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GUITET Alice Année 2011/2012 REGION DES PAYS DE LA LOIRE INSTITUT REGIONAL de FORMATION aux METIERS de REEDUCATION et de READAPTATION des PAYS de la LOIRE 54, rue de la Baugerie 44230 Saint-Sébastien sur Loire Intérêt du travail scapulaire dans la prise en charge d’un rugbyman après une intervention du type Latarjet.

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Page 1: INSTITUT REGIONAL de FORMATION aux METIERS de …rugbyman après une intervention du type Latarjet. Résumé ... 95% des cas, à un traumatisme direct au niveau de l’épaule [2]

GUITET Alice

Année 2011/2012

REGION DES PAYS DE LA LOIRE

INSTITUT REGIONAL de FORMATION aux METIERS de

REEDUCATION

et de READAPTATION des PAYS de la LOIRE

54, rue de la Baugerie 44230 Saint-Sébastien sur Loire

Saint-Sébastien sur Loire

Intérêt du travail scapulaire dans la prise en charge d’un

rugbyman après une intervention du type Latarjet.

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Résumé

Ce mémoire aborde la spécificité de la prise en charge d’un rugbyman ayant subi

une intervention chirurgicale de type Latarjet. La reprise de son activité sportive est

prévue dans les semaines qui suivent.

La première partie sera constituée de rappels anatomo-physiologiques de l’épaule,

des particularités de l’épaule du rugbyman et des obligations de stabilité maximale.

Suivra la justification de la prise en charge effectuée, la justification des orientations

suivies au cours de celle-ci. Le travail actif a essentiellement pour but la recherche

de la stabilité scapulaire, fil conducteur de la rééducation.

Mots Clés

Instabilité d’épaule

Scapula

Contrôle neuro-musculaire

Reprise de l’activité sportive

Key words

Shoulder instability

Scapula

Neuro-muscular control

Resume sport activity

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1. INTRODUCTION.................................................................................................. 1

2. ANATOMO-PHYSIOLOGIE DU COMPLEXE DE L’EPAULE ............................... 2

2.1 ELEMENTS DE STABILITE PASSIVE ET ACTIVE ........................................................... 2

2.2 RYTHME SCAPULO-HUMERAL ................................................................................. 3

2.3 ACTIVITE PROPRIOCEPTIVE ................................................................................... 5

3. LA SCAPULA , ELEMENT CENTRAL DU BON FONCTIONNEMENT DU

MEMBRE SUPERIEUR .............................................................................................. 7

3.1 LES MUSCLES DE LA CEINTURE SCAPULAIRE ........................................................... 7

3.2 LES MOUVEMENTS DE LA SCAPULA ......................................................................... 8

3.3 SON ROLE DANS LA STABILITE DU MEMBRE SUPERIEUR ............................................ 9

4. PRESENTATION ET PARTICULARITE DE L’EPAULE DU RUGBYMAN ......... 10

4.1 PRESENTATION DU PATIENT ................................................................................ 10

4.2 RAPPELS CHIRURGICAUX SUR L’INTERVENTION DE TYPE LATARJET ......................... 12

4.3 FONCTIONNEMENT DE L’EPAULE DU RUGBYMAN .................................................... 13

5. EXAMENS, CORRECTION DES TROUBLES PASSIFS ..................................... 14

5.1 DEBUT DE SEANCE : EXAMENS ET ADAPTATION DE LA SEANCE ................................ 14

5.2 MOBILISATION PASSIVE DE CORRECTION .............................................................. 15

5.3 ETIREMENT MUSCULAIRE, DETENTE DES TISSUS MOUS .......................................... 16

6. DEUX ASPECTS REEDUCATIFS DE LA REEDUCATION : RENFORCEMENT

ET CONTROLE NEURO MUSCULAIRE DES MUSCLES STABILISATEURS DE LA

SCAPULA ................................................................................................................ 18

6.1 RENFORCEMENT DES MUSCLES STABILISATEURS DE LA SCAPULA ........................... 18

6.2 RYTHME SCAPULO-HUMERAL : SENSIBILISATION ET CONTROLE NEURO-MUSCULAIRE 19

6.3 CONSEILS EN VUE DU RENFORCEMENT MUSCULAIRE EFFECTUE EN CLUB ................. 23

7. DISCUSSION ....................................................................................................... 24

8. CONCLUSION ..................................................................................................... 27

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1. Introduction

L’instabilité d’épaule est une pathologie fréquemment rencontrée chez les jeunes

sportifs, notamment dans les sports dits de contact ou de lancer. Qu’elle résulte

d’une luxation vraie, d’épisodes répétés de subluxation, de micro traumatismes ou de

gestes sportifs répétés en amplitude extrême, les effets néfastes sur l’épaule sont

nombreux et plus ou moins handicapants. Le fonctionnement physiologique du

complexe articulaire est alors perturbé, allant de la simple gêne aux cours des

mouvements en amplitude extrême à une incapacité totale et des douleurs

persistantes [1].

Quelques données statistiques montrent que les luxations antérieures sont les plus

fréquentes (98% de tous les épisodes luxants). De plus ces luxations font suite, dans

95% des cas, à un traumatisme direct au niveau de l’épaule [2]. Le principal risque

qui fait suite à un épisode traumatique est la récidive [3]. 70% des patients décrivent

un nouvel épisode traumatique dans les deux ans qui suivent le premier épisode

d’instabilité.

Le rugby est un sport particulièrement exposé à ce genre d’accidents. Il s’agit en

effet d’un sport alliant jeu à la main et phase de contact. La phase de plaquage reste

la plus à même d’entraîner une luxation et donc un phénomène d’instabilité à

postériori.

Afin d’éviter la récidive, la prise en charge d’un joueur de rugby se doit d’être

poussée pour retrouver non pas une épaule qui soit seulement fonctionnelle, mais

une épaule prête à subir à nouveau les chocs imposés, sans aucune appréhension.

Il faudra accompagner le sportif jusqu’à son retour sur le terrain et poursuivre le suivi

même après la reprise.

L’objectif principal de cette rééducation de l’épaule sera de retrouver une articulation

mobile (jeu à la main, passes) et stable (plaquages, mêlées, regroupements). Dans

cette optique de rééducation on peut se demander quelle est la place du travail

scapulaire, son intérêt, et son apport dans une prise en charge globale ? Comment

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réintégrer la scapula dans le schéma moteur de l’épaule ? Pourquoi s’appuyer

essentiellement sur cet aspect de la prise en charge ?

2. Anatomo-physiologie du complexe de l’épaule

L’épaule est un complexe articulaire formé de cinq articulations : l’articulation

scapulo-humérale et l’articulation scapulo-thoracique qui sont les deux articulations

principales. Les articulations sous deltoïdienne, acromio-claviculaire et sterno-costo-

claviculaires sont les trois articulations secondaires. Toutes ces articulations

fonctionnent simultanément au cours des différents mouvements, dans des

proportions variables [4].

