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Ann Chadeau Inflation et financement des entreprises In: Economie et statistique, N°25, Juillet-Août 1971. pp. 23-32. Citer ce document / Cite this document : Chadeau Ann. Inflation et financement des entreprises. In: Economie et statistique, N°25, Juillet-Août 1971. pp. 23-32. doi : 10.3406/estat.1971.2101 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1971_num_25_1_2101

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Ann Chadeau

Inflation et financement des entreprisesIn: Economie et statistique, N°25, Juillet-Août 1971. pp. 23-32.

Citer ce document / Cite this document :

Chadeau Ann. Inflation et financement des entreprises. In: Economie et statistique, N°25, Juillet-Août 1971. pp. 23-32.

doi : 10.3406/estat.1971.2101

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1971_num_25_1_2101

RésuméLes comptes de gestion des entreprises, fournis par la centrale des bilans du Crédit National, ont étéreconstruits pour la période 1962-1968 en éliminant les effets du glissement du niveau général des prix.Chaque poste a fait l'objet d'un traitement particulier.L'érosion monétaire réduit la marge réelle de rentabilité, car une part des résultats ne représente quel'augmentation nominale de l'évaluation des stocks, qui provoque une avance dans le temps dubénéfice imposable. Au contraire, les fonds propres, qui financent en partie l'actif circulant, s'adaptantavec retard à la hausse des prix. Le besoin d'endettement à terme est plus que proportionnel auxinvestissements.Les répercussions de l'érosion monétaire sur le financement des entreprises sont ainsi en partie fictives,en partie réelles : fictives parce qu'elles jouent sur des postes comptables dont l'évaluation est engrande partie conventionnelle, mais réelles parce que ces valeurs servent de base aux relations entreles entreprises et les tiers, notamment l'Administration fiscale et les banques. .

AbstractInflation and the financing of firms by André-Louis ChadeauThe trading accounts of enterprises, supplied by the balance-sheets centre of the Crédit National havebeen reconstructed for the period 1962-1968, eliminating the effects of the drift of the general pricelevel.3 Each item has been treated individually.Monetary erosion reduces the true margin of profitability, since part of the trading results merelyrepresents the nominal increase in stock valuation, bringing the taxable profit forward in time. On theother hand, the firms, own funds,- which partly finance the trading assets, lag behind the price rise andthe need for forward indebtedness is more than proportionate to investments. The repercussions ofmonetary erosion on the financing of firms are partly notional and partly real; notional because theyaffect items in the accounts which are valued largely. on a conventional basis, but real in so far as thesevalues form the basis for relations between the firm and third parties, especially the tax authorities andthe banks.

ResumenInflación y financiamento de las empresas por André-Louis ChadeauLas cuentas de gestion de las empresas, proporcionadas por la central de balances del CréditoNacional han sido reconstituídas para el periodo de 1962 a 1968 mediante la eliminación de los efectosproducidos por el desliz del nivel general de los precios. Cada uno de los renglones ha sido objeto deun procedimiento particular. La erosion monetaria minora el margen real de rentabilidad, ya que unaparte de los resultados no représenta más que el incremento nominal de las existencias, lo cual acarreaun adelantamiento de tiempo en materia de beneficio imponible. Antes bien, los fondos propios quefinancian en parte el activo en circulación, se adaptan con demora a la subida de los precios. Lanecesidad de endeudamiento a plazo es más que proporcional en las inversiones. Las repercusionesde la erosion monetaria sobre el financiamiento de las empresas son por lo tanto, en parte flctivas y enparte efectivas : fictivas ya que actúan sobre renglones contables cuya evaluación es en gran parteconvencional, pero efectivas dado que estos valores son la base de conexiones entre las empresas yterceras personas y en particular la Administración fiscal y los bancos.

Inflation et financement des entreprises

par André-Louis CHADEAU

Depuis plus d'un demi-siècle, à des rythmes variables selon la conjoncture historique, la valeur de notre monnaie est rongée par l'inflation. Chacun sait que ce phénomène a eu des répercussions variées sur la situation des divers agents économiques. Débiteurs favorisés, rentiers spoliés, producteurs souvent indifférents.., la littérature et la presse ont abondamment fait écho aux réactions de chacun. Pourtant, rares sont encore les études quantitatives* réalisées dans ce domaine. Plus rares encore sont celles qui, dépassant la simple description théorique, ont essayé de déterminer concrètement comment les entreprises ont été affectées par l'érosion monétaire. La possibilité d'utiliser les séries chiffrées rassemblées par la Centrale des. bilans du Crédit national, pour ce qui concerne la gestion d'un assez grand nombre de firmes industrielles au cours de> la période "1963-1 968, permet d'illustrer un problème abordé jusqu'alors sur un plan théorique. C'est au Crédit national que revient le mérite de cette étude. C'est à lui que revient la responsabilité des conclusions qui en sont tirées. L'auteur de cette étude, M. André-Louis Chadeau, est le chef du Service. des Études du. Crédit national. L'I.N.S.E.E. remercie la direction du<Crédit national, d'avoir accepté que ses travaux soient ainsi soumis à la réflexion des lecteurs d'Économie et statistique *.

