intervention de monsieur le chanoine eric de beukelaer
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Intervention de Monsieur le Chanoine Eric de BEUKELAERTRANSCRIPT
Intervention de Monsieur le Chanoine Eric
de BEUKELAER
POURQUOI
JE NE CROIS PAS
A LA FAILLITE DU
CHRISTIANISME ?
TEXTE REPRODUIT INTEGRALEMENT SUIVANT
DECRYPTAGE DU SUPORT ENREGISTRE
De fait, le thème « faillite » je ne l’ai pas choisi par hasard.
Nous sommes repartis malheureusement dans un cycle je crois
économiquement plus dur mais le premier était 2008 et c’est à
ce moment là que « Nouvelle Cité » m’a demandé de
reprendre un propos que j’avais déjà fait et le mot « faillite »
m’est très vite venu.
Alors ce matin déjà au petit-déjeuner : « Ah c’est vous qui
parlez de la faillite, mais à quel titre mais moi je n’y crois pas
du tout à la faillite. » Evidemment.
Mais il faut, de temps en temps, oser les « mots chocs » et s’il
faut les oser c’est parce que le monde, les gens qui nous
regardent se posent cette question. Vos enfants se posent cette
question. Vos petits-enfants se posent cette question. Et vous-
même, responsables d’hospitalités, les malades dont vous avez
la charge, les malades que vous servez se posent également
cette question et nous devons pouvoir y répondre.
Alors une réponse courte, qui est évidemment la meilleure. La
réponse courte c’est de se dire de deux choses l’une :
- Soit le christianisme est un produit humain, comme d’autres,
et alors, comme toutes choses sur cette terre, il a eu un début
et il connaitra une fin. Les pharaons, 4 000 ans d’existence et
puis plus de pharaons. Les empereurs de Chine 4 000 ans
d’existence et puis pouf ... Rome a duré un peu plus de 1 000
ans et puis l’empire romain s’est écroulé. Toute chose sur cette
terre, un jour, la France, la Belgique (la Belgique peut-être plus tôt que la
France), connaitra sa fin. Toute chose humaine connaît sa fin.
Donc si le christianisme est simplement une construction
humaine, génial, Jésus étant un grand prophète mais pas un
prophète élu comme les autres.
- Oui, soit, le christianisme n’est pas qu’un produit humain il
est aussi un produit de l’humanité puisqu’il est venu parmi les
hommes mais il vient de Dieu, il est le projet de Dieu. Alors la
parole du Christ et les portes du mal ne pourront rien contre
elle. Alors c’est un acte de foi de se dire « le christianisme ne
passera pas » et cela nous dépasse.
C’est clair, ceci est la réponse courte et elle est utile parce que
mes collègues dans la prêtrise ici présents ou vous-même, je
crois qu’il nous arrive d’avoir des petits moments de
découragement soit dans sa paroisse, soit justement dans son
service d’hospitalité, soit simplement quand on voit le diocèse,
soit dans sa famille : mes enfants ne vont plus à la messe, les
petits-enfants, n’en parlons pas, il y en a qui ne sont même pas
baptisés et la réaction, parfois, c’est de se crisper et, à ce
moment là, il faut un acte de foi.
L’ancien archevêque de MALINES-BRUXELLES, le cardinal
Godfried DANNEELS avait ce bon sens flamand et le soir il
racontait que quand il avait trop de soucis, qu’il était un peu
angoissé, en allant se coucher il y avait une petite croix dans
sa chambre à coucher et sa dernière pensée c‘était de dire avec
son bon accent flamand : « Seigneur, ce diocèse, c’est le tien
ou c’est le mien ? C’est le tien, hein, bon, moi je vais me
coucher. Bonsoir. » Je pense que nous devons faire cet acte de
foi, c’est à dire l’Eglise vient de Dieu. Parce qu’elle vient de
Dieu, d’une manière qui nous échappe, elle sera féconde et
donc, comme disent les jeunes « cools »
Mais une fois qu’on a dit cela, cela est la réponse courte, je
pourrais vous dire donc voilà, merci, au revoir. C’est comme
ces repas de nouvelle cuisine où il n’y a plus grand chose.
Non, je crois qu’il faut aller un peu plus loin et se dire, tiens,
d’accord mais maintenant est-ce que, avec un langage humain,
dans ce XXIème siècle qui est le nôtre, est-ce que nous pouvons
trouver les arguments pour expliquer la fécondité du
christianisme ?
C’est un petit chemin que je voudrais faire avec vous d’abord
à travers, brièvement, l’histoire du christianisme et puis,
réfléchir à ce XXIème siècle dans lequel nous sommes
aujourd’hui.
Je voudrais le faire en utilisant une parabole. Vous savez,
Jésus, pour garder l’attention de son public il utilisait le
langage des paraboles. C’étaient les paraboles de son époque :
« Le royaume de Dieu c’est comme un grand roi qui offre un
banquet, c’est comme un berger qui …, c’est comme un
semeur qui … ». Je vais faire la même chose à ma mesure et
utiliser une parabole d’aujourd’hui puisque j’ai parlé de
faillite. Je vais comparer l’Eglise de Jésus-Christ à une
entreprise. Une parabole de nos jours. Mais je sais bien que
certain pourraient me dire que l’Eglise n’est pas une
entreprise. Non. C’est une parabole.
Comparons l’Eglise à une entreprise. Faisons l’état des lieux
de cette entreprise depuis, je dirais, la fin de la seconde guerre
mondiale et je dirais surtout la fin des années 50. Quelle est la
constatation ? C’est vrai que c’est une entreprise qui perd des
parts de marchés chaque année, qui a une image de marque
qui est déficitaire, qui a souvent des cadres vieillissants, qui a
beaucoup de clients ou de membres démotivés où le taux de
satisfaction n’est pas toujours optimal par rapport à l’Eglise
triomphante du 19ème siècle où tout n’était pas parfait mais,
c’est une constatation froide, comme peut en faire une société
d’audit.
Que fait-on quand une entreprise constate cela ? On invite
toute une série d’experts et on commence à réfléchir et dans
une entreprise qu’est-ce qu’on se dit : Est-ce qu’il faut revoir
le management, est-ce qu’il faut revoir le marketing, est-ce
qu’il faut revoir le merchandising, est-ce qu’il faut revoir le
packaging, vous savez, tous ces mots qui sont venus de
l’anglais et qui se terminent par « ing ».
Eh bien, dans l’histoire de l’Eglise catholique on n’a jamais
tant fait cela depuis le Concile Vatican II. Le Concile Vatican
II est le 1er Concile dans l’histoire de l’Eglise dont l’objet
principal, le sujet principal, n’est pas une question de foi, une
question de société. Le sujet principal de Vatican II c’est celui
qui parle, c’est-à-dire, l’Eglise elle-même. La 1ère fois qu’un
Concile avait comme sujet principal : soi-même, l’Eglise. Et
depuis le Concile, mais combien de Synodes, mises à jour, est-
ce qu’il faut aller comme ceci, est-ce qu’il faut aller comme
cela pour dire qu’on ne le fait pas. C’est faux, on n’a jamais
tant fait et, si vous voulez mon avis, je crois qu’il faut le faire.
Parfois on fait un peu trop. Parfois à force de s’auto regarder
on oublie ce pourquoi on est là : ANNONCER JESUS-
CHRIST. Mai il faut le faire.
Est-ce qu’on a assez fait ? Ah, un autre débat. Evidemment, le
constat reste, on a fait le merchandising, le packaging, le
management, le machin, continué à perdre des parts de
marchés, on continue à avoir une image de marque déficitaire,
on continue à avoir un taux de satisfaction qui n’est pas
suffisant. Alors qu’est-ce qui se passe dans une entreprise
quand cela arrive ? On cherche un bouc émissaire. Les
syndicats vont dire ce sont les patrons, qu’est ce que vous
voulez, ils s’en mettent plein les poches. Et les patrons vont
dire ce sont les ouvriers qui pourraient plus travailler. On va
délocaliser dans les pays de l’Est. Vous allez voir ce que vous
allez voir.