2.1 Eléments de stabilité passive et active

La fonction stabilisatrice de chacune des deux articulations principale lui est propre et

présente des particularités. En effet, l’articulation scapulo-thoracique étant en réalité

constituée de deux plans de glissement séparés par le muscle serratus antérieur, sa

stabilité est uniquement active [5]. Elle se base sur l’activité et le bon fonctionnement

des muscles stabilisateurs de la scapula (élévateur de la scapula, rhomboïdes,

trapèze et serratus antérieur).

En ce qui concerne l’articulation scapulo-humérale il existe une stabilité passive,

même si elle reste restreinte. La tête humérale fait face à la cavité glénoïdale de la

scapula mais seulement 25% de la surface de la tête humérale est en contact avec la

glène [2]. Elles restent non congruantes et non concordantes du fait de la disparité

d’étendues des surfaces articulaires en présence et des orientations divergentes

(glène orientée vers l’avant et le dehors de 45° avec le plan frontal et la tête

humérale vers le dedans et l’arrière de 30° avec le plan frontal) [6]. La stabilité

passive se résume à la présence du labrum qui va augmenter la profondeur de la

cavité glénoïdale et permettre une meilleure impaction de la tête humérale ; elle se

résume également à la présence d’un système capsulo-ligamentaire, notamment les

ligaments gleno-huméraux (faisceaux inférieur et moyen prioritairement) et coraco-

huméral.

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La stabilisation active est quant à elle le fait de l’action des muscles courts et

profonds que sont ceux constituant la coiffe des rotateurs (subscapulaire, infra-

épineux, supra-épineux, petit rond). Ils ont pour but de créer une force compressive

constante de l’articulation gléno-humérale au cours des mouvements du membre

supérieur. Pour cela leur action doit être parallèle à l’épine de la scapula (position de

stabilité articulaire maximale) [3]. On verra que l’on peut chercher à s’éloigner de

cette position, notamment pour recréer les risques connus dans certaines gestuelles

sportives. Ces muscles courts fonctionnent en co-contraction, infra épineux et petit

rond compense la contraction du subscapulaire ; la coiffe inférieure compense le

deltoïde [1]. Les autres muscles de la ceinture scapulaire vont eux aussi avoir un rôle

à tenir (trapèze, serratus antérieur, rhomboïdes, élévateur de la scapula).

L’articulation scapulo-thoracique n’étant pas maintenue par des structures passives,

seule une activité musculaire va permettre de plaquer la scapula contre le thorax [5].

Les muscles de la coiffe auront alors une base stable sur laquelle s’appuyer.

2.2 Rythme scapulo-huméral

Ce terme décrit la bonne synchronisation des mouvements qui sont observés entre

les différentes pièces osseuses de l’épaule (scapula/humérus/clavicule) et entre les

différentes articulations. Cette synchronisation permet un alignement entre la glène

et la tête de l’humérus [2]. Il faut un déroulement harmonieux et coordonné de ces

mobilités pour avoir un mouvement efficace, indolore et fonctionnel.

Le rythme scapulo-huméral est décrit pour le mouvement d’abduction du membre

supérieur. Les articulations scapulo-thoracique, gléno-humérale et le rachis

n’interviennent pas les uns après les autres mais simultanément dès le début du

mouvement (fig.1). Seule la proportion de mobilité relative à chaque élément est

différente [5].

De 0 à 30°, le mouvement se fait essentiellement au niveau de l’articulation gléno-

humérale (5/6 de la mobilité)

Après 30°, la proportion de la participation de la gléno-humérale diminue

progressivement, la mobilité est alors prioritairement le fait de l’articulation scapulo-

thoracique.

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Au-delà de 150° c’est le rachis qui permet d’atteindre les derniers degrés d’abduction

[5].

Ce couplage est possible grâce au travail concentrique des muscles mobilisateurs et

au relâchement des antagonistes au mouvement. Ainsi, les moteurs de l’articulation

scapulo-thoracique sont les muscles trapèze et dentelé antérieur, pour l’articulation

gléno-humérale il s’agit de la coiffe des rotateurs et du deltoïde. A l’inverse les

muscles qui se relâchent sont le petit pectoral, l’élévateur de la scapula et les

rhomboïdes en ce qui concerne la scapulo-thoracique et le muscle grand rond pour

la gléno-humérale.

Dans les pathologies de l’épaule, qu’il s’agisse d’une instabilité ou d’une pathologie

tendineuse, des dyskinésies sont généralement observées. Cause ou conséquence

de ces pathologies, aucun des deux n’est démontré mais les observations attestent

de la présence de ces dysfonctionnements. On en retrouve différents types [7] :

Le début du mouvement se caractérise par une adduction de la scapula et

une sonnette médiale. On a alors une ouverture de l’angle scapulo-huméral et

un semblant d’abduction de l’humérus. Tout cela s’ajoute à un défaut de

bascule postérieure de la scapula. La suite du mouvement est identique au

rythme « normal » avec une sonnette latérale et abduction de la scapula.

L’exagération de sonnette médiale est rapprochée à une insuffisance du

couple trapèze inférieur/dentelé antérieur et à un défaut d’étirement du petit

pectoral, élévateur de la scapula, tout comme l’absence de bascule

postérieure (fig.2) [7].

Dans les incapacités fonctionnelles plus importantes on rencontre un autre

type de dyskinésie. Le moignon de l’épaule s’élève sans abduction de

Figure 1 : chronologie du rythme scapulo-huméral

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l’humérus. Seule la scapula effectue une abduction mais l’angle scapulo-

huméral ne s’ouvre pas.

Lors des examens effectués au cours des séances de rééducation et lors des

exercices de prise de conscience du mouvement correct et de contrôle neuro-

musculaire il faudra veiller à ce que le rythme scapulo-huméral soit respecté.

L’action est à la fois passive par les étirements des structures capsulo-

ligamentaires et musculaires, et active par un recrutement musculaire efficient.

2.3 Activité proprioceptive

Les bases du fonctionnement proprioceptif sont l’essence même de la mise en place

d’une rééducation neuro-musculaire efficace. Le système sensitif proprioceptif fait

partie intégrante de l’organisation de l’équilibre globale du corps lors de tout

mouvement. Il permet l’ajustement permanent des différents segments de membres

entre eux et avec le tronc en fonction des déstabilisations intrinsèques et

extrinsèques.

Il peut être découpé en trois propriétés distinctes [8] :

Statesthésique, positionnement d’un membre par rapport à un autre membre

ou par rapport au corps

Kinesthésique, ajustement du mouvement effectué (sens, direction, vitesse,

amplitude), sensibilité au mouvement

Adaptation motrice à la résistance appliquée sur le membre

Figure 2 : éléments anatomiques en cause dans les dyskinésies

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Ces différentes informations sont traitées de façon inconsciente (réflexes

médullaires) et de façon consciente (traitement cortical). C’est cette dernière qui

nous intéressera le plus au cours de la prise en charge.

