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1 Ohadata D-08-09 Le droit pénal des affaires au Niger : une construction duale entre droit communautaire et législations nationales Par ABDERRABANI Introduction Générale Le 17 octobre 1993, « un rêve fait au lendemain des indépendances par de grands auteurs africains » 1 venait d’être réalisé. En effet, seize pays africains ont adopté le traité relatif à l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (Ohada). Les actes uniformes 2 issus de l’ohada ont concerné divers domaines du droit des affaires : le droit commercial général, le droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, les sûretés, les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, les procédures collectives, le droit de l’arbitrage, la comptabilité, et les contrats de transport par route. Mais pourquoi fallait-il adopter ce nouveau droit dans cet espace ? La réponse diverge selon les auteurs ; cependant elle est d’ordre historique. En effet, beaucoup de pays africains, notamment en Afrique de l’ouest furent colonisée par la France, d’où les règles juridiques applicables en matière de droit des affaires portent la marque de l’héritage de la puissance coloniale. Ainsi par exemple, la législation introduite au Sénégal en 1850 (code de commerce français) s’appliquait dans les pays de l’Afrique Occidentale française (AOF). Cependant, il faut le souligner, les droits européens qui s’appliquaient pendant la période coloniale comportaient une notion d’ordre public dans lequel l’élément économique était prioritaire car « annoncé au départ comme un ensemble de principes garantissant le respect de la dignité humaine, l’ordre public colonial fut très vite confondu avec la mise en œuvre d’une politique de développement justifiant la répression de tout comportement destiné à ralentir ou à compromettre ce développement » 3 . 1 Jacque David, directeur de Juriscope, dans l’avant-propos de l’ouvrage : collection droit uniforme africain publié à Bruyllant en 2002 2 L’ohada a procédé par la formule d’acte uniforme et se démarque complètement des notions classiques de législations telles les décrets, loi, ordonnances… 3 Jacqueline Costa Lascoux : in « les infractions à la legislation économique »,édition africaine, 1990.

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Page 1: Introduction Générale - DALDEWOLF · Le 17 octobre 1993, « un rêve fait au lendemain des indépendances par de ... La partie III de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales

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Ohadata D-08-09 Le droit pénal des affaires au Niger : une construction duale

entre droit communautaire et législations nationales Par ABDERRABANI

Introduction Générale

Le 17 octobre 1993, « un rêve fait au lendemain des indépendances par de

grands auteurs africains »1 venait d’être réalisé. En effet, seize pays africains

ont adopté le traité relatif à l’organisation pour l’harmonisation du droit des

affaires en Afrique (Ohada). Les actes uniformes2 issus de l’ohada ont

concerné divers domaines du droit des affaires : le droit commercial général,

le droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique,

les sûretés, les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution,

les procédures collectives, le droit de l’arbitrage, la comptabilité, et les

contrats de transport par route.

Mais pourquoi fallait-il adopter ce nouveau droit dans cet espace ?

La réponse diverge selon les auteurs ; cependant elle est d’ordre historique.

En effet, beaucoup de pays africains, notamment en Afrique de l’ouest furent

colonisée par la France, d’où les règles juridiques applicables en matière de

droit des affaires portent la marque de l’héritage de la puissance coloniale.

Ainsi par exemple, la législation introduite au Sénégal en 1850 (code de

commerce français) s’appliquait dans les pays de l’Afrique Occidentale

française (AOF). Cependant, il faut le souligner, les droits européens qui

s’appliquaient pendant la période coloniale comportaient une notion d’ordre

public dans lequel l’élément économique était prioritaire car « annoncé au

départ comme un ensemble de principes garantissant le respect de la dignité

humaine, l’ordre public colonial fut très vite confondu avec la mise en œuvre

d’une politique de développement justifiant la répression de tout

comportement destiné à ralentir ou à compromettre ce développement »3.

1Jacque David, directeur de Juriscope, dans l’avant-propos de l’ouvrage : collection droit uniforme africain publié à Bruyllant en 2002 2L’ohada a procédé par la formule d’acte uniforme et se démarque complètement des notions classiques de législations telles les décrets, loi, ordonnances… 3Jacqueline Costa Lascoux : in « les infractions à la legislation économique »,édition africaine, 1990.

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Après les indépendances, beaucoup de ces pays se rendent à l’évidence que

le droit colonial n’est pas applicable et ne favorisait pas le démarrage. On

assiste dès lors à une « ruée » de législations très complexes, s’emparant des

Etats, qui retombent dans un état législatif disparate, vétuste et inadapté,

que certains auteurs n’ont hésité à qualifier de véritable « maquis

législatifs »4. Tel fut le contexte dans lequel étaient les législations africaines

avant l’avènement de l’ohada. Le nouveau droit s’est donné des objectifs à

savoir un droit unique pour tout l’espace ohada, un droit adapté au

particularisme des économies africaines, un droit adapté aux besoins réels

des entreprises, et surtout un droit qui assure la sécurité des créanciers, des

tiers, et des investisseurs. Nous avons accordé une importance particulière à

cet objectif de l’Ohada, car aucun progrès économique ne peut être amorcé

sans assurer la sécurisation des acteurs. D’où la naissance d’un droit pénal

des affaires Ohada. En effet, aux termes de l’art 5 du traité Ohada, « les

actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination pénale… ».

Dès lors, le législateur ohada aura à édicter des normes d’incrimination dans

toutes les matières ayant fait l’objet d’acte uniforme. L’importance donc de la

reforme nous a conduit à choisir dans le cadre de ce mémoire comme

thème : « Le droit pénal des affaires au Niger : une construction duale

entre droit communautaire et législations nationales »

Le choix du n’est pas du hasard. En effet, l’un des objectifs principaux du

regroupement est la sécurisation des affaires dans l’espace. Il faut donc à la

différence des autres organisations internationales, que l’ohada se dote d’un

arsenal répressif afin de répondre aux impératifs de développements dont

elle s’est fixés. En outre,la nécessité de cette étude pensons-nous, vient du

fait qu’il s’agit d’un transfert de souveraineté occasionné par la réforme. Le

champ du droit pénal des affaires ohada n’est pas des moindres, car allant

des incriminations couvrant tous les actes uniformes issus de l’ohada. C’est

pourquoi, l’abondance de la matière ne nous permet pas de faire une étude

globale du droit pénal des affaires au Niger. Cependant, nous avons choisi de

traiter d’un domaine plus complexe et où la pratique fait place des fois aux

fraudes et aux manœuvres délictueuses. Il s’agit du droit pénal des sociétés

4Djibril Abarchi, maître de conférence à l’université de Niamey in :revue burkinabé de droit, n°39, p78

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commerciales. L’acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et

groupement d’intérêt économique est entré en vigueur le 1er janvier 1998. Il

faut noter que cet acte uniforme a profondément modifié le droit positif des

Etats-parties5. La partie III de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales

intitulées « disposition pénale » qui sera l’objet de notre étude est l’arsenal de

protection des acteurs économiques. La formule utilisée par l’ohada est

cependant fascinante car, elle a prévu des incriminations presque partout où

il le fallait, ce qui ôte les Etats de certaine parcelle de souveraineté, mais elle

renvoie aux Etats en retour la sanction. Dès lors, pour mieux cerner le

nouveau droit pénal des affaires au Niger, nous avons envisagé de suivre le

schéma classique en droit pénal. Ainsi, dans une Première Partie, nous

traiterons des incriminations prévues par le législateur communautaire en

matière commerciale(Première Partie) et dans une Deuxième Partie la

répression des incriminations par les juridictions nigériennes(Deuxième

Partie) avec bien entendu une perspective comparatiste avec le droit pénal

des affaires en France.

5Les modifications ont surtout concerné la forme sociale en consacrant de nouvelles forme et supprimant d’autres.

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Première Partie : La détermination des incriminations par la norme communautaire

Les sociétés, moyens privilégiés de drainage et d’utilisation des capitaux

indispensables à la vie économique, constituent le domaine d’expression par

excellence de ce qu’il est convenu d’appeler la « criminalité d’affaires » ou « en

col blanc ».

En effet, le code civil, en son Art 1832 donne la définition suivante de la

société : « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes

conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de se partager

le bénéfice qui pourra en résulter ».

Cette définition sobre connaît aujourd’hui, avec l’avènement de l’Acte

Uniforme de l’OHADA sur le droit des sociétés commerciales une

modification notable. En effet, l’acte uniforme donne la définition

suivante : « la société commerciale est crée par deux ou plusieurs personnes

qui conviennent,par un contrat d’affecter à une activité des biens en

numéraire ou en nature, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de

l’économie qui pourra en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux

pertes dans les conditions prévues par le présent acte uniforme. ». De cette

définition, on se rend compte qu’une réaction publique est nécessaire pour

protéger les intérêts du public ou des associés, la morale commune ou tout

simplement la société elle-même. Pour l’histoire, rappelons ces affaires très

médiatisées,reprochant des abus à des dirigeants de sociétés en France, qui

ont défrayé la chronique : l’affaire dite du « phocéa » de Bernard Tapie ;

l’appauvrissement des sociétés de M.Botton ; du financement d’un journal

de M.Alain Carignon, ou de la mise en examen du PDG de la SNCF,M.Loik le

Floch-Prigent pour son ancienne action à la tête de Elf-Aquitaine…

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En Afrique, nous pouvons citer entre autres l’Affaire Air Afrique, l’Affaire de

la BDRN (banque de développement de la République du Niger) ;la société de

cimenterie au Niger ; Des malversations à la tête du CNOU, affaire dite Tawai

(centre des œuvres universitaires) etc..

Cependant la particularité, ce que en Afrique,ces infractions aux sociétés

sont pour la plupart restées impunies à cause de l’interventionnisme du

politique dans les affaires. C’est pourquoi, la nécessité d’un droit

communautaire uniforme a été senti par les Etats, et ont conclu à la création

et à l’harmonisation du droit pénal des affaires dans l’espace ohada. C’est le

domaine de notre étude. Le droit uniforme a procédé à l’harmonisation des

infractions aux sociétés commerciales ;dès lors, l’étude du droit pénal des

sociétés selon Jean-Bernard Bosquet Denis correspond à trois approches ( cf

note bibliographique n°4) :

soit on recherche le but fondamental poursuivi par le législateur,et l’on

trouvera une cohérence entre les règles qui visent à protéger des associés

,porteurs de parts ou actionnaires, des obligataires, les contractants, ou

encore l’épargne.

-soit on s’attache à l’examen de chacune des sociétés (sa,snc,sarl,parmi les

sociétés commerciales ou civiles) ;

-soit enfin, on s’efforce de suivre la vie de la société, distinguant ce qui

concerne la création, la vie sociale, la fin de l’entreprise, des règles étant

nécessaires, parfois communes à toutes les sociétés, parfois spécifiques à tel

type de société. Pour notre part, nous nous rangerons à cette dernière

démarche,à travers trois chapitres :Les incriminations lors de la constitution

des sociétés commerciales (chapitre1) ;les incriminations pendant la vie des

sociétés commerciales (chapitre2) ;et enfin les incriminations en fin de vie

des sociétés commerciales (chapitre3).

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ChapitreI : Les incriminations lors de la constitution des sociétés

Toute création de société suppose l’initiative des fondateurs. Or, leurs

démarches dépendent du choix quant au but poursuivi, au capital

disponible, et à la forme sociale la mieux adaptée6.C’est donc un moment

très crucial dans le processus de regroupement des personnes appelées à

être membres de la future société. Il est dès lors nécessaire d’amener les

fondateurs décidés à mettre sur pieds une société à respecter la

réglementation. C’est pourquoi le législateur de l’ohada a prévu un certain

nombre de conditions de fond à respecter et de formalités à accomplir pour

la validité de la constitution de la société. Ces conditions de fond et de forme

sont encadrées par un contrôle préventif de l’autorité administrative. Mais la

société n’est constituée qu’à compter de la signature de ses statuts7.A ce

stade de la vie de la société, le droit pénal intervient pour garantir la

régularité de la constitution de la société. Ainsi, le législateur ohada

incrimine les actes déloyaux principalement lors de la formation du capital

social (section1), mais également certaines opérations bien que licites,

lorsque la société est irrégulièrement constituée (section2).

Section1 : Les infractions relatives à la formation du capital social

Aux termes de l’ Art 61 de l’ausc « toute société doit avoir un capital

social qui est indiqué dans ses statuts, conformément au présent acte

uniforme »

6Yves Guyon :Droit des affaires,tome2, economica,2001 7 . voir art 101 de l’ausc

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Que faut-il entendre par capital social ?

Selon Guillaume Serra8, le capital social n’est pas une notion définie par la

loi et la jurisprudence ; C’est donc par défaut et aux travers de ses fonctions

que sa signification peut être appréhendée, se distinguant des apports en

industrie, des quasi-fonds propres, des comptes courants d’associés, et du

patrimoine social . Le capital social apparaît comme la somme des valeurs

apportées en propriété par les associée. sous l’angle économique, il est une

source de financement non seulement pour démarrer, mais aussi tout au

long de la vie sociale. Sous l’angle juridique, c’est une garantie tant pour la

société que pour ses créanciers. L’existence du capital social exigée par la loi

est garantie indispensable pour l’économie , ou les personnes ayant des

rapports avec la société. C’est pourquoi le capital social fait l’objet d’une

protection tout au long de sa constitution .Ainsi le législateur ,à travers

l’ausc incrimine des actes mensongers particulièrement dangereux pour les

tiers ,les associés, et la société elle-même. les incriminations visent non

seulement la recherche du capital (paragraphe1),mais aussi sa déclaration

(pargraphe2)

. Paragraphe1 : La recherche du capital

Dès le stade de la recherche du capital social, les fondateurs peuvent se

rendre coupables d’un certain nombre d’infractions. En effet, l’ausc

,reprenant la formulation de l’Art 433 ,Al 2 de la loi française du 24juillet

1966, a prévu en son Art 887,Al 3,deux types d’infractions qui ,bien que

différentes, sont identiques en pratique .Elles supposent l’une et l’autre un

mensonge suivi soit d’un résultat, soit d’un certain but. Deux infractions

sont visées, la simulation de souscription ou de versement (A) et la

publication des faits faux(B).

A. La simulation de souscription ou de versement

8 .bulletin joly, sociétés,no 7, juillet 2004, partie chronologique.

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L’Art 887, Al 3 de l’ausc dispose « ceux qui ,sciemment, par simulation de

souscription ou de versement…qui n’existent pas….auront obtenu ou tenté

d’obtenir des souscriptions ou des versements… » . Le législateur ohada

incrimine à travers cet article, les mensonges consistant à présenter pour

vrais des souscriptions ou des versements qui en réalité n’existent pas. Des

auteurs ont qualifié ce délit d’escroquerie, mais en réalité ces mensonges

sont redoutables car il faut selon Jean Larguier, craindre en ces matières «

le procédé qui coûta la vie aux moutons de panurge… » (cf note biblio n°8).la

simulation de souscription peut porter soit sur la souscription, soit sur le les

versements. Une jurisprudence française a d’ailleurs rendu la tentative de la

simulation punissable9. Cependant, pour mieux appréhender le délit, il

convient de voir ses éléments constitutifs (1) et les personnes punissables

(2).

1.Les éléments constitutifs du délit de simulation

Comme la plupart des infractions aux sociétés, le délit de simulation est un

délit intentionnel. Dès lors, il nécessite la réunion d’élément matériel (a) et

d’élément moral(b).

a. L’élément matériel du délit

Le délit de simulation incriminé par le législateur présente une double

casquette. En effet, il consiste en des agissements de simulation, et en une

recherche des souscription ou de versements. s’agissant de la simulation de

souscription ou de versement, elle suppose l’établissement du caractère fictif

des souscriptions ou des versements d’une part et la preuve qu’ils étaient

affirmés sincères et veritables10.En pratique, le caractère fictif des

souscriptions est l’élément qui se rencontre le plus souvent. Il est en effet

selon M.B.Mercadal, difficile « d’échapper au versement de fonds car les

fondateurs qui les ont accueilli ont l’obligation de les déposer chez un

notaire ou une banque »11.L’existence des versements implique donc que le

9 .Jean Larguier : droit pénal des affaires ,9è édition, A Colin, 1997, p 313 10.Paris, 10 juillet 1987, gazette du palais, 1988, , j.259 11.Pr Abdoullah Cissé,Université Gaston Berger du Sénégal dans : Collection droit uniforme africain relatif aux sociétés commerciales et gie, ,titre3 de la 1ère partie,p241.

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dépositaire accepte de reconnaître qu’il a reçu des fonds, qui en réalité ne lui

ont pas été remis. la doctrine considère qu’une pareille complicité paraît

invraisemblable compte tenu de la qualité des dépositaires que sont les

notaires et les banques .cependant, il faut distinguer la simulation de

souscription de versement même .En effet l’une peut exister sans l’autre,

c’est là que Jean Larguier distingue la souscription réelle n’ayant été suivi

d’aucune libération effective à travers un arrêt de la chambre criminelle de la

cour de cassation ,estime qu’un tel scénario est possible12 ,et un versement

réel n’ayant fait suite qu’à une souscription fictive. Ainsi, les souscriptions

sont fictives si tous les éléments requis pour la validité de l’engagement

d’entrée en société ne sont pas réunis. quant aux versements ,ils sont fictifs

lorsqu’il est affirmé qu’ils ont été définitivement mis à la disposition de la

société, alors qu’en réalité il n’en a pas été ainsi.

En définitive, la doctrine retient trois critères de versement fictif :en

l’absence de tout versement malgré l’affirmation contraire, en cas de

simulacre de versement ou de versement apparent ;en cas enfin de paiement

par compensation. les moyens employés pour réaliser des souscriptions ou

des versements sont des actes mensongers qui tendent à faire croire que les

souscriptions ou les versements prétendus ont été effectivement obtenus.

Selon Mercadal, « tous les procédés susceptibles d’accréditer ,dans l’esprit

des tiers cette idée sont répréhensibles ».Peu importe donc les moyens

utilisés pour matérialiser la simulation ,qu’elle soit antérieure ou

postérieure à la constitution de la société13.la jurisprudence française a

retenu à travers une série de décisions, les manœuvres

suivantes :l’établissement du certificat du dépositaire affirmant

inexactement la souscription intégrale du capital ou le versement du premier

quart14 ;les fausses affirmations appuyés ou non de la production de

documents fallacieux15 ; ainsi que l’utilisation de jeux d’écritures ou

d’artifices de comptabilité16.D’autre part, la jurisprudence entend par

12.Infractions aux regles de contitution et d’augmentation du fonds social, traité des sociétés, fasc.125.3, no7. 13.cass.crim.,3 avril 1939,revue trimestrielle de droit des sociétés ,no39,p195. 14.F. P. Blanc :cours de droit pénal des affaires, Master recherche droit privé et sciences criminelles, université de perpignan, 2004-2005. 15.cass.crim.,27 janvier 1928,revue des sociétés, 1928, p.109 16.C A Paris, 16 juillet 1902, journal des sociétés,

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souscription ,tout engagement pris en faveur d’une société et rémunéré par

la délivrance d’un titre quelconque ;et le versement non seulement constitué

du premier versement effectué au moment de la constitution de la société,

mais encore des versements réalisés à la suite des appels des quarts

subséquents. le législateur a aussi tenu compte de l’élément moral du délit.

b.L’element moral du délit de simulation

l’infraction suppose l’action qui est commise <<sciemment>>,c’est à dire

selon l’expression de Jean Larguier,<<la conscience du but poursuivi et en

connaissance de la fausseté des faits prétendus>>.En effet, il y a dans la

société ,qui ne peuvent pas ignorer la connaissance de cette fausseté à cause

des fonctions qu’ils occupent. l’élément intentionnel tient donc à la seule

conscience qu’a l’agent de réaliser une simulation entraînant la souscription

ou le versement. une jurisprudence de la cour de cassation estime même que

l’intention délictueuse résulte suffisamment du fait que certaine personnes

en raison de leur fonction ne peuvent ignorer la fausseté des faits

publiés19.Dès lors, la mauvaise foi se présume dès l’instant ou l’auteur de la

simulation a agi en connaissance de cause. la simple provocation des

souscriptions ou des versements suffit pour démontrer le délit de simulation.

Cependant, il y eut des cas très rares dans lesquels des dirigeants furent

relaxés. C’est le cas par exemple d’un administrateur qui a joué un rôle

effacé dans la direction de l’affaire mais relaxé ,faute de démonstration de sa

mauvaise foi20. ;De l’administrateur qui ,bien qu’ayant envoyé son pouvoir,

n’a pas assisté à la réunion du conseil d’administration ou l’emprunt a été

decidé21 ;D’un administrateur ,apporteur en nature qui ,aveugle, avait établi

que les opérations de la société lui avaient coûté des sommes importantes

sans aucun profit en contreparties22.

2. Les personnes punissables

19 cass.crim., 14 janvier 1980, jcp 1980,p125 20CA Douai, 18 Avril 1929, revue des sociétés, 1932,p596 21 tribunal correctionnel de Belfort, 4 novembre 1932,journal des sociétés, 1932,p596 22CA Orléans,28 Avril 1887,journal des sociétés, 1888,p34

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Aux termes de l’ Art 887,al 3 de l’ausc, les auteurs et les complices sont

sanctionnés pénalement. S’agissant des auteurs, ce sont tous ceux qui ont

recours à la simulation pour obtenir des souscriptions ou de versements.

Encore faut-il déterminer le moment de la commission de l’infraction. En

effet, si l’infraction est commise à la constitution de la société, ce sont

inévitablement les fondateurs qui sont auteurs, ce qui exclut les premiers

administrateurs de la société car le délit est consommé avant leur

nomination.

Toutefois, les premiers administrateurs et même les administrateurs

suivants ou les gérants selon le cas ,sont responsables du délit avec les

fondateurs qui ont eu recours à la simulation pour obtenir des souscriptions

si,en connaissance de cause, ils procèdent à l’appel des quarts subséquents

ou premiers versement23.S’agissant des complices, ce sont ceux qui, en

connaissance de cause préparent ou facilitent le délit par des faits

antérieurs ou concomitants à son execution24.Cest ainsi que la

jurisprudence française a étendu la notion de complicité à un commissaire

au comptes qui a affirmé devant l’assemblée générale des actionnaires un

bénéfice inexistant et qui a certifié sincère un bilan fallacieux25 ;un chef

comptable qui falsifie les documents comptables et les procès verbaux du

conseil d’administration et des banquiers qui délivrent des reçus de

complaisance26.Mais la jurisprudence a écarté dans certains cas la

complicité. Il en est ainsi du directeur d’une société qui, malgré la

connaissance du défaut de libération des souscriptions n’a permis

qu’ultérieurement au souscripteur fictif d’opérer un encaissement au

préjudice de la société27 ;mais aussi du banquier qui a délivré des certificats

relatant faussement qu’il détenait ,immobilisés dans ses caisses ,des fonds

représentant le premier quart, s’il n’est pas établi que lesdits certificats ont

été produits lors de la déclaration notariée28.Qu’il soit auteur ou complice, le

législateur ohada a quand même tenu à incriminer la simulation .Cependant

23cass.crim.,5juin 1940,Dc 1941, Dh 1941. 24Abdoullah Cissé, op cit,n°11. 25cass.crim.,31mars 1933, journal des sociétés,1933, p529 26 cass.crim ;,26 fevrier 1904,Dp 1905,1,p17 27cass.crim.,3 Avril 1939, revue trimestrielle de droit des sociététs,1939,p195 28cass.crim.,3avril 1939 précité

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il n’est pas à la fin des incriminations pendant cette recherche de capital ;Il

moralise la recherche également par l’incrimination de la publication de faits

faux

B. La publication de faits faux

De nombreux auteurs avaient estimé que la simulation et la publication de

faits faux constituent le même délit. Certes, ils concourent tous à obtenir des

souscriptions et versements, mais les deux délits présentent en réalité des

particularités. En effet, l’Art 887,dans sa rédaction a repris dans les mêmes

termes que ceux de la loi française du 24 juillet 1966, notamment l’Art

433,al2.Deux éléments sont donc retenus et constituent le délit : « la

publication » de souscription ou de versement inexistants, ou de « tous

autres faits faux ».

S’agissant de la publication ,peu importe le moyen utilisé. Ainsi une simple

communication personnelle ne suffit pas, par exemple un démarcheur. il y a

publication dans le cas d’un avis diffusé à la presse ou dans le journal

officiel, de déclaration à la télévision ou à la radio, prospectus ou lettres

circulaires29.Quant aux faits faux, l’Art 887, Al 3et4 vise tout fait faux et

donc sont considérés comme fait faux ,la publication de souscription ou de

versement qui n’existent pas et la publication des noms de personnes

faussement désignés comme attachés à la société. Mais la jurisprudence a

retenu deux critères de faits faux : les faits faux d’ordre juridique qui

constituent dans l’affirmation inexacte de la constitution régulière de la

société, ou la souscription intégrale du capital social ;et les faits faux d’ordre

économique qui peuvent concerner la publication de circulaire ou articles de

journaux annonçant une hausse considérable des actions, les affirmations

inexactes sur le droit de propriété ,la publication dans un code de cours

fictifs30.En tout état de cause, le fait faux est répréhensible dès lors qu’il

implique une allégation de l’existence de certains faits, en réalité inexistant.

Tout comme le délit de simulation ,la publication de faits faux doit être

29cass.crim.,26juin 1978, B.212 30cass.crim.,10avril 1884,revue des sociétés,1885,p6

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commise sciemment par son auteur ou son complice. Dans ce cas, la

complicité s’étend non seule ment aux démarcheurs qui après avoir réuni les

éléments mensongers les ont portés à la connaissance du public sous forme

de compte rendu inexact et trop élogieux31,mais également aux journalistes

qui publient en connaissance de cause ,les articles mensongers

conformément à la demande des fondateurs ou administrateurs32 ;Au

commissaire aux comptes certifiant sincère un bilan manifestement

frauduleux ou le conseil juridique qui prépare les actes frauduleux destinés

à etrepubliées33.Le législateur africain ne s’est pas contenté seulement

d’incriminer les atteintes à la recherche du capital social, il est également

intervenu au niveau de l’affirmation du capital social.

Paragraphe 2 :L’affirmation du capital social

Toute constitution de société suppose un capital social, même si des auteurs

le qualifient « d’institution qui paraît vieillotte et dépassée »34.Pour notre

part, signalons que l’Art 61 de l’acte uniforme sur les sociétés

dispose : « toute société doit avoir un capital social qui est indiqué dans ses

statuts, conformément aux dispositions du présent acte uniforme ».

Dès lors, le législateur africain ,conscient de l’enjeu du capital social

,réprime un certain nombre de comportements afin de le rendre plus réel.

Ainsi, deux séries d’actes mensongers sont visés par le législateur :

l’établissement du certificat du dépositaire (A) et la surévaluation des

apports en nature (B).