Exactement la même chose que l’on peut vivre dans l’Eglise.
Comment voulez-vous que cela aille dans cette Eglise ? Ces
curés qui ne se respectent plus, qui n’ont plus la soutane, qui
n’ont plus le latin, qui n’ont plus … Et … pourquoi pas ?
Moi j’ai de temps en temps des gens qui me disent cela et puis
je les laisse parler. Je leur dit : vous avez surement raison mais
dites-moi si demain on se remet à faire la messe selon le rite
extraordinaire et que tous les prêtres mettent la soutane
pensez-vous que vos enfants et petits-enfants vont retourner à
l’Eglise ?
Et puis il y a les autres qu’est-ce que vous voulez on ne va pas
assez loin avec Opus Dei et le Vatican. Que l’on prenne des
hommes mariés et puis la place des femmes dans l’Eglise et il
faut que cela s’ouvre, que cela respire. Peut être. Moi je ne
suis très pragmatique. Je n’ai pas de boule de cristal. L’Esprit
Saint, je ne sais ce qu’il dit à son Eglise pour demain ou après
demain mais je laisse parler ces gens là et je leur dit si demain
il y a des femmes prêtre, évêque, pape, tout ce que vous
coudrez, vos enfants, vos petits-enfants vont-ils retourner à
l’Eglise ?
Chercher un bouc émissaire. A gauche, à droite ou alors le
bouc émissaire préféré, surtout dans l’univers chrétien, c’est
soi-même. Ah, père, j’ai tout raté, vous savez. Voila, nos
enfants pourtant mon mari et moi les avons éduqués … et puis
les petits-enfants qui ne sont pas baptisés. Ah, je m’en veux.
Qu’est-ce que l’on a fait de mal ? Qu’est-ce qu’on … Et on se
culpabilise et du coup on a des chrétiens qui ont la tête jusque
par terre, qui donnent envie de prendre de l’aspirine et ils
s’étonnent que leurs petits-enfants n’aient pas tellement envie
d’être chrétien.
Mais non. Je dis souvent à ses parents et grands parents on a
sans doute fait des erreurs et moi aussi, bienvenue au club,
mais cela n’est pas comme cela que ça marche. La raison
principale c’est qu’on a changé et très, très vite.
Il y a encore 50, 60 ans, dans les villages d’Alsace, pour
n’importe quel adolescent, il y avait déjà la radio, le poste de
télévision dans quelques maisons, mais pour n’importe quel
adolescent, concrètement, le cœur du village, le cœur de son
monde c’était quoi ? C’était encore la tour de l’église, même
s’il y allait un peu moins souvent elle était là, le curé était là.
C’était le cœur du village.
Aujourd’hui, dans n’importe quel village d’Alsace et je vais
même vous dire même en Patagonie, dès qu’il y a l’électricité
et quelques moyens, le cœur concret mental pour tout
adolescent normalement constitué c’est quoi ? C’est l’écran de
son ordinateur, c’est Internet.
Thierry et moi sommes d’une génération intermédiaire, c’était
la TV, la TV qui entrait au cœur des maisons. Aujourd’hui c’est
l’écran de l’ordinateur, c’est une structuration mentale
totalement différente. Je clique, je surfe, je passe, cela donne,
de fait, un monde différent. Des jeunes qui ne sont pas contre.
La génération des anticléricaux n’existe plus tellement.
Aujourd’hui ce sont des jeunes simplement qui ont du mal à
s’enraciner. J’en parlerai dans un instant. On vous écoute. On
dit oui, c’est bien ce que tu fais, grand père, grand mère et 10
minutes plus tard ils sont dans tout autre chose et on a
l’impression qu’ils ont du mal à faire le lien. Je clique, je
surfe. Le monde a changé.
Alors, voyez-vous, pour revenir à ma parabole, quand une
entreprise perd des parts de marchés, a un taux de satisfaction
qui n’est pas optimal, a des cadres démotivés, a une image de
marque poussiéreuse. Quand on s’est posé toutes les questions
: est-ce que c’est le management, est-ce que c’est le
marketing, est-ce que c’est le packaging, est-ce que c’est le
machin et qu’on s’est posé toutes ces questions, peut être pas
suffisamment, on peu continuer. Mais qu’on se les ait posé et
qu’une tendance continue, à ce moment là il faut qu’une
entreprise se pose la seule question qu’elle n’a pas envie de se
poser, mais qui est la seule question essentielle, mais, tout
compte fait, est-ce le produit que je vends est encore bon ?
Est-ce que le produit que je vends est encore compétitif ? Est-
ce qu’il n’y a pas de meilleur produit aujourd’hui sur le
marché ? C’est une question que l’on n’aime pas se poser
parce que c’est la question vitale. C’est une question de vie ou
de mort.
Eh bien, chers amis, pour le christianisme il en va exactement
de même.
On peut se poser la question de remettre ou d’enlever les
soutanes, d’ordonner, de machin ou de chi ... La question
vitale, et je vous dirais c’est la seule qui m’intéresse vraiment,
ce qui ne veut pas dire que les autres inintéressantes mais elles
sont drôlement accessoires, c’est de se dire : Est-ce que le
christianisme est encore une bonne nouvelle pour vos enfants
et petits enfants ? Est-ce qu’aujourd’hui ils n’ont pas trouvé
mieux pour donner un sens à leur vie ? C’est cela la question
qu’il faut aborder, c’est cela la question aussi pour les malades
que vous accompagnez : QUELLE ESPERANCE LEUR
DONNONS-NOUS ?
Alors il est évident, je pense, que le christianisme est une
bonne nouvelle et que c’est un produit, pour employer ma
parabole, c’est un produit indémodable. Mais il s’agit encore
d’expliquer cela et de pouvoir l’expliquer de telle manière à ce
que, aujourd’hui encore, nous puissions nous entraîner à
annoncer le Christ avec enthousiasme, avec force.
Pour faire cela je voudrais tous d’abord faire un petit détour
par l’histoire avant d’arriver au XXIème siècle dans lequel
nous vivons.
En continuant ma parabole de l’Eglise comme une entreprise,
quelle est l’évolution que cette entreprise a connue au cours de
2 000 ans ? Eh bien, au cours des 2 000 ans de son histoire, si
je dois vraiment schématiser très, très, très fort, je dirais qu’il
y a eu 4 modèles d’entreprise.
Je m’explique : 1er modèle d’entreprise : je ne sais pas si vous
avez suivi ou si vous vous y connaissez un tout petit peu en
informatique, plus que moi ce n’est pas très difficile. Je ne sais
pas si vous avez suivi tout ce que l’on a écrit sur la mort de
Steve JOBS, le fondateur d’Apple, un des grands pionniers
dans le monde de l’informatique? Tout le monde racontait
qu’au début il avait commencé dans sa cave ou son garage
avec un associé. C’est là que tout a commencé. Toute
multinationale commence par ce que l’on appelle un «
STARTUP » une toute petite entreprise.
Eh bien, le christianisme, si je le compare à une entreprise, a
commencé comme un startup. Un startup c’est quoi ? C’est un
nouveau concept d’entreprise, peu de moyens mais une idée
révolutionnaire nouvelle qui va s’imposer dans un marché et
qui va essayer de croître. C’est exactement comme cela que le
christianisme a commencé, l’événement de la mort et de la
résurrection du Christ se greffant sur toute l’histoire d’Israël a
été une nouvelle vraiment appropriée à l’époque où elle est
apparue, l’année 30, année de la mort et de la résurrection du
Christ selon les historiens. Elle est apparue comme quelque
chose de fort et de nouveau. A la fois un message universel
dans un monde très stratifié, un message qui s’adresse aux
esclaves comme aux empereurs et en même temps un message
de bienveillance mais aussi d’exigence dans un monde qui
avait un comportement moral même très relatif. Un message
qui prend l’homme dans toutes ses dimensions au sérieux tant
par rapport à l’honnêteté que la vie familiale que la vie
politique, un message qui prend l’homme vraiment au sérieux.
