identification des paramÈtres hydrodynamiques d’un sol … 2002 a pp... · à la saturation du...

12
JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 1 IDENTIFICATION DES PARAMÈTRES HYDRODYNAMIQUES D’UN SOL NON SATURÉ À PARTIR D’ESSAIS IN SITU ABDALLAH Adel, MASROURI Farimah. Laboratoire Environnement Géomécanique et Ouvrages, ENSG, rue du Doyen Marcel Roubault, BP 40, 54501 Vandœuvre-lès-Nancy, www.laego.org, [email protected] , [email protected] . RESUME : Les techniques communément utilisées pour l’interprétation des essais de perméabilité in situ sont en général limitées à la détermination de la conductivité hydraulique saturée, en supposant que la saturation du sol testé est atteinte. La phase d’écoulement non saturé est souvent négligée et les mesures transitoires sont effectuées uniquement pour vérifier l’établissement d’un régime permanent. Dans cette étude, nous présentons un modèle simulant les essais de perméabilité utilisant l’infiltromètre à simple anneau. Les résultats des simulations démontrent les difficultés de la détermination des paramètres non saturés ce qui implique des incertitudes importantes sur la perméabilité. La faisabilité de l’estimation des paramètres hydrodynamiques du sol à partir des mesures d’infiltration est discutée. Nous montrons qu’il est possible d’identifier les paramètres hydrodynamiques non saturés du sol en introduisant des mesures supplémentaires de succion. MOTS-CLEFS : infiltration – simple anneau – sols non saturés – perméabilité – problème inverse. ABSTRACT : Techniques commonly used for field permeability tests interpretation are limited to the determination of saturated hydraulic conductivity, as field saturation is generally assumed. The unsaturated flow phase is frequently neglected and transient flux measurements are performed only to verify permanent flow occurrence. In this study, a model simulating in situ single ring permeability tests is presented. Numerical results demonstrate the difficulty of the determination of the soil unsaturated hydraulic parameters leading to poor estimations of the saturated hydraulic conductivity. The feasibility of inverse identification of the soil hydraulic parameters using infiltration data is discussed. We show that it is possible to completely identify unsaturated hydraulic parameters of the soil by introducing additional suction measurements. KEY-WORDS : infiltration – single ring – unsaturated soils – permeability – inverse problem. 1. Introduction Les applications de l’écoulement dans les sols non saturés sont nombreuses aussi bien dans le domaine de la Géotechnique et de la Géotechnique de l’Environnement que dans celui de l’Aménagement Urbain. En effet, la gestion et le stockage du volume croissant de déchets industriels et urbains requièrent l’implantation de sites de stockage et la prévention des risques de pollution du sol récepteur et de la nappe phréatique. Par ailleurs, les dysfonctionnements de plus en plus fréquents des systèmes d’évacuation des eaux pluviales suite à l’imperméabilisation des surfaces urbaines incitent les collectivités locales à se tourner vers des techniques qualifiées d’"alternatives" par l’implantation de différents types d’ouvrages d’infiltration. L’étude de tous ces types de problèmes fait intervenir l’infiltration à travers un milieu non saturé (sols naturels en place ou sols fins compactés). Il est donc important d’identifier les paramètres hydrodynamiques de ces matériaux pour dimensionner et prévoir le fonctionnement des ouvrages.

Upload: vankhuong

Post on 12-Sep-2018

218 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 1

IDENTIFICATION DES PARAMÈTRES HYDRODYNAMIQUES D’UN SOL NON SATURÉ À PARTIR D’ESSAIS IN SITU

ABDALLAH Adel, MASROURI Farimah.

Laboratoire Environnement Géomécanique et Ouvrages, ENSG, rue du Doyen Marcel Roubault, BP 40, 54501 Vandœuvre-lès-Nancy, www.laego.org, [email protected], [email protected].