Cette étude présente quelques éléments de réflexion concernant les effets de la dépréciation de la monnaie sur le financement des entreprises. Dans un domaine où les études peuvent exercer sur la prise des décisions une influence déterminante, il a semblé qu'il était souhaitable de tenter d'aller au-delà du raisonnement pur. Au moment où les Pouvoirs publics s'interrogent concrètement sur les voies et moyens d'un développement industriel accéléré, il est permis de penser que la production de quelques chiffres permettant d'apprécier des proportions et de mesurer des ordres de grandeur est tout aussi néccssiire que la construction de théories complexes n'ayant pas subi la vérification des faits. Plus dangereux aussi, car le lecteur accorde trop souvent un crédit exagéré aux données numériques. C'est pourquoi il convient d'insister sur le caractère expérimental et la signification limitée de l'exercice dont les résultats vont être présentés. L'étroi- tessede l'échantillon analysé, la brièveté de la période et le caractère simplificateur des hypothèses interdisent d'en tirer des conclusions de portée générale. Néanmoins, comme la règle du jeu est totalement explicitée et que le lecteur demeure averti des dangers d'une extrapolation hâtive* on pourra sans doute y trouver une information partielle mais intéressante.

Chercher quelles ont été les répercussions de l'érosion monétaire sur la situation des entreprises conduit d'abord à poser une définition du phénomène. Créance universelle (et à vue) sur l'ensemble des biens et des services dont dispose l'économie à un instant donné, l'unité de monnaie voit sa « valeur » mesurée par son « pouvoir d'achat ».

Ce « pouvoir d'achat » évolue en proportion inverse du mouvement des prix des biens et services dont il est la contrepartie. En raison du caractère universel de la créance monétaire, c'est l'ensemble des mouvements de prix (leur « niveau général ») qui affecte la valeur de l'unité de monnaie.

Si l'inflation n'avait pas eu lieu

Cette précision est importante. En effet, en raison notamment des inégalités qui caractérisent le développement de la productivité, les prix de chaque bien et de chaque service évoluent spontanément de façon divergente. Il est bien connu, par exemple, que les tarifs des services tendent en général à la hausse alors que les prix des produits industriels sont orientés vers la baisse. Lorsque ces mouvements en sens opposés n'aboutissent pas à une modification du « niveau général des prix », on peut considérer que la valeur de la monnaie reste constante, bien que la contrepartie de son « pouvoir d'achat » corresponde à des proportions différentes de biens et de services susceptibles d'être acquis. En revanche, lorsque le « niveau général des prix » augmente, il paraît raisonnable de penser que la valeur de l'unité monétaire s'en trouve proportionnellement réduite. Aussi, avons-nous choisi de définir le phénomène de l'érosion de la

* Les intertitres sont de la rédaction d'Économie et statistique. 23

monnaie comme la traduction de cette hausse dont la mesure peut être prise grâce à* un i indice approprié.1

Identifier les conséquences de cette dépréciation sur la situation des entreprises pose également des problèmes théoriques. En effet, cela conduit à imaginer ce qu'aurait été î leur situation dans l'hypothèse où la monnaie aurait conservé une valeur stable, puis à la comparer avec la réalité. Dans son principe une telle entreprise n'est pas absurde, mais elle est extrêmement ambitieuse. En effet, l'inflation entraîne des modifications qui concernent la situation. et le - comportement de tous les agents de l'économie. Non seulement les entreprises, mais, encore les administrations, les'salarîés, les "prêteurs et les emprunteurs de capitaux,- les partenaires étrangers, etc.;; réagissent chacun de manière originale. Deitelle sorte que.pan l'intermédiaire, duréseau > enchevêtré; des -transactions entre, les, agents; rcf est àJ'en- semble de l'économie, que l'inflation donne .un nouveau visage. Avant d'envisager quelles répercussions concernent telleou telle'catégorie," il conviendrait de reconstruire les- données d'un^nouvel équilibre; économiques et , 'financier. r II paraît bien évident notamment que, dans l'hypothèse où l'inflation ne se serait pas produite, le niveau de la production intérieure et la structure.de ses emplois auraient pu être différents de ce qu'ils ont réellement été.

Pour mener à bien une telle recherche, il serait nécessaire de disposer d'un modèle global bien représentatif de J'éco- nomie française, suffisamment détaillé pour isoler la situation de chaque agent et dont les paramètres aient fait l'objet d'estimations fiables. On peut espérer que les perfectionnements successifs apportés au modèle physico-financier de PI.N.S.E.E. permettront prochainement d'atteindre ce but.

Cette étude ne poursuit pas un dessein aussi ambitieux. Elle se propose seulement de rechercher, à partir de données chiffrées, particulièrement sûres, quelles ont été les répercussions de l'inflation sur la situation financière d'un certain nombre d'entreprises en supposant que les niveaux réels de production, de productivité et d'investissements n'en ont pas été modifiés. Cette hypothèse restrictive interdit de considérer les résultats comme parfaitement: significatifs.! Néanmoins, on peut penser que certaines observations et l'analyse des mécanismes gardent malgré tout leur intérêt, pouvant éventuellement être intégréesà'une étude plus générale.-

1 Corriger les comptes de gestion de l'érosion monétaire

La Centrale des Bilans «du Crédit national enregistre les données comptables fournies par les entreprises en distinguant : — des comptes, de gestion, présentés! d'une manière

pirée de la structure de la comptabilité nationale et dont le solde* final, est la capacité > d'autofinancement, . excédent financier dont dispose la firme au terme d'un exercice après exécution de ses opérations courantes; — des bilans de clôture de chaque exercice; — des « tableaux de financement » exprimant le passage entre deux bilans successifs.

