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International Criminal Tribunal for Rwanda Tribunal penal international pour le Rwanda Office of The Prosecutor - Bureau du Procureur Hotel AmabGTO, "P.O. Box 749, Kigan,Rwanda Fax: 1-212-4001 Tel: 250-84266 au 1-212-963-9906 OOfl R14b1d '1ir leTR CRIMINAL REGISTRY RECEIVED . APR 23 P 2: 05 I. C. T. R SeNIOR LeGAL OFFICeR ReCEIVED DATE, "h'3C./f.:,:.r q ... J . l; 1:'/1/- '" ' . . . Affaire No: ICTR-97-32-1 LEPROCUREUR DUTRIBUNAL CONTRE GEORGESHENRIYVON JOSEPH RUGGIU ACTE D' ACCUSATION AMENDE 1. Le Procureur du Tribunal pen international pour le Rwanda, en vertu des pouvoirs que lui confere I' article l7 u statut du Tribunal penal international pour Ie Rwanda (Ie "statut du Tribunal"), ccuse GEORGES HE YVON JOSEPH RUGGIU I , d'ENTENTE EN VUE DE COMMETTRE LE GENOCIDE, d'INCITATION DIRECTE ET PUBLIQUE A COMMETTRE LE GENOCIDE, de COMPLICITE DANS LE GENOCIDE, et de CRIMES CONTRE L'HUMANITE, crimes prevus aux articles 2 et 3 du statut du Tribunal, comme suit: GU31 - tnuluil de I'anglai, - 0310211999

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International Criminal Tribunal for RwandaTribunal penal international pour le Rwanda

Office of The Prosecutor - Bureau du Procureur

Hotel AmabGTO, "P.O. Box 749,Kigan,RwandaFax: 1-212-4001 Tel: 250-84266 au 1-212-963-9906

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ReCEIVED

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Affaire No: ICTR-97-32-1

LEPROCUREURDUTRIBUNAL

CONTRE

GEORGESHENRIYVONJOSEPH RUGGIU

ACTE D'ACCUSATION AMENDE

1. Le Procureur du Tribunal pen international pour le Rwanda, en vertu despouvoirs que lui confere I' article l7 u statut du Tribunal penal international pourIe Rwanda (Ie "statut du Tribunal"), ccuse

GEORGES HE YVON JOSEPH RUGGIU

I ,d'ENTENTE EN VUE DE COMMETTRE LE GENOCIDE, d'INCITATIONDIRECTE ET PUBLIQUE A COMMETTRE LE GENOCIDE, deCOMPLICITE DANS LE GENOCIDE, et de CRIMES CONTREL'HUMANITE,

crimes prevus aux articles 2 et 3 du statut du Tribunal, comme suit:

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000813JnJ1. CONTEXTE mSTORIQUE

1.1 La revolution de 1959 marque le debut d'une periode d'affrontementsethniques entre les Hutu et les Tutsi au Rwanda, provoquant au cours des anneesqui ont suivi, la mort de centaines de Tutsi et I'exode de milliers d'entre eux. Cetterevolution aboutira al'abolition de la monarchie tutsie et it la proclamation de lapremiere Republique au debut de l'annee 1961, confirmee par referendum au coursde la meme annee. Les elections legislatives de septembre 1961 consolident ladomination du "MDR-PARMEHUTU (Mouvement democratique republicain-Partidu mouvement d 'emancipation hutu) de Gregoire Kayibanda, qui sera elu Presidentde Ia Republique par l'assemblee legislative le 26 octobre 1961.

1.2 Les premieres annees de cette republique, dominee par les Hutu de Gitarama(region centrale du Rwanda), sont egalement marquees par la violence ethnique al'encontre des Tutsi et un nouvel exode de milliers d'entre eux. L'eliminationprogressive des partis d' opposition durant ces premieres annees raffermira laposition du "MDR-PARMEHUTU comme parti unique, Ie seul parti apresenter descandidats aux elections de 1965.