RESUME : Les techniques communément utilisées pour l’interprétation des essais de perméabilité in situ sont en général limitées à la détermination de la conductivité hydraulique saturée, en supposant que la saturation du sol testé est atteinte. La phase d’écoulement non saturé est souvent négligée et les mesures transitoires sont effectuées uniquement pour vérifier l’établissement d’un régime permanent. Dans cette étude, nous présentons un modèle simulant les essais de perméabilité utilisant l’infiltromètre à simple anneau. Les résultats des simulations démontrent les difficultés de la détermination des paramètres non saturés ce qui implique des incertitudes importantes sur la perméabilité. La faisabilité de l’estimation des paramètres hydrodynamiques du sol à partir des mesures d’infiltration est discutée. Nous montrons qu’il est possible d’identifier les paramètres hydrodynamiques non saturés du sol en introduisant des mesures supplémentaires de succion. MOTS-CLEFS : infiltration – simple anneau – sols non saturés – perméabilité – problème inverse. ABSTRACT : Techniques commonly used for field permeability tests interpretation are limited to the determination of saturated hydraulic conductivity, as field saturation is generally assumed. The unsaturated flow phase is frequently neglected and transient flux measurements are performed only to verify permanent flow occurrence. In this study, a model simulating in situ single ring permeability tests is presented. Numerical results demonstrate the difficulty of the determination of the soil unsaturated hydraulic parameters leading to poor estimations of the saturated hydraulic conductivity. The feasibility of inverse identification of the soil hydraulic parameters using infiltration data is discussed. We show that it is possible to completely identify unsaturated hydraulic parameters of the soil by introducing additional suction measurements. KEY-WORDS : infiltration – single ring – unsaturated soils – permeability – inverse problem.

1. Introduction

Les applications de l’écoulement dans les sols non saturés sont nombreuses aussi bien dans le domaine de la Géotechnique et de la Géotechnique de l’Environnement que dans celui de l’Aménagement Urbain. En effet, la gestion et le stockage du volume croissant de déchets industriels et urbains requièrent l’implantation de sites de stockage et la prévention des risques de pollution du sol récepteur et de la nappe phréatique. Par ailleurs, les dysfonctionnements de plus en plus fréquents des systèmes d’évacuation des eaux pluviales suite à l’imperméabilisation des surfaces urbaines incitent les collectivités locales à se tourner vers des techniques qualifiées d’"alternatives" par l’implantation de différents types d’ouvrages d’infiltration. L’étude de tous ces types de problèmes fait intervenir l’infiltration à travers un milieu non saturé (sols naturels en place ou sols fins compactés). Il est donc important d’identifier les paramètres hydrodynamiques de ces matériaux pour dimensionner et prévoir le fonctionnement des ouvrages.

Thierry Verdel

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 2

Les paramètres hydrodynamiques des sols non saturés peuvent être obtenus à partir d’essais d’infiltration réalisés au laboratoire sur des échantillons de sol de taille réduite. Il est évident cependant, que les essais in situ qui testent un sol peu remanié, seraient plus intéressants à utiliser dans ce sens. En effet, ils permettent de prendre en compte les effets éventuels du piégeage de l’air dans les pores ainsi que les écoulements préférentiels dans les fissures et les macropores. En pratique, l’exploitation de ces essais reste limitée à la détermination de la conductivité hydraulique à la saturation du sol (perméabilité). Ceci est dû au fait que les méthodes d’interprétation des ces essais ont tendance à simplifier le problème en se limitant au domaine saturé ou au meilleur des cas, en faisant une description très simplifiée de l’écoulement non saturé. Ainsi, les mesures effectuées durant la phase transitoire de l’infiltration ne servent dans la plupart des cas, qu’à s’assurer qu’un régime permanent est établi.

Si l’applicabilité de la loi de Richards (1931) pour décrire de transfert de l’humidité dans les sols non saturés est actuellement largement acceptée, la résolution numérique de cette équation requiert une estimation précise des paramètres hydrodynamiques des sols. D’une part, la courbe de rétention de l’humidité qui relie la teneur en eau du sol à son potentiel hydrique ; et d’autre part, la courbe de conductivité hydraulique qui décrit l’évolution de ce paramètre avec l’humidité du milieu.

Nous présentons dans cet article, un modèle numérique qui simule les essais d’infiltration in situ réalisés à l’aide d’un perméamètre à simple anneau. Il se base sur un schéma de discrétization en Différences Finies. Des simulations numériques de deux essais d’infiltration seront décrites et étudiées. Une étude de la faisabilité de l’estimation des propriétés hydrodynamiques d’un sol non saturé à partir des données d’infiltration obtenues par ce type d’essai sera enfin discutée.