Cette petite entreprise, eh bien, elle a commencé à se
développer. On a vu que très vite, à travers les canaux de
circulation de l’empire romain, le christianisme a circulé et, je
dirais que, comme tout startup, comme toute petite entreprise
l’Eglise a connue les joies et les difficultés de cette époque.
Quelles sont les joies d’un startup, d’une entreprise qui se
créé, qui doit se battre ? Les joies c’est que c’est l’époque des
pionniers. Ceux d’entre vous qui ont commencé une entreprise
ou qui connaissent quelqu’un qui l’a fait, un enfant ou un petit
enfant, savent bien que lorsqu’on se bat pour sa propre
entreprise il n’y a pas de soirée, il n’y a pas de week-end.
C’est sans cesse une question de vie ou de mort. On se donne
totalement. Si on n’est pas passionné, on ne le fait pas.
Eh bien, de même, durant ces premiers siècles d’existence de
l’histoire de l’Eglise il n’y avait pas de statut protégé pour les
chrétiens. Etre chrétien c’était risquer sa vie et donc c’est
l’époque des martyrs, c’est l’époque vraiment où on se donne
pleinement, où on n’a pas de privilège d’Etat et c’est pour cela
que c’est une époque qui, aujourd’hui encore, nous inspire
tellement.
Par contre quelles sont les peines, les difficultés d’un startup :
d’abord la concurrence va essayer de l’écraser évidemment.
Les grandes entreprises ne vont pas laisser ce petit nabot
essayer de grandir. A côté de cela, souvent, durant les
premières années, s’il y a quelques associés on risque de se
disputer parce qu’on n’est pas d’accord et certains claquent
même la porte. C’est exactement, sans rentrer dans les détails,
l’histoire des premiers siècles du christianisme : les
persécutions au fur et à mesure que le christianisme augmente,
et puis des querelles internes pour des questions de foi ou de
discipline qui sont parfois très douloureuses d’où les premiers
Conciles et d’où aussi les premiers groupes de chrétiens qui se
séparent de la grande Eglise. Ca, se sont les premiers siècles.
L’Eglise est comme un startup, une petite entreprise. Le bon
côté c’est l’époque des pionniers, l’époque des martyrs. Le
moins bon côté ce sont aussi des moments de lutte soit contre
les persécutions, soit à l’intérieur.
L’époque, l’an 30 jusque, date fétiche, 380. Pourquoi 380 ?
Parce qu’en 313, si vous connaissez un peu votre histoire,
l’empereur Constantin se dit lui-même catéchumène chrétien
et c’est la fin des persécutions. Mais en l’an 380 l’empereur
Théodase fait du christianisme la religion d’Etat. Cela veut
dire que le christianisme s’installe dans les souliers des
anciennes religions officielles de l’empire romain. Il devient
lui-même la seule religion reconnue et on passe à autre chose.
380, le christianisme devient « RELIGION D’ETAT ».
Je reviens à ma parabole de la petite entreprise qui est devenue
une grande entreprise. Comment appelle-t-on une entreprise et
l’Etat dit il n’y a que cette entreprise là que je reconnais, elle
est la seule à pouvoir, pour ce produit là, occuper le marché,
en France vous avez eu les PTT, l’Eau, le Gaz, cela s’appelle
un monopole d’Etat.
Le christianisme qui a commencé comme un startup, une
petite entreprise avec un nouveau projet comme Steve JOBS
avec Apple. Il a tellement réussi que, pour se maintenir,
l’empire romain en fait un monopole d’Etat. Et le monopole
d’Etat il va durer jusque quand ? Jusqu’à la Révolution Française. 1
400 ans de monopole d’Etat ? Près de ¾ de l’histoire du
christianisme est celle d’un monopole d’Etat. Il faut le savoir,
cela permet de comprendre beaucoup de choses.
Alors, une fois de plus, un monopole d’Etat est-ce que c’est
bon, est-ce que ce n’est pas bon ? Comme tout modèle
économique il a ses avantages, il a ses inconvénients. Il est
évident nous sommes tous des enfants de la Révolution Française et
Jean-Paul II lui-même a dit que la laïcité politique était un
bienfait. Personne ne veut revenir à une confusion entre
l’Eglise et l’Etat mais, pour l’époque, il y a du bon et il y a du
moins bon.
L’avantage d’un monopole d’Etat c’est qu’un prix, défiant
toute concurrence, permet de faire parvenir un produit de 1ère
nécessité à autant de monde que possible. C’est pourquoi les
grands secteurs de l’économie souvent et surtout après les
guerres, deviennent des monopoles d’Etat. L’Etat souhaite que
tous les citoyens aient accès aux Postes, à l’Eau, au Gaz et à
des prix qui leurs permettent de vivre. Ca, c’est le bon côté
d’un monopole d’état.
Et de même, si je dois revenir à l’histoire de l’Eglise, le bon
côté, du fait que l’Eglise soit devenue une religion d’Etat, a été
que, par tous les canaux de l’empire romain et puis quand sont
venus Clovis et puis Charlemagne, mais tout cela n’est qu’en
continuité. A travers les canaux politiques le christianisme est
parvenu à s’insérer partout, jusqu’au dernier petit village
d’Alsace ou de Belgique. Et, croyez-moi bien, il a fallu des
siècles pour cela. On parle de St. Martin et des évangélisateurs
des campagnes mais les villes ont été rapidement
christianisées. Les campagnes, pendant les premiers siècles,
les curés étaient un peu druides et les druides un peu curé.
C’était un peu … Il a fallu vraiment du temps pour que le
christianisme y parvienne. Et alors, on a aujourd’hui, on est
tous un peu les héritiers de Rousseau, le bon sauvage, oui,
mais enfin, fallait-il vraiment. Ces braves druides et tout cela.
D’ailleurs, cela revient un peu à la mode. Moi, je veux bien,
mais enfin je rappelle aussi que les religions druidiques et
autres étaient des religions de la peur avec des sacrifices
humains. Le christianisme a délivré de la peur, énormément, et
donc il a permis que ce message d’amour et de libération
parvienne partout dans notre continent européen et je dirais
qu’il façonne notre inconscient collectif. Aujourd’hui,
évidemment, il y a eu la révolution française, il y a eu les
lumières, il y a eu le socialisme, le marxisme et tout le reste
mais vous pouvez savoir, la plupart des historiens sont
d’accord la dessus, que si aujourd’hui, en occident, dans
d’autres pays aussi, mais en occident c’est prégnant, nous
avons une aide sociale pour les démunis et nous avons un
système pénitencier qui est humanisé, autant que faire ce peut,
parce que rien n’est parfait, nous avons une aide au chômeurs
et ainsi de suite souvent tenu par des gens qui sont des
bouffeurs de curés, qui ne sont pas du tout cléricaux. Mais
c’est aussi, pas uniquement, mais c’est aussi parce que
pendant 1 400 ans le monopole d’Etat a été celui qui dit : «
tout ce que tu as fait au plus petit de tes frères, c’est à moi, dit
le Christ, que tu l’as fait ».
Notre société, même aujourd’hui encore, dans ses composants
les moins christianisés, est encore marquée par ces 1 400 ans
d’histoire où le christianisme était vraiment présent jusque
dans les derniers ports de l’Etat. Ca c’est le bon côté !
Evidemment, il y a un moins bon côté à un monopole d’Etat.
Quand vous avez dans une main le sabre et dans l’autre le
goupillon c’est toujours un peu embêtant et là cela a dérapé.
Pour être schématique, une fois de plus, jusque l’an 1 100 le
monopole d’Etat était un bienfait. L’Eglise est parvenue à
sauver le meilleur de l’héritage de l’empire romain et les
monastères étaient vraiment des lieux de culture et les choses
se passaient plutôt bien. A partir de 1 100 – 1 200 – 1 300
l’occident redevient plus conscient de lui-même au sort du au
moyen âge c’est les villes qui se créent, les universités qui se
créent. C’est l’époque aussi où l’on retrouve une expansion,
une fierté, c’et l’époque des croisades qui est la réponse de la
guerre sainte des musulmans, c’est quand même un peu
spartiate comme action. C’est le moment où on va voir
apparaitre les premiers dérapages sérieux.
