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1 Analyse de textes en français : LEA, semestre 2 Cours de MR. Abdelaziz SADIK FacultĂ© Polydisciplinaire de Ouarzazate Les typologies textuelles Introduction Il existe de nombreuses typologies qui ont pour ambition de « classer » les textes. Nous en citerons trois. Celle qui est issue des travaux de Roman JAKOBSON repose sur les fonctions du langage isolĂ©es par cet auteur Ă  partir du « schĂ©ma de la communication » dont il est l'un des concepteurs Ă  partir des travaux des cybernĂ©ticiens N. WIENER et C. SHANNON. Les textes, dans cette typologie, peuvent s'analyser Ă  partir de leur fonction : RĂ©fĂ©rentielle, Expressive, Conative, Phatique, MĂ©talinguistique, poĂ©tique-autotĂ©lique. Une autre typologie est celle proposĂ©e par Egon WERLICH. Les textes y sont classĂ©s en cinq catĂ©gories : description, narration, exposition, argumentation, instruction ou prescription. Jean-Michel ADAM, dans sa propre typologie, reprend les quatre premiers types de textes proposĂ©s par WERLICH, ne retient pas le cinquiĂšme, qu'il remplace par le type : dialogal Ainsi, en faisant « mixage » de ces trois typologies, on obtient les types de textes suivants : narratif, descriptif, explicatif (ou informatif), argumentatif, injonctif, dialogal (Ă  travers l'exemple, limitatif, du texte de thĂ©Ăątre), poĂ©tique (qui cependant renvoie plutĂŽt au genre « poĂ©sie » qu'Ă  la fonction poĂ©tique signalĂ©e par JAKOBSON). Fonder une classification des textes sur les typologies proposĂ©es prĂ©sente quelque difficultĂ© dans la mesure oĂč toutes entretiennent la confusion entre type de texte, forme et genre.

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

Cours de MR. Abdelaziz SADIK Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate

Les typologies textuelles

Introduction

Il existe de nombreuses typologies qui ont pour ambition de « classer » les textes. Nous en

citerons trois.

Celle qui est issue des travaux de Roman JAKOBSON repose sur les fonctions du langage

isolées par cet auteur à partir du « schéma de la communication » dont il est l'un des

concepteurs à partir des travaux des cybernéticiens N. WIENER et C. SHANNON. Les textes,

dans cette typologie, peuvent s'analyser Ă  partir de leur fonction :

Référentielle,

Expressive,

Conative,

Phatique,

MĂ©talinguistique,

poétique-autotélique.

Une autre typologie est celle proposée par Egon WERLICH. Les textes y sont

classés en cinq catégories :

description,

narration,

exposition,

argumentation,

instruction ou prescription.

Jean-Michel ADAM, dans sa propre typologie, reprend les quatre premiers types de

textes proposés par WERLICH, ne retient pas le cinquiÚme, qu'il remplace par le type :

dialogal

Ainsi, en faisant « mixage » de ces trois typologies, on obtient les types de textes suivants :

narratif,

descriptif,

explicatif (ou informatif),

argumentatif,

injonctif,

dialogal (à travers l'exemple, limitatif, du texte de théùtre),

poétique (qui cependant renvoie plutÎt au genre « poésie » qu'à la fonction

poétique signalée par JAKOBSON).

Fonder une classification des textes sur les typologies proposées présente quelque

difficultĂ© dans la mesure oĂč toutes entretiennent la confusion entre type de texte, forme

et genre.

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

Cours de MR. Abdelaziz SADIK Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate

Ainsi, il est trÚs difficile de considérer le poétique comme un type de texte stricto sensu.

Il apparaĂźt bien plus comme une forme. En effet, tout le monde connaĂźt tel poĂšme

descriptif, tel autre narratif.

La longue tirade de ThéramÚne, Acte V, scÚne VI, dans PHÈDRE voit alterner des

séquences descriptives, narratives et expressives. Il serait pour le moins incongru de la

présenter comme un texte « dialogal » sous prétexte qu'elle apparaßt dans un texte de

théùtre - ce serait alors confondre type de texte et genre - ou poétique au motif qu'elle

est composée en alexandrins - c'est alors type et forme de texte que l'on confondrait. On

peut Ă©tudier cette tirade du point de vue de son impact dramatique, on peut mettre en

évidence les conjonctions forme poétique / fond, mais il semble que « typologiquement

» elle doive s'analyser en mettant en évidence les différentes séquences textuelles qui la

composent.