Étant en possession de ces données concernant un agrégat de 552 firmes industrielles2, nous avons tenté, grâce à un modèle économétrique deisimulation, de reconstruire ces comptes pour la> période 1963-1968, en éliminant les effets du glissement du niveau général des prix. Nous nous sommes alors' proposés d'examiner si; en l'absence d'érosion-monétaire, le financement de ces entreprises eût été plus ou moins aisé.- En effet, lorsque l'unité de monnaiese déprécie, les. diverses, rubriques de la, comptabilité -d'une firme ne sont pas affectées uniformément par le phénomène. Si certaines le répercutent proportionnellement, d'autres ne sont pas modifiées et d'autres l'amplifient ou le réduisent. Au l total/- la* situation* financière de* l'entreprise prend' un nouveau visage. La méthode -adoptée dans la- construction ^ du- modèle

retient pour compte de base celui de l'année 1963. Pour ce qui concerne les années suivantes les comptes réels sont rectifiés-rubrique par rubrique en examinant dans-chaque casi comment il convient d'éliminer les effets de l'érosion monétaire. Les comptes rectifiés n'étant plus équilibrés l'ajustement est réalisé en modifiant le montant des emprunts à terme, de manière à donner à ce type de financement le caractère d'une variable de jugement. La dépréciation de la monnaie est mesurée par l'inverse de l'indice des prix de la- production intérieure brute calculé dans les Comptes de. la Nation.

Les rectifications portent en premier lieu sur la plupart des flux. Les données patrimoniales sont ensuite modifiées en calculant,. année par année, les incidences des, flux rectifiés sur les rubriques du bilan reconstitué à partir de l'année de base. Enfin,, l'ensemble- des flux est corrigé pour tenir compte des modifications opérées sur le patrimoine. Pour arriver, à l'équilibre plusieurs itérations sont nécessaires.

Ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, l'évolution du prix de chaque bien ou service peut être considérée comme la résultante de deux mouvements : l'évolution du niveau général des prix et celle de la position relative de ce prix par rapport à tous les autres. En cherchant à éliminer l'érosion monétaire de nos séries chiffrées, nous nous efforçons de faire disparaître les effets du premier, phénomène, .mais non ceux. du. second. En effet,, la modification progressive de la structure du système des prix relatifs est indépendante de la valeur de la monnaie.: si certains prix augmentent beaucoup moins vite que d'autres, c'est qu'en réalité ils

1. Il resterait à explorer un phénomène mal connu : l'influence de l'inflation sur la dispersion des prix relatifs. . M'est peu probable en effet que la position propre de chaque prix par rapport à tous les autres évolue de la même manière lorsque le niveau général des prix reste stable ou lorsqu'il augmente. 2. Il convient de noter que, s'agissant -d'un agrégat de données com p. tables, la Centrale des Bilans doit tenir compte de certains événements survenus à diverses entreprises (fusions, apports, etc..) et opérer des redressements. De ce fait, la cohérence des comptes agrégés n'est pas aussi rigoureuse que s'il s'agissait d'une seule firme. Les écarts ne sont toutefois pas assez grands pour mettre en cause la validité des raisonnements. ' 24

TABLEAU 1. Principaux paramètres observés

Indice de la valeur de la monnaie, Taux d'intérêt global pondéré Taux d'amortissement des immobilisations Proportion d'emprunt à terme remboursée chaque année

1. Par rapport à la situation à la fin de l'année précédente.

1963

100 8,81

62,15

1964

96,2 9,02

62,95 17,07

1965

93,9 8,56

64,23 17,51

1966

91,1 8.66

65,53 18,22

1967

88,6 8,71

65,65 20,45

1968

84,8 8.71

67,15 18,35

TABLEAU 2. Comptes de gestion A. Valeurs observées

Millions de F '

Ventes (H.T.) et immobilisations autofournies. Consommation intermédiaire (H.T.) Variation des stocks

1963

+ 14142 — 8 646 + 386

1964

+ 15 986 — 9 981 + 533

1965

+ 16706 — 10 307 + 217

1966

+ 18 243 — 11 606 + 691

1967

+ 19 219 — 12 053 + 442

1968

+ 20 829 — 13 028 + 554

Valeur ajoutée (H.T.), + 5 882 + 6 538 + 6 616 + 7 328 + 7 608 + 8 355

Subventions d'exploitation, Impôts indirects et taxes. . Frais de personnel Frais financiers

+ 73 — 295 — 4 011 — 257

+ 73 — 322 — 4 510 — 315

+ 27 — 370 — 4 818 — - 350

+ 32 — 419 — 5 240 — 376

+ 29 — 461 — 5 596 — 424

+ 54 — 483 — 6 215 — 512

Résultat brut d'exploitation. + 1 392 + 1 464 + 1 105 1-325 + 1 156 + 1 199

Recettes diverses et exceptionnelles. , Dépenses diverses et exceptionnelles, Impôts directs

+ 190

— 336

+ 275 — 44 — 333

+ 358 — 48 — 250

+ 374 — 53 — 296

+ 407 — 58 — 274

+ 537 — ■ 106 — 316

Capacité d'autofinancement. + 1 246 + 1 362 + 1 165 + 1 350 + 1 231 + 1 314

B. Valeurs corrigées de l'érosion monétaire Millions de F

Ventes (H.T.) et immobilisations autofournies. Consommation intermédiaire (H.T.) Variation des stocks

1963

+ 14142 — 8 646 + 386

1964

+ 15 378 — 9 602 + 389

1965

+ 15 687 — 9 678- + 130

1966

+ 16 619 — 10 573 + 473

1967

+ 17 028 — 10 679 + 244

1968

+ 17 663 — 11 048' + 230

Valeur ajoutée (H.T.) , + 5 882 6165 6139 + 6 519 + 6 593 + 6 845

Subventions d'exploitation. Impôts indirects et taxes. . Frais de personnel Frais financiers

