interactions n°27

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AVRIL 2014 ### 27 Interactions is available in English on http://interactions.utc.fr ÉDITORIAL CAMPUS INTERNATIONAL Inauguration du tronc commun au Chili Page 16 RECHERCHE L’UTC au cœur de projets interdisciplinaires Page 2 CENTRE D’INNOVATION Première Foire à l’innovation Page 3 Art, technologie, philosophie et culture : la rencontre fructueuse Parce que la philosophie doit éclairer les esprits et permet de prendre du recul, Parce que l’art est une activité humaine s’adressant délibérément aux sens, aux émotions et à l’intellect, Parce que la culture, par sa capacité à générer des idées, par sa puissance provocatrice, possède un formidable potentiel à produire du sens et à favoriser l’émergence d’une écologie créative, Parce qu’enfin la technologie, « est le nom que prend la science quand elle a pour objet les produits et les procédés de l’industrie humaine » (Guy Deniélou). Pour toutes ces raisons, l’engagement de l’UTC dans la promotion de synergies et de rencontres improbables et fructueuses entre les acteurs de ce « quatuor » est plus que jamais pertinent et porteur de sens : un sens facteur de dynamisation de l’innovation et de la créativité en tant que composantes essentielles, d’une part de la compétitivité des entreprises et de la prospérité économique et d’autre part du bien-être individuel et collectif. Un sens qui réconcilie Humanités et Technologie et considère que le moteur de la croissance durable repose aujourd’hui sur des investissements immatériels de long terme que sont la formation et la recherche et sur la diffusion de valeurs de coopération, confiance, prise de risque et partage. Le présent numéro d’Interactions illustre magistralement, au travers de ses témoignages et projets en cours, une telle dynamique « réconciliatrice », irrigant le cœur de métier de l’UTC. n Alain Storck Président de l’UTC LES DOSSIERS Numérique, art, technologie à l'UTC Page 5 Regard sur la mobilité internationale Questions à Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger Page 13

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Numérique, art, technologie à l'UTC

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Page 1: Interactions n°27

avril 2014 ### n° 27Interactions is available in English on http://interactions.utc.fr

ÉDITORIAL

cAmpus InTeRnATIOnAL

Inauguration du tronc commun au Chili

Page 16

RecheRche

L’UTC au cœur de projets interdisciplinaires

Page 2

cenTRe D’InnOvATIOn

PremièreFoire à l’innovation

Page 3

Art, technologie, philosophie et culture :

la rencontre fructueuseParce que la philosophie doit éclairer les esprits et permet de prendre du recul,Parce que l’art est une activité humaine s’adressant délibérément aux sens, aux émotions et à l’intellect,Parce que la culture, par sa capacité à générer des idées, par sa puissance provocatrice, possède un formidable potentiel à produire du sens et à favoriser l’émergence d’une écologie créative,Parce qu’enfin la technologie, « est le nom que prend la science quand elle a pour objet les produits et les procédés de l’industrie humaine » (Guy Deniélou).

Pour toutes ces raisons, l’engagement de l’UTC dans la promotion de synergies et de rencontres improbables et fructueuses entre les acteurs de ce « quatuor » est plus que jamais pertinent et porteur de sens : un sens facteur de dynamisation de l’innovation et de la créativité en tant que composantes essentielles, d’une part de la compétitivité des entreprises et de la prospérité économique et d’autre part du bien-être individuel et collectif. Un sens qui réconcilie Humanités et Technologie et considère que le moteur de la croissance durable repose aujourd’hui sur des investissements immatériels de long terme que sont la formation et la recherche et sur la diffusion de valeurs de coopération, confiance, prise de risque et partage.

Le présent numéro d’Interactions illustre magistralement, au travers de ses témoignages et projets en cours, une telle dynamique « réconciliatrice », irrigant le cœur de métier de l’UTC. n

Alain StorckPrésident de l’UTC

les dossiers Numérique, art,

technologie à l'UTC Page 5

Regard sur la mobilité internationaleQuestions à Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger Page 13

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2 Avril 2014 //// Interactions

L’ actuaLité de l’utc

meilleures écoles d’ingénieurs : l’uTc 4e du classement de L’usine nouvelle Comme chaque année, L’Usine nouvelle publie son classement des meilleures écoles d’ingénieurs françaises. Pour établir ce classement, le magazine a évalué les écoles sur trois grands domaines : l’insertion de leurs diplômés dans le monde du travail, l’ouverture internationale de leur formation et leur proximité avec la recherche. En 2014, l’UTC occupe donc le 4e rang dans le classement, gagnant deux places par rapport à l’année dernière ! n

www.usinenouvelle.com/comparatif-des-ecoles-d-ingenieurs-2014

Rue 2014

L’UTC était présente aux Rencontres universités entreprises 2014 pour présenter le centre d’innovation, ainsi que sur le stand de Sorbonne Universités. Alain Storck, président de l’UTC, y a animé une conférence sur le thème « C’est quoi l'innovation ? Quels enjeux derrière la sémantique ? » n

http://webtv.utc.fr/watch_video.php?v=KW5KGYXGG2YH

La foire à l’innovation au centre d’innovationLe jeudi 3 avril s’est tenu au centre d’innovation de l’UTC la première Foire à l’innovation, qui s’inscrivait dans le cadre de la Journée nationale de l’ingénieur, lancée par les Ingénieurs et Scientifiques de France (IESF). Diplômés, futurs diplômés et entreprises se sont retrouvés pour visiter le centre d’innovation et échanger sur le thème de l’innovation. n

http://webtv.utc.fr

RecheRche

Comment remplacer le pétrole dans nos réservoirs ? Est-il possible de rendre une maison autonome énergétiquement ? Plusieurs laboratoires de l’UTC travaillent sur ces questions majeures pour le 21ème siècle, dans le cadre de projets de recherche interdisciplinaires associant des équipes extérieures à l’UTC. Présentation des projets de recherche SISAF et Geo-EcoHome.

L'UTC au cœur de projets interdisciplinaires

Face à la rareté du pétrole, le développement des biocarburants intéresse de plus en plus d’industriels. Parce que les biocarburants de première

génération – issus de cultures telles que le colza, le tournesol, etc. – entrent en compétition avec les usages alimentaires, les recherches se penchent depuis quelques années sur les biocarburants de 2e génération. Ces derniers proviennent de biomasse non dédiée à l’alimentation, comme les déchets agricoles et forestiers. Seul inconvénient : plus difficile à dégrader, cette biomasse dite lignocellulosique exige des traitements plus complexes et énergivores que celle issue des cultures.

sIsAF : étudier les liquides ioniquesC’est pourquoi SISAF, pour « Simultanées saccharification et fermentation de la cellulose », se concentre sur la production de bioéthanol de 2e génération dans des conditions respectueuses de l’environnement. « Aujourd’hui, pour transformer la biomasse lignocellulosique en bioéthanol, il faut passer par trois étapes : le prétraitement de la cellulose, l’hydrolyse de la cellulose en sucres fermentescibles et la fermentation de ces sucres en éthanol », détaille Isabelle Gosselin, maître de conférences, unité Génie enzymatique et cellulaire (GEC) à l’université de Picardie Jules Verne (UPJV), qui coordonne le projet. Ces trois étapes se déroulent dans des conditions de température et de pression élevées et impliquent des molécules très acides ou très basiques pour dégrader et transformer la biomasse. « Nous cherchons à réaliser la production de bioéthanol dans des conditions plus douces, et en une seule étape, grâce à l’utilisation de liquides ioniques, explique Isabelle Gosselin. Les liquides ioniques sont des sels liquides à température ambiante, utilisés depuis une dizaine d’années par l’industrie chimique et, depuis peu, en biologie. Nous étudions les interactions entre ces liquides et les enzymes et levures impliquées dans la production de bioéthanol. »

cinq partenaires académiques picardsCette étude est menée par cinq partenaires : du côté de l’UPJV, outre l’unité GEC qui étudie les procédés à l’échelle du laboratoire (100 ml), la plateforme de microscopie électronique est mobilisée pour observer, à chaque étape, l’évolution de la biomasse en présence des liquides ioniques, et la plateforme analytique veille au bon dosage des composants grâce à la chromatographie et à la résonance magnétique nucléaire. Du côté de l’UTC, le laboratoire Transformations intégrées de la matière renouvelable (TIMR) transpose le procédé à l’échelle du litre, et le laboratoire de mathématiques appliquées de Compiègne (LMAC) modélise le comportement des cellules et des enzymes. SISAF est un projet de recherche académique de trois ans financé par le conseil régional de Picardie (il appartient aux projets de recherche thématiques et structurants de la Région) et l’Union européenne par le biais du fonds FEDER. « Nous avions déjà collaboré avec le LMAC, mais jamais avec le laboratoire TIMR. Notre partenariat se passe très bien, nos outils et nos savoir-faire sont complémentaires et nous avons déjà obtenu des résultats très encourageants quant à l’étude des liquides ioniques. Ces solvants ouvrent de grandes perspectives d’application pour l’industrie », assure Isabelle Gosselin. Après dix-huit mois de recherche, SISAF a sélectionné

deux liquides ioniques qui permettent de descendre la température et la pression de l’opération de prétraitement, de 300 °C à 40 °C et de 50 bars à pression atmosphérique, dans des conditions de pH neutre. Reste désormais à regrouper les trois étapes en une seule !

comment rendre une maison autonome ?

Projet de trois ans, Geo-EcoHome, pour « Gestion, optimisation et conversion des énergies pour habitat autonome », a débuté en octobre 2011. Objectif : rendre autonome une maison classique, habitée par deux adultes et deux enfants, grâce à la production et au stockage d’énergies renouvelables (petit éolien, solaire et batterie

Page 3: Interactions n°27

Avril 2014 //// Interactions 3

lithium-fer-phosphate). Financé par la Région et le FEDER, il est coordonné par Jérôme Bosche, du laboratoire Modélisation, information et systèmes (MIS) de l’UPJV. Les autres unités associées sont le laboratoire de réactivité et de chimie des solides (LRCS) de l’UPJV, ainsi que l’unité de recherche Analyse des vulnérabilités environnementales et urbaines (AVENUES-GSU) et le laboratoire d’électromécanique de Compiègne (LEC), du côté de l’UTC. Ce partenariat repose sur trois plateformes : le SIRTEX (Simulator for Real Time Experiment) du LEC, pour la modélisation des batteries, les équipements dédiés au photovoltaïque du département génie des systèmes urbains (GSU) et la plateforme dédiée aux énergies renouvelables du MIS. « Ces plateformes valideront nos travaux et seront leur vitrine auprès du grand public », explique Jérôme Bosche.