Il en va de mĂȘme pour telle fable de La Fontaine, dans laquelle alternent des

sĂ©quences descriptives, narratives, dialogales, alors qu'en elle-mĂȘme la fable prĂ©sente

une indéniable visée argumentative et une forme poétique avérée.

Substituer la notion de séquence textuelle à celle de type de textes - il est en effet trÚs

rare de trouver un texte typologiquement « pur » - permettrait certainement de résoudre

ces contradictions.

Pour des raisons d'ordre didactique, il conviendrait de distinguer trÚs précisément

genre, type et forme.

Genre Roman

Nouvelle

Fable

Pamphlet

Éditorial...

Type Narratif

Descriptif

Explicatif (ou didactique)

Argumentatif

Injonctif

Forme Poétique

ProsaĂŻque

Dialoguée

Expressive

On peut conclure en précisant qu'un texte s'incarne avant tout dans un genre ; il

alterne des sĂ©quences textuelles (types) qui, elles-mĂȘmes, se prĂ©sentent sous une forme

particuliÚre. Ainsi une séquence narrative peut se trouver aussi bien dans un roman,

dans une fable ou dans un fait-divers. Une fable peut se présenter sous forme poétique

ou prosaïque. Le texte de théùtre se présente essentiellement sous la forme d'un

dialogue, en vers ou en prose, plus ou moins fortement expressif, qui présente des

séquences narratives, descriptives, argumentative ...

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La forme littéraire et ce qu'on a appelé la « Littérature » s'inscrivent dans une « Histoire

» qu'il convient peut-ĂȘtre Ă©galement d'interroger (cf. la transparence des Classiques,

l'écriture « artiste » de la fin du XIXÚme siÚcle ou encore la neutralité de certaines

Ă©critures contemporaines).

Finalement, la typologie en usage dans le quotidien pédagogique est trÚs souvent réduit

au nombre de cinq ou six : narratif, explicatif, descriptif, argumentatif, injonctif et

informatif.

Le type informatif, type inhérent à tout texte, est trÚs souvent occulté de toute analyse

mĂȘme si ce type possĂšde ses propres caractĂ©ristiques : on parlera des sĂ©quences

informatiques dans les diffĂ©rents types de texte et non d’un texte entiĂšrement informatif

Types de textes : leur définition et leurs caractéristiques

Les types de textes renvoient à différents actes de communication: raconter, renseigner,

convaincre, expliquer, ordonner, faire agir, etc.

1. Le texte narratif

Le texte narratif est une narration (orale ou Ă©crite) d’une histoire (rĂ©elle ou fictive).

Il raconte un fait, un événement en situant son déroulement dans le temps et dans l'espace. Il

en retrace les étapes et en fixe la durée. Le texte narratif est souvent entrecoupé de passages

descriptifs, explicatifs ou argumentatifs.

Ses caractéristiques:

Les temps du récit: le passé simple de narration, l'imparfait et le présent de

narration.

Les indicateurs (repĂšres) temporels: (puis, soudain, la veille, plus tard...) et

spatiaux: (lĂ , Ă  cet endroit...)

Emploi de verbes d'action: (courir, venir, passer...

Quelques aspects Ă©nonciatifs:

Ă©tude du point de vue ou la focalisation.

présence du narrateur: pronoms, modalisateurs.

le discours rapporté: discours direct, discours indirect, discours indirect libre.

Exemples de textes de type narratif

DerriĂšre l’appellation texte narratif on trouve des textes diffĂ©rents.

le roman

la nouvelle

le conte

le conte de fées

la fable

la légende

la chronique

le mythe, etc.

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Schéma narratif :

2. Le texte descriptif

Il s'efforce par les mots d'évoquer une réalité que le lecteur ne voit pas mais qu'il peut

imaginer. Il renseigne, sur un espace, sur un physique (portrait) et peut traduire les

impressions ressenties par le descripteur (description subjective).