Les stimuli à l’origine de l’activité proprioceptive sont enregistrés à différents niveaux

par les structures suivantes [8] :

Les récepteurs cutanés (corpuscules de Meissner, de Ruffini, de Pacini et

disques de Merkel) sensibles aux déformations cutanées (étirement,

frottement …)

Les fuseaux neuro-musculaires sensibles à l’étirement musculaire, ils codent

pour le positionnement du segment de membre

Les appareils tendineux de Golgi sensibles à la tension exercée par le

muscle sur le tendon

Les récepteurs articulaires (corpuscule de Ruffini…)

L’organisation de ce système proprioceptif au niveau de l’épaule met en évidence la

présence de nombreux récepteurs articulaires comme les corpuscules de Ruffini,

stimulés dans les amplitudes extrêmes ou comme les corpuscules de Pacini au

niveau de ligament gléno-huméral. Les organes tendineux de Golgi vont quant à

eux tenir un rôle primordial dans l’organisation neuro-musculaire et dans la stabilité

de l’articulation [8]. Leur stimulation entraine un relâchement des agonistes et une

contraction des antagonistes essentiels à la protection de l’articulation.

Cette organisation est sous le contrôle d’un système d’intégration à plusieurs

niveaux :

Médullaire, par des réflexes et des schémas moteurs élémentaires (arc

réflexe entre le système capsulo-ligamentaire et les muscles deltoïde,

trapèze, grand pectoral et la coiffe des rotateurs) [1]

Tronc cérébral

Cortex cérébral et cervelet, c’est la proprioception consciente et inconsciente,

le contrôle de l’activité motrice

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Ce fonctionnement est complexe mais une bonne coordination et l’intégrité de tous

ces éléments est essentiel dans le contrôle du mouvement. Les dyskinésies sont

alors inexistantes et l’articulation est mieux protégée.

3. La scapula, élément central du bon fonctionnement du membre supérieur

L’articulation scapulo-thoracique est une syssarcose. La scapula glisse sur le grill

costal par l’action de l’ensemble des muscles de la ceinture scapulaire. On ne

retrouve aucun syteme capsulo-ligamentaire. La stabilité est uniquement active et le

fruit, comme pour la mobilité, de l’action de la ceinture scapulaire. Le dentelé

antérieur sépare deux plans de glissement, en avant, la plan serrato-thoracique et en

arrière, la plan serrato-scapulaire.

3.1 Les muscles de la ceinture scapulaire

L’ensemble biomécanique qu’est la ceinture scapulaire est constitué de 19 muscles

que l’on peut séparés en trois groupes (fig 3) [9] :

Les muscles moteurs de la scapula : Rhomboïdes, élévateur de la scapula,

trapèze, serratus petit pectoral et omo-hyoïdien.

Les muscles moteurs de la clavicule : sub-clavier et sterno-cléido-mastoïdien

Les muscles moteurs de l’humérus : deltoïde, grand pectoral, sub-scapulaire,

supra épineux, infra épineux, petit rond, grand rond, grand dorsal coraco-

brachial, longue portion du biceps, longue portion de triceps.

Figure 3 : Représentation du plan musculaire postérieur

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Tous ces muscles, pour fonctionner sont regroupés en 25 couples de rotation. Sur le

plan mécanique tous les mouvements ont comme substrat mécanique celui de la

rotation. Ce fonctionnement va permettre d’assurer la stabilité de l’articulation

scapulo-thoracique, stabilité uniquement active, musculaire [9].

Il faut considérer tous ces muscles non pas l’un à coté de l’autre, fixés entre des

segments osseux, mais comme continus, de leur insertion proximale para-vertébrale

à leur insertion distale humérale. La scapula est alors le relais entre les muscles

attachés à l’articulation gléno-humérale et ceux attachés à la scapulo-thoracique.

On décrit traditionnellement deux fonctions principales à cette ceinture [9] :

Fonction de suspension/élévation de tout le corps

Fonction de transport de charges lourdes

3.2 Les mouvements de la scapula

Lors des mouvements globaux du membre supérieur la scapula se mobilise dans les

trois plans de l’espace. Tous ses mouvements sont associés entre eux et avec ceux

des autres articulations de l’épaule, plus particulièrement, la mobilité scapulaire est

conditionnée par la clavicule.

Les mouvements suivant peuvent être décrits [7]:

Adduction/abduction

Bascule antérieure et postérieure

Sonnette latérale et médiale

On peut considérer que la scapula effectue des mouvements autour de trois axes

(fig. 4) (transversal, horizontal et antéro/postérieur) et des mouvements de

glissements sur le grill costal en abduction/adduction et élévation/abaissement.

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L’élévation du membre supérieur en abduction dans le plan de la scapula entraîne

des mouvements de sonnette latérale, abduction, bascule postérieure et

abaissements scapulaires. Ce sont les mouvements de flexion et d’abduction qui

sont responsables de la plus grande mobilité scapulaire [9]. Dans cette situation le

mouvement principal est celui de sonnette latérale. L’amplitude la plus importante est

décrite en fin d’abduction du membre supérieur. L’articulation scapulo-humérale est

en amplitude maximale.

Le couplage entre les articulations scapulo-thoracique et gléno-huméral est

primordial dans la biomécanique du mouvement du membre supérieur. La scapula

est en effet le lieu d’insertion des muscles de la coiffe des rotateurs et, par

l’acromion, forme le toit du défilé sous acromial, source de nombreux conflits en cas

d’instabilité ou de décentrage de la tête humérale.

Cette mobilité dysfonctionne lorsque l’épaule subit un traumatisme ou qu’une

instabilité est retrouvée.

3.3 Son rôle dans la stabilité du membre supérieur

La scapula peut être comparée à la patella, les muscles s’insérant sur elle assurent

une liaison avec le thorax, l’humérus ou le cou, [10]. Cet os sésamoïde est donc au

centre de l’ensemble articulaire de l’épaule, c’est le point central de tous les

mouvements du membre supérieur. Ses glissements sur le grill costal dans toutes

les directions lui permettent d’assurer les degrés extrêmes d’amplitude de l’épaule

[11].

Figure 4 : mobilité scapulaire

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Classiquement quatre rôles lui sont décrits [12] :

Donner une base stable à la tête humérale et réaliser des mouvements

coordonnés avec l’humérus

Participer à la mobilité globale de l’épaule (antéposition et rétroposition)

Dégager l’acromion vers le haut pour éviter les compressions de la coiffe avec

les bourses acromiales

Servir de point d’ancrage aux muscles moteurs (biceps brachial/triceps

brachial), aux muscles stabilisateurs (coiffe des rotateurs/dentelé

antérieur/trapèze) et être le lien entre les muscles de la gléno-humérale et

ceux de la scapulo-thoracique.

La stabilité de l’articulation scapulo-thoracique est le point de départ d’un mouvement

efficace et non douloureux au niveau de l’articulation gléno-humérale, il faut une

perpétuelle adéquation entre les deux pour avoir une bonne mécanique

fonctionnelle. On devra alors s’appuyer sur une activation précoce des muscles

stabilisateurs de la scapula.

Tout ceci met en avant le rôle central de cet élément osseux que ce soit dans le but

de stabiliser tout le complexe articulaire ou pour l’efficience du bon mouvement

(coordination musculaire).