1.3 Le debut de l'annee 1973 au Rwanda est de nouveau marque par desaffrontements ethniques entre Hutu et Tutsi, ce qui a suscite un nouvel exode massifde la minorite tutsie, similaire a celui enregistre entre 1959 et 1963. Cetterecrudescence des tensions ethniques et politiques (entre le nord et le sud) aboutit,le 5 juillet 1973, a la prise du pouvoir par le general Juvenal Habyarimana alafaveur d'un coup d'etat militaire. Des lors, les rsnes du pouvoir passent des mainsdes Hutu de Gitarama acelles des militaires hutus du nord du pays (Gisenyi etRuhengeri), region natale du president Habyarimana,

1.4 En 1975, le president Habyarimana fonde le Mouvementrevolutionnairenational pour le developpement (MRND), parti unique dont il assume la presidence,La structure du MRND, veritable parti-Etat, etait, atous les niveaux, analogue acelle de 1'administration publique au point de ne pouvoir etre differenciee : duprefet aux bourgmestres, en passant par les conseillers de secteurs et lesresponsables de cellule, jusqu'aI' echelon Ie plus informel, le Nyumba Kumi, chefde l'unite sociale de base constituee de dix familles,

1.5 Vers la fin des annees 80, tres peu de Tutsi occupaient des postes deresponsabilite dans la fonction publique ou dans l'armee, Les proches du presidentHabyarimana assumaient l'essentiel des fonctions strategiques dans 1essecteurs

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militaire, politique, economique, administratif et gouvememental de la societerwandaise. Au sein de ce groupe d'hornmes et de femmes, exclusivement d'originehutue il se forme un noyau compose, pour l'essentiel, des membres de la famille, .

..._ du president Habyarimana et de son epouse, Agathe K8IIZ1ga et connu sous le nomd'Akazu. Aux membres de ce cercle ferme se sont jointes d'autres personnes qui enpartagaient l'ideologie extremists hutue. Biles etaient presqu'exclusivementoriginaires de la region natale du President et de son epouse.

1.6 En 1990, le president de la Republique, Juvenal Habyarimana, et son partiunique, le .MRND, se trouvent confrontes auneopposition grandissante au seinmeme de leur groupe ethnique, les Hutu.

1.7 Le 1er octobre 1990, le Front patriotique rwandais (FPR), composemajoritairement de refugies tutsis, envahit Ie nord du Rwanda. Quelques jours plustard, des milliers de presumes opposants de I'interieur, civils et militairesSOUP90nneS d'etre des complices du FPR, sont arretes, Parmi les personnes arretees,essentiellement d'origine tutsie, se trouvent egalement des opposants politiqueshutus.

1.8 Suite aux differeotes pressions exercee par l'opposition interne, le FPR et lacommunaute internationale, une nouvelle constitution est adoptee le 10 juin 1991introduisant le multipartisme au Rwanda et le principe du partage du pouvoir. LeMouvement revolutionnaire national pour Ie developpement (MRND) est alorsrebaptise Mouvement republicain nationalpour la democratie et Ie developpement(MRND). Le premier gouvernement de transition est composepresqu' exclusivement de membres du MRND, suite au refus des principaux partisd'opposition d'en faire partie. Avec la mise en place du second gouvernement detransition en avril 1992, le MRND se retrouve minoritaire pour la premiere fois deson histoire, avec neuf portefeuilles ministeriels sur 19. Neanmoins, Ie .MRNDdemeure fortement dominant au niveau des administrations locales.

1.9 Le nouveau gouvernement e;ne alors des negociations avec le FPR quiaboutissent, le 4 aoitt 1993, a la si ture des Accords d'Arusha. Ces Accordsprevoient un nouveau mecanisme de p age des pouvoirs militaire et civil entre leFPR, les partis d'opposition et le.MRND.

1.10 Aux termes des Accords d'Arusha qui prevoient I'Integratlon des forcesarmees des deux parties, l'effectifde la nouvelle armee nationale est limite it 13.000hornmes dont 60% proviendraient des FAR (Forces armees rwandaises) et 40% duFront Patriotique Rwandais ( FPR). Quant aux postes de cornmandement,

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ils devaient etre attribues aparts egales (50%-50%) aux deux parties, le poste deChef d' etat major de l'armee revenant aux FAR. S'agissant de la Gendarmerie, soneffectif devait etre limite a 6.000 hommes, dont 60% des FAR et 40% du FPR, lespostes de commandement etant repartis equitablement (50%-50%) entre les deuxparties, et Ie poste de Chef d'etat major de la gendarmerie revenant au FPR.

1.11 En ce qui concerne la representation au sein du gouvemement, les Accordsd' Arusha limitent acinq le nombre de portefeuilles ministeriels alloues au"MRND(Mouvement republicain national pour le developpement), en plus de la Presidencede la Republique. Les autres portefeuilles devaient etre repartis de la manieresuivante : cinq pour le FPR, quatre pour le :MDR (Mouvement democratiquerepublicain) dont le poste de premier Ministre, trois pour le PSD (Parti social­democrate), trois pour le PL (Parti liberal) et un pour le PDC (patti democrate­

chretien).