Ses caractéristiques:

Le temps de la description: imparfait ou le présent de l'indicatif.

Des repĂšres spatiaux pour localiser et donner des informations sur les lieux.

Des caractérisations: des adjectifs, des comparaisons, des métaphores...

Le texte descriptif montre un lieu, un objet, un personnage que le lecteur ne voit pas.

Dans un Ă©crit documentaire (par exemple un guide touristique) ce type de texte Ă©voque une

image fidĂšle d’un objet rĂ©el. Dans un rĂ©cit de fiction (par exemple un rĂ©cit de voyage) il peut

créer une atmosphÚre, donner des indices sur la suite du récit, donner au texte une valeur

esthétique ou développer le symbolisme.

Exemples

le guide touristique

le récit de voyage

le roman

texte documentaire, etc.

3. Le texte argumentatif

Le texte argumentatif a pour objectif de persuader, convaincre le destinataire (celui Ă  qui le

texte s’adresse). Le texte argumentatif dĂ©fend une position en dĂ©veloppant, un raisonnement

structuré et logique. Il vise à convaincre de la justesse d'une idée, d'une pensée, d'un avis en

s'appuyant sur des arguments et des exemples qui ont une valeur de preuves. On appelle

«argumentateur» celui qui argumente et «argumenté» le destinataire de l'argumentation.

L'idĂ©e dĂ©fendue ou combattue s'appelle la thĂšse. Le texte exprime l’opinion et le jugement.

Ses caractéristiques:

Le présent de l'indicatif ayant l'une des valeurs suivantes: vérité générale,

d'actualité, présent atemporel (ou intemporel).

Des termes d'articulation (mots de liaisons / connecteurs logiques) pour marquer

les liens logiques entre les thĂšses, les arguments et les exemples: mais, car, donc,

parce que, puisque....

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L'utilisation d'un vocabulaire abstrait.

L'utilisation des procédés de persuasion (conviction): le lexique appréciatif, les

marques de l'énonciation, les figures rhétoriques et stylistiques...

Exemples de textes argumentatifs

l’essai

le pamphlet

l’article, etc.

Remarque : le texte argumentatif peut ĂȘtre un texte Ă  une seule thĂšse ou Ă  plusieurs thĂšses.

4. Le texte explicatif

Il cherche Ă  donner une explication, Ă  apporter une information. Il modifie les connaissances

du destinataire. Dans un récit de fiction, le texte explicatif peut instruire le lecteur, retarder

l’action, donner des dĂ©tails qui aident Ă  comprendre l’intrigue, montrer la cohĂ©rence du

personnage et de son comportement, etc.

Exemples :

l’article de dictionnaire

le manuel scolaire

l’article de presse, etc.

Il est considéré comme le niveau supérieur du texte informatif, il prépare l'argumentation et

cherche Ă  informer, Ă  expliquer et Ă  rendre plus clair un sujet que le lecteur ou l'interlocuteur

est censé ignorer. Il a une fonction pédagogique.

Ses caractéristiques:

Le présent de l'indicatif.

Des termes d'articulation du discours pour marquer les Ă©tapes de l'explication

(d'abord, ensuite...)

5. Le texte informatif:

Il a pour objectif de renseigner, de communiquer des connaissances sur un sujet donné. On

trouve ce type dans les ouvrages scientifiques, une encyclopédie, un manuel scolaire, un guide

touristique.

Ses caractéristiques:

Absence d'indices de la personne.

Emploi du présent de vérité générale ou d'actualité.

Une typographie mettant en valeur des définitions, des lexiques spécialisés.

Des articulations / connecteurs logiques de type chronologique: d'abord, ensuite...

Un vocabulaire concret.

Remarque :

- Le texte informatif est rarement littéraire ;

- L’information est inhĂ©rente Ă  tous les types de textes.

6. Le texte injonctif

Il veut conseiller ou ordonner un comportement Ă  un destinataire.

Exemples :

le mode d’emploi

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la recette de cuisine

la publicité, etc.

Il pousse Ă  l'action, Ă  faire appliquer des consignes. Il implique parfois l'ordre ou

l'interdiction. On le trouve surtout dans les modes d'emploi, dans les recettes de cuisine....