Des algorithmes pour gérer l'énergieAu total, 11 chercheurs et un doctorant se penchent sur ce projet, dont l’apport principal est la définition d’algorithmes pour optimiser et gérer de multiples sources d’énergies. Les premiers sont les algorithmes

de prédiction – il faut anticiper la météo pour stocker un maximum d’énergie en cas de situation défavorable longue – et les seconds sont les algorithmes de gestion : quelles sources d’énergies utiliser pour approvisionner la maison, à quel moment ? Enfin, les algorithmes de commandes permettent d’optimiser le rendement des équipements, dont les convertisseurs de tension, ainsi que leur durée de vie. « Les nouveaux algorithmes que nous développons peuvent tout aussi bien gérer l’énergie d’un village au Maroc. Ils s’adaptent aux profils de consommation et aux bases de données météorologiques », souligne Jérôme Bosche. Tout l’enjeu est également de bien dimensionner les sources d’énergies renouvelables : il s’agit de trouver le meilleur compromis coût/faisabilité, tant pour les panneaux solaires que pour le petit éolien. La maison est équipée d’une pompe à chaleur et d’une batterie de 1 280 W, ainsi que d’un groupe électrogène pour les cas extrêmes d’épuisement de la batterie. « Les données de consommation de la maison sont

basées sur le profil d’un habitat type de la Région. Nous garantirons l’approvisionnement

en énergie hors chauffage, même ce dernier poste sera couvert à hauteur

de 60 %. Intégrer le chauffage aurait exigé de surdimensionner les installations pour quelques pics de consommation dans l’annuel, ce qui n’a pas de sens, détaille Jérôme Bosche. C’est un projet d’envergure et complexe par sa

dimension interdisciplinaire : électronique de puissance, chimie,

modélisation, automatique, énergie, etc. C’est la première fois que ces quatre

laboratoires, tout à fait complémentaires, collaborent autour d’un projet commun. Pour

l’instant, le calendrier de nos travaux est tenu. Nous espérons que les expérimentations sur les plateformes valideront nos résultats. » Grâce à ce projet, les quatre laboratoires ont appris à travailler ensemble, souligne Jérôme Bosche : « Nous pourrons continuer à développer de nouveaux projets ! » n

http://webtv.utc.fr > Nos séries > Les laboratoires de recherche

cet événement s'inscrit également dans le cadre de la Journée nationale de l'ingénieur, lancée par la fédération Ingénieurs et scientifiques de

France (IesF). Il s'articule autour de quatre moments forts : la découverte du centre d'innovation et des projets innovants portés par les laboratoires de l'UTC, une session de speed dating entre les participants pour susciter des « Rencontres improbables », la présentation d'entreprises innovantes créées par des diplômés de l'UTC, ainsi que

la conférence organisée par l'IESF Picardie sur le thème « L'innovation aux frontières de l'entendement », de Jacques Honvault (ingénieur-photographe, inventeur de la synthèse différentielle et de techniques de photographie ultra-rapide). « Il s'agit pour nous de regrouper la famille UTC et les acteurs de l'écosystème local d'innovation autour de ce nouveau centre, d'expliquer que ses plateformes technologiques sont au service des entreprises et des diplômés, et de favoriser la mise en relation entre

les potentiels utilisateurs », explique Céline Keldenich, déléguée générale de Tremplin UTC. Un rendez-vous à ne pas confondre avec l’inauguration officielle du centre d’innovation, qui se déroulera les jours suivants. Une centaine de personnes seront présentes pour cette première édition de la Foire à l'innovation. Objectif : qu'elles reviennent avec leur projet innovant à expérimenter, améliorer, développer dans le centre d'innovation. n

www.tremplin-utc.asso.fr

Le centre d'innovationen avant-première !La première Foire à l’innovation est organisée par l’association Tremplin UTC et l’UTC. Le 3 avril, elle ouvre les portes du centre d’innovation aux diplômés de l’UTC et aux entreprises du territoire pour leur présenter les équipements de ce nouveau bâtiment et les inviter à y conduire leurs projets d’innovation.

C’est un projet d’envergure et

complexe par sa dimension interdisciplinaire : électronique

de puissance, chimie, modélisation, automatique,

énergie

FOIRe à L’InnOvATIOn

Page 4: Interactions n°27

4 Avril 2014 //// Interactions

L’ actuaLité de l’utc

christophe Len distingué par la société Indienne de chimie et de BiologieLa Société Indienne de Chimie et de Biologie a décerné le titre de membre honoraire à vie au professeur Christophe Len lors du congrès international ISCB 2014 « Chemistry and Medicinal Plants in Translational Medicine for Healthcare » (Chimie et plantes médicinales dans la médecine translationnelle pour les soins de santé), qui s’est tenu au département de chimie de l’université de Delhi, du 1er au 4 mars 2014. n

Workshop catalysis applied to biomassLes 27 et 28 mars se tenait à l’UTC le 2e workshop « Catalysis applied to biomass - toward sustainable processes and chemicals ». L’événement a rassemblé des experts français et internationaux du secteur de la biomasse et de la catalyse, qui ont pu échanger sur les dernières avancées dans ce domaine. n

http://cabiomass.utc.fr/

sorbonne universités en visite au harbin Institute

Une délégation de Sorbonne Universités, menée par Jean Chambaz (président de l’université Pierre-et-Marie-Curie) et Alain Storck (président de l’UTC) s’est rendue les 15 et 16 mars 2014 au Harbin Institute of Technology. Cet événement a été organisé avec le soutien de l’ambassade de France en Chine et a été la première manifestation scientifique dans le cadre des célébrations du 50e anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises. Cette visite a été l’occasion pour Jean Chambaz et Alain Storck de donner une conférence lors du premier « Séminaire Sorbonne Universités / Harbin Institute of Technology sur la formation, la recherche et l’innovation » n

www.sorbonne-universites.fr

RecheRche

C’est la question qui a été posée lors du Mardi de l’économie, organisé le 25 mars au centre d’innovation de l’UTC dans le cadre du Printemps de l’industrie. Christelle Lhote, directrice des ressources humaines chez Enercon, et Jacques Pateau, enseignant-chercheur à l’UTC et consultant en management interculturel, apportent des éléments de réponse.

Quels sont les enjeux de

l’inter-culturalité dans l’entreprise ?

enercon est une entreprise allemande spécialisée dans la fabrication, la commercialisation et la maintenance

d’éoliennes. Créée en 1984 en Allemagne, elle est présente aujourd’hui dans 45 pays et la France représente son 3ème marché. « Enercon se développe en privilégiant des implantations territoriales et la création d’emplois locaux, souligne Christelle Lhote. En France, où Enercon existe depuis 2003, nous employons 540 personnes, dont la moitié en Picardie. » L’Oise accueille une société de commercialisation, une société de gestion de projets, d’installation et de maintenance ainsi qu’une usine de mâts en béton depuis 2012. Le choix de la région picarde a été guidé par le dynamisme des collectivités territoriales, le contexte universitaire et la présence de centres de formation (UTC et WindLab Picardie, notamment), ainsi que par sa situation géographique et la diversité des infrastructures de transport. « Enercon a conduit un projet concernant le design des éoliennes avec des équipes de l’UTC dans le cadre du Printemps de l’industrie, et participe tous les ans à la fête de la Science », souligne Christelle Lhote qui, elle, fait le lien entre la direction allemande et les équipes françaises d’Enercon. D’où l’importance de bien saisir les enjeux relevant de l’inter-culturalité.

France et Allemagne, quelques différences culturelles « Maîtriser plusieurs langues est nécessaire mais loin d’être suffisant pour réussir l’implantation d’une société étrangère en France, ou d’une société française à l’étranger. Il faut connaître la culture des deux pays concernés et être à l’écoute pour éviter les blocages », explique-t-elle. Exemple : les ingénieurs allemands peuvent se concentrer sur une mission, avec des habitudes de travail très segmentées, alors que leurs homologues français ont besoin de comprendre l’ensemble d’un projet pour s’y impliquer. « Il faut se décentrer, se mettre dans les baskets de l’autre et comprendre que nos comportements, nos jugements, dépendent d’un système de valeurs construit par notre système éducatif, notre environnement familial, la religion et l’histoire de notre pays, énumère Jacques Pateau, qui enseigne le management interculturel à l’UTC et en Allemagne (MBS, Mannheim Business School). Son doctorat a été consacré à l’étude du facteur culturel dans la communication et le fonctionnement des entreprises françaises et allemandes. Il a d’abord accompagné, en tant que consultant, des entreprises

issues des deux côtés du Rhin, avant d’élargir son activité au reste du monde – mondialisation oblige. « La mondialisation étant marquée

par les approches anglo-saxonnes de management, le modèle français –

reposant sur un processus de décision très rapide suivi d’une grande marge de manœuvre dans l’application – apparaît insolite, voire compliqué, pour beaucoup, analyse-t-il. En Allemagne, Angela Merkel peut prendre

trois mois pour former son gouvernement sans que les médias n’y trouvent rien à redire. C’est inenvisageable ici ! Autre différence entre la France et l’Allemagne : le Français fonctionne par allusion

et second degré, alors que l’Allemand est bien plus explicite. »

L'uTc comme point d'entrée à l'étrangerEnercon propose un stage pour donner les clés de compréhension et de fonctionnement de l’interculturalité. En termes de management, Christelle Lhote doit faire la part des choses entre ce qui relève des différences culturelles et du métier à proprement parler pour éviter les situations de blocage : « C’est un élément important de la réussite de notre implantation en France, envisagée sur le long terme. » La clé interculturelle n’est pas la seule à mobiliser pour se comprendre, souligne Jacques Pateau. Pour ne pas verser dans la caricature, il est nécessaire de connaître son interlocuteur en tant qu’individu : c’est la clé interpersonnelle. Il faut de surcroît maîtriser les mécanismes de la coopération dans son ensemble, au niveau des stratégies d’entreprise. Ce Mardi de l’économie – qui a réuni Emmanuel Vielliard, directeur du développement international de Lebronze Alloys, François Floutier, délégué régional Ubifrance, et Luc Alba, diplômé de l’UTC cadre chez Safran Electronics – a montré que ces enjeux interculturels étaient partagés par toutes les entreprises. « Les considérations relatives à un marché étranger ne sauraient faire l’impasse sur les considérations culturelles. Pour bien comprendre la culture d’un pays étranger, il faut trouver des points d’entrée de qualité, souligne Christelle Lhote. J’ai appris que l’UTC développait des partenariats étroits avec des universités dans certains pays, ce qui peut être un relais très efficace dans le cadre d’une implantation d’entreprise. » n

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Avril 2014 //// Interactions 5

les dossiersinteractions

Les Rencontres nationales Arts et Technologies se sont tenues à Compiègne le 25 mars dernier. Cette journée d’échanges était organisée conjointement par l’UTC et l’Espace Jean Legendre, dans le cadre du festival Les Composites. Ces rencontres entre artistes et scientifiques rappellent à quel point le croisement entre les arts, les sciences et les

technologies est un enjeu important pour l’UTC, et ce à trois niveaux : la formation, la recherche et l’innovation. Le numérique, en particulier, bouscule les frontières entre des

domaines parfois cloisonnés.

serge Bouchardon, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’uTc, travaille sur ces thématiques. Il détaille,

à travers des exemples précis de formation, de recherche et d’innovation, comment l’art irrigue certaines activités de l’UTC. Au niveau de la formation, la création artistique numérique est abordée en particulier dans le cadre d’un parcours intitulé « mineur Technologies culturelles numériques » (TCN) 1. Les étudiants sont incités à considérer l’interdépendance des aspects techniques et culturels du numérique. Ils sont ainsi sensibilisés aux enjeux du numérique aux niveaux social, économique, juridique, cognitif, etc., mais aussi artistique, et ce par la pratique. L’apprentissage de la créativité passe en effet aussi par la sensibilisation à des pratiques créatives artistiques, qui détournent des usages et inventent des possibles. On peut d’ailleurs relever certaines similitudes entre la figure de l’ingénieur et celle de l’artiste. La démarche de conception de l’ingénieur relève d’un bricolage d’ingrédients hétérogènes (scientifiques, mais également sociaux, économiques) ; ce bricolage comme tel se rapproche de l’activité de l’artiste 2.

Faire venir des artistes dans les laboratoiresAu niveau de la recherche, il y a un intérêt fort à faire venir des artistes dans les laboratoires. Tout comme le scientifique, l’artiste crée des expériences. Si les expériences artistique et scientifique sont par nature très

différentes, concevoir une expérience artistique également comme expérience scientifique, c’est admettre qu’un vécu expérientiel peut avoir une dimension scientifique. Le croisement entre les arts, les sciences et les technologies permet de mettre en avant une démarche de recherche et de création, car le geste de création génère les conditions d’observabilité de la manifestation d’un phénomène. Cette démarche de recherche conjuguant développement technologique et création est par exemple mise en œuvre dans un projet intitulé La Séparation 3, mené par la compagnie de spectacles Alis, le laboratoire Costech et des élèves-ingénieurs de l’UTC. Reposant notamment sur une police de caractères qui permet de couper les mots en deux horizontalement et d’associer la moitié obtenue à une autre moitié pour former un nouveau mot 4, ce projet questionne les manipulations rendues possibles par le numérique. Il aboutira au développement d’une application pour tablette et smartphone, mais aussi pour le dispositif Kinect, permettant de manipuler et de jouer à l’envi avec le langage.