A. L’établissement du certificat du dépositaire

Il s’agit encore du mensonge ,du mensonge grave que le législateur entend

réprimer car ce mensonge est destiné tantôt à rechercher le capital en

attirant frauduleusement les souscripteurs, hypothèse que nous avons vu ci-

dessus, tantôt à affirmer de façon inexacte la réalité du capital souscrit. En

31cass.crim.,16novembre 1889,D..1889,p436 32 CA Paris,17fevrier 1912,journal des sociétés,1913,p424 33 cass.crim ;,30mai 1930,juornal des sociétés,1931,p552 34Yves Guyon :la mise en harmonie du droit français des sociétés avec la directive des communautés européenne sur le capital social, jcp 1982,I,n°3067

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France par exemple, l’Art 242,al 2 du code de commerce qui concerne le délit

a été abrogé par la loi du 15 mai 2001 ;on a procédé donc à sa

dépénalisation. Mais ces délits reçoivent désormais des qualifications du

droit pénal commun. A titre d’exemple, la simulation est assimilée à

l’escroquerie par abus de qualité vrai, alors que le délit sur le certificat du

dépositaire est qualifié de faux destiné à faciliter une escroquerie ou un abus

de biens sociaux. Quant au législateur ohada, ces infractions sont d’actualité

et sont visées par l’art 887 de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales

et G.I.E.

S’agissant de l’établissement du certificat du dépositaire, il faut préciser que

l’acte de société est un acte sous seing privé qui ne fait que l’objet d’une

immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier. Il ne fait

donc pas l’objet d’une authentification par le notaire. C’est pourquoi le

législateur a exigé des fondateurs pour l’affirmation de l’existence et

l’authentification du capital d’une société nouvellement crées, une

déclaration chez le notaire ou le dépositaire proclamant la sincérité des

souscriptions et la réalité des versements correspondants. Au cours de cette

opération ,s’il se trouve que le certificat de dépôt contient des allégations

fausses, les auteurs de ces mensonges sont punissables. En effet, selon l’Art

887,al1et 2,de l’Ausc, ayant repris l’art 433,al1 de la loi française de

1966, « encourent une sanction pénale, ceux qui ,sciemment, par

l’établissement du certificat du dépositaire constant les souscriptions et les

versements, auront affirmé sincères et véritables des souscriptions qu’ils

savaient fictives ,ou auront déclaré que des fonds qui n’ont pas été remis

définitivement à la disposition de la société ont été définitivement versés

,…ou auront remis au dépositaire une liste des actionnaires mentionnant

des souscriptions fictives ou le versement de fonds qui n’ont pas été mis

définitivement à la disposition de la société ».

Dès lors, pour être punissable, d’après l’article précité, il faut un élément

matériel caractérisé par des faits faux, et un élément intentionnel, la

mauvaise foi de l’auteur. S’agissant des faits faux, ils concernent le caractère

fictif des souscriptions et le défaut de réalité des versements . la doctrine

tient beaucoup compte de l’affectio societatis pour apprécier l’existence ou

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non de la réalité. C’est pourquoi, il a même été jugé ,lorsque le désir de

s’associer fait défaut, le souscripteur n’est qu’ « un prête-nom » et la

souscription est fictive35.Le délit d’établissement frauduleux du certificat est

supposé commis le jour ou le certificat a été établi, ce qui permet de dire que

la prescription court à partir de ce moment, tout comme certaines

infractions d’affaires. c’est pourquoi, certains auteurs ont osé parler

d’infractions aux affaires imprescriptibles36. Il existe à coté du délit

d’établissement frauduleux de certificat dans l’affirmation du capital social,

un autre ,celui de la surévaluation des apports en nature.

B. La surévaluation des apports en nature :

L’art40 de l’ausc a prévu trois sortes d’apports pour participer à la société : il

s’agit de l’apport en numéraire(qui est généralement en argent), l’apport en

industrie(par la main d’œuvre), et l’apport en nature caractérisé par des

biens en nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels ; De

chaque catégorie d’apport les associés reçoivent des actions ou parts sociales

correspondantes à leur valeur. Si les deux premières catégories d’apport ne

causent pas de difficulté, leur valeur étant estimée connue, la troisième

catégorie pose des problèmes car il s ‘agit de biens contre des devises. En

effet, le principe de l’égalité des associés voudrait que l’apport en nature soit

évalué à sa juste valeur. Certes, comme l’a fait observé à juste titre Jean-

Marie Robert, « qu’en économie libérale des affaires, celui qui apporte n’est

pas un philanthrope, et qu’il a le droit (et même le devoir s’il est

administrateur d’une société) d’obtenir, sauf fraude bien entendu , le prix

maximum de son apport ».

Mais il faut tout de même ajouter à la suite de Mireille-Delmas Marty, que

« beaucoup de sociétés ont une situation difficile parce que la valeur des

35 cass.crim.,16mars 1981,bull crim.,n°94 36Charles Freyria :imprescriptibilité du delit en droit pénal des affaires,jcp 1996,I,563

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apporteur en nature a été exagérée »37. Il a donc paru plus efficace pour le

législateur ohada d’incriminer directement la majoration frauduleuse

d’apport en nature. Cependant, toute la difficulté est de déterminer la valeur

réelle de l’apport en nature. La loi ne spécifie pas ce qu’on entend par valeur

réelle et les commissaires aux apports adoptent la méthode qu’ils jugent la

plus convenable. Cette pratique ne met pas à l’abri la société qui risque de

supporter plus qu’elle ne peut. La pratique a consacré l’expression de valeur

vénale. Cependant, devant l’incertitude de la notion, la jurisprudence a eu à

l’occasion à travers l’affaire Willot, de préciser sa position. En effet, dans

cette affaire, les prévenus soutenaient que les apports(valeurs mobilières)

ayant été effectués à l’occasion d’une opération déterminée réalisée dans la

perspective d’un rendement et d’une rentabilité accrue, il était légitime de

valoriser sensiblement ces apports par rapport à leur valeur vénale. Le

tribunal en l’espèce, ayant retenu le délit de majoration frauduleuse, compte

tenu d’une surévaluation manifeste, les juges admettent cependant le

principe de la valeur vénale corrigée par la nature même de l’opération de

prise de contrôle en ces termes : « si les dirigeants de la société apporteuse et

de la société réceptrice ont débattu contradictoirement et librement de la

valeur de ces apports et de leur rémunération, on ne saurait leur faire grief

de les avoirs valorisés en considération de l’intérêt économique né du

rapprochement des deux entreprises, surtout s’agissant d’entreprises

industrielles »(trib.correct. Paris 16mai 1974).

En outre, il faut préciser les personnes punissables en cas de commission

du délit. En effet, il ne s’agit pas d’un délit de fonction, car l’acte

uniforme(art887) ne précise pas la qualité de la personne, auteur de

l’infraction. Cependant en général, les auteurs sont les apporteurs ou les

commissaires aux apports. Le législateur africain(ohada) s’est intéressé à la

situation d’une société par action irrégulièrement constituée, mais qui exerce

certaines activités.

37M. Delmas Marty : Droit pénal des affaires, tome2,puf,p19

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Section 2 :L’activité de la société irrégulièrement constituée :

La régularité d’une société tient à deux choses :d’une part il y a les

formalités de constitution qui doivent être accomplies ,et d’autre part

l’immatriculation. En ce qui concerne les formalités ,elles sont des formalités

de fonds(montant du capital social en fonction du type de société, la

souscription réelle ,définitive et intégrale du capital, le nombre d’associés et

la capacité des associés et administrateurs) et de forme (la souscription ,le

dépôt des fonds, la convocation de l’assemblée générale constitutive ,la

procédure concernant les apports en nature, etc..).L’immatriculation est

quant à elle effectuée au registre du commerce et du crédit mobilier.

L’absence de ces formalités rend la société irrégulière. Dès lors, l’acte

uniforme interdit deux activités d’une telle société : l’émission d’actions

(paragraphe1) et la négociation d’actions(paragraphe2).Nous ferons cas des

sociétés faisant appel public à l’épargne (paragraphe3).

Paragraphe1 :L’émission d’actions

Dans le souci d’éviter une dénaturation des autres formes de société dont

l’accès aux tiers est strictement contrôlé, l’acte uniforme leur a interdit

d’émettre des titres négociables .En effet, l’Art 58 de l’ausc dit expressément

que « les sociétés anonymes émettent des titres négociables… » et l’Art 886

du même acte dispose « est constitutif d’une infraction pénale ,le fait pour

les fondateurs ou administrateurs d’émettre des actions avant

l’immatriculation ,à n’importe quelle époque lorsque l’immatriculation est

obtenue par fraude ou que la société est irrégulièrement constituée ».la

lecture de ces deux articles ci-dessus énoncés permet de mettre en évidence

deux choses :d’une part les actions ne peuvent être émises que par les

sociétés par actions37 (A), et d’autre part l’étendue de l’interdiction de

l’émission par le législateur(B).

37 Mireille Delmas Marty : droit pénal des affaires,tome2, partie spéciale :infraction,puf,1990

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A .le domaine des actions

Seules les sociétés par actions sont autorisées à émettre des actions. L’acte

uniforme relatif aux sociétés commerciales n’a pas donné la définition de

l’action. Cependant, nous pouvons tenter une définition approximative selon

laquelle les actions sont des parts d’associés dabs les sociétés dites de

capitaux et sont caractérisées par leur libre cessibilité de principe ,se

présentant comme des fractions du capital social servant d’unité aux droits

et obligations des sociétés50.Le législateur est intervenu donc pour interdire

l’émission d’actions à ces sociétés qui ne sont pas de la forme des sociétés de

capitaux, ce qui est tout à fait naturel pour des personnes morales qui ne

peuvent pas être de cette forme.

Cependant l’incrimination dont il s’agit concerne les capitaux mêmes. En

effet, l’Art 886 de l’ausc interdit à la société anonyme d’émettre des actions à

certaines époques de la vie de la société.

B.L’étendue de l’interdiction de l’émission d’actions

L’Art 886 de l’ausc distingue trois périodes ou situations pendant lesquelles

les fondateurs et administrateurs ne peuvent émettre des actions. Ainsi, le

législateur interdit l’émission d’actions en cas de défaut d’immatriculation

régulière de la société, et en cas d’irrégularité des formalités de constitution.

Selon Mireille-Delmas Marty, la sanction de l’émission d’actions sans que

les formalités de constitution aient été régulièrement accomplies « fait partie

de l’ensemble des mesures imaginées par le législateur pour garantir la

régularité de la constitution malgré l’absence de contrôle

préalable »51.Cependant,il faut noter que malgré la formulation de l’article

précité qui laisse croire que les irrégularités constituent un élément

constitutif de cette infraction, la doctrine elle ,les considère comme une

condition préalable à l’infraction. Ainsi pour que l’infraction soit commise, il

faut un élément matériel et un élément moral ,en plus de l’irrégularité.

50 rappelons que la société anonyme est la seule société par action prévue par l’acte uniforme de l’ohada 51Abdoullah Cissé in :Collection droit uniforme africain, Bruyllant,2002,p256.

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L’élément matériel s’analyse à l’émission du titre. l’émission peut être

employé comme « synonyme d’introduction de titre en bourse ou d’appel à

une souscription publique »52.Une jurisprudence ancienne de la cour de

cassation française a défini l’émission comme la création matérielle des titres

et leur remise aux souscriptions ,ou leur mise à disposition ,par exemple en

les plaçant dans leurs dossiers53.Mais depuis la loi du 30 décembre 1981 qui

a supprimé en France la création matérielle des actions, la cour de cassation

a adopté cette définition54.Désormais, les titres ne sont matérialisés que par

une inscription au compte de leur propriétaire. Ainsi, le délit existe dès que

les actions sont émises avant l’immatriculation, si l’immatriculation est

obtenue par fraude ,ou sans que les formalités de constitution aient été

accomplies. Certains auteurs considèrent que cette dernière hypothèse

cause quelques difficultés du aux différences de formalités de constitution

des sociétés55.

Pour ce qui est de l’élément moral, la loi ne requiert pas l’intention

frauduleuse, le seul fait d’émission dès lors qu’est établie l’existence de l’une

des irrégularités exigées suffit. Toutefois ,une faute matérielle est nécessaire.

l’infraction est un délit de fonction car « on ne peut punir que ceux qui

étaient en fonction au moment de l’émission… »45.l’Art 886 vise notamment

le président directeur général, le directeur général, l’administrateur général

ou son adjoint d’une société anonyme. Outre l’émission d’actions, le

législateur incrimine également la négociation d’actions.

Paragraphe 2 : La négociation d’actions

Pour protéger les acquéreurs qui ont des difficultés à vérifier la régularité

de certains titres ,le législateur a interdit purement et simplement la

négociation d’actions sous peine de sanction pénale. Que faut-il entendre

par négociation ? Selon Michel Veron , « il faut entendre par négociation,

toute transmission interdite par l’un des modes du droit commercial réalisé

52M.Delmas-Marty,droit pénal des affaires,tome2,puf,1990,p253 53Abdoullah Cissé, op cit ci-dessus 54cass.crim.,10juillet 1926, Dh 1926.534 55cass .crim.,30 mai 1996,bull.crim n°224

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soit par le moyen d’un intermédiaire ,soit de gré à gré »56. L’Art 888 de l’ausc

ne définit pas la négociation d’actions, mais donne une catégorie d’actions

qui ne peuvent pas faire l’objet de négociation. la loi vise notamment :

-les actions nominatives qui ne sont pas demeurées sous la forme

nominative jusqu’à entière libération ;

-des actions d’apport avant l’expiration du délai pendant lequel elles ne sont

négociables ;

-des actions de numéraires pour lesquelles le versement du quart du

nominal n’a pas été effectué. A la différence de l’Art 886 qui incrimine

l’émission d’actions irrégulières, l’Art 888 ne réprime pas l’inobservation des

formalités de constitution ,mais sanctionne la négociation irrégulière

d’actions qui peuvent faire l’objet de transaction sur le marché financier. Il

convient dès lors de voir les dites irrégularités (A) et les éléments constitutifs

de l’infraction (B).

56Michel Veron : Droit pénale des affaires 5è édition, 2004,p114

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A. Les irrégularités rendant la négociation illicite :

La négociation est illicite dans trois hypothèses prévues par l’acte uniforme.

Il s’agit d’une part des irrégularités qui se rapportent à la forme des actions.

Il s’agit de la mise au porteur d’actions non encore libérées alors que l’action

de numéraire est nominative jusqu’à son entière libération. Donc la forme au

porteur de telles actions est irrégulière .D’autre part, il y a l’irrégularité

relative au délai de négociabilité. Ce délai est celui avant l’expiration duquel

les actions ne peuvent pas être négociables. En France ,un tel délai n’existe

plus depuis la loi du 5 janvier 1988. Enfin, les irrégularités relatives au

défaut de libération du quart . Aux termes de l’art 888 ausc, « ne peuvent

être négociées ,les actions de numéraires pour lesquelles le versement du

quart n’a pas été effectué ».Une telle disposition permet de déterminer la date

à partir de laquelle la négociation d’action peut intervenir, il s ‘agit de la date

du versement du quart. A ces trois irrégularités ,le droit français a ajouté

une autre. c’est le cas de promesses d’actions sauf en ce qui concerne les

promesses d’actions à créer à l’occasion d’augmentation de capital dans une

société dont les actions anciennes sont déjà inscrites à la cote officielle d’une

bourse de valeurs. Outre les conditions préalables, il y a des éléments

constitutifs du délit à déterminer.

B.les éléments constitutifs du délit :

Tout comme la formule traditionnelle en droit pénal, dans la détermination

des infractions, il faut pour que ce délit soit constitué, un élément matériel

et un élément moral. L’élément matériel se caractérise par la négociation .

En effet, « la négociation peut signifier la vente de titres sur un marché

public ,en banque, ou à la bourse, nécessitent la participation d’un

intermédiaire »57. Dans cette acception large, la négociation peut s’entendre

de tout mode commercial de transmission de titres ,ce qui exclut les modes

du droit civil de transmission (donation, libéralités etc..). Finalement, l’ Art

888 ne s’applique qu’aux contrats relatifs aux actes à titres onéreux dès lors

57J. Larguier et Philipe Conte ,Droit pénale des affaires, 9è édition, A. Colin, p305

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qu’ils réalisent un transfert de propriété. Il en est ainsi de la vente ,dation en

paiement, report en bourse….

Quant à l’élément moral, l’Art 888 dispose qu’il doit avoir été commis

« sciemment ». Dès lors, la mauvaise foi est requise. Mais la doctrine est

partagée à ce point car il peut s’agir d’une personne étrangère à l’irrégularité

qui rend la négociation coupable car « la négociation d’actions n’est pas

nécessairement commise par le personnel dirigeant de la société »58.Cette

distinction a permis à certains de considère qu’il y a deux délits distincts :le

premier sur la négociation, le second sur la participation à la

négociation59.Cette position permet tout de même de faire la distinction des

auteurs qui à n’en point douter peuvent être les fondateurs et les

administrateurs ,et les complices qui ont participer à la négociation.

Cependant, l’activité de la société irrégulièrement constituée présente un

aspect du délit quand il s’agit d’une société par action faisant appel public à

l’épargne.

Paragraphe 3 :le délit d’émission d’actions en cas d’appel public à

l’épargne.

L’art 905 de l’ausc dans sa rédaction est long. Néanmoins la précision de

certaines de ses dispositions est nécessaire. En effet, cet article

dispose : « Encourent une sanction pénale, les présidents les

administrateurs ou les directeurs généraux des sociétés qui auront émis des

valeurs mobilières offertes au public… »

La disposition de l’article donne tout d’abord l’occasion de définir la société

faisant appel public à l’épargne. En effet, « sont réputées faire publiquement

appel à l’épargne, les sociétés dont les titres sont inscrits à la cote officielle à

compter de cette inscription, ou qui ,pour le placement des titres ont recours

à des établissements de crédit. »60. L’infraction d’émission est donc

imputable à certaines personnes (A) et concerne certains actes d’omission

(B).

58Michel Veron :Droit pénale des affaires, A. Colin,2004,p117 59Abdoulah Cissé op cit,n°11 60M. Delmas Marty, op cit n°37

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A. Les personnes visées

Aux termes de l’art 905 ,les personnes dirigeantes de la société sont visées. Il

s’agit non seulement du président, mais aussi des administrateurs, des

directeurs généraux. Le délit est donc un délit de fonction.

B. Les irrégularités coupables

L’art 905 sanctionne l’inobservation de certaines formalités dans le cadre de

sociétés faisant appel public à l’épargne et qui émet des valeurs mobilières.

En effet, le délit d’émission d’actions est réalisé dès lors que : la notice n’a

pas été insérée dans un journal habilité à recevoir des annonces légales ; si

les prospectus et circulaires ne reproduisent pas les énonciations de la

notice ; ou que les affiches et les annonces dans les journaux reproduisent

les mêmes énonciations ; enfin si les affiches ,prospectus et circulaires ne

mentionnent pas la signature de la personne ou du représentant de la

société dont l’offre émane et précisant si les valeurs offertes sont cotées ou

non et à l’affirmative à quelle bourse.

Aux termes de cette étude des infractions relatives à la constitution des

sociétés, il est regrettable que l’ohada ait procédé à une dépénalisation de la

publicité car n’en faisant aucune référence. Toutes ces infractions

permettent tout de même de prévenir non seulement l’irrégularité dans la

formation des sociétés ,mais aussi de sanctionner les malins créateurs

d’entreprises au détriment du public. C’est pourquoi l’œuvre du législateur

sera plus salutaire en incriminant des comportements au cours de la vie des

sociétés commerciales.

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CHAPITRE II :Les incriminations en cours de vie des sociétés commerciales

Une fois constituée, la société doit entretenir une activité pour réaliser son

objet social. Il est alors « essentiel d’assurer son fonctionnement normal ; et

les règles pénales vont avoir pour objet de protéger tous ceux qu’une gestion

frauduleuse ,voire simplement imprudente mettrait en péril »49. Aussi, la

société créée reste un instrument de tentation pour ses dirigeants , de

poursuivre des buts personnels, non conformes à l’objet social et à l’intérêt

collectif. Cependant la réussite de l’entreprise se mesure à la capacité

d’initiative de ses dirigeants, d’où « une vision trop juridique faisant planer la

menace constante de sanction aurait pour résultat l’inertie et l’incapacité

d’adaptation économique de l’entreprise 50. la société est à ce stade supposée

être régulièrement constituée,52 « gouvernée »53 selon l’expression de

Bissara, par ses dirigeants et contrôlée par des commissaires aux comptes.

Ces dirigeants sociaux qui ont tout pouvoir pour engager la société sans

avoir à justifier d’un mandat 54spécial, sont chargés d’assurer la gérance ,

l’administration, la direction de la société selon les cas. Devant cette position

de laisser pour compte des épargnants, le législateur ohada a procédé à

l’incrimination des comportements des intervenants dans la vie de la société.

Il a, dans son œuvre de légifère, voulu réduire quant à la forme au moins, le

nombre d’incriminations. C’est le cas par exemple de l’absence

d’incrimination de l’abus de pouvoir et des voix, prévu par le droit français.

Mais en réduisant ,le législateur aura parfois contribué à compliquer la

tache du juge. Il a tout de même voulu incriminer des comportements liés à

49 Wilfried Jandidier : Droit pénal des affaires, 2è édition, dalloz 1996. 50J. Lacoste :responsabilité pénale :infraction aux regles d’émission et de négotiation d’actions,jcp1994,n°43 52 Jean- Bernard Bosquet-Denis,droit pénal des affaires,économica,1997,p31 53 .PH. Bissara, « les enjeux du debat sur le gouvernement d’entreprise » revue des sociétés, no 2, 1998 54 .voir l’art 121 de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et Gie

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la gestion de la société( section 1), aux assemblées générales ( section 2) et à

la comptabilité ( section3).

Section 1 : Les infractions liées à la gestion de la société.

Divers détournement de fonction et abus se retrouvent sous des formes

diverses, dans la gestion des sociétés commerciales. En effet, pour mener à

bien la mission qui leur est confiée, les organes légaux de la société sont

dotés de pouvoirs plus ou moins étendus. Il faut alors éviter qu’ils n’en

abusent ou entravent l’exercice des droits légaux, car un auteur ne disait -il

pas qu tout homme qui exerce le pouvoir est porté à en abuser ?

Il ne pouvait être autrement pour les organes de la société qui , du fait de

leur position , font confiance aux détenteurs de ces pouvoirs, lesquels

trouvent dans leur situation même les moyens d’abuser de leurs droits, et il

est même un « savoir qui confère à ceux qui le détiennent un pouvoir de fait

,dont certains se laissent aller à trop bien user »55 . c’est pourquoi, à ce stade

de la gestion le législateur africain a relevé deux comportements

répréhensibles :l’abus des biens et du crédit de la société (paragraphe 1) ,

ainsi que dans le cadre du contrôle de la gestion(paragraphe 2).

Paragraphe1 :l’abus des biens et du crédit de la société

Aux termes de l’art 891 de l’ausc, « encourent une sanction pénale, le

gérant de la société à responsabilité limitée, les administrateurs , le

président directeur général, le directeur général, l’administrateur général ou

l’administrateur général adjoint qui , de mauvaise foi, font des biens ou du

crédit de la société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à

des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour favoriser une autre

personne morale dans laquelle ils étaient intéressés directement ou

indirectement ». A travers cet article, le législateur incrimine des abus

portant sur des valeurs patrimoniales que représentent les biens sociaux ou

le crédit de la société. Sur ce point ,la loi française notamment l’art 425 de la

55 .j. larguier,op cit,p.329,no 370

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loi du 24 juillet 1966 est plus sévère. En effet ,cet article incrimine en plus

les abus relatifs aux prérogatives exercées par les dirigeants sociaux dans le

cadre de leur mission, à savoir les pouvoirs et les voix dont ils disposent.

Cette incrimination n’a pas été visée par le législateur. Certains auteurs ont

cru penser que le législateur avait fait une économie de la rédaction.

Cependant pour notre part, nous pensons qu’il s’agit d’une incrimination, et

que en vertu du principe de la légalité des délits et des peines, et surtout du

principe l’interprétation stricte de la loi pénale, l’abus de pouvoir et des voix

doit être considérée comme inexistant dans le système pénal ohada.

S’agissant du délit d’abus des biens et du crédit de la société, il convient de

le définir(A) vue la complexité de la notion, avant de déterminer les

agissements qui sont délictueux(B).

A.Définition des incriminations

Parlant du délit d’abus de biens sociaux, peut être on peut s’étonner par le

fait que certains auteurs posent la question de savoir « pourquoi le

législateur a crée un délit spécial pour les dirigeants des

sociétés ? »56.Pourtant la question de cet auteur a bien un sens. En effet,

avant la loi du 8juin 1935 en France, toutes les infractions commises aux

sociétés étaient qualifiées d’abus de confiance et réprimées comme telle.

C’est l’art 408 de l’ancien code pénal français qui visait le délit d’abus de

confiance. Ce détachement avait la faveur de deux faits : d’une part , les

limites de l’abus de confiance auxquelles s’est confrontée la jurisprudence,

c’est ce qu’exprimait Louis Hugueney quand il écrivait « sous l’afflux des

fraudes commises en matière des société, l’art 408 avait débordé. Les eaux

qui l’enflaient ont pris maintenant un autre cours. Le moment est venu pour

lui de rentrer sagement dans son lit » ; d’autre part, il y avait un contexte

économique et politique particulier. Ainsi le contexte appelait aux reformes ,

par la loi du 8 juin 1935, pour assurer la sécurité des épargnants et le

développement des sociétés commerciales. Le Président de la République

Française de l’époque l’exprimait en ces termes : « la lutte entreprise par le

56 .Annie Médina, abus des biens sociaux, dalloz, Paris,2001

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gouvernement contre la spéculation et pour la défense du franc appelle

certaines mesures qui apporteront aux placements faits par l’épargne une

plus grande sécurité en même temps qu’elles sanctionneront plus

efficacement les obligations qui s’imposent à tous ceux que les épargnants

ont investi de leur confiance pour la gestion et la surveillance de leurs

capitaux »57. Dès lors , le délit devient un délit autonome en France, alors

qu’ailleurs on s’appuie encore sur une infraction qui s’apparente à l’abus de

confiance. En Belgique par exemple, on se fonde sur l ‘abus de confiance

pour réprimer le même délit , mais plus sévèrement que l’abus de confiance ;

en Allemagne, on se fonde sur deux qualificatifs possibles : le détournement

visé à l’art 246 du code pénal allemand ,l’unterschlagung, et l’acte

d’infidélité, l’untreue à l’art 266 du même code. S’agissant du délit d’abus de

biens sociaux, on peut le définir comme « l’usage des biens ou du crédit de la

société par le dirigeant dans un intérêt contraire à celui de la personne

morale pour satisfaire un intérêt personnel direct ou indirect »58.Certes le

champ d’application du délit est vaste, mais son cadre légal est en réalité

étroit puisque le délit ne concerne que certaines sociétés seulement et ne

vise que certaines personnes. Ainsi le délit n’existe qu’en droit des sociétés et

ne concerne que l’administration des sociétés, ce qui exclut les autres

groupements comme les associations, les groupements d’intérêt

économiques et les établissements publics. Dans de tel cas et en l’absence

de textes spécifiques, les tribunaux appliquent l’abus de confiance aux

dirigeants de ces groupements. Cependant, que faut-il entendre par biens ou

crédit de la société ?