Ses caractéristiques:

L'impératif, L'infinitif, le futur et le subjonctif ayant une valeur injonctive ;

Les références à la deuxiÚme personne sont nombreuses.

Visées des textes

Le texte La visée

Le texte narratif

Vise à raconter des histoires et des événements. C'est la fonction poétique

et référentielle qui domine.

Le texte descriptif

Vise à décrire un lieu, une chose ou un personnage. C'est la fonction

poétique et référentielle qui domine.

Le texte informatif

Vise Ă  donner des informations sans chercher de les expliquer. C'est la

fonction référentielle qui domine.

Le texte explicatif

Il est plus profond qu'un texte informatif. Il vise Ă  expliquer un

phénomÚne. C'est la fonction référentielle qui domine.

Le texte injonctif

Il vise Ă  donner des conseils, des consignes, des ordres. C'est la fonction

conative qui domine.

Le texte argumentatif

Il vise à défendre un point de vue à l'aide des arguments. C'est la fonction

référentielle, expressive et conative qui domine.

Remarque

Il faut noter que le type appelé informatif n'est pas retenu parce que tous les textes

présentent en principe des informations.

En Résumé

Il est fondamental de distinguer la notion du genre de celle du type et de définir le statut

textuel de chacun des types définis ci-dessus.

Le genre (ou genre du discours) est culturel tandis que le type est fonctionnel/structural.

Le genre est reconnu par « la compĂ©tence textuelle » d’un lecteur grĂące Ă  des normes

préétablies partagées par le producteur du texte (auteur) et son récepteur (lecteur). Il est

généralement défini par des critÚres extralinguistiques et extratextuels (idéologiques, sociaux,

historiques
). Sans lire un poùme par exemple, on peut le qualifier uniquement d’aprùs sa

forme, comme tel, on peut aussi qualifier un roman uniquement par le nom de son auteur, 


Le type, quant Ă  lui, n’est dĂ©fini qu’aprĂšs une analyse, une classification de ses Ă©lĂ©ments

linguistiques, lexicaux, etc. il s’agit de dĂ©cortiquer l’architecture interne et d’en dĂ©gager les

invariants textuels (phrases, mots, progression, champs lexicaux, 
.) pour dĂ©cider s’il s’agit

de tel type ou de tel autre.

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

Cours de MR. Abdelaziz SADIK Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate

Les genres, qui sont reconnus par la communautĂ© scientifique et linguistique bien qu’il n’y ait

pas de consensus parfait au niveau de la classification proposée, sont globalement porteurs

d’un ou de plusieurs types, ils sont hiĂ©rarchiquement supĂ©rieurs aux types. Certains citent : le

roman, le thĂ©Ăątre, la poĂ©sie, d’autres le genre Ă©pique, lyrique et tragique, 


Il faut noter que seuls cinq types de textes sont reconnus et font l’unanimitĂ© des chercheurs.

Ils correspondent à des processus cognitifs et pragmatiques spécifiques :

1. le type narratif présente des arrangements dans le temps.

2. le descriptif prĂ©sente des agencements dans l’espace.

3. le type explicatif/expositif est associĂ© Ă  l’analyse et Ă  l’information et part du postulat que

le lecteur ne dispose pas d’une information ou d’un savoir et qu’il faut les lui fournir.

4. le type argumentatif est centré sur une prise de position qui cherche à faire changer

l’opinion du rĂ©cepteur.

5. le type injonctif incite le lecteur à faire quelque chose, à accomplir un acte, 


Tableau récapitulatif :

Types des

textes

Narratif Descriptif Argumenta

tif

Explicatif/

Informatif/

expositif

injonctif

CritĂšres de

reconnaissa

nce

Structure Situation

initiale+

Elément

perturbateur+

péripéties+

situation finale

Super thĂšme+

sous thĂšmes+

expansions

prédicatives

ThĂšse+

antithĂšse+

synthĂšse

Présentation+

causes+

conséquences

+

conclusion

Situation 1 +

transformations

+

situation 2

Pronoms

personnels

Généralement :

je, il

Généralement :

je, il

Je (prise de

position)