+ 73 — 295 — 4 011 — 257

+ 70 — 310 — 4 339 — 302

+ 25 — 347 — 4 524 — 298

+ 29 — 382 — 4 774 — 344

+ 26 — 408 — 4 958 — 375

+ 46 — 410 — 5 270 — 432

Résultat brut d'exploitation , + 1 392 + 1 284 995 + 1 048 878 + 779

Recettes diverses et exceptionnelles. , Dépenses diverses et exceptionnelles. Impôts directs

+ 190

— 336

+ 265 — 42 — 252

+ 336 — 45 — 189

+ 341 — 48 — 167

+ 361 — 51 — 131

+ 455 — 90 — 86

Capacité d'autofinancement. + 1 246 + 1 255 + 1 097 1174 + 1 057 1 058

INFLATION ET FINANCEMENT DES ENTREPRISES 25

baisseraient si le niveau général des prix demeurait stable. Aussi convient-il de calculer les données rectifiées non pas en supposant que chaque prix reste constant (estimation en volume), mais en conservant inchangé le niveau général des prix, ce qui est assez différent. Pour y parvenir il nous suffira de réduire les valeurs enregistrées chaque année d'un pourcentage égal à l'augmentation des prix de la P.I.B. constatée depuis l'année de base.

Ce procédé peut être appliqué sans problème à toutes les rubriques; concernant des transactions sur des biens ou des services : chiffre d'affaires, achats, stockage ou déstockage, valeur ajoutée, _ investissements,, cessions. En revanche^, lorsqu'il s'agit d'affectations de revenus, d'évaluations de patrimoine ou d'opérations financières, chaque cas doit faire >■ l'objet d'un examen particulier. ■ Les frais de personnel paraissent appeler un traitement analogue à celui appliqué aux opérations sur biens et services. Il ne semble pas douteux en effet que l'évolution des taux de salaires résulte de la superposition de hausses répondant au. désir de compenser l'érosion monétaire et de^ hausses tendant à améliorer la situation des salariés.

On pourrait objecter que l'augmentation ressentie par le salarié ne correspond pas à celle du niveau général des prix mais à celle des produits qu'il consomme effectivement et qui pourrait être représentée, par exemple, par l'évolution de l'indice des 259 articles. Cela est exact mais ne traduit pas l'influence de l'érosion monétaire : même si la valeur de la monnaie était stable, l'indice des prix à la consommation familiale pourrait augmenter en raison des distorsions propres à l'évolution des prix relatifs. Aussi peut-on penser que * pour éliminer l'incidence de la dépréciation du franc il suffit de réduire la masse salariale au prorata de l'augmentation des prix de la P.I.B.

Les calculs étant effectués hors taxes, les impôts indirects payés par les entreprises n'atteignent -que des montants^ relativement peu importants. Leur composition est complexe. Dans la nomenclature de la Centrale des Bilans ils comprennent principalement des contributions liées _ à l'activité de la firme (taxe sur les salaires) ou basées sur une répartition des charges (patentes). Bien que cela soit discu- table*pour certains d'entre eux (droits de mutation), il semble que la plupart soient mécaniquement accrus par l'érosion monétaire et que la rubrique doive être corrigée.

De même, les subventions d'exploitation qui dépendent directement en général de l'évolution des recettes des firmes sont l'objet d'une rectification.

Les frais financiers appellent une attention particulière. En effet, ils dépendent à la fois des taux d'intérêt pratiqués par les prêteurs et du montant de l'endettement.- Pour ce qui concerne ce dernier facteur, il a été tenu compte des engagements des entreprises tels qu'ils résultent des bilans calculés après correction, l'endettement à terme constituant la variable -d'ajustement. En -revanche, -les taux prêtent à- discussion. La -liaison entre l'évolution des taux d'intérêt et l'érosion 'monétaire est considérée comme évidente par - nombre de bons esprits qui pensent que tes taux se fixent toujours en tenant un certain compte de la perte subie par le créancier en- raison de l'inflation. Pourtant, l'étude des séries passées et celle des mécanismes de fixation ne

borent pas cette opinion. En fait les taux français, tout au moins pendant la- période qu'on considère, ont été surtout influencés par le marché des capitaux aux États-Unis. Aussi ont-ils très largement répercuté les décisions de politique monétaire prises dans ce pays. Certes, ces mesures répondaient pour partie au souci de combattre la hausse des prix. Mais ce lien avec l'inflation américaine fut accidentel car une autre politique (faisant par exemple une plus large part à l'action > budgétaire) aurait abouti à des taux moins élevés. En outre, de toute manière, cette évolution a été dans une large mesure étrangère à celle du niveau général des prix en France. Aussi peut-on penser que, même si le franc avait conservé une valeur parfaitement stable, il est peu probable que les taux d'intérêt eussent été très différents de ce qu'ils ont été effectivement. Par ailleurs, comme il est impossible de distinguer les charges financières incombant à telle ou telle catégorie de financement, le modèle retient le. taux moyen observé globalement chaque année et Yapplique sans correction à la nouvelle assiette de l'endettement calculée après rectification des postes du bilan. On >, relèvera (tableau 1) que ce taux s'est très peu modifié au cours de la période.

Les recettes et dépenses à caractère exceptionnel qui ne sont pas liées à l'exploitation sont de natures très diverses. Bien que certaines d'entre elles soient indifférentes à l'érosion monétaire (intérêts reçus par les entreprises), la majorité paraît y être sensible (redevances pour brevets et licences, loyers commerciaux, dividendes perçus). Aussi ces rubriques sont- elles corrigées.