Les biens de la société correspondent à l’ensemble de l’actif mobilier et

immobilier de la société destiné à l’intérêt social. Quant au crédit ,il

s’analyse en la confiance qui s’attache à la société en raison de son capital,

la nature des affaires, et sa bonne marche. Une certaine doctrine étend la

définition de biens sociaux aux livres comptables, les correspondances, ou

les papiers d’affaires de toutes sortes59.Quant au crédit social, qui vient du

57 .voir dalloz periodique, 1935, 4,p 219 58 .definition donnée par Annie Médina « abus des biens sociaux »,dalloz 2001. 59 .J. m. Verdier, « les delits relatifs à la gestion des sociétés anonymes dans le droit pénal spécial des S.A, » dalloz 1955, p.204

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latin creditum(croire), la doctrine retient unanimement la définition proposée

par Rousselet et Patin selon laquelle « le crédit social est celui qui s’affiche à

l’établissement en raison de son capital, de la nature de ses affaires, de la

bonne marche de l’entreprise (…),en faire usage c’est engager la signature

sociale, exposer la personne morale à des paiements ou à des décaissements

éventuels ,lui faire courir des risques qui, normalement ne lui incombent

pas »60. Pour être pris en compte, certains agissements délictueux doivent

être accomplis.

B . Les agissements délictueux

L’art 891 de l ‘ausc dans l’incrimination de l’abus de biens et du crédit de la

société a visé deux agissements qui constituent les éléments matériels du

délit. Il s’agit non seulement de l’usage des biens et du crédit de la société (1)

mais cet usage doit être contraire à l’intérêt social(2)

1.l’usage des biens et du crédit de la société

l’acte uniforme s’est contenté de dire « un usage qu’ils savaient contraire à

l’intérêt social (…) », mais ne donne pas ce que consiste cet usage.

Cependant, la doctrine définit l’usage comme l’accomplissement d’un acte

positif et des actes de dispositions des biens sociaux. Pour les actes positifs,

il s’agit notamment d’acte positif sur les biens. Mais une jurisprudence

extensive considère que l’abstention peut être considérée comme l’acte

d’usage61.il s’agit dans cette affaire d’un gérant qui s’était abstenu de

réclamer à une société anonyme dont il est par ailleurs un administrateur, le

paiement de livraison faites à celle-ci. S’agissant des actes de disposition des

biens, il s’agit le plus souvent l’acte commis en permanence par les

dirigeants sociaux. L’acte de disposition peut s’analyse en des prélèvements

par le dirigeant pour couvrir des dépenses personnelles. La jurisprudence a

retenu plusieurs cas de prélèvements injustifiés. Il en est ainsi ,du virement

60 .Rousselet et Patin, delits et sanctions dans les sociétés par actions, sirey 1938,no 291,p220 61 .cass.crim.,15 mars 1972, revue des sociétés, 1973,p.357

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fait par une société à son président sans que la société n’ait aucune dette

envers celui-ci62 ; le prélèvement sans imputation correspondante au dépit

du compte courant63 ; du transfert de fonds sociaux du compte de la société

au compte personnel du gérant64 ;du gérant accordant des délais de

paiement à deux sociétés dans lesquelles il était également intéressé, ayant

gravement compromis la trésorerie de la société créancièere65. l’acte de

disposition peut aussi consister en un détournement des biens appartenant

à la société. Il en est ainsi de l’appropriation par le gérant des fonds

provenant de la vente d’une machine appartenant à la société66 ; du transfert

du matériel, propriété d’une société dans laquelle le prévenu était dirigeant

au profit d’une autre entreprise dans laquelle il avait des interets67 ; du

détournement opéré au profit de tiers qui s’analyse en un établissement de

fausses factures68, ainsi que la confusion de patrimoine entre plusieurs

sociétés et associations créées par le prevenu69. néanmoins, il peut y avoir

usage sans appropriation au profit d’un tiers. La cour de cassation française

rappelle à ce propos que la simple utilisation abusive des biens dans un

intérêt personnel suffit à caractériser l’infraction en dehors de toute volonté

d’appropriation définitive. Dans l’affaire à l’occasion de laquelle la cour de

cassation a rappelé le principe précité, un gérant de société à responsabilité

limitée avait opéré des prélèvements sur les fonds sociaux avec l’assentiment

des associés, prélèvements inscrits dans la comptabilité sous la

rubrique « avances à régulariser » ou « avances au personnel »

2. L’usage contraire à l’intérêt social

Cet élément est le plus difficile à cerner selon les auteurs, c’est pourquoi il

est considéré comme une « notion vague , mal définie, caractère peu

compatible avec des dispositions répressives, mais qui justifie pourtant la

62 .C. A Paris,13 mars1992,juris-data no028027 63 .cass. crim.,28 octobre 1985,pourvoi no 85-90605 64 .C A Paris,10 janvier 1990,juris-data no 021267 65 .C A Paris, 14 fevrier 1990, juris-data no 025958 66 .cass.crim.,5 juin 1997,pourvoi no 96-84-883,lexis 67 .cass.crim., 28 novembre 1977,, jcp 1977,cl 1978, p33 68 .cass.crim.,29septembre 1999, pourvoi no 98-82-835 69 .C A Metz, 17 fevrier 1993,juris-data no 045225

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présence du délit d’abus des biens sociaux »70. Devant le silence du texte

d’incrimination, la doctrine et la jurisprudence se sont efforcées de dégager

un critère. Cependant ni l’une, ni l’autre ne sont parvenues à donner une

définition générale de l’acte contraire à l’intérêt social car cette qualification

est une question de fait appréciée par les juridictions de fond. Pour dégager

un critère il faut se reporter à la définition de l’intérêt social, notion que des

auteurs qualifient d’indefinissable71. A propos de l’intérêt social, Jean

Paillusseau écrivait : « en dépit de la place restreinte qui lui a été réservée

dans les études relatives aux sociétés, il (l’intérêt social) apparaissait comme

l’une des notions fondamentales du droit des sociétés »72. certains auteurs

encore le considère comme un instrument pour contrôler la régularité des

actes sociaux, alors que pour d’autres c’est la « police des sociétés » à la

disposition des juges73. selon sousi, « l’intérêt social appartient à un groupe

de notion dont l’abus de droit et l’enrichissement sans cause font partie, qui

est destiné à faire respecter l’équité ». La doctrine en définitive , par excès de

résignation, estime que le texte de l’abus des biens sociaux aurait du viser

les actes du dirigeant étranger à l’objet social pour permettre une

application plus précise et stricte de l’infraction. La jurisprudence emboîte le

pas à la doctrine à ce propos74. cependant, dans certains cas, l’acte accompli

par le dirigeant, bien qu’entrant dans l’objet social, n’en est pas moins

contraire à l’intérêt social. La jurisprudence retient par exemple le cas de la

création de stocks occultes au sein de la société, le prix de vente de ces

stocks étant perçus directement par le dirigeant75. Dans d’autres cas encore

, l’acte accompli par le dirigeant, étranger à l’objet social constitue le délit

d’abus de biens sociaux. Ainsi en est-il du paiement par la société d’une

cuisine à une société dont le dirigeant était également gérant. La cour de

cassation française dans cette affaire relève expressément le caractère

70 .Annie Medina, « abus des biens sociaux » dalloz, Paris 2001, p79 71 .Francis lejeune, « cautionnement des sci : le faux critere de l’interet social », droit et patrimoine, juin 1996, p.60 72 .J. Paillusseau : la société anonyme, technique juridique d’organisation de l’entreprise, thèse Paris, sirey 1967, p173 73 .G. Sousi, « interet du groupe et interet social » reflexion à propos d’un jugement rendu par le TGI de Paris le 16 mai 1974 dans l’affaire willot-saint-frère, jcp 1975, no 11816, p 10 74 .cass.crim.,10 mai 1955,bull.crim, no 234 75 .cass.crim., 13 juin 1988,bull joly 1988,661

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étranger à l’objet social de la depense76. Le délit d’abus des biens sociaux est

un délit spécial. En effet, il vise non seulement des personnes distinctes ,

c’est à dire en tenant compte de la fonction du dirigeant, mais aussi la

prescription du délit présent un caractère particulier, caractère que nous

étudierons au niveau de la répression. Ainsi, l’art 891 de l’ausc vise

notamment le président, le directeur général ou son adjoint, l’administrateur

général…

Il s’agit d’un délit qui atteint les personnes exerçant la direction de la

société. C’est le cas du gérant d’une société à responsabilité limitée ou de la

société en commandite simple, encore que ce gérant peut être associé ou

non. Il en est ainsi des mandataires sociaux de la société anonyme ,comme

le président, les administrateurs, les directeurs généraux. Cependant, dans

certains cas, le gérant d’une société peut être une personne morale. Or,

l’ohada n’a pas prévu la responsabilité pénale des personnes morales. Il

semble que dans une situation pareille,il serait possible de tirer profit de la

loi française du 24 juillet 1966 , notamment son art 221,al 3 qui

dispose : « si une personne morale est gérante ses dirigeants sont soumis

aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités

civiles et pénales que s’ils étaient gérants en leur nom propre, sans préjudice

de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’ils dirigent ». La

notion d’usage contraire à l’intérêt social dans le délit d’abus des biens

sociaux a fait l’objet de vives critiques de la part des auteurs comme Annie

Medina. En effet, cet auteur rappelle que le principe de la légalité des délits

et des peines s’impose aux juges qui n’ont pas le droit de créer des

incriminations, ni de déterminer des sanctions. Ils doivent impérativement

se limiter à appliquer les textes et sont même contraints de les interpréter

strictement. Le même principe s’impose au législateur à qui des auteurs

reprochent de ne pas incriminer le délit en des « termes clairs et précis ». Le

conseil constitutionnel français l’a confirmé en se basant sur la déclaration

universelle des droits de l’homme et du citoyen en ce que le principe

s’impose au législateur qui doit « fixer les règles concernant la détermination

des infractions et d’en définir les éléments constitutifs en des termes clairs et

76 .cass.crim., 27 fevrier 1997, pourvoi no 96-81-218

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précis »77. Des infractions peuvent également être commises dans le cadre du

contrôle de la gestion des sociétés commerciales.

Paragraphe 2 :Le contrôle de la gestion

Si les dirigeants sociaux ou certains d’entre eux sont résolus à commettre tel

ou tel abus, ils s’efforceront sans doute d’éviter que ne soient découverts

leurs agissements, quid à ce que du coup, soit retardé le point de départ de

la prescription, notamment en matière d’abus de biens sociaux. Ils

souhaitent en tout cas se mettre à l’abri d’un contrôle que certains

dirigeants trouvent trop pesant. Pour éviter donc que ces dirigeants ne se

livrent pas facilement à des actes qui portent atteinte au patrimoine social,

le législateur ohada a prévu tout un système de contrôle de la gestion des

sociétés commerciales. En effet, l’art 694 de l’ausc précise que « le contrôle

est exercé dans chaque société anonyme par un ou plusieurs commissaires

aux comptes ». Toutefois, tout en permettant ce contrôle par les

commissaires aux comptes, l’acte uniforme a tout de même empêché à

certaines personnes de jouer ce rôle, consacrant ainsi un système

d’incompatibilité. Du coup, le législateur exclut les apporteurs en nature, les

administrateurs, certains parents ou alliés de ces personnes etc.…

L’acte uniforme sanctionne l’exercice de la profession au mépris des

incompatibilités78. En dehors de ces infractions relatives aux

incompatibilités, le législateur ohada a abordé la question du contrôle de la

société sous des aspects correspondants à des infractions : il a tout d’abord

incriminé les infractions au contrôle qui consiste en un obstacle à ce

contrôle de la part des dirigeants de la société(A) ; Ensuite, il incrimine les

infractions commises par les commissaires aux comptes eux-mêmes dans

l’exercice de leur fonction qui s’analyse en un refus de contrôle(B).

77 .conseil constitutionnel, 18janvier 1985, D 1986, 425 78 .voir 898 de l’ausc.

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A.L’obstacle au contrôle :

Désireux d’écarter un contrôle seulement gênant ou dangereux pour eux s’ils

ont commis des actes délictueux, les dirigeants sociaux peuvent y mettre

obstacle de manière plus ou moins directe. Ces obstacles peuvent être non

seulement l’absence de désignation des commissaires aux comptes, mais

,même une fois désignés, ne pas les convoquer aux assemblées

d’actionnaires. Ils peuvent également faire obstacle à leur vérifications, ou

leur refuser la communication de documents. En définitive, deux actes

peuvent caractériser le comportement punissable : l’obstacle aux

vérifications ou à la convocation (1) et l’obstacle aux vérification ou le refus

de communiquer(2).

1.L’obstacle à la désignation ou à la convocation

En principe, les commissaires aux comptes sont désignés dans les statuts

de la société ou lors de la constitution de celle-ci, par l’assemblée

constitutive, ou par l’assemblée générale ordinaire lors de la vie sociale.

L’acte uniforme de l’ohada a permis à certains de designer un ou plusieurs

commissaires aux comptes. Il en est ainsi de la société anonyme par

exemple. Ainsi, il est fait obligation à tout dirigeant d’une personne morale

tenue d’avoir un commissaire aux comptes d’en designer ou remplacer en

cas de décès ou de démission. La même obligation est valable pour la

convocation du commissaire aux comptes aux assemblées d’actionnaires.

Cependant, il faut signaler qu’à l’origine et comme le droit français, le droit

ohada n’a pas prévu de commissaires aux comptes pour certaines sociétés

telles que la société à responsabilité limitée. Mais, aujourd’hui, l’acte

uniforme institue purement et simplement un contrôle éventuel par des

commissaires aux comptes. Cependant, la nomination d’un commissaire aux

comptes dans la société à responsabilité limitée obéit à des conditions

précises. D’après l’art 376 de l’ausc, sont tenues de designer au moins un

commissaire aux comptes les sociétés à responsabilité limitée dont le capital

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social est supérieur à dix millions (10.000.000 de franc CFA) ou qui

remplissent l’une des conditions suivantes :

-un chiffre d’affaire annuel supérieur à deux cent cinquante millions

(250.000.000 de franc) ;

-un effectif permanent supérieur à cinquante (50) personnes.

Dès lors, pour les autres sociétés à responsabilité limitée qui ne remplissent

pas les conditions, la nomination d’un commissaire aux comptes est

facultative79. L’obstacle à la désignation peut résulter soit de la pure volonté

des dirigeants, soit de sa négligence, en ne la provoquant pas . C’est pour

cette raison que l’art 897 de l’ausc menace d’une sanction pénale « les

dirigeants sociaux qui n’auront pas provoqué la désignation des

commissaires aux comptes de la société ou ne les auront pas convoqué aux

assemblées générales ».

2- L’obstacle aux vérifications ou le refus de communiquer

Ce délit est plus grave que le précédent. Il est prévu par l’art 900 de l’ausc.

En effet, le délit ne concerne pas seulement les dirigeants sociaux, mais

également tous ceux qui sont au service de la société, notamment les

salariés, experts comptables, c’est en tout cas ce qui ressort de l’art 900 qui

dispose : « Encourent une sanction pénale, les dirigeants sociaux ou toute

personne au service de la société qui, sciemment, auront mis obstacle aux

vérifications ou au contrôle des commissaires aux compte ou qui auront

refusé la communication, sur place , de toutes pièces utiles à l’exercice de

leur mission et notamment de tous contrats, livres, documents comptables

et registres de procès verbaux ». Dès lors on remarque que l’action en

connaissance de cause est nécessaire à l’existence de l’infraction, vu

l’adverbe « sciemment » , mais la mauvaise foi résulte des actes eux-

mêmes :exemple des réticences ou la fourniture de document incomplet ou

du refus de communiquer sur place. Mais le dirigeant ne commet pas

l’infraction selon une certaine jurisprudence, s’il refuse d’envoyer au

79 .cependant, elle peut être demandée en justice par un ou plusieurs associés détenant au moins le dixième du capital social.

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commissaire aux comptes des documents qu’il lui réclame ou s’il s’oppose à

ce qu’il les emporte avec lui. A vrai dire, les termes légaux contiennent le

refus et autorisent même selon les termes de la loi, à considérer que

l’infraction est constituée par l’attitude mettant obstacle au contrôle, même

si ce contrôle , en définitive a pu s’opérer. Cependant, selon la

jurisprudence, elle ne le serait pas si le commissaire aux comptes ne s’est

pas présenté effectivement dans l’entreprise80.

Cependant, s’il y a des dirigeants coupables, designer d’éviter ce contrôle, il

peut y avoir aussi des commissaires aux comptes malhonnêtes, n’assurant

pas le contrôle dont ils sont chargés. Alors il faut protéger aussi les

dirigeants, la société, les actionnaires, le public même, contre un contrôle

insuffisant mettant en péril de nombreux intérêts.

B. le refus de contrôle

Il faut tout d’abord signaler que la première sanction prévue à l’égard des

commissaires aux comptes fut celle qui frappe les incompatibilités.

Cependant, ici il s’agit de commissaire aux comptes non frappés

d’incompatibilités, désigné légalement et normalement mis en mesure

d’exercer sa fonction. A ce stade , le législateur rappelle sa mission, celle

prévue à l’art 716 de l’ausc « le commissaire aux comptes signale les

irrégularités et les inexactitudes relevées par lui au cours de

l’accomplissement de sa mission, à la plus proche assemblée générale. En

outre il révèle au ministère public les faits délictueux dont il a eu

connaissance dans l’exercice de sa mission, sans que sa responsabilité

puisse être engagée par cette révélation ».

Malgré cette mission dont il est investi, le commissaire aux comptes peut

violer ses obligations et tomber sous le coup des incriminations prévues à

l’art 899 de l’ausc. Il peut commettre l’infraction soit par action en donnant

ou confirmant des informations mensongères (1) ; soit par omission en ne

revelant pas au ministère public les faits (2).

80 .Paris, 1èr fevrier 1991, droit pénal 1991, 239

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1.Les informations mensongères

Il s’agit là de ce que certains auteurs appellent « le devoir de vérité »81 du

commissaire aux comptes. C’est le fait de donner ou confirmer des

informations mensongères sur la situation de la société, qu’il soit en son

nom personnel ou à titre d’associé d’une société de commissaire aux

comptes. Il peut aussi s’agir de communication écrite ou orale, publique ou

privée. Cependant il doit s’agir d’informations dont le commissaire aux

comptes a connaissance pour que l’infraction existe.

L’art 710 de l’ausc précise que « le commissaire aux comptes certifie que les

états financiers de synthèses sont réguliers et sincères et donnent une image

fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que la situation

financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ». C’est donc

pour éviter que ce rôle du commissaire aux comptes ne soit un vain mot que

le législateur l’a assorti de sanction pénale à l’art 899, en cas

d’inobservation.

2.La non-revelation des faits délictueux

Malgré le principe du secret professionnel, la loi impose au commissaire aux

comptes l’obligation de reveler au procureur de la république les faits

délictueux. Mais la non révélation des faits délictueux n’est punissable que

si certaines conditions sont réunies. Ces conditions tiennent aux faits

délictueux, à la non révélation, à la connaissance des faits délictueux, et à la

mauvaise foi. S’agissant des faits délictueux, si le commissaire aux comptes

constate l’existence de faits délictueux dans la constitution ou la gestion de

la société qu’il contrôle , il doit les révéler selon une jurisprudence

constante61, faisant ainsi du commissaire aux comptes en collaboration du

parquet .Cependant des objections de deux ordres ont été faites contre cette

conception. La première est d’ordre juridique. En effet il peut arriver que les

faits ne soient pas punissables en raison par exemple de la bonne foi de

81 .J.larguier et PH. Conte :droit pénal des affaires, 11è édition, A. clin, 2004, p 149 82 Cass,crim, 12 janvier 1981,jcp 1981,2, 19660/

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l’auteur, matériel qui a bénéficié d’un non-lieu ou relaxé. Dès lors, le

commissaire aux comptes peut craindre que sa propre bonne foi ne lui

épargne pas toute responsabilité .Mais la cour de cassation française a

estimé que l’obligation de dénonciation exclut en toutes circonstances

l’infraction de dénonciation calomnieuse83. La deuxième objective est d’ordre

psychologique .Dans une telle situation, le commissaire aux comptes, dans

des cas douteux, sera dans une position difficile. En définitive, la chambre

criminelle de la cour de cassation française impose de révéler au procureur

de la république « les irrégularités susceptibles de recevoir une qualification

pénale, même si celle-ci ne peut en l’état être définie avec précision »84. Mais

que faut-il entendre par faits délictueux ? IL s’agit des infractions

concernant la constitution ou la gestion de la société contrôlée ou des

entreprises comprises dans la consolidation des comptes. La jurisprudence a

par la suite consacré des solutions extensives en retenant la responsabilité

du commissaire aux comptes qui n’a pas revelé des infractions fort diverses,

allant de l’exercice illégal de la profession de banquier faux, au non-

reversement de précomptes à une caisse de retraite etc…85, même s’il les

avait apprises à la suite de circonstances fortuites étrangères à ses

contrôles. La deuxième condition tient à la non-revelation des faits. La non-

revelation n’est pas sanctionnée si l’information est déjà parvenue au

procureur de la république .Aussi, la loi n’impose pas de délai pour porter à

la justice la connaissance des faits délictueux. Toutefois, la détermination de

l’instant où le commissaire aux comptes aura acquis la connaissance est

importante, car de l’instant dépend le point de départ du délai de la

prescription de l’action publique. Une jurisprudence récente situe ce délai à

la date de la certification des comptes86.

La connaissance des faits délictueux est une condition du délit. En effet,le

principe « nul n’est censé ignoré la loi » s’impose au commissaire aux

comptes, car il ne saurait ignorer le droit des sociétés puisqu’il doit,

contribuer à la faire appliquer. Il ne peut donc arguer de son ignorance du

83 cass.crim.,3fevrier 1998, D1998,. 443 84 cass.crim., 15 septembre 1999,bull joly 2000,25 85 tribunal correctionnel le havre, 23juin 1975,gaz pal 1975.2784. 86cass.crim.,24 mars 1999, B53

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fait délictueux pour se disculper. Enfin, la mauvaise foi du commissaire aux

comptes doit exister. L’art 899 de l’ausc emploi le terme « sciemment », mais

exige quand même la connaissance du fait délictueux de la part du

commissaire aux comptes. En vue toujours de protéger les animateurs de la

société, notamment les actionnaires et associés, le législateur africain a créé

un nouveau délit qui est celui relative aux assemblées.

Paragraphe 3 : les infractions liées à la comptabilité des sociétés

Nous avons vu en début du premier chapitre que la société se définit comme

étant « un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes qui conviennent

d’affecter à une une activité , des biens en numéraire ou en nature, dans le

but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en

résulter ».

Dès lors, le but principal de la société est la réalisation de bénéfices , qui

sera la contrepartie pour chaque détenteur de titres car il doit être reparti

entre ceux-ci. Cette répartition se fait par le moyen de la comptabilité . la

comptabilité concerne tous les éléments du bilan des exercices de la société,

du capital social jusqu’au résultat de l’exploitation. La comptabilité joue un

rôle très important dans la vie des affaires. C’est pourquoi , dans l’espace

ohada un plan comptable (syscoa) a été adopté par les pays membres de

l’UEMOA en vue d’harmoniser le système de contrôle des entreprises et

sociétés.

La notion de comptabilité recouvre deux conceptions, dont l’une étroite qui

fait apparaître la comptabilité comme une simple « technique

d ‘enregistrement des valeurs »93, et l’autre , plus large qui correspond à une

« technique d’appréciation , d’interprétation et d’orientation de la vie

financière de la société ».

Ainsi, afin de mieux protéger les associés, et la société elle-même, le

législateur a rassemblé les deux conceptions étroite et large pour dégager

deux catégories d’infractions à la comptabilité des sociétés. Ainsi, il

93 M. Delmas Marty, op cit n°37

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incrimine les irrégularités comptables(paragraphe1) et les modifications de

capital(paragraphe2).

A: les irrégularités comptables

La loi vise à sanctionner à travers ces irrégularités comptables, le défaut de

sincérité comptable. En effet, certaines législations ont même sanctionné les

irrégularités dans l’établissement de la comptabilité. C’est le cas de la loi

française du 24 juillet 1966, en son art 439. Par contre, l’ohada à travers

l’acte uniforme sur les sociétés commerciales a plutôt visé la sincérité et la

transparence de la comptabilité. Ce qui se traduit par plusieurs

incriminations prévues par les articles 889 et 890 de l’ausc. Mais

globalement, les irrégularités sanctionnées pénalement sont d’une part la

distribution de dividendes fictifs entre les associés(A) et la communication

d’états financiers infidèles(B).

1.La distribution de dividendes fictifs

L’art 889 de l’ausc dispose : « encourent une sanction pénale, les

dirigeants sociaux qui, en l’absence d’inventaire ou au moyen d’inventaire

frauduleux, auront sciemment opéré entre les actionnaires ou les associés la

répartition de dividendes fictifs ».

Une telle distribution serait préjudiciable aux associés de même qu’à la

société car c’est le capital lui même qui sera entamé puisqu’en réalité il n’y a

pas de bénéfices à partager. C’est pourquoi selon Jean Larguier, le

législateur doit intervenir pour éviter une « double faute et un double

danger » : péril pour la société et pour ses créanciers car le capital social se

trouverait dilapider ; danger pour les tiers pour qui on fait semblant que tout

va mieux car la distribution de dividende est signe de prospérité.

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D’autre part, la répartition de bénéfices est un acte préparant d’autres

escroqueries : dilapidation du capital comme nous l’avons vu, pour le

présent, duperie concernant le présent et l’avenir94.

Le législateur incrimine donc la distribution de dividendes fictifs lorsque ses

éléments matériel et moral sont réunis. Il faut donc un inventaire fictif ou

frauduleux (1) une répartition de dividendes fictifs(2) et une mauvaise foi(3)

pour que le délit soit punissable.

a.inventaire absent ou frauduleux

L’absence d’inventaire ou le caractère frauduleux de celui-ci est une

condition essentielle pour l’infraction. L’inventaire apparaît comme un relevé

descriptif et estimatif des créances, des dettes et des biens de la société.

C’est donc du bilan qu’il s’agit ou tout compte rendu permettant d’apprécier

l’état du patrimoine social. L’infraction disparaît si l’inventaire est exact, car

les dividendes peuvent être fictifs en cas d’inventaire exact. C’est le cas par

exemple de dividendes distribués avant approbation des comptes ou

constatation de l’existence des sommes distribuables ou avant détermination

par l’assemblée générale de la part attribuée aux associés. Donc pour que

l’infraction puisse exister, il faut que l’inventaire soit absent(a) ou

frauduleux(b).

- l’absence d’inventaire

L’inventaire était considéré dans son sens large comme toute situation

permettant de connaître l’état du patrimoine de la société. Son défaut à

l ‘occasion de distribution de dividendes fictifs se rencontre rarement,

contrairement à l’inventaire frauduleux.

- l’inventaire frauduleux

C’est le fait le plus fréquent, indépendamment de ce qui a été dit sur

l’inexactitude de tout bilan. L’art 889 de l’ausc fait de ce élément, un élément

aussi essentiel que l’absence d’inventaire. Dans le cadre de l’inventaire

frauduleux, l’inexactitude de l’inventaire s’accompagne de la mauvaise foi de

son auteur puisque le texte renvoie à la fraude. Cette fraude peut se

94 J. Larguier et Philipe Conte,op cit n°104

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manifester par une majoration de l’actif ou la minoration du passif. La

majoration d’actif peut soit résulter d’une surestimation, soit d’une

simulation. Par rapport à la surestimation, il peut s’agir de surévaluation

d’éléments réels d’actifs, par exemple la surévaluation de stocks ou de

valeurs des titres ou encore l’inscription des frais généraux comme frais et

travaux de premier établissement. S’agissant de la simulation, il peut

également s’agir de la simulation de l’existence d’éléments d’actifs, en réalité

inexistants, par exemple l’inscription à l’actif de créances en réalité

irrécouvrables ou la simulation de stocks inexistants. Parfois la simulation

peut consister à faire figurer à l’actif des créances appartenant à l’exercice

suivant. La fraude peut se manifester aussi par une minoration du passif.