Le nom des

choses

Pronoms

implicites (voir

temps)

Verbes Verbes d’action Verbes d’état Verbes

d’opinion,

de prise de

position

Verbes

neutres

Verbes d’action

Temps

utilisés

Temps du récit Temps du récit+

temps du

discours

Présent présent Infinitif+

impératif

Connecteur

s

Spatiotemporels

/

chronologiques

spatiaux Logiques/

rhétoriques

logiques chronologiques

Intention Emerveiller +

véhiculer une

morale

Informer

+Ă©merveiller

Faire

changer

d’avis

Combler une

lacune/inform

er

Faire agir

Lexique

utilisé

Abondance de

verbes+

Présence du

dialogue

Abondance

d’adjectifs+

Prédominan

ce de

tournures

impersonnel

les

Abondance de

mots

techniques

neutres

Prédominance

de verbes et de

mots spécialisés

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

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Analyse de texte ou traitement de texte

Deux mĂ©thodes peuvent servir pour analyser un texte : l’analyse textuelle et celle de l’analyse

par les fonctions de langage.

Qu’est-ce qu’un texte ?

Un texte est un objet particulier qui de par sa nature relative Ă  la langue, fonctionne

simultanément à trois niveaux : linguistique, narratif et poétique.

Le texte en tant que structure linguistique Un texte est une simple suite de mots sur un support (papier ou autre matĂ©riau que l’on

appelle canal). Cependant depuis Saussure, on n’a plus le droit d’ignorer que les signes

linguistiques qui constituent le maillage du texte se décomposent en un signifiant et un

signifié qui renvoient à un référent (objet dont on parle). Remarquons que le signifiant texte

vient1 du latin textus dĂ©rivĂ© du verbe texere qui signifie tisser. Ainsi l’objet de l’analyse

textuelle devient l’entrecroisement des fils de l’axe syntagmatique et ceux de la trame qui est

l’axe paradigmatique. Le premier axe est celui du dĂ©veloppement de la phrase dans l’espace

textuel, le second fonctionne selon le principe du choix et de la substitution et est créateur de

polysémie.

Le texte en tant que structure narrative

Le texte n’est pas uniquement une suite de signifiants obĂ©issant Ă  un encodage linguistique.

C’est aussi une construction narrative. Dans cette perspective, il faut se rĂ©fĂ©rer aux schĂ©mas

classiques « schéma actanciel » et « schéma narratif ».

Le texte en tant que structure sémiotique (poétique)

Le texte est le produit de tous les moyens mis en Ɠuvre, de toutes les stratĂ©gies langagiĂšres

mises en jeu pour produire un sens multiple, étoilé, une polysémie généralisée. Réseaux

isotopiques, figures de style (ou tropes), intertextualité, peuvent constituer un mode de lecture

qui mĂ©nage un espace de libertĂ©, de rĂȘve et pourquoi pas d’ouverture interprĂ©tative.

Ainsi, pour analyser un texte, on doit tenir compte des trois niveaux du texte (linguistique

narratif ou discursif et sémiotique ou poétique).

I. Analyse textuelle

1. DĂ©couverte du texte

On aborde toujours un texte par ses rĂ©fĂ©rences : le nom de l’auteur, le titre de l’Ɠuvre et sa

date de publication, le titre de l’extrait (s’il y en a un). Ces informations permettent de situer

l’extrait dans une Ă©poque, dans un courant littĂ©raire, voire Ă  l’intĂ©rieur de l’Ɠuvre de l’auteur.

La terminologie du texte donne le domaine du texte ; sa disposition typographique sur la page

donne des indications sur sa nature : vers ou prose, théùtre ou récit, fragment indépendant ou

morceau dĂ©tachĂ© d’un tout, etc.

2. PremiĂšres lectures

2.1. Effectuer une ou plusieurs lectures afin de

Trouver le titre au texte, lorsque ce dernier ne le possĂšde pas.