Les dotations Les dotations d'amortissements posent un problème diffi

cile. En effet, elles ont pour « assiette » un ensemble d'immobilisations constituées par tranches successives au cours des années antérieures et qui, de ce fait, ont répercuté dans desi proportions variées les effets de l'érosion monétaire. En outre, elles peuvent avoir été calculées selon des règles différentes (système « linéaire » ou système « dégressif»). Comme il est impossible de connaître exactement la structure d'âge des chiffres portés aux bilans des entreprises ni leur mode de calcul, on a adopté une méthode simplifiée qui ne paraît pas déformer exagérément la réalité. Chaque année le montant des immobilisations brutes portées au bilan est calculé en ajoutant à celles de l'année précédente la valeur des immobilisations nouvellement constituées, corrigées pour éliminer l'effet de l'érosion monétaire. Sur cette base on calcule la dotation correspondante d'amortissements en supposant que le rapport entre la valeur des immobilisations brutes et celui des amortissements totaux reste identique à ce qu'il a été réellement/ Cela revient à admettre que le «taux d'amortissement » des entreprises n'est pas modifié notablement par l'inflation.

Le montant des dotations annuelles pour provisions est la plupart du temps lié à l'activité « physique » des entreprises (dépréciation du -stock, créances douteuses, etc.). La correction porte sur la-dotation nouvelle de .laquelle sont retranchées les reprises. On obtient ainsi pour chaque année la variation algébrique du poste qui est ajoutée (ou retranchée) au montant des provisions portées au bilan antérieur; ce qui permet de reconstituer cette dernière rubrique.

26

TABLEAU 3. Bilans A. Valeurs observées

Millions de F

ACTIF Immobilisations brutes et frais d'établissement , Titres de participation , Autres valeurs immobilisées , Valeurs d'exploitation Réalisable et disponible

Total

1963

9 765 482 632

4 595 4 259

19 733

1964

11 034 616 823

5181 4 731

22 385

1965

12119 777 964

5 446 5 268

24 574

1966

13 270 915

1 080 6133 5 709

27107

1967

14 406 979

1 180 6 582 5 862

29 009

1968

15 500 1096' 1 224 7148 7 389

32 357

PASSIF - Fonds propres et assimilés Provisions Amortissements: Emprunts à terme Dettes à court terme (sauf Banques) Banques

5112 440

6 069 1 986 5194

932

5 409 574

6 924 2 336 5 986 1156

5 551 584

7 770 2 601 6 581 1 487

5 892' 675

8 670 v, 2 851 7 530 H 1489

6133 753

9 478 3145 7 780 1 720'

6 357 852

10314 3 557 8 957 2 320

B. Valeurs corrigées de l'érosion monétaire Millions de

ACTIF Immobilisations brutes et frais d'établissement , Titres de participation Autres valeurs immobilisées Valeurs d'exploitation Réalisable et disponible

Total

1963

9 765 482 632

4 595 4 259

19 733

1964

10 982 611 823'

4 984 4 551

21951

1965

11 989 762 964

5114 4 947

23 776

1966

13 020 888

1 080 5 587 5 201

25 776

1967

13 998 942

1180 5 831 5194

27145

1968

14 892 1 040 1 224 6 061 6 266

29 483

PASSIF Fonds propres et assimilés Provisions Amortissements Emprunts à terme Dettes à court terme (sauf Banques) Banques

5112 440

6 069 1986 5194

932

5 329 566

6 891 2 294 5 759 1112

5 476 565

7 686 2 473 6180 1 396

5 727 637

8 506 2 690 6 860 1356

5 922 693

9 209 2 904 6 893 1524

6 020 761

9 900 3 239 7 596 1967

INFLATION ET FINANCEMENT DES ENTREPRISES 27

L'impôt sur les sociétés est calculé en appliquant les taux d'imposition légaux (50 % sauf pour ce qui concerne les plus- values de cession) à l'assiette calculée après les corrections décrites -ci-dessus. -Cette assiette comprend-: — le, bénéfice dégagé par les comptes de gestion; . — les réintégrations de provisions et les plus ou moins- values de cession. Ces flux sont corrigés pour tenir compte de la dépréciation de 'la monnaie en appliquant la règle « premier entré, premier sorti ».

Les subventions d'équipement, d'un montant relativement faible, sont l'objet d'une «déflation »^ pour éliminer l'érosion -monétaire. .En effet,, ces ressources sont en général liées à la réalisation de programmes d'équipement dont la valeur est affectée par l'inflation.

Il en est de même pour les participations qui correspondent souvent à la réalisation d'investissements dans des sociétés filiales.,

En revanche, les autres valeurs immobilisées, constituées principalement par des prêts de longue durée, ne sont pas modifiées.

Les créances et dettes à court terme (moins d'un an) étant directement liées au rythme annuel de l'activité des firmes reçoivent une correction pour éliminer l'influence de la dépréciation monétaire. Comme le stock fait l'objet du même traitement, le fonds de roulement net se trouve automatiquement rectifié.

Les apports de fonds propres (ou assimilés) d'origine externe sont également corrigés car il est logique de supposer qu'en l'absence d'inflation les disponibilités des fournisseurs de -capitaux à risque auraient été plus réduites."

En revanche, les retraits de fonds propres (en général une diminution des comptes courants) découlent de droits acquis , antérieurement par leurs titulaires et n'ont pas à être rectifiés,' le montant de cette rubrique du bilan n'étant pas affecté par la hausse des prix.