L’art, un dépassement continuel pour la techniqueCe croisement entre arts et technologies peut aboutir à des réalisations innovantes, comme ce fut le cas pour le projet Immersive Music Painter 5, proposant à l’utilisateur une expérience artistique immersive. L’utilisateur, debout dans l’obscurité, utilise un tracker infrarouge pour dessiner des traînées de lumière et de musique dans

l’air qui l’entoure. Plus récemment, le projet en cours Eplays6 propose un système de contrôle et de modulation de fichiers sonores (MP3 par exemple) par le geste en temps réel. L’objectif de ce dispositif technique est de donner à l’utilisateur le pouvoir d’agir directement sur les tempos et sur la vélocité d’un fichier sonore, à l’instar d’un chef d’orchestre. Eplays peut répondre à des besoins dans les environnements professionnels et ludiques que sont le conservatoire de musique, le spectacle vivant et les arts numériques, mais aussi dans l’environnement quotidien des utilisateurs amateurs de musique. Ce projet, labellisé et porté par le centre d’innovation de l’UTC, donne lieu à un dépôt de brevet et une création d’entreprise.S’appuyant sur la tradition des ingénieurs-artistes (tel Léonard de Vinci), le croisement entre arts et technologies est essentiel pour construire une culture dans le contexte technologique contemporain qui est celui du numérique. La confrontation de l’artiste qui explore des possibles et de l’ingénieur qui construit des usages doit contribuer à une culture numérique vécue non pas comme un asservissement à la technique, mais comme un dépassement continuel de celle-ci. n

1. http://www4.utc.fr/~tcn2. Odin, F. Thuderoz, C. (eds.) (2010). Des mondes bricolés ? Arts et sciences à l’épreuve de la notion de bricolage. Presses polytechniques et universitaires romandes.3. http://webtv.utc.fr/watch_video.php?v=2M8DS67O9WHNhttp://i-trace.fr/2013/separation/alis/ 4. Par exemple les mots utc et art : http://i-trace.fr/2013/separation/videos/UTCART.mov 5. https://www.youtube.com/watch?v=dRlznjKKjB0 6. https://vimeo.com/86632593

Numérique, art, technologie à l'UTC

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Page 6: Interactions n°27

6 Avril 2014 //// Interactions

les dossiersinteractions

« Épatez la galerie ! » : cet appel à la surprise et à la découverte est lancé tous les ans par le château de Compiègne, en direction des étudiants de l’UTC et de l’École du Louvre. Pendant une nuit, ils deviennent les guides de ce lieu chargé d’histoire.

«L’objectif était d’accompagner la gratuité dans les musées nationaux pour les moins de 26 ans. Il nous

a semblé intéressant de créer un événement qui permette à ces jeunes de s’approprier le château », retrace Caroline Gaillard, chef du service du développement culturel des Musées et domaine nationaux du château de Compiègne. Elle se tourne alors vers l’UTC et l’École du Louvre, persuadée que la conjugaison de leurs regards sur les collections pouvait en éclairer les multiples facettes, et crée un événement unique. Le temps d’une soirée, ces étudiants guident les visiteurs dans les salles du palais impérial. L’entrée est gratuite, et la visite de nuit vaut le détour. « Depuis le succès de la première édition, en 2009, nous renouvelons cet événement tous les ans, autour d’un thème différent », se félicite Caroline Gaillard. Certaines associations de l’UTC contribuent à la réussite de cette soirée : l’orchestre de l’UTC, Stravaganza, accompagne en musique les déambulations dans le palais, l’association Orion a proposé une initiation à l’astronomie, etc. Mais ce sont les binômes d’étudiants UTC et École du Louvre qui font de cet événement un moment à part. « Tous les ans,

une vingtaine d’étudiants se montrent intéressés par le projet. Nous leur proposons un week-end de formation, au cours duquel nous leur présentons le thème de l’édition, et les différents « points de parole » qui l’illustreront dans le palais. Chaque binôme choisit un point de parole et prépare le discours qu’il délivrera ensuite aux visiteurs. Arts et technologies, les deux approches sont légitimes et complémentaires, offrant une visite très riche pour les visiteurs. »

L’œuvre : une « alchimie » entre la technique et l’artNadège Fiard, étudiante en génie des systèmes urbains à l’UTC, a participé à la première édition. « Cet événement m’avait tellement plu que nous avons réfléchi, avec Caroline Gaillard, à la façon de pérenniser et d’approfondir les liens entre le château et l’UTC », explique celle qui a donc créé l’association Cultur’Acte. Objectif : recruter des apprentis-guides, pour « Épatez la galerie » mais aussi pour animer le château le premier dimanche de chaque mois, jour de gratuité. Pour Nadège Fiard, qui a participé à trois éditions, ce fut l’opportunité de découvrir l’offre culturelle de Compiègne et de se faire des amis en dehors de l’UTC. « Les rapports entre arts et technologies ne sont pas toujours évidents à aborder. Il faut trouver des liens pour ‘‘Épatez la galerie’’, mais aussi en profiter pour sortir de l’univers de l’ingénieur et découvrir d’autres regards, d’autres sensibilités. » Ancien étudiant à l’École du Louvre, Robert Blaizeau a lui aussi participé à trois éditions. Également conquis par ce lieu, il a créé l’association des Jeunes amis du palais de Compiègne. Il confirme : « Je présentais les aspects artistiques d’un salon du palais et mon

binôme, de l’UTC, y détaillais les techniques de mise en œuvre du décor. Cette complémentarité est très intéressante car la création d’une œuvre d’art, quelle qu’elle soit, fait nécessairement appel à la technique. Une œuvre est le fruit de cette alchimie invisible et fascinante entre l’art et la technique, qui se nourrissent l’un de l’autre. »

Édition 2014 : « Les coulisses de la vie de château »Pour le château, cette soirée est une fête : c’est l’une des rares fois où ce lieu est investi par des jeunes, dans une ambiance festive, enthousiaste, informelle et conviviale. Caroline Gaillard en est ravie : « Les étudiants se sentent rapidement chez eux, ce qui est formidable. Au cours de la soirée, les guides éprouvent une certaine fierté à transmettre ce patrimoine, et nos équipes apprécient énormément ce moment privilégié de réinterprétation du site. Pour les visiteurs, c’est l’occasion d’une découverte du palais hors des sentiers battus. » Cette année, le 23 avril, « Épatez la galerie » dévoilera aux visiteurs les pièces qui leur sont habituellement interdites – les couloirs de service, les salles de bains, etc. –, le temps d’une découverte des « coulisses de la vie de château », thème retenu pour l’édition 2014. Nadège Fiard et Robert Blaizeau invitent à ne pas manquer cette soirée. « Chaque année, c’est une invitation au rêve ! Joyau méconnu, le château vit réellement, comme au temps de l’empereur. » Son association sera présente le 23 avril, pour créer une dynamique de jeunes autour du palais. Nadège Fiard, aujourd’hui en double diplôme en Allemagne lance de son côté un appel à candidatures pour reprendre l’association Cultur’Acte et maintenir les liens entre l’UTC et le château. Avis aux amateurs ! n

ÉTuDIAnTs

Une soirée au palais impérial de Compiègne

pour rapprocher Arts et Technologies

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Avril 2014 //// Interactions 7

sens De LA TechnOLOgIe

Les robots sont à l’honneur de la 17e édition du festival Les Composites, organisé à l’Espace Jean Legendre du 25 mars au 17 avril. L’occasion de questionner le lien entre le robot et la production artistique. Cessera-t-elle d’être le propre de l’être humain ?

L’espace Jean Legendre est le lieu de toutes les questions sur le lien entre la création artistique et la technologie

numérique, grâce notamment à sa proximité avec l’uTc. Pionniers en France sur ce sujet, les deux établissements ont créé le festival Les Composites en 1998. « À l’époque, le domaine artistique se méfiait de la technologie numérique balbutiante, et la technologie ne voyait pas l’intérêt de s’intéresser au champ artistique. Il me faut encore parfois argumenter longuement pour convaincre de la pertinence de ce lien. Pourtant, la technologie a toujours influencé l’art : l’apparition des ampoules, remplaçant les bougies, a bouleversé le théâtre !, explique Éric Rouchaud, directeur de l’Espace Jean Legendre et du Théâtre impérial. Le scientifique et l’artiste partagent cette même recherche de la perfection, jamais atteinte. Ensemble, ils peuvent innover, accéder à de nouveaux horizons qu’ils n’auraient jamais envisagés seuls. »

Inventer de nouvelles formes de s’adresser au mondeAujourd’hui, la technologie a envahi notre quotidien, et le lien avec les arts paraît plus évident. Que se passe-t-il quand des artistes font appel à des technologies innovantes pour enrichir leur art ? « Il y a dix-sept ans, par exemple, certains artistes craignaient que l’image et le numérique n’écrasent le vivant. Aujourd’hui, le rapport entre ces deux mondes est domestiqué, il a atteint une maturité qui garantit un certain équilibre entre les arts et les technologies. Les arts numériques révolutionnent jusqu’à l’écriture de la musique et des textes, sans parler de la mise en scène ou de la diffusion des œuvres artistiques, énumère Éric Rouchaud. Quand il ne surprend plus, l’artiste perd sa qualité d’artiste. Les technologies représentent l’une des voies permettant d’inventer de nouvelles formes de s’adresser au monde. » Quelle est la nature du lien entre arts et technologies ? Comment évolue-t-il ? Comment influence-t-il l’un et l’autre de ces domaines de production ? Comment montrer ce lien au grand public ? Toutes ces questions sont au cœur du festival, dont la programmation mêle théâtre, danse, concerts et expositions, sans oublier

les Rencontres nationales Arts et Technologies, organisées avec l’UTC depuis trois ans.

Robotique et chorégraphie : des experts du mouvement humainCette journée d’échanges, ouverte à tous, rassemble des experts, des artistes, des scientifiques, des historiens, des metteurs en scène pour confronter leurs expériences et leurs points de vue sur un thème. Cette année, les robots sont à l’honneur. « L’idée du robot a été inventée par un auteur de théâtre, Karel Capek ! Les robots foisonnent dans la littérature de science-fiction, mais rares sont les ingénieurs de la robotique ayant conscience que leurs compétences peuvent intéresser les artistes. Le déplacement du robot peut, par exemple, intéresser un chorégraphe et l’amener à déployer un nouvel imaginaire dans ses spectacles. Tout comme l’ingénieur qui se penche sur cette question, le chorégraphe est un spécialiste du mouvement humain, souligne Éric Rouchaud. Cette année, nous questionnons le lien entre le robot et l’écriture. » Comment écrire un spectacle avec ou pour un robot ? Quelles sont nos relations aux robots ? Plus étonnant : Sommes-nous des robots ? Outre cette journée de réflexion, le festival s’est ouvert sur le spectacle de danse Robots !, signé par la célèbre chorégraphe Blanca Li et coproduit par l’Espace Jean Legendre. Il met en scène autant de robots que d’humains. L’exposition Ro[bots], ouverte à tous jusqu’au 17 avril, interroge sur les places respectives de l’homme et du robot. « Par exemple, les artistes se sont saisis des robots conversationnels capables de répondre de façon autonome à des tchats, pour inventer des processus d’écriture plus poétiques », détaille Éric Rouchaud, qui espère attirer des milliers de personnes avec cette programmation étonnante et attrayante.

un robot artiste ?« En travaillant à la réalisation de ce festival, j’ai découvert que l’intelligence artificielle du robot pouvait être mise au service de la production artistique et poétique sans pour autant écarter l’humain. Ce qui ouvre des perspectives extraordinaires. » Existera-t-il un jour un robot artiste ? « Il y aura toujours des créations théâtrales reposant sur trois bouts de ficelle et un acteur, des concerts de flûtiste en solo, etc. Mais, en se sophistiquant, le robot prendra une place croissante, projette Éric Rouchaud. Déjà, il peut peindre des choses hors de portée pour un être humain. Un jour, il pourra – pourquoi pas ? – créer de façon autonome. » n

Les Composites : un festival sous le signe du robot

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8 Avril 2014 //// Interactions

les dossiersinteractions

La recherche au service de l’accès à la culture

RecheRche

ce qui intéresse Dominique Lenne, c’est de favoriser l’apprentissage dans des situations de mobilité. Visiter un musée fait

partie de ces situations où la mobilité – marcher dans les couloirs et déambuler d’œuvre en œuvre – et l’apprentissage sont indissociables. Si beaucoup de solutions existent déjà, à commencer par les audio-guides, elles ne proposent pas des parcours ou des activités évoluant au gré de paramètres comme le profil de l’utilisateur, sa position dans le musée, la concordance entre les œuvres, le temps qu’il a passé devant certains tableaux, etc. « Il s’agit d’enrichir la visite grâce à une information adaptée au contexte, via par exemple un système de recommandations capable de suggérer d’autres tableaux dans le musée en fonction de ceux devant lesquels le visiteur s’est arrêté, détaille Dominique Lenne. L’application peut aussi lui proposer des animations pour approfondir sa visite. »

Représentation sémantique et visite de muséeLe projet de recherche CIME associe, à l’UTC, les laboratoires Heudiasyc et Costech, qui travaillent sur la cognition incarnée, ainsi

que le laboratoire Modélisation, information et systèmes de l’université de Picardie Jules Verne. Il est financé par la Région Picardie, qui souhaite ainsi contribuer au développement des visites virtuelles et des dispositifs d’aide à la visite des musées de son territoire. Le musée du palais impérial de Compiègne a tout de suite été intéressé par ce projet, qui ouvre une perspective de modernisation de l’accès aux œuvres et de renouvellement du public. « Le recours à des tablettes tactiles et des smartphones peut attirer un public plus jeune, habitué à utiliser en permanence ces outils. Il peut aussi ouvrir davantage les musées aux réseaux sociaux, notamment pour échanger avec d’autres visiteurs avant, pendant et après la visite, ou pour alimenter la fonction de recommandation des œuvres », projette Dominique Lenne. La particularité de CIME est de reposer sur une représentation sémantique qui permet de relier les différentes œuvres entre elles par des caractéristiques communes, telles que le courant artistique, le lieu, l’auteur, etc. « Cette représentation sémantique se base sur un ontologie du patrimoine culturel comprenant des concepts comme l’auteur, le style, etc. En fonction de la distance entre ces concepts et du contexte

(localisation, œuvres à proximité, intérêts de l’utilisateur, historique de visite…), l’outil peut formuler des recommandations de parcours », détaille Dominique Lenne.

