interaction entre les Écoulements d'eau et le...

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MINISTÈRE DE L'INDUSTRIE ET DE LA RECHERCHE BUREAU DE RECHERCHES GÉOLOGIQUES ET MINIÈRES SERVICE GÉOLOGIQUE NATIONAL B.P. 6009 - 45018 Orléans Cedex - Tél.: (38) 63.00.12 INTERACTION ENTRE LES ÉCOULEMENTS D'EAU ET LE COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES MASSIFS DE SOLS OU DE ROCHES par C. LOUIS - J.-L DESSENNE - B. FEUGA Département géologie de l'aménagement Division géotechnique B.P. 6009 - 45018 Orléans Cedex - Tél.: (38) 63.00.12 76 SGN 285 AME Août 1976

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MINISTÈRE DE L'INDUSTRIE ET DE LA RECHERCHE

BUREAU DE RECHERCHES GÉOLOGIQUES ET MINIÈRES

SERVICE GÉOLOGIQUE NATIONAL

B.P. 6009 - 45018 Orléans Cedex - Tél.: (38) 63.00.12

INTERACTION ENTRE LES ÉCOULEMENTS D'EAUET LE COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES MASSIFS

DE SOLS OU DE ROCHES

par

C. LOUIS - J.-L DESSENNE - B. FEUGA

Département géologie de l'aménagementDivision géotechnique

B.P. 6009 - 45018 Orléans Cedex - Tél.: (38) 63.00.12

76 SGN 285 AME Août 1976

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PREAMBULE

Ce rapport est l'adaptation française d'un texte paru en anglais

dans les comptes rendus du Symposium NMSR [Numerical Methods in Soil or Rock

Mechanics] organisé en septembre 1-975 par l'Université de Karlsruhe (RFA],

et publié également dans une version un peu différente sous forme de rapport

méthodologique (76 SGN 285 AME] .

Ce travail méthodologique a été réalisé sur fonds propres du

Département géologie de l'aménagement (crédits du ministère de l'Industrie

et de la Recherche].

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SOMMAIRE

PagesRESUME

1 - INTRODUCTION 1

2 - EXEMPLES PRATIQUES 1

3 - CARACTERISTIQUES HYDRAULIQUES DU MILIEU 7

4 - LOIS D'ECOULEMENT DE L'EAU DANS LES MASSIFS ROCHEUX 11

4.1 - Cas des milieux poreux 11

4.2 - Cas des milieux fracturés 11

5 - DETERMINATION DES CARACTERISTIQUES HYDRAULIQUES DU MILIEU .... 15

6 - SIMULATION DES PHENOMENES HYDRAULIQUES OU MECANIQUES 18

7 - ACTION MECANIQUE DE L'EAU SUR LE MASSIF 198 - PRINCIPE DU COUPLAGE DES MODELES HYDRAULIQUE ET MECANIQUE .... 22

9 - VARIATIONS DES CARACTERISTIQUES HYDRAULIQUES DES ROCHES OUDES SOLS 25

9.1 - Observations préliminaires 259.2 - Relation entre perméabilité et état de contrainte 259.3 - Relation entre perméabilité et température 27

10 - EXEMPLE PRATIQUE 27

11 - CONCLUSION 34

BIBLIOGRAPHIE 35

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RESUME

De nombreux problèmes de géotechnique doivent être résolus entenant compte de la présence de l'eau dans les massifs (sols et roches].C'est le cas non seulement pour l'étude de barrages, mais également pourl'analyse du comportement d'excavations souterraines ou de surface, detalus, etc., réalisés en milieux aquifères. Après avoir rappelé les loisrégissant les effets mécaniques dus aux écoulements d'eau dans les massifs, lesauteurs montrent par quels moyens ces effets peuvent être pris en compte dansles modèles mathématiques destinés à simuler les comportements mécaniques desmassifs (méthode des éléments finis). L'approche numérique fait appel à uncouplage de modèles hydrauliques et mécaniques. Ce couplage peut être réalisépour des massifs à géométrie fixe (c'est-à-dire à perméabilité constante) ouencore à géométrie variable avec des perméabilités fonction de l'état decontraintes. Dans ce dernier cas, la solution s'obtient par des simulationshydrauliques et mécaniques successives.

Les erreurs très fréquentes, relevées dans la littérature, concernantla prise en compte du rôle de l'eau dans la méthode des éléments finis, appel-lent une mise en garde. En s'appuyant sur des exemples pratiques (barrage surl'Arnon, Cher), il est montré que de telles erreurs peuvent avoir une influ-ence très importante sur les résultats et donc sur les conclusions des études.

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1 - INTRODUCTION

L'eau est fréquemment présente dans les massifs constituantl'écorce terrestre. En plus de ses effets physico-chimiques, elle joue unrôle capital sur le comportement mécanique du milieu. Les écoulements d'eause traduisent par des poussées hydrostatiques et des forces d'écoulement quidoivent être prises en compte dans les études de problèmes géotechniques.

De même, la présence d'eau conditionne l'état d'équilibre inter-granulaire aussi bien dans les pores que dans les fissures ou fractures desmassifs. Une interaction étroite intervient entre les phénomènes mécaniqueset hydrauliques : l'écoulement conditionne l'état de contrainte qui lui-mêmeinfluence les caractéristiques hydrauliques du milieu. L'état de contrainterégit en effet les variations de la géométrie des discontinuités dans les mi-lieux fissurés ou de l'espace intergranulaire dans les sols ou les milieuxporeux en général.

L'expérience, entre autres dans les domaines du génie civil, minierou pétrolier montre l'importance que revêt cette interaction "écoulement -état de contrainte". De nombreux exemples pratiques peuvent à ce sujet êtreévoqués [paragraphe 2).

De nombreux problèmes de géotechnique doivent donc être résolus entenant compte de la présence de l'eau dans les massifs (sols et roches). C'estle cas non seulement pour l'étude de barrages, mais également pour l'analysedu comportement d'excavations souterraines ou de surface, de talus, etc.,réalisés en milieux aquifères. Il importe à ce sujet de connaître les loisrégissant les effets mécaniques dus aux écoulements d'eau dans les massifs etde définir les moyens par lesquels ces effets peuvent être pris en compte dansles calculs, en ayant recours, par exemple, à des modèles mathématiques destinésà simuler le comportement mécanique des massifs (méthode des éléments finis).L'approche numérique fait appel à un couplage de modèles hydrauliques et méca-niques. Ce couplage peut être réalisé pour des massifs à géométrie fixe (c'est-à-dire à perméabilité constante) ou encore à géométrie variable avec desperméabilités fonction de l'état des contraintes. Dans ce dernier cas, lasolution s'obtient par des simulations hydrauliques et mécaniques successives.