Les remboursements d'emprunt à terme (plusd'un an)" posent un problème proche de celui des dotations pour amortissement : ils ont pour origine des engagements acceptés au cours des années antérieures et affectés d'échéances variables. On le résout d'une manière globale en supposant queile rapport entre les remboursements effectués au 'cours d'une année et. le montant < des dettes à terme figurant au bilan corrigé - de > l'année - précédente (c'est la variable d'ajustement) est le même que celui qui a été observé dans la réalité. On suppose ainsi que la dépréciation monétaire n'a pas entraîné de modifications dans la structure des échéanciers. Cela est sans doute discutable mais point invraisemblable. Au surplus, les données disponibles ne permettent pas d'être plus précis.

Enfin, les distributions dépendent à la fois des capacités bénéficiaires des firmes et de la nécessité de rémunérer de façon liquide les apporteurs de capitaux. On a admis que cette dernière motivation était prédominante. Aussi, le montant des, fonds propres portés au j bilan étant peu modifié par l'érosion monétaire, on a considéré que celui des dividendes versés"

ne l'était pas non plus. L'exposé des hypothèses sur lesquelles repose le calcul,

dont les résultats vont être présentés, montre clairement les limites du modèle. C'est le mérite et la servitude des

thodes quantitatives que de ne rien laisser dans l'ombre et de, faire apparaître clairement l'exacte signification des raisonnements. Il est permis de penser toutefois que la connaissance d'un phénomène aussi complexe et aussi difficile à appréhender que l'inflation peut s'en trouver améliorée.

2 La déformation des conditions d'emprunt

Dans les limites que les hypothèses imposent à la signification du modèle, on constate que l'érosion monétaire modifie assez notablement les conditions dans lesquelles le financement des entreprises est assuré.

Avant d'aborder l'étude des principales de ces transformations, il faut souligner le fait que nous en prenons connaissance à travers la comptabilité des firmes. Aussi peut-on se demander s'il s'agit là d'un phénomène réel qui affecte la substance économique et financière des sociétés ou s'il s'agit seulement d'une déformation apparente qui concerne seulement la représentation comptable de la réalité. Bien entendu, la réponse n'est pas simple. D'une part, en effet, il. est certain qu'assez souvent l'érosion monétaire transforme seulement l'apparence des faits. C'est le cas, notamment, lorsque les actifs -immobilisés n'étant -pas réévalués le. bilan recèle des plus-values occultes. Mais, d'autre part, la réalité de la firme n'est pas indifférente au fait que sa présentation comptable soit modifiée. Dans les relations de l'entreprise avec l'administration fiscale, les bailleurs de fonds et les actionnaires, la comptabilité sert de base aux obligations juridiques et aux jugements de. valeur. C'est pourquoi la dépréciation de la monnaie, en transformant les comptes, transforme aussi la situation réelle de la firme. • L'érosion monétaire réduit la marge réelle de

rentabilité. Cette affirmation paraît en contradiction avec les résul

tats comptables. En effet si l'on observe l'évolution du ratio :

capacité d'autofinancement chiffre d'affaires

on constate que, sans le modifier, sensiblement, l'érosion monétaire tendrait plutôt à l'améliorer. En réalité il faut tenir compte du fait que lorsque la valeur de la monnaie se déprécie, une part des résultats représente seulement l'augmentation nominale de l'évaluation des stocks. Cet « enrichissement » ne correspond à aucune ressource utilisable pour la politique de financement de la firme. Du reste, si la valeur de la monnaie venait à augmenter, il disparaîtrait dé la même manière qu'il est apparu. En revanche, lorsque le mécanisme des provisions pour hausse des prix ne joue pas

28

TABLEAU 4. Tableaux de financement 1

A. Valeurs observées Millions de F

EMPLOIS Frais d'établissement et immobilisations Participations Autres valeurs immobilisées Variation négative des fonds propres et assimilés Remboursements d'emprunts à terme Distributions Augmentation du fonds de roulement net

Total

1963-1964

1 377 135 216 27

339 176 22

2 292

1964-1965

1 275 165 164 23

409 178

2 214

1965-1966

1 354 110 141 34

474 160 181

2 454

1966-1967

1 384 90

147 29

583 173 139

2 546

1967-1968

1 316 124 128 89

577 146 330

2 710

RESSOURCES Variation positive des fonds propres et assimilés Autres valeurs immobilisées Capacité d'autofinancement Cessions d'actifs Subventions d'équipement Emprunts à terme Réduction du fonds de roulement net

132 25

1 362. 83' 4

686 ,

113 24

1 165 103

5 690 114

222 20

1 350 129

9 724

233 47

1 231 151 16

868

176 85

1314 150 19

966

B. Valeurs corrigées de l'érosion monétaire Millions de F

EMPLOIS Frais d'établissement et immobilisations Participations Autres valeurs immobilisées Variation négative des fonds propres et assimilés Remboursements d'emprunts à terme

Total

RESSOURCES Variation positive des fonds propres et assimilés Autres valeurs immobilisées

Emprunts à terme

1963-1964

1 325 131 216 27

326 176

2 201

127 25

1 255 80 4

646 64

1964-1965

1 197 155 164 23

391 178

2108

105 24

1 097 97

5 601 179

1965-1966 r

1 233 126 141 34

444 160 87

2 225

202 20

1 174 118

8 703

1966-1967

1 226 80

147 29

534 173 36

2 225

206 47

1057 134 14

767

1967-1968 >

1 116 105 128 89

519 146 156

2 259

149 85

1 058 127 17

823

1. Ces tableaux sont établis en tenant compte de redressements effectués sur les bilans à l'occasion de cessions d'actifs, fusions, mouvements comptables des provisions, etc..