1.12 Pour les hommes et les femmes proches du president Habyarimana, parmilesquels les membres de I'Akazu, qui occupaient des fonctions importantes dans lesdivers secteurs de la societe rwandaise, ce nouveau partage du pouvoir, tel qu'exigepar les opposants politiques et prevu Bar les Accords d'Arusha, impliquaitl'abandon d'une partie du pouvoir et la peJ/te de nombreux privileges et avantages.Pour les officiers de l'armee originaires d~ nord, qui avaient deja vu leur pouvoiret leur nombre decroitre suite aux mesures adoptees par le second gouvemementmultipartiste de transition et comporta;lt des mises a la retraite forcee et denouvelles nominations, les Accords d'Arusha marquent egalement la fin d'uneepoque,

I1.13 L'ideologie extremiste de ces eminerrts Hutu qualifie de complices du FPR,l'ensemble de la population tutsie et les /Hutu du sud opposes a leur suprematie.Vers la fin de 1993, le fait de considerer l~s membres de I'opposition hutue commedes complices du FPR engendre des 4cissions au sein des principaux partispolitiques opposes au MRND, asavoir lp :MDR, le PSD et le PL. Chacun de cespartis se scinde en deux groupes factieux] dont l'un dit "Power" partage I'ideologieextremiste hutue et s'aligne sur Ie parti 4u president Habyarimana.

1.14 Aux fins de consolider leur pouvoir, les hommes et les femmes quipartageaient I'ideologie extremiste ont adopte, au debut des annees 90, une strategicqui comportait les elements suivants :La distribution d'annes ala population civile hutue ; I' organisation de la jeunessedes partis politiques, notamment l'Interahamwe (organisation des jeunes du:MRND), suivie de l'entralnement militaire de ces jeunes ; la preparation de listes

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de personnes aelirniner, ainsi que l'assassinat d'opposants politiques ; l'incitationala violence ethnique et l'extermination de Tutsi,

1.15 L'incitation ala haine etlmique prend la forme de discours publics prononcespar des personnalites partageant cette ideologie extremiste, Ces personnalitespolitiques et militaires appellent publiquement ala haine et exhortent la majoritehutue "a en finir avec l'ennemi et ses complices". Le discours prononce ennovembre 1992 par Leon Mugesera, vice-president du MRND pour la prefecturede Gisenyi, qui, des cette epoque, incitait publiquement al'extennination des Tutsiet de leurs "complices", en est la parfaite illustration. Lors d'une conference du partiMRND aGisenyi, il invite la population hutue atuer les Tutsi et ajeter leurs corpsdans les cours d' eau du pays.

1.16 Le 4 decembre 1991, le president Juvenal Habyarimana met en place unecommission militaire. Celle-ci a pour tache d'apporter une reponse ala questionsuivante : "Que devons-nous faire pour vatncre l'ennemi sur les plans militaire,mediatique et politique] Le rapport de cette commission avait identifie l'ennemi.

1.17 Dans une lettre datee du 21 septembre 1992, Ie chefd'etat major des Forcesarmees rwandaises (FAR) ordonne qu' un extrait du rapport de la commission soitdiffuse au sein des troupes. Cet extrait definissait l'ennemi principal comme suit:"Les Tutsi de I'interieur ou de l'exterieur du pays, qui sont des extremistes ou quisont nostalgiques du pouvoir, qui ne reconnaissentpas et n 'ontjamais reconnu lesrealites de la Revolution sociale de 1959, et qui cherchent aregagner le pouvoir auRwanda par tous les moyens, y compris celui des armes". L'ennemi secondaire etaitdefini comme etant : "toute personne apportant une assistance quelconque al'ennemi principal". Ce document precisait que l'ennemi etait recrute au sein decertains groupes, notamment: "les Tutsi de l'interieur du pays, les Hutu mecontentsdu regime actuel, les etrangers maries a des femmes tutsies... ". Entre autresactivites dont l'ennemi etait accuse dans ce document, figurait "la diversion visanta detourner l'opinion nationale du probleme ethnique pour l'orienter vers leprobleme socio-economique entre les riches et les pauvres",

1.18 En 1990, des membres de la minorite ethnique tutsie sont massacres aKibilira, puis aBagogwe et Bugesera, en 1991 et 1992, respectivement. Chaquefois, ces crimes sont restes impunis,