4. Présentation et particularité de l’épaule du rugbyman

4.1 Présentation du patient

Pour appuyer l’étude concernant le rôle et l’intérêt de la scapula dans la stabilité de

l’épaule, on étudie le cas de Mr T. Ce dernier, âgé de 22 ans pratique le rugby en

fédéral 2 (niveau national). Cette pratique est intense et se compose en temps

normal de 3 entraînements par semaine, de 2 séances de musculation

supplémentaires et d’un match chaque week end. Il a par ailleurs pratiqué le

handball pendant plusieurs années, en plus du rugby, mais a arrêté cette année. En

parallèle Mr T. travaille en tant que drapeur (métier manuel) au sein d’Airbus.

Suite à plusieurs épisodes de subluxations, associées à des douleurs persistantes

de l’épaule droite, plusieurs examens radiologiques et arthroscopiques sont réalisés.

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L’arthroscanner du 22/07/2011 met en évidences des lésions au niveau du labrum,

dans sa partie antéro-inférieur et postérieure, au niveau de la tête humérale

(encoche postérieure), et au niveau du tendon du long biceps (tendinose et

ténosynovite). Ces éléments, signes d’une instabilité antéro-postérieure de l’épaule,

associés aux douleurs décrites par le patient l’ont contraint à suspendre sa pratique

sportive. La décision de l’intervention chirurgicale est prise.

Mr T. est vu pour la première fois le 04/01/2012. On est alors à 14 semaines de

l’opération (23 septembre 2011) qui a consisté en la mise en place d’une butée

coracoïdienne. Lors de cette première séance le bilan kiné qui est fait ne présente

pas beaucoup d’éléments. Les examens classiques de mesure d’amplitude, de force

musculaire, de sensibilité sont normaux. Le bilan effectué va donc s’appuyer sur des

tests décrits en général pour des épaules non opérées.

Les examens montrent une épaule fonctionnelle, Mr T. a repris le travail et ne décrit

aucune gêne dans son travail ou dans ces activités de la vie quotidienne. Il ne peut

cependant pas encore reprendre le rugby. On peut noter plusieurs éléments, les

tests de mobilité active (flexion, abduction) montrent une dyskinésie (augmentation

de la rotation médiale en diminution de la bascule postérieure) qui n’est pas visible

lors de l’étude morphologique statique. Autre élément, le test de l’armer est positif

puisque Mr T. exprime une appréhension et que du coup l’amplitude complète n’est

pas atteinte. La palpation des différentes structures musculaires met en évidence des

contractures au niveau du trapèze supérieur et de l’élévateur de la scapula, quant au

petit pectoral il présente une hypo-extensibilité (décollement du moignon de l’épaule

en décubitus dorsal) et est douloureux à la palpation. Enfin, il nous décrit à

l’interrogatoire des douleurs parfois présentes, localisées sur la face antéro-

supérieure ou sur la face postérieure du moignon de l’épaule. Ces douleurs ne sont

pas constantes et varient en intensité, en localisation. Il est donc difficile de les

quantifier ou de les qualifier, il faudra s’adapter en temps voulu à ce qui est décrit par

le patient et au lien que l’on peut faire entre l’interrogatoire et les examens. Toutes

ces douleurs sont effectivement rattachées aux observations que l’on a pu faire lors

de nos examens.

Nous sommes en présence d’un jeune rugbyman, en phase de reprise sportive.

L’instabilité chronique de son épaule droite a nécessité une intervention chirurgicale

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de type Latarjet. Les douleurs, la positivité du test de l’armer sont en faveur d’une

instabilité active résiduelle. Cette dernière s’explique aussi par une dyskinésie avec

un défaut de recrutement neuro-musculaire du couple trapèze inférieur/serratus

antérieur et d’autres structures rétractées (capsule postérieure, ligaments trapézoïde

et conoïde, petit pectoral), entraînant des décentrages articulaires et des douleurs.

Les objectifs sont de corriger cette dyskinésie, de renforcer les muscles stabilisateurs

de la scapula, de redonner confiance au patient dans ces capacités. L’objectif à plus

long terme est de lui permettre d’effectuer un retour sur le terrain dans des conditions

optimales, avec un risque de récidive réduit au maximum.

Le principe élémentaire sur lequel s’appuie la rééducation est l’adaptabilité, à chaque

séance il faudra évaluer l’état dans lequel se trouve Mr T. pour être le plus juste dans

les exercices proposés. Cette adaptabilité est aussi le fait d’une prise en charge

libérale, les activités en dehors des séances sont nombreuses et sont à l’origine des

symptômes observés.

4.2 Rappels chirurgicaux sur l’intervention de type Latarjet

L’intervention chirurgicale utilisant la technique de Latarjet ou technique de butée

coracoïdienne est largement utilisée en cas de luxation antérieure vraie ou de

subluxations répétées. Elle est en générale préférée à l’intervention chirurgicale de

Bankart lorsque des lésions osseuses sont présentes [13], ce qui est le cas dans

notre étude clinique (annexe 1). Les risques et complications sont plus souvent

observés (pseudarthrose, infection, lésions vasculo-nerveuses) [14].

L’intervention utilise une voie d’abord antérieure, au niveau du sillon delto-pectoral.

Elle s’étend sur environ 8 cm, en partant de la pointe de l’apophyse de la coracoïde.

La coracoïde est ensuite sectionnée en conservant l’insertion du muscle petit

pectoral sur cette portion.

Le muscle subscapulaire est sectionné longitudinalement, dans le sens des fibres,

tout comme la capsule inférieure. Le greffon coracoïdien peut alors être fixé sur le

bord antéro-inférieur de la glène [14]. La butée est fixée et verrouillée par la mise en

place de deux vis (fig. 5). Ce système permet d’augmenter le diamètre antéro-

postérieur de la glène et de pallier aux lésions osseuses [13].

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13

4.3 Fonctionnement de l’épaule du rugbyman

Le rugby est un sport collectif de contact qui se joue à la main. Selon les phases de

jeux les mouvements du membre supérieur se font donc soit en chaîne ouverte

(passes, regroupements), soit en chaîne semi-fermée (plaquages, mêlées,

regroupements) [13]. Le plaquage est l’action la plus dangereuse pour le complexe

de l’épaule, et particulièrement pour le plaqueur, elle est en effet soumise à un choc

direct violent, avec un risque de luxation antérieure important (abduction/rotation

externe exagérées). Le plaquage « à bout de bras » provoque une rétropulsion

horizontale forcée et demande donc d’avoir la capacité de frontaliser la scapula

(extensibilité du plan antérieur et mobilité scapulaire) [15]. La mêlée est également

risquée puisque le moignon de l’épaule va alors subir une combinaison de forces

importantes et dans des directions différentes contre lesquelles il faudra lutter.

Ces éléments sont assez généraux, et en plus de tout ça il faudra tenir compte, au

cours de la rééducation, du poste occupé par le joueur. Les contraintes sont

effectivement très différentes selon le poste de jeu (avant, arrière, ailier). Les attentes

du joueurs ne seront pas les mêmes et les qualités physiques générales nécessaires

(force musculaire, puissance, rapidité) varieront également. Dans le cas présent, Mr

T. joue à un poste de première ligne, qui induit des phases d’entrées en mêlée, des

phases de touche (porte le joueur à la réception du ballon), de nombreuses phases

de contact ou de plaquage.