INFLATION ET FINANCEMENT DES ENTREPRISES 29

(ce qui. est le. cas pour les entreprises de la population ana-, lysée) ce pseudo-bénéfice supporte l'impôt.

La dégradation delà rentabilité réelle par l'inflation est attestée par les tableaux suivants portant sur le ratio précité :

vements fiscaux sont-ils majorés dans une proportion plus grande que le taux d'érosion monétaire.

La comparaison des valeurs du ratio :

Impôts directs . Chiffre d'affaires en .%

le montre bien

Années

1963 1964 1965 1966 1967 1968

Avec érosion monétaire

Sans rectification '

8,81 8,51 6,97 7,40 6,40 6,30

Après . élimination de la hausse nominale des stocks

8,81 7,62 6,45 6,20 5,37 4,75

Sans érosion . monétaire

8,81' 8,16 7,00 7,06 6,21 5,98

Cette évolution s'explique aussi par le jeu des dotations d'amortissements. En effet, comme ces dernières ont pour «assiette» des actifs immobilisés constitués antérieurement, et évalués au bilan dans une monnaie moins dépréciée, elles « prennent du retard » par rapport aux valeurs qui répercutent immédiatement le glissement du niveau général des prix.

On le constate en examinant le ratio :

Dotations d'amortissement Chiffres d'affaires

Années

1963 1964 1965 1966 1967 1968

Avec érosion monétaire

2,37 2,08 1.49- 1,62' 1,42* 1,51

Sans érosion monétaire

2,37 1,64 1,20 1,00i' 0,77 0,48 -

%

On constate ainsi que la dépréciation de la monnaie entraîne une aggravation de la fiscalité pesant sur l'entreprise, ce qui réduit d'autant sa marge de profit. Ce transfert de ressources, dont l'État est le bénéficiaire, est bien un phénomène réel qui affaiblit la compétitivité des firmes.

Si l'on ajoute qu'il atteint davantage les sociétés dont les équipements sont considérables et se renouvellent lentement (c'est le cas des industries « lourdes » dont l'importance économique est grande) > plutôt que celles dont les immobilisations sont faibles et ont une rotation rapide (notamment les services), on met à jour l'une des causes de la gêne que l'inflation apporte au développement industriel de notre pays.

Années

"1963, 1964, 1965 1966 1967, 1968,

Avec érosion monétaire

Sans érosion monétaire

5,90 i 5,88 i 5,79 5,25 5,18

5,93 5,93 5,88 5,30 5,29

La hausse nominale de l'évaluation des stocks et le « retard » des dotations d'amortissements provoquent ipso facto une « avance » du bénéfice imposable. Aussi les prélè-

• L'érosion monétaire en déformant la représentation comptable de la situation financière des sociétés affecte- réellement cette situation.

Cette déformation tient au fait que les rubriques circulantes (le « bas » du bilan) répercutent sans délai la hausse du niveau généraldes prix alors que les rubriques « immobilisées » (le « haut » du bilan) ne le font qu'avec un certain décalage. Il en résulte qu'en période d'inflation le niveau des fonds propres « prend du retard » par rapport aux emplois de l'actif circulant. Ainsi apparaît, pour le financement de la partie des actifs circulants couverts par les capitaux permanents, un besoin spécifique dû à l'érosion • monétaire. Dans notre modèle nous avons supposé qu'il était satisfait grâce à* des emprunts à'terme. On peut penser aussi qu'il pourrait être compensé par un prélèvement sur le fonds de roulement net, ce qui serait équivalent à un accroissement de l'endettement à court terme. Cette dernière hypothèse paraît peu probable car le montant du fonds de roulement net est principalement déterminé par des usances (bancaires,

30

commerciales, etc.) que l'inflation ne modifie pas. Aussi est-il logique de penser que les entreprises s'efforcent de le conserver à un niveau compatible avec la valeur nominale de leur activité. Dans ce, cas, l'endettement à terme «prend de l'avance » sur le rythme de la dépréciation de la monnaie.

On objectera que la détérioration de la proportion entre les fonds propres et les fonds d'emprunt n'est qu'apparente car elle a sa contrepartie dans la plus-value occulte résultant de la sous-estimation des rubriques d'immobilisations. Cela est vrai dans une certaine mesure, mais il n'en demeure pas moins que l'appel aux capitaux extérieurs est bien réel et qu'il se traduit par des charges financières supplémentaires portées au compte de gestion, tandis que les actifs dissimulés ne sont pas rémunérés.

Cette influence néfaste de l'inflation sur la situation des entreprises est masquée par une amélioration apparente qui résulte seulement du « retard » pris dans l'évaluation des postes « immobilisés » du bilan.

On le constate au niveau du rendement de l'outil d'exploitation, mesuré par le ratio :

Chiffre d'affaires en or Immobilisations brutes + participations

à terme l'équilibre du bilan semble en être conforté, comme le montre l'étude du ratio,:

Années

1963 1964 1965 1966 1967 1968

Avec érosion - monétaire

138,01 137,21 1 29.54" l 128,60 124,92 125,50

Sans érosion monétaire

138,01 132,64 123,02 119,49 113,97 110,86

On le constate aussi pour ce qui concerne la rentabilité des fonds propres, que reflète le ratio.:

Capacité d'autofinancement — L en o/ Fonds propres et assimilés /o

Années

1963 1964 1965 1966 1967 1968

Avec érosion ' monétaire •

24,37 25,18 20,98 22,91 20,07 20,67

Sans érosion monétaire ■

24,37 23,55 20,03 20,50 17,85 17,57

Toutefois, en raison du même phénomène, si les besoins financiers nés de l'inflation ont été couverts par des emprunts

Immobilisations nettes Capitaux permanents > %

Années

1963 1964 1965

.1966 1967 1968

Avec érosion monétaire

67,76 71,64 74,70 75,43 76,38 75,71

Sans érosion monétaire

67,76 72,47 75,84 77,01 78,30 78,36

En revanche, on constate en examinant le ratio :

Fonds propres et assimilés Dettes à terme ■en %

que la répartition des capitaux permanents s'est modifiée au profit" des emprunts à terme :

Années

1963, 1964, 1965, 1966, 1967. 1968.