2. Théorie et présentation du modèle numérique

Le transfert isotherme de l’humidité dans un milieux poreux supposé indéformable est régi par la loi de Richards qui s’écrit dans le cas d’une infiltration unidimensionnelle de haut en bas :

( ) ( )

Ψ∂Ψ

∂=

Ψ∂Ψ=

Ψ∂

Ψ∂

∂θ=

∂θ 1

z. k

z

t C

t

t (1)

où: Ψ, est le potentiel hydrique du sol ; θ, sa teneur en eau volumique ; z, la coordonnée verticale comptée positive vers le bas (profondeur) ; t, le temps ; k(Ψ), la conductivité hydraulique et C(Ψ), est la capacité de rétention de l’humidité du sol qui n’est autre que la pente de la courbe de rétention de l’humidité.

Pour la résolution de cette équation, il est indispensable de définir un modèle décrivant les variations de la teneur en eau : θ(Ψ), et la conductivité hydraulique, k(Ψ) en fonction du potentiel hydrique. Différents auteurs ont proposé des modèles théoriques (Gardner 1958, Brooks & Corey 1964, Mualem 1976, Green & Corey 1970, van Genuchten 1980, Fredlund & Xing 1994, etc.). La formulation combinée de Mualem (1976) et van Genuchten (1980) représente le modèle le plus largement utilisé actuellement :

( ) ( )( )[ ]m n

rsr

1

Ψα+

θ−θ+θ=Ψθ (2)

( ) ( ) ( )[ ][ ]( )[ ] 2/m

n

2 m n 1n

s 1

1 1 k kΨα+

Ψα+Ψα−=Ψ−−

(3)

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 3

où : θs est la teneur en eau volumique à la saturation ; θr est la teneur en eau volumique résiduelle.; ks est la conductivité hydraulique à la saturation ; α, m et n, sont les paramètres de forme du modèle qui peuvent être reliés à la distribution dimensionnelle des pores dans le sol. Différentes restrictions ont été proposées sur les paramètres m et n (m = 1-1/n ; m = 1.-.1/n et n→∞) pour simplifier le calage du modèle lorsque les données expérimentales disponibles ne sont pas suffisantes. Van Genuchten et al. (1991) ont testé ces différentes conditions sur des données de conductivité hydraulique et de rétention de l’humidité de plusieurs types de sols. Ils recommandent d’utiliser la première restriction (m = 1-1/n) pour la plupart des sols surtout si les données expérimentales ne permettent pas d’obtenir une bonne représentation de la courbe de rétention. Nous avons utilisé un code de calcul unidimensionnel InfEP (Abdallah, 1999), qui a été adapté pour prendre en compte des conditions aux limites variables dans le temps. La validité de l’algorithme utilisé dans ce code a été démontrée sur plusieurs problèmes de test (Abdallah 1999 ; Abdallah et al. 2000). L’équation de l’écoulement non saturé soumise aux conditions initiales et aux conditions aux limites appropriées sera résolue en utilisant la méthode des Différences Finies avec un schéma implicite pour la discrétisation du temps. Un profil uniforme de teneur en eau volumique sera adopté comme condition initiale du problème étant donné que nous disposons uniquement d’une teneur en eau moyenne (équation 4).

0 t)(z, 0 z 0 t θ=θ≥= (4)

Un potentiel hydrique constant par paliers sera imposé comme condition à la limite supérieure du domaine pour représenter la charge hydraulique appliquée au cours de l’essai :

)t(H t)(z, 0 z 0 t =Ψ=≥ (5)

En ce qui concerne la condition à la limite inférieure du domaine d’étude, nous admettons un domaine d’écoulement semi-infini de façon à pouvoir considérer que le potentiel hydrique en bas du domaine ne sera pas affecté par l’infiltration et restera constant :

0 t)(z, L z 0 t Ψ=Ψ=≥ (7)

3. Essais de perméabilité à l’infiltromètre à simple anneau

Les essais d’infiltration considérés dans cette étude ont été réalisés sur le site de Claye-Souilly dans le cadre d’un programme d’inter-comparaison de différentes techniques de mesure de la perméabilité in situ (Cazaux 1998). Un pressio-infiltrometer® à simple anneau (figure 1) a été utilisé pour déterminer la perméabilité en surface du limon compacté de Claye-Souilly.