Figure 5 : illustration de l’intervention de Latarjet

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5. Examens, correction des troubles passifs

5.1 Début de séance : examens et adaptation de la séance

Mr T. est vu au cabinet deux fois par semaine et effectue deux séances de

musculation par semaine au sein de son club. Chaque séance démarre par une

évaluation de ce qu’il s’est passé depuis la dernière séance, de la gêne ou douleur

éventuelle qu’il est susceptible de ressentir au cours de ses activités, sur les

exercices de musculation réalisés, sa charge de travail. Plus généralement s’il a

constaté des changements depuis la séance précédente, peu importe lesquels. Des

examens complémentaires sont effectués pour affiner ces observations et avoir un

éclairage sur le possible dérangement. Un bilan synthétique est donc réalisé.

On demande à Mr T. de réaliser une flexion du membre supérieur [1], puis une

abduction ce qui permet de contrôler le bon déroulement du rythme scapulo-huméral,

l’amplitude des mouvements et un C-test [16]. On peut ainsi savoir quel mouvement

est douloureux et la localisation de la douleur. En effet une douleur lors de la flexion,

localisée sur la partie antéro-supérieure du moignon de l’épaule est à mettre en lien

avec un décentrage antéro-supérieur de la tête humérale. Une douleur déclenchée

lors de l’abduction, localisée sur la partie supérieure du moignon de l’épaule est liée

à un décentrage supérieur de la tête humérale ou à un spin. Une limitation ou une

douleur lors du C-test confirme le spin de rotation [1].Une anomalie observée lors du

rythme scapulo-huméral (décollement de l’angle inférieur, excès de rotation médiale)

signe un des éléments décrits dans la partie précédente qu’il faudra alors traiter.

Suite à cet examen on va pouvoir palper les éléments douloureux, les différentes

structures musculaires, tissulaires susceptibles d’être à l’origine des anomalies

observées.

Enfin, les tests passifs spécifiques valident les hypothèses :

Douleur sur la partie antéro-supérieur de l’épaule lors de la flexion passive :

Décentrage antéro supérieur, signe d’un conflit

Douleur au dessus du moignon de l’épaule lors de l’abduction : décentrage

supérieur de la tête humérale, signe d’un conflit avec la bourse sous

acromiale, ou spin de rotation interne.

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Douleur postérieure lors de l’adduction horizontale (cross arm test) avec

contre prise sur le bord latéral de la scapula : rétraction des structures

tissulaires ou musculaires postérieures (capsule, grand rond) en lien

également avec le spin de rotation interne.

Test d’appréhension (test de l’armé) : rétraction des structures tissulaires ou

musculaires antérieures (grand et petit pectoral, subscapulaire, ligaments

trapézoïde et conoïde) et/ou décentrage de la tête humérale

Les tests en passif nous permettent de juger du type d’arrêt en fin de course en plus

d’observer les amplitudes [17]. Toutes ces informations sont essentielles pour

adapter chaque séance à l’état actuel du patient, sa possible fatigue, charge de

travail excessive. Les séances ne sont jamais prévues à l’avance mais toujours

proposées en fonction des examens réalisés et des constations faites au cours de la

séance.

5.2 Mobilisation passive de correction

Suite aux examens effectués à chaque début de séance plusieurs manœuvres de

correction passives sont utilisées. Elles sont adaptées aux points de tensions

musculaires, aux décentrages articulaires ou aux rétractions de mobilités observés.

Elles peuvent varier d’une séance à l’autre.

Autre élément important, la séance de rééducation est parfois exclusivement

passive, lorsque les éléments à corriger passivement sont nombreux pour avoir des

résultats efficients ou que l’état de fatigue du patient ne permet pas d’avoir une

bonne réalisation et une qualité de contrôle nécessaire lors des exercices de

renforcement ou de proprioception. Dans l’autre cas, les techniques passives sont

associées à des exercices de rééducation active.

Les premiers déficits observés concernent l’articulation acromio-claviculaire qui

présente une restriction de mobilité. La manœuvre consiste en une mobilisation

passive dans le sens antéro-postérieur. Après comparaison avec la mobilité du coté

controlatéral les manœuvres peuvent être répétées si un déficit persiste. Le

deuxième contrôle concerne ensuite la mobilité passive grâce aux trois tests décrits

précédemment.

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16

On s’intéresse à l’articulation gléno-humérale, trois techniques on été utilisées [1] :

Recentrage postéro-inférieur : en cas de limitation ou de douleur lors de la

flexion. Le patient est assis, le kinésithérapeute se place du coté homolatéral

à l’épaule concernée, il maintient le membre supérieur à l’aide d’une prise en

berceau et effectue un appui dirigé vers l’arrière et le bas au niveau de la tête

humérale.

Spin de rotation latérale : elle est utilisée lors d’une limitation en abduction ou

en adduction horizontale. L’installation est la même que précédemment, le

pouce du kinésithérapeute effectue un contre appui sur la partie postérieure

de la tête humérale pendant que la main du côté de la prise en berceau

entraîne un mouvement de rotation interne du membre inférieur, le but étant

d’entraîner un glissement sur place de la tête humérale.

Recentrage actif : traction/compression articulaire. Cette technique permet

l’action des muscles courts stabilisateurs de la tête humérale que sont les

muscles de la coiffe des rotateurs. Leur action de fait dans une position

d’alignement entre la tête humérale et la scapula, en position courte, puis en

faisant varier la position de l’articulation scapulo-humérale pour permettre une

adaptation des systèmes moteurs. Le kinésithérapeute veillera au bon

alignement articulaire et à l’absence de contraction du muscle deltoïde. Le

recentrage se fait à partir de la stabilité scapulaire par l’action du trapèze

inférieur lors de la traction.

5.3 Etirement musculaire, détente des tissus mous

Les techniques vues précédemment s’intéressent à la réharmonisation articulaire des

éléments osseux. Pour qu’elle soit efficace et perdure dans le temps il faut s’assurer

que les tissus mous péri-articulaires et les muscles ne vont pas ré-entraîner

l’articulation dans cette dysharmonie. Tout cela se fait par des manœuvres de

détente et d’étirement des tissus mous créant ou entretenant ces dysfonctions

articulaires. Le but étant d’obtenir la stabilisation des corrections effectuées.

On a pu voir que plusieurs structures pouvaient entraîner une restriction de mobilité

de la scapula, donc des dyskinésies scapulaires et des troubles du rythme scapulo-

huméral. Rappelons que dans le cas de Mr T. les dyskinésies allaient dans le sens

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d’un décollement de la pointe inférieure de la scapula, d’une bascule antérieure et

d’une rotation médiale exagérée.

Parmi les éléments en cause, on retrouve une sur-utilisation de l’élévateur de la

scapula et du trapèze supérieur [7]. L’action sur ces muscles a pour but de détendre,

d’étirer, notamment par le massage. Ce dernier va dans le sens de l’étirement des

fibres musculaires, et on y associe des pressions ischémiques sur les points de

contractures.