Avec érosion monétaire

257,40 231,55 213,42 206,66 195,01 178,72

Sans érosion monétaire

257,40 232,30 221,43- 212,90 203,93 185,85

Bien que cette distorsion soit en partie apparente (en raison de l'existence des plus-values cachées), elle peut rendre les bailleurs de fonds plus circonspects et avoir des conséquences très réelles sur les conditions dans lesquelles la firme est admise à emprunter.

On notera aussi que, comme dans le cas de la marge d'exploitation, les répercussions de l'inflation sur la situation financière des sociétés frappent plus lourdement les. industries « lourdes » que les industries « légères », ce qui n'est pas sans effet sur la croissance économique du pa/s.

• C'est au plan de la politique financière que l'inflation modifie le plus la situation des entreprises en augmentant leurs recours aux fournisseurs de capitaux d'emprunt.

En effet, la politique de financement enregistre à la fois INFLATION ET FINANCEMENT DES ENTREPRISES 31

lesrperturbations;apportées dans la gestion et celles: qui affectent la situation patrimoniale-: — la réduction de la marge réelle de rentabilité diminue l'aptitude des firmes à financer les besoins liés à leur développement à l'aide de. ressources d'origine interne effectivement disponibles pour cet emploi.

On le constate dans l'évolution du ratio : Capacité réelle d'autofinancement3

Immobilisations nouvelles -f~ participations nouvelles

Années -

1964 1965 '1966 1967 1968

Avec érosion monétaire

80,55 74,86 77,32 70,08 r 68,75

Sans érosion monétaire

86,20 81,14 86,39 80,93 r. 86,65

— en revanche, le maintien à leur montant nominal des échéances d'emprunts à terme constitue pour les entreprises un avantage non négligeable qu'enregistre le ratio :

Remboursement d'emprunts à terme Nouveaux emprunts à terme %

Années

1964 1965 1966

-1967.-: «1968

Avec érosion monétaire

49,41 59,27 65,46 67,16 * 59,73

Sans érosion monétaire .

50,46 65,06 63,16 69,62 63,06 ,

— néanmoins,1 comme la plupart des besoins4 sont accrus proportionnellement à la dépréciation de la monnaie (investissements — fonds de roulement) le bénéfice tiré du blocage des remboursements ne suffit' pas en général à compenser le « retard >v pris -par les ressources d'origine interne. Aussi les emprunts nets, des firmes '(remboursements "déduits) tendent-ils à prendre • de -« l'avance »- par rapport au glissement du niveau général des prix. Ce phénomène qui explique la modification de structure des capitaux permanents observée au bilan, est illustré par l'évolution du ratio :

Emprunts nets à terme* (annuels) - Investissements (annuels) m

, Années

1964.V ?1965..~ ',1966 -1967 ..1968

Avec érosion ' monétaire •

25,19 22,03 18,46: 20,59 29,55

Sans érosion ' monétaire

24,15' 17,54 21,00-5 19,00v 27,24 >!

Ces chiffres sont préoccupants car ils laissent à penser que, toutes choses restant égales par ailleurs, la seule inflation engendre un besoin d'endettement à terme plus que proportionnel aux investissements. Ainsi dans cette conjoncture, Jes entreprises qui investissent le plus doivent avoir recours aux capitaux d'emprunt, dans une mesureplus importante que les autres. Par ce mécanisme, la dépréciation de la monnaie pèse sur le dynamisme de l'économie.

*

De 1963 à 1968, la dépréciation monétaire a été relativement modérée; pourtant, comme nous venons de le montrer, la situation financière des entreprises s'en est trouvée affectée et les inconvénients qui en ont résulté sont loin d'être négligeables.

On croit trop souvent que l'inflation sert les entreprises, qu'elle facilite. leur développement parce qu'elle. leur. permet de rembourser à peu de frais les emprunts qu'elles ont contractés. Certains pensent aussi, sans être pour autant capables de le démontrer, que l'inflation est inséparable de l'expansion.

Nous n'avons pas voulu, dans cet article, résoudre tous les problèmes que se posent les économistes sur ce thème, mais seulement apporter. une pièce au dossier-: montrer, à l'aide d'un exercice fondé, ili est vrai," sur un. échantillon partiel d'entreprises, sur une période d'analyse relativement brève — six ans — et sur un jeu d'hypothèses parfois discutables, que l'inflation nuit à un financement sain des entreprises industrielles -et -commerciales.-

Sans donner aux résultats obtenus plus de signification que n'en possèdent les chiffres dont ils sont tirés et les hypothèses qui. les supportent, ils prouvent à l'évidence que les entreprises ne tirent pas de l'inflation les avantages substantiels qu'on leur attribue trop souvent.

3. Calculée en éliminant, dans l'hypothèse de l'érosion monétaire, les hausses nominales des valeurs d'exploitation. 4. A l'exception des distributions dans les hypothèses de notre modèle.

32