C’est le moment où, au Sud de la France, par exemple, il y a les
Cathares et que donc on en appelle à une croisade à l’intérieur.
C’est le moment où, utilisant les moyens de l’Etat, on va créer
un tribunal, le pape lui-même va créer un tribunal de la foi qui
légalise la torture pour permettre, je dirais, à veiller à la
doctrine juste et combattre les hérésies, c’est l’inquisition.
Torturer au nom du Christ, le Prince de la Paix, ce n’est quand
même pas tout à fait parfait. L’inquisition, évidemment, est un
grand dérapage.
Mais curieusement je peux vous dire par delà la légende noire,
le principe est inacceptable, c’est un dérapage, il n’y a pas
photo, mais cela reste encore un dérapage contrôlé, c'est-à-dire
que les historiens nous disent que l’inquisition pontificale a
fait 2 000 victimes, 2 000 de trop, évidemment, mais à
l’époque on faisait 2 000 victimes pour moins que cela, cela
reste encore, d’un point de vue sociopolitique un phénomène
qui reste contrôlé.
Là où cela va complètement déraper curieusement c’est à
partir du XIVème siècle, la sortie du Moyen Age.
Pourquoi ? Parce que c’est une époque où quelque chose de
nouveau est en train d’advenir, le monde moderne étant
quelque chose de nouveau arrive, c’est les Etats nations. Cela
se fait dans les douleurs des tremblements. Cela commence
par un grand traumatisme qu’on peut dater, c’est 1343, la
maladie qu’on a connu en occident mais qui avait disparue qui
revient par la Chine, par les marins Genevois et qui revient chez-
nous, la grande peste qui en 3 ans va tuer le tiers de l’Europe à
une époque où l’on ne connaît pas les microbes. Et donc il faut
expliquer et à l’époque on sort de la féodalité et donc l’idée
c’est Dieu qui a envoyé cette punition. Et donc on se dit si
Dieu nous punit au point de faire en sorte qu’un tiers de la
population, alors imaginez-vous des villes entières qui sont
rayées de la carte, des charniers humains, cela a été un
traumatisme énorme. Et donc on s’est dit si Dieu est tellement
fâché qu’il nous envoi cette punition, mentalité de l’époque,
c’est qu’on est très méchant. Et c’est à ce moment là qu’une
fièvre satanique s’empare des populations, c’est à dire l’Eglise
a toujours crue au mal, au pouvoir du malin, mais là le malin
va devenir plus important que le Bon Dieu. Et pour faire bref,
quand la peur se saisi des gens, vous savez on a tous peur,
mais quand la peur se saisis de notre existence, c’est un cancer
qui tue tout. Et donc durant cette époque de fait cela va
complètement déraper. Si le diable est présent, c’est qu’il avait
ses agents secrets. Alors les agents secrets du diable c’est les
sorciers, n’est-ce pas, Mesdames, surtout les sorcières, c’est
que la femme est beaucoup plus perméable à l’œuvre du
malin.
Je vous ai dit que l’inquisition c’était 2 000 victimes, la chasse
aux sorcières cela fera plus de 200 000 victimes, tant chez les
catholiques que chez les protestants. Là c’est un bel
œcuménisme. On va tuer autant. Donc les sorciers et les
sorcières.
C’est à ce moment là aussi que les juifs vont être accusés de
tout. Il pleut, c’est les juifs, il ne pleut pas, c’est les juifs, il fait
beau, c’est les juifs. Les juifs qui au début du Moyen Age
avaient, je dirais, un certain accueil vont, une fois de plus, à ce
moment là commencer à être chassés, persécutés.
Et le 3ème bouc émissaire c’est nous-mêmes. C’est à partir de
ce moment là qu’on va parler du péché humain. On va dire
que l’homme est vraiment le dernier des derniers. L’Eglise a
toujours crue que l’homme était pécheur mais cette espèce de
pessimisme qu’on va trouver chez Lutter et Calvin, l’homme
est fait pour la damnation…, il n’y a qu’une prédestination
qui…, mais c’est chez les catholiques aussi qu’on retrouve…,
chez les jansénistes…, mais il était le propre d’une société,
vraiment un grand pessimisme.
Face à cela de plus en plus d’humanistes vont commencer à se
séparer de l’Eglise. On va avoir de plus en plus d‘intellectuels
qui vont être critiques. Cela va commencer par la génération
d’Erasme et puis on va avoir évidemment les Voltaire les
Diderot en France et donc, une des raisons pour lesquelles il y
a eu tant, aujourd’hui encore, tant d’intellectuels qui ont des
comptes à régler avec l’Eglise c’est parce que, on est le fruit
d’un inconscient collectif qui s’est construit. Et donc cela va
aboutir à 1789, la révolution française. C’est de Paris que cela
est parti mais cela a éclaté dans toute l’Europe.
Unilatéralement l’Etat dit : le monopole d’Etat c’est fini. Il n’y
a plus de lien entre l’Eglise et l’Etat.
Au début on va le faire en coupant une série de têtes, on va
désacraliser les églises, vous savez c’est une réaction
terriblement violente mais, souvent, ce qui vient après tant de
siècles explose d’une manière beaucoup plus forte.
Mais après beaucoup d’instabilité il faut retrouver un
arrangement qui assure la paix à la société. C’est Napoléon qui
va le trouver, une fois de plus, en France mais cela va se
répandre partout dans l’Europe. C’est le concordat entre le
Pape et l’empereur Napoléon qui, au XIXème siècle crée un
nouveau mode de société qui va se répandre partout en
Europe.
Je vous ai dit le monopole d’Etat, je reprends la parabole de la
petite entreprise, l’Eglise et l’Etat sont liés. Quel est le
nouveau modèle d’entreprise qu’on va voir au XIXème siècle
? Il n’y a plus de monopole d’Etat. La séparation entre l’Eglise
et l’Etat est faite. Qu’est-ce qui va se créer comme modèle
économique ? Comment l’Eglise va s’organiser ? Napoléon dit
: séparation de l’Eglise et de l’Etat, concordat qui existe
toujours dans les départements du Rhin et de la Moselle et en
Belgique moyennant des aménagements, mais liberté
d’association, liberté de culte, chacun croit comme il veut.
Qu’est-ce que l’Eglise va faire ? Elle va organiser ses écoles,
elle va organiser ses paroisses, elle va organiser ses
hospitalités qui prennent soin des malades, ses hôpitaux. Elle
va s’organiser.
Et dans les pays, à majorité catholique, comme la Belgique,
comme l’Alsace, comme une grande partie de la France, qu’est-
ce qui va advenir au XIXème siècle et durant la première
moitié du XXème siècle ? Ce n’est plus un monopole d’Etat
mais, au fait, en général, quand on a une population qui est
majoritairement catholique, en Belgique lors de notre
indépendance en 1830, 98 % de la population était baptisée
catholique. Je crois qu’en Alsace en 1830 c’était à peu près la
même chose. Qu’est-ce que cela donne comme modèle
économique ? On appelle cela un monopole de fait. Pour ceux
qui ne savent ce qu’est un monopole de fait : quand vous
habitez un petit village d’Alsace et qu’on est en hiver, qu’il y a
de la neige partout, les routes sont impraticables, vous n’avez
pas de voiture, il n’y a qu’une seule épicerie, vous n’aimez pas
l’épicier et vous trouvez, qu’en plus, ses prix sont
horriblement surfaits, que ses produits ne sont pas frais et qu’il
n’est pas agréable, mais vous devez aller à l’épicerie, vous
n’avez pas le choix, il n’y en a qu’une et vous ne pouvez pas
vous déplacer. A ce moment là, l’épicier a un monopole de
fait. Vous pouvez aller où vous voulez mais, dans les faits, il
n’y a qu’une seule épicerie.