1 Dictionnaire Encyclopédique Larousse 1995

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

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DĂ©gager les idĂ©es secondaires et l’idĂ©e gĂ©nĂ©rale du texte

DĂ©gager le champ lexical et /ou notionnel dominant du texte

Et en déduire le domaine dont le texte relÚve et le thÚme du texte

3. Le titre, l’idĂ©e gĂ©nĂ©rale et les idĂ©es secondaires.

Le titre et l’idĂ©e gĂ©nĂ©rale

Le titre peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une idĂ©e gĂ©nĂ©rale trĂšs concise. Ainsi, il suffit de

dĂ©velopper le titre d’un texte pour obtenir son idĂ©e gĂ©nĂ©rale. Inversement, il suffit de rĂ©duire

l’idĂ©e gĂ©nĂ©rale d’un texte pour avoir son titre.

DĂ©terminer, si cela est important, le domaine du texte et son genre de discours

Les idées secondaires

Un texte est composé de paragraphes. Chaque paragraphe commence par un alinéa et

développe une seule idée. Typographiquement, le nombre de paragraphes est exactement le

nombre d’alinĂ©as figurant dans le texte. Les idĂ©es secondaires d’un texte sont les idĂ©es

dĂ©veloppĂ©es dans chaque paragraphe. ThĂ©oriquement, l’idĂ©e commune aux idĂ©es secondaires

constitue l’idĂ©e gĂ©nĂ©rale du texte.

4. Type de texte

4.1.DĂ©terminer l’intention de l’auteur, la visĂ©e du texte et la fonction ou les fonctions

dominantes.

4.2.DĂ©terminer la structure du texte

4.3.Analyse des éléments linguistiques

- Examiner les temps grammaticaux employés,

- Préciser les pronoms personnels les plus utilisés,

- Chercher le type de verbes les plus utilisés dans le texte (verbes neutres, verbes

d’action, d’état, d’opinion,
).

- DĂ©terminer la nature des connecteurs (spatiotemporels, chronologiques, spatiaux,

temporels, 
)

Déterminer la nature du lexique employé (verbes, tournures impersonnelles, lexique

technique, spécialisé,
)

4.4.Analyse des éléments poétiques

Chercher les figures de style utilisées (comparaison, métaphore, métonymie, litote,

euphémisme, antithÚse, rythmes, etc.

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

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II. Analyse du texte par la méthode des fonctions de langage

Le schéma de communication de Jakobson est constitué de six éléments. Chaque élément

développe une fonction. Voici succinctement les différents éléments de ce schéma auquel on a

ajouté la notion de feedback ou la rétroaction.

Ce schéma contient six composantes. Chaque composante développe une fonction. En effet,

1) l’émetteur dĂ©veloppe la fonction expressive (ou Ă©motive) : raconte sa propre vie, usage de

l’interjection (oh !, hĂ©las !) qui est une pure expression de l’émotion. A l’oral, la fonction

émotive se manifeste par le souffle, le bégaiement (prononcer des mots en tranches).

L’exclamation : toutes les phrases exclamatives montrent une certaine Ă©motion.

2) le récepteur développe la fonction conative : lorsque le message est centré sur le récepteur :

toute parole visant à contraindre le destinataire à entrer dans le jeu développe la fonction

conative. Exemples : demande de prĂȘter attention, demande de comprendre. Le texte

publicitaire et le discours électoral sont par excellence des textes qui développent la fonction

conative.

3) le code dĂ©veloppe la fonction mĂ©talinguistique : quand la langue parle d’elle-mĂȘme

(grammaire, sémantique, phonétique, etc.)

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

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4) le rĂ©fĂ©rent dĂ©veloppe la fonction rĂ©fĂ©rentielle : il faut qu’il y ait une rĂ©alitĂ©. En

communication, la fonction référentielle est sous-jacente (inhérente) à tout texte.

5) le message dĂ©veloppe la fonction poĂ©tique : usage d’un bon style (mĂ©taphore, euphĂ©misme,

litote, etc.)

6) le canal dĂ©veloppe la fonction phatique : c’est lorsque le message est centrĂ© sur le contact.

Le destinateur parle pour engager, maintenir ou renforcer le contact avec le destinataire

(allĂŽ !, Ă©coutez-moi, hm, hm
)

Un message Ă©mis par le destinateur (Ă©metteur/locuteur) doit-ĂȘtre perçu adĂ©quatement par le

destinataire (récepteur/interlocuteur). Plus le destinataire est proche du code (langue) utilisé

par le destinateur plus la quantitĂ© d’informations obtenue par le destinataire est grande.