1.19 Afin d' assurer la dissemination generalisee des appels ala violence ethnique,les personnalites en vue du cercle presidentiel mettent en place des medias destinesapromouvoir la haine ethnique et la peur. Le journal Kangura est Ie plus celebreexemple de propagande haineuse soutenue par Ie gouvemement. A partir d'avril

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1991, ce journal, tire aenviron 10.000 exemplaires, etait imprime gracieusement parI'Imprimerie nationale. Anatole Nsengiyumva, colonel des Forces armeesrwandaises et chef du service de renseignements militaires, a personnellement aideala distribution de ce journal dans la capitale rwandaise, Kigali. Ce journal reiteraitles appels al'elimination des Tutsi lances par les autorites. Il donnait la mise engarde suivante: "cherchons aconnaitre les plans des Inkontanyi, puis eliminons-Iesjusqu' au dernier". La publication des Dix commandements des Hutu, dans Iejournal Kangura, traduit de la maniere la plus crue possible la propagande de lahaine. Les Dix commandements des Hutu ne constituaient pas seulement unediffamation et une persecution des femmes tutsies, ils appelaient egalement tous lesHutu aharr et amepriser la population tutsie.

1.20 Les emissions de radio en particulier et les medias en general, exercaient unegrande influence sur la population rwandaise. En 1992, l'audience moyenne desemissions radios au Rwanda etait de 25 personnes sur 100. Les emissions de laRTLM etaient diffusees dans tout le pays grace aun reseau d'emetteurs appartenantau gouvemement qui en assurait le fonctionnement

1.21 Ferdinand Nahimana a ete aI'origine de la creation de laRTLM apres sonlimogeage de l'Office rwandais de l'information (ORINFOR) en avril 1992. LaRTLM a ete creee, sous la forme d'une station de radiodiffusion independante, pourservir la cause des extremistes hutus. Elle etait dirigee par une commissioninformelle presidee par Ferdinand Nahimana, Un article paru dans le journalKangura fait I'eloge de la creation de la RTLM, voyant en elle un outil pour ladefense des Hutu et un partenaire dans la lutte pour la defense de la majorite hutue.

1.22 Les emissions diffusees sur la RTLM encourageaient la haine ethnique etincitaient ala violence ethnique. Ces emissions designaient des personnes par leursnoms, revelaient les cachettes des citoyens vises, occasionnant ainsi le massacre demilliers de citoyens, Ces emissions qualifiaient l'ensemble de la population tutsied' ennemie et appe1aient les Hutu aparachever la Revolution sociale de 1959. Cesappels al'extermination des Tutsi violaient les dispositions du statut de la RTLM,qui interdisait la diffusion d'emissions propres ainciter ala haine, ala violence etala division ethniques. Le 26 novembre 1993 et le 10 fevrier 1994, le ministre del'Information, Faustin Rucogoza, a demande ala direction de la RTLM de mettrefin aces emissions. De hauts responsables de la RTLM, asavoir Felicien Kabuga,Jean-Bosco Barayagwiza et Ferdinand Nahimana, etaient en faveur de cesemissions. Elles ont continue jusqu'en juillet 1994.

1.23 Le premier ministre, Jean Karnbanda, les ministres Augustin Bizimana et

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Andre Rwamakuba, l' officier des FAR Augustin Bizimungu et le prefer TharcisseRenzaho ont utilise ce media pour inciter les gens au massacre de la populationtutsie et de nombreux Hutu moderes,

1.24 La RTLM a cesse d' emettre le 3 juillet 1994, mais a repris ses emissions unesemaine plus tard a l'aide d'emetteurs mobiles. Le 14 et 15 juillet 1994, lesemissions d'une station de radiodiffusion mobile, emettant aux environs de Gisenyi,a la frontiere zairoise, pressaient les refugies rwandais de fuir au Zafre, ce qui afavorise, par 1a suite, le depart de millions de Hutu rwandais, qui craignaient lesrepresailles des Tutsi, vers des camps de refugies au Zaire, en Tanzanie et auBurundi. Le 19 juillet 1994, une organisation francaise d'aide alimentaire, Actioninternationale contre la faim (AfCF) a declare que la radio avait provoque unehysterie generale chez ceux quilne croyaient qu'en leurs dirigeants, ces derniersayant diabolise le Front patriotique rwandais. Human Rights WatchfAfrica a indiqueque les refugies hutus "avaientfui dans lapanique Iorsqu 'ils ont appris que le FPRs 'approchait de leur region, et nonpas parce qu'ils avaient ete attaques ou qu'ilsavaientvu d'autrespersonnes attaquees par les troupes qui arrivaient. Ils avaientete effrayes par les emissions de propagande diffusees ala radio et faisant etatd'atrocites imputees au FPR".