Localiser précisément le visiteurCela n’ira pas sans difficulté. À commencer par la localisation précise de l’utilisateur dans le musée. « Cela exige de recourir à des technologies plus abouties que le système de géolocalisation d’un smartphone, souligne Dominique Lenne. Nous pourrons aussi étendre les applications de notre outil à des visites en extérieur, ce qui se révèle plus simple pour la géolocalisation. » L’UPJV et le service patrimoine et tourisme d’Amiens Métropole se concentrent sur cet aspect, dans le cadre de la création d’un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine à Amiens. « À partir d’une visite dans ce centre, le touriste pourra continuer à découvrir le patrimoine architectural de la ville grâce à un parcours personnalisé. Cette application peut donc intéresser aussi bien les musées que les acteurs du secteur touristique et les collectivités », énumère Dominique Lenne. Les questions soulevées par CIME sont nombreuses et dépassent le cadre du projet : comment prendre en compte l’environnement du visiteur ? Qu’est-ce qui différencie une visite virtuelle d’une visite en chair et en os ? Comment évaluer l’intérêt de se trouver face aux œuvres, dans une ambiance particulière ? Pour le moment, il s’agit pour Heudiasyc de mettre au point une application, dont les équipes de réalisation espèrent, au terme de ce projet de trois ans (2013-2016), une possible commercialisation. « Nous espérons valoriser ce qui nous différencie fondamentalement des solutions actuelles, c’est-à-dire la capacité de notre outil à prendre en compte le contexte dans lequel s’inscrit l’utilisateur, apportant une très nette plus-value à la visite par rapport à la retranscription rigide d’un site web. » Le projet de recherche CIME montre comment la technologie peut faciliter et approfondir l’accès à l’art. n

Imaginez une visite de musée personnalisée en fonction de vos goûts, de votre parcours, de vos attentes grâce à une application mobile. C’est l’objectif du projet de recherche CIME (pour Contextual Interactions for Mobility in Education), coordonné par Dominique Lenne, du laboratoire Heudiasyc.

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Avril 2014 //// Interactions 9

RecheRche

La réalité virtuelle a gagné le champ artistique depuis plus de vingt ans. Les premières installations copiaient la réalité, la simulaient,

la remplaçaient : le décor numérique représentait alors exactement une ville, une forêt, etc. selon les besoins de la représentation. « La deuxième étape fut celle de l’onirisme, du fantastique : les dispositifs mis en œuvre permettaient de créer un univers à part. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une phase de réalité augmentée et mixte : l’artiste peut interagir avec les dispositifs numériques, et ces derniers permettent d’amplifier les effets, de renforcer les impressions », retrace Indira Thouvenin, enseignant-chercheur responsable de l’UV « réalité virtuelle » à l’UTC. D’un environnement complètement virtuel, le décor s’apparente désormais à un système connecté avec l’artiste. En réalité mixte, les robots intègrent également la performance artistique, comme le font les chorégraphes Blanca Li et Marie-Claude Pietragalla dans leur dernier spectacle (respectivement Robot ! et M. et Mme Rêve).

L’art exige de la délicatesse« La production artistique se prête particulièrement bien à l’expérience de la réalité virtuelle, parce qu’elle pose des défis importants en matière de capture des mouvements. Il faut parvenir à une capture très fine, aussi précise que les doigts du pianiste sur le clavier. L’art exige de la nuance, de la délicatesse, de la fluidité, ce qui n’est pas aisé en réalité virtuelle », souligne Indira Thouvenin. Ainsi, la thèse de Rémy Fresnoy, baptisée Descript, vise la création d’un dispositif de réalité mixte d’aide à la calligraphie. « L’étude du geste se révèle terriblement complexe ! », assure Indira Thouvenin. Parmi les dernières thèses en date qu’elle a encadrées, le projet IMS, pour « Immersive Music Painter », a été porté par Camille Barot et Kevin Carpentier. Primé au salon Laval Virtual en 2010, IMS est un dispositif de création artistique accessible à tous, reposant sur l’utilisation d’un laser infrarouge : dans le noir, il suffit de bouger ce laser pour dessiner des rais de lumière et produire de la musique. L’utilisateur se retrouve alors immergé dans sa propre création.

« embodiment », ou le numérique incarné« La capture du geste par des dispositifs informatiques permet de créer des retours sensoriels, traduits sous forme de vibrations, de son, d’images en 3D, etc., souligne Indira Thouvenin. Toutes ces interfaces sont de plus en plus reliées au corps humain, le numérique est de plus en plus incarné : c’est le phénomène appelé ‘‘embodiment’’. » Après les gestes, les émotions : le projet porté par Loïc Fricoteaux, baptisé OSE et financé par la Région Picardie et le fonds européen FEDER, a permis de réaliser un système captant le stress ou l’inattention de l’utilisateur qui apprend à piloter une péniche virtuelle. « Plus le pilote débute – ce que le dispositif capte par son pouls, la direction de son regard, les mouvements du gouvernail, etc. – plus ce système lui fournira des aides et des indications concernant sa trajectoire », détaille Indira Thouvenin, qui s’intéresse surtout à cette famille de systèmes s’adaptant à l’être humain pour lui permettre d’évoluer en retour. « C’est le concept baptisé ‘‘enaction’’ en anglais, précise-t-elle. Ses applications concerneront notamment le véhicule autonome du futur, qui fera appel à la réalité augmentée. »

L’uTc : une expertise reconnueAutre thèse encadrée par Indira Thouvenin, celle de Light’n’Gadgets, un jeu vidéo en réalité augmentée qui plonge le joueur dans le monde de la lumière. Le joueur doit diriger des faisceaux laser vers des cibles, en disposant des objets (miroirs, filtres, prismes etc.) sur le terrain pour résoudre le puzzle. Ce

jeu a été primé au salon Laval Virtual en 2011 et a obtenu le prix IVRC, compétition japonaise sur l’innovation. Autre jeu primé au salon Laval Virtual, celui de Daïdalos, qui mélange réalité virtuelle et réalité augmentée : le joueur est plongé dans un labyrinthe que d’autres joueurs peuvent faire évoluer en fonction de ses déplacements. Ces projets sont portés par les élèves de l’UV réalité virtuelle RV01 : compétiteurs de qualité, ils sont régulièrement récompensés au niveau national, mais également lors de rendez-vous internationaux de réalité virtuelle. C’est le cas du projet « The Wonderland Builder : using story-telling to guide dream-like interaction », directement inspiré d’Alice au pays des merveilles. Fruit du travail de doctorants et d’étudiants, ce projet met en scène

Alice qui peut construire elle-même son pays des merveilles et y évoluer. « Ce projet très réussi a obtenu le 2ème prix du 3DUI Contest, dans le cadre de la conférence scientifique internationale IEEE VR 2013, événement majeur dans le domaine de la réalité virtuelle, souligne Indira Thouvenin. C’est la première fois qu’une équipe française est primée lors de ce concours. » L’expertise

et le savoir-faire de l’UTC en réalité virtuelle sont reconnus aux niveaux académiques et industriels. « Les étudiants formés dans ce domaine sont recherchés par les entreprises dans la mesure où ils maîtrisent les technologies et font preuve de créativité : ils osent

proposer de nouvelles idées, reposant sur de bonnes bases scientifiques. » n

Laboratoire Heudiasyc : http://webtv.utc.fr > Nos séries > Les laboratoires de recherche

L’UTC au cœur de la

réalité virtuelleLa recherche au service de l’accès à la culture

Musique, danse, théâtre : la réalité virtuelle permet à l’artiste d’explorer de nouvelles interfaces et de nouveaux rapports à la réalité. Pour Indira Thouvenin, qui travaille depuis quatorze ans sur ce domaine, « les interfaces et les technologies permettent d’aller de plus en plus loin dans la capture du geste, et seront bientôt capables de capter les émotions ».

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10 Avril 2014 //// Interactions

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cOnFÉRence

Ils s’appellent avatar, cyborg ou moteur de recherche, ils ont une forme humaine, animale, mécanique ou restent invisibles : les

robots ont quitté les laboratoires et les usines pour envahir notre quotidien. « Spectaculaires ou insignifiants, les robots sont mis au service des êtres humains, dans une vision purement utilitariste, instrumentaliste. Par exemple, leur rôle auprès des personnes âgées dépendantes ou des personnes handicapées se développera. Au-delà d’une simple compagnie, ils gagnent aujourd’hui notre plus grande intimité : il existe des robots capables d’avoir des échanges sexuels, ou encore des mariées-robots !, souligne Olivier Gapenne. Nous vivons une phase d’appropriation de cette technologie, dont la présence conduit l’être humain à se poser de nouvelles questions sur sa sociabilité et son essence. »

Reconnaître et réagir à un sourireAu niveau purement technologique, le développement des robots est loin d’être achevé. De grands progrès sont à attendre du côté de leur « humanoïsation ». « Les robots ont atteint un niveau d’architecture, de mécanisation et d’automatisation tel que cela permet d’entrer dans une phase d’appropriation. Il ne s’agit pas forcément

de rendre les robots plus performants, mais plus crédibles dans leur apparence et dans leur capacité à reconnaître et à traiter des informations comme un sourire », détaille Olivier Gapenne. Si les robots sont physiquement présents dans notre quotidien, ils semblent en effet ne pas être là, dans la mesure où ils ne réagissent pas à ce qui les entoure. « Ils ne sont globalement pas affectés par les événements qui se déroulent autour d’eux. Dépourvus d’autonomie à cet égard, ce problème de présence au monde les rend très facilement détectables comme êtres non vivants », analyse Olivier Gapenne. Ainsi, les robots envoyés sur la Lune ou sur Mars sont doués d’autonomie, mais pas d’indépendance organisationnelle, contrairement aux animaux ou aux êtres humains. Ils manquent de « concernement », d’empathie, et n’éprouvent pas d’émotions. « Pour accéder à ces états, il faut sûrement ressentir la mort, faire l’expérience de sa propre précarité », avance Olivier Gapenne.

L’homme, une machine comme les autres ?Malgré cette différence essentielle entre l’homme et la machine, Olivier Gapenne affirme que l’être humain est une machine comme les autres. « Selon l’approche mécaniciste de l’homme, ce dernier est, au moins en apparence, réductible à un ensemble de mécanismes – même s’il n’existe pas encore de

mécanisme permettant de se comporter exactement comme un être humain. Par ailleurs, les drones les plus évolués, comme Big Dog ou les drones envoyés sur des terrains militaires, pourront prendre des initiatives. Aujourd’hui totalement sous contrôle, ils accéderont rapidement à des situations de symétrie avec l’être humain dans la prise de décision et seront considérés comme des partenaires. » Le robot peut également servir de support à l’intelligence humaine. L’être humain se caractérise par la technique, la conception et le développement d’instruments et d’outils qui transforment son rapport au monde, ses activités, ses interactions. « Les robots en tant que technologie ouvrent à l’humanité un nouveau potentiel d’intelligence, un nouveau champ d’expériences, souligne Olivier Gapenne. Sans aller jusqu’aux thèses post-évolutionnistes ni envisager la révision profonde de ce qu’est l’être humain, les robots annoncent une nouvelle relativisation de notre positionnement, non plus par rapport à Dieu ou au monde animal, mais par rapport à la technique. » Ces questions se poseront avec d’autant plus d’acuité que le robot passera rapidement du statut de l’objet asservi à celui de compagnon et de collaborateur, accédera au partage de l’autorité et gagnera notre confiance.