Cette minoration peut consister à sous-évaluer une dette. Par ce mécanisme,

on fait passer sous silence un risque de perte, en taisant par exemple le

montant d’une condamnation de première instance ; ou encore une garantie

donnée à un tiers alors que la solvabilité du débiteur principal est

douteuse95. Il peut aussi s’agir par exemple d’une omission d’inscription

d’une charge en reportant une partie des frais généraux sur le compte de

l’exercice suivant. Le second élément de l’infraction tient à la distribution de

dividende fictif.

b.la répartition de dividendes fictifs

La rédaction de l’art 889 de l’ausc vise expressément la répartition de

dividendes. Cependant, l’élément infractionnel tient à l’acte de distribution(a)

et au caractère fictif(b).

a. l’acte de distribution

pour retenir l’existence d’un acte de distribution, il n’est pas nécessaire que

les dividendes aient été perçus effectivement par les associés et actionnaires,

après leur mise à disposition ; l’essentiel est qu’un droit privatif soit créé au

profit des actionnaires. C’est un délit qui peut même se réaliser par

95 v oir tribunal correctionnel Paris 10 janvier 1981 revue sociale 1981 .142

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compensation. Cependant, même à ce stade, le droit privatif n’est pas

suffisant pour caractériser l’infraction. Elle ne peut se réaliser que par la

décision des gérants ou du conseil d’administration, ordonnant le paiement

du dividende, même en cas de vote par l’assemblée générale d’un quitus ou

d’un décision approuvant cette répartition. Mais il n’y a pas d’infraction

lorsque les dirigeants ne procèdent pas à la répartition , même si

l’autorisation de répartition a été votée. La tentative du délit n’est pas

punissable , et le point de départ de la prescription de l’action publique

commence le jour de la mise à la disposition des associés des dividendes.

Cependant, nous constatons une inadéquation à ce niveau. En effet, la

doctrine et la jurisprudence considèrent que la mise à la disposition des

dividendes ne suffit pas à caractériser l’infraction d’une part ; d’autre part la

tentative du délit étant non punissable, alors que celle-ci peut résulter de la

simple mise à disposition, nous estimons que le point de départ de la

prescription est mal indiqué car devant être conforme à la réalisation de

l’infraction qui nécessite un caractère fictif des dividendes.

- le caractère fictif des dividendes

Par dividendes, il faut entendre la part du bénéfice social que l’on attribue à

chaque actionnaire ou associé. L’art 144 de l’ausc a fixé les conditions dans

lesquelles la répartition doit se faire. En effet, c’est « après approbation des

états financiers de synthèse et constatation de l’existence de sommes

distribuables que l’assemblée générale détermine…la part de bénéfice à

distribuer, selon le cas aux actions ou aux parts sociales » et l’article ouvre

la conclusion selon laquelle « tout dividende distribué en violation de ces

règles est un dividende fictif ».

De cet article, des remarques s’imposent. En effet on se rend compte du

caractère intangible du capital social. Ainsi, à concurrence du capital social,

aucun prélèvement ne peut être fait au profit des associés, ce que l’art 143

de l’ausc confirme notamment en son alinea3 «sauf en cas de réduction de

capital, aucune distribution ne peut être faite aux associés lorsque les

capitaux propres sont ou deviennent à la suite de cette distribution, inférieur

au montant du capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne

permettent pas de distribuer ». Les violations des dépositions de l’alinea3

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constituent selon le législateur africain , sur le plan pénal l’incrimination de

distribution de dividendes fictifs de l’art 889 de l’ausc. D’autre part toujours

selon l’art 144 de l’ausc, on ne peut distribuer que des bénéfices réalisée et

disponibles ; si ceux de l’exercice sont insuffisants, on peut prélevés sur les

réserves constituées au cours des exercices précédents ; à défaut de bénéfice

ou de réserves, toute distribution rendrait les dirigeants coupables de

répartition de dividendes fictifs.

Néanmoins, l’art 144 de l’ausc prévoit deux conditions pour que les

dividendes soient considérés comme fictifs : il y a une condition de forme et

une condition de fond. La violation de la condition de forme peut provenir de

la ^procédure à suivre pour attribuer la part de chaque associé ou

actionnaire dans le bénéfice. Il faut donc selon l’art 144 de l’ausc, une

approbation des états financiers set une constations de l’existence des

sommes distribuables par l’assemblée générale. Et lorsque ces règles sont

violées, tout dividendes distribué est fictif. Quant à la condition de fond, elle

résulte des irrégularités de fond liées au bénéfice. Ainsi la doctrine considère

comme fictif tout dividende distribué lorsque le bénéfice lui-même est fictif

ou qu’il n’est pas encore réalisé. Le bénéfice est considéré comme fictif

lorsque, celui-ci fait défaut et qu’à cette occasion, on prélèvera le dividende

sur le capital ou les réserves légales de la société ; mais il s’agit là des

réserves définies comme des bénéfices non distribués.

Toutefois, selon le Pr Abdoullah Cissé, « les tantièmes qui constituent une

partie de la rémunération des administrateurs et qui sont tirés du bénéfice

distribuables, ne constituent pas des dividendes fictifs ». En outre le bénéfice

non réalisé constitue également le délit. En effet la réalisation du bénéfice

est une condition de régularité de la distribution. La conséquence c’est que

la constatation de l ‘existence du bénéfice est annuelle et exclut donc la

distribution d’acomptes ou dividendes intercalaires, car contraire au

principe d’annualité. En plus, les dividendes doivent exister actuellement,

d’ou la distribution de bénéfice futurs est irrégulière. Mais le délit de

distribution de dividendes fictifs doit provenir de l’intention coupable de

l’auteur.

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-l’élément intentionnel du délit

La rédaction de l’art 889 de l’ausc fait apparaître des termes comme « fictif ,

frauduleux, et sciemment ». L’utilisation de ces termes fait apparaître la

nécessité d’une intention délictueuse de l’auteur. Ainsi, la mauvaise foi

consiste donc dans la connaissance , par l’auteur tant du caractère fictif des

dividendes que de l’inexactitudes de l’inventaire ou du bilan, ou des

conditions dans lesquelles la distribution des dividendes a été décidée. La

mauvaise foi de l’administrateur doit se situer à la date de la confection du

bilan96, selon la jurisprudence, car l’irrégularité n’ apparaît que plus tard.

En outre, les administrateurs ou certains d’entre eux, ne sauraient se

maintenir dans les liens de prévention, dès lors que, du fait de leur

négligence, n’ont pas vérifier convenablement les écritures comptables97.

Mais le plus souvent, la jurisprudence retient la mauvaise foi des auteurs de

leur fonction de gérant ou d’administrateur98 au jour de la décision du

conseil créant un droit privatif au profit des actionnaires, de l’omission

d’établir un inventaire99, ou de la nature et du nombre de fraudes portées

sur les inventaires100. Cette intention frauduleuse chez les auteurs a conduit

le législateur à incriminer certains comportements à la communication de la

comptabilité.

2.La communication de la comptabilité

Aux termes de l’art 890 de l’ausc, « encourent une sanction pénale, les

dirigeants sociaux qui auront sciemment , même en l’absence de toute

distribution de dividendes, publié ou présenté aux actionnaires ou associés

en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des états financiers

de synthèse ne donnant pas pour chaque exercice une image fidèle des

opérations de l’exercice , de la situation financière et de celle du patrimoine

de la société, à l’expiration de cette période ».

96cass.crim.,25 juin 1927 , gaz pal,1927, 2,726. 97 caa.crim.,27 avril 1891, Dp 93,1,49 98cass.crim., 30 mai 1930,revue des sociétés, 1930, 325 99Paris, 1 3 juillet 1938, 2, gaz pal,1938,2 ?194 100cass.crim., 31mai1933 ,gaz pal, 1933,1,973

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Ainsi, le droit pénal intervient après l’établissement de la comptabilité, pour

réprimer l’information infidèle. Cet article, à l’image de l’art 437, al2 de la loi

française du 24 juillet 1966, punit le délit de présentation ou de publication

des états financiers infidèles. Le délit laisse visiblement apparaître un

élément matériel(1) et un élément moral(2).

a. l’élément matériel du délit de communication infidèle

Le législateur africain a un peu modifié l’énoncé du délit par rapport à la

législation ancienne. Ainsi, le délit de communication d’états financiers de

synthèse infidèles suppose l’acte même de communication, et une infidélité

de l’objet de la communication, notamment les états financiers de synthèse.

S’agissant de l’acte de communication, les états financiers de synthèse

peuvent soit faire l’objet de présentation, soit de publication. La

présentation correspond à la mise à la connaissance des documents

comptables à l’assemblée générale des actionnaires , ou leur mise à

disposition au siège social ou encore leur envoi aux actionnaires dans les

quinze jours avant l’assemblée générale d’approbation des comptes. Tout ce

rituel constitue le préalable à respecter par les dirigeants sociaux à peine de

violer la procédure. Cependant, ce n’est pas l’absence du rituel qui est

incriminé par le législateur, mais plutôt la fraude qui accompagne la

présentation de ces documents à l’assemblée générale approbative, ou aux

actionnaires et associés. Selon la jurisprudence, « il faut entendre par

présentation, non la connaissance donnée du bilan à l’assemblée générale,

mais la mise à disposition des actionnaires qui en est faite dans les quinze

jours précédant l’assemblée générale annuelle101 ». selon cette position, le

législateur a donc entendu largement protéger les actionnaires.

Quant à la publication, il s’agit de tout procédé permettant de porter à la

connaissance du public. Cette publication peut être faite par écrit ou par

voie orale. Mais la publication doit être collective, bien que certains

considèrent que la multiplication de communication individuelle n’est pas

nécessairement une communication collective. Le second élément matériel

101 cass.crim.,11mai 1995 ,Dr pen,1995,1995

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concerne l’infidélité des états financiers de synthèse. L’art890 de l’ausc vise

« les états financiers de synthèse ne donnant pas pour chaque exercice une

image fidèle des opérations de l’exercice ,de la situation financière et de celle

du patrimoine », contrairement à l’art 437, al2 de la loi française de 1966 qui

ne vise que les comptes annuels englobant le bilan et le compte de résultat

et une annexe. Cependant l’infidélité visée à l’art 890 de l ‘ausc peut résulter

soit d’une inexactitude matérielle. Il s’agit là des omissions ou des erreurs

dans les écritures ou alors de surcharges. C’est le cas par exemple lorsque le

bilan d’une société ne mentionne pas une dette officiellement contractée et

laisse figurer un portefeuille d’actions en réalité vendues au cours de

l’exercice, ou le cas d’un bilan faisant apparaître un bénéfice alors qu’en

vérité il y avait des pertes102. l’infidélité peut résulter aussi d’inexactitude

formelles. Cette inexactitude consiste à présenter des chiffres exacts de sorte

qu’elle donne une fausse idée de la véritable situation de la société. Il en est

ainsi lorsqu’on inscrit une créance de recouvrement douteux à la

rubrique « effet de commerce » ou lorsqu’on fait figurer sous la

rubrique « frais de premier établissement » d’importantes dépenses de

publicité qui ne constituent en réalité que des charges d’exploitation propres

à cet exercice103. Enfin, l’inexactitude peut aussi être une inexactitude

d’évaluation. Elles sont les plus faciles à commettre, mais parfois les moins

coupables, car même des spécialistes peuvent les commettre, même étant de

bonne foi en raison des difficultés que pressentent de nombreuses

évaluations. Sans doute, dans la majoration d’actions et les minorations de

passif, sous-évaluation des stocks, ou d’erreurs d’estimation, sont en

principe autant d’inexactitudes, mais pour de nombreuses valeurs, plusieurs

méthodes d’évaluation sont concevables. Dès lors la méthode doit varier

selon la nature du bien à évaluer : immobilisations, constructions, terrains,

biens apportés en nature, fonds de commerce, brevet et marque de fabrique,

avec notamment le problème de dépréciation monétaire.

102cass. crim.,14 decembre 1966,B,291 103Paris, 19 novembre1982,gaz pal 1982,1,79

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b.l’element intentionnel du délit

La faute ici suppose à la fois l’intention coupable et un mobile déterminé ;

exemple, avoir agi en vue de dissimuler la véritable situation de la société.

L’intention coupable est l’action en connaissance de cause c’est à dire la

présentation ou publication d’un compte dont on connaît le caractère

inexact. Il s’agit selon l’expression consacrée, « de mauvaise foi-

connaissance »104. En cas d’hésitation, il n’y a pas de mauvaise foi. Mais

pour qu’il y ait intention, il suffit que les prévenus aient su « de par leur

fonction que l’apparence recherchée et donnée aux comptes et bilan, étaient

contraire à la réalité ». Cependant, la jurisprudence estime que l’infraction

ne peut disparaître même au cas ou les associés auraient en connaissance

de la situation véritable de la société, car la loi vise aussi à protéger les

tiers105. Il s’agit en l’espèce de bilan communiqué à une banque pour obtenir

des crédits. Le délit suppose non seulement un dol général, c’est à dire

l’intention caractérisée par l’adverbe « sciemment », il faut un dol spécial, un

mobile , un but poursuivi. Le mobile exigé par la loi est le dessin de

dissimuler la véritable situation de la société. La dissimulation est faite

généralement en mieux, par exemple pour obtenir du crédit ; mais parfois

elle est faite en pire, lorsqu’il s’agit de provoquer une baisse des cours et

racheter ainsi les titres à bas prix. La jurisprudence la considère comme

condition nécessaire pour la répression, mais suffisante. Il s’agit d’une

affaire dans laquelle le prévenu objectait que ce dessin n’avait pas été établi.

La cour de cassation en réponse dans un arrêt de la chambre criminelle,

décidait qu’ « est suffisante, la seule connaissance du caractère irrégulier des

comptes ». Peu importe que le but n’ait pas été atteint. Certains criminalistes

et certains arrêts déclarent ou décident que le dessin visé par la loi fait

partie de la mauvaise foi, ou que la loi s’applique « quel que soit le mobile qui

a guidé les auteurs » du comptes inexact. Mais leurs comportements seront

incriminés même au cours de la modification du capital social.

104 J. Larguier et Philipe Conte,op cit n°45 105cass.crim.,25 avril 1995

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B : les modifications du capital social

Les variations de capital ne faisaient pas l’objet dans la plupart des états

parties, d’une réglementation particulière, à l’exception de l’augmentation de

capital. L’acte uniforme est venu combler cette lacune.

Le capital de la société est fixé dans les statuts, il est intangible en principe.

Cependant, l’acte uniforme a prévu les modifications du capital social à

travers deux articles. L’art 67 précise tout d’abord que le capital peut être

augmenté ou réduit pour chaque forme de société. Mais le législateur n’a

envisagé les possibilités qu’à travers les articles 68 et 69 de l’ausc. L’art 68

dispose : « le capital social peut être augmenté à l’occasion de nouveaux

apports faits à la société ou par l’incorporation de réserves, bénéfices ou de

primes d’émissions ». Quant à l’art 69, il dispose que « le capital social peut

être réduit dans les conditions prévues par le présent acte uniforme, par

remboursement aux associés d’une partie de leur apports ou par imputation

des pertes de la société ». On constate aisément que la loi détermine les

conditions dans lesquelles les modifications de capital peuvent être décidées.

Nous avons dit que le capital social est en principe intangible car il constitue

la raison d’existence de la société, par conséquent son déséquilibre peut

constituer une situation chaotique pour la société et pour les associés.

Cependant, la nécessité des affaires conduit souvent à le modifier. Toutefois,

les créanciers et les tiers doivent être protéger en premier lieu dans la

mesure ou de telle modification risque de léser ces derniers. C’est pourquoi

le droit pénal intervient pour sanctionner pénalement le mécanisme

juridique qu’il organise. A cette fin et tout comme le droit commercial, le

droit pénal ohada a distingué les cas d’augmentation de capital(A) et de

réduction de capital(B). Il faut tout de même noter que le droit commercial

ohada des sociétés a prévu les cas d’amortissement de capital tout comme le

code de commerce français, notamment en ses articles 225-198 à 225-203.

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1. l’augmentation de capital

L’art 68 de l’ausc a posé les conditions dans lesquelles l’augmentation du

capital est possible. Il s’agit principalement en cas de nouveaux apports en

nature, de l’incorporation de réserves, de souscription nouvelles, ou de

conversion d’obligations en actions. Cependant, quel que soit le procédé

d’augmentation de capital, le but implique une émission d’actions nouvelles

qui conséquemment peut nuire aux anciens actionnaires. Dès lors, tous les

intéressés doivent être protégés. Pendant l’augmentation de capital, le

législateur a procédé à des incriminations spéciales attachées à l’émission

d’actions ou de coupures d’actions(1), tout en protégeant le droit préférentiel

de souscription(2).

a.les incriminations relatives à l’émission d’actions nouvelles

L’émission d’action est soumise aux mêmes conditions que la constitution

du capital social et leur transgression expose les dirigeants sociaux aux

mêmes sanctions pénales. Le législateur ohada a incriminé certains faits

pendant l’émission d’actions ou de coupures d’actions. Ainsi, l’art 893 de

l’ausc sanctionne les administrateurs, le Président du conseil

d’administration, le président-directeur général, le directeur général,

l’administrateur général ou son adjoint d’une société anonyme, qui auront

émis des actions ou des coupures d’actions dans les conditions ci-après :

-avant que le certificat du dépositaire ait été établi ;

-sans que les formalités préalables à l’augmentation de capital ait été

régulièrement accomplies ;

-sans que le capital antérieurement souscrit de la société ait été

intégralement libéré ;

-sans que les nouvelles actions aient été intégralement libérées avant

l’inscription modificative au registre du commerce et du crédit mobilier106 ;

106 Le registre du commerce et du crédit mobilier est chargée de recevoir les inscriptions des sociétés dans l’espace ohada ; il y a le registre de commerce au plan régional qui centralise lies informations recues des registres locaux basés dans chaque Etat membre.

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-sans que les actions nouvelles aient été libérées d’un quart au moins de

leur valeur nominale au moment de la souscription ;

-Et le cas échéant, sans que l’intégralité de la prime d’émission ait été libérée

au moment de la souscription.

En outre, sont sanctionnées pénalement sur la même base, les dirigeants qui

n’auront pas maintenu les actions de numéraire sous forme nominative

jusqu’à leur entière libération. Par contre, des exceptions sont prévues dans

le cas ou les actions sont régulièrement émises par conversion d’obligations

convertibles à tout moment ou par utilisation de bons de souscription ou si

les actions sont remises en paiement de dividendes. L’infraction suppose

donc un élément matériel, l’émission d’action ou de coupures d’actions, et

un élément moral, une simple faute d’imprudence. Le texte requiert en plus

l’existence d’irrégularité qui apparaissent comme des conditions préalables.

L’acte uniforme organise la protection du droit préférentiel de souscription

reconnu aux actionnaires et obligataires.

b.la protection du droit préférentiel de souscription

Les arts 894 et 895 de l’ausc organisent la protection du droit préférentiel de

souscription soit des actionnaires, soit des obligataires. S’agissant du droit

préférentiel de souscription des actionnaires, il faut d’abord se reporter à

l’art 573 de l’ausc qui dispose : « les actions comportent un droit préférentiel

de souscription aux augmentations de capital .Les actionnaires ont,

proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la

souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une

augmentation de capital. Ce droit est irréductible et toute clause contraire

est réputée non écrite ».

En outre, selon l’art 586 de l’ausc, la possibilité est prévue par « l’assemblée

générale de supprimer le droit préférentiel de souscription ». Ces deux

positions antinomiques sont néanmoins contrôlées pénalement. Ainsi, les art

894 et 895 apportent la solution. En effet, l’art 894 sanctionne les dirigeants

qui n’auront pas fait bénéficier les actionnaires, proportionnellement au

montant de leurs actions, d’un droit préférentiel de souscription lorsque ce

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droit n’a pas été supprimé par l’assemblée générale et que les actionnaires

n’y ont pas renoncé ; ou qui n’auront pas réserver aux actionnaires le délai

de vingt jours au moins à partir de l’ouverture de la souscription ; ou encore

les droits des titulaires des bons de souscription.

Quant à l’art 895, il apporte un apaisement à la possibilité de supprimer le

droit préférentiel de souscription. En effet, l’art 895 de l’ausc punit les

dirigeants sociaux qui auront donné ou confirmé des indications inexactes

dans les rapports présentés à l’assemblée générale appelée à décider de la

suppression du droit préférentiel, car l’acte uniforme prévoit l’exigence d’un

rapport. Mais, l’infraction suppose la mauvaise foi, car devant être commise

« sciemment ». Cependant, et il peut s’agir d’une omission de la part du

législateur, l’art 895 n’a pas visé les commissaires aux comptes, alors que

l’art 588 de l’ausc prévoit la possibilité pour ceux-ci, tout comme le conseil

d’administration ou l’administrateur général, à faire un rapport, mais le

législateur français quant à lui n’a pas omis de les mettre sous la menace

d’une sanction. S’agissant du droit préférentiel de souscription des

obligataires, il y a une interdiction faite à l’assemblée des obligataires de

convertir des obligations en actions. Cependant, il est possible de prévoir dès

l’emprunt, la transformation ultérieure des obligations en actions sous

certaines conditions. Le droit pénal ohada a voulu prendre en compte ces

obligations convertibles en actions ; ce qui exclut les obligations

échangeables. La législation française, notamment la loi de 1966, en son art

450, a pris en considération ces obligations exclues par l’ohada. Le

législateur prend en compte par contre la réduction du capital.

2. La réduction du capital social

C’est la diminution du montant nominal ou du nombre des actions en vue de

réduire le capital. Sa validité est conditionnée par le respect des conditions

de formes et de fonds prévues à l’art 629 de l’ausc qui dispose : « le projet de

réduction du capital est communiqué au commissaire aux comptes quarante

cinq jours au moins avant la réunion de l’assemblée générale extraordinaire

qui décide ou autorise la réduction de capital ». C’est donc l’inobservation de

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ces conditions que l’art 896 sanctionne. Il vise notamment les

administrateurs et le président-directeur général de mauvaise foi.

Manifestement, l’art 896 de l’ausc vise d’abord une condition de fond, qu’est

le non respect de l’égalité des actionnaires, et ensuite une condition de forme

notamment celle concernant l’omission de communiquer le projet de

réduction du capital social aux commissaires aux comptes quarante-cinq

jours au moins avant la réunion de l’assemblée appelée à statuer. Il faut

noter que l’acte uniforme, contrairement à l’art 454 de la loi française de

1966, ne vise pas l’omission d’assurer la publicité de la décision de réduction

du capital au registre du commerce et dans un journal d’annonce légale. Il

faut aussi faire la distinction entre la réduction du capital et l’amortissement

du capital, définit par l’art 651 de l’ausc comme l’opération par laquelle la

société rembourse aux actionnaires tout produit de la liquidation future de

la société. Mais, nous rappelons que l’amortissement n’a pas fait l’objet

d’une protection pénale dans le cadre de la loi uniforme. Mais les infractions

pouvant être commises de la constitution de la société jusqu’à son

fonctionnement, le législateur africain n’a pas manqué de redoubler la

vigilance quant à la disparition des sociétés. Ces infractions feront l’objet de

notre troisième chapitre.

Section 2 : les infractions liées aux assemblées générales

L’assemblée générale est l’organe supérieur de la société. C’est elle qui

prend les décisions dépassant la gestion quotidienne ; désigne la plupart des

autres organes et met fin à leur fonction ; elle a seule compétence pour

modifier les statuts. Le législateur français de 1867 l’a même qualifié d’âme

même de la personne morale87.La prééminence de l’assemblée est parfois

plus théorique qu’effective. Le Pr Yves Guyon décrit ce phénomène comme

dans les démocraties ou le pouvoir effectif tend à se passer de l’assemblée

87voir conceptia Denis-ouinsou : « les sociétés commerciales en droit positif Beninois », in common law et droit des sociétés d’afrique et d’haiti, rencontre de ciclef, moncton , Canada, 1998,p38

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(organe délibérant) aux organes de gestion et d’exécution88. C’est pourquoi le

législateur ohada a ressenti la nécessité de poser les bases d’une nouvelle

incrimination jusque là méconnu des droits des pays concernés, notamment

en son art 892, le seul article contenu dans le titre troisième relatif aux

dispositions pénales. Cet article dispose : « Encourent une sanction pénale ,

ceux qui, sciemment, auront empêché un actionnaire ou un associé de

participer à une assemblée générale »

Ces droits extra pécuniaires découlent en effet de l’affectio societatis. Chaque

associé titulaire de parts ou d’actions dans une société compte pour un

associé, quelle que soit sa qualité ou sa fonction dans la société. C’est la

manifestation du principe d’égalité entre les associés, une égalité de droit.

Mais cette égalité est plutôt relative, les associés n’ayant pas les mêmes

nombres de parts ou d’actions. Cependant l’acte uniforme décriminalise

nombres d’actes concernant les assemblées générales. Au total, les associés

ou actionnaires ont le droit de participer à la vie sociale, à la prise des

décisions collectives, à la convocation de l’assemblée, à la tenue de

l’assemblée, l’exercice du droit de vote, et l’accès à l’assemblée. L’acte

uniforme a tout de même visé certaines catégories d’assemblées

(paragraphe1) et leur accès (paragraphe2)

Paragraphe 1 : les assemblées visées par le législateur

Par l’art 892, le législateur ohada a procédé à une incrimination très ouverte.

Cependant, dans cette incrimination, le législateur n’a pas voulu protéger

tous les intervenants dans la vie de la société. En effet, à la lecture de l’art

892 qui pose les bases de l’incrimination relative aux assemblées, certains

détenteurs de titres n’ont pas été visés. On est en droit de se demander si

cela constitue un oubli de la part du législateur, ou au cas échéant une

négligence car, nul n’accepte d’investir dans une société dans laquelle le

principe d’égalité n’est pas respecté. Indiscutablement, l’art 892 exclut

certaines assemblées notamment les assemblées générales d’obligataires,

ainsi que les assemblées générales de porteurs de parts bénéficiaires ou de

88voir Yves Guyon, : « droit des affaires », tome1, 10è édition,economica, 1998.

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fondateurs. En revanche l’art 892 vise nommément les assemblées générales

d’actionnaires(A) et les assemblées générales d’associés(B).

A. les assemblées générales d’actionnaires :

Hormis les règles communes à toutes les assemblées notamment en ce qui

concerne la convocation et la tenue des assemblées, les assemblées

générales d’actionnaires présentent leur particularité . En effet, les

assemblées d’actionnaires sont au nombre de trois : l’assemblée générale

ordinaire, l’assemblée générale extraordinaire, et l’assemblée spéciale .

Chacune de ces assemblée générales disposent d’une particularité propre qui

mérite l’intervention du législateur pour qu’elle soit effective . Mais

globalement, quand on parle d’assemblée d’actionnaire, il s’agit bien de

l’assemblée générale ordinaire qui est le droit commun des assemblées

générales. toutes les autres assemblées ne sont que conjoncturelles, c'est-à-

dire que soit l’urgence a nécessité une assemblée générale, soit une

assemblée spéciale ne concernant qu’une catégorie de détenteurs d’actions.