1.25 Des propositions emanant de groupes de defense des droits de l'homme etd' organisations humanitaires en vue de faire cesser les emissions de la RTLM et deRadio Rwanda ou de les brouiller, n'ont pas ete accueillies favorablement en raisonde difficultes techniques et juridiques evidentes. Le general de division RomeoDallaire, commandant de la Force de maintien de la paix des Nations Unies aKigali, a declare que "s 'il avait etepourvu du materielde brouillage approprie; denombreuses vies auraient ete sauvees au Rwanda".

2. COMPETENCES TERRITORIALE TEMPORELLE ETMATERIELLE

2.1 Les crimes vises par le present acte d'accusation ant ete commis au Rwandaentre Ie 1er janvier 1994 et le 31 juillet 1994.

2.2 Lors des evenements auxquels se refere le present acte d'accusation, lesTutsi, les Hutu et les Twa etaient identifies comme des groupes ethniques ouraciaux.

2.3 Lors des evenements auxquels se refere le present acte d'accusation, laBelgique etait un Etat et les citoyens belges, des ressortissants de la Belgique.

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000807w2.4 Lors des evenements auxquels se reiere le present acte d'accusation, il y a eusur tout Ie territoire du Rwanda, des attaques systematiques ou generalisees dirigeescontre une population civile, en raison de son appartenance nationale, politique,

._--. ethnique au raciale.

3. L' ACCUSE

3.1 GEORGES HENRI YVON JOSEPH RUGGW est ne le 12 octobre 1957, IiVerviers, en Belgique. Au moment des faits auxquels se refere le present acted'accusation, GEORGES HENRI YVON JOSEPH RUGGW etait employe enqualite de journaliste par la RTLM. Il est de nationalite belge,

4. LA PLANIFICATION DU GENOCIDE

A. CREATION DE LA RTLM

4.1 FERDINAND NAHIMANA, Jean-Bosco Barayagwiza, Hassan Ngeze,Felicien Kabuga, Joseph Serugendo, Jean-Baptiste Mugimba, Pierre Basabose,Frodouald Karamira, Laurent Sebapira, Augustine Atari, Jean-Baptiste Barnwanga,le major Ntilikina, le major Thaddee Bagaragaza, Antoine Ibarnbasi, KantanoHabimana et Gaspard Gahigi, ont convenu entre eux et avec des tiers de creer laRTLM. Le Statut, signe le 8 avril 1993, portait creation de la societe privee RTLMS.A. et de sa station de radiodiffusion . Ses studios de radiodiffusion etaient reliesaux groupes electrogenes du Palais presidentiel, situe juste en face des studios, luipermettant ainsi de continuer Ii fonctionner en cas de coupure de courant. La RTLMa commence Ii emettre Ii partir de Kigali sur l'ensemble du territoire rwandais audeuxieme semestre de l'annee 1993, grace Ii un reseau d'emetteurs appartenant IiRadio Rwanda, une societe gouvernementale qui en assurait egalement lefonctionnement. EIle est devenue plus tard une station mobile, installee dans unvehicule blinde des Forces armees rwandaises (FAR). Elle s'est ensuite refugieedans un endroit devenu, plus tard, la Zone Turquoise, situee dans la jungle entre lesprefectures de Gikongoro et de Kibuye. Les emissions de la RTLM ont cesse apresla mi-juillet 1994.

4.2 La creation de la RTLM a ete celebree dans un article publie dans le journalhutu extremiste KANGURA qui considerait cette station de radio comme unpartenaire dans la lutte pour l'unification, la conscientisation et la defense des Hutu,le peuple majoritaire. Dans sa defense de la cause extremiste hutue, la RTLM a

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incite a la haine et a la violence ethniques a l'encontre du groupe ethnique

minoritaire tutsi,

B. CONTR6LE DES EWSSIONS

4.3 Pendant toute la periode couverte par le present acte d'accusation, FerdinandNahimana, Jean-Bosco Barayagwiza et Felicien Kabuga exercaient une antorite etun controle sur la RTLM.