Les erreurs très fréquentes, relevées dans la littérature, con-cernant la prise en compte du rôle de l'eau dans la méthode des élémentsfinis, appellent une mise en garde. En s'appuyant sur des exemples pratiques(barrage sur l'Arnon, Cher) il est montré que de telles erreurs peuvent avoirune influence très importante sur les résultats et donc sur les conclusionsdes études.

2 - EXEMPLES PRATIQUES

De nombreux exemples pratiques (parfois historiques) permettentd'illustrer l'importance du rôle de l'eau sur le comportement des massifs.

De plus en plus en effet, il est imposé au constructeur de réaliserdes aménagements en milieux aquifères. Le comportement des appuis d'ouvragesou encore des massifs traversés par des souterrains est donc lié aux phénomènes

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d'écoulement de l'eau et à leurs conséquences à deux stades bien distinctsde l'histoire de la construction :

- pendant la phase transitoire des travaux- au cours de l'exploitation de l'ouvrage après construction

[phase transitoire ou permanente, suivant les cas).

Le barrage (fig. 1) a pour but, de par sa nature même, de créerartificiellement un gradient hydraulique important. L'énergie potentielle del'eau est stockée dans un réservoir dont la quasi totalité des parois estconstituée par des massifs rocheux. Les phénomènes hydromécaniques intervenantdans ces massifs doivent être analysés par le projeteur qui a pour tâched'établir le dimensionnement optimal de l'ouvrage. Ces phénomènes sont toujourstrès complexes, ils peuvent même parfois mettre en péril la stabilité del'ouvrage [fig. 2). En ce qui concerne l'exemple tragique du barrage deMalpasset, BERNAIX (1967) a montré que sous l'effet de la poussée due au bar-rage, les perméabilités dans le massifs de fondation ont été réduites dans unrapport moyen de l'ordre de 1 0 . Il s'est ainsi créé un "barrage hydrauliquesouterrain" sur lequel se sont concentrées les poussées d'écoulement, ce quia contribué à la rupture par glissement de l'assise du barrage suivant unefaille située sous l'ouvrage.

Fig. 1 Barrage de Monteynard sur le Drac (Isère)

Le comportement d'un barrage est conditionné par les phénomènesd écoulement de l'eau dans ses appuis [doc. Intrafor-Cofor)

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Fig. 2 Vue amont du site du barrage de Malpasset sur le Reyran

Les phénomènes hydro-mécaniques se produisant dans le massif defondation d'un barrage peuvent provoquer sa rupture.

Les massifs de fondation des grands ouvrages et les pentes rocheusesnaturelles ou artificielles sont sauvent sollicités par des écoulementssouterrains liés aux conditions hydrogéologiques naturelles et aux précipi-tations. Ces conditions, comme les crues des rivières, sont essentiellementaléatoires ; leurs conséquences sont donc dangereuses parce que difficilementprévisibles. Les gradients hydrauliques intervenant généralement dans lesmassifs de fondation et les pentes sont certes peu élevés (comparativement àceux intervenant sous les barrages), mais l'élément important réside dans lefait que ces gradients engendrent des forces de l'ordre de grandeur des forcesagissant sur le massigen l'occurrence le poids propre du terrain. La vue dela figure 3 illustre de manière concrète l'importance de ce problème. Une tellerupture, bien qu'importante, n'a cependant pas eu les proportions catastro-phiques de certains glissements, comme celui de Vaïont en 1963 en Italie, où300 millions de mètres cubes de roche provoquèrent la vidange brutale d'uneretenue de barrage et une vague d'eau qui rasa la ville de Longarone, faisantainsi plus de 3 000 victimes. Les ouvrages humains, auxquels on a reproché desusciter des catastrophes (ROUBAULT, 1971), comme les massifs naturels, onthélas une existence qui reste pour une très forte part liée aux caprices deseaux souterraines.

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Fig. 3 Etat d'une autoroute après un glissement de terrain, dans la valléede la Norava, au sud de Belgrade [Yougoslavie)

Des problèmes d'hydraulique des roches, également extrêmement graves,se posent souvent au mineur. L'exploitation de gisements en milieux aquifèresest entravée par les venues d'eau. De plus, la stabilité du massif encaissant[galeries, piliers, bords de fosse] est mise en péril par la poussée de l'eauinterstitielle. L'eau dans les mines se solde donc par une double action quigrève de manière appréciable le coût de la production du minerai. La figure 4montre un exemple de l'action possible de l'eau qui, suite à l'infiltration dansles fissures de traction, caractéristiques des mines à ciel ouvert, peut pro-voquer un glissement impartant.

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¿ flaques d'eau

sur le zradin

fissures de

traction

Fig. 4 Fosse Atalaya (Rio Tinto, Espagne)

L'infiltration d'eau de pluie dans les fissures de traction peutprovoquer la rupture.

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La presence d'eau se traduit également par une incidence économiquesur l'exploitation au niveau du dimensionnement des ouvrages miniers. Lespoussées d'écoulement imposent en effet une réduction du taux de dépilage ensouterrain ou des angles de fosse en surface ou encore une augmentation dusoutènement. Ainsi, à titre d'exemple, une réduction de un degré de l'angle defosse de l'exploitation MIFERMA de Tazadit en Mauritanie, entraîne une éva-cuation d'une dizaine de millions de mètres cubes de stériles supplémentaires.Les sollicitations dues à l'eau sont souvent extrêmement élevées en raisondes gradients hydrauliques gigantesques régnant parfois autour des exploi-tations minières. Dans les mines profondes d'Afrique du Sud [mines d'or),l'exhaure impose des rabattements supérieurs à 2 000 m dans des aquifèressouvent compartimentés par des barrières étanches. De telles situations - en-gendrant des gradients hydrauliques très nettement supérieurs à ceux que l'onobserve sous les plus grands barrages du monde - posent des problèmeshydromécaniques d'une extrême gravité. Ainsi à West Driefontein, les travauxde creusement entraînèrent en 1968 un coup d'eau brutal se traduisant par undébit localisé de 5 m3/s, noyant la mine sur une hauteur de plus de 1 300 md'eau.

D'une manière tout à fait générale, la présence de l'eau dans lesmassifs rocheux est très préjudiciable à la stabilité. Ce n'est pas la valeurabsolue de la pression de l'eau ni de son débit qui importe, mais la valeurdes gradients hydrauliques et du rapport des poussées d'écoulement qu'ilsengendrent et des forces appliquées au massif. Le dimensionnement d'unefondation, l'analyse de la stabilité d'une pente ou d'un massif sur lequel unouvrage s'appuie ou encore l'étude d'optimisation d'une exploitation minièreen milieux aquifères, imposent une étude préalable des conditions d'écoulementde l'eau souterraine et des conséquences de ces écoulements.

L'eau souterraine joue également un rôle important dans lesphénomènes sismo-tectoniques, et en particulier pour les tremblements de terre.