Le droit de participer à cette « messe » annuelle est en principe libre à tout

actionnaire. Il est certes permis dans les statuts, de fixer un nombre

minimum d’actions qui ne peut être supérieur à dix, pour bénéficier de ce

droit . Mais cette dérogation est anéantie par la possibilité laissée aux

actionnaires qui peuvent se réunir pour atteindre ce minimum et

conséquemment se faire représenter par l’un d’eux. aux termes de l’art 546

de l’ausc, l’assemblée générale ordinaire a compétence à :

-statuer sur les états financiers de synthèse de l’exercice ;

-décider de l’affectation du résultat ;

-nommer les membres du conseil d’administration ou de l’administrateur

général ou son adjoint ;

-approuver ou désapprouver les conventions conclus entre les dirigeants

sociaux et la société ;

-Emettre des obligations ou approuver le rapport du commissaire aux

comptes .

Quant à l’assemblée générale extraordinaire, elle est habilitée à :

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-modifier les statuts ;

-autoriser les fusions scissions, transformations et apport partiel d’actif ;

-transfert du siège social ;

-dissoudre par anticipation ou proroger la durée.

les assemblées spéciales quant à elles, n’ont pas connu d’innovation de la

part du législateur . Comme par le passé, elles sont assimilées aux

assemblées générales extraordinaires pour les règles de quorum (1 / 3 sur

1èr convocation, 2è,ou 3è convocation) et de majorité (2/3 des voix

exprimées). ces assemblées réunissent des titulaires d’actions d’une

catégorie déterminées. Exemple les actions de capital, actions de jouissance,

actions de priorité etc…

Elles sont chargées d’approuver ou désapprouver les décisions des

assemblées générales modifiant les droits de leurs membres. Dès lors,

l’importance des assemblées dans la vie de la société anonyme n’est plus à

démontrer et rend nécessaire la présence des actionnaires aux assemblées.

B. les assemblées des associés

Le terme d’associé est employé ici comme les détenteurs de parts dans les

sociétés autres que les sociétés anonyme. Il s’agit notamment des associés

de la société à responsabilité limitée, la société en nom collectif, et la société

en commandite simple ; rappelons que l’ohada n’a pas prévu la société en

commandite par action.

-les associés de la société à responsabilité limitée participent aux décisions

collectives à travers les assemblées générales qui peuvent être ordinaires ou

extraordinaires.

les assemblées générales ordinaires sont celles ayant pour but de statuer sur

les états financiers de synthèse de l’exercice écoulé, d’autoriser la gérance à

effectuer des opérations subordonnées dans les statuts à l’accord préalable

des associés, de procéder à la nomination et au remplacement des gérants,

l’approbation des conventions . cette assemblée se réunit dans les six mois

de la clôture de l’exercice . Quant aux assemblées générales extraordinaires

des associés, de sarl, elles sont compétentes pour les décisions collectives

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dites extraordinaires . Aux termes de l’art 357 de l’ausc, les décisions

collectives extraordinaires ont pour but de statuer sur les modifications des

statuts. A ce niveau, l’acte uniforme fait la distinction des règles générales

relatives au vote des associés dans les assemblées générales extraordinaires

et les decisions concernant les modifications de capital.

Quant aux associés de la société en nom collectif, leur participation aux

assemblées est beaucoup plus louable que cela a suscité d’intérêt aux yeux

du législateur . En effet, le principe gouvernant les sociétés en nom collectif,

qui est celui de la responsabilité indéfinie et solidaire des associés, mérite

une intervention du législateur .

Et comme toutes les autres formes de société se situant dans le même

ensemble, les associés participent également par l’intermédiaire des

assemblées générales. Cependant, vue la particularité de ce type de société,

le législateur sanctionne sévèrement l’irrégularité de la convocation afin

d’éviter l’adoption des décisions à l’insu de certains associés. le législateur

frappe même l’assemblée d’une nullité toutes les fois que les règles de

convocation auront été violées. Dans le cadre d’une telle société , la liberté

est donnée aux associés de prendre les décisions soit en assemblée ou par

consultation écrite. Mais cette liberté est limitée par le caractère obligatoire

d’une assemblée toutes les fois qu’un associé fait la demande d’une part, et

d’autre part l’examen des comptes annuels doit être fait au cours d’une

assemblée ; c’est ce qui ressort de l’art 288 de l’ausc « il est tenu chaque

année dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice , une assemblée

générale annuelle au cours de laquelle le rapport de gestion , l’inventaire et

les états financiers de synthèse établis par les gérants sont soumis à

l’approbation de l’assemblée des associés ».

Enfin dans les sociétés en commandites simple, les statuts fixent les

modalités de consultation des associés soit par l’assemblée générale , soit

par la consultation par correspondance(art 302, al2 ausc). Dans cette

société, il y a deux catégories d’associés : les commandités qui sont à l’image

de la société en nom collectif, indéfiniment et solidairement responsables du

passif ; et les commanditaires qui, eux sont interdits de s’immixer dans la

gestion de la société. En définitive, les assemblées générales sont l’organes

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central de la société. C’est pourquoi le législateur ohada a prévu une

sanction en créant un délit nouveau contre l’entrave à la participation des

actionnaires et associés aux assemblées.

Paragraphe 2 : l’accès aux assemblées générales

La loi reconnaît un certain nombre de droits aux associés qui représentent

les porteurs de parts ou d’actions . Il s’agit notamment des droits des

actionnaires dans les sociétés anonymes et ceux des associés dans les

autres formes de sociétés, en l’occurrence la société à responsabilité limitée ,

la société en nom collectif , ou la société en commandite simple.

Mais généralement les associés ou actionnaires ne peuvent intervenir dans

la vie sociale qu’en leur qualité de membre de l’assemblée générale. Ce sont

alors leurs droits au sein de celle-ci qui doivent être pénalement garantis.

Nous avons indiqué que ces droits varient. Ils vont de la convocation de

l’assemblée à la tenue de celle-ci en passant par l’exercice du droit de vote,

et l’accès à l’assemblée. Toutefois, l’acte uniforme n’a incriminé que l’entrave

à la participation à cette assemblée(A) , mais exige un élément

intentionnel(B) pour constituer l’infraction.

A. L’entrave à la participation aux assemblées

Tout actionnaire , quelle que soit la nature de son action (action de capital,

action d’apport, de jouissance ou de priorité ) et tout associé d’une société à

responsabilité limitée , en nom collectif ou d’une société en commandite

simple , fait partie de l’assemblée générale de la société. Il s’agit d’un droit

fondamental des actionnaires et associés qui se trouve pénalement protégés.

Ainsi, le législateur à travers l’art 892 de l’ausc réprime l’entrave à la

participation aux assemblées. Il s’agit d’un délit nouveau , méconnu par les

législations des Etats membres de l’ohada avant l’avènement de ce droit

communautaire. Le législateur n’a consacré qu’un article à ce domaine. Cela

n’implique pas un tarissement de sa volonté de réprimer les comportements

répréhensibles. En effet, le texte d’incrimination est très ouvert. Ainsi le

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législateur a procédé à une incrimination de principe et laisser la possibilité

aux législateurs nationaux d’énoncer les differents comportements

blâmables et de prévoir les peines en conséquence. Cependant, la lecture de

l’art 892 laisse indiscutablement à dire qu’il s’applique aux assemblées

générales d’actionnaires et d’associés, car le texte d’incrimination les vise

nomement ; ce qui implique que les assemblées générales d’obligataires ou

de porteurs de parts bénéficiaires ou de fondateurs ne sont pas concernées.

Il faut signaler aussi que l’acte uniforme n’a pas seulement visé les

dirigeants de la société. En effet, l’art 892 laisse entendre «encourent une

sanction pénale, tous ceux qui ,sciemment, auront empêché… ».

Cela veut dire que la vise également toute autre personne , mais sans

préciser la qualité de la personne dans la structure sociale. Ainsi la doctrine

estime que la sanction frappe tous ceux qui ont empêché sciemment un

actionnaire ou un associé de participer à une assemblée générale, soit-il un

mandataire, selon la jurisprudence, le délit est constitué. Selon Jean

Larguier, l’infraction est réalisée même si aucune décision n’a été prise par

l’assemblée car « il est en effet possible que les faits d’entrave aient pour but

de faire obstacle à l’existence du quorum »

B. l’élément intentionnel du délit

En employant l’adverbe « sciemment », l’art 892 fait de l’élément moral une

exigence. Cet élément intentionnel défini comme le fait d’agir en

connaissance de cause, n’entraîne pas cependant , conformément aux

principes généraux du droit pénal, l’exonération du prévenu qui invoque

l’erreur de droit, ce qui marque une distance du droit pénal des affaires

ohada avec le droit pénal commun. C’est en ce sens que la jurisprudence a

retenu qu’est considéré comme ayant commis l’infraction d’entrave à la

participation, le président du conseil d’administration qui, à la suite d’un

décès , se croyant seul propriétaire des actions en litige, empêche le

mandataire des héritiers de prendre part aux délibérations et aux votes de

l’assemblée(crim, 3 octobre 1975). Dans un tel cas, le prévenu ne peut se

prévaloir de son erreur pour s’exonérer. Le contrôle de la vie des sociétés ne

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s’arrête pas à ces infractions que nous venons de voir. Le législateur a

poussé les incriminations dans le domaine de la société, un domaine

compliqué ou la rigueur doit être de mise.

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ChapitreIII : Les infractions relatives à la disparition des sociétés commerciales.

La société peut disparaître à l’échéance du terme fixé dans ses statuts et si

la volonté de la continuer ne se manifeste pas. C’est la forme normale de

disparition. Elle peut cependant être conjoncturelle, c'est-à-dire la société

disparaît sans atteindre le terme fixé, donc de façon prématurée. La

continuité dépend de la marche des affaires que ces affaires sont conduites

par des hommes. En effet, «l’homme d’affaire isolé manque souvent de

puissance et aussi, lorsqu’il est malhonnête, de moyens pour duper ses

victimes107». C’est pourquoi « j’engage le public disait le président Séguier, à

se défier des sociétés quelles qu’elles soient».

En outre dans le cadre de sa gestion la société peut connaître des périodes

de prospérité ou de difficulté. A ce stade de notre étude sur les infractions

aux sociétés commerciales, nous ne pouvons pas omettre de traiter du cas

des sociétés ou entreprises en difficultés. Cette partie de sociétés

commerciales a fait l’objet d’une réglementation par le législateur à travers

l’acte uniforme sur les procédures collectives d’acquiescement du passif. La

société en difficulté est celle dont la réalisation de l’objet est devenue plus ou

moins compromise du fait de son impossibilité à faire face à ses

engagements. Mais les sociétés peuvent se trouver aussi se trouver

situations où leur disparition devient irréversible.

Dès lors les causes de disparition peuvent être soit volontaires, soit

accidentelles. Quelque soit le cas envisagé, le législateur a malgré tout prévu

des sanctions pénales « comme si la ruine de leurs affaires ne suffisait pas».

Mais la raison, c’est que la loi cherche surtout à protéger les créanciers

sociaux dont le recouvrement des créances devient hypothétique en ces

instants. C’est pourquoi le législateur a prévu des infractions avant la

dissolution de la société (section I) et au cours de celle-ci (section II)

107 J. Larguier et Philipe Conte, op cit n°45

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Section 1 : Les infractions avant la disparition de la société

En début de nos réflexions sur les infractions prévues par le législateur

OHADA concernant les sociétés commerciales, nous n’avons pas fixé une

limite temporelle pour la commission de ces infractions que nous étudierons.

Et cela parce que l’OHADA a prévu des infractions avant même la dissolution

de la société. En effet comme l’a rappelé cette paraphrase d’une formule

célèbre108 au Burkina Faso, « des entreprises en difficulté, où on trouve un

peu partout en Afrique ; des entreprises en difficulté qui se redressent, on en

recherche109 ».

C’est pourquoi l’OHADA a consacré un acte uniforme portant organisation

des procédures collectives d’apurement du passif, entré en vigueur en

janvier 1999.

Il n’est pas ni aisé de traiter de manière exhaustive et approfondie des

procédures collectives y compris de celles régies par l’acte uniforme car sur

le plan sentimental, il s’agit du droit de la «maladie et de la mort » des

entreprises. Cependant notre objectif n’est pas de faire une étude des

procédures collectives dans leur globalité, mais plutôt comme nous l’avons

indiqué, de nous atteler à l’étude des infractions qui peuvent en résulter, car

faut-il le souligner, il s’agit d’infractions qui prennent naissance dans la vie

de la société ou entreprise, mais peuvent aboutir rapidement à sa mort. C’est

la raison pour laquelle, le législateur l’a placé au rang des infractions qui

interviennent à la mort de la société. Mais pour mieux comprendre les

raisons de l’intervention, il faut connaître au préalable les objectifs

poursuivis par les procédures collectives.

En effet, celles visent d’abord à protéger les créanciers impayés et à assurer

leurs désintéressements dans les meilleures conditions possibles ; ensuite il

s’agit de punir et d’éliminer les commerçants qui n’honorent pas ses

108 La formule est relative aux chercheurs : « des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent,on en cherche » 109 voir Filiga Michel Sawadogo, Professeur à l’Université de Ouagadougou, commentaire de l’acte uniforme portant organisation des procédure collectives d’apurement du passif,code ohada,p811

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engagements. C’est surtout un aspect à ne pas négliger à cause de son

caractère dissuasif de la punition ainsi que sa contribution à la moralisation

du milieu des affaires. Enfin les procédures collectives doivent permettre la

sauvegarde des entreprises redressables.

Pour sauvegarder tous ces intérêts ci-dessus énumérés, le législateur a

assorti de sanctions pénales certains comportements. Dans cette perspective

sont visés notamment les commerçants personnes physiques, les associés

tenus indifféremment et solidairement des dettes sociales, puis les dirigeants

sociaux, de droit ou de fait ainsi que les dirigeants permanents des

personnes morales dirigeantes.

S’agissant des peines applicables, l’acte uniforme a renvoyé aux législations

nationales de chaque Etat partie. Il s’agit entre autres, d’éviter que les

peines, notamment les amendes en raison des différences de niveau de

développement économiques et de revenus, puissent paraître excessives

dans certains Etats et dérisoires dans d’autres.

L’incrimination retenue concerne, soit la banqueroute (paragraphe1), soit

des infractions connexes à la banqueroute (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La banqueroute

Sur l’attitude du droit à l’encontre des chefs d’entreprise en difficulté qui

déposent leur bilan, deux conceptions s’affrontent. Alors que certains voient

nécessairement dans ce comportement un esprit de fraude imposant la

répression, d’autres souhaitent au contraire amoindrir l’aspect

sanctionnateur, estimant que le débiteur est suffisamment puni par ses

ennuis commerciaux. Ce dilemme résume toute l’ambivalence du droit des

entreprises en difficulté : c’est que la procédure repose sur un corps de

règles commerciales fortement imprégnées d’inspiration pénale. Cependant,

réprimer plus ou réprimer moins ont été les termes de l’option au centre des

préoccupations de tout législateur en matière de défaillances d’entreprises,

l’essentiel étant l’adoption d’une politique cohérente et réaliste. Alors, le

choix consiste soit à prôner une réponse classique, qu’est la répression

s’abattant de façon sévère pour châtier et prévenir, soit à considérer

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l’existence d’un certain nombre de comportements délicieux comme

inéluctable, donc un mal nécessaire, mais dont la sanction ne doit pas être

nécessaire mais dont la sanction ne doit pas être la priorité à recherchée.

A ce propos, le grand commercialiste français, Thaller disait « il faut que la

loi initiale par sa sévérité, afin de contenir les négociants dans la voie de la

prudence et il faut pas qu’elle effraie trop, sans quoi elle cause l’affolement.

Se tenir à égale distance de ces deux extrêmes n’est pas facile110 ».

Il est cependant nécessairement de rappeler l’historique du délit de

banqueroute en question la pratique avait l’habitude de le confondre avec

d’autres notions, notamment la faillite. En effet, les deux termes ont été

assimilés longtemps. Ainsi un auteur du 18ème siècle111 écrivait : «les

banqueroutes simples que l’on connaît sous le nom de faillites … ». Selon

Marie Christine Sardino, les deux termes puisent pareillement leur origine

dans des expressions italiennes nées à l’occasion des échanges commerciaux

entre marchands à l’époque médiévale. Ainsi faillite vient de « faillir » qui

signifie manque et pourtant ne pas respecter ses engagements financiers

alors que la notion devient ambiguë à l’italien comparée au latin fallere qui

dénote une tromperie (induire en erreur), d’où la notion de fraude qui en

résulte provoque un trouble grave dans la vie économique en lésant le

créancier. D’où l’expression latine faillite, se senti, fuggitivi(tous les faillis

deviennent des fuyards en puissance ». A partir du 16ème siècle, la

banqueroute va progressivement requérir son indépendance par rapport à la

faillite sous l’influence d’un notaire Stracha D’Ancêone lors de l’élaboration

de l’ordonnance de 1673 en France instituant une distinction entrez la

banqueroute, crime et la faillite, procédure commerciale. A l’époque, en

l’absence de définition textuelle de la banqueroute, la doctrine s’efforça toute

fois de distinguer entre banqueroutier, frauduleux et débiteur malheureux :

selon notre langue et notre usage pouvons proprement définir notre

banqueroutier celui prudent et avisé en ses affaires sciemment à prix, et

reçu argent sous prétexte de commerce ou autrement sous promesse d’en

rendre profit ou purement et ayant diverti ses effets se dérobe à ses

110 E. Thaller : « des faillites en droit comparé »,LGDJ, Paris 1887, tome1, chapI,p125 111 J.B. Denisart dans : « collection de decisions nouvelles », 7è édition,1771,tome1,p277

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créanciers, s’absente et ladite ou rend fugitif. ». Et quant aux marchands qui

font perte par cas fortuit, ceux-là qui sont dignes d’aide et commisération ne

doivent être appelés banqueroutiers112. En définitive la banqueroute a fini

par être autonome et constitue une infraction qui peut être considérée

comme la plus populaire des infractions aux affaires à l’instar de toutes les

autres législations, l’OHADA a prévu la banqueroute comme infraction à la

loi dans le cadre des procédures collectives d’apurement du passif.

L’infraction a sa source dans une société en l’état de cessation de paiement

c'est-à-dire, qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible

avec son actif disponible. Dès ce t instant, toute personne physique se lirant

à des actes incriminés commet le délit de banqueroute. Cependant, pour être

punissable, l’infraction suppose des conditions préalables (A) et se divise en

banqueroute simples et banqueroutes frauduleuses (B).

A. Les conditions préalables.

L’existence de l’infraction de banqueroute nécessite deux conditions tenant à

la qualité de l’agent (1) et à l’ouverture d’une procédure collective (2)

1. La qualité de l’agent

S’agissant de la qualité de l’agent, la loi distingue selon qu’il s’agit de

personnes physiques commerçantes ou d’une personne physique dirigeant

une personne morale. Concernant la personne physique, aux termes de

l’article 227 de l’AUPC, la banqueroute s’applique « aux commerçants

personnes physiques et aux associés des sociétés commerciales qui ont la

qualité de commerçant ». Cet article se démarque de celui de l’article 1961,

alinéea1 de la loi française de 1985 selon lequel un artisan ou un

commerçant peut être déclaré auteur principal de banqueroute. Ainsi l’acte

uniforme sur les procédures collectives a la même portée que le code de

commerce du Niger qui limitait le domaine de la répression aux seuls

commerçants.

112voir delit de banqueroute de M. Christine Sordino, litec, 1996, P9

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A la difficulté qui peut se poser en appréciant la qualité de commerçant, la

jurisprudence l’a entendu dans un sens large, en l’étendant à l’épouse qui a

participé activement au commerce de son mari113 ; mais l’existence d’une

incapacité entre la profession exercée et le commerce n’empêche pas d’être

banqueroutier. C’est le cas de l’avocat ou du notaire, de même qu’une

personne exerçant illégalement la profession de commerçant 114. Cependant

l’incapacité du mineur non émancipé, ou du majeur en tutelle ou en

curatelle empêche toute application de sanctions pénales à l’encontre de

l’auteur.

Quant aux personnes morales, nous rappelons l’acte uniforme n’a pas prévu

la responsabilité pénale des personnes morales. Ainsi, la responsabilité dont

il s’agit ici concerne aux termes de l’article 230 de l’AUPC, « les personnes

physiques dirigeantes de personnes morales assujetties aux procédures

collectives et les personnes physiques représentantes permanentes et

personnes morales dirigeantes des personnes morales ».

Ainsi, à la lumière de cet article, il n’est donc pas nécessaire que la personne

morale soit elle-même commerçante, car le seul exercice d’une activité

économique paraît suffisant. Ainsi, dès lors que l’article 230 de l’AUPC

s’applique aux groupements d’intérêts économiques, la personne morale

peut ne pas être une société.

D’autre part, le même article 230 AUPC précise qu’il peut s’agir de « toute

personne ayant directement ou par personne interposée, administré, géré ou

liquidé la personne la personne morale sous le couvert ou aux lieux et places

de ses représentants légaux ».

Dès lors, il peut s’agir de dirigeants de droit ou de fait.

La loi française de 1985 a donné l’occasion à la jurisprudence qui avait

retenu le délit de banqueroute à l’encontre d’une associé ou société à

responsabilité limitée (SARL) qui « est intervenue directement dans la gestion

de l’entreprise, s’intitulant elle-même dans les effets commerciaux comme

113cass.crim., 12 octobre 1960,bull,444 114cass.crim.,2mai 1979,D 1980,IR,184

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l’un des gérants, et qui se trouvait en raison de sa position prépondérante

cogérante de fait ». 115

2. L’ouverture d’une procédure collective

C’est à ce point qu’il y’a une discorde entre le droit OHADA et le droit

français en matière de banqueroute. En effet, en France, le délit de

banqueroute suppose l’ouverture d’une procédure collective de redressement

judiciaire ou de liquidation, c'est-à-dire entre la cessation des paiements, il

faut qu’elle soit contactée par le tribunal compétent.

Par contre, l’acte uniforme a érigé en condition du délit de banqueroute,

l’état de cessation de paiement. Dès lors, le constat par une juridiction n’est

pas nécessaire, qu’elle soit commerciale ou civile. Les tribunaux répressifs

sont donc amenés à apprécier dans chaque cas, l’existence même et le

moment de la cessation des paiements ; ce qui n’est pas sans causer des

difficultés à notre sens, car il faut se rappeler que l’acte uniforme a prévu

des sociétés unipersonnelles, dans de telles sociétés, la détermination du

moment de la cessation de paiement peut s’avérer difficile, vu le caractère

fermé de leur gestion.

Dans le cas du droit français en la matière par contre, le juge pénal est lié

par la décision des juges consulaires de paiements et la date de celle-ci, ce

qui n’a pas été rendu facile par le législateur OHADA. Mais même là, la

jurisprudence française a consacré l’autonomie du droit pénal en estimant

que le juge pénal peut retenir une date de cessation de paiement autre que

celle qui a été retenue par le juge commercial ou civil116.

L’acte uniforme a conservé la classification classique de la banqueroute.

B. Les cas de banqueroute.

L’acte uniforme sur les procédures collectives distingue de façon classique

deux catégories de banqueroute ayant leur répression atténuée ou aggravée

115 cass.crim.,23 janvier 1978 ?bull,24 116 cass.crim.,18 novembre 1991,B,415

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selon le cas : il s’agit de la banqueroute simple (1) et la banqueroute

frauduleuse (2).

1. La banqueroute simple

Aux termes de l’article 228 AUPC, « est coupable de banqueroute simple,

toute personne physique en état de cessation de paiements qui se trouve

dans un des cas suivants :

- si elle a contracté sans recevoir des valeurs en échange, des engagements

jugés trop importants eu égard à sa situation lorsqu’elle les a contractés

- si, dans l’intention de retarder la constatation de la cessation de ses

paiements, elle a fait des achats en vue d’une revente au dessus du cours ou

si, dans la même intention, elle a employé des moyens ruinés pour se

procurer des fonds ;

- si, sans excuse légitime, elle ne fit pas au greffe de la juridiction

compétente la déclaration de son état de cessation des paiements dans le

délai de trente jours ;

Si sa compatibilité est incomplète ou irrégulièrement terme ou si elle n’a

tenu aucune comptabilité conforme aux règles comptables et aux usages

reconnues de la profession eu égard à l’importance de l’entreprise ;

- si ayant déclaré deux fois en état de cessation de paiements dans un délai

de cinq ans, ces procédures ont été clôturées pour insuffisance d’actif. »

Aux termes de cet article, cinq cas de banqueroute simple ont été retenus

par le législateur. Cependant, deux cas attirent notre attention et qui sont

similaires avec la synthèse de la loi de 1985 en France. Il s’agit de l’achat en

vue d’une revente au-dessus du cours et l’emploi des moyens ruineux. L’acte

uniforme n’a pas procéder à une classification des élément constituant la

banqueroute, mais vu la permanence de ces éléments, nous avons jugé utile

de nous entendre un moment sur ces questions. Ainsi, l’achat en vue d’une

revente au-dessus du cours est une manœuvre effectuée par le débiteur.

Celui-ci se livre à des achats importants de marchandises avec la ferme

intention de la revendre rapidement à un prix inférieur à leur cours afin

d’obtenir de la trésorerie permettant de répondre temporairement aux

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échéances les plus proches. Le législateur n’a pas donné de précision par

rapport à la vente au dessous du cours, d’où sa compréhension nécessite

aux textes relatifs à la distribution et aux prix. Mais en l’absence d’éléments

à notre portée, nous avons fait recours à la loi des finances n° 63-628 du 2

juillet 1963 en France, notamment en son article 1er selon lequel : « la vente

est réalisée à perte si le prix de vente de la marchandise est inférieur à son

prix d’achat effectif »117

Dans une décision, la chambre criminelle de la cour de cassation a précisé

que « le délit ne consiste pas seulement à avoir dans l’intention de retarder la

constatation de la cessation de paiements, vendu des marchandises au-

dessus du cours, mais à avoir dans cette intention, fait des achats en vue

d’une revente au-dessus du cours ».118

L’emploi des moyens ruineux constitue aussi le délit de banqueroute. Il s’agit

d’un emploi en vue de se procurer des fonds.

"Machination, artifice coupable" sont des termes employés pour désigner

l’emploi des moyens ruineux pour se procurer de fond. La notion a suscité

des interrogations chez auteurs et praticiens ; même si la loi (OHADA) ne l’a

pas défini. La définition du petit Larousse parle de procédé qui « provoque

des dépenses excessives ».

Cependant la notion est essentiellement jurisprudentielle. Dans le passé, le

recours à l’emprunt était le dernier sursaut de l’entreprise moribonde et

l’ouverture de procédure collective trop tardive ne peut le sauver. C’est

pourquoi cet ancien cas de banqueroute a été maintenu.

Les moyens ruineux peuvent résulter des opérations de crédit ou circulation

d’effets de complaisance. Par ailleurs ces cas de banqueroute rapprochent la

banqueroute simple et la banqueroute frauduleuse.