4.4 Ferdinand Nahirnana et Jean-Bosco Barayagwiza avaient connaissance ducontenu des emissions de la RTLM et ont ete, en meme temps que Felicien Kabuga,en qualite de hauts responsabIes de la RTLM, convoques aune reunion tenue Ie 26novembre 1993 au ministere de l'infonnation. Lors de cette reunion, le ministre del' Information leur a ordonne, entre autres, de cesser d'emettre des messages incitanta Ia violence et a la haine inter-ethniques. Ces memes instructions ont ete reitereeslors d'une deuxieme reunion tenue le 10 fevrier 1994 sur le meme sujet. A ces deuxoccasions, Jean-Bosco Barayagwiza et Ferdinand Nahimana ont defendu cesemissions et ont favorise leur continuation jusqu'a finjuillet 1994.

4.5 Le 7 juillet 1994, ou vers cette date, ala demande des responsables francaisde la zone de "I'Operation Turquoise" sise dans la prefecture de Gisenyi, FerdinandNahimana a ordonne ala RTLM de mettre fin aux emissions qui appelaient al' assassinat des membres de Ia Mission des Nations Unies d'Assistance au Rwanda(MINUAR).

4.6 Suite aux ordres auxqueis il est fait reference ci-dessus, la RTLM aimrnediatement cesse d'appeler au meurtre des membres de la WNUAR.Cependant, des militaires belges et certains journalistes ont continue d'etre la cibledes emissions diffusees sur Ia RTLM.

4.7 En leurs qualites de membres influents de l'administration de la RTLM,Ferdinand Nahimana et Jean-Bosco Barayagwiza n'ont pas pris les mesuresnecessaires ou raisonnables pour faire cesser les emissions incitant ala haine et ala violence ethniques.

C. OPPOSITION AUX ACCORDS D'ARUSHA

4.8 L'attitude de la RTLM, en tant qu'element des medias, temoignait d'uneopposition croissante aux accords d'Arusha signes le 4 aout 1993 entre Iegouvemement du Rwanda et le Front patriotique rwandais (FPR). Les accords

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d'Arusha interdisaient l'incitation a la violence ethnique, la promotion de politiquesdiscrirninatoires fondees sur l'appartenance etbnique et la propagande incitant alahaine etbnique.

4.9 Plusieurs personnalites civiles et militaires, fortement opposees a toute formede partage du pouvoir et, particulierement, a celle prevue dans les Accordsd' Arusha, ont concu un plan afin de se maintenir au pouvoir. Les elements de ceplan comprenaient l' entrainement de miIices, Ia distribution d' armes et de munitionsala population, la preparation de listes de personnes aeliminer et I'incitation parles medias. Pour mettre ce plan en oeuvre, 1a RTLM propageait I'ideologieextremiste hutue, en incitant systematiquement a la haine et a la violence ethniquesa I'encontre de toute la minorite tutsie, en violation de 1aLoi sur 1apresse de 1991et des statuts de la RTLM.

D. OBJECTIF DES EMISSIONS

4.10 Felicien Kabuga, en presence de Ferdinand Nahimana et de Ngirumpatse,entre autres, a publiquement defini l' objectifde la RTLM comme etant Ia defensedu 'Hutu Power'. Le 'Hutu Power' etait un slogan des extremistes hutus dont le butetait I'eliminarion des Tutsi. Ferdinand Nahimana n'a rien fait pour dementir cetobjectif declare de la RTLM.

4.11 Tout au long de cette periode, la RTLM a diffuse sur le territoire rwandaisI'ideologie et les desseins d'extremistes hutus, qui englobaient notammentl'elimination des Tutsi et de certains Hutu. Ces emissions servaient cette ideologieet ces objectifs.

5. EFFETS DES EMISSIONS

Les effets des emissions ont ete, entre autres, les suivants :

5.1 Les medias diffusaient des messages du gouvemement a l'intention de lapopulation, demandant a celle-ci "d'aller travailler", envoyant les milicesInterahamwe dans les localites pour tuer 1es Tutsi et inciter les populations localesa tuer leurs voisins tutsis.

5.2 Les extremistes hutus avaient reintroduit la theorie de la revolution de 1959et l'avaient propagee dans le public. Les medias rabachaient alors des themes tels

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que "La revolution de 1959 n 'a pas ete achevee et devrait etre menee ason terme ",qui constituaient des appels al' elimination des Tutsi.

5.3 La RTLM designait par leurs noms des Hutu et des Tutsi opposes aupresident Habyarimana, les qualifiant "d'ennemis"ou de "traitres" meritant la mort,et ces personnes finissaient par etre tuees.