Sol testé

Géo-drainBouteille deMariotte

Anneau (Φ 150-500 mm)

Chargehydraulique

Sol testé

Géo-drainBouteille deMariotte

Anneau (Φ 150-500 mm)

Chargehydraulique

Figure 1. Appareillage de l’essai de perméabilité à l’infiltromètre à simple anneau

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 4

L’anneau est introduit à la surface du sol et un système basé sur le principe de la bouteille de Mariotte permet d’appliquer au sol à travers un géo-drain, une charge hydraulique maintenue constante. Pour une valeur donnée de la charge hydraulique, le volume d’eau infiltré est enregistré jusqu’à l’établissement d’un régime permanent. En répétant l’opération et en faisant appliquer d’autres valeurs de charges hydrauliques, il est possible de déterminer la conductivité hydraulique saturée du sol (Cheriaf 1993, Cazaux 1998). Pour chaque essai, des échantillons de sol sont prélevés pour mesurer les teneurs en eau initiale et finale. Par ailleurs, Bentoumi (1995) fournit une courbe expérimentale de rétention de l’humidité du limon de Claye-Souilly qui a été ajustée par le modèle de van Genuchten (Figure 2). Les valeurs des paramètres ajustés sont reportées dans le tableau 1 et les conditions des deux essais d’infiltration in situ qui seront considérés sont résumés dans le tableau 2.

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

0 1 10 100 1000 10000

Succion (kPa)

Satu

ratio

n ef

fect

ive

( θθ θθ/ θθ θθ

s)

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

0 1 10 100 1000 10000

Succion (kPa)

Satu

ratio

n ef

fect

ive

( θθ θθ/ θθ θθ

s)

Figure 2. Courbe de rétention de l’humidité du limon de Claye-Souilly (d’après Bentoumi 1995)

Tableau 1. Paramètres de van Genuchten du limon de Claye-Souilly (d’après Bentoumi 1995)

Teneur en eau volumique saturée θs (%) 36,3 Teneur en eau volumique résiduelle θr (%) 2 Paramètre de van Genuchten α (cm-1) 4,25 10-3 Paramètre de van Genuchten m 0,234

Tableau 2. Conditions des deux essais considérés (Cazaux 1998)

Essai n° 1 2 Diamètre de l’anneau φ (mm) 500 150 Teneur en eau volumique initiale θi (%) 32,9 33,8

Charges hydrauliques appliquées (cm) 47 20

135 85 45 25

Pour l’interprétation des essais, la méthode du gradient hydraulique a été utilisée (Cazaux 1998). Le principe en est d’appliquer la loi de Darcy en supposant que les profils d’humidité décrivent une

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 5

infiltration parfaite telle qu’elle a été décrite par le modèle de Green & Ampt (1911). La conductivité hydraulique saturée peut alors être déduite par la relation :

I ) .(HI.V kis

s +θ−θ= (7)

avec : ks, la conductivité hydraulique saturée ; H, la charge hydraulique imposée ; V, la vitesse d’infiltration ; I, l’infiltration cumulée ; θi, la teneur en eau initiale et θs, la teneur en eau saturée.

Les valeurs de la conductivité hydraulique obtenues avec les deux essais considérés sont données dans le tableau 3. Nous notons que l’essai n°2 aboutit à une perméabilité plus élevée associée à une variabilité plus importante entre les différents paliers de charge hydraulique.

Tableau 3. Conductivités hydrauliques saturée déterminées à partir des deux essais considérés

Essai n° Temps (heures) H (cm) ks (m/s) 1 0 – 29

29 – 60 47 20

9 10-10

3 10-10 2 0 – 22

22 – 44 44 – 56 56 – 80

135 85 45 25

9 10-9

7 10-9 4 10-9 2 10-9

4. Simulations numériques

Afin de définir le domaine d’étude, nous avons réalisé des calculs préliminaires pour déterminer la profondeur appropriée du modèle (L), de façon à satisfaire la condition de potentiel hydrique constant imposée à la limite inférieure. Les résultats ont montré qu’une profondeur de 0,5 m est suffisante. Par ailleurs, des simulations numériques ont été réalisées pour déterminer la finesse appropriée de la discrétization en Différences Finies. Elles ont montré qu’une solution satisfaisante en terme de précision peut être obtenue avec 100 mailles. En ce qui concerne le choix du pas de temps, le programme InfEP gère dynamiquement ce paramètre de manière à assurer la convergence, nous avons simplement utilisé différentes valeurs du pas de temps initial et vérifié que la solution obtenue est identique.