Repenser notre socialité grâce aux robots« La confiance sera beaucoup plus difficile à accorder à un robot qu’à un être humain, car elle suppose une histoire commune, une construction reposant sur un engagement réciproque. Nous ferons confiance à la régularité du robot, mais comment savoir s’il se sentira concerné par ce qui nous arrive ? », soulève Olivier Gapenne, qui donne deux perspectives d’évolution de notre rapport aux robots : comment tendre vers une biotechnologie, et non plus seulement vers un biomimétisme, et doter les robots d’empathie ? Comment les robots pourront-ils manifester leur résistance à notre volonté ? « Les robots sont une chance pour l’être humain, dans la mesure où ils ouvrent de nouvelles expériences d’existences sociales, de nouvelles opportunités pour repenser notre socialité, que nous entrevoyons à peine aujourd’hui. Par le biais d’un robot, nous pourrions recréer du lien social intergénérationnel par exemple, des solidarités aujourd’hui délitées. Il faut échapper aux positions technophiles et technophobes, éviter les débats pro et anti-robots stériles, mais travailler sur les concepts – comme à l’UTC – pour réfléchir sereinement à toutes les questions que le robot engendre avec son déploiement. » n

Accorderons-nous notre

confiance aux robots ?« Les robots sont là, mais sont-ils vraiment là ? » C’est la question soulevée par Olivier Gapenne, professeur à l’UTC en sciences cognitives, lors des Rencontres nationales Arts et Technologies dans le cadre du festival Les Composites.

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Il travaille depuis 2009 avec les équipes du professeur hiroshi Ishiguro, dans son laboratoire de robotique intelligente situé à Osaka. Le Japon est le

berceau de la robotique, où elle est considérée comme un secteur économique d’avenir au regard, par exemple, du vieillissement de la population. « Dans seize ans, il y aura 8 millions de personnes de plus de 80 ans au Japon. Au lieu de considérer cette évolution comme un problème, le Japon en a fait une opportunité économique, un secteur de recherches, d’investissements et d’innovations. Plus qu’un choix économique, la robotique y est un choix de société », analyse Zaven Paré. Mais avant que les robots ne parviennent à effectuer des gestes de soins, d’hygiène, d’accompagnement, il faut leur conférer cette ressemblance avec l’être humain qui passe par toutes ces petites choses témoignant d’une conscience et d’un inconscient. « La culture japonaise est très différente de la nôtre. Dans le laboratoire de robotique intelligente, j’ai souvent attendu des heures. Tout comme les robots ! Je me suis identifié à eux. Mon travail est de développer un effet de présence grâce aux petits mouvements inconscients que nous effectuons, comme se gratter, exprimer de l’impatience, manifester un potentiel d’interactions, une prédisposition pour la relation », explique Zaven Paré.

mettre en scène la vie intérieure des robotsRéputé pour ses travaux concernant le théâtre de marionnettes, il collabore avec ce laboratoire dans le cadre du « Robot Actors Project ». Son travail : poser les questions pertinentes en termes d’utilisation et de ressenti

du grand public – l’artiste étant bien plus préoccupé par la réception et l’interprétation du spectateur que le scientifique – pour que le robot quitte le laboratoire et gagne le quotidien. « La représentation qu’on se fait des robots est nourrie d’un empilement de projections, de représentations de science-fiction et de mythes. Il faut les intégrer dans des situations triviales, quitter le face-à-face homme-machine. Le laboratoire a également fait appel à un maquilleur pour le travail de finition des androïdes, ou à un metteur en scène : cinq pièces ont été produites, et leurs représentations permettent de faire remplir des questionnaires sur le ressenti, les impressions des spectateurs concernant la mise en scène des robots humanoïdes », détaille Zaven Paré. Objectif : susciter l’empathie. Le robot postindustriel ayant quitté le plan de travail pour évoluer dans un environnement changeant, il doit avoir et provoquer de l’empathie pour dépasser le caractère étrange de la communication homme-machine. « Même très ressemblante ou très jolie, une machine ne suscitera jamais d’empathie si elle ne suggère pas une forme d’intelligence, d’inconscient, qui permette de la considérer comme autrui. Comment leur conférer ce degré apparent de conscience ? C’est tout le travail d’observation de l’artiste, qui doit mettre en scène des comportements apparemment irréfléchis, des micromouvements suggérant la présence consciente du robot. »

s’adresser au robot comme à une femmeEt ça fonctionne ! Depuis le premier humanoïde du laboratoire, Geminoid HI-1, le nombre de cerveaux-moteurs des robots est passé de 56 à 12, mais le degré

d’empathie n’a cessé de croître. « Le dernier robot est une femme, ce qui est tout sauf anodin. Elle est dotée d’un sourire archaïque, celui des statues bouddhistes et de la Joconde, ce qui aide à l’empathie. Par ailleurs, on s’adresse de façon plus douce et délicate à une femme qu’à un homme, ce qui permet au robot d’avoir plus de temps pour comprendre ce que dit la personne, pour reconnaître son visage, pour traiter la multitude d’informations prodiguées par son environnement... Les robots sont fragiles : s’ils ont l’apparence de femmes, par exemple, on peut espérer que leurs interlocuteurs feront plus attention à eux ! » Selon Zaven Paré, le professeur Hiroshi Ishiguro est un visionnaire, qui a une perception globale de la robotique, d’où le recours aux disciplines artistiques pour mettre en scène la vie intérieure de ses créations. « Nous leur apportons nos questions, nos doutes, notre fragilité. Dans ces laboratoires et projets de recherche, nous nous questionnons sur ce qu’est l’humanité, sur le rapport entre l’homme et la société, sur notre utilité. Le robot est un support de réflexion », décrypte Zaven Paré, qui met aussi en garde : ni l’artiste ni le scientifique ne doivent pas mystifier leur création auprès du public, et faire passer pour artistique ou scientifique ce qui ne relève que d’une démarche commerciale et marketing. « Le robot ouvre un champ artistique extraordinaire, et certains laboratoires conduisent de véritables démarches transdisciplinaires conjuguant arts et sciences, les seules qui parviennent à conférer une poésie incroyable et beaucoup d’humanité aux robots. » n

Exposition à l’Espace Jean Legendre 25 mars au 17 avril 2014

expOsITIOn

Suggérer une âme Les œuvres de Zaven Paré sont exposées au festival Les Composites. Dès les années 1990, il concevait des marionnettes électroniques, « chaînon manquant de la robotique » selon le célèbre professeur japonais Hiroshi Ishiguro, dont les robots ressemblent à s’y méprendre à des êtres humains. Zaven Paré n’est pas étranger à cette étonnante, et presque dérangeante, similitude.

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12 Avril 2014 //// Interactions

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Andy Pratt, professeur à la City University de Londres et membre du Think Tank écosystème local d’innovation et de créativité, est un spécialiste reconnu dans le domaine de l’économie culturelle, et plus spécifiquement des industries culturelles. Il a publié une centaine d’ouvrages et d’articles et conseille régulièrement les décideurs politiques (du Royaume-Uni à l’ONU en passant par l’Europe) sur les stratégies à conduire pour attirer les industries culturelles. Enthousiaste, il répond à nos questions sur « Arts et Technologies ».

comment les industries culturelles conjuguent-elles arts et technologies ?

Les industries culturelles se trouvent à l’intersection entre des arts et des technologies, comme l’illustrent les entreprises du jeu vidéo. Ces dernières doivent combiner une excellence technologique de pointe, indispensable pour obtenir un rendu de grande qualité, tout en racontant une histoire capable de captiver les joueurs. Ces deux aspects, ordinairement opposés, sont indissociables pour la création de jeux vidéo. Le créatif et l’ingénieur ne se contentent pas de travailler ensemble : leurs expertises respectives doivent se mettre au service de l’autre pour révéler tout le potentiel d’une animation, d’une histoire… Les sociétés spécialisées dans les effets spéciaux pour le cinéma – utilisés pour au moins 75 % des films – conjuguent les mêmes savoir-faire en technologie et en « storytelling ».

comment se caractérisent ces entreprises par rapport aux secteurs plus traditionnels ?

Elles bousculent beaucoup de repères, ne serait-ce qu’en conjuguant arts et technologies au lieu de les opposer. Du point de vue social, ces industries emploient de plus en plus de free-lances, réunis autour d’un projet pour six mois, un an, dans un cadre très flexible – ce qui engendre de nouveaux défis pour le marché de l’emploi, le système de sécurité sociale, l’accès aux prêts bancaires, etc. Ces entreprises se caractérisent par un risque économique important : seuls 20 % des produits qu’elles créent trouvent leur marché, mais avec un succès tel qu’il couvre généralement les 80 % restants. Elles tendent donc à favoriser l’échec, à ouvrir le champ des possibilités sans définir de solutions préalables, contrairement

aux secteurs traditionnels, générant de nouvelles problématiques de management.

Quel est le poids économique de ces entreprises ?

En deux décennies, le secteur des industries du jeu vidéo est devenu aussi important que celui de l’industrie du cinéma dans le monde. Aux États-Unis, c’est l’un des secteurs leaders à l’export, et l’armée américaine contractualise avec certaines de ces entreprises pour élaborer des logiciels de simulation ! Le Royaume-Uni a construit un câble optique spécifique pour envoyer aux États-Unis la production des entreprises du secteur des effets spéciaux. Leurs implications dépassent de loin le cadre du jeu vidéo ou des effets spéciaux. Leurs productions changent notre façon de voir le monde, de créer de la valeur, d’interagir avec autrui… Elles ouvrent un champ extraordinaire de modifications culturelles et sociales à analyser.

comment créer les conditions de la rencontre entre arts et technologies ?

Face à la perte d’un grand nombre d’industries du jeu vidéo au Royaume-Uni – parties, entre autres, pour le Canada qui leur offre un environnement très attractif et innovant –, un débat important a lieu ici sur les liens entre politiques publiques et industries culturelles. Ce débat ne repose malheureusement pas sur une compréhension précise de ces industries, caractérisées par leur capacité à manager des compétences quasiment opposées et à créer un environnement apte à les rassembler. Il existe des besoins énormes pour mieux comprendre et analyser leur

fonctionnement. Ce champ de recherche doit être investi par les universités, et l’UTC est bien placée pour cela. Les enseignements doivent être mis à disposition des élus qui, faute de les comprendre, ne savent pas précisément comment attirer et maintenir ces entreprises sur leur territoire. Par ailleurs, les soutiens accordés par les puissances publiques se concentrent davantage sur les domaines technologiques qu’artistiques. En résulte une domination des solutions

technologiques sur la créativité, alors qu’elles n’écriront jamais une bonne

histoire !

Faut-il former des ingénieurs artistiques ?

Non ! (Rires). On ne peut être ingénieur et artiste

sans affaiblir l’expertise ou la sensibilité. Il faut en revanche

rassembler les ingénieurs et les artistes pour favoriser la créativité, qui résulte de la rencontre et du débat. Il faut former des ingénieurs capables d’être attentifs aux besoins de l’artiste, de comprendre sa vision des choses. Il faut créer les conditions de leur rencontre : un bureau, un immeuble ne suffisent pas s’ils ne sont pas irrigués par des interactions entre les milieux technologiques, artistiques, intellectuels, etc. Avec l’écosystème local d’innovations et les réflexions qui l’accompagnent, l’UTC se tourne vers ces problématiques, qui sont celles du 21ème

siècle. n

ThInk TAnk

Comprendre les

industries culturelles

Capacité à manager des

compétences quasiment opposées et à créer un environnement apte à

les rassembler

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Avril 2014 //// Interactions 13

Le temps de PAROle

Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger, a inauguré le tronc commun d’ingénierie entre l’UTC et le lycée Jean d’Alembert au Chili. Pour elle, la mobilité étudiante est essentielle au rayonnement de la France et à la performance de nos entreprises à l’international.

vous avez dirigé pendant 14 ans le département des langues du Dublin Institute of Technology : que représente pour vous la mobilité internationale étudiante ?