2. La banqueroute frauduleuse

Elle est prévue par l’article 229 AUPC. Cet article considère comme coupable

de banqueroute frauduleuse, toute personne physique visée à l’article 227 en

117voir Marie-Christine Sordino,op cit n°112 118cass.crim., 12 mars 1974 ,D 1974,p102

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cas de cessation des paiements. Le législateur vise notamment la personne

qui a « soustrait sa comptabilité ; détourné ou dissipé toute ou partie de son

actif ; s’est frauduleusement reconnue débitrice de sommes qu’elle ne devait

pas, soit dans ses écritures, soit par des actes publics ou des engagements

sous seing privé, soit dans son bilan » ; exercé la profession commerciale

contrairement à une interdiction prévue par les actes uniformes ou par la loi

de chaque Etat partie ; ou qui a payé un créancier au préjudice de la masse

après la cessation de paiements ; ou a stipulé avec un créancier des

avantages particuliers à raison de son vote dans les délibérations de la

masse ou qui a fait avec un créancier un traité particulier duquel il

résulterait pour ce dernier, un avantage à la charge de l’actif du débiteur à

partir du jour de la décision d’ouverture …».

L’alinéa 2 de cet article dispose « c’est également coupable de banqueroute

frauduleuse, toute personne physique visée à l’article 227 AUPC, qui à

l’occasion d’une procédure de règlement judiciaire :

- à de mauvaise foi, présenté ou fait présenter un compte de résultats ou un

bilan ou un état des créances et des dettes, ou un état actif net passif des

privilèges et sûretés, inexact ou incomplet ;

- ou a, sans autorisation du président de la juridiction compétente accompli

un des actes interdits par l’article 11 ci-dessus ».

L’acte uniforme a retenu de nombreux cas de banqueroutes frauduleuses,

contrairement à la loi française de 1985 qui n’a retenu que le détournement

de tout ou partie de l’actif et l’augmentation frauduleuse du passif. En plus

des deux cas, l’acte uniforme a retenu la soustraction de la comptabilité,

l’exercice des fonctions de commerçant malgré l’interdiction, le paiement à

un créancier au préjudice de la masse.

L’acte uniforme va beaucoup loin en incriminant des faits dépénalisés par la

loi française. Ainsi, l’AUPCCAP sanctionne de peines de banqueroute

frauduleuse, toute personne assujettie à une procédure de règlement

judiciaire qui, de mauvaise foi, présente un état financier inexact ou

incomplet. A la lumière de cette étude, nous pouvons conclure que,

l’élément intentionnel du délit de banqueroute n’est pas situé à tous les

niveaux. Ainsi, la mauvaise foi n’est requise que pour la plupart des cas de

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banqueroute frauduleuse. La jurisprudence a admis que la mauvaise foi

n’était pas nécessaire à la banqueroute , sauf le cas d’emploi de moyens

ruineux qui semble supposer l’intention frauduleuse aux yeux de certains

auteurs.

Le législateur a incriminé aussi des infractions qui sont connexes à la

banqueroute.

Paragraphe 2 : les infractions connexes à la banqueroute.

L’acte uniforme relatif aux procédures collectives a prévu à côté de la

banqueroute, d’autres séries d’infractions qui sont connexes à celle-ci. Ainsi,

les articles 230 à 239 traitent des infractions assimilées aux banqueroutes,

alors que les articles 240 à 246 visent d’autres services.

Dans cette deuxième catégorie, on retrouve des infractions commises par des

tiers ou des parents du débiteur et qui sont punies des mêmes peines que la

banqueroute frauduleuse.

Ce qui semble signifier que ces infractions sont également assimilées à la

banqueroute. Par contre, les autres infractions peuvent être punies de

peines différentes, car la loi renvoie seulement aux peines en vigueur dans

chaque Etats partie.

Ainsi distinguerons-nous des délits assimilés aux banqueroutes (A), et les

autres infractions (B)

A. Les délits assimilés aux banqueroutes

Les articles 230 à 239 dressent la liste des infractions qui sont assimilées

aux banqueroutes. Cependant ces délits assimilés répondent à la

classification banqueroute simple et banqueroute frauduleuse.

Ainsi, nous distinguons les délits assimilés à la banqueroute simple(1) et

ceux assimilés à la banqueroute frauduleuse(2).

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1.Les délits assimilés à la banqueroute simple

Selon l’article 230 AUPC, ces délits sont le fait de dirigeants de société

soumises aux procédures collectives. Il s’agit de tous dirigeants de fait ou de

droit , qui ont administré, géré, ou liquidé la personne morale(article 230

AUPC). On distingue à ce stade, deux catégories de délits, qui ont des

exigences différentes :

La première catégorie requiert la mauvaise foi de l’auteur de l’un des faits

suivants selon l’article 230 :

-La consommation de sommes appartenant à la personne morale en faisant

des opérations fictives ou pur hasard ;

-L’achat en vue de revendre au dessus du cours, ou l’emploi de moyens

ruineux pour se procurer de fonds ;

-Le paiement à un créancier au préjudice de la même ;

-Le fait de prendre des engagements trop importants, pour le compte

d’autrui, sans valeur en échange ; etc.

Bref, il s’agit d’une reprise des cas de banqueroute simple.

La deuxième catégorie quant à elle, reprend l’absence de déclaration de l’état

de cessation des paiements ou l’omission de joindre à la déclaration la liste

des associés avec l’indication de leurs noms et domicile, dans le cas des

sociétés comportant des associés indifféremment et solidairement

responsables des dettes sociales.

2. Les délits assimilés à la banqueroute frauduleuse

S’agissant de ces délits, ils peuvent être commis par deux catégories de

personnes : les dirigeants, et les tiers.

En ce qui concerne les délits commis par les dirigeants, l’article 233 de

l’AUPC reprend exactement pour le compte de dirigeants, les faits

incriminés, prévus à l’article qui vise toute personne à l’exception du

paiement à un créancier, au préjudice de la masse. Donc, ce sont les mêmes

cas de banqueroute frauduleuse qui sont repris comme des délits assimilés

lorsqu’ils sont commis par des dirigeants. L’intérêt de cette distinction, est

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qu’il y a là une condition préalable à la banqueroute, la qualité de dirigeant

d’une personne morale.

Quant aux délits commis par les tiers, ils sont visés par l’article 240 AUPC

qui punit de peines de banqueroute frauduleuse, les personnes qui

interviennent dans la gestion de la société en difficulté à un titre

indéterminé : les tiers. Il s’agit en fait de toute personne accomplissant un

des actes incriminés à l’article 240 AUPC.

Trois actes sont visés par cet article :

-D’abord, le recel des biens du débiteur. Le législateur sanctionne « les

personnes convaincues d’avoir, dans l’intérêt du débiteur, soustrait, recelé

ou dissimulé tout ou partie de ses biens meubles ou immeubles » ;

- Ensuite, l’article 240 incrimine la supposition de créances. Celle-ci résulte

du fait des personnes convaincus d’avoir frauduleusement produit dans la

procédure collective des créances supposées : soit en leur nom, ou par

interposition ou supposition de personne.

Il n’est pas nécessaire que le coupable ait agi dans l’intérêt du débiteur ou

en accord avec celle-ci.

-Enfin la loi a incriminé le fait pour des personnes qui, de mauvaise foi, ont

détourné ou dissimulé une partie de leurs biens, ou tenté de le faire, alors

qu’elles exerçaient le commerce sous le nom d’autrui ou sous un nom

supposé.

B. Les autres infractions.

L’article 241 de l’AUPC dispose « le conjoint, les descendants, les ascendants

ou les collatéraux du débiteur ou ses alliés qui à l’insu du débiteur,

auraient détourné, diverti ou recelé des effets dépendants de l’actif du

débiteur ou état de cessation des paiements, encourent les peines prévues

par le droit pénal en vigueur dans chaque Etat partie pour les infractions

commis au préjudice d’un incapable ».

Des observations s’imposent avant même d’examiner ces infractions. En

effet, d’une part, on peut estimer que la disposition est la bienvenue, car les

éléments constitutifs de l’infraction peuvent ne pas être réunis pour

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prononcer une sanction, alors que les biens du débiteur se trouvent

effectivement détournés ou divertis ; d’autre, l’acte uniforme, de façon

exceptionnelle,, a prévu la peine encourue par les auteurs de ces infractions

car il recommande de façon implicite aux législateurs nationaux d’appliquer

la peine encourue par ceux qui ont commis des infractions au préjudice d’un

incapable.

Les infractions visées peuvent être commises par trois catégories de

personnes. Il y a les infractions commises par les parents où conjoint du

débiteur. L’art 241 incrimine donc le fait de détourner, divertir, ou receler

des effets dépend de l’actif du débiteur en état de cessation des paiements.

Cependant l’article 241 précise que ces actes doivent être accomplis à « l’insu

du débiteur » car l’action en connivence ferait d’eux des complices de

banqueroute.

Il y a ensuite les infractions commises par le syndic. Ces infractions sont

commises par le syndic dans le cadre d’une procédure collective. L’article

243 de l’AUPC incrimine le fait pour tout syndic d’exercer une activité

professionnelle sous le couvert de l’entreprise du débiteur masquant ses

agissements de disposer du crédit ou des biens du débiteur comme les siens

propres, de dissiper les biens de celui-ci. En outre, le syndic qui poursuit

abusivement et de mauvaise foi, soit directement, soit indirectement, une

exploitation déficitaire de l’entreprise du débiteur, ou qui se rend acquéreur

pour son compte directement ou indirectement , des biens du débiteur, fait

l’objet d’une sanction pénale. Il y a enfin les infractions commises par les

créanciers. Les peines prévues pour ces infractions relevant du droit pénal

de chaque Etat partie et sont sanctionnées au même titre que ceux qui ont

commis des infractions au préjudice d’un incapable. Les créanciers visés

sont ceux qui, après cessation de paiement, auront

stipulé avec le débiteur ou avec toute personne, des avantages particuliers,

ou qui met à la charge de l’actif du débiteur un avantage.

La loi française les regroupe en deux conditions, alors l’acte uniforme en fait

deux infractions distingues : la première constituée par la simple stipulation

en raison de son vote dans les délibérations, la seconde réalisée par la

création de traité mettant à la charge de l’actif du débiteur un avantage.

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74

Section 2 :Les infractions relatives à la dissolution de la société

Le législateur africain a prévu un certain nombre d’infractions liées à la

dissolution de la société. Celles-ci concernent la protection des parties

concernées (paragraphe 1) ainsi que les atteintes aux biens de l’entreprise

dissoute, ceux de ses actionnaires et créanciers (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La protection de l’information des parties à la

dissolution.

Lorsque la dissolution de la société s’impose, le droit pénal doit intervenir

pour protéger tous ceux dont les intérêts sont menacés dans cette dernière

partie de la vie sociale. Il s’agit tantôt de protéger l’information des

actionnaires ou associés (A), tantôt celles des tiers qui ont dû nouer des liens

avec l’entreprise en voie de disparition (B)

A. La protection de l’information des actionnaires ou associée.

Le législateur sanctionne l’inobservation de l’obligation d’in formation des

associés qu’il a fait reposer tantôt sur les dirigeants sociaux, tantôt sur le

liquidateur de la société.

Ainsi, aux termes des articles 901 alinéa 1 de l’acte uniforme, « encourent

une sanction pénale, les dirigeants sociaux qui, sciemment, lorsque les

capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital

social du fait des pertes constatés dans les états financiers de synthèse,

n’auront pas fait convoquer dans les cas mois qui suivent l’approbation de

ces états, l’assemblée générale extraordinaire à l’effet de décider, s’il y a lieu,

la dissolution anticipée de la société ».

L’alinéa 2 du même article sanctionne les dirigeants n’ayant pas déposé au

greffe du tribunal chargé des affaires commerciaux, et n’ayant pas inscrit ou

publié dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, la dissolution

anticipée de la société.

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Matériellement, l’infraction suppose une omission. Cependant son élément

moral est imposé par l’adverbe « sciemment », donc la mauvaise foi du

dirigeant. La cour de cassation française l’a rappelée119.

S’agissant du liquidateur, sa responsabilité peut être engagée dans

plusieurs hypothèses d’inobservation de son obligation d’information. Ainsi,

il encourt une sanction pénale lorsque sciemment,, il n’a pas convoqué, en

fin de liquidation amiable, les associés pour statuer sur le compte définitif de

la liquidation, sur le quitus de sa gestion, et de la décharge de son mandat et

pour constater la clôture de la liquidation(art 902, al 2 de l’acte uniforme).

En cas de liquidation judiciaire, le liquidateur encourt une sanction pénale

prévue par l’article 903, dans quatre cas, mais exige toujours la mauvaise foi

du liquidateur. Il s’ »agit des cas dans lesquels le liquidateur :

- n’a pas, dans les six mois de sa nomination, présenté un rapport sur sa

situation active et passive de la société en liquidation et sur la poursuite des

opérations de liquidation au cours de l’exercice écoulé (art 903, al 1

- n’a pas dans les trois mois de clôture de chaque exercice, établi les états

financiers de synthèse à la vue de l’inventaire et un rapport écrit dans lequel

il rend compte des opérations de liquidation au cours de l’exercice écoulé (art

903, al 2) ;

- n’a pas permis aux associés d’exercer, en période de liquidation leur droit

de communication des documents sociaux dans les mêmes conditions

qu’antérieurement (art903, al3) ;

- n’a pas convoqué les associés au moins une fois par an, pour leur rendre

compte des états financiers de synthèse en cas de continuation de

l’exploitation sociale (art903, al 4).

Il s’agit pour le législateur pénal d’assurer la transparence dans les

opérations de liquidation. A cette fin, les tiers doivent aussi être protégés.

119cass.crim.,27 avril 1987,bull,167

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76

B. La protection de l’information des tiers

La dissolution de la société, et portant sa liquidation, doit être portée à la

connaissance du public. Désormais, sur le plan pénal l’inobservation de ces

exigences est sanctionnée.

Tout d’abord, les dirigeants sociaux encourent une sanction pénale lorsqu’ils

n’ont pas déposé au greffe du tribunal, inscrit au registre de commerce et du

crédit mobilier et publié dans un journal habilité à recevoir les annonces

légales, la décision de dissolution anticipée de la société pour perte de la

moitié du capital social.

Du côté du liquidateur, il est susceptible d’encourir dans deux cas une

sanction pénale :

-lorsque sciemment, il n’a pas dans le délai d’un mois à compter de sa

nomination, publié dans un journal habilité à recevoir les annonces légales

du lieu du siège social, l’acte le nommant liquidateur et déposé au registre

du commerce et du crédit mobilier, les décisions prononçant la dissolution

de la société.

- lorsque sciemment, il n’a pas déposé ses comptes définitifs au greffe d’un

tribunal chargé des affaires commerciales du lieu du siège social, ni

demandé en justice l’approbation de ceux-ci.

Le législateur par ce réseau d’information, cherche à prévenir la

malversation des biens de l’entreprise en liquidation de ceux des associés et

de ses créanciers.

Paragraphe 2 : La protection des biens de la société en liquidation

Cette protection est surtout recherchée en cours de liquidation. Il faut en

effet empêcher que le liquidateur ne dilapide pas ce qui reste des biens de la

société.

Selon l’article 204 AUPC, la société est en liquidation « dès l’instant de sa

dissolution ». Or, le liquidateur a un rôle particulièrement important dans la

réalisation de ces opérations. C’est ainsi que la protection des biens de la

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société et des associés est envisagée par le législateur en cours de liquidation

(A) et après la liquidation (B).

A.La protection en cours de liquidation.

C’est la période de la plus délicate. Trois infractions ont été prévues par le

législateur africain :

La première a été déjà étudiée dans nos précédents chapitres ; c’est l’abus

des biens et du crédit de la société, un usage qu’il savait contraire à l’intérêt

de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne

morale dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement selon

l’article 904, alinéa 1 AUSPC.

Le liquidateur étant pendant ce temps le seul dirigeant de l’entreprise, il doit

assumer les conséquences de ses actes préjudiciables.

La deuxième infraction est assez originale : c’est la cession sans

consentement unanime des associés ou sans autorisation judiciaire de tout

ou partie de l’actif de la société en liquidation. Cette restriction ne concerne

cependant que l’acquéreur ayant eu dans la société, la qualité d’associé, de

commandité, de gérant, d’administrateur d’administration générale ou de

commissaire aux comptes120. Le liquidateur encourait une sanction pénale

s’il cédait un bien de l’entreprise à l’une de ces personnes sans respecter les

conditions prescrites. Encore faut-il qu’il ait été de mauvaise foi, c'est-à-dire

ait su la qualité de l’interlocuteur. Ce qui est assez facile à vérifier.

Il est cependant curieux de constater que le législateur n’ait pas cru devoir

viser dans cette disposition les personnes à l’égard desquelles la cession de

tout ou partie de l’actif social n’est pas soumise à condition, mais plutôt

interdite. Il s’agit des employés du liquidateur, de son conjoint, de ses

ascendants ou descendants de l’article 214 AUPC. A notre sens, l’annulation

de la cession assortie éventuellement des dommages et intérêts devait

s’accompagner dans ce cas plus que dans l’autre, d’une sanction pénale,

telle qu’il a été prévu en cas de banqueroute.

120cass.crim.,8 novembre 1993, revue sociétés, 1994,p 298

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La dernière infraction est tirée de l’inobservation par le liquidateur de

l’exigence d’avoir à déposer à un compte ouvert dans une banque au nom de

la société en liquidation, dans le délai de quinze jours à compter de la

décision de répartition, les sommes affectées aux répartitions entre les

créanciers et les associés (article 903, al 5 AUPC). Il ne s’agit plus dans ce

cas de la répartition des biens de l’entreprise, mais plutôt de celle des biens

des associés et des tiers, la répartition ayant abouti à l’individualisation de

la part de chacun.

On s’achemine alors vers la clôture de la liquidation.

B. La protection après la liquidation :

Afin de s’assurer que les biens répartis de la défunte société parviendront à

leurs bénéficiaires, le législateur a imposé au liquidateur dans un délai d’un

an à compter de la clôture de la liquidation, le dépôt dans un compte de

consignation ouvert dans les écritures du trésor, les sommes attribuées à

des créanciers ou à des associés et non réclamés par eux.

C’est l’inobservation de cette prescription, qui est sanctionnée par l’article

902, alinéa 6 de l’acte uniforme.

D’aucuns peuvent trouver le délai d’un an au trop long.

Il s’explique néanmoins par la nécessité par le liquidateur de garder ces

sommes par afin de les représenter à tout moment à leurs propriétaires. Il

s’agit donc de sauvegarder l’intérêt bien compris de ces créanciers plus que

d’une opération de spéculation.

Au total, le législateur OHADA, afin d’assurer le milieu africain des affaires,

a créé de nouvelles infractions naguère prévues. Il se dégage de cette

législation, bien qu’incomplète, une nette tendance répressive. Cette

tendance devra être mieux précisée par les législateurs nationaux. C’est cette

précision que nous allons rechercher chez le législateur nigérien à travers la

répression de ces infractions qui va constituer la deuxième partie de notre

étude.

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Deuxième Partie : La répression des infractions par les juridictions

nigériennes

Le traité de l’OHADA, en son article 1er, rappelle qu’il a pour objet

« l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l’élaboration

et l’adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la

situation de leurs économies… ».

C’est donc sur les règles juridiques applicables que l’OHADA va agir pour

harmoniser les affaires dans l’espace qu’elle couvre.

Notre étude s’intéresse au droit pénal OHADA, plus particulièrement le droit

pénal des sociétés commerciales. Or, parmi les matières harmonisées, le

droit des sociétés tient la première place. Ainsi, y a t’il eu l’acte uniforme

relatif aux sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique, dont

le titre III traite des dispositions pénales.

Il faut tout de suite remarquer que l’harmonisation n’a pas été effective en

droit pénal OHADA, il reste encore des zones à défricher. En effet, tout en

posant les bases fondamentales des incriminations en droit des sociétés,

l’OHADA s’est contentée de créer des infractions auxquelles elle n’a pas

prévu de sanctions. Et, elle renvoie aux Etats parties la lourde responsabilité

de déterminer les peines applicables à travers l’article 5 du traité relatif à

l’harmonisation du droit des affaires : « … les actes uniformes peuvent

inclure des dispositions d’incriminations pénales, les Etats parties

s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues ».

Ce partage de compétence du droit pénal des affaires OHADA a suscité des

réactions dans la doctrine, car on assiste à un partage du phénomène

criminel, à celle de la politique criminelle. En effet, selon Marc Ancel, « si la

politique criminelle apparaît comme une stratégie méthodique de réaction

anti- criminelle, il est difficilement convenable de soumettre les deux

éléments de sa structure que sont le phénomène criminel et la réponse de

politique criminelle à une logique différentes ».

Pourtant, telle fut la méthode adoptée par le législateur OHADA.

Il faut rappeler que seize Etats ont ratifié le traité OHADA :

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80

Le Benin, le Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte

d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger,

Sénégal, Tchad, Togo, la RDC venait de faire son adhésion en octobre 2004.

Avant l’avènement de l’OHADA, le droit pénal nigérien des affaires était régi

par deux textes les plus importants : le nouveau code de commerce de 1992,

qui dans ses dispositions pénales prévoyait les infractions aux affaires

notamment les sociétés commerciale, et le code pénal (la loi N° 61-27 du 15

Juillet 1961). Néanmoins, d’autres textes d’incrimination existent, mais du

fait qu’ils n’intéressent pas notre étude, nous faisons de leur absence une

économie de temps.

Il s’agit en gros, de textes non unifiés amenant le juge nigérien à parcourir

les législations existantes pour pouvoir appliquer une sanction. C’est dans ce

contexte que le traité OHADA entre en vigueur dans les Etats parties en

général et au Niger en particulier. L’avènement du droit communautaire

aurait pu être une bouffée d’oxygène pour le juge répressif, partagé dans les

textes épars. Mais nous pouvons dire selon l’expression consacrée que « la

montagne a accouché d’une souris », le traité renvoyant aux Etats le soin de

déterminer les sanctions applicables aux infractions d’affaires.

Il faut indiquer qu’à ce jour, la majorité des Etats parties, le Niger compris,

n’ont toujours pas pris les sanctions correspondant aux incriminations

prévues.

S’agissant du Niger, les textes de base appliqués par les juges répressifs sont

les sanctions pénales prévues par le nouveau code de commerce (concernant

les dispositions qui ne sont pas contraires à la loi communautaire), et le

code pénal de 1961, ayant subi quelques adaptations. La compréhension du

renvoi du législateur communautaire nous amène à nous interroger sur le

choix de la compétence nationale à déterminer les sanctions (chapitre I), sur

la méthode de répression des infractions par le juge nigérien (chapitre II), et

enfin la procédure des voies de recours (chapitre III) nécessaire dans chaque

système juridique.

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Chapitre I : compétence nationale dans la détermination des sanctions pénales Comme nous l’avons dit précédemment, l’harmonisation envisagée par

le législateur africain n’a concerné que la détermination des comportements

répréhensibles. Il a donc renvoyé aux Etats parties d’organiser la répression

des comportements déterminés par l’acte uniforme. Même si la question a

suscité une réaction de la doctrine en Afrique, il faut quand même

reconnaître qu’il s’agit des questions pénales, et que celles-ci se situent « au

cœur même du sanctuaire de la souveraineté121 des Etats » .

En effet, le droit relève de la souveraineté et traduit la politique criminelle de

chaque pays pour combattre la criminalité. Cette politique dépend en grande

partie des valeurs et des réalités d’un peuple, car comme l’a dit Portalis, « la

lecture des lois pénales d’un peuple peut donner une juste idée cde sa

morale publique et de ses mœurs privées »122.

Aussi, le renvoi au législateur national de la sanction peut porter entorse à

l’article 10 du traité rendant les actes uniformes d’une applicabilité directe,

c'est-à-dire sans l’intervention des autorités nationales. En effet cette

applicabilité directe est mise en cause par l’intervention du législateur

national pour déterminer les peines.

Il ,s’agissait donc pour les Etats parties au traité de traduire dans les faits

leurs engagements en vertu de cette disposition et surtout éviter un vide

dans la répression : tel est aujourd’hui le chantier qui s’impose à chacun

d’eux. Néanmoins, il est cependant exceptionnel en droit pénal international,

que la norme de comportement et la norme de répression soient

exclusivement régies par le droit conventionnel. En général, le droit

international et le droit national procèdent à une allocation de compétence :

le premier énonce les normes de comportement et le second les normes de

répression. C’est le schéma adopté par le traité Ohada. Cependant, nous

nous sommes interrogés sur les motivations du législateur dans cette

121 Expression empruntée au Professeur Michel Virally,cours général de droit international public,rcdi,1983,t.183,p124 122 Portalis, cité par Abdoullah Cissé dans son observation sur le droit pénal des affaires ohada, dans : collection droit uniforme africain, 2002, bruyllan

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entreprise. Ainsi, dans ce chapitre ,nous avons envisagé d’étudier les

justifications apportées par le législateur et les auteurs(section1), ainsi que

la réception du droit conventionnel par le droit national(section2).

Section1 : Les justifications de l’attribution de compétence aux

états

Pour la méthode du renvoi législatif, l’OHADA a transféré aux états le soin de

trouver des sanctions aux incriminations contenues dans les actes

uniformes. Il s’agit selon Jacques Bore « une mobilisation du droit national

au service du droit communautaire »123, cependant une partie de la doctrine

conteste la pertinence d’une telle option. Mais on a tout de même tenter de

justifier l’attribution de compétence par des raisons d’ordre

juridique(paragraphe1) et des raisons d’ordre économique(paragraphe2).

Paragraphe1 : les raisons d’ordre juridique

Certains faits ne nous permettent pas d’accéder à certaines informations

notamment en ce qui concerne les actes préparatoires des textes. En effet,

certes le traité ohada a été signé en terre africaine, certes le code ohada

comporte un préambule manifestant la volonté des chefs d’états au

regroupement. Cependant, et selon des sources très concordantes, les textes

de l’ohada, notamment les actes uniformes ont été rédigés par des cabinets

privés français. En outre, le Niger, pays membre de l’ohada, n’a pas fini de se

mettre en conformité, notamment en ce qui concerne la détermination des

sanctions. Néanmoins, la tentative de révision ou d’insertion des sanctions

ont donné lieu à des exposés des motifs basés d’une part sur la différence de

système pénal des états signataires du traité(A) et sur l’option pour un

système libéral par l’ohada(B).

123 Jacques Bore « la difficile rencontre du droit pénal et du droit communautaire »,Mélanges en l’honneur d’André vitu, droit pénal contemporain,cujas, 1989,p25-49

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A .La différence de système pénal des Etats signataires

La principale raison invoquée par l’exposé des motifs sur les sanctions

pénales applicables aux infractions contenues dans les actes uniformes fut

la différence de système pénal des états parties aux traités. Ainsi la

principale préoccupation du législateur nigérien était de prévoir des peines

conformes à son système pénal, donc adapté à ses valeurs et ses réalités,

d’où la confirmation de l’affirmation de Portalis.

Telle fut, en quelque sorte la situation de chacun des pays membres de

l’OHADA. Cependant cette justification n’est pas à l’abri de critique. En effet,

tous les Etats membres ou presque tous, appartiennent à la même tradition

juridique héritée de la France, à l’exception de la Guinée Bissau et la Guinée

Equatoriale. Dès lors, on pouvait procéder par rapprochement de système

pénal pour aboutir à une homogénéité, partielle soit-elle. Ainsi, peut-on

rapprocher les pays de tradition juridique française à une même sanction

pénale, alors que les autres pouvaient envisager la leur qui paraît conforme.