Pour comparer les résultats de l’expérience et de la simulation numérique, l’infiltration cumulée a été calculée en intégrant les profils de teneur en eau volumique :

( )ds.)t,z( )t(I 0∫ θ−θ−= (8)

avec : I(t), l’infiltration cumulée à l’instant t ; θ(z,t) la teneur en eau volumique à l’instant t et la profondeur z et θ0, la teneur en eau initiale. Les résultats des simulations numériques réalisées en adoptant les valeurs de conductivité hydraulique saturée et les teneurs en eau initiales mesurées pour les deux essais sont représentés sur les figures 3 et 4. Ils montrent que le volume d’eau infiltré semble être globalement sur-estimé pour l’essai n°1 et plutôt sous-estimé pour l’essai n° 2.

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 6

0.0

0.1

0.2

0.3

0 10 20 30 40 50 60Temps (heures)

Infil

trat

ion

cum

ulée

(cm

)Essai in situModèle (ks = 3.0E-10 m/s)Modèle (ks = 4.5E-10 m/s)Modèle (ks = 6.0E-10 m/s)

Figure 3. Infiltration cumulée mesurée et simulée avec différentes valeurs de conductivité

hydraulique saturée pour l’essai n° 1

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

0 20 40 60 80Temps (heures)

Infil

trat

ion

cum

ulée

(cm

)

Essai in situModèle (ks = 5.5E-09 m/s)Modèle (ks = 2.0E-09 m/s)Modèle (ks = 9.0E-09 m/s)

Figure 4. Infiltration cumulée mesurée et simulée avec différentes valeurs de conductivité

hydraulique saturée pour l’essai n° 2

Pour vérifier la capacité du modèle à simuler correctement les données expérimentales obtenues in situ, nous avons effectué des calculs supplémentaires en faisant varier les teneurs en eau initiales (figures 5 et 6). Les résultats montrent que nous obtenons un accord raisonnable entre la simulation et l’expérience en adoptant des teneurs en eau de 35,2 % pour l’essai n° 1 et de 30 % pour l’essai n°.2.

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 7

0.00

0.05

0.10

0.15

0.20

0 20 40 60Temps (heures)

Infil

trat

ion

cum

ulée

(cm

)Essai in situModèle Modèle

(θθθθi = 32.9 %) (θθθθi = 35.2 %)

Figure 5. Infiltration cumulée mesurée et simulée avec différentes teneurs en eau initiales pour l’essai n°.1

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

0 20 40 60 80Temps (heures)

Infil

trat

ion

cum

ulée

(cm

)

Essai in situ

Modèle

Modèle

(θθθθi = 33.8 %)

(θθθθi = 30.0 %)

Figure 6. Infiltration cumulée mesurée et simulée avec différentes teneurs en eau initiales pour l’essai n°.2

Toutefois, les différences notables qui persistent entre les simulations et les essais suggèrent que l’hypothèse du profil uniforme de teneur en eau utilisée comme condition initiale, ne semble pas être justifiée particulièrement pour l’essai n° 2. En effet pour cet essai, les mesures au début de l’essai sont assez bien reproduites par la simulation réalisée avec une teneur en eau initiale de 30,0.% alors qu’au-delà de 20 heures, le calcul avec une teneur en eau initiale de 33,8.% donne de meilleurs résultats. Nous pensons donc qu’un profil de sol en deux couches avec une fine couche supérieure moins perméable serait plus adapté pour cet essai.