5.4 Le 7 avril 1994, la RTLM a appele les Hutu avenger la mort du Presidentrwandais, EUe a declare: "Les tombes ne son!pas encore tout afaitpleines. Qui vafaire du bon travail et nous aider ales remplir completement",

5.5 La RTLM identifiait les endroits ou les Tutsi se refugiaient et ordonnait auxmilices Interahamwe d' attaquer ces lieux. Pendant la commission de ces massacres,la RTLM felicitait les tueurs et Ies encourageait a continuer avec davantage de

vigueur.

5.6 Les emissions de la RTLM denigraient les femmes tutsies et appelaient adesactes de haine et a des violence sexuelles sur leurs personnes.

5.7 Entre le 1 janvier et le 15 juillet 1994 environ, Georges Henri Yvon JosephRuggiu etait employe a la RTLM. 11 avait des contacts etroits avec de hautsresponsables des Forces armees rwandaises. n a quitte le Rwanda pour laRepublique du Zaire, comme s'appelait alors ce pays, vers la mi-juillet 1994.

5.8 En sa qualite d' employe de la RTLM, Georges Henri Yvon Joseph Ruggiuanimait des emissions sur cette station de radiodiffusion, faisant la promotion de lathese selon laquelle la revolution de 1959 n'etait pas terminee, et invitant lapopulation a la parachever, ce qui constituait autant d'appels a l'elimination desTutsi.

5.9 Le 18juin 1994, Georges Henri Yvon Joseph Ruggiu a annonce sur les ondesde RTLM que les Tutsi qui residaient a Gitwe n'etaient pas encore tues, et aordonne que les barrages routiers soient renforces afinque personne ne puisse fuir.

5.10 Le 20 juin 1994, suite al'emission alaquelle se refere le paragraphe 5.9 ci­dessus, les Interahamwe se sont rendus sur la colline de Gitwe, dans la communede Mutara, en compagnie du bourgmestre Georges Rutaganda et ont massacre plusde 70 familles appartenant, pour la plupart, au groupe ethnique tutsi,

5.11 Lors des evenements qui ont donne lieu aux accusations contenues dans lepresent acte d'accusation, les medias exercaient une grande influence sur la

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population rwandaise, decrivant les Tutsi comme un groupe qui voulait raw lepouvoir politique et economique aux Hutu, et caricaturant et denigrant les Tutsi, ycompris en utilisant le denigrement sexuel.

5.12 Le 21 avril 1994, Jean Kambanda, Ie premier ministre du gouvemementinterimaire, a declare que les emissions diffusees sur la RTLM etaient "une armeindispensable dans la lutte contre l'ennemi".

6. CHEFS D' ACCUSATION

PREMIER CHEF D'ACCDSATION:ENTENTE EN VUE DE COMMETTRE LE GENOCIDE

Par ses actes en rapport avec les faits decrits aux paragraphes 3.1 a5.12 ci-dessus,et plus particulierement aux paragraphes auxquels il est fait reference ci-apres:

Georges Henri Yvon

Joseph Ruggiu : en vertu de l'article 6, paragraphe 1,paragraphes 5.1, 5.2, 5.3, 5.5, 5.7,5.8.5.9, 5.10et 5.11;

s'est entendu avec des tiers pour tuer ou porter gravement atteinte it I'integritephysique ou mentale de membres de la population tutsie, dans l'intention dedetruire, en tout ou en partie, un groupe ethnique ou racial comme tel, et a., de cefait, commis le crime d'ENTENTE EN VUE DE COMMETIRE LE GENOCIDE,crime prevu So l'article 2, paragraphe 3, alinea b du Statut, dont il estindividuellement responsable en vertu de l'article 6, et qui est punissable en vertudes articles 22 et 23 du statut du Tribunal.

DEUXrElY.lE CHEF D'ACCDSATION:INCITATION DIRECTE ET PUBLIQUE A. COMMEITRE LE GENOCIDE:

Par ses actes et omissions en rapport avec les faits decrits aux paragraphes 3.1 So5.12 ci-dessus, et plus particulierement, aux paragraphes auxquels i1 est faitreference ci-apres :

Georges Henri Yvon

G1531-ttaduit de l'angl.is - 0310211999

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1 (,; T K

@014

Joseph Ruggiu : en vertu de l'artic1e 6, paragraphe 1,paragraphes 5.8 et 5.9 ;

s' est rendu responsable d'incitation directe et publique de 1a population au meurtreou a des atteintes graves a I'integrite physique ou mentale de membres de lapopulation tutsie, dans l'intention de detruire, en tout au en partie, un groupeethnique ou racial comme tel, et a, de ce fait, commisle crime d'INCITATIONDIRECTE ET PUBLIQUE A COMMETTRE LE GENOCIDE, crime prevu aI'article 2, paragraphe 3, alinea c du Statut, dont i1 est individuellementresponsableen vertu de l'article 6, et qui est punissable en vertu des articles 22 et 23 du statutdu Tribunal.