Eh bien dans les pays à majorité catholique comme la grande
partie de la France et comme la Belgique on a la liberté de culte mais
dans les faits la grande majorité de la population est baptisée
catholique, aura une scolarisation dans une école de bonnes
sœurs soit, en tous cas, avec des cours de catéchisme
aménagés, ira dans des mouvements de jeunesse catholiques,
ira dans des associations catholiques, dans les associations
professionnelles catholiques et puis, s’il tombe malade, ce sont
des bonnes sœurs également qui seront à l’hôpital pour s’en
occuper et puis, quand on meurt, on est enterré à l’église. Du
berceau jusqu’à la tombe, l’Eglise catholique a un monopole
de fait, grand en tous cas, sur toute la société.
Alors, une fois de plus, ça c’est un modèle qui a tenu, bon an,
mal an, dans de larges parties de l’Europe soit chez les
catholiques soit chez les protestants, mais alors souvent
protestants durant le XIXème siècle et durant la première
moitié du XXème siècle. Quel est le bon côté de ce modèle ?
Le bon côté de ce modèle c’est que cela a permis à la bonne
nouvelle de Jésus-Christ d’être vraiment présent au cœur de la
société.
Je m’adresse ici à ceux qui ont un peu plus de cheveux blancs
que moi ou un peu moins de cheveux que moi, qui ont encore
vraiment connu ce système. Qui d’entre vous ne peut pas dire
oui il y avait tel père ou telle sœur quand j’étais à l’école qui
m’a aidé. Dans les mouvements de jeunesse, tel aumônier était
vraiment un pilier qui nous a aidés ou quand ma grand-mère
était malade il y avait une religieuse qui la veillait et elle est
morte accompagnée par les prières. C’était vraiment un
moment où l’Eglise était présente au cœur de la société. Nous
n’avons pas à en rougir de cette époque.
Le moins bon côté, parce qu’il y en a de cette époque eh bien,
quand on a un monopole de fait on a toujours tendance à être
frileux, défensif et, de fait, l’Eglise a souvent été frileuse et
défensive. « Si vous ne mettez pas vos enfants à l’école de
Monsieur le Curé, si vous ne lisiez pas le bon journal
approuvés par nos Seigneurs les évêques, si vous n’étiez pas
au syndicat qu’il fallait, … » Il y avait un peu ce côté « Eglise
forteresse » et d’ailleurs regardez les monastères qui ont été
construits au XIXème siècle. Ils sont souvent construits
comme des forteresses, des remparts, contre la révolution
française, contre la laïcité. Il y a un peu ce côté défensif qui
nous a écarté des personnes. Un petit exemple : comme jeune
séminariste, il y a 25/27 ans, je commençais à faire mon stage
à Liège, Liège est un pays qui a eu pendant 1 000 ans comme
prince un évêque, donc par réaction Liège est un pays de
longue tradition anticléricale, c’est dans les gênes et donc un
socialisme de tradition anticléricale, pas virulent mais présent.
J’ai encore connu quand j’étais jeune séminariste comme ça,
j’allais au bal du bourgmestre, bourgmestre socialiste
évidemment et je voyais arriver le bon militant avec ses
grosses moustaches me dire : Curé (parce que là bas dès qu’on
était ecclésiastique on était curé) je ne suis pas catholique mais
je vais tous les dimanches à Notre-Dame de BANNEUX
(pèlerinage marial du diocèse de Liège). Qu’est-ce que cet
homme a voulu me dire ? Il m’a dit écoute, je ne vote pas pour
ton parti comme si le parti démocrate chrétien, puisqu’à
l’époque il s’appelait encore comme cela, était le parti de
l’Eglise, je vote pour les socialistes donc tu ne me verras
jamais dans ton église parce que si mes camarades me voient à
la paroisse cela veut dire que je suis un traitre. Mais je suis
chrétien donc je vais à BANNEUX et là on ne me connaît pas.
C’était la fin de cette époque mais c’était quelque chose qui
existait encore.
Ce système du monopole de fait il a explosé également et nous
sommes arrivés dans une quatrième époque et ça c’est MAI 68
– tout ce qui est autour de MAI 68. MAI 68 c’est cette grande
révolution sociale qui a fait, qu’aujourd’hui, l’homme
moderne, tout ce qui est de l’ordre du monopole quel qu’il
soit, il n’en veut plus. MAI 68 c’est quoi ? Ce n’est pas parce
que mes parents sont de bons cathos, directeurs d’hospitalités
de Lourdes que je ferais baptiser mes enfants. Et vis-versa.
J’étais directeur de séminaire, j’avais des séminaristes dont les
parents étaient des athées.
C’est un monde où chacun fait son chemin, trace sa route et
s’il y a bien une chose, quand j’étais porte-paroles des évêques
je l’ai dit aux évêques ne parlez jamais à la population, dans
les média en position d’autorité. Ils ne le supportent plus
même si vous dites des choses très intelligentes, vous allez
être « balancés ». Ils ne voudront pas vous entendre. La
population, notre mentalité, refuse tout ce qui donne
l’impression : « vous qui devez penser comme nous car je suis
quand même un évêque, je vais vous dire … » On ne veut plus
de cela à tort ou à raison mais c’est la société dans laquelle on
vit. Par contre j’ai dit aux évêque si vous entrez dans une
position de débat en disant : « écoutez, je donne mon avis dans
le débat démocratique, écoutez-moi au moins parce que je
serais le seul à ne pas donner mon avis ». Là on vous écoute.
Nous sommes dans une société où toutes les opinions sont
mises en concurrence où chacun doit trouver sa place et ça
c’est vraiment le monde qui est né de MAI 68.
Alors, pour reprendre ma parabole, comment appelle-t-on en
terme économique ce monde là ? Ce n’est plus un monopole
de fait, ce n’est plus un monopole d’Etat, ce n’est plus un
startup aujourd’hui l’Eglise. L’Eglise est mise dans ce que
l’on appelle LA CONCURRENCE PARFAITE. Un modèle économique
de concurrence parfaite. Alors pour celles ou ceux qui se
disent qu’est-ce que cela veut dire la concurrence parfaite, je
vais vous expliquer. Vous savez tous très bien ce que cela veut
dire la concurrence parfaite. Quand vous faites vos grands
achats du week-end, dans le temps, quand vous étiez dans un
petit village d’Alsace ou de Lorraine ou de Normandie, vous
alliez à l’épicerie du village et la boucherie du village et la
boulangerie du village. Aujourd’hui pour 95 % de la
population quelle est la première question qu’on se pose quand
on va faire ses grands achats du week-end ? Auchan, Leclerc
ou Carrefour. Concurrence ! Une fois qu’on a fait son choix,
va pour Auchan, vous êtes là avec votre « caddy » dans les
rayons du magasin. Qu’est-ce que vous faites ? Est-ce que
c’est parce que vous prenez le produit Bref ou Dach, enfin je
n’y connais pas grand-chose, pour la poudre à récurer que
vous allez aussi le prendre pour la poudre à lessiver. Ah, moi,
je suis fidèle à une seule marque. Mais non, vous allez peut
être prendre du Bref pour ceci, du Dach pour cela. C’est ce
que les anglo-saxons appellent le « pick en choice » « je
panache mon choix ». Je vais dans les rayons, je choisis. C’est
le client qui fait son panachage. Ca s’est la concurrence
parfaite. Les produits sont tous là dans le rayon.