5. Faisabilité de l’estimation des paramètres non saturés par l’approche inverse

La multiplicité et l’interdépendance entre l’état initial et les paramètres du modèle rend impossible un calibrage fin utilisant les données d’infiltration cumulée obtenues lors des essais. Une estimation

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 8

correcte des paramètres ne saurait se faire sans l’utilisation d’une approche inverse. Le principe de la méthode est d’ajuster les paramètres inconnus en minimisant la différence entre les mesures et les simulations d’une ou plusieurs variable(s) transitoire (infiltration cumulée, mesures locales de succion ou de teneurs en eau, etc.). L’intérêt de la méthode doit être modéré par la nécessité que le problème inverse soit suffisamment bien posé pour espérer obtenir une solution fiable (Yeh 1986). Ceci implique notamment l’obligation de vérifier que la solution est (i) unique ce qui revient à dire que le minimum obtenu n’est pas simplement un minimum local, et (ii) stable ce qui traduit le fait que de légères perturbations sur les mesures ne doivent pas induire des variations disproportionnées sur les paramètres obtenus.

Nous présentons dans ce qui suit une étude théorique de la faisabilité de l’estimation des paramètres du modèle de van Genuchten à partir d’un essai d’infiltration in situ. Étant donné que la détermination au laboratoire des teneurs en eau résiduelle et à la saturation (θr et θs) d’un sol ne pose pas de problème particulier, nous avons limité les paramètres à identifier à la conductivité hydraulique saturée (ks) ainsi qu’aux paramètres de forme du modèle de van Genuchten (α et m, si l’on admet la restriction m=1-1/n).

5.1. Estimation à partir des mesures d’infiltration cumulée

Afin de vérifier l’identifiabilité, l’unicité et la stabilité des paramètres estimés par la procédure inverse, nous avons réalisé une étude de faisabilité sur un cas théorique de test simulant un essai d’infiltration dont les conditions sont données dans le tableau 4. La simulation numérique de ce cas théorique a permis de générer des données (infiltration cumulée en fonction du temps) qui vont servir d’"observations" pour la procédure d’inversion. Ensuite, nous avons considéré les paramètres du modèle deux à deux, et fait varier ces paramètres dans un intervalle de ± 50 % autour de leur valeur que l’on considérera comme "réelle". Pour chaque couple de paramètres, 400 calculs ont été réalisés et pour chaque calcul, la fonction "objectif" mesurant la différence entre la simulation en cours et les "observations" (équation 9) a été évaluée.

( )2N

1i

i*i2 O

OO∑=

σ−=χ (9)

où : Oi*, sont les observations correspondant à la simulation avec les paramètres "réels" ; Oi, sont les

observations obtenues par la simulation en cours ; σ(O), représente l’écart-type observé sur les différences (Oi-Oi

*) et N, représente le nombre des observation considérées.

Tableau 4. Conditions de la simulation pour le cas théorique de test

Teneur en eau volumique saturée θs (%) 40 Teneur en eau volumique résiduelle θr (%) 0 Paramètre de van Genuchten α (cm-1) 5 10-3 Paramètre de van Genuchten m 0,25 Conductivité hydraulique saturée ks (m/s) 5 10-8 Teneur en eau volumique initiale θi (%) 20 Charge hydraulique appliquée (cm) 50 Durée de la simulation (heures) 20

Les courbes d’isovaleurs de la fonction "objectif" ont été ensuite tracées en utilisant la technique du krigeage pour interpoler les valeurs intermédiaires manquantes. La figure 7 montre les graphiques ainsi obtenus qui représentent les surfaces de réponse du modèle par rapport à ses paramètres considérés par couple.

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 9

La première remarque intéressante qui ressort de l’examen de ces surfaces de réponse concerne la sensibilité des paramètres du modèle. Nous noterons notamment que la conductivité hydraulique saturée semble être le paramètre le plus sensible, puisque une légère perturbation de ce paramètre peut produire une variation importante de la fonction objectif. La détermination de la perméabilité par l’approche inverse devrait donc se faire avec moins de précision que pour les autres paramètres.

0.50 0.75 1.00 1.25 1.50

ks

0.50

0.75

1.00

1.25

1.50

α

0.50 0.75 1.00 1.25 1.50

ks

0.50

0.75

1.00

1.25

1.50

m

0.50 0.75 1.00 1.25 1.50

m

0.50

0.75

1.00

1.25

1.50

α

0.01

0.10

0.30

0.50

0.70

0.90

Figure 7. Surfaces de réponse de la fonction "objectif" basée sur l’infiltration cumulée par rapport

aux paramètres de van Genuchten considérés deux à deux

Notons par ailleurs, que ces diagrammes présentent des larges vallées qui correspondent aux valeurs les plus faibles de la fonction "objectif". Cela démontre que l’utilisation de l’infiltration cumulée uniquement pour l’estimation des trois paramètres du modèle ne produira pas une solution unique et stable. Il paraît donc intéressant de tester l’introduction de données supplémentaires qui pourraient être mesurées au cours des essais de perméabilité à l’infiltromètre à simple anneau.