Toujours au niveau musculaire, une hypo-extensibilité du petit pectoral entretient

l’attitude en bascule antérieure et abduction de la scapula (augmentation du risque

de conflit antéro-supérieur) [7]. Dans ce cas c’est toujours l’étirement et la

décontraction qui sont recherchés mais les techniques sont un peu différentes,

associant le massage/étirement réalisé par le kinésithérapeute et l’étirement passif

réalisé par le patient lui-même. Pour la première technique, le patient est allongé en

décubitus dorsal, le kinésithérapeute vient crocheter et étirer le muscle.

Ensuite, en ce qui concerne les structures passives péri-articulaires, les ligaments

trapézoïde et conoïde vont dans le sens de l’augmentation de la bascule antérieure.

Effectivement, ce sont eux qui, au niveau de l’articulation acromio-claviculaire vont

permettre l’ouverture de l’angle scapulo-claviculaire. Une rétraction de ces structures

entraîne une diminution de mobilité scapulaire [9]. Pour cela, le patient est assis, les

étirements sont maintenus longuement pour avoir une action au niveau des

structures passives.

Enfin, les examens de début de séance déclenchent régulièrement une douleur

postérieure lors de l’adduction horizontale. Elle est le signe d’un décentrage

articulaire de la tête humérale vers l’avant par une rétraction de la capsule

postérieure et, plus ou moins, des muscles s’insérant sur la partie postéro-latérale de

la scapula (grand rond). Il est en effet décrit qu’une rétraction de la capsule

postérieure et qu’un déficit d’ouverture de l’angle scapulo-huméral entraîne des

mouvements latéraux précoces de la scapula et une dyskinésie. L’étirement de cette

capsule se fait par des postures.

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6. Deux aspects rééducatifs de la rééducation : renforcement et contrôle neuro

musculaire des muscles stabilisateurs de la scapula

6.1 Renforcement des muscles stabilisateurs de la scapula

Le premier axe de la rééducation mis en place est le renforcement musculaire. Le

travail de la stabilité de la ceinture scapulaire passe par des exercices de

renforcement des couples de muscles et plus particulièrement du couple trapèze

inférieur/serratus antérieur. Le but des exercices est d’optimaliser la synergie entre

ces deux muscles. La scapula doit pouvoir se sagittaliser et se frontaliser pour que la

résultante des forces exercées sur le complexe articulaire passe toujours par le

centre de la glène humérale [1].

Le serratus antérieur est le seul muscle capable de recréer les composantes de

bascule postérieur, adduction et de stabilisation de la scapula contre le grill

thoracique. Les exercices sont du type « push up », à partir d’une position de

« pompe », la consigne est de venir serrer les omoplates sans fléchir les coudes tout

en contrôlant le placement scapulaire et en évitant l’action du trapèze supérieur

(fig.6).

En parallèle de cet exercice on va chercher à renforcer le trapèze inférieur, toujours

dans le but d’avoir une fixation et une frontalisation de la scapula [7]. L’exercice de

traction/compression (fig.7) dans l’axe de l’épine scapulaire permet un recrutement

du trapèze inférieur en association avec les muscles de la coiffe des rotateurs. Le

respect de l’alignement et de la stabilité articulaires sont alors optimum.

La progression se fait en faisant varier la

hauteur de l’appui des mains (sur la table

puis sur le step et au sol).

Figure 6 : travail actif du serratus antérieur

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6.2 Rythme scapulo-huméral : sensibilisation et contrôle neuro-musculaire

L’efficacité musculaire ne dépend pas uniquement de la force qu’il peut développer

mais également de la rapidité d’activation en lien avec le mouvement et avec les

autres muscles activateurs [7]. L’articulation gléno-humérale est très pauvre en ce

qui concerne l’innervation capsulaire, le contrôle neuro-musculaire volontaire est à

développer pour permettre le maintien de l’articulation dans une position de stabilité

maximale [3]. Le deuxième axe de la rééducation, et celui sur lequel on insistera,

l’apprentissage du contrôle neuro-musculaire et proprioceptif du mouvement en est

tiré. En effet, l’instabilité entraîne une diminution de la stimulation des

mécanorécepteurs capsulo-ligamentaires du fait d’une désafférentation [1]. En

Le contrôle s’effectue avec le pouce sur le

deltoïde pour vérifier que la traction ne se fait

pas à ce niveau là. Les deux autres doigts

sont situés au niveau des fosses supra et

infra épineuses.

La consigne donnée est de tracter sur la

main du kinésithérapeute, la traction étant

d’abord scapulaire.

Toujours pour travailler le trapèze inferieur,

en lien avec le trapèze moyen et les

rhomboïdes, avec l’aide d’un élastique.

On demande une adduction des scapula en

tirant sur l’élastique (fig.8), mais en

contrôlant l’élévation de l’épaule qui vient

avec la fatigue.

Figure 7 : exercice de traction/compression

Figure 8 : renforcement des adducteurs de la scapula

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parallèle de cela l’activation musculaire des patients présentant ce type de

pathologie est souvent problématique. On note une diminution ou un retard dans

l’activation du trapèze inférieur et du serratus antérieur au profit d’une activation

précoce et trop importante du trapèze supérieur [7].

Dans un premier temps le contrôle est volontaire en demandant au patient de

décomposer les différentes étapes du mouvement. Progressivement le contrôle sera

de plus en plus automatique pour permettre à Mr T. de reprendre ses activités

sportives sans problème.

Les exercices font intervenir les chaînes cinétiques ouvertes et fermées, les deux

étant présentes au rugby lors des différents gestes comme la passe (chaîne

cinétique ouverte) ou lors des plaquages, mêlées (chaîne cinétique semi fermée).

Pour aider au contrôle on commence les exercices avec un contrôle visuel (miroir) ou

avec des informations sensitives tactiles et un guidage du kinésithérapeute [8].

En ce qui concerne le travail en chaîne cinétique fermée, on débute avec des

exercices sans déstabilisations extrinsèques.

Lorsque ce premier exercice est bien intégré par Mr T. l’utilisation de déstabilisations

extrinsèques permet d’accroitre la difficulté des exercices. Pour cela les stimulations

extrinsèques sont imposées par un demi-ballon sur lequel Mr T. déplace ces appuis

manuels.

La scapula est toujours fixé avant de

déplacer l’appui. Les déplacements se font

dans toutes les directions (fig.9). En

progression on lui demande de passer sur un

appui unilatéral et d’ouvrir le membre

supérieur gauche. A droite, l’alignement entre

l’épine scapulaire et l’humérus doit être

respecté.

Figure 9 : exercice proprioceptif avec déstabilisations intrinsèques

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La progression se fait en variant la surface d’appui et en incluant un travail

pliométrique. Les exercices de stabilisation rythmique et de pliométrie permettent

d’améliorer la proprioception du fait d’une adaptation au niveau médullaire et au

niveau du contrôle supra spinal [1]. On demande alors une

réception/amortissement/propulsion (fig.10).