Il a ainsi été mis en évidence par EVANS [1966) que l'activitésismique intense enregistrée à Denver de 1962 à 1966 était en liaison directeavec des injections de résidus industriels liquides dans des couches profondesdu sous-sol à partir des puits de l'arsenal de Rocky Mountain, situé non loinde Denver. L'augmentation de pression interstitielle résultant de ces injectionsavait pour effet de réduire la valeur des contraintes normales aux surfaces dediscontinuités. Cette diminution entraînait une réduction de la résistance aucisaillement le long des discontinuités du massif, qui étaient le siège dedéplacements soudains sous l'effet des contraintes tectoniques préexistantes.

Les pompages d'essai montrent par ailleurs que les perméa-bilités des terrains sont plus élevées en cours d'injection (diminution descontraintes effectives et ouverture des joints) qu'en cours de pompage(augmentation des contraintes effectives et fermeture des joints).

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3 - CARACTERISTIQUES HYDRAULIQUES DU MILIEU

Pour caractériser un milieu - eu égard à un état ou à unepropriété donnés - les six qualificatifs suivants (opposés deux à deux] :

continu - discontinuhomogène - hétérogèneisotrope - anisotrope

sont communément utilisés. Aux massifs rocheux, à l'échelle des ouvrageshumains, on ne peut hélas attribuer que les propriétés les plus complexes,en raison de leur comportement tant hydraulique que mécanique. Ils constituenten effet des milieux discontinus, hétérogènes et anisotropes. La complexitédes roches est due non seulement à la multiplicité des formes cristallines deleurs constituants, mais surtout à leur fragmentation. La fragmentation dansles roches intervient à des échelles très variées : depuis le défaut micros-copique à l'échelle du cristal jusqu'à l'accident majeur plurikilométrique àl'échelle de la formation géologique.

Le géotechnicien simplifie les choses à son échelle, en considérantdans les roches deux grands types de fragmentation : les microdiscontinuitésà échelle inférieure à celle de l'échantillon (décimétrique) et les"macrodiscontinuités" (dimensions supérieures au décimètre] à l'échelle desouvrages. Il schématise ainsi les roches en les assimilant a un assemblagede blocs rocheux séparés par des macrodiscontinuités, fissures ou fractures.Le bloc rocheux est supposé constitué par de la roche poreuse, saine, c'est-à-dire sans fissure apparente ; ce milieu est désigné par le terme "matricerocheuse". L'assemblage de blocs rocheux, à l'échelle des aménagements humains,est par contre désigné par le vocable "massif rocheux". Les termes fissures etfractures sont considérés au sens large, ils englobent tous les défauts,discontinuités, accidents du massif rocheux, quelle que soit leur originegéologique : joints de stratification, de schistosité, diaclases, failles, etc..

Les fissures et fractures qui fragmentent les massifs rocheuxoffrent évidemment à l'eau souterraine des cheminements privilégiés. Lafracturation des massifs rocheux joue donc un rôle prépondérant en hydrauliquedes roches. Un calcul rapide montre ainsi que des fissures même fines confèrentau massif des coefficients de perméabilité très élevés comparativement à ceuxde la matrice rocheuse.

Une analyse quantitative physique et géométrique des vides (poreset fractures) des massifs rocheux montre que les massifs rocheux ont une forteconductivité hydraulique de fractures et une faible porosité de fractures,tandis que la matrice rocheuse se caractérise par contre par une faible perméa-bilité et une forte porosité. Cet état de choses est très général. Desexceptions à cette règle peuvent cependant se présenter, notamment lorsque lesfractures du massif sont colmatées par un remplissage argileux étancheconstituant ainsi des barrières hydrauliques cloisonnant le milieu ou encorelorsque la perméabilité de la matrice rocheuse est anormalement élevée, commec'est le cas pour certains grès ou conglomérats.

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Le comportement hydraulique des massifs rocheux est donc étroitementlié à la nature, la géométrie et la distribution des fractures qui divisent lemilieu. L'approche de tout problème d'hydraulique des roches nécessite donc àl'amont une analyse structurale du milieu visant d'une part à donner unedescription spatiale de la fracturation et d'autre part, à analyser quanti-tativement tous les paramètres jouant un rôle sur la circulation des eauxsouterraines.

Pour schématiser les propriétés hydrauliques, cinq modèlesfondamentaux sont généralement admis, comme le montre la figure 5 :(LOUIS, 1976).

a) Le milieu poreux, généralement homogène (fig. 5. a)

La matrice rocheuse constitue, à l'échelle macroscopique, unmilieu poreux (avec des vides fins de dimensions relativement égales dansles trois directions) généralement homogène. A l'échelle des ouvrages, surtoutà faible profondeur, les massifs rocheux sont généralement toujours fracturés.Cette représentation est retenue pour les formations à grandes profondeurspour lesquelles des fissures ou fractures peuvent certes exister, mais sontfermées en raison des états de fortes contraintes régnant à ces niveaux.

b) Le milieu poreux fracturé, à discontinuités planaires orientéesdésordonnées (fig. 5. b)

II s'agit du milieu décrit ci-dessus en a) auquel se surajoute leréseau "collecteur" des discontinuités modifiant totalement les caractéris-tiques hydrauliques du milieu. L'influence de la perméabilité de la matriceest dans la plupart des cas négligeable. On peut distinguer le cas des milieuxfracturés à matrice imperméable, de celui des milieux fracturés à matriceporeuse perméable.

c) Le milieu poreux avec barrières imperméables (fig. 5. c)

Les discontinuités des massifs rocheux peuvent présenter unremplissage de matériaux fins (argiles de décomposition par exemple).Ce remplissage, souvent surconsolidé ou gonflant (sous l'action de l'eau)est généralement imperméable.

L'eau souterraine ne peut alors circuler qu'au sein de la matricerocheuse, dans un milieu présentant des barrières étanches. Le milieu peutêtre partiellement ou totalement compartimenté. A l'échelle du massif, lacirculation de l'eau ne peut se faire qu'au profit de "ponts rocheux" assurantla liaison hydraulique entre les "compartiments aquifères".

d) Le milieu poreux avec canalicules (fig. 5. d)

Des observations i,n situ ont montré que l'eau pouvait circuler dansdes canalicules ou "chenaux unidirectionnels", généralement situés dans desfractures importantes présentant un remplissage imperméable. Il s'agit ici dumilieu présent en c avec des conduits ouverts dans les fractures. La circulation

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Milieu poreux Milieu poreux fracturé

Pont rocheux

Milieu poreux avec desbarrières imperméables

Canalicules

Milieu poreux à canalicules

Milieu Karstique

5 Représentation des caractéristiques hydrauliques de lamatrice et du massif rocheux

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d'eau s'établit alors dans un réseau maillé plus ou moins interconnecté,l'équilibre du potentiel s'obtenant par la percolation entre les canaliculesau sein de la matrice rocheuse. Ce cas peut être considéré comme un caslimite, seuls quelques auteurs y font référence dans la littérature(SABARLY et al. (1970), BERNAIX (1970), WOLTERS et al. (1972)).

e) Le milieu avec chenaux de dissolution (fig. 5. e)

Dans cette rubrique entre la grande variété des roches solublesqui constituent les milieux Karstiques. Ces milieux ont été à l'origined'abord fracturés, conformément à l'image b) ci-dessus. Ce sont ensuite lescirculations périodiques de l'eau qui ont modelé par dissolution les chenauxsouterrains. Ces chenaux, souvent de très grandes dimensions, ont une géo-métrie et une distribution qui peuvent être tout à fait aléatoires selonl'histoire des circulations souterraines de l'eau.