Eh bien, c’est exactement le comportement du religieux de la
plupart de nos contemporains, je ne parle pas des catholiques
convaincus que la plupart d’entre vous êtes, je parle du
commun des personnes que nous rencontrons. Faire baptiser
les enfants, oui, oui encore, oui j’y réfléchis. Cela ne peut pas
faire de tort et puis cela fait plaisir à la grand-mère. Noël,
Noël, vous savez, s’il y a de beaux chants j’irai peut être à
l’église sinon la télé s’il y a un beau programme. Et juste avant
Pâques je demande à ma voisine qui est une bigote d’aller
chercher la petite branche que l’on met au crucifix, je ne sais
pas comment on l’appelle, oui, ça, oui, je … mais à côté de
cela je ne suis pas fanatique, non. Moi ce qui m’intéresse c’est
le Ryki c’est quand même, oui. Et puis le bouddhisme eh bien,
écoutez, j’ai suivi des … et puis j’ai eu des lectures. Et puis
bon, vous savez, il y a aussi dans le soufisme des choses qui
… Alors le bon catholique que je suis, la première réaction est
mais enfin que les gens sont superficiels d’un si … Non, ils ne
sont pas superficiels. Ils réagissent comme vous faites quand
vous faites vos grands achats du week-end. Je prends un peu
de tout. Mon choix religieux, je le panache, je choisi « pick en
choice”. C’est l’époque dans laquelle on vit. Est-ce que c’est
bien ? Est-ce que ce n’est pas bien ? C’est un fait.
Quelqu’un que j’aime beaucoup qui c’est Winston
SCHURCHILL disait un fait est plus important qu’un lord
maire, qu’un bourgmestre, qu’un maire de ville. Un fait il faut
le prendre c’est le monde dans lequel on vit, on n’a pas le
choix.
Quelle est la chance et la malchance de ce modèle ?
La chance de ce modèle c’est que, plus que jamais, la parole
du Christ « vous êtes le sel de la terre » elle a son prix. Soit,
puisque tous les produits religieux sont mis en rayonnage, soit
cette bonne nouvelle de Jésus-Christ, et bien, nous la traitons
n’importe comment et … Vous savez, on est plus cher que les
autres. On est beaucoup plus cher que les autres. Vous avez
plein d’autres religions qui vous disent vous êtes gentils, vous
êtes … laissez-vous vivre, amusez vous. Ce n’est pas du tout
ce que dit le Christ. Le Christ c’est « tu veux être parfait, va,
vends ce que tu as, donne le aux pauvres et suis moi. » Je
voudrais bien savoir qui d’entre vous applique cela. Moi pas et
je sais que je dois l’entendre parce que sans cesse cela recadre
la façon de faire. Le message du Christ est hyper exigeant.
Tout exiger mais tout comprendre et tout pardonner.
Alors si, ce produit qui est plus cher, il est poussiéreux et si
par contre il est porté avec cœur, avec entrailles, je pense que
clairement ce sel de la terre continuera à attirer les gens parce
qu’en économie on le dit aussi : les produits originaux, les
produits de qualité ne se démodent pas.
La difficulté d’aujourd’hui c’est qu’évidemment ce qui « faire
choix » fait beaucoup d’angoisse. Il y a beaucoup d’angoisse.
Peut être que le monde des villages d’il y a 50 ans, tout le
monde était sur des rails, ce n’était pas très ouvert mais les
rails étaient une sécurité. Aujourd’hui nos jeunes ils doivent se
poser mille et un questions. Est-ce que j’épouse celle-là ou
celui-là ? On change tout le temps. Quel métier ? Et que croire
et ne pas croire. Il y a beaucoup d’angoisse. Ce n’est pas un
monde facile pour nos jeunes. Il faut le savoir. Il faut les
porter. Ce n’est pas facile pour les petits et les malades dont
vous vous occupez.
Deux, le risque du panachage d’est la superficialité. A force de
prendre un peu de tout, se construire une vie spirituelle prend
du temps, prend de la patience, cela ne passe pas, le désert.
C’est plus difficile aujourd’hui. Dès que cela devient difficile,
la tentation, je prends autre chose. Le monde n’est pas parfait
mais c’est le monde dans lequel on est, il faut le prendre tel
qu’il est.
Alors, je voudrais maintenant, pour conclure, arriver peut être
à la partie la plus importante de mon discours. Je vous ai fait
ce panachage pour vous montrer où nous sommes arrivés
aujourd’hui.
Je continue avec ma parabole de la petite entreprise qui est
devenu un monopole d’Etat puis un monopole de fait et qui,
aujourd’hui est en concurrence parfaite. Elle n’a pas l’habitude
puisqu’elle était encore un monopole de fait. Donc c’est vrai
que nous pédalons un peu dans la choucroute par rapport à ce
mouvement religieux tout petit, très dynamique, un peu fou
parfois ou parfois même sectaire mais débitions cette agilité
nous qui avons toutes nos structures.
Je voudrais faire une petite étude de marché et dire en quoi ce
produit, plus cher qu’un autre, a encore un avenir pour nos
contemporains. Et je vais le faire d’une manière très concrète
et profane. Vous savez, chaque société a ses dogmes. Je ne
parle pas de dogme religieux mais de dogme social, c'est-à-
dire une évidence que tout le monde partage. Ce n’est pas
nécessairement la bonne mais tout le monde la partage. Quels
sont les dogmes sociaux d’aujourd’hui ?
Vous savez à l’époque de nos grand’mères, l’excellence dans
le milieu catholique c’est la sainteté. Les saints étaient
vraiment les modèles d’excellence chrétienne. Aujourd’hui,
même dans un enseignement catholique, allez voir des
adolescents de 14, 15, 16 ans et demandez leur s’ils pensent à
leur sainteté. Mais cela a été remplacé par la société.
Aujourd’hui la nouvelle excellence c’est la compétitivité. Il
faut être compétitif. Pour trouver un emploi il faut avoir 15
diplômes, parler 60 langues, avoir 30 ans d’expérience et
moins de 25 ans. Alors là vous trouverez un emploi ! Alors,
une fois de plus, je ne dis pas qu’il ne faut pas être compétitif.
Evidemment il faut être compétitif. Evidemment nos enfants
doivent être exigeants. Evidemment que la société française ou
Belge doive se battre. Avec tout cela je suis d’accord mais
cela ne peut pas devenir une nouvelle religion. Si cela devient
plus important que le sens de la vie, là il y a un souci. Et vous
savez, ce côté compétitif, même dans le milieu religieux, ça
rentre partout cet exemple. Si je fais mon discours en disant
chers amis j’espère que régulièrement vous jeunez encore
certains d’entre vous me regarderaient et demanderez à
Thierry où il a pêché celui-là. Mais si je vous dis j’espère que
vous avez un bon diététicien parce que, vous savez, garder son
corps et le cholestérol et les machins, ah, il et moderne le curé,
c’est bien. Le même comportement mais ce n’est plus pour la
sainteté mais c’est pour être compétitif. Si je vous dis j’espère
que vous pensez avoir un comportement ascétique, à vous
mortifier. Et si je vous dis est-ce que vous faites du jogging,
fitness et tout ! Compétitivité. Si je vous dis j’espère que vous
avez tous un confesseur régulier. Est-ce que vous avez un
coach ? Ah, il est moderne, le conférencier. Nous sommes
dans la compétitivité. Il faut tous qu’on soit éternellement
beau, jeune, riche et de préférence bronzé. Parfait. Il faut être
« Inn ». Grand père, grand’mère, tu n’es plus « Inn ».on nous a
jamais tant dit qu’il fallait être « Inn ». Résultat des courses, il
n’y a jamais eu autant de personnes qui sont … « Out ». Ce
dogme de la compétitivité – faire en sorte que l’élastique on le
tend, on le tend, on le tend et qu’à un moment il casse. Nous
ne sommes pas des robots. Et donc vouloir être sans cesse plus
ceci, plus machin, plus … Un moment donné cela ne
fonctionne pas. Etre compétitif, oui mais il ne faut pas que
cela devienne un dogme. Et ici, vous avez au cœur du
christianisme un message central qui peut être vraiment l’aire
pour les hommes d’aujourd’hui.