Le travail en chaîne cinétique ouverte qui est associé aux exercices précédemment

évoqués permet d’aborder l’aspect neuro musculaire d’une autre manière, les

adaptations proprioceptives sont différentes, et les consignes données elles aussi

diffèrent. Le rythme scapulo-huméral se déroule comme tel, la mobilité est d’abord

gléno-humérale avec une stabilité scapulaire, puis scapulo-thoracique et enfin par

une inclinaison rachidienne.

Pour le premier exercice on utilise un élastique fixé à un mur.

La consigne est d’effectuer des mouvements en « 8 », dans toutes les directions et

en variant l’amplitude, tout en contrôlant le rythme scapulaire et l’élévation de

l’épaule (fig.11).

Dans un deuxième temps, l’amplitude du mouvement et la vitesse d’exécution sont

augmentées.

Figure 10 : exercice de proprioception avec déstabilisations extrinsèques

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Toujours pour le travail en chaine cinétique ouverte, l’utilisation d’une « flexibarre »

permet une stimulation différente en gainage scapulaire. La contraction musculaire

est permanente pour entretenir le mouvement, la scapula est fixée par les

stabilisateurs de la ceinture scapulaire (fig.12). La stimulation des récepteurs

articulaires et neuro-tendineux permet de corriger les décentrages aléatoires

observés dus à une micro-instabilité. Cet exercice demande une attention constante

pour éviter l’apparition de dyskinésies. Il entraîne une fatigue musculaire précoce, et

demande alors au patient un niveau de vigilance accru. Il est important de travailler

dans ces moments de fatigue pour améliorer encore plus le contrôle neuro-

musculaire [18].

Position 1 :

Position 2 :

Dans un premier

temps on travaille en

position 1, puis en

position 2, pour enfin

passer en actif de la

position 1 à la

position 2.

Figure 11 : exercice de stimulation neuro-musculaire en chaîne

ouverte

Figure 12 : exercice neuro-musculaire en chaîne ouverte et gainage

musculaire

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Enfin, on propose un dernier exercice alliant des déstabilisations extrinsèques au

niveau du membre supérieur et au niveau du bassin.

Les déstabilisations au niveau du bassin sont créées par le ballon et celles au niveau

du membre supérieur par la balle de tennis (fig.13). Cet exercice tend à recréer les

déstabilisations connues lors d’une mêlée sans les forces de pression qui s’exercent

dans ces phases de jeu.

6.3 Conseils en vue du renforcement musculaire effectué en club

Un troisième aspect, complémentaire des deux premiers accompagne la

rééducation. En dehors des deux séances faites au cabinet avec nous, Mr T. reprend

un programme de course à pied depuis le milieu du mois de janvier ainsi que de la

musculation (deux séances par semaine avec son club de rugby). Ces deux activités

ont des influences sur notre prise en charge. Les premières séances qui suivent

cette reprise font naître des douleurs en fin d’exercices ou le lendemain. Elles sont

en lien avec la reprise sportive après plusieurs mois d’arrêt donc au

déconditionnement physique et musculaire. Elle est également en lien avec des

troubles du geste, des postures qui manquent encore de contrôle avec la fatigue

musculaire (respect du rythme scapulo-huméral et dyskinésies).

Notre rôle est éducatif. Les conseils qui lui sont donnés doivent permettre la pratique

d’une activité sportive sans douleur. Ils portent sur le positionnement de l’épaule lors

des exercices de musculation. Le programme qu’il suit au sein de son club se

compose de 3 ateliers :

Figure 13 : exercice neuro-musculaire avec double déstabilisation

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Développé-couché

Tirage bas

Tirage nuque

L’exercice en développé-couché peut être contre indiqué dans ce type de pathologie

puisqu’il va dans le sens de l’enroulement des moignons de l’épaule, dans le sens de

l’augmentation de la bascule antérieure et de la sagittalisation [15]. Il est également

souvent responsable de l’apparition d’un déséquilibre de la balance musculaire entre

rotateurs externes et rotateurs internes. Dans le cas présent il va permettre d’aller

vers une stabilité et une mobilité de l’épaule dans tous les plans. Les risques

possibles concernant cet exercice sont expliqués au patient et on lui conseille de

continuer les exercices de frontalisation scapulaire et de renforcement des rotateurs

latéraux en parallèle pour éviter les conséquences néfastes du renforcement exclusif

en développé-couché [15]. De plus l’épaule du rugbyman, et notamment des joueurs

de la mêlée demande une force et une puissance importante des rotateurs internes.

Les entrées en mêlée et les plaquages font intervenir une contraction excentrique ou

statique, le plus souvent à partir d’une position raccourcie.

Les deux autres exercices vont renforcer le plan postérieur et aller dans le sens de la

frontalisation. La balance musculaire est donc respectée puisque le renforcement est

effectué pour les deux groupes musculaires antagonistes, la stabilité est améliorée.

Les conseils se basent sur le positionnement du moignon de l’épaule et sur le rythme

à respecter (stabilisation scapulaire par contraction des adducteurs de la scapula en

premier, puis mouvement au niveau de l’articulation gléno-humérale).

7. Discussion

Le travail présenté décrit la prise en charge, dans le cadre d’un accompagnement à

la reprise sportive d’un rugbyman suite à une intervention chirurgicale de l’épaule.

cette partie va nous permettre d’analyser la rééducation qui a été faite. Le bilan initial

donne alors peu d’éléments concrets et il est difficile de se baser sur des éléments

précis. Les sensations ressenties et décrites par le patient sont essentielles dans le

réajustement permanent de la rééducation. On est dans le perpétuel ajustement. De

ce fait l’utilisation d’échelles spécifiques ne m’a pas paru judicieuse. Elles reprennent

des grandes notions mais ne permettent pas d’évaluer précisément la fonction de

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l’épaule du sportif. Le niveau de performance reste le meilleur moyen d’évaluer la

fonction de l’épaule pour ce genre de population [19]. Les échelles telles que le

DASH, le score de Constant, l’ASES montrent, dès le début de notre rééducation des

résultats satisfaisants quant à la récupération fonctionnelle de l’épaule mais elles ne

permettent pas d’utiliser ces résultats pour en conclure que la reprise de l’activité

sportive est envisageable ou pas. Il a fallu aller au-delà de ces échelles et adapter

notre rééducation à chaque séance pour accompagner au mieux Mr T. dans les

sensations qu’il décrit, l’objectif étant ici de retrouver une épaule présentant des

capacités sus-normales.

De plus, les symptômes observés ainsi que les sensations décrites évoluent d’une

séance à l’autre nous obligeant à toujours ajuster nos techniques et les exercices

proposés. Le bilan diagnostic kinésithérapique n’est pas dans ce cas un bilan initial

détaillé. L’épaule a retrouvé une fonctionnalité et ne gêne pas Mr T. dans ces

activités de la vie quotidienne. Dans un cadre non sportif la rééducation aurait été

diminuée ou stoppée plus tôt, dans le cadre sportif l’épaule est sollicitée de façon

intense par l’activité, la rééducation est prolongée. Le bilan diagnostic

kinésithérapique ressemble alors plus à un bilan effectué à chaque début de séance

pour pouvoir coller au plus juste avec les observations faites.