La jeunesse est la catégorie de population la plus mobile. C’est pourquoi j’ai estimé évident de consacrer une table ronde au sujet : « Mobilité internationale des jeunes, une opportunité ou une nécessité ? » lors des Rencontres que j’organise le 3 avril sur le thème « Les Français à l’étranger, un atout pour la France ». Ainsi, les jeunes qui partent à l’étranger dans le cadre de leurs études ou de leur première expérience professionnelle ont bien intégré la mondialisation. Ils savent que, dans un marché international et compétitif, il leur est important de se doter de qualités personnelles et humaines spécifiques, comme maîtriser une langue étrangère, apprendre la flexibilité et l’ouverture, s’adapter. Ces qualités s’apprennent à l’étranger, lors de la confrontation avec une culture et des valeurs différentes des siennes. Pour les employeurs, l’expatriation est un atout : ce sont des jeunes qui savent prendre des risques et s’adapter.

pourquoi ces jeunes constituent-ils un atout pour la France ?

Les jeunes qui s’installent durablement à l’étranger, le plus souvent pour des raisons sentimentales, restent très attachés à la France. Je n’ai pas rencontré un seul expatrié parti par désamour pour son pays. Ces expatriés sont des ambassadeurs de notre pays et participent à son rayonnement culturel, économique, linguistique, académique, etc. Quand nos entreprises répondent à des appels d’offres à l’étranger, la présence d’expatriés français sur le territoire peut jouer en leur faveur. Les Rencontres que j’organise sont l’occasion de présenter un sondage inédit : « Que pensent les Français de l’expatriation ? », pour rétablir la vérité au regard des expatriés. J’en ai rencontré des milliers en deux ans, j’ai écouté leurs témoignages, leurs attentes. Cette communauté peu connue à l’intérieur des frontières hexagonales est affublée de clichés négatifs : parler des expatriés, c’est

généralement pointer du doigt la fuite des cerveaux, ou les exilés fiscaux. Mais la vérité est tout autre : ces Français représentent une chance pour notre économie. Ils portent l’image de la France à l’étranger, à l’heure où tous les efforts sont nécessaires pour créer des emplois et attirer des investisseurs sur notre territoire.

Quel est le rôle de l’université pour la favoriser ?

Nous recevons tous les ans 288 000 étudiants étrangers, mais nous envoyons moins de 60 000 étudiants français à l’étranger. Il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour augmenter leur présence à l’international. Si toutes les écoles de commerce proposent une année à l’étranger, cette opportunité reste réservée à une élite. Le programme européen « Erasmus Plus » devrait changer la donne, en consacrant 4,6 milliards d’€ en France entre 2014 et 2020 pour favoriser la mobilité internationale au niveau des filières technologiques et professionnelles. Le rôle des Universités est de créer des doubles diplômes, reconnus en France et dans le pays des universités partenaires, pour faciliter la mobilité dans les deux sens. Je reviens du Brésil où nous avons lancé le programme de bourses « Sciences sans frontière », visant

les échanges de 10 000 étudiants par an. en quoi l’inauguration d’un tronc commun entre l’uTc et le lycée Jean d’Alembert au chili est importante ?

L’équipe dirigeante de l’UTC croit en la mobilité étudiante et l’encourage. C’est une grande chance pour les étudiants qui bénéficient de cet état d’esprit d’ouverture et de cet accompagnement vers de nouveaux horizons. Outre les pays anglophones, traditionnellement attractifs pour les étudiants, les pays émergents les intéressent de plus en plus. Ces pays ont besoin d’expertises qui n’existent pas localement. Les Français sont généralement très bien reçus, tant leur niveau de formation est reconnu. Le Chili ne fait pas exception en la matière. Développer la mobilité internationale des jeunes, c’est développer le rayonnement de la France. n

Pour les employeurs,

l’expatriation est un atout : ce sont des jeunes qui

savent prendre des risques et s’adapter.

Un jeune Français qui part forger son expérience à l’étranger revient dans 80% des cas. Le Gouvernement a déployé une stratégie de mobilité européenne et internationale visant à augmenter et à diversifier le nombre de bénéficiaires, pour que davantage de jeunes issus de milieux modestes puissent y accéder, grâce notamment à l’augmentation de plus de 40 % du budget du programme de mobilité européen 2014-2020 «Erasmus plus» avec un fléchage vers les filières technologiques et professionnelles.

Le saviez-vous ?

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14 Avril 2014 //// Interactions

L’ actuaLité de l’utc

RÉseAu

Quel visage aura l’usine de demain ? Benoît Eynard, enseignant-chercheur au département de génie des systèmes mécaniques de l’UTC, préside le réseau AIP-Primeca pour quatre ans et compte inscrire son mandat dans la réflexion sur l’« Usine du futur », lancée par le ministère du Redressement productif.

AIP-Primeca : dessiner l’usine du futur

De l’IuT au doctorat, le réseau AIp-primeca fédère 80 établissements d’enseignement supérieur et centres de recherche dans toute la France.

L’UTC fut l’un des membres fondateurs de ce réseau dont l’objectif est d’appuyer les formations en mécanique et en productique au sein de ces établissements. Les sujets traités couvrent tout le spectre de la durée de vie d’un produit, depuis la conception intégrée jusqu’au recyclage, en passant par la robotique et la mécatronique. « Il s’agit de préparer les ingénieurs et les technologies pour accompagner la transformation numérique du tissu industriel », résume Benoît Eynard. Des industriels appartiennent au conseil d’administration du réseau, dont Dassault Systèmes et Airbus Group. « En améliorant la formation des ingénieurs et en facilitant la recherche pour les PME qui appartiennent à notre réseau de sous-traitants, AIP-Primeca représente un écosystème universitaire très intéressant », souligne Bernard Boime, responsable des programmes chez Airbus Group Innovations.

mutualiser les savoirs en FranceExemple : grâce à AIP-Primeca, les contenus des cours intègrent plus rapidement les nouvelles versions des logiciels, comme l’explique Xavier Fouger, directeur des programmes académiques de 3DS (Dassault Systèmes). « Avant d’adopter une nouvelle version d’un logiciel, les établissements ont besoin d’en comprendre les impacts. Nous sommes passés par AIP-Primeca pour tester notre nouvelle plateforme 3D de gestion du cycle de vie des produits, baptisée PLM-V6. La mutualisation des travaux d’évaluation fut très efficace, pour le réseau comme pour 3DS. » Aujourd’hui, PLM-V6 est un instrument essentiel pour les ingénieurs de nombreux secteurs (automobile, aéronautique, etc.). « Sa maîtrise est un facteur d’employabilité important dans le monde entier », assure Xavier Fouger. D’où l’importance de former les ingénieurs aux dernières versions. « L’UTC, toujours un peu en avance, commençait à former à PLM-V6 avant qu’AIP-Primeca ne s’en empare », souligne Xavier Fouger.

une représentation internationale AIP-Primeca compte sur 9 pôles régionaux. L’UTC appartient au pôle Île-de-France, au même titre que l’ENS Cachan, les Arts et Métiers ParisTech, Centrale Paris, etc. Cette mise en réseau apporte une crédibilité internationale bénéfique à l’ensemble des établissements. « 3DS pilote le programme PLMCC, pour Product Lifecycle Management Competency Center, en lien avec les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. L’objectif est d’ouvrir des centres de formation dédiés à l’étude de nos logiciels dans les pays prioritaires pour ces ministères. Pour discuter avec notre partenaire chinois, nous avons envoyé un enseignant AIP-Primeca, réseau qui représente un nombre d’étudiants équivalent à celui de l’université Tsinghua de Pékin », détaille Xavier Fouger, qui travaille avec deux diplômés de l’UTC. « Les étudiants issus des écoles du réseau AIP-Primeca présentent souvent de bons profils, assure-t-il. D’ailleurs, nous proposerons prochainement une nouveauté pédagogique à AIP-Primeca, qui nous permet de valoriser la France sans déroger à l’égalité de traitement entre les pays prévalant dans une multinationale. »

vers l’interopérabilité des outils numériques ?AIP-Primeca est également un support de recherche. « Le réseau travaille sur la continuité des outils numériques, devenus essentiels dans tous les process industriels, toutes les étapes du cycle de vie des produits. Maîtriser ces outils est un gage de compétitivité. Comment assurer leur interopérabilité ? La mise en place d’interfaces standardisées est devenue un véritable enjeu industriel et financier, partagé par beaucoup de secteurs d’activités. Nous travaillons sur ce sujet dans le cadre de projets de recherche avec les écoles du pôle Île-de-France », détaille Bernard Boime, qui ajoute : « Il y aura du travail pour les ingénieurs et techniciens dans ce domaine, tant chez les industriels que chez les éditeurs de logiciels. » Dans le cadre de la thématique de l’usine du futur, AIP-Primeca travaille également sur l’éco-conception et la réalité virtuelle. « Nous accompagnons la thématique du renouveau industriel auprès de l’ANR au niveau national, et de l’EFFRA au niveau européen, souligne Benoît Eynard. Nous valorisons les productions à haute valeur ajoutée et de grande technicité et développons des usines-écoles afin de montrer aux jeunes ingénieurs toute l’attractivité de l’usine de demain. Par exemple, AIP-Primeca a contribué à hauteur de 50 % au financement de l’équipement de réalité virtuelle de l’UTC. » n

www.aip-primeca.net

http://webtv.utc.fr > Nos séries > Les laboratoires de recherche

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Avril 2014 //// Interactions 15

Syntec Numérique a publié une étude(1) très détaillée sur les besoins en compétences et en recrutement dans le secteur des métiers informatiques et numériques à l’horizon 2018. Jérôme Valluy, chercheur en sociologie du numérique (Paris 1/Costech-UTC), détaille les apports de cette étude et ses implications pour les « humanités numériques ».

Quels en sont les principaux apports de l’étude de syntec numérique ?Cette étude présente une cartographie des métiers, compare leurs évolutions, les créations d’emplois et les offres de formations. Sur les 36 000 créations d’emplois anticipées sur les cinq prochaines années dans les secteurs informatique et numérique, une part croissante, aujourd’hui majoritaire (20 000), relève du numérique : web designer, community manager, développeur web et mobile, analyste big data, architecte cloud computing, analyste cybersécurité, consultant référencement, etc. Les compétences relatives aux interactions de l’informatique avec l’environnement humain et socio-économique deviennent indispensables aux salariés pour évoluer à partir de leurs métiers actuels. Il leur faut désormais comprendre les usages sociaux des technologies, les clients et les secteurs d’applications, les réseaux sociaux, les communautés virtuelles, maîtriser les nouveaux médias, la sociologie du web, l’analyse de données, les qualités rédactionnelles et éditoriales ainsi que le vocabulaire propres au web, l’évolution du management et du marketing dans l’environnement web, l’interdisciplinarité…

en quoi cette étude relance-t-elle le débat sur les humanités numériques ?

L’étude confirme le besoin de doubles compétences et de formations mixtes en informatique et sciences humaines. L’informatique classique est demandée, mais en proportion décroissante dans les nouveaux emplois créés. Le numérique se développe en faisant appel aux données, méthodes et réflexivités numériques des sciences humaines, ainsi qu’à l’interprétation des big data nécessitant des formations en « humanités numériques ».

comment définir ces humanités numériques et leurs enjeux ?

Le cadre a d’autant plus de succès que son contenu est imprécis. Les premières définitions deviennent marginales face à l’ampleur des convergences actuelles, tant au niveau international que français : les « humanités numériques » prospèrent dans le monde, elles constituent un axe majeur d’harmonisation européenne, les politiques publiques françaises se montrent très volontaristes dans ce domaine et elles foisonnent dans les appels d’offres au niveau des communautés d’universités, aussi bien en recherche qu’en formation. En se diffusant, cette catégorie s’ouvre : cela aide à son succès – chacun y plaçant ce qu’il sait faire – tout en suscitant des reconfigurations et des adaptations.

Quelles sont les attentes des entreprises sur ce sujet ?

La connaissance des utilisateurs est primordiale. L’étude précitée ainsi que les débats de la journée UTC-

Conférence des présidents d’université du 31 janvier 2014 portant sur « Innovation numérique et créativité »(2) valorisent ce point : caractéristiques, perceptions, habitudes, besoins… Cela fait appel à des compétences en sciences humaines. Les services publics aussi peinent à financer des innovations à faible taux d’utilisation. Même s’il n’y a pas que ces attentes qui comptent en recherche et formation, la création technologique gagne à être fondée sur la connaissance de l’utilisateur. Cela ne réduit pas la libre créativité, mais l’incite à s’orienter en fonction du reste du monde (utilisateurs, citoyens, consommateurs, usagers…).