Au cœur du message chrétien nous apprenons que quand Dieu
veut dire qui il est il ne nous dit pas : Ha, tu veux savoir qui je
suis eh bien tu vas monter là et tu vas faire cela et puis tu …
Non. Quand Dieu veut nous dire qui il est il dit écoutez, je
viens parmi vous, je deviens l’un d’entre vous, je vais vivre
une vie d’homme, je vous rejoints dans votre quotidien le plus
ordinaire. Et quand on pense à Jésus-Christ on oublie que la
toute grande partie de sa vie on n’en sait rien. C’était une vie
ordinaire comme nous en vivons tous, une vie cachée. Dieu a
voulu partager notre vie ordinaire. Et donc, un des cœurs de
notre message dans ce monde qui a le dogme de la
compétitivité c’est de dire mais bon sang faites la paix avec
celui que vous êtes. Vous auriez voulu faire l’Université et n’y
êtes pas parvenu, c’est votre vie. Vous auriez voulu réussir
votre couple, cela n’a pas réussi, ou que vos enfants ceci ou
cela, ils ne l’ont pas fait. Je ne dis pas que c’est une bonne
nouvelle mais c’est votre incarnation. Et soit vous passez votre
vie à vous lamenter : Ah, j’ai raté ma vie, ah, j’aurais du et
vous ne vivez pas. Soit vous dites : Seigneur, voila ma vie
telle qu’elle est. Toi qui es venu nous rejoindre dans notre vie
concrète, viens me rejoindre dans ma vie telle qu’elle est. Ah,
je voudrais encore avoir 20 ans ; pas de chance, tu en as 80.
Qu’est-ce que tu veux que je te dise.
Et donc, c’est dans notre concret que Dieu nous rejoint, nulle
part ailleurs et c’est cela la sainteté. La sainteté c’est faire la
paix avec soi-même. D’ailleurs l’évangile de ce dimanche : «
Tu aimeras ton Dieu de tout ton coeur et ton prochain comme
toi-même ». S’aimer comme on aime son prochain,
s’accueillir, s’accepter et, à partir de là dire : Seigneur, voila
ma vie avec ses qualités, ses défauts, ses échecs. Que veux-tu
faire de moi ? C’est ce que nous disons, c’est ce que vous dites
aussi à vos malades. Dans ce monde qui est pourri par la
religion de la compétitivité, l’incarnation qui permet de faire
la paix avec soi-même, de se retrouver là où nous sommes est
un message de vie totalement nouveau et révolutionnaire et
qui a toute sa place.
Second élément de mon étude de marché, nouveau dogme
social. A l’époque de nos grand’mères, dans les institutions
catholiques, je vous ai parlé de l’excellence qui était la
sainteté. Mais quel était le minimum en dessous duquel on
avait des problèmes ? L’état de grâce. Il fallait être en état de
grâce. Si on mourrait en état de péché mortel, c’était plutôt
embêtant.
Allez un peu dans vos écoles même catholiques demander à
vos adolescents s’ils se sentent en état de grâce. Ca a été
remplacé. Aujourd’hui, c’est quoi ? C’est le bien-être. Tu fais
ce que tu veux de ta vie, mon vieux, ma vieille, tant que tu es
cool, zen, que tu es bien dans ta peau, sens-toi en accord avec
toi-même, sens-toi bien. On n’a jamais tant dit qu’il faut se
sentir bien. On n’a jamais eu tant de suicides, de dépressions,
d’anorexies, pas parce que le monde ne va pas bien mais parce
que, enfin je ne sais pas, vous, en tout cas moi, confession
publique, spontanément, tous les matins je ne me sens pas
bien. Nous avons tous nos cycles de bonnes ou de moins
bonnes humeurs, nous avons tous nos bonnes et moins bonnes
passes et c’est très culpabilisant. Ah, tu n’es pas bien mais
change, alors, change. Il y a là quelque chose de très
anxiogène.
Une fois de plus, le christianisme a quelque chose à offrir dans
cette espèce de religion du bien-être qui est terriblement
anxiogène. Est-ce que le christianisme offre, alors je vais tous
vous faire sursauter mais je vais m’expliquer, le chemin de la
croix. C’est au cœur du message chrétien quelque chose qui
peut, énormément aider notre monde. Je m’explique avec des
mots très profanes. Vous savez, qu’on soit croyant, athée ou
agnostique, nous sommes tous appelés à avoir un regard sur la
réalité. Et il n’y a que deux regards fondamentaux à avoir suer
cette réalité : un regard matériel et un regard spirituel, même
pour les incroyants. Alors le regard matériel c’est quoi ? C’est
partir des deux certitudes absolues que nous avons tous, c’est
les deux seules d’ailleurs. Nous savons tous que nous sommes
nés et que nous allons mourir, que chaque jour qui passe est un
jour qui nous rapproche de la tombe, ça c’est le regard
matériel, biologique. C’est une réalité biologique. S’il n’y a
que cela, la vie c’est profite, profite, profite. C’est parfois ce
que l’on dit : Ah, il faut profiter, on ne vit qu’une fois. On voit
bien que le taux de bonheur n’a vraiment pas augmenté
aujourd’hui. Et c’est pourquoi et ce n’est pas propre aux
croyants. Je connais beaucoup d’athées qui ont cela aussi.
Le cœur de trouver un sens à sa vie c’est de superposer à ce
regard matériel : je ne suis né pour mourir, il faut superposer
un regard spirituel. Et le regard spirituel dans toutes les
convictions, sauf les sectes, mais je parle de qui on a un peu de
prix. Le regard spirituel est celui qui inverse cela. Qui ne dit
pas je suis né pour mourir mais c’est celui qui dit je meurs
pour naître. Ca c’est le regard spirituel.
Et vous savez nous en faisons tous l’expérience. Nous en
avons tous fait l’expérience. Très concrètement, notre
première mort c’est le jour de notre naissance. Pendant 9 mois
nous étions bien au chaud dans le ventre de notre mère. Pas
d’impôt à payer, pas de voisin casse-pied, température idéale.
La matrice de notre mère est vraiment le rêve d’une vie sans
souci. La preuve, quand vous trainez dans votre lit, je fais la
grasse matinée, je n’ai pas envie de sortir, quand vous trainez
dans votre bain bien chaud, oh je n’ai pas envie de sortir du
bain, qu’est-ce que vous faites, position fœtale, vous voulez
retrouver ce monde de l’insouciance de 9 mois dans le venter
de la mère. Mais évidemment, le fœtus qui reste, qui ne veut
pas naître, il meurt. Pour vivre il a fallu passer par un petit
conduit étroit et entrer dans ce grand monde froid. Il a fallu
mourir à ce rêve d’une vie sans souci pour vivre. Mourir pour
vivre dans ce monde humain que nous partageons tous. En
plus, comme je n’avais pas respiré, j’étais bleu, j’ai eu une
grande baffe du gynéco c’était ma première expérience. Cela
m’a traumatisé c’est pour cela que je suis devenu prêtre
d’ailleurs, comme cela vous le savez. Mais mourir pour vivre
et toute notre vie c’est cela. Le petit enfant qui pense qu’il va
vivre toute sa vie dans les jupes de maman parce que c’est ma
maman, et bien non, parce qu’il y a des frères et des sœurs qui
naissent après lui. Heu .., je ne suis pas seul. Mourir pour vivre
à la famille, mourir pour vivre parce qu’on va le mettre à
l’école maternelle, il quitte maman pour vivre la vie sociale.
Le jeune homme qui pense avoir toutes les jeunes filles, mais
non, il meurt à l’éternel célibataire qu’il est pour en choisir
une pour vivre comme époux. Je pensais, quand on est jeune,
j’allais faire pompier, agent de police, machin, non, je meurs à
toutes les possibilités pour vivre à celle que j’ai choisie.