Le terme "karst" s'associe à un concept géomorphologique etmorphogénétique, il est généralement employé sous la forme "région karstique'ou région constituée par des roches carbonatées, compactes et solubles danslesquelles apparaissent des formes superficielles caractéristiques (cettenotion est étendue aux autres roches solubles : gypse, sel, etc.) (d'aprèsPALOC H. (1975)).

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La représentation ci-dessus est certes très vaste et diversifiée ;elle nécessite pour l'étude des lois d'écoulement des développements longspour chaque schématisation du milieu. Les auteurs se sont attachés quant à euxà aborder essentiellement les cas a et b des milieux poreux et fracturés quisont certainement les plus fréquents sur le plan pratique.

4 - LOIS D'ECOULEMENT DE L'EAU DANS LES MASSIFS ROCHEUX

Les lois régissant l'écoulement de l'eau dans les massifs rocheux(et les méthodes numériques de résolution] se présentent différemment suivantque l'on assimile ceux-ci à des milieux poreux ou que l'on prend en considé-ration leur caractère discontinu Cécoulement dans les fractures).

4.1 - Cas des milieux poreux

L'écoulement de l'eau en régime laminaire dans les milieux poreuxobéit à la loi de Darcy, qui peut s'écrire sous forme simplifiée

v = U (1)

La combinaison de cette équation et de l'équation de continuitépermet d'obtenir l'équation générale des écoulements dans les milieux poreuxqui s'écrit en régime permanent (SCHNEEBELI 19B6] :

•K I Kx A-i] • -L- c \ L±J + - L . IK2 LU • q = ° (2)K x • \ + 2 (2)3 x 3 y y 3 y 3 z 3 z

De nombreuses méthodes numériques, physiques nu analogiquespermettent la résolution de cette équation, une fois connues les conditions auxlimites du massif.

4.2 - Cas des milieux fracturés

Les phénomènes d'écoulement dans les fractures ont été étudiés parvoie théorique et expérimentale par LOUIS (1967). Si les écoulements dans lesfractures lisses obéissent aux lois classiques valables pour des conduitesquelconques (Poiseuille, Blasius, Nikuradse), il apparaît des écarts importantspar rapport à ces lois dans le cas de fractures rugueuses.

a) Conductivité hydraulique d'une fracture isolée

On considère d'abord une fracture ouverte et sans remplissage, maispouvant présenter des ponts de matière. Dans les milieux rocheux, les fracturesconstituent des conduits caractérisés par une valeur élevée de la rugositérelative, k/Dh (k étant la rugosité absolue, égale à la hauteur des aspérités,et Dh le diamètre hydraulique, égal dans le cas d'une fracture au double deson ouverture libre). Les variations relatives de l'ouverture de la fracturesont donc très importantes, ce qui donne à la fracture, lors d'un écoulement,un coefficient de pente de charge élevé (beaucoup plus élevé que celui que laloi de Porseuille, par exemple, permet de calculer).

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Les lois d'écoulement dans une fracture s'expriment de la manièresuivante :

Régime laminaire : v = k„.J_ (3)

Régime turbulent : v = k' . j " (4)

Dans ces expressions, v désigne la vitesse moyenne d'écoulement,k. la conductivité hydraulique de la fracture, k'_ sa conductivité turbulente,J, la projection orthogonale du gradient hydraulique (J = - grad <)>) sur le plande la fracture et enfin a le degré de non linéarité de l'écoulement (a = 0,5pour l'écoulement turbulent complètement rugueux).

Pour les écoulements dans les fractures, le passage laminaire-turbulent se produit à des nombres de Reynolds (") très faibles (pouvantatteindre 100 et même 10), décroissants quand la rugosité relative de lafracture croît.

Dans les fractures, la transition entre le régime laminaire (a = 1)et turbulent ta = 0,5) est très progressive ; l'exposant a varie lentementde 1 à 0,5 quand le nombre de Reynolds passe de 100 à 2 000, valeurs donnéesà titre indicatif.

Les conductivités hydrauliques définies dans les relations (3) etC4) sont données par les expressions suivantes (figure 9) :

Régime laminaire : k_ = % —f 12 v C (5)

Régime turbulent : k' = 4 Jgë log . (B)(complètement rugueux) h

Dans ces expressions, g désigne l'accélération due à la pesanteur,le degré de séparation de la fracture (rapport de la surface ouverte par la

surface totale de la fracture), e l'ouverture moyenne de la fracture, v laviscosité cinématique du fluide et enfin C et D deux coefficients qui dépendentde la rugosité relative k/D de la fracture (d'après LOUIS, 1967, C =1 + 6 , 8 (k/D.)1'5 et d = 1,9 pour une rugosité relative supérieure à 0,033 ; cequi est en général le cas pour les fractures dans les roches).

Pour les fractures avec remplissage, la conductivité hydraulique estégale à la perméabilité du remplissage à condition, bien sûr, que cette perméa-bilité soit nettement supérieure à celle de la matrice rocheuse.

(:c) Le nombre de Reynolds, défini pour une fracture par la relationRe = v. D, /v, est en fait très difficile à déterminer dans les roches (pourun régime donné, il peut varier énormément d'un point à un autre dans unemême fissure).

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b) Conductivité hydraulique d'un système de fractures

Conformément aux hypothèses formulées dans le paragraphe 3, on admettout d'abord que la fracturation d'un massif rocheux est constituée par plu-sieurs familles de fractures planes parallèles. Pour caractériser les propriétéshydrauliques d'un tel milieu, il suffit de connaître la conductivité hydrauliqueK (laminaire ou turbulente] de chaque famille de fractures. Cette conductivitéhydraulique se définit comme précédemment en reliant le flux unitaire d'écou-lement (débit dans la direction des fractures rapporté à la section totaledu massif) au gradient hydraulique actif, ce qui se traduit par les relations :

Régime laminaire : V = K J (7)

Régime turbulent : V = K' J° (8)

L'échelle du phénomène étudié joue ici un rôle important. Dans levolume considéré, les fractures élémentaires peuvent être, dans leur plan,continues ou discontinues ; ces deux cas sont à étudier séparément :

x Système de fractures continues

La conductivité hydraulique directionnelle d'un système de fracturescontinues se déduit directement de la conductivité hydraulique des fracturesélémentaires. Elle a pour expression (en régime laminaire ou turbulent) :

K = § Kf + Km (9)

Cette relation s'obtient en rapportant le débit d'écoulement à lasection totale du massif, e désigne l'ouverture moyenne des fractures, b leurdistance moyenne, k leur conductivité hydraulique et k la perméabilité de lamatrice rocheuse.