TROISIE11E CHEF D'ACCUSAnON:COMPLIClTE DANS LE GENOCIDE:

Par ses actes et omissions en rapport avec les faits decrits aux paragraphes 3.1 a5.12 ci-dessus, et, plus particulierement, aux paragraphes auxquels il est faitreference ci-apres :

Georges Henri YvonJoseph Ruggiu: en vertu de l'article 6, paragraphe 1,

paragraphes 5.7, 5.8, 5.9 et 5.10 ;

est complice du meurtre ou d'atteintes graves portees a l'int6grite physique oumentale de membres de la population tutsie, dans l'intention de detruire, en tout auen partie, un groupe ethnique ou racial en tant que tel, et a, de ce fait, commis lecrime de COMPLICITE DANS LE GENOCIDE, crime prevu a l'article 2,paragraphe 3, alinea e du Statut, dont il est individuellement responsable en vertude l'article 6, et qui est punissable en vertu des articles 22 et 23 du statut duTribunal.

QUATRIEME CHEF D'ACCUSATION:CRIME CONTRE L'HUMANITE : ASSASSINAT

Par ses actes et omissions en rapport avec les faits decrits aux paragraphes 3.1 a5.12 ci-dessus, et, plus particulierement, aux paragraphes auxquels il est faitreference ci-apres :

Georges Henri Yvon

GU31 ....duil de \'811glais· 03/0211999

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i<1l015

000801w

Joseph Ruggiu : en vertu de l'article 6, paragraphe 1,paragraphes 5.8, 5.9 et 5.10 ;

s'est rendu responsable d'assassinats de Tutsi et de certains Hutu dans le cadred'une attaque generalisee et systematique dirigee centre une population civile enraison de son appartenance politique, ethnique au raciale, et a, de ce fait, commisun CRIJ'v1E CONTRE L'HDMANITE, crime prevu it I'article 3, alinea a du Statut,dont il est individuellement responsable en vertu de l'article 6, et qui est punissableen vertu des articles 22 et 23 du statut du Tribunal.

CINQUIElvlE CHEF D'ACCUSATION:CRIME CONTRE L'HUMANITE : PERSECUTION

Par ses actes et omissions en rapport avec les faits decrits aux paragraphes 3.1 it5.12 ci-dessus, et, plus particulierement, aux paragraphes auxquels i1 est faitreference ci-apres :

Georges Henri YvonJoseph Ruggiu : en vertu de Particle 6, paragraphe 1,

paragraphes 5.8, 5.9 et 5.10;

s'est rendu responsable de persecutions pour des raisons politiques ou raciales dansIe cadre d'une attaque generalisee et systematique dirigee contre une populationcivile en raison de son appartenance politique, etlmique au raciale, et a, de ce fait,commis un CRIME CONTRE L 'ffiJMANITE, crime prevu it l'article 3, paragraphsh du Statut, dont il est individuellement responsable en vertu de l'article 6, et quiest punissable en vertu des articles 22 et 23 du statut du Tribunal.

SIXIElvlE CHEF D'ACCUSATION:CRIlvlE CONTRE L'HUMANITE : EXTERMINATION

Par ses actes et omissions en rapport avec les faits decrits aux paragraphes 3.1 a5.12 ci-dessus,et, plus particulierement, aux paragraphes auxquels il est faitreference ci-apres:

Georges Henri YvonJoseph Ruggiu :

GL531. traduitde"anglai, • 03Jl1211999

en vertu de Particle 6, paragraphe I,paragraphes 5.8,5.9 et 5.10 ;

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1 c '1' 1<

I,!] 016

000800bi

s'est rendu responsable de l'extennination des Tutsi, dans Ie cadre d'une attaquegeneralisee et systematique dirigee contre une population civile en raison de sonappartenance politique, ethnique au raciale, et a, de ce fait, commis un CRIME

...• CONTRE L'HUMANITE, crime prevu aParticle 3, paragraphe b du Statut, dontil est individuellement responsabIe en vertu de l'article 6, et qui est punissabIe envertu des articles 22 et 23 du statut du Tribunal.

•10 decembre 1998Kigali, Rwanda

Pour le Procureur,

Bernard A. MunaProcureur adjoint

OLS31 - traduit de t'anglB.is - 03/02/1999

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