Apprendre à vivre c’est mourir au reste. Et, toutes les grandes
voix spirituelles nous disent si je ne veux passer ma vie à
papillonner, apprendre à vivre authentiquement, c’est mourir
le plus souvent possible au superficiel pour vivre de
l’essentiel. Et voyez, ici, le chemin de la croix, l’idée que ce
Dieu qui a voulu partager notre vie d’homme, à un moment
donné ayant donné de l’amour, et ce chemin exigeant de
l’amour qui est chemin de vie qu’il accepte pour aller jusqu’au
bout de sa mission, d’aller jusqu’à mourir à cette vie humaine
: « ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne » il va
jusqu’à tout donner et que, pourtant, il est vraiment mort et
que cette mort ne le retient pas, qu’il est le vivant. Que ce
chemin spirituel, nous mourrons pour naître à quelque chose,
ne se termine pas avec la mort biologique. L’expérience de la
résurrection mystérieuse mais qui nous fait bouger depuis 2
000 ans, c’est de dire : la dernière étape de la mort biologique
est une naissance à une vie autre dans l’esprit. Ca, c’est un
message qui, je pense, pour notre monde de bien-être qui
n’apporte que du mal-être souvent, est un message d’une
actualité très, très forte. Ce que le Christ nous apprend c’est
que dans ce monde où l’on dit : sois bien, sois cool, sois zen,
le Christ dit : apprend à mourir à ce qui est partiel, superficiel,
égoïste. Ce n’est pas toujours facile, on ne le fait pas tout
toujours, mais, dans la mesure où tu le fais pour vivre de
l’essentiel et vous le savez tous, dans vos engagements à
Lourdes quand des jeunes viennent avec vous à Lourdes ils y
vont pour des copains, pour un peu d’idéalisme, et quand ils
reviennent ils disent : Ouah, quelle expérience. Parce qu’ils se
rendent compte de se mettre au service des plus petits, de ceux
qui ont besoin, est une vie tellement plus forte que tout ce
qu’ils auraient pu vivre par ailleurs. Ca, le chemin du
christianisme nous l’apprend et dans ce monde où il y a cette
religion du bien-être, c’est une actualité révolutionnaire.
Dernier dogme social. A l’époque de nos grand’mères on
apprenait la dévotion, on apprenait ses prières. C’était la
communication avec Dieu. Une fois de plus, allez dans la
plupart de nos écoles demandez à vos adolescents s’ils
connaissent leurs prières, ils vont vous regarder bizarrement.
Cela ne veut pas dire qu’ils ne prient pas. Mais, ça s’est mon
affaire. Ca ne fait plus partie de l’éducation mais ça a été
remplacé. Communiquer là-haut ça c’est une affaire privée
mais par contre cela a été remplacé par ces petits appareils là
(téléphone portable). Il faut communiquer. Je vous envoie un
Mail pour confirmer ce que j’ai mis sur votre répondeur
automatique que le fax de ma page Facebook et de mon
machin … Nous sommes dans un monde de l’hyper
communication. On n’a jamais tant communiqué. Et dans ce
monde où on communique, la preuve la plus forte c’est le
drame du 11 septembre. Le 11 septembre 2001 vous aviez
encore des personnes qui étaient bloquées dans des ascenseurs
dans les tours qui se demandaient ce qui leur arrivait. Le
monde entier savait déjà ce qui arrivait parce que c’était sur
tous les écrans. Avec ce petit appareil là je peux vous envoyer
un twis qui fait le tour de la terre en quelques secondes. C’est
fou comme nous pouvons communiquer. Et dans ce monde,
sur communication, pourquoi pas, quel est le premier cancer :
la solitude. On n’a jamais eu tant de solitude. Curieusement,
on vous parle de communiquer et, la première chose dont les
personnes se plaignent c’est : nous sommes seules. Sur
Facebook je crois que j’ai pour l’instant 1 870 amis. J’utilise
cela parce que c’est très utile pour communiquer. Mais
évidemment. Parfois je rencontre des gens que je n’ai jamais
vus eu que je ne reverrais probablement plus jamais qui me
disent : je suis votre ami sur Facebook. Enchanté, bonjour.
Chatter avec le monde entier pour un adolescent, c’est bien,
mais apprendre à parler à sa sœur qui est dans la chambre à
côté ou ses parents … ça c’est un autre défi. Alors vous voyez,
une fois de plus, au cœur du message chrétien nous avons
quelque chose de très fort à propose à notre monde c’est, ce
que l’on appelle, avec des mots un peu compliqués : la Trinité. Le
peu que les chrétiens voient de Dieu parce que Dieu est un
mystère infini, mais le peu que le message chrétien perçoit de
Dieu c’est que dans son mystère le plus infini dont nous ne
savons que très, très peu de choses, il est infini, Dieu est une
relation d’amour. De toute éternité Dieu est relationnel parce
que l’amour est relationnel. L’Amour que le Père donne, que
le Fils reçoit et rend et ce lien d’amour entre le Père et le Fils
dans lequel nous partageons et nous baignons, c’est l’Esprit.
L’Esprit que nous avons reçu d’une manière spéciale au
moment de notre baptême et de notre confirmation. Entrer
dans la relation divine. Notre Dieu au plus profond de lui-
même est relationnel. Ce que le message chrétien nous
apprend dans ce monde qui n’a jamais tant parlé de
communiquer et dont le grand cancer c’et la solitude, c’est …
Tant mieux si tu as 4 000 amis sur Facebook ou si tu es seul.
Mais dans la mesure où tu construis des relations en esprit et
vérité, des relations concrètes et réelles, c’est, dans cette
mesure là, que tu vas te réaliser comme être humain parce que
tu es créé à l’image de Dieu et notre Dieu est relationnel. Nous
le savons tous que nos relations nous constituent. Un bête
exemple : dites à un gosse pendant les 8 premières années de
sa vie mais, mon pauvre petit, tu n’y arriveras pas, tu es trop
bête. Vous allez en faire quelqu’un qui va doute toute sa vie.
Mais dites-lui, pendant les premières 8 années de sa vie :
écoute, cela ne va pas être facile mais je crois en toi, vous
allez lui donner de la confiance en lui. Nos relations, elles
nous constituent. Faites le test ici. Choisissez une victime
parmi vous. Vous ne lui dites pas. Et pendant tout le Congrès,
ici à Strasbourg, vous lui tournez le dos. Dès qu’il arrive vous
arrêtez la conversation, vous riez derrière lui. Vous allez voir
comme il va être content à la fin du séjour, Nos relations nous
constituent. Nous sommes des êtres profondément relationnels
parce que notre Dieu est relation dans son mystère le plus
profond et donc c’est dans la mesure où nous développons,
non pas des relations virtuelles, électroniques, mais des
relations en esprit et vérité dans notre milieu professionnel,
dans notre famille, dans notre paroisse, dans notre Eglise, dans
notre hospitalité avec les malades : Allez, ma petit dame, je
vais vous pousser, hein. Vous savez très bien que ce n’est pas
cela que vous enseignez. Vous avez là un frère une sœur
humains et c’est dans la mesure, même, s’il est dans une
chaise roulante ou sur un lit, vous le prenez et vous entrez en
relation avec lui ou avec elle comme un être debout, c’est dans
cette mesure là que vraiment vous êtes hospitaliers dans le
sens où Lourdes l’entend. Eh bien, c’est nos relations qui nous
constituent une fois de plus. Le fait d’avoir un Dieu Trinité, un
Dieu Relation est un message qui peur énormément aider notre
monde.
Chers amis, nous vivons dans un monde qui n’est ni plus
facile ni moins qu’un autre, il est différent. Nous vivons dans
un monde où par la force des choses et de l’histoire, la
religion, toute religion, est mis en concurrence parfaite comme
un produit sur un rayonnage. On aime ou on n’aime pas, c’est
un fait et un fait est plus important qu’un lord maire. Mais
dans ce monde là le christianisme, qui est un produit cher, est
indémodable. Il a des choses très importantes à apporter à ce
que notre société vit concrètement. Alors, n’ayons pas peur !
Mais, la 1ère personne à convertir à cela c’est nous-mêmes si
l’Evangile nous donne le gout de vivre. En nous voyant vivre
les gens se diront mais d’où vient ce gout ? Et là, ils auront
envie de savoir. C’est comme cela dans le monde de
l’entreprise. Ce sont les clients contents qui sont le meilleur
support de la publicité. Et bien, c’et dans la mesure où cela
donne du gout à notre vie que nous serons d’avantage encore
témoins rayonnants de l’Evangile. « Vous êtes le sel de la terre
» a dit le Christ. Il ne faut pas beaucoup de sel. Mais si le sel
perd son gout à quoi sert-il ? Alors soyons SEL DE LA TERRE. Je
vous remercie.