Très souvent, dans la pratique, k est négligeable devant le termeT- k_. Par contre, s'il n'y a pas de fracture, ou si elles sont fermées (e = Det k_ = 0), seul le terme k intervient dans la relation (9), ce qui corres-pond au cas envisagé dans le paragraphe 41.

* Système de fractures discontinues

Une application numérique montre très nettement qu'une famille defractures continues, même très fines, possède des conductivités hydrauliquestrès élevées (une fracture par_mètre, de 0,1 mm d'ouverture, correspond à uneconductivité de l'ordre de 10 ** cm/s; à 1 mm d'ouverture, pour la même fré-quence, correspond la valeur 0,1 cm/s). Ces valeurs théoriques sont doncnettement plus grandes que celles que l'on observe dans la pratique bien que,la plupart du temps, des fractures d'ouvertures supérieures à 1 mm soientprésentes. Les valeurs faibles des conductivités hydrauliques observées dansla nature s'expliquent clairement par le fait que les fractures, même d'ouver-ture notable, sont d'étendue limitée. Dans leur plan, les fractures sont doncdiscontinues. Dans un tel milieu, l'écoulement est évidemment anisotrope. Lesfractures, sans communication, "court-circuitent" l'écoulement lorsqu'il alieu dans leur direction. Les fractures sont à potentiel constant, la circu-lation de l'eau a lieu à travers la matrice rocheuse, avec mise à profitéventuellement de la fissuration secondaire de la roche.

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Ce problème, considéré à trois dimensions, a été programmé surordinateur afin d'obtenir les conductivités hydrauliques de tels milieuxquelle que soit leur configuration géométrique.

Il est à remarquer que, dans les massifs rocheux avec fracturesdiscontinues, le degré de discontinuité et la fréquence des fractures sontles seuls paramètres hydrauliques importants. La perméabilité matricielle kintervient comme facteur multiplicateur dans les conductivités hydrauliquesdes différents systèmes de fractures ; son influence n'apparaît donc que dansle calcul des débits. L'ouverture, la géométrie de la paroi rocheuse, la rugo-sité des fractures, ne jouent aucun rôle. Dans de tels milieux, les écoulementsse font en partie par l'intermédiaire de la matrice rocheuse, ils restent doncgénéralement laminaires.

Plusieurs approches existent pour la résolution des problèmesd'écoulement dans les milieux fracturés.

La première est une approche déterministe, dans laquelle chaquefracture est considérée individuellement (WILSON et WITHERSPOON, 1967].

La seconde est une approche statistique [SNOW, 1967] : connaissantla conductivité hydraulique d'une fracture élémentaire, il est aisé de déter-miner la conductivité hydraulique directionnelle d'une famille de fractures(LOUIS, 1974], en distinguant les systèmes de fractures continues des systèmesde fractures discontinues, qui ont des rôles hydrauliquement très différents.

Le milieu fracturé peut aussi être assimilé à un milieu poreuxéquivalent, dont on peut calculer le tenseur anisotrope de perméabilité, àpartir des caractéristiques hydrauliques et de l'orientation, dans l'espace,de chaque famille de fractures.

Enfin, une troisième approche, qui prend en compte à la foisl'écoulement dans les fractures et dans la matrice poreuse, combine les deuxprécédentes (WARREN et ROOT, 1963).

En définitive, le choix du type d'approche dépend du rapport entrel'écartement moyen des fractures et la taille de la structure étudiée (fig. 6],ainsi que de la possibilité de disposer de données numériques concernant lesfractures. En hydraulique des roches, l'effet d'échelle joue un rôle capital.

Avant d'entreprendre l'étude des écoulements dans un milieu fissuré,il est essentiel de savoir si le problème peut être considéré comme continu oudiscontinu. Il n'y a pas de règle générale pour cela, et tout dépend del'échelle relative du phénomène étudié et de l'intensité de la fracturationcaractérisée, par exemple, par la distance moyenne entre deux fractures. Cettequestion d'échelle relative est illustrée par la figure 6 qui représente lemême problème hydraulique, mais pour des milieux différents.

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/

v ' X : X : : x " X : : : : : : : : x : : : : : : : x : : :

WMMmm

Fig. 6 Milieu continu ou discontinu

Cas 1 et 2Cas 3 et 4

continudiscontinu

On pourra considérer qu'un milieu fissuré est continu si la dimensiondes blocs élémentaires est négligeable comparée à la taille du phénomène envisagé(cas 2, fig. 6], c'est-à-dire si on peut compter environ 10 000 fissures, parexemple, dans une section plane.

D'un autre côté, si le nombre de fissures est compris entre 100 et1 000, l'hypothèse d'un milieu discontinu est nécessaire [cas 3] et finalement,si dans une section donnée, le nombre de fissures est inférieur à 10, chaquefissure devra être individualisée dans le modèle mathématique ou physiqueutilisé (cas 4). Les nombres de fissures indiqués ci-dessus sont subjectifs jen fait, l'hypothèse à choisir devra être soigneusement analysée pour chaqueproblème particulier.

5 - DETERMINATION DES CARACTERISTIQUES HYDRAULIQUES DU MILIEU

Les nouvelles méthodes de la géologie structurale permettent dedéterminer la distribution spatiale des discontinuités, la fréquence d'orien-tation et la continuité de chaque famille de fractures (BERTRAND et LOUIS,1973]. Les paramètres hydrauliques (par exemple section des fissures, rugosité,remplissage, degré de séparation ou de discontinuité des fissures, etc.] sontplus difficiles à déterminer in situ, ne serait-ce qu'en raison de leur nombre(voir le paragraphe 3). Heureusement, de nouvelles techniques de mesure in situont été mises au point, qui rendent possible la détermination directe del'effet global de tous ces paramètres de nature différente ; cet effet global

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s'exprime à l'aide des conductivités hydrauliques directionnelles des différentesfamilles de fractures. Il n'est donc pas nécessaire de connaître la géométriedétaillée des fractures. La conductivité hydraulique directionnelle de chaquefamille de fractures est mesurée séparément, comme le montre la figure 7, àl'aide par exemple de la sondé hydraulique simple ou triple (LOUIS, 1976] oud'un équipement de pompage spécial (J. GALE, 1974). Dans le cas d'un massifrocheux comportant trois familles de fractures, la direction du forage destinéà mesurer la conductivité hydraulique de l'une des familles sera choisieparallèle aux direction des deux autres familles. En général, les essais doiventêtre réalisés dans différentes directions. La longueur de la zone d'essai d'unforage doit, en théorie, correspondre à la longueur des mailles correspondantesdu modèle mathématique ou physique utilisé pour étudier le milieu.