Ainsi, pour savoir les fonctions du langage développées dans un texte, on commence par

l’analyse des :

1. DĂ©ictiques

Les dĂ©ictiques sont des Ă©lĂ©ments linguistiques qui font rĂ©fĂ©rence Ă  l’instance de l’énonciation

et Ă  ses coordonnĂ©es spatio-temporels. Cela suppose que l’énoncĂ© (message) contient des

traces repérables du discours.

L’énonciation se rĂ©sume Ă  « je dis ici et maintenant »

Exemple « tenez-vous bien » suppose que quelqu’un «dit ici (en classe) et maintenant (au

moment oĂč il parle). On doit connaĂźtre Ă  quoi fait rĂ©fĂ©rence le « je » le « ici » et le

« maintenant » pour comprendre la situation.

Les déictiques sont des termes (pronoms personnels ou démonstratifs, adverbes de lieu ou de

temps, pronoms possessifs ou déterminants) qui ne prennent leur sens que dans le cadre de la

situation d’énonciation. Les dĂ©ictiques dĂ©signent les partenaires de la communication :

locuteur et allocutaire. Ici, là, hier, maintenant, ceci, etc. sont des mots déictiques, car ils ne

sont compris que lorsque la situation d’énonciation est connue. On emploie parfois le terme

embrayeur (qui désigne tout mot dont le sens varie avec le contexte) à la place du terme

déictique.

1.1. déictiques personnels :

Ce sont ceux qui dĂ©signent les particules de l’acte de communication qui peuvent ĂȘtre (je/tu),

(nous/vous) et on qui s’oppose Ă  la troisiĂšme personne. Celle-ci dĂ©signe le rĂ©fĂ©rent c’est-Ă -dire ce

dont on parle.

Le on est un pronom personnel indéfini en genre et en nombre.

Les valeurs de on

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Analyse de textes en français : LEA, semestre 2

Cours de MR. Abdelaziz SADIK Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate

on peut prendre la valeur du pronom je, du pronom nous, des pronoms (il/elle ou eux) ou avoir la

valeur de tout le monde

Exemple : On vous demande de reprendre à l’exercice.

Dans cet exemple, on a trois valeurs possibles de on :

a) Lorsque le on rĂ©fĂšre au pronom je, cela veut dire que l’énonciateur (je) veut se distancier

de son énoncé et éviter son implication ;

b) Lorsque le on rĂ©fĂšre au pronom nous, cela veut dire que l’énonciateur veut gĂ©nĂ©raliser le

phĂ©nomĂšne et Ă©viter de divulguer l’identitĂ© de celui qui demande de reprendre l’exercice.

Il marque donc une distance ;

c) Lorsque le on a la valeur de il/ils. Dans ce cas, l’énonciateur (je) ne veut pas mentionner le

nom de celui qui demande de reprendre l’exercice ou ne le connais pas, etc.

Remarque : Le glissement de je Ă  on permet de passer sans la moindre rupture narrative de

l’expĂ©rience singuliĂšre Ă  la gĂ©nĂ©ralitĂ© ou alors le glissement peut ĂȘtre interprĂ©ter comme une

non certitude.

Exemple : « Quand on aime, on ne pense pas à soi ».

Dans cet exemple, le soi se réfÚre à on. Le on a une valeur générique (tout le monde).

1.2. Certains déterminants (déictiques déterminants)

Ce sont les dĂ©terminants qui organisent les objets du monde autour de l’instance d’énonciation Ă 

la différence des déterminants définis et indéfinis (le, la, les, un, une, des
).

Exemple : « Dans un certain sens, Ă  cause de ce qui m’est arrivé  lors de ce voyage
 »

Le m’ est un dĂ©terminant dĂ©ictique qui renvoie Ă  l’instance d’énonciation « moi » et « moi » est

une variante morphologique de je.

Le « ce » (voyage), renvoie Ă  quelque chose qu’on connaĂźt. C’est une anaphore.