Aussi, une seconde solution est envisageable, il s’agit de la possibilité par

exemple pour les Etats, de mettre en harmonie leur conception philosophico

juridique en vue de mettre en place un dispositif répressif commun tout en

laissant aux juges une marge d’appréciation permettant de moduler les

peines prévues au moment de leur application en fonction des

particularité&s de chaque espèce, ce qui serait « le plus conforme au

mouvement d’harmonisation qu’ils ont enclenché »124

B. L’option pour un système libéral pour l’OHADA

L’OHADA a opté pour un système libéral et c’est d’ailleurs une des raisons

pour lesquelles elle a accordé une certaine liberté aux Etats dans le choix de

leurs systèmes pénaux et conséquemment les sanctions encourues par les

contrevenants à la norme communautaire. Mais cette option libérale risque

124 Au Niger, la cour d’assises se compose de la cour proprement dite, et du jury ; la cour proprement dite comprend le president et deux conseillers ; le jury est composé de citoyens designés conformement aux dispositions du code de procédure pénale et appelés jurés.

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de créer des inégalités qui contreviendront à un principe général de droit,

qu’est l’égalité des justiciables devant les sujétions résultant des peines

appliquées. En effet, la mobilité et le besoin de circulation d’affaires

voudraient que la sanction soit unique pour tous et à l’égard de tous. Ainsi,

en matière d’infractions d’affaires, les amendes sont presque toujours

prononcées. Or, avec le système libéral OHADA, les amendes se

diversifieront en fonction donc du pouvoir d’achat des justiciables, car

soumettre le justiciable gabonais et le justiciable nigérien à une même

amende heurterait le principe de l’égalité de ces deux justiciables.

En outre, il faut préciser que la liberté de choix des peines à une portée

relative. En effet, cette liberté n’est pas absolue. Elle ne signifie pas en

réalité, faculté d’édicter des peines.

Elle s’étend donc comme la latitude de choisir la nature et les quantum des

peines. Ici les peines ne se limitent pas aux classiques peines principales

que sont l’emprisonnement et l’amende. Il existe à côté d’elles, des peines

dites complémentaires et même des peines de sûreté.

Ainsi l’OHADA dans certains cas, prévoit l’obligation ou la faculté pour les

tribunaux internes de prononcer certaines peines complémentaires.

C’est par exemple l’affichage et la publication des décisions de condamnation

au sens de l’article 246 de l’AUPCAP. L’on a aussi justifié l’attribution de la

compétence par des raisons économiques.

Paragraphe 2 : les raisons d’ordre économique

La reforme entreprise par les Etats africains dans le cadre était une réforme

non seulement juridique, mais aussi économique, comme le témoignent les

objectifs assignés à la loi communautaire.

EN effet, toutes les activités relatives au droit des affaires ont été régies par

la loi uniforme. Et les sanctions résultant de l’ordre public communautaire

ont été laissées à la discrétion des Etats. Pour ce fait, on a tenté de justifier

l’attribution par des raisons économiques qui tiennent aux disparités des

niveaux de développement économique des Etats (A) et aux coûts de la

justice (B).

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A. Les disparités des niveaux de développement économique des Etats

Selon l’article 1er du traité OHADA, l’objectif poursuivi par cette institution

est « l’élaboration et l’adoption de règles communes, simples, modernes et

adaptées à la situation de leurs économies ». Cela se signifie que les Etats

parties au traité OHADA, ont conscience qu’ils ne sont pas à un même

niveau de développement. D’où les disparités économiques dont il faudrait

tenir compte dans le projet communautaire.

Cette disparité flagrante est à la base semble-t-il du rattachement des

sanctions aux législateurs nationaux. En effet, il existe une différence

économique très poussée entre les Etats membres. Ainsi, tandis que certains

de ces Etats sont considérés comme le moteur économique, comme la Côte

d’Ivoire ou le Gabon, d’autres par contre subissent le poids de la dette

extérieure et succombent de leur marasme économique, c’est le cas de la

Guinée Bissau ou du Niger, ou encore la Guinée Conakry.

D’autres par contre ont pu prendre de l’avance et ont prévu des législations

similaires à l’OHADA, et ce qui leurs a permis d’être en avance par rapport

aux autre Etats. Le Sénégal constitue un exemple du genre.

Dès lors, dans ces pays, le législateur a voulu permettre à chaque Etat

membre d’organiser la sanction, car la réaction criminelle est fonction des

réalités sociales et du caractère de la gravité des actes ou comportements

répréhensibles dans la société. Ainsi, la peine appliquée à un dirigeant de

société pour une infraction portant sur le capital social ne peut être réprimée

de la même peine selon que les prévenus sont guinéens et gabonais, car à la

suite sanction pénale en matière des affaires, il y a toujours une amende qui

ne peut être fixée au même taux, ce qui ramène aussi à une disparité des

coûts de la justice.

B. Les disparités des coûts de la justice

La justice a un coût, un frais qu’il faut payer à chaque fois qu’on la réclame.

En matière civile, ce qui est supporté par les justiciables qui s’adressent à la

justice pour que le juge dise le droit. Mais ici, il s’agit non d’une atteinte à

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un droit personnel, mais à l’ordre public que les Etats s’engagent à protéger.

D’où il lui revient de supporter les coûts de la justice, car la justice pénale

est un monopole de l’Etat. Cependant les Etats membres ne sont pas tous

riches. C’est pourquoi, selon Abdoullah CISSE, « on pourrait interpréter la

nationalisation de la sanction pénale comme une manière de faire respecter

le droit issu de l’OHADA en fonction de leur capacité financière et

économique à prendre en charge le phénomène criminel ». Cette disparité

flagrante des niveaux de développement des pays membres de l’OHADA

semble être à la base du rattachement des sanctions aux législations

nationales. Cela signifie que les sanctions privatives de liberté ou celles

prononçant les amendes pénales seront fonction de la capacité d’accueil des

prisons et des revenus des prévenus selon le cas, mais également du poids

économique que le prévenu représente pour l’économie nationale, d’où

l’acceptation par certains Etats du « White colar criminal ».

En effet, même la disparité est présente dans les programmes politiques des

Etats, car à titre d’exemple, on ne peut compenser les dépenses budgétaires

allouées au Ministère de la justice en Guinée par rapport au Sénégal, le cas

du Niger ne saurait été cité ici dès que le pays bénéficie actuellement d’un

programme financé par les bailleurs de fonds dans le cadre de la reforme

judiciaire entreprise depuis 2000.

Cette situation de disparité n’est pas sans causer des soucis et inquiétudes

dans la doctrine africaine. En effet, la première peut du fait que, les Etats

risquent de privilégier les sanctions pécuniaires au détriment des sanctions

privatives de liberté, et financeront les programmes de lutte contre la

criminalité, ce qui reviendra un revers de la médaille. La conséquence est la

multiplication des amendes, et par suite de la criminalité.

Cependant il appartient malgré tout aux Etats de définir les sanctions. Alors,

il leur faudrait également maîtriser toutes les conséquences de cette option.

Ils sont certes habilités à prendre les sanctions qu’ils jugent opportunes

selon les objectifs de répression qu’ils se seraient fixés et les moyens à leur

disposition, mais cela peut aussi affecter le système pénal en général car,

tandis que certains Etats recourent à des législations pénales très tolérantes,

d’autres au contraire adoptent des sanctions très sévères.

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Deux explications peuvent être fournies à l’appui de ces hypothèses.

D’abord, l’un des objectifs de l’OHADA est d’assurer le retour des

investisseurs dans l’espace qu’elle régit, ce qui apparaît comme une

compétition entre Etats. Et pour attirer le maximum d’investisseurs, certains

Etats créeront ce qu’on appelle des « paradis pénaux » avec des législations

trop permissives.

D’autre part, l’OHADA a aussi pour objectif de mettre fin à l’insécurité

juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, ce qui conduira certains Etats à

la rigueur dans la sanction. Cependant et selon leur propension à la rigueur

ou à la flexibilité, les Etats choisiront les sanctions devant assurer le respect

de la norme communautaire, qui est corrélativement à l’origine des

disparités de sanctions pénales. Les conséquences sont multiples cependant.

En effet, les pays communément appelés « paradis pénaux », ou « pays

refuges »125 ou encore « forum shopping », seront à l’origine de la mise en

place de « vraies multinationales du crime avec des pays exportateurs et des

pays importateurs de la criminalité ».

C’est ce qui explique le développement de la criminalité transnationale avec

notamment la complexité liée à la décentralisation du pouvoir de décision et

à la dispersion des acteurs.

C’est pourquoi certains auteurs ont pensé que la nécessité de poser des

principes directeurs communautaires s’imposent, car il s’agit là de consacrer

des convergences et rapprocher les divergences par des règles juridiques et

des valeurs communes qui servent de référence.

Le professeur Delmas-MARTY126 une distinction de ces principes généraux

par :

- des « principes directeurs de confluences » inspirés ou imposés par la

France et la Belgique ;

- des principes directeurs de synthèse « qui tendent à concilier des

divergences » de conception. Pour y parvenir, on doit aboutir à une définition

des institutions qui font l’objet de divergence ;

125 Voir l’art 19 du règlement et procédure de la cour commune de justice et d’arbitrage, code commenté ohada,2è édition, 2002, p46. 126 Voir commentaire de jacqueline lohoues-Oble du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires, code ohada, p45

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- des règles supplétives lorsqu’il s’agit de combler les lacunes constatées.

La consécration de la société anonyme unipersonnelle est un exemple de

règle supplétive, la responsabilité des personnes morales fait l’objet d’attente

certainement. Peut être que ces principes aboutissent à une harmonisation

des sanctions malgré la cohabitation tumultueuse quant à la réception de la

norme communautaire par la loi nationale.

Section 2 : La réception de la norme communautaire par la loi

nationale en matière pénale.

A la veille de l’entrée en vigueur du traite OHADA, tous les Etats avaient

chacun une législation propre qui régissait les activités ayant fait l’objet

d’harmonisation, mais les caractéristiques que nous avons évoquées ayant

conduit à l’harmonisation des droits : vétusté, archaïsme, inadaptation etc.

Le 1er janvier 1998, entrait en vigueur l’acte uniforme relatif aux sociétés

commerciales et proprement d’intérêt économique, c’est donc selon

l’expression de Mr MOKOKO Frédy Cyriaque « du sang nouveau dans un

vieux corps »127

Le "choc de titans " produit par la rencontre du droit communautaire et le

droit interne des Etats n’est pas sans inconvénients sur la cohabitation qui

paraît tantôt conflictuelle.

En effet, le nouveau droit s’est heurté à la souveraineté des Etats parties au

traité, eu égard au rôle que joue le droit pénal dans la souveraineté de l’Etat.

Mais comment au demeurant, introduire le nouveau droit pénal de l’OHADA,

dans le droit interne de chacun des Etats parties au traité, notamment au

Niger ?

La méthode semble être décrite à travers la technique d’implantation de la

norme communautaire (paragraphe 1), affirmant par suite la supériorité de

la norme communautaire (paragraphe 2)

127 Bulletin ohada,n°1, Aout-septembre 2000,p4

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Paragraphe 1 : la technique d’implantation de la norme

communautaire

Avec le développement des relations entre Etats, les modèles extérieurs à un

Etat prennent pour celui-ci une importance primordiale.

Sur le plan technique, le Professeur Jean Pradel distingue deux formes de

rapprochements128: la première très classique est celle de la réception, en

vertu de laquelle, les gouvernants d’un Etat A accueillent, reçoivent le droit

d’un Etat B, et cela sans accord entre les deux Etats. La seconde forme, la

plus moderne, est celle de l’harmonisation entre les droits des divers Etats,

ces Etats mettent en commun certains principes à la suite d’un accord entre

eux. Telle fut la technique pour laquelle a opté le législateur OHADA, car il

s’agit de réduire les différences entre les droits, même si on considère

qu’elles « appauvrissent le domaine du droit pénal comparé », car les

ressemblances vont l’emporter sur les différences.

Ainsi, avec la montée de la criminalité, notamment sous sa forme

internationale, et avec le développement des relations entre les Etats, le

stade de la réception paraît dépassée. Les législateurs ne voulant plus

seulement s’inspirer d’autres expériences pour enrichir leurs droits, ils

envisagent en outre d’établir une certaine uniformisation ou harmonisation

entre leurs droits. Selon le professeur Jean Pradel, « le vieux rêve des

compatriotes et pas seulement des pénalistes serait de parvenir un jour à un

seul droit »129.

En outre, deux formes d’harmonisation peuvent être distinguées.

Il y a d’une part l’harmonisation modérée faite entre Etats signataires d’un

corps de principe, et d’autre part une harmonisation renforcée constituée

par des règles uniformes acceptées par un grand nombre d’Etats dans les

secteurs déterminés.

L’harmonisation des droits, notamment du droit pénal des affaires dans les

Etats membres de l’OHADA ne s’est pas faite sans difficulté. En effet, la

résistance des législations nationales a constitué le plus grand fossé à

franchir. De ce fait, la doctrine reconnaît deux techniques d’implantation du

128 J. Pradel,droit pénal comparé,2è édition,dalloz 2002,p214 129 Jean Pradel, voir op. cit ci-dessus

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droit communautaire (A) dans lesquelles le juge nigérien a opté pour son

choix (B).

A. Les techniques d’implantation des normes de comportement du

système OHADA en droit pénal interne :

Le droit conventionnel ne peut, sans l’appui sinon la collaboration du droit

interne, s’imposer au sein de la société étatique. Le droit interne a l’avantage

d’une forte organisation qui lui permet de s’imposer de manière autonome,

ce qui n’est pas le cas du droit international.

Ainsi, deux techniques s’offrent au législateur : la technique de la

reproduction (1) et la technique de l’intégration pour référence (2).

1. La technique de la reproduction :

Dans cette première hypothèse, il consiste pour l’Etat partie de

« recopier »130 dans la loi, la norme de comportement contenue dans la

convention (en l’occurrence l’acte uniforme) et y accoler la norme de

répression (la sanction) que l’Etat détermine lui-même.

Cependant cette technique a des avantages, mais aussi des inconvénients

comme l’avantage, elle permet de brasser dans un texte unique les des deux

normes que la seule lecture de la loi nationale permettra au justiciable de

connaître. Cependant, il faut noter qu’à ce jour, il semble que beaucoup de

ces Etats membres de l’OHADA n’ont pas pris les sanctions correspondantes

sauf le Sénégal par une loi qui date de 1998 ; le Niger en effet n’en a pas

encore décidé. On lui reconnaît aussi, une vertu psychologique. En effet, le

juge national, toujours plus à l’aise dans la législation interne aura le

sentiment sécurisant d’appliquer sa loi nationale. Mais l’inconvénient est

qu’elle peut donner le sentiment de la perte de son caractère propre et

prévalent de la disposition conventionnelle. D’où l’appel possible à la

technique de l’intégration par référence.

130 Michel Mahouve, dans le penant n°846, p92

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2. La technique de l’intégration par référence.

Ici, la loi interne se bornera de se référer à la disposition conventionnelle

posant la norme de comportement et à en sanctionner la transgression. La

formule est la suivante : la loi punira par exemple de telle peine, celui qui se

sera rendu coupable d’infraction aux dispositions de l’article….de l’acte

uniforme sur les sociétés et groupements d’intérêts économiques.

Son avantage est la révélation de l’origine internationale ou communautaire

de la norme de conduite. Cependant, elle ne rend pas la tâche facile aux

justiciables et aux tribunaux. En effet, ceux-ci seront obligés de se référer à

deux documents distincts : l’acte uniforme pour connaître le comportement

prohibé, et la loi nationale pour connaître la peine encourue.

En définitive, certains auteurs131, avaient pensé à la possibilité de concilier

les deux techniques en indiquant la norme de référence et sa substance. En

tout état de cause, chaque Etat partie a la latitude de choisir la technique

d’intégration des dispositions d’incrimination pénale OHADA dans son droit

interne et conséquemment choisir les principes qui s’y attachent, d’où

l’option du législateur nigérien.

B. L’option du législateur nigérien

Nous avions dit au départ, que l’éparpillé des textes, fait partie des raisons

de l’archaïsme du droit en vigueur dans les Etats membres de l’OHADA, et

conséquemment l’harmonisation des droits pour créer un environnement

juridique sain.

Ainsi, au Niger, la législation en matière pénale, concernant les activités

économiques était éparpillé à travers des textes divers. Ainsi, en matière de

société, la législation d’incrimination était contenu dans deux textes : le

nouveau code de commerce, livre relatif aux sociétés commerciales, et le

code pénal de 1961.

S’agissant du nouveau code de commerce, il ne convenait que les

incriminations relatives à la constitution des sociétés. Quand au code pénal

131 Michel Mahouve, op cit. penant, p93

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et s’agissant des infractions aux sociétés, il incriminait l’infraction d’abus

des biens sociaux par l’abus de confiance à l’image de l’ancien droit pénal

français. De même, l’infraction à la mort des sociétés est prise en charge par

le code pénal sous la notion de banqueroute.

Cependant, le problème se pose en ce que, l’acte uniforme est désormais le

droit commun des sociétés dans l’espace OHADA, pour l’heure le défi n’est

pas encore relevé malgré la mise en route de la norme communautaire.

Pour éviter donc un vide dans la répression, le code pénal a subi une

révision, mais sans grande ampleur, car c’est seulement l’infraction d’abus

des biens sociaux qui a été introduit et là, le législateur a opté pour

l’intégration par référence. Dès lors, on peut conclure que quand la reforme

interviendra au Niger, le législateur assurément adoptera cette technique car

les Etats résistent encore à l’introduction d’un droit communautaire qui

risque de leur ôter le seul élément de souveraineté à leur disposition, sauf

qu’ils ont encore la faculté de déterminer les peines applicables. Mais malgré

la résistance des droits nationaux, la supériorité de la norme

communautaire reste affirmée sur plusieurs plans.

Paragraphe 2 : L’affirmation de la supériorité de la norme

communautaire.

Dans leur processus d’harmonisation, le législateur OHADA est d’emblée

passé par la manière forte. En effet, l’article 10 du traité impose de façon

énergique la loi communautaire en ces termes : « les actes uniformes sont

directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant

toute disposition contraire au droit interne, antérieure ou postérieure ».

C’est donc l’option pour une technique des règles matérielles et non celles

des conflits.

Au delà des interrogations de la part de certains juristes africains sur la

dimension supranationale de l’OHADA(cfà djibril Abarchi cité en note), l’on

est en droit la place qu’occupe ce droit dans l’ordonnancement juridique

interne des Etats. La raison d’une interrogation est que le principe de légalité

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se trouve perturbé et surtout la compétence de l’organe législatif de l’OHADA

cause problème car le conseil des Ministres est l’organe de régulation.

Cependant, la volonté manifestée par les Etats pour harmoniser leur droit

est à ce pris. Ainsi, la supériorité de la norme communautaire peut être

affirmée sur le plan normatif (A) et sur le plan judiciaire (B).

A. Au plan normatif

Le droit de l’OHADA est matérialisé par des actes uniformes, véritables

normes supranationales sécrétées par la plus haute instance politique de

l’organisation, le conseil des ministres. Beaucoup de chercheurs se sont

interrogés sur l’étendue de cette supranationalité normative, notamment la

coexistence avec les normes de droit interne. Il y eut donc une cohabitation

tantôt pacifique (1), tantôt conflictuelle (2).

1. La cohabitation pacifique entre l’acte uniforme et le droit pénal

international

La cohabitation pacifique s’entend ici de l’existence de deux sources

parallèles régissant les mêmes situations. Elle résulte de la survivance de

certaines lois, préexistantes ou postérieures à celui-ci. En effet, l’existence

d’un acte uniforme dans une matière donnée ne fait pas obstacle à ce que les

législateurs nationaux continuent de légiférer dans le même domaine.

L’hypothèse où l’acte uniforme autorise les législateurs à légiférer sur des

points particuliers, qu’il laisse à leur compétence ne doit pas être prise en

compte en l’occurrence, puisqu ‘elle suppose que le législateur OHADA se

soit abstenu d’édicter des normes communes. En droit pénal OHADA cette

cohabitation est trop flagrante, car le législateur OHADA renvoie

expressément aux législateurs nationaux d’édicter les normes de sanctions.

Ainsi, au-delà des règles de fond, les règles de forme sont entièrement

laissées à la compétence du législateur national chargé d’élaborer la

procédure à suivre. Cependant la contrariété n’est pas admise dans l’édiction

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des normes par les législateurs nationaux. Selon Djibrilla Abarchi132, on peut

considérer qu il y a contrariété « lorsqu’une interdiction, une obligation ou

une permission est consacrée par un acte uniforme sans qu’il en soit ainsi

dans le droit interne et vice versa ».133. La cohabitation pacifique peut

également résulter du silence des actes uniformes sur certaines questions

relatives au droit des affaires. C’est le cas lorsque les législateurs nationaux

restent libres de prescrire des dispositions de droit interne qui leurs

paraissent utiles malgré le lien avec d’autres matières objet d’actes

uniformes. Quoi qu’il en soit, un ordre juridique résultant de la cohabitation

présente l’avantage pour les justiciables de choisir entre la juridiction

communautaire et la juridiction nationale de cassation. Mais l’inconvénient

provient d’incidents anachroniques de procédure liée à la résolution des

problèmes de contrariété. A l’heure actuelle, les tribunaux n’ont pas connu

beaucoup d’affaires en matière pénale, d’où l’absence de décisions

permettant de mettre en lumière la nature des incidents. Parfois, la

cohabitation est conflictuelle.

2. La cohabitation conflictuelle entre droit harmonisé et les autres

normes.

Le conflit peut résulter de l’incompatibilité entre les dispositions d’un acte

uniforme et les règles internes ou internationales.

En principe, le législateur a d’ores et déjà écarté toute possibilité de

concurrence du droit interne avec le droit communautaire à travers l’article

10 du traité. En vertu donc de cette primauté, le juge national doit appliquer

l’incrimination conventionnelle de préférence à l’incrimination interne

contraire, non compatible, car la sécurité juridique des justiciables du droit

communautaire est au demeurant à ce prix.

Dès lors, le conflit résulte de l’incompatibilité entre la norme communautaire

et la norme interne. Cependant, en matière, chaque droit national incrimine

en effet les comportements qui, à ses yeux sont d’une gravité telle qu’ils

132 D. Abarchi, Maitre de conférence à la faculté de droit , Université de Niamey(Niger). 133 Du meme auteur : « la supranationalité de l’ohada, revue Burkinabé de droit, n°37,1er septembre 2000.

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méritent une sanction pénale. Tout fait qui rentrerait dans ses catégories de

punissabilité, au-delà de sa source, serait dès lors de sa juridiction ; d’où

dans la sphère nationale, le droit interne bouche les trous d’impunité laissés

par le droit communautaire. Ainsi, plutôt qu’un conflit, c’est en d’autres

termes l’application du principe de subsidiarité du droit national par rapport

au corpus juris communautaire.

B. Au plan judiciaire

pour éviter aux juridictions nationales leur propre compréhension des actes

uniformes, ou même du traité, l’acte fondamental de l’OHADA a répondu à

ce souci de sauvegarder la logique du système en instituant une cour

commune de justice et d’arbitrage, car un « droit uniforme appelle une

jurisprudence uniforme ». Les compétences de la juridiction communautaire

mettent parfaitement en exigu la spécificité de son caractère supranational

(A). Cette supranationalité qui s’est traduite par la dévolution de certaines

attributions traditionnelles des juridictions supérieures à la juridiction

commune n’est pas sans soulever des difficultés qu’il convient d’examiner

(2).

1. La supranationalité liée à la compétence de la cour

La cour commune de justice et d’arbitrage composée de sept juges élus par

le conseil des Ministres de l’OHADA a pour attributions fondamentales, le

règlement du contentieux né de l’interprétation du traité de l’OHADA ou de

l’application des actes uniformes. Elle intervient également en matière

d’arbitrage sans être elle-même une juridiction arbitrale. De ces attributions,

celles relatives à l’application des actes uniformes retiendront

particulièrement notre attention dans le cadre de cette analyse portant sur la

supranationalité de l’institution. C’est en effet, à l’égard contentieux né de

l’application des actes uniformes que l’on appréhende mieux la suprématie

de son autorité sur les juridictions nationales. S’agissant de sa fonction

contentieuse, justement la cour commune de justice et d’arbitrage est régie

par une procédure particulière. En effet, lorsqu’elle casse une décision d’une

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juridiction national du fond, elle ne renvoie pas ; elle évoque et statue au

fond. Ses arrêts ont autorité de chose jugée et force exécutoire dans les Etats

parties au même titre que les décisions des juridictions nationales.

Ainsi, les juridictions nationales se trouvent déchargées de leurs

compétences traditionnelles en matière de droit des affaires.

Deux précisions permettent d’appréhender la supranationalité de la norme

communautaire :

-D’une part, les juridictions nationales de cassation lorsqu’elles sont saisies

doivent suspendre l’examen de la question qui leur est soumise si leur

incompétence est soulevé par un plaideur. L’article 16 du traité est assez

explicite à cet égard : « la saisine de la cour commune de justice et

d’arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une

juridiction nationale contre la décision attaquée », « une telle procédure ne

peut reprendre qu’après arrêt de la cour commune de justice et d’arbitrage

se déclarant incompétente pour connaître l’affaire ».

-d’autre part, si elles s’abstenaient malgré tout a rendu une décision, celle-ci

serait « nulle et non avenue » si la cour commune venait à les déclarer

incompétentes.

2. La problématique du transfert de compétence à la cour commune

de justice et d’arbitrage

L’article 14 du traité fixe la compétence ratione materiae de la cour commune

de justice et d’arbitrage. Mais cet article vise également les questions

s’intéressant à l’interprétation et l’application des actes uniformes.

Cependant, cette précision ne suffit pas à lever l’équivoque sur les limites du

contentieux relevant de la cour commune de justice et de juridictions

nationales ; « la confusion résulte découle des limites du droit des affaires ».

En effet, un plaideur peut parfaitement invoquer à la fois un acte uniforme

et une autre disposition de droit interne ; relatives aux matières définies

comme relevant du droit des affaires ou non. Le droit uniforme peut même

être invoqué de façon subsidiaire.

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Dans ce cas de figure, faut-il décider que le recours en cassation doit

nécessairement être porté devant la cour commune, ou doit-on au nom de la

subsidiarité du droit harmonisé reconnaître la compétence à la juridiction

nationale de cassation ?

Pareillement, on peut s’interroger sur la compétence de la cour commune

lorsqu’une matière est régie à la fois par une loi nationale et un acte

uniforme, dans les termes non contraires.

L’exemple se présente pour les pays disposant d’une législation récente en

matière de droit des affaires. C’est le cas du Niger où le nouveau code de

commerce, spécialement les derniers livres adoptés (livres III et IV) tiennent

largement compte de ce qui n’était à l’époque de leur élaboration que des

projets d’actes uniformes. En pareille hypothèse, les plaideurs disposent

finalement d’une option entre le droit interne sur la base duquel ils peuvent

fonder les moyens et introduire leur recours devant la cour suprême ou le

droit harmonisé qui peut servir d’appui pour justifier la compétence de la

cour commune de justice et d’arbitrage.