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SONDE TRIPLE PIEZO-PERMEAMETRE

CHAMBREOE MESURE

Fig. 7 Principe de l'essai à la sonde hydraulique triple

[1] Injection dans les cavités de garde (5] Débimètres(2) Injection dans la cavité centrale (6) Compresseur(3] Lecture de pression dans la cavité

centrale(4) Obturateurs

(7) Obturateur généralisé(8) Lecture de pression dans

le piézo-perméamètre

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II est important de noter que l'on ne peut tirer de conclusionsdéfinitives (ut i lisces par exemple pour le calcul des conductivités hydrauliques)à partir de l'observation de l'ouverture des fissures. Celle-ci est en effettoujours plus ou moins influencée, sur le site, par des effets de relaxation,par les tirs» etc..

Les principales objections que l'on peut faire à l'analyse à l'aidede la théorie des écoulements à potentiel des essais hydrauliques sont lessuivantes :

- Non prise en compte du fait que l'écoulement est radial (variationde vitesse dans la direction de l'écoulement).

- Non prise en compte de la turbulence.

- Déformation excessive du milieu sous l'effet de la pression del'eau dans les fissures pendant l'essai (utilisation de pressionsplus élevées que celles qui existent à l'état naturel).

- Non prise en compte de l'influence des conductivités hydrauliquesdans des directions autres que celle testée.

- Non prise en compte de l'effet de puits (perte de chargeadditionnelle).

- Non prise en compte de l'influence du temps et de l'existencepossible de zones non saturées.

6 - SIMULATION DES PHENOMENES HYDRAULIQUES OU MECANIQUES

La connaissance du tenseur de perméabilité [milieux continus) oudes conductivités hydrauliques directionnelles (milieux discontinus) d'unepart, et des conditions aux limites le long d'un domaine fermé d'autre part,permet d'entreprendre la simulation des phénomènes d'écoulement. Cette opé-ration consiste à déterminer au moyen de modèles mathématiques ou physiquesla distribution du potentiel hydraulique § = Z + p/y en tout point dudomaine considéré.

Il en est de même pour la simulation des phénomènes mécaniques. Laconnaissance des caractéristiques mécaniques (lois de comportement, déforma-bilité, résistance), forces appliquées, conditions aux limites en contraintesou déplacements donne la possibilité de déterminer la distribution des dépla-cements et ensuite des contraintes.

La littérature scientifique technique traitant de ces questions està présent très abondante (ZIENKIEWICZ et al. 1967, DESAI 1972, etc.) tant pourles phénomènes mécaniques qu'hydrauliques (méthode des éléments finis, desdifférences finies, de relaxation dynamique, théorie des équivalences, etc.).C'est la raison pour laquelle ces questions ne seront pas abordées dans lecadre de ce chapitre, le problème fondamental abordé par les auteurs étant,rappelons-le, l'interaction entre les phénomènes d'écoulement et le compor-tement mécanique. Cette interaction sera étudiée par couplage de modèleshydrauliques et mécaniques. Cette technique numérique nécessite préalablementun examen des effets mécaniques dus aux écoulements et de l'influence descontraintes (mécaniques ou thermiques) sur les caractéristiques hydrauliquesqui conditionnent de leur côté le réseau d'écoulement.

Il est précisé que les modèles hydrauliques et mécaniques utilisésdans le couplage sont tout à fait classiques (modèles par éléments finis,par exemple).

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7 - ACTION MECANIQUE DE L'EAU SUR LE MASSIF

L'étude de l'action mécanique de l'eau sur un massif rocheuxnécessite de distinguer à nouveau milieux continus et milieux fissurés.

a) Cas des milieux continus

L'eau présente dans les milieux continus exerce sur ceux-ci uneforme volumique égale à

F= - grâ*d p. (10)

Compte tenu de ce que p = y (<f> - z), cette force se décompose en

F = - y grad cf> + Y W grad z

ou encore F = A + S

- > - * • - * • - * •

A est la poussée d'Archimède : A = y grad z = - p g

et S est la poussée d'écoulement : S = - y grad <f> = y J

b) Cas des milieux fissurés

L'action mécanique due aux écoulements dans les milieux fissurés aété étudiée en détail, à trois dimensions, par LOUIS, 1967. Il a été montréqu'un massif rocheux fissuré traversé par un écoulement était soumis à troisforces de volume dues à l'action de l'eau dans les fissures. Ces forces ontpour expression :

Force tangentielle due à la ^viscosité de l'eau (pour une fissure K.) T. = n. Y W -L

Poussée hydrostatique ou _̂poussée d'Archimède A = - pw (1 - n) g \ (11)

Poussée hydrodynamique ou _̂poussée d'écoulement S = y (1 - n) J

Í est le gradient hydraulique global dans l'espace (J = - grad <J>), J. le gradientactif dans la fissure K., et n. la porosité de fissures relative au système defissuration K. (n. = e./b.). Le terme correctif 1-n tient compte de la porositéde fissures n1de l'ensemble du massif. Cette porosité globale de fissures, dansle cas d'un massif rocheux ayant trois familles de fissures, s'exprime par larelation :

n = 1 - ir M - fjO t123

i = 1

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Dans ces expressions e. et b. désignent respectivement l'ouvertureet la distance moyennes des fissures d'une famille K.. La porosité de fis-sures des massifs rocheux est généralement très faible devant l'unité. Poursimplifier on peut admettre, avec une bonne approximation, que les forcesdues à l'eau se réduisent aux expressions suivantes :

W

w

-yg (13)

c) Introduction des forces dues à l'eau dans les calculs

Les expressions analytiques des forces dues à la présence d'eausont approximativement les mêmes pour les milieux continus ou discontinus.La prise en compte de ces forces dans les calculs, pourra se faire de deuxmanières bien distinctes, comme le montre la figure 8 :

- par les forces de volumes A et S conformément aux paragraphesa et b ci-dessus,

- par la pression de l'eau répartie sur la périphérie del'élément considéré.

Forces volumiques A et S Forces extérieures

Lignes équipotentielles Répartition de p

Fig. 8 Les deux façons de prendre en compte l'action mécanique de l'écoulementdes eaux souterraines dans les milieux poreux ou fissurés.

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Des précisions pratiques seront données dans le chapitre 8présentant le programme HYMEC permettant l'introduction des actions duesa l'eau dans le modèle mécanique.

Avant de clore ce paragraphe sur les actions mécaniques dues àl'eau, il importe d'évoquer les erreurs fréquemment commises a ce sujet.Dans le cas d'analyse de stabilité de talus, certains auteurs introduisentsimultanément des forces extérieures (pression de l'eau] sur le volumesusceptible de glisser et le poids déjaugé y. qui résulte en partie de cesforces extérieures. La poussée d'Archimède se trouve ainsi prise en comptedeux fois. La figure 9 illustre l'erreur souvent commise.