Quels sont les défis posés pour la formation par les humanités numériques ? comment s’inscrit l’uTc sur ce point ?

Le défi est celui de l’hybridation de l’informatique et des humanités. Dans presque tous les établissements, ces matières sont disjointes. Les universités de technologies disposent d’un gros avantage : depuis des décennies, l’informatique y dialogue avec les sciences humaines. La synergie des domaines est un atout à valoriser par des adaptations d’intitulés, ainsi que par la création d’une filière intégrée, de la 1re année de formation des ingénieurs jusqu’au doctorat. À l’UTC, le département

« Technologies et sciences de l’homme », qui relie humanités numériques et épistémologie de la technique depuis longtemps, entreprend d’impulser ce qui pourrait devenir une filière valorisant toutes les composantes et les nombreux partenaires concernés au sein de l’UTC. L’ouverture en 2012 d’une section UTC en « humanités et technologie » a été anticipatrice. Un master intégrant les « humanités numériques », avec une filière recherche, en partenariat avec d’autres UT serait attractif et susciterait des vocations en doctorat. Une filière intégrée en « humanités numériques », associée à des centres de recherche spécialisés depuis longtemps et à une plateforme d’édition numérique, écrite et audiovisuelle, reliée aux lycées, ainsi qu’à des cycles de formation continue, offrirait aux bacheliers, étudiants et salariés un cadre d’accueil unique en France, pouvant être réalisé ici plus vite que partout ailleurs. n

(1) Contrat d’études prospectives du secteur professionnel du numérique, 21 août 2013, 189 p. : http://www.syntec-numerique.fr/sites/default/files/related_docs/cep_numerique_rapport_final_2013.pdf

(2) UTC et CPU, « Innovation numérique et créativité », séminaire du 31 janvier 2014, Compiègne : http://interactions.utc.fr/seminaire-innovation-numerique-creativite

ÉTuDe

Humanités numériques : hybrider l’informatique et les sciences humaines

Architecte de

systèmes embarqués

Concepteur

réseaux télécom

Assistant projet systèmes industriels informatisés

Technicien développement informatique industrielle

Logiciels embarqués Spécialiste tests

Spécialiste / quali�cation / validation Spécialiste process / méthodes / outils / certi�cation

Référentiel métiers des activités de l’informatique

(OPIIEC)

Géomaticien

Monteur câbleur en réseaux et télécoms Technicien domotique

Technicien télésurveillance, vidéo, téléphonie Technicien instrumentation et automatismes

Spécialiste sécurité des architectures télécoms Responsable quali�cation télécoms

Consultant en référencement naturel Consultant en référencement payant Community manager

Consultant web analytique Web designer Chef de projet technique web

Chef de projet fonctionnel web

Expert big data

Développeur applications mobiles Illustrateur 3D

Développeur jeux vidéo (programmeur moteur et gameplay )

Animateur Level designer

CArToGrAPHIE ConsoLIdéE dEs méTIErs dU nUmérIQUE

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16 Avril 2014 //// Interactions

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Forum des doctorants • 4 avrilLa 9e édition du Prix de thèse Guy Deniélou aura lieu le vendredi 4 avril 2014 sous le parrainage de Safran, ainsi qu’avec le soutien du conseil régional de Picardie et de l’Agglomération de la Région de Compiègne. Jean Audouze, directeur de recherche au CNRS et vice-président de la commission nationale française de l’UNESCO sera le conférencier invité de cette édition.

http://webtv.utc.fr

Workshop modélisation stochastiques et gestion des risques • 7 et 8 avril Ce séminaire fait suite à celui organisé en mai 2013 par la composante stochastique du laboratoire de mathématiques de l’université de Reims. L’objectif de ces deux jours de séminaire est de renforcer les collaborations entre l’université de Reims Champagne-Ardenne, l’université Paris 7, l’UPJV et l’UTC, et d’en faire émerger de nouvelles sur le thème « Modélisation et risques ». Huyên Pham, professeur à l’université Paris 7, animera un cours sur la thématique « Applications des grandes déviations en finance ».

Alain storck participe au colloque « De l’innovation aux écosystèmes de croissance » • 11 avrilAlain Storck sera l’un des intervenants de la table ronde « Quel rôle pour les universités et les centres de recherche ? Quels challenges pour le modèle français ? », lors du colloque « De l'innovation aux écosystèmes de croissance » organisé par la Région des Pays de la Loire. Le colloque se déroulera vendredi 11 avril 2014 de 9 h à 18 h à Nantes, dans l’hémicycle de l’hôtel de Région.

Épatez la galerie au château de Compiègne • 23 avril de 19h30 à 23hComme chaque année, étudiants de l’UTC et de l’École du Louvre s’associent pour faire visiter le château de Compiègne. De nombreuses animations seront au programme de cette soirée, placée sous le signe des arts et des technologies.

challenge du monde des grandes Écoles • 24 mai au Stade CharlétyLe samedi 24 mai se tiendra la 6e édition du « Challenge du monde des Grandes Écoles et Universités », au stade Charléty à Paris. L’occasion pour les étudiants de France entière de se retrouver pour participer à différentes épreuves sportives, mais également d’entrer en contact avec les équipes RH des entreprises présentes sur le forum des métiers attenant au Challenge.

www.cdmge.fr

Save the date !Le printemps du numérique le 5 juin, organisé par le Conseil Général au centre d’innovation de l’UTC.

cAmpus InTeRnATIOnAL

Inauguration au Chili : un tronc commun plein d’avenirIl a fallu deux années de travail pour que ce projet inédit et novateur voie le jour. Le tronc commun d’ingénierie entre l’UTC et le lycée Jean-d’Alembert, au Chili, a été inauguré et recevra les premiers étudiants à la rentrée 2014.

c’est une première au chili : à partir de la rentrée 2014, les bacheliers du lycée Jean-d’Alembert à viña del mar pourront suivre le tronc commun uTc au chili, avant

de décider de rejoindre, ou non, la France pour continuer leur parcours. « C’est un projet innovant qui vise à encourager la poursuite des études supérieures en France et à faire connaître les universités de technologie », explique Pascal Dumoulin, proviseur du lycée Jean d’Alembert. Cette solution permet avant tout de rassurer les étudiants et leur famille : le Chili se situant à plus de 14 000 km de la France, ce n’est pas une décision facile que de poursuivre, à 18 ans, cinq années d’études en France même si le baccalauréat a été obtenu dans le système français. « Le tronc commun leur laisse la temps de mûrir leur projet, tout en leur offrant la possibilité de rejoindre, au bout de deux ans, une université chilienne partenaire qui reconnaîtra leurs deux années d’études de tronc commun. Le parachute est prévu. L’étudiant peut choisir entre poursuivre la fin de sa formation à Compiègne ou rester au Chili. » Ce tronc commun sera aussi ouvert aux étudiants français qui souhaitent passer un semestre à Viña del Mar.

Le chili manque d’ingénieurs qualifiésCe projet était initialement porté par la Chambre franco-chilienne de commerce et d’industrie. Jean-Marc Besnier, son président, explique : « Il s’agissait d’importer au Chili notre savoir-faire technologique et d’aider nos entreprises à exporter. L’enseignement supérieur nous a semblé être un vecteur pertinent pour le Chili, dont les étudiants voyagent globalement peu. L’UTC s’est montrée très intéressée. » Si le projet initial de double diplôme n’a pas encore vu le jour, le tronc commun avec le lycée Jean d’Alembert permet de poser les jalons d’une coopération qui répond aux besoins de l’économie chilienne. « Le Chili est un pays développé qui manque d’ingénieurs qualifiés. C’est un marché porteur, qui reconnaît et plébiscite l’excellence de notre système universitaire, autant pour la qualité de sa formation que pour les valeurs qu’il porte », souligne Pascal Dumoulin.

L’uTc peut être source d’inspirationIl est rejoint dans cette analyse par Patrick Bosdure, conseiller de coopération et d'action culturelle et directeur de l’Institut français du Chili : « Notre savoir-faire en matière d'ingénierie est perçu très positivement. Les Chiliens souhaitent ramener à cinq ans leurs cursus d’ingénierie (actuellement de six ans), comme en France. Les cursus chiliens sont assez monolithiques et restent peu, voire très peu ouverts aux disciplines non techniques (dont les langues). Le modèle de l’UTC, avec un cursus ‘‘à la carte’’ et une ouverture importante vers

les sciences sociales, est susceptible d’inspirer les facultés d’ingénierie chiliennes. » Ce partenariat s’inscrit dans un contexte plus large de coopération universitaire, rappelle Patrick Bosdure : « Les relations entre la France et le Chili en matière de partenariats universitaires reposent sur une longue tradition d’échanges et de confiance mutuelle avec, notamment, plus de 350 accords de coopération universitaire et 25 doubles diplômes. L’UTC s’inscrit dans le cadre de la promotion de la mobilité en ingénierie. Il a été mis un terme aux conventions d’échanges Chilfitec et Chilfagri auxquelles succéderont prochainement deux nouveaux programmes qui devraient permettre de renforcer cette filière. L’UTC participe donc d’un axe essentiel dans le développement de notre coopération universitaire, et elle est également impliquée au Chili par le biais d’un pôle de compétitivité en lien avec la Région Picardie. »

un partenariat inédit à dupliquerMalgré cela, notre influence s’effrite et le tronc commune UTC/lycée Jean d’Alembert peut contribuer à enrayer cette dynamique, souligne le sénateur des Français de l’étranger, André Ferrand. « Le partenariat noué par l’UTC et le lycée Jean d’Alembert constitue l’une des solutions pour maintenir et développer notre rayonnement. C’est une première, dont je me réjouis, et l’UTC a accompli un travail remarquable : elle correspond à l’une des réflexions de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) sur la nécessité de conserver dans le système français d’études supérieures un maximum de bacheliers issus des écoles françaises de l’étranger. Si ces étudiants étrangers sont formés, au niveau de l’enseignement supérieur technologique, avec des références et des exemples français, ils garderont sûrement une proximité avec la France au cours de leur vie professionnelle. Il faut que ce partenariat soit soutenu, et dupliqué ! C’est un enjeu très important, et j’espère que le ministère de l’Enseignement supérieur en est convaincu. »

gDF suez chile partenaireIl s’agit maintenant de transformer l’essai, et de faire vivre ce tronc commun. « Nous le présenterons aux entreprises susceptibles de le soutenir. Beaucoup d’entreprises françaises implantées au Chili considèrent ce partenariat avec intérêt, car l’UTC est capable d’apporter des ingénieurs qualifiés n’ayant pas peur de retrousser leurs manches, ainsi que des relations université-entreprises reposant sur l’innovation – ce dont le Chili a besoin », explique Jean-Marc Besnier. Première entreprise à rejoindre la dynamique, GDF Suez Chile finance des bourses d’études. « Des enseignants issus des universités partenaires assurent des cours à nos étudiants, qui bénéficieront aussi directement de la présence des étudiants de l’UTC : ces derniers travailleront avec eux dans le cadre d’une APP (Action pédagogique pilote) sur les énergies renouvelables le concours de GDF Suez Chile, se félicite Pascal Dumoulin. C’est une belle coopération entre un lycée, une université de technologie et une entreprise. » n

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Avril 2014 //// Interactions 17

sÉmInAIRe

repenser notre société

à l’aune de la révolution numérique

La question du progrès et du machinisme est ultra-classique en économie politique. Elle fut analysée par John Hicks dans « Ricardo et les machines », en

soulignant un double problème : les emplois détruits et créés par le progrès technique ne sont pas les mêmes – un paysan n’est pas un ouvrier de l’industrie – et il existe un décalage temporel entre ces destructions et créations. Entre 1790 et 1820, les effets ravageurs du progrès technique sur l’emploi sont quasi-immédiats, alors que le redressement ne commence que vers 1840. Soit un décalage de soixante années ! La comparaison avec la période actuelle est-elle pertinente ?