5.2. Introduction de mesures locales de succion

Dans cette partie, nous présentons une deuxième étude de faisabilité de l’estimation des paramètres hydrodynamiques non saturés dans le cas ou l’on dispose de mesures locales de succion au cours de l’essai d’infiltration. Pour ce faire, nous avons utilisé le même cas théorique présenté dans la section précédente, pour générer des mesures locales de succion à deux profondeurs différentes (10 et 20.cm de la surface du sol testé). Nous avons ensuite reformulé la fonction "objectif" pour intégrer ce nouveau type d’"observations" :

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 10

( ) ( )

σ−+

σ−=χ ∑∑

==

2N

1i

i*i2N

1i

i*i2

sI

sss I

II 21 (10)

avec : Ii* et si

*, les observations en terme d’infiltration cumulée et de succion (respectivement) correspondant à la simulation avec les paramètres "réels" ; Ii et si, ces mêmes observations obtenues par la simulation en cours ; s(I) et s(s), représentent les écarts-type observés sur les écarts (Ii-Ii*) et (si-si

*) et N, représente le nombre des observations considérées. L’introduction des écarts-type relatifs à l’infiltration cumulée et à la succion, permet de pondérer les différences entre les données et les simulations, par rapport aux ordres de grandeurs respectifs de ces deux variables. Pour cette étude théorique, nous avons choisi de faire en sorte que les contributions des deux types d’observations à la fonction "objectif" soit égales. Cette dernière n’a donc pas été pondérée. Il est bien entendu possible de donner plus ou moins d’importance à la succion ou à l’infiltration cumulée, si l’on peut estimer correctement les erreurs expérimentales relatives à ces deux types de mesures.

0.01

0.10

0.30

0.50

0.70

0.90

0.50 0.75 1.00 1.25 1.50

ks

0.50

0.75

1.00

1.25

1.50

α

0.50 0.75 1.00 1.25 1.50

ks

0.50

0.75

1.00

1.25

1.50

m

0.50 0.75 1.00 1.25 1.50

m

0.50

0.75

1.00

1.25

1.50

α

Figure 8. Surfaces de réponse de la fonction "objectif" basée sur l’infiltration cumulée et les mesures locales de succion

par rapport aux paramètres de van Genuchten considérés deux à deux

La figure 8 montre les surfaces de réponse obtenues avec cette nouvelle formulation de la fonction "objectif". Les iso-valeurs forment à l’approche des valeurs "réelles" des paramètres, des courbes quasi circulaires et concentriques. Nous pouvons clairement identifier les minima dans les trois plans de paramètres considérés. Il apparaît donc que l’introduction des mesures locales de succion qui seraient réalisées au cours d’un essai d’infiltration devrait permettre d’estimer correctement à la fois la conductivité hydraulique saturée et les paramètres de forme du modèle van Genuchten qui décrivent la courbe de rétention de l’humidité et la courbe de conductivité hydraulique du sol.

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 11

6. Conclusion

Le premier objectif de cette étude a été d’étudier la capacité d’un modèle numérique à décrire correctement la phase transitoire au cours d’un essai d’infiltration in situ. La comparaison de l’évolution de l’infiltration cumulée mesurée et simulée par le modèle numérique a montré que ce dernier est en mesure de reproduire correctement le comportement hydrodynamique du sol sur le terrain. Nous avons cependant soulevé la difficulté du calage du modèle en prenant en compte les différents paramètres déterminants (état initial, perméabilité et structure du sol).