Fig. 9 Exemple de prise en compte erronée de l'action mécanique de l'écoulementdes eaux souterraines dans un talus.

De même, par exemple dans l'analyse des contraintes et déformationsdes fondations de barrage, il importe d'être très précis quant aux hypothèsesrelatives aux charges dues à l'eau :

- les charges instantanées dues au remplissage rapide j ces chargessont des sollicitations extérieures qui interviennent avant quele régime d'écoulement s'établisse (fig. 10 a ) ,

- les charges dues à l'eau en régime permanent ; ces actions sontdes forces volumiques uniformément réparties (fig. 10 b).

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a] Remplissage instantané

b) Etat permanent

Q} et (g) Pressions hydrauliques sur le barrage

(D Forces hydrauliques dans la fondation

Fig. 10 Action mécanique de l'eau sur un barrage et son massif de fondation

II est fréquent de constater dans la littérature que les cas decharge a] et b] sont pris en compte simultanément, de manière partielle outotale, ce qui peut occasionner une source d'erreur.

8 - PRINCIPE DU COUPLAGE DES MODELES HYDRAULIQUE' ET MECANIQUE

Le couplage des modèles hydraulique et mécanique, tout a faitclassiques en eux-mêmes, est réalisé par l'intermédiaire du programme HYMEC(cette appellation reprend les premières lettres des termes HYdraulique etMECanique et rappelle donc ainsi le couplage des modèles]. Ce programme a étémis au point dans le détail par FEUGA (1975). Seul le principe de ce programmesera explicité ci-après.

Le schéma général du couplage des modèles hydrauliques, éventuellementthermiques et mécaniques est donné sur la figure 11.

Page 27: INTERACTION ENTRE LES ÉCOULEMENTS D'EAU ET LE …infoterre.brgm.fr/rapports/76-SGN-285-AME.pdf · l'ouvrage [fig. 2). En ce qui concerne l'exemple tragique du barrage de Malpasset,

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MODELEHYDRAULIQUE

0 ^MODELE

THERMIQUE — 0

PROGRAMME DE COUPLAGEH Y M E C

. i •

LOI DE VARIATION DESCARACTERISTIQUES HYDRAULIQUES

K. (p, CT ) p, a variables liées

MODELEMECANIQUE

î

F A(T

Fe

O«,

Fig. 11 Représentation schématique du couplage entre modèleshydraulique, thermique et mécanique.

^Potentiel hydraulique, 0 température, F9 forces thermiques, Fw forces dues àl'eau, Fe forces extérieures,ao contraintes initiales, e déplacements.ACT variation de l'état de contraintes, KCp.ae] perméabilité fonction de lapression p de l'eau et de la contrainte effective

En ce qui concerne le couplage hydraulique - mécanique, c'est larépartition du gradient du potentiel hydraulique dans le milieu qui constituela donnée de base pour la détermination des forces d'écoulement.

Le calcul de ce gradient constitue l'une des étapes du calcul despotentiels dans un programme par éléments finis.

La carte des gradients résultant de ce calcul [programme ELFES](SAUTY - 1972] est mise en mémoire et le programme de couplage détermine, parintégration sur les éléments du maillage du modèle mécanique (qui peut êtredifférent du maillage du modèle hydraulique] les forces nodales d'écoulementqui interviendront à titre de forces "extérieures" dans le calcul par élémentsfinis des déplacements et des contraintes. La figure 12 schématise ce processusLa poussée hydrostatique, elle, est représentée par la prise en compte de ladensité immergée des matériaux.

Page 28: INTERACTION ENTRE LES ÉCOULEMENTS D'EAU ET LE …infoterre.brgm.fr/rapports/76-SGN-285-AME.pdf · l'ouvrage [fig. 2). En ce qui concerne l'exemple tragique du barrage de Malpasset,

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a) Calcul hydraulique

Lignes équipotentielles

Maillage du modèle paréléments finis mécaniques

\

Maillage du modèle paréléments finis hydrau-liques

b) Calcul des forces dues à l'écoulement de l'eau aux noeuds dumaillage mécanique

Force au noeud i due à1'écoulement

Fig.12 Calcul des forces nodales dues a l'écoulement de l'eau

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9 - VARIATIONS DES CARACTERISTIQUES HYDRAULIQUES DES ROCHES OU DES SOLS

9.1 - Observations préliminaires

La conductivité hydraulique d'un milieu, qu'il soit continu oudiscontinu, dépend de l'état de contraintes, qui joue sur l'ouverture desfissures et sur la compacité du squelette solide j de la température qui elleaussi influence l'ouverture des fissures ou la dimension des espaces inter-granulaires (sans parler des variations de viscosité de l'eau] ; et de lapression du fluide qui est liée aux contraintes par une relation du type

a = a + n P (14]6

a étant la contrainte totale, a la contrainte effective et n un coefficientégal à 1 pour les sols et les discontinuités dans les massifs rocheux etinférieur à 1 pour la matrice rocheuse (SERAFIM - 1972].

L'état de contraintes, quant à lui, est lié aux forces extérieures,aux sollicitations d'origine thermique et aux forces d'écoulement ; celles-cidépendent de la distribution du potentiel hydraulique qui elle-même estfonction des perméabilités.

Cette liaison nécessite donc un calcul itératif (fig. 11] pour lequella connaissance des relations entre les différents paramètres est indispensable.

9.2 - Relation entre perméabilité et état de contrainte

De très nombreuses mesures de perméabilité in situ réalisées sur desmassifs homogènes à des profondeurs (donc pour des contraintes] variables ontmontré que la loi empirique qui traduisait le plus fidèlement la variationdes perméabilités en fonction de l'état de contrainte était de la forme

K = K Q e " " °e (15]

K étant la perméabilité dans la partie supérieure de la formation et a uncoefficient dépendant de la nature de la roche et de la fracturation.

Des essais au laboratoire, (LOUIS - 1976] menés d'une part sur deséchantillons parallélépipédiques présentant une fracture très nette et d'autrepart, sur des échantillons cylindriques de diamètre 4 cm et d'élancement 1,sous contrainte radiale, ont confirmé cette loi (fig. 13].

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a) Granite de Bemont

Débit de percolation Ccm3/s)

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GRANITE DE BEMO NT

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b) Gneiss de Grand Maison

Conductivité hydraulique (m/s)10 ' IO-'

100

GNEISS DE

GRAND MAISON

Carotte 1Caioile 2

c) Calcaire de Saintes

Débit de percolation (cm3/s)001 004 001 OOt it 01 .

o «- II

CALCAIRE DE SAINTES

Fig. 13 Débit de percolation ou conductivité hydraulique en fonction de lacontrainte effective pour des milieux poreux ou fissurés [d'aprèsLOUIS, 1976)

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9.3 - Relation entre perméabilité et température

La température influence la perméabilité d'un milieu à la fois parson action sur la viscosité de l'eau et sur l'ouverture ou la fermeture desfractures du fait de la dilatation thermique (JOUANNA et al. 1970].