Le numérique est-il le nouveau machinisme ?La comparaison paraît s’imposer : le numérique est une innovation de rupture technologique, engendrant une substitution non plus des muscles mais des opérations de l’hémisphère cérébral gauche par les machines. Les effets se font sentir non plus sur des emplois de services simples ou musculaires, mais sur des métiers liés au savoir. La révolution numérique modifie considérablement le rôle du savoir y compris scientifique. Le souci n’est plus de faire du « pluri » ou du « multi » disciplinaire, mais de faire du « transdisciplinaire ». Au sein de projets transdisciplinaire, comment les acteurs peuvent-ils parler le même langage ? Les sciences humaines et sociales trouveront là un rôle non négligeable : elles peuvent intervenir – avec les artistes, les créatifs – dans ces projets transdisciplinaires industriels et technologiques. Depuis 1973 et le premier choc pétrolier, accompagné par le début de la maladie de langueur de l’emploi, la croissance – quand elle existe – se caractérise par une faible intensité en emplois et des créations d’emplois de faible qualité. Le marché du travail se bipolarise, évinçant les classes moyennes. L’illustration la plus évidente est le cas de l'Allemagne, avec d’un côté des performances extraordinaires dans l’industrie des biens d’équipements, la chimie, les nanotechnogies et, de l’autre, un marché qui emploie des Roumains à 3,5 € de l’heure. En résulte le transport des poulets bretons vers les abattoirs allemands avant leur retour en France, pour le plus grand bien de notre balance commerciale... Ce marché bipolarisé ne peut pas conduire à une société harmonieuse : il en résulte des problèmes macro-économiques, micro-économiques, puis des barricades. La France a une longue tradition dans ce domaine.

Les spécificités de la révolution numérique La révolution numérique présente de multiples différences fondamentales par rapport au cas ricardien : l'emploi ouvrier ne recule pas dans les pays émergents et l'innovation numérique s'inscrit dans un temps long, contrairement à l'innovation de la machine à vapeur et à la révolution

des chemins de fer, qui ont émergé en trente années. Des ordinateurs à la supraconductivité en passant par la fibre optique, la révolution numérique est bien plus longue, sans compter son relais par les nanotechnologies qui amplifient vertigineusement le progrès technique. C’est d’ailleurs un phénomène qui s’inscrit probablement à l’encontre de la vieille théorie de la diffusion : celle-ci stipule que l’innovation correspond à la lente digestion, par la société,

des innovations foudroyantes des scientifiques. Aujourd'hui, le rythme s'emballe. Ces phénomènes

sont concomitants de l'urgence écologique et se produisent dans un cadre où – contrairement à la révolution industrielle qui pouvait utiliser le carbone et les ressources à profusion – les ressources se raréfient, ne serait-ce que les terres rares indispensables aux objets

numériques tactiles. Cette incroyable révolution numérique se déroule dans un contexte où

l'industrialisation et la diffusion rencontrent une contrainte écologique très sérieuse. Notre époque doit

donc traiter des problèmes qui lui sont spécifiques par rapport à celle de la révolution industrielle.

L'ingénieur pris entre le marketing et la financeDe plus, le rapport entre le secteur productif et la société est inversé. Le modèle précédent suivait une logique simple, partant du progrès de la science, suivie par la diffusion dans la société qui jouait un rôle de débouché, et non un rôle fondamental dans la conception des produits. Notre époque se caractérise par une revanche de l'aval : il est désormais impossible de concevoir des produits sans commencer par considérer l'aval en recourant à un marketing renouvelé. Le numérique ouvre la porte au consommateur-acteur, qui introduit une attention grandissante pour des considérations hors marché, comme la confiance, la coopération, le « care ». Ceux qui commandent des produits aux ingénieurs sont désormais les commerciaux, jouissant autrefois d'une faible considération par rapport aux départements de R&D et des méthodes. Le financier coince lui aussi littéralement l'ingénieur en matière de retours sur investissements. Mais à l'inverse de la révolution industrielle, la révolution numérique contient dans son ADN des obstacles aux modèles d'affaires classiques. Pour recueillir des informations liées au marketing direct, il faut créer des plateformes contributives, des plateformes de conception et d'usage, dont l'accès doit être gratuit. La révolution numérique attaque donc le modèle marchand, que la révolution industrielle confortait et génère une crise de la définition des droits de propriété intellectuelle, de la frontière entre le public et le privé.

« prolétarisation cognitive et intellectuelle »La part de l'industrie de fabrication dans la valeur ajoutée et le PIB dégringole. Les secteurs industriels menacés, au niveau européen, sont très nombreux. Le secteur tertiaire se trouve lui aussi rationalisé de façon industrielle, avec l'émergence du secteur quaternaire. Il faut ajouter l'éclatement de la firme et la globalisation de la main-d'œuvre. Il faut créer et maintenir des emplois sur les territoires, mais les écosystèmes d'innovation n’en concernent qu'une portion étroite car la partie la plus matérielle de l'entreprise fuit là où les coûts de main d'œuvre sont les moins élevés. La révolution numérique induit également un taylorisme mental renforcé, un stress concernant la sécurité, et une nouvelle prolétarisation cognitive et intellectuelle.

Reposer les questions de la croissance et de l’emploi Mais la révolution numérique présente également une face positive : elle engendre une démocratisation de l'éducation et de l'activité par l'open knowledge, l'open data, l'open innovation, qui ouvrent comme jamais les possibilités d'accès à la connaissance. Elle favorise aussi l'inventivité et la créativité par le biais des plateformes collaboratives, des moteurs de recherche, des réseaux sociaux. Elle génère de nouveaux modèles de marché qui émergent et ont construit de grands groupes, à l'instar de Google et de Facebook,

qui peuvent maintenant se déployer dans d'autres domaines comme le transport ou la santé. Les

politiques publiques en profitent, dans la mesure où elles peuvent faire l'objet de réglages plus fins. Sur directive de Bruxelles, les services publics sont invités à fournir leurs données en open data et en temps réel, pour les rendre utilisables par des tiers. Mais cette ouverture peut bouleverser les acteurs traditionnels de certains secteurs. Ainsi la

SNCF estime que la mise à disposition de ses données d’horaires permettrait à Google

de devenir le premier portail de réservation de billets en ligne, ce qui priverait la SNCF de ses

partenariats avec les loueurs de voitures, les hôtels, etc., et donc de revenus conséquents. Ces questions doivent être abordées. Il faut gérer la transformation numérique de l’économie de façon compatible avec le progrès de la société, et reposer la question de la croissance et de l'emploi : c'est à l'extérieur de l'usine, au sens strict du terme, et de l'emploi salarié, que se forgent les réponses sociétales et économiques. Cela suppose de conduire une révolution institutionnelle concernant notre système de redistribution et de construire des modèles qui se substituent partiellement au concept d'emploi salarié actuellement en pleine crise. n

retrouvez la vidéo du séminaire sur webtv.utc.fr > Nos thématiques > Valorisation & stratégie d’innovation

séminaire «Innover l’innovation» : interactions.utc.fr

À la suite du colloque de ses 40 ans sur « Innover l’innovation », l’UTC, en partenariat avec la Conférence des présidents d’université (CPU), a organisé le 31 janvier 2014 un séminaire de réflexion intitulé « Innovation numérique et créativité ». Voici l’intervention de Yann Moulier Boutang, professeur de sciences économiques à l’UTC, sur le thème : Le numérique est-il créateur de valeurs économiques et sociales ?

Inauguration au Chili : un tronc commun plein d’avenir

Il faut gérer

la transformation numérique de

l’économie de façon compatible avec le

progrès de la société

Le numérique

ouvre la porte au consommateur-acteur,

qui introduit une attention grandissante pour des

considérations hors marché, comme la confiance, la

coopération, le « care »

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18 Avril 2014 //// Interactions

40 ansde l'utc

40 ansde l'utc

À l'occasion de ses 40 ans, l'UTC vous offre son histoire en BD : Au cœur du futur

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Avril 2014 //// Interactions 19

40 ansde l'utc

40 ansde l'utc

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20 Avril 2014 //// Interactions

taLentutc

Originaire de Calais, Timothée Tronet arrive en 2003 à l’UTC. Il découvre les burritos, plat typique mexicain, lors de son échange à l’université de Pennsylvanie. Depuis, il a créé l’enseigne Fresh Burritos, qui propose des saveurs mexicaines à l’heure du déjeuner et du dîner.

Après les États-unis, direction l’Argentine, où Timothée Tronet effectue son dernier semestre de cours et son stage de fin d’études. Diplômé en génie mécanique, il y reste pour travailler au

sein de Kraft Foods en marketing, en finance et en « corporate planning ». « J’ai toujours eu envie d’entreprendre, et j’ai rencontré beaucoup de chefs d’entreprise en Argentine. J’ai décidé de rentrer en France pour créer Fresh Burritos », raconte-t-il. L’idée de Fresh Burritos est née de ses expériences aux Etats-Unis et en Argentine, où il existe de nombreuses enseignes de restauration rapide spécialisées dans les plats mexicains – créneau encore vierge en France. « Pourtant, la cuisine mexicaine arrive en 2ème position pour les achats de cuisine ethnique en grandes et moyennes surfaces, après la cuisine japonaise, et le marché de la restauration rapide croit très rapidement en France depuis une décennie », analyse l’entrepreneur de 28 ans.

un premier restaurant à LilleÀ l’époque, il est célibataire et n’a pas d’enfant. Les ingrédients lui semblent donc réunis pour se lancer : il rentre en 2010 en France et ouvre son premier restaurant l’année suivante, à Lille (59). Ce restaurant pilote a fait l’objet de nombreuses modifications pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Décoration, gamme de produits, etc. : Timothée Tronet n’a pas hésité à remettre plusieurs fois son métier à l’ouvrage jusqu’à obtenir satisfaction. Début 2013, il peut donc ouvrir son deuxième restaurant, toujours à Lille, et se tourne vers la solution de la franchise pour développer son concept. « Les deux premières franchises se situent à Valenciennes et à Limoges. L’objectif est d’en créer 5 à 7 cette année. En parallèle, je souhaite lancer un restaurant en propre par an », détaille Timothée Tronet, qui sait que deux obstacles l’attendent : la recherche des bons emplacements, et des besoins importants en financements.

maturité et débrouillardise

Si ses cours en génie mécanique ne lui sont plus de la première utilité, Timothée Tronet estime que l’UTC lui a apporté beaucoup de maturité, d’indépendance, ainsi qu’un sens aigu de la débrouillardise – ne serait-ce que par la liberté donnée quant au choix des parcours. « L’UTC m’a permis de partir pour l’étranger, voyages sans lesquels je n’aurais pas eu l’idée de la cuisine mexicaine. Les cours d’entrepreneuriat aux États-Unis ont aiguisé mon envie d’entreprendre. Le diplôme de l’UTC donne une certaine crédibilité au moment de rencontrer les banquiers avec un projet d’entreprise sous le bras. Et la majorité de mes amis viennent de l’UTC ! », ajoute-t-il.

« Foncer ! »

Aujourd’hui, Timothée Tronet emploie 13 personnes, et les deux franchises comptent 10 salariés. Il a réalisé 1 million d’euros de chiffre d’affaires en 2013, et compte bien doubler ou tripler ce chiffre cette année. « Il faut savoir s’entourer. Je pensais être capable de réaliser la décoration moi-même mais, objectivement, le résultat n’était pas au rendez-vous. J’ai fait appel à un décorateur pour parvenir à ce que je souhaitais. Il faut accepter ses points faibles : je sais négocier, gérer les relations humaines, mais la communication n’est pas mon domaine. » Autre conseil, pour les étudiants qui souhaitent créer leur entreprise : il faut parler de son projet autour de soi, ne pas avoir peur de se faire voler son idée. « Discuter permet de vérifier la viabilité du projet, son accueil, sa pertinence, souligne-t-il. Et foncer ! On peut se poser des questions à l’infini, mais le tout est de passer de l’idée à l’entreprise. » Un conseil que le patron de Fresh Burritos applique : il ambitionne d’ouvrir 50 restaurants d’ici à 2018 ! n

Ouvert et ambitieux

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Direction de la publicationAlain storckRédaction en chefnadine LuftRédactionLaure Verhaeghe marilyne BerthaudConception / RéalisationL'agence& dorothée Tombini-ProtAssistanteCorinne delairImpressionImprimerie de Compiègne

UTC-CS 6031960203 Compiègne Cedexwww.utc.fr

Imprimé sur papier certifiéISSN 2267-9995

Avec le soutien de

2003 Entrée à l’UTC

2005 Échange avec l’université de Pennsylvanie

2007 Échange avec l’Institut technologique de Buenos Aires

2008 Diplômé en génie mécanique

Embauche chez Kraft Foods Amérique latine au sein du programme Haut Potentiel

2010 Retour en France

2011 Ouverture du restaurant pilote Fresh Burritos

2013 Lancement du concept en franchise et ouverture de 3 nouveaux points de vente (dont 2 en franchise)

2014 Entre 5 et 7 signatures de franchise sont prévues

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