Remarque : les anaphores ne sont pas Ă  analyser dans une instance d’énonciation.

1.3. Les adverbes de temps

a. Ceux qui apparaissent au discours

Exemple1 : « les mƓurs ont un peu changĂ© depuis 
 »

Depuis est un dĂ©ictique adverbe de temps qui ne peut ĂȘtre dĂ©terminĂ© que au moment de

l’énonciation de cette phrase par l’énonciateur.

Exemple2 : « si le mot gĂ©nie peut s’appliquer Ă  quelqu’un de nos jours, c’est bien billX »

Nos jours est un dĂ©ictique adverbe de temps qui ne peut ĂȘtre analysĂ© que par rapport au moment

de l’énonciation de cette phrase.

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Exemple3 : « je ne sais pas ce que je ferai aujourd’hui »

b. Ceux qui appartiennent au récit

Exemple1 : « cette femme avait un petit enfant ĂągĂ© Ă  l’époque de treize ans ».

Exemple2 : « en ce temps les femmes étaient respecté ».

ce temps ne peut ĂȘtre analysĂ© que si je me rĂ©fĂšre Ă  la situation dont l’énoncĂ© a Ă©tĂ© dit

1.4. DĂ©ictiques adverbes de lieu

Exemple1 : « ici, je me sens bien ».

Exemple2 : « je suis là »

Ici et lĂ  sont des adverbes de lieu qui n’ont de sens que si je connais le lieu de l’énonciation.

1.5. Les valeurs du temps

discours Temps commun Récit Exemples Temps utilisés Temps utilisés Exemples

-Articles scientifiques - Présent - Passé simple

- Plus-que-parfait

- Conditionnel

-Tous les temps

composés

- Roman

-Journaux - Futur Imparfait - Théùtre

-Articles de

vulgarisation

- Passé

composé

- Poésie


-Faits divers - Conditionnel

de politesse

-Informations

Axe temps

P.S PQP P.C P. récent PRESENT F.P F.S

Les modes

- L’indicatif : marque la certitude. C’est une action rĂ©elle

- Le subjonctif : marque une action désirée, souhaitée ou un doute. Il est utilisé pour

exprimer un ordre, une priĂšre, une invitation, un conseil, etc.

- Le conditionnel : marque une action possible, probable. Il est utilisé pour atténuer la

demande, pour exprimer Ă©conomiquement une hypothĂšse.

- L’impĂ©ratif : marque une action voulue. Il exprime un ordre, un conseil, un

encouragement, une invitation ...

2. Les axiologiques

Les axiologiques reflĂštent la subjectivitĂ© de l’énonciateur.

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Exemple : « sa sƓur Ă©tait douce et gentille ».

Ces axiologiques peuvent ĂȘtre attribuĂ©s Ă  des objets, Ă  des personnes ou des concepts.

3. Les modalisateurs

Les modalisateurs indiquent la position de l’énonciateur quant Ă  la vĂ©ritĂ© ou Ă  la faussetĂ© de

ce qu’il Ă©nonce.

3.1.Les modalisateurs d’approximation

Exemple1 : « j’avais l’impression de participer ».

Exemple2 : « il semblait ne pas s’intĂ©resser au problĂšme »

3.2.Les modalisateurs de certitude

Exemple1 : « nous connaissons parfaitement les raisons qui ont poussé les Etats Unis

d’AmĂ©rique
 ».

Exemple2 : « il est incontestablement quelqu’un de trĂšs important »

4. Les verbes performatifs

Ce sont des verbes qui ont un fonctionnement particulier : ils constituent par eux-mĂȘmes une

action.

Exemple1 : « je vous promets mari et femme (ma parole est Ă  la fois l’information et l’action

de promettre)

Exemple2 : « il te remercie pour cet acte » (ou tout simplement « Merci »)

Certains de ces verbes agissent comme véritables modalisateurs qui ont la propriété de

permettre Ă  l’énonciateur de porter un jugement de vĂ©racitĂ© ou de faussetĂ© sur l’effet contenu

dans le syntagme nominal. Exemples : verbes avouer et regretter

Avouer et regretter fonctionne comme axiologiques et modalisateurs de certitude

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