Autre élément de la prise en charge qui n’a pas été décrit ici et que de nombreux

auteurs mettent en avant concerne le travail des muscles de la coiffe des rotateurs et

leur rôle dans la stabilisation de l’épaule. Ils contribuent effectivement à l’équilibre du

complexe articulaire [18] mais le point de départ de la stabilité, d’une utilisation

efficace et saine du membre supérieur, est l’intégrité de l’articulation scapulo-

humérale. Il s’agit du point d’ancrage du membre supérieur et tout déficit à ce niveau

entraîne des dysfonctionnements plus généraux. C’est la raison pour laquelle c’est

cet aspect de la rééducation qui a été mis en avant mais le travail des muscles de la

coiffe rotateurs était fait en parallèle et intégré au travail de renforcement global. Ces

muscles sont les stabilisateurs courts de l’articulation gléno-humérale et ne peuvent

fonctionner efficacement que sur une base stable c'est-à-dire sur une scapula

stabilisée par l’action des stabilisateurs longs qui a été développée ici. On peut dire

que la stabilisation du membre supérieur est un mécanisme proximo-distal. Les

articulations distales sont sous le joug de stabilité des articulations sus-jacentes. On

conseille à Mr T. de continuer à travailler les différents éléments des balances

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musculaires (rotateurs externes/rotateurs internes, trapèze inférieur/serratus

antérieur) après reprise de l’activité sportive pour assurer la stabilité du complexe

articulaire dans le temps.

Le retour vers le terrain nécessite un accompagnement général qui va d’un

réentraînement physique à l’accompagnement psychologique, le sportif ayant

souvent une appréhension au moment de la reprise et la peur d’une récidive. Pour

cela le retour vers le terrain doit se faire de façon progressive que ce soit par les

exercices effectués, l’intensité, la durée, l’intégration à l’équipe lors des

entraînements puis des matchs. Dès le mois de janvier Mr T. reprend un programme

de préparation physique, la reprise du rugby n’étant programmée que pour le mois

de mars pour permettre cette progression. Ce travail est fait en parallèle des séances

en cabinet et fait suite à 14 semaines d’arrêt, responsables d’un déconditionnement

à l’effort, tant sur le plan cardio-respiratoire que sur le plan musculaire. Un

programme individualisé est mis en place, il tient compte du temps d’arrêt de l’activité

physique, de l’activité sportive qu’il souhaite reprendre, du poste occupé, et des

caractéristiques propres à chacun.

Dans le cas présent le poste occupé est demandeur de force et de puissance

musculaire, qu’il s’agisse des membres inférieurs, du tronc ou des membres

supérieurs. Les exercices effectués en club sont basés sur du gainage au niveau du

tronc (renforcement abdominaux/spinaux), sur des exercices en chaîne fermée

insistant sur les modes pliométriques et excentriques pour le membre inférieur (fente

avant, squat..). Ce mode de travail permet à la fois le renforcement musculaire mais

est également le plus indiqué lors d’une reprise pour la prévention des blessures. Au

niveau cardio-vasculaire la pratique du rugby utilise deux processus énergétiques, la

voie aérobie, du fait de la durée totale d’un match (80 minutes), et la voie anaérobie

alactique (répétition d’efforts plus courts et intenses). Tout cet aspect

reconditionnement physique est pris en charge au sein du club, avec l’aide du

kinésithérapeute en charge de l’équipe.

Enfin, de nombreux auteurs se sont intéressés à ce genre de pathologies et ont

proposé des « protocoles » parfois divergents avec la rééducation proposée pour

Mr.T. Sohier décrit un protocole et des techniques qu’il préconise dans le traitement

de l’épaule [17]. Le principe de ré-harmonisation et de recentrage articulaire est

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proche de celui que l’on a pu voir. Les décentrages observés sont semblables (vers

le haut, vers l’avant et en rétroversion humérale) mais il les différencie bien l’un de

l’autre alors que pour nous il s’agit plutôt d’un décentrage antéro-supérieur plus ou

moins marqué dans chacune des directions. Pour corriger ces décentrages les

techniques sont certes différentes, Sohier corrigeant chaque décentrage l’un après

l’autre, mais aboutissent au même résultat. Sur le plan actif, le renforcement vise les

muscles de la coiffe des rotateurs, les rhomboïdes et le couple serratus

antérieur/trapèze. La différence se fait sur le renforcement du serratus antérieur.

Sohier préconise un travail en chaîne ouverte bras au zénith alors que nous le

faisions en chaine semi-fermée puis en chaine fermée. Il justifie cette position par le

fait que le mouvement ne se fasse pas dans le sens de l’enroulement des épaules.

8. Conclusion

Les instabilités d‘épaule résultant d’une luxation vraie, de subluxations répétées ou

dues aux gestes sportifs sont très fréquentes chez le jeune sportif particulièrement et

pose le problème de la pérennité et de l’avenir du complexe articulaire. La prise en

charge doit donc être précise, suivie pendant un temps important, parfois source de

lassitude de la part du jeune sportif. C’est pourquoi il est nécessaire qu’il comprenne

cette rééducation et les risques encourus, et qu’il y prenne part le plus grandement

possible.

La prise en charge de Mr T. se fait en cabinet libéral avec seulement deux séances

par semaine. Le patient doit donc prendre conscience de l’importance de sa prise en

charge personnelle en dehors des séances. La co-construction d’un plan de

rééducation en ce qui concerne la préparation physique, auquel le patient va pouvoir

adhérer permettra cette autonomie et garantit une implication du patient dans sa

rééducation [17]. La prise en charge en libéral permet à contrario un suivi plus étalé

dans le temps que ce que peut connaître un sportif dans un centre où les périodes

de rééducations sont programmées à l’avance. L’accompagnement se fait jusqu’à la

reprise de la compétition et même après cette reprise.

Cette reprise est régulièrement source d’appréhension, et plus particulièrement sur le

geste incriminé lors du traumatisme. Il faut donc respecter une progressivité et un

accompagnement du sportif pour lui permettre de reprendre au fur et à mesure

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confiance en lui et dans les gestes sportifs. Dans le cas de Mr.T le travail de course

et de musculation en club a commencé dès le milieu du mois de janvier, les

exercices de passes ont été commencés début février. Le retour dans l’équipe pour

les entraînements s’est fait à partir de mars et il a joué son premier match le premier

avril. Cette progression s’est faite sans douleur à l’épaule, et a permis un retour sur

le terrain sans appréhension.

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Bibliographie

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Autres sources

- Site de références de la haute autorité de santé : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/j_5/accueil http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/reeducation_epaule_-_score_de_constant.pdf http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/reeducation_epaule_-_questionnaire_dash.pdf - Sites proposants des modèles d’exercices pour la préparation physique du

rugbyman :

http://www.assistant-coach-rugby.com/pliometrie-4-11.html

http://www.physique-rugby.com/

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Annexe 1 : compte rendu opératoire