne s'y est pas dveloppe, attendu qu'elle y fut touffepar la domination hongroise. Voil pourquoi dans l'expos del'histoire des Roumains, la partie principale sera consacre celle des Roumains libres, car ceux qui taient subjugusn'intervenaient que de temps en temps dans l'volution de leursdestines.

  • LesPAYS ROUMAINS.TRTANGhESde Montacjneset de Rivires.

    Echelle:

  • LIVRE PREMIER

    HISTOIRE ANCIENNEFORMATION DE LA NATIONALIT ROUMAINE

    DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULS JUSQU'A LA FONDATION DES PRINCIPAUTS

    (513 avant J.-C. - 1290 aprs J.-C.)

  • CHAPITRE PREMIER

    LA DACIE AVANT LES ROMAINS

  • Les Scythes et les Agathyrses

    Les pays roumains au temps d'Hrodote. Le premier peuplequi soit mentionn historiquement * dans la valle du Danubeinfrieur, c'est celui des Scythes, la premire souche humaine surlaquelle se soit greffe la nationalit des Roumains. C'taitd'aprs Hrodote ^, source peu prs unique mais trs dignede foi sur ces temps reculs, un peuple nomade qui, commetel, devait errer sur toute l'tendue de la plaine orientale del'Europe, dbordant quelquefois mme en Asie, comme du tempsdu roi mde Gyaxare et de celui du roi perse Darius qui entrepritune expdition contre ces peuples pour les chtier. Darius vou-lut atteindre les Scythes par l'Europe, passa l'Hellespont, puisle Danube pour entrer dans la rgion qui constitue aujourd'huila Roumanie, mais ne parvint pas mme voir ses adversaireset fut trs heureux de quitter ses parages dserts (513 av.J.-C).Hrodote donne comme limites infrieures la Scythie, non

    le Danube, qu'il indique comme traversant ce pays pour se jeterdans la mer Noire, mais bien un golfe de cette mer, situ plusbas que les embouchures du fleuve. En effet, le Danube,quoique large et profond, n'opposait, en hiver, aucun obstacleaux incursions des nomades, qui le traversaient sur la glace.Voil pourquoi la rgion de la Dobroudja actuelle portait, encore

    1. Les pays occups actuellement par les Roumains ont possds aussi une popu-lation priiistorique, fait mis surtout en vidence par les fouilles entreprises sous ladirection de M. Nicolas Beldiceanou, professeur Jassy, qui publiera un travailtrs complet sur ses dcouvertes.

    2. Hrodote, livre IV, passim.

  • 10 HISTOIRE DES ROUMAINS

    du temps des Romains, le nom de province de Scythia. minor.Comme limites suprieures, Hrodote n'indique point des paysmais bien des peuples : vers l'Occident, au nord de l'Ister(Danube), les Agathyrses

    ;puis les Neures, les Androphages, les

    Melanchlnes, les Budins, etc.De tous ces peuples, celui qui intresse le plus l'histoire des

    Roumains, ce sont les Agathyrses, caractriss par Hrodotecomme un peuple effmin qui portait beaucoup d'ornementsd'or. Cette donne suppose ncessairement comme lieu de sjourdes Agathyrses, la Transylvanie, seul pays situ sur le Bas-Danube qui contienne ce mtal prcieux. L'historien grec donneencore une indication que la rgion des Agathyrses tait diffrentede celle qui tait parcourue par les Scythes, lorsque, aprs avoirnumr les cours d'eau qui partent de la Scythie mme, pouraugmenter le volume du Danube, il dit que la rivire du Marisau contraire sort du pays des Agathyrses pour se jeter aussi dans,l'Ister . La Scythie tant caractrise par Hrodote comme unergion tout fait plane, il s'ensuit qu'elle s'tendait dans sapartie occidentale vers le nord jusqu'aux Carpathes

    ;par

    consquent les rivires propres la Scythie seront celles quicouleront sur le versant extrieur (sud- est) des Carpathes : leMaris, par contre, qui sortait du pays des Agathyrses, devaitprendre sa source sur le versant des montagnes qui ne touchaitpas la Scythie, versant tourn vers le nord en Transylvanie.Les Agathyrses s'occupant entre autres de l'extraction de l'or,

    devaient tre un peuple fix au sol et non plus des nomadescomme leurs congnres, les Scythes, Une autre occupation quileur est attribue exigeait aussi la stabilit : c'est la culture desabeilles. Hrodote en donne une indication, lorsqu'il dit qu'audel de l'Ister la terre est tellement couverte d'abeilles que lacirculation en est gne , donnant une couleur insolite un faittrs rel, l'existence d'abeilles dans lepays des Carpathes. Lammecirconstance est d'ailleurs confirme par les paroles d'un auteurcontemporain d'Hrodote, rapportes par iElianus, naturalistedu IV* sicle aprs J.-C, qui dit que chez les Scythes le froidne faisait aucun tort aux abeilles, de sorte que non seulement ilsn'emploient pas de miel tranger, mais bien celui de leurpays

    ; mais qu'ils en exportent mme^ vendant des rayons auxMysiens K Les Scythes proprement dits tant nomades, tat in-

    1.

    ^lianus, De natura animalium libri sepiemdecim, d. Jacobs, lenae, 1832, I,p. 50.

  • LES