La conductivité hydraulique d'une famille de fractures s'exprimeen régime laminaire par la relation

3 (16)

où b est la distance moyenne entre fractures.

La viscosité cinématique de l'eau, au voisinage de 20°C, en stokes,est donnée par la formule :

- = 2,1482 [(6 - 8,435) + / 8078,4 + (8 - 8,435)¿] - 120,00 C17)

où 8 est en degrés Celsius.

L'épaisseur d'une fracture varie en fonction de la dilatation dela matière entre les fractures. L'expression analytique de cette fonction estdifficile à établir. Rayneau et al. (1971) proposent une loi trop simple, peuréaliste :

e (6) = eQ - XC8 - 6Q) b (18)

À étant le coefficient de dilatation thermique de la matrice.

Cette relation est très simplifiée car la dilatation de la matricerocheuse se produit en fait dans un milieu confiné. Dans un cas plus général,l'influence de la température sur l'ouverture des fractures se traduit par unerelation du type e Cou K) = eoCou K Q ) e a a8 (19)oQ représentant les contraintes d'origine thermique,ö

10 - EXEMPLE PRATIQUE

Les principes exposés dans les paragraphes précédents ont étéappliqués au cas d'un petit barrage poids en construction dans le départementdu Cher (France) : le barrage de l'Arnon.

Ce barrage présente la particularité d'être fondé sur une faille àpendage amont, remplie d'un matériau très compressible et imperméable ; lafaille occupe une position oblique par rapport à l'axe du barrage et l'étudea été réalisée dans la section transversale la plus défavorable, la partiesupérieure de la faille étant excavée et remplacée par un plot de blocage enbéton.

Le milieu a été assimilé à un milieu poreux et un calcul par élé-ments finis a permis de déterminer le réseau des équipotentielles dans lemassif de fondation, compte tenu de la présence d'un écran d'injection et d'unrideau de drainage (fig. 14).

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• 250.75 N G F270

260

250

/ /////i

imperméable

220

rideau d'injection

Fig. 14 Réseau d'écoulement dans le massif de fondation du barrage del'Arnon (cher] Régime permanent

Les perméabilités dans le massif ont été estimées à partir d'essaisLugeon à différentes profondeurs. Des essais de laboratoire ont montré qu'ellesvariaient peu avec l'état de contraintes.

La connaissance du réseau d'équipotentielles sous le barrage a per-mis de déterminer les poussées d'écoulement dans chaque élément d'un premiermodèle simplifié utilisant la méthode des éléments finis et simulant le compor-tement élastique du massif de fondation et du barrage. Les poussées sur lebarrage lui-même et sur la faille ont été calculées en supposant qu'ils étaientparfaitement imperméables. Les résultats obtenus sont représentés sur lafigure 15. Ils sont très fortement influencés par la prise en compte de larépartition précise des poussées d'écoulement dans le massif ; en particulier,il apparaît sous la partie aval du barrage une zone de traction très développée(due également en partie à la présence du plot de blocage). Il faut noter éga-lement un basculement du barrage vers l'amont.

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traction

»—compression

X

MCD

20017m 2

Fig. 15 Barrage de l'Arnon. Contraintes et déplacements dus au poids du barrage et aux forces hydrauliques dans lemassif de fondation. Régime permanent

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Ces résultats ne sont toutefois qu'approchés. En particulier larésistance à la traction des roches étant très limitée, l'existence de zonesde traction importantes n'est pas réaliste. Les calculs devraient être reprisen utilisant une procédure de "non-traction" (ZIENKIEWICZ, 19683.

Il est cependant intéressant de comparer les résultats obtenusavec ceux d'un calcul plus classique, où les poussées d'écoulement ne sontpas prises en compte Cfig. 16 et 173.

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Faille impermeable

200T/m 2

Fig. 16 Barrage da l'Amon. Répartition des contraintes. Saules ont été prises en compte les forces de pression axtérieures

(cas d'un remplissage instantané] Voir fig. 15 et 17

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Les différences considérables qui existent entre ces deux calculsmontrent le rôle très important que jouent les forces d'écoulement dans lecomportement des massifs.

Remplissage instantanéi cm

Régime d'écoulement permanent

07 cm

t

faille imperméable

Cas de la fig. 16 Cas de la fig. 15

Fig. 17 Comparaison entre les déplacements totaux de la Crète du barrageen cas de remplissage instantané et de régime permanent.Exemple du barrage de l'Arnon (voir fig. 14)p : pression de l'eau ; A, S : forces de volume ;y : poids volumique du terrain ; V V : poids volumique déjaugédu terrain. w

Un modèle plus élaboré, prenant en compte les résultats d'essaisin situ (essais de plaques en galerie) pour la détermination des caractéris-tiques mécaniques des roches de la fondation fut ensuite mis au point. Ilpermit de préciser les résultats fournis par le premier modèle (simplifié) etde définir les dispositifs de drainage et d'ancrage à mettre en oeuvre(fig. 18 et 19).

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• »9,75 NGF

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urn

V \ \ \ \ \ \\ \ \ \ \

Fig. 18 Barrage de l'Arnon. Modèle définitif. Déplacement du barrage etdu massif de fondation dans le cas du régime permanent (on aintroduit en outre une accélération horizontale pour prendre encompte l'effet d'un tremblement de terre)

Drain (diam. 100 mm

Barre d'acierà ancrage réparti

Fig. 19 Barrage de l'Arnon. Dispositif de drainage et d'ancrage adoptés

Cen plus d'un voile d'injection et d'un réseau de drainage conven-tionnel à l'amont)

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11 - CONCLUSION

Bien qu'il reste beaucoup à faire du point de vue de la recherchedans le domaine de l'hydrogéotechnique, il exists d'ores et déjà des méthodesqui permettent de prendre en compte d'une façon plus précise que par le passél'influence de l'eau sur le comportement mécanique des massifs. Mais cesméthodes nécessitent la connaissance d'un grand nombre de paramètres et lesrésultats qu'elles peuvent fournir sont tributaires de l'adéquation destechniques de mesure employées et de la façon dont elles sont mises en oeuvre.

Il ne faut par ailleurs pas se cacher qu'aussi élaborée que soit uneméthode de calcul, elle ne saurait représenter la nature dans toute sa comple-xité j c'est ce qui explique le rôle fondamental de l'auscultation, tanthydraulique (mesure des pressions et des débits] que mécanique (mesure desdéplacements et accessoirement des contraintes]. L'auscultation qui doit inter-venir dès le début des travaux constitue en effet le contrôle indispensable detout calcul. Elle permet de vérifier que les hypothèses faites sont conformesà la réalité, de reprendre les calculs sur des bases différentes si lesécarts entre leurs résultats et les observations réalisées Sont trop importants,ce qui permet éventuellement de réorienter le projet.

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