La deuxième partie de ce travail a concerné la faisabilité de l’utilisation des données d’un essai d’infiltration in situ afin d’estimer les paramètres hydrodynamiques non saturés du sol. Cette étude a été limitée aux paramètres inconnus de van Genuchten pour simplifier l’analyse, mais elle pourrait être étendue à la teneur en eau initiale dont l’importance a été démontrée par les simulations numériques de la première partie. L’analyse de la faisabilité a montré que les seules mesures de l’infiltration cumulée ne sont pas suffisantes pour permettre l’identification des paramètres non saturés du sol par approche inverse. Cette approche peut toutefois être utilisée pour améliorer l’estimation de la conductivité hydraulique saturée notamment dans les situations complexes (hétérogénéités, manque de données, etc.). Pour étudier l’intérêt de l’introduction de mesures supplémentaires, nous avons effectué une nouvelle étude de faisabilité en intégrant cette fois des mesures locales de succion à deux profondeurs différentes, en plus des mesures d’infiltration cumulée. Les résultats montrent que l’estimation des paramètres de van Genuchten en plus de la conductivité hydraulique saturée serait dans ce cas possible et fiable.

Il nous semble donc intéressant d’orienter les efforts sur la mise en place et la validation de techniques de mesures de succion in situ permettant d’effectuer des mesures locales sans perturbation majeure de l’infiltration.

L’étude présentée dans cet article montre tout l’intérêt du couplage de la modélisation et de l’expérimentation pour la caractérisation des sols, milieux récepteurs et matériaux de construction de prédilection pour la plupart des ouvrages liés aux activités urbaines.

7. Bibliographie

Abdallah, A.. Modélisation de l’Infiltration dans les Sols Fins Compactés : Intégration des Ecoulements Préférentiels dans les Macropores. Thèse de Doctorat, INPL, Nancy, France, 1999.

Abdallah, A., Tabani, Ph. and Masrouri, F.. Estimation of Unsaturated Hydraulic Parameters from Laboratory Infiltration Tests. Proc. 1st joint IAH-CNC and CGS groundwater specialty conference, 15-18 October, Montreal, Canada, 2000.

Bentoumi, O.. Transfert par Infiltration de l’Eau dans les Sols Fins Compactés Non Saturés : Étude de la Diffusivité et de la Conductivité Hydraulique. Thèse de Doctorat, INSA, Lyon, France, 1995 3

Brooks, R.H. and Corey, A.T.. Hydraulic Properties of Porous Media. Hydrology Paper n° 3, Colorado State University, Fort-Collins, U.S.A., 1964.

Cazaux, D.. Mesure et Contrôle de la Perméabilité des Matériaux Utilisés dans les Dispositifs d’Etanchéité pour la Protection de l’Environnement : Etat de l’Art et Développements. Thèse de Doctorat, INSA, Lyon, France, 1998.

Cheriaf, M.. Amélioration de la Mesure de la Perméabilité Verticale In Situ. Thèse de Doctorat, INSA, Lyon, France, 1993.

JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 12

Fredlund, D.G. et Xing, A.. Equations for the Soil-Water Characteristic Curve. Can. Geotechn. Journal, (31), 521-532, 1994.

Gardner, W.R.. Some steady State Solutions of the Unsaturated Moisture Flow Equation with Application to Evaporation from a Water Table. Soil Science, (85), 228-232, 1958.

Green, W.H. and Ampt, G.A.. Studies on Soil Physics: I. The Flow of Air and Water through Soils. J. Agric. Sci., (4), 1-24, 1911.

Green, R.E. and Corey, J.C.. Calculation of Hydraulic Conductivity : a Further Evaluation of some Predective Methods. Soil Sci. Soc. Am. Proc., (35), 3-8, 1971.

Mualem, Y.. A New Model for Predicting the Hydraulic Conductivity of Unsaturated Porous Media. Water Resources Research, (12), 513-522, 1976.

Richards, L.A.. Capillary Conduction of Liquids through Porous Media. Physics 1, pp. 318-333, 1931.

Van Genuchten M.Th.. A Closed-Form Equation Predicting the Hydraulic Conductivity of Unsaturated Soils, Soil Sci. Soc. Am. J., (44), 892-898, 1980.

Van Genuchten, M.Th., Leij, F.J. and Yates, S.R.. The RETC Code for Quantifying the Hydraulic Functions of Unsaturated Soils, US-EPA Report, EPA/600/2-91/065, Washington DC, 1991.

Yeh W.W.-G.. Review of Parameter Identification Procedures in Ground-Water Hydrology: the Inverse Problem. Water Resources Research, 22 (2), 95-108, 1986.