Rappelons ici que le traité n’interdit pas aux législateurs nationaux de

légiférer en matière de droit des affaires, il s’oppose seulement à la

contrariété entre les normes de droit interne et celles du droit

communautaire qui restent prépondérants en cas de conflit. Il y a donc

encore à parfaire les règles de compétence entre les juridictions internes de

cassation et la cour commune. Cela peut se faire par des dispositions

clarifiant davantage les solutions qui doivent prévaloir dans les situations

évoquées ici.

C’est donc dans toutes ces difficultés que les législations nationales en

l’occurrence la législation nigérienne organisent la répression des infractions

aux sociétés commerciales.

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Chapitre II : l’organisation de la répression des infractions en

droit nigérien

L’acte uniforme de l’OHADA renvoie aux Etats parties, d’organiser la

répression des infractions qu’il a déterminées. Dès lors, chaque Etat dispose

d’un large pouvoir pour déterminer la répression sans porter entorse à la

norme communautaire.

Le Niger, à l’instar de plusieurs Etats membres, n’a pas encore déterminé

une législation correspondante aux in fractions prévues par l’OHADA en

matière de sociétés commerciales. La reforme est très attendue par les

juristes et praticiens, ainsi que par la doctrine. Néanmoins, le législateur

nigérien n’a pas opté pour l’impunité. Ainsi, en rappel, nous avons dans

notre introduction, précisé que la législation nigérienne mettait l’accent sur

un droit économique du développement. Ainsi, en vue de protéger l’ensemble

économique, le droit pénal des affaires a déterminé une fourchette

d’infraction qu’il a appelé « les infractions à caractère économique ».134. Ces

infractions concernent l’ensemble du droit pénal des affaires notamment les

infractions aux lois et règlements douaniers, les infractions en matière de

commercialisation et du transport, les infractions au code pétrolier, les

infractions à la loi minière, les infractions à la réglementation des prix et la

concurrence, les infractions aux fraudes dans la vente des marchandises et

des falsifications de denrées alimentaires et produits agricoles, les

infractions en matière de délit de chèque, les infractions aux sociétés etc.

Cependant, toutes ces infractions sont régies par des textes spéciaux.

S’agissant des infractions aux sociétés commerciales, elles sont régies par

deux textes différents : d’une part, le livre IV du nouveau code de commerce

de 1992, et d’autre part, le code pénal en vigueur au Niger qui a connu

l’introduction du délit d’abus des biens et du crédit de la société qui était

méconnu en droit nigérien jusqu’à l’avènement du droit OHADA. cependant

toute la procédure de la répression en matière d’infraction à caractère

économique est régie par la loi 61-33 du 14 août 1961 instituant le code de

134 .Mémoire de maitrise soutenu par Kamaye Mahamadou à l’Université de Niamey sous le thème : « les infractions à la législation économiqe au Niger, juin 1998

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procédure pénale au Niger. Le même code réglemente les sanctions

applicables aux délinquants.

Mais, des raisons que nous avons évoquées dans notre introduction

notamment le temps matériel, les problèmes didactiques et le problème

d’uniformité des textes ne nous permettent pas, dans cette partie de notre

analyse, de préciser les peines correspondantes à chaque infraction aux

sociétés. Nous osons élargir cette recherche après la reforme à venir. Nous

nous attellerons à préciser le processus de déclenchement de la procédure

de poursuite des infractions aux sociétés (section 1) et les sanctions prévues

par le législateur nigérien (section2).

Section 1 : le déclenchement de la procédure

Lorsqu’une infraction est commise, la détermination de la responsabilité

pénale du délinquant et des sanctions qui lui sont applicables intervient au

cours d’un procès pénal. L’objet de celui-ci est essentiellement l’action

publique. Mais la victime qui a subi un préjudice du fait de cette infraction

dispose d’une action civile en réparation de ce préjudice et l’article 3 du code

de procédure pénale lui donne le droit de porter cette action civile devant les

juridictions répressives. Ainsi, l’action civile (paragraphe 2) peur constituer

l’objet secondaire du procès pénal dont l’action publique est l’objet principal

(paragraphe1).

Paragraphe 1 : L’action publique

Toute infraction à la loi pénale donne naissance contre son auteur à une

action, l’action publique (article 1er du code de procédure pénale). C’est

l’action répressive intentée par le Ministère public au nom de la société

contre le délinquant afin de le faire condamner à une peine tout au moins à

faire constater la culpabilité de la personne poursuivie. Cependant, il y a un

particularisme de la législation économique qui se manifeste au niveau de

l’action publique. Ce particularisme se manifeste dès l’étape préparatoire de

l’exercice de cette action publique, c'est-à-dire dès la recherche et la

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constatation des infractions (A). La constatation de l’infraction ordonne la

saisine du procureur de la République pour poursuivre (B), mais certains

évènements peuvent éteindre l’action publique (C).

A. La recherche et la constatation des infractions

Rechercher les infractions, les constater, en rassembler les preuves, en

identifier les auteurs et appréhender ceux-ci constituent l’un des rôles

essentiels de la police judiciaire en droit commun. Il en résulte que les

membres de la police judiciaire sont en principe seuls qualité pour dresser

les procès verbaux constatant des infractions. Cependant, la nature propre

des infractions économiques a rendu nécessaire en droit nigérien,

l’intervention d’un personnel plus spécialisé.135. Pour notre analyse, la

mission de la police judiciaire est prépondérante. Cependant, il faut signaler

que la police judiciaire est placée sous la direction du procureur de la

République.

L’expression de police judiciaire est utilisée pour désigner dans sa

signification légale, l’ensembles des missions confiées au service de police

judiciaire, de gendarmerie ainsi qu’aux fonctionnaires et agents de certaines

administrations.

Mais sa signification particulière la ramène au service de la sûreté nationale

que l’on désigne sous ces initiales "P.J".

Le législateur nigérien lui a assigné cinq missions :

- constater les infractions à la loi pénale ;

- rassembler les preuves ;

- rechercher les auteurs ;

- exécuter les délégations de juridiction d’instruction ;

- déferrer à leurs réquisitions.

En ce qui concerne la connaissance de l’infraction par la police judiciaire

avant l’ouverture de l’information, elle reçoit les instructions du procureur

de la République et de ses chefs hiérarchiques, les réquisitions et les

135 Il s’agit notamment : des agents de douane, les ingénieurs des services d’hydrocarbure, les agents assermentés de la direction des mines, les agents forestiers etc..

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plaintes et dénonciations ou effectue des constatations d’initiatives. Après

l’ouverture de l’information, les officiers de police judiciaires exécutent les

commissions rogatoires. Au Niger, le service judiciaire est structuré en deux

brigades : la première brigade est appelée brigade criminelle ; la deuxième

brigade est celle que l’on appelle brigade économique.

Elle est chargée de rechercher et constater des infractions plus spécifiques

qui ont un aspect économique. Cependant, bien que spécifique, cette brigade

n’arrive pas à couvrir toutes les infractions à caractère économique. C’est

pourquoi certaines institutions plus spécialisées ont été mises en place.136.

B. La mise en mouvement de l’action publique.

La poursuite se matérialise par le déclenchement de l’action publique à

l’encontre des complices et auteurs des infractions découvertes. C’est en

principe le procureur de la République qui prend les décisions nécessaires

en matière de poursuite à travers une double appréciation de la légalité et de

l’opportunité de la poursuite. Cependant, en matière de répression des

infractions et sociétés, et dans la plupart des cas, les commissaires aux

comptes sont chargés d’informer le procureur de la République des

irrégularités constitutives d’infractions prévues sinon ils encourent eux-

même une sanction pénale.

L’acte uniforme de l’OHADA a prévu une telle responsabilité des

commissaires aux comptes. C’est d’ailleurs le seul domaine où le législateur

communautaire a un peu touché aux règles de forme. Cependant, dans la

mesure où la législation en matière économique met en jeu des intérêts

souvent considérables, notamment en ce qui concerne les commerciales, et

par conséquent entraîner des conséquences néfastes pour les victimes, la

décision du Ministère publique est parfois subordonnée à la nécessité de la

plainte de la victime ou de l’administration intéressée.

136 Il s’agit de la loi 61-17 du 31mai 1961 sur le regime douanier ; de l’ordonnance n°92-037 du 21 aout 1992 sur l’organisation de la commercialisation et du transport de bois, L’ordonnance n°92-025 reglementant les prix et la concurrence

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La nécessité d’une plainte préalable de la victime répond en matière

économique à des préoccupations différentes selon les cas, mais entraîne

toujours les mêmes conséquences.

En effet, aux termes de l’article 377 du code pénal nigérien, « dans tous les

cas prévus au présent chapitre, le Ministère public ne pourra agir que sur

plainte de la partie lésée ».

Or, le chapitre en question intitulé « violations des règlements relatifs aux

commerce » concerne bon nombre des infractions économiques.

La plainte de l’administration intéressée est souvent requise. Il s’agit des cas

où les infractions sont constatées par des agents autres que ceux de la police

judiciaire. C’est le cas des commissaires aux comptes en matière de société.

En droit comparé, en France par exemple, la plainte préalable de

l’administration est requise dans le cas du contrôle de change en matière

économique(cf loi 2001 sur les régulations économiques).

Dans tous les cas, le Ministère publique ne peut décider une poursuite que

s’il y a une plainte formulée par la personne en l’administration qualifiée.

Cependant, en France la nécessité d’une plainte est parfois requise pour

mettre en mouvement, l’action publique, au Niger, il n’en est pas de même

de la nécessité d’un avis. En effet, au Niger, il n’existe aucun mécanisme si

on écarte le cas de la commission nationale de la moralisation de la vie

publique qui joue un rôle actif en matière pénale. Ainsi, aucun texte général

ou spécial ne commande au procureur de la République de demander

obligatoirement ou facultativement l’avis d’un organisme quelconque,

seulement au cours de la procédure, il peut demander des expertises.

D’ailleurs, il convient de noter que les commissions dans les cas où ils

existent ne sont pas associées aux poursuites, elles ont d’autres rôles. Il est

pourtant souhaitable de voir le législateur nigérien attribuer à de telles

commissions si elles existent, un rôle actif en matière pénale, et là où elles

n’existent pas de les créer et de leur attribuer un rôle. Une fois l’action

publique mise en mouvement, le Ministère public l’exerce, c'est-à-dire fait les

actes nécessaires pour obtenir la prononciation de la peine. Cependant au

cours de l’exercice de l’action publique, certains événements peuvent

provoquer l’extinction de celle-ci.

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C. L’extinction de l’action publique

Aux termes de l’article 6, al 1 et 3 du code de procédure pénale institué par

la loi 61-33 du 14 août 1961, l’action publique s’éteint soit par une cause

générale (mort du prévenu, prescription, amnistie, abrogation de la loi pénal,

autorité de la chose jugée), soit par une cause particulière expressément

prévue par la loi (transaction, le retrait de la plainte, le paiement d’une

amende fiscale).

Cependant dans le cadre de notre étude, une cause d’extinction attire notre

attention relativement aux infractions aux sociétés commerciales, il s’agit de

la prescription. Cette cause d’extinction a beaucoup alimenté la doctrine.

En principe, la prescription de l’action publique est de 10 ans pour les

crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contravention.

Cependant, le délit d’abus des biens sociaux présente un régime particulier

en droit français. En effet, le délit se prescrit par 3 ans normalement à

compter du jour où ont été commis les actes matériels délictueux. Mais, la

cour de cassation a retardé le point de départ au jour où les faits ont pu être

constatés137. Cependant, cette jurisprudence, très constatée, a été modifiée

récemment par deux arrêts de la cour de cassation de 1999 à 2001.

Désormais le délai ne concerne que le jour de la présentation des comptes

annuels en assemblée générale.

Paragraphe 2. L’action civile.

Elle constitue qu’un objet secondaire du procès pénal. En effet, la plupart

des infractions n’entraînent pas seulement le trouble social qui donne

naissance à l’action publique, mais aussi un préjudice dont la victime a le

droit de demander une réparation en exerçant une action civile. Cette action

en dommages et intérêts s’exerce soit devant les tribunaux civils, soit devant

les tribunaux répressifs appelés à statuer sur l’action publique. En matière

d’infractions économique, les règles relatives à l’action civile sont

137 cass.crim.,27juillet 1993,droit pénal 1994, comm.89

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principalement celles de droit de commun (A). Cependant, dans certaines cas

des spécificités peuvent être relevés (B).

A. Les règles de droit commun.

La réparation du préjudice qui est l’objet principal de l’action civile consiste

en une condamnation à des dommages et intérêts, à des restrictions ; aux

frais et dépens du procès.

Pour ce qui est de l’exercice de l’action civile, trois conditions doivent être

réunies pour que puisse être exercée l’action civile : il faut l’existence d’une

infraction punissable, cette infraction peut être un crime, un délit ou une

contravention. Ensuite, il faut qu’un préjudice actuel et personnel existe. Ce

préjudice est soit matériel, corporel ou moral. Enfin, la troisième condition

c’est le lien de causalité entre l’infraction et le préjudice. En effet, le

préjudice doit être la conséquence directe de l’infraction. Lorsqu’un

dommage résulte d’une infraction pénale, la personne lésée a, pour obtenir

réparation, le choix entre la voie civile et la voie pénale. La mise en

mouvement de l’action civile appartient à la victime qui s’adresse à la

juridiction civile ou à la juridiction pénale. Devant la juridiction civile, la

victime dirige son action comme elle l’entend, mais le principe « le criminel

tient le civil en état » ne peut être ignoré.

Cela veut dire que si dans une affaire la juridiction pénale se trouve saisie, le

tribunal civil surseoit à statuer jusqu’à la décision intervenue au pénal.

Devant la juridiction pénale, on distingue deux instants :

- soit l’action publique est mise en mouvement par le ministère public : la

victime peut alors intervenir au cours du procès pénal en se constituant

partie civile ;

- soit l’action publique n’est pas encore mise en mouvement, le ministère

public n’a pas encore connaissance de l’infraction : la victime en se

constituant partie civile, met en mouvement l’action civile et par le même fait

l’action publique. Elle procède soit par citation directe devant la juridiction

pénale (en cas de délit et contravention), soit par dépôt entre les mains du

juge d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile. La clôture

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de l’action civile s’effectue normalement par le jugement définitif, après

épuisement des voies de recours.

Cependant, l’action civile peut s’éteindre par certains évènements. Il en est

ainsi du désistement, la transaction entre la victime et l’auteur de

l’infraction ; l’acquiescement (adhésion expresse ou tacite de la décision

judiciaire) ; l’autorité de la chose jugée ; la prescription. Par contre, certains

événements n’atteignent pas l’action civile. Il en est ainsi du décès de

l’auteur, de l’amnistie. si en règle générale c’est le droit commun qui

s’applique en ce qui concerne l’action civile en matière d’infractions

économiques, dans certains cas, cette action civile présente des

particularismes.

B. Le particularisme de l’action civile en matière d’infractions aux

sociétés commerciales

Ce particulièrement se manifeste dans deux cas. D’abord en matière de droit

des sociétés par sociétés par l’existence d’une action sociale (1) ; et ensuite

l’indépendance de l’action en réparation par rapport au préjudice (2).

1. L’action sociale

Aux termes de l’article 2 du code de procédure pénale du Niger, « l’action

civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit, ou une

contravention, appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du

dommage directement causé par l’infraction ».

En application de cet article, toute personne ayant personnellement souffert

du dommage peut exercer l’action civile, devant les tribunaux répressifs. Les

sociétés étant personnes morales peuvent exercer l’action sociale lorsqu’elles

justifiant d’un dommage personnel, résultant directement d’une infraction

commise par exemple par un dirigeant. Or, la société étant constituée par

plusieurs (sauf dans le cadre d’une société unipersonnelle prévue par l’acte

uniforme de l’OHADA), toute atteinte à sa constitution, au cours de sa vie, et

en fin de sa vie, constitue un dommage direct.

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On peut au contraire, demander, dans une telle situation, qui aura qualité

pour représenter la société, sachant que en droit pénal des sociétés, les

infractions sont le plus souvent recensées parmi les organes dirigeants.

Dans une telle hypothèse, l’action civile peut être exercée au nom de la

société soit par des représentants légaux (un dirigeant le conseil

d’administration, les gérants ou en cas de liquidation par le liquidateur), soit

par les actionnaires s’ils y ont intérêt. C’est ainsi que l’article 84 du nouveau

code de commerce137 (dans ses dispositions pénales toujours en vigueur au

Niger, n’étant pas contraire à l’acte uniforme), en ses alinéas 3 et 4 dispose

que : « outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les

associés peuvent soit individuellement, soit en se groupant, intenter l’action

sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à

poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société à laquelle, le

cas échéant, les dommages intérêts sont alloués ».

Quant à l’article 275 du même code dispose en ses alinéas 1 et 2 que « outre

l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires

peuvent soit individuellement soit en se groupant l’action sociale en

responsabilité contre les administrateurs. S’ils représentent au moins le

vingtième du capital social, les actionnaires peuvent, dans un intérêt

commun, charger à leurs frais, un ou plusieurs d’entre eux de les

représenter, pour tant en demande qu’en défense l’action sociale ». A la

lecture de ces deux textes, il se révèle que les associés pour les sociétés à

responsabilité limitée, et les actionnaires pour les sociétés anonymes ont

donc le choix, lorsqu’ils le désirent, entre exercer l’action sociale

individuellement (action sociale ut singuli) ou se regrouper dans l’intérêt

commun pour exercer cette action. Mais pour les sociétés anonymes, le

vingtième du capital social est exigé par la loi. Outre l’action sociale, le

particularisme de l’action civile se manifeste aussi au niveau de

l’indépendance de la réparation du préjudice.

137 Cass. Crim., 27 juillet 1993, droit pénal 1994, comm.89

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2. L’indépendance de la réparation du préjudice par rapport à

l’action civile.

Il est des cas en matière d’infraction à caractère économique où la victime en

se constituant partie civile déclenche l’action publique, mais ne peut obtenir

réparation du préjudice. Inversement, certains textes consacrent la situation

contraire. En effet, le législateur affirme implicitement le principe de

constitution de partie civile sans réparation du préjudice en matière de

banqueroute car selon l’article 1106 du livre IV du nouveau code de

commerce relatif aux procédures collectives « la juridiction répressive est

saisie…. par constitution de partie civile

, soit par voie de citation directe du syndic ou de tout créancier agissant en

son nom propre ou au nom de la masse… ».

Mais le créancier qui s’est constitué partie civile ne peut avoir des dommages

et intérêts car si on lui octroyait une indemnité.

Cela rompait en sa faveur, l’égalité des créanciers dans la masse.

Seul le syndic, représentant de la masse, peut, ès qualité, obtenir des

dommages et intérêts.

Dans d’autres cas par contre, est établi le principe de la réparation du

préjudice sans constitution de partie civile. En effet, il est bien établi que la

victime, en raison de l’option qui lui offre le législateur138, peut demander

réparation du préjudice subi par la voie civile donc sans se constituer partie

civile devant la juridiction répressive.

En définitive, si l’action civile a pour but de réparer le préjudice subi par la

victime de l’infraction, l’action publique tend quant à elle à aboutir à une

sanction de l’infraction commise.

138 Ses dispositions non contraires à l’acte uniforme de l’ohada sont toujours en vigueur au Niger

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Section 2 : L’administration de la sanction en droit pénal nigérien

Si la culpabilité du délinquant a été établie, une sanction sera prononcée en

son encontre. Un particularisme se dégage cependant en droit nigérien de la

sanction, s’agissant des infractions économiques et cela à un double de vue.

En effet, d’une part les sanctions de droit commun apparaissent parfois

inefficaces parce que intervenant une fois le délit réalisé, à un moment où la

victime, déjà privée de ses biens, se trouve en présence d’individus

insolvables. D’autre part, ces sanctions sont inadaptées car elles peuvent

entraîner par ricochet des conséquences graves et imprévisibles. C’est alors

que le particularisme va se développer. D’abord, au niveau du but de la

sanction car il s’agit d’intimider, donc de prévenir plutôt que réprimer.

Ensuite, au niveau même des sanctions, aux sanctions présentant un

caractère personnel (paragraphe1), s’ajoutent des sanctions à caractère réel

(paragraphe2).

Paragraphe 1 : les sanctions personnelles

Même lorsqu’elle prévoit des sanctions frappant le condamné

personnellement la législation pénale en matière en matière économique

présente une certaine originalité car elle édicte certes des peines principales

(A), mais surtout elle réserve une place une place importance aux

interdictions professionnelles (B).

A.Les peines principales

Aux termes de l’article du 1er du code pénal du Niger, « l’infraction que les

lois punissent de peines de simple police est une contravention ; l’infraction

que les lois punissent d’une peine afflictive et infamante est un crime. ».

A la lecture de cet article, trois catégories de peines se dégagent : les peines

criminelles (1) ; les peines correctionnelles (2), et les peines

contraventionnelles (3).

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109

1. Les peines criminelles.

Outre l’article 1er du code pénal, l’article 5 du même code dispose : « les

peines afflictives et infamantes sont :

- la mort ;

- l’emprisonnement à vie ;

- l’emprisonnement de 10 à 30 ans ».

Cependant, depuis la correctionnalisation de la corruption (car avant, la

corruption était considérée comme un crime et punie comme telle). Il n’y a

plus de peines criminelles en matière d’infraction à la législation

économique ; en dehors de quelques délits qui, accompagnés des

circonstances aggravantes peuvent aller à 10 ans d’emprisonnement, c’est

le cas du récel. Mais en matière de droit des sociétés, une telle infraction

n’existe pas dans la législation répressive au Niger. Mais les peines

correctionnelles sont les plus abondantes.

2. Les peines correctionnelles

Elles sont les plus fréquentes. Cependant, cela n’est pas seulement dû à la

législation nigérienne, mais surtout à la norme communautaire qui a édicté

les infractions. En effet, toutes les infractions prévues par le législateur

OHADA sont de nature délictuelle eut égard à leurs éléments constitutifs que

nous avons étudiés auparavant. Et la conformité à la norme supérieure

voudra que les législations des Etats membres répriment les infractions sur

le terrain délictuel, car de la qualification dépend la sanction en droit pénal.

Cela dit, pour faire face à ces délits, le code pénal, en son article 6 dispose

que « les peines en matière correctionnelle sont :

- l’emprisonnement d’une durée supérieure à trente jours et inférieure à dix

ans ; sauf cas de récidive ou autres où la loi aura déterminé d’autres

limites ;

- l’amende ;

- l’interdiction à temps de certains droits civils, civiques ou de famille ».

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En matière d’infraction à caractère économique, la quasi totalité des peines

d’emprisonnement est correctionnelle.

A propos de l’accès aux affaires et aux termes de l’article 36 du nouveau

code de commerce, la violation d’une interdiction est punie d’un

« emprisonnement de trois mois à deux ans… ».

Dans le domaine de la vie des affaires, l’augmentation de capital des sociétés

à responsabilité limitée SARL (article 479 alinéa 2 du livre I du nouveau code

de commerce), l’abus de pouvoir qui existait dans le nouveau code de

commerce en son article 480, mais qui n’a pas été prévu par l’OHADA,

l’exercice irrégulier ou fautif des fonctions de commissaires aux

comptes(article 482 et 484 du nouveau code de commerce), l’inobservation

de délai par le notaire (art 485 du NCC), et l’omission des mentions

obligatoires (article 485 NCC) sont autant d’infractions punies d’une peine

correctionnelle.

Quant à l’échec des affaires, le délit de soustraction d’actif commis par le

liquidateur, la banqueroute et les délits assimilés…sont également punis

d’une peine correctionnelle (article IV nouveau code de commerce). Comme il

est à constater, il ne s’agit donc pas pour nous de donner la liste exhaustive

des infractions qui sont punies de peines correctionnelles, mais plutôt de

donner quelques exemples illustratifs. Outre l’emprisonnement, l’amende

constitue aussi une peine correctionnelle. Ici ils s’agit d’une simple amende

(sans emprisonnement) qui sanctionne certaines infractions. Par exemple à

propos de l’accès aux affaires, certaines infractions relatives aux opérations

de banque, à la création de certains établissements commerciaux sont

sanctionnées par des amendes.

Ainsi, l’article 52, alinéa 1er de la loi N° 90-18 du 6 août 1990 portant

réglementation bancaire dispose que « sera punie d’une amende de

2 000 000 Francs CFA) toute banque ou établissement financier qui aura

contrevenu à l’une des dispositions des articles 18, 27, 30, 40, et 42 ou des

dispositions des articles 44 et 45… ». Il s’agit là d’une sanction dans

l’établissement du certificat du dépositaire prévu par l’acte uniforme.

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111

Enfin, comme pour les peines d’emprisonnement ; il ne s’agit pas de donner

là aussi une liste exhaustive des amendes correctionnelles, mais seulement

quelques exemples illustratifs.

3. Les peines contraventionnelles ou de police

Les peines de police prévues par le code pénal nigérien comprennent

l’emprisonnement d’une durée de un à trente jours, l’amende de cinq cent

(500FCFA) à moins de cent mille (100 000) francs (art 400 CP).

Au-delà des peines, le législateur nigérien a prévu des sanctions ou

interdictions professionnelles.

B. Les interdictions professionnelles

le droit pénal frappe certains condamnés d’une mesure d’ordre professionnel

qui est l’interdiction d’exercer toute profession commerciale ou commerciale

individuellement ou à travers dévotion et le contrôle d’une société. Il faut

noter qu’il s’agit là d’une sanction à caractère un peu particulier puisque le

condamné qui contrevient à l’interdiction se rend par là même coupable

d’une nouvelle infraction pénale. En outre, la loi a prévu une autre

interdiction qui est de la même nature que celle prévue pour la profession

commerciale. Il s’agit de l’interdiction prévue par la loi sur la réglementation

bancaire. Mais, il faut déterminer les personnes visées par l’interdiction (1)

ainsi que les opérations concernées (2).

1. Les personnes visées par l’interdiction

L’interdiction concerne en matière de profession commerciale, deux

catégories de personnes. Il s’agit des failles non réhabilitées.

Ainsi, l’article 32, alinéa 1er du nouveau code de commerce dispose que «

l’exercice de la profession de commerçant directement par une personne

interposée, pour leur compte ou pour le compte d’autrui est interdit aux

faillis non réhabilités ».

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Ensuite la profession est interdite aux personnes ayant fait l’objet aux

termes de l’article 33 du code précité :

« 1. d’une condamnation définitive à une peine criminelle oui à une peine

d’emprisonnement sans sursis pour faits qualifiés crimes par la loi ;

2. d’une condamnation définitive à six mois d’emprisonnement au moins

sans sursis pour les délits suivants : banqueroute simple ou frauduleuse,

escroquerie, abus de confiance, la propriété intellectuelle, les sociétés

commerciales ou sur les obligations fiscales ».

En somme, l’interdiction vise d’une part, les faillis non réhabilités, et d’autre

part les condamnés pour crimes, certains délits d’honnêteté etc.

En matière bancaire, les dispositions de l’article 15 de la LOI N°90-18 du 6

août 1990 vise à interdire l’exercice de la profession bancaire à certaines

personnes : certains condamnés de droit commun ou pour certains délits

d’honnêteté ; les faillis non réhabilités, les dirigeants de société suspendus

ou démis.

2. Les opérations visées et sanctions de l’interdiction

En ce qui concerne la profession de commerçants, les opérations visées

sont : l’exercice de la profession commerciale ou industrielle directement ou

par personne interposée ou pour le compte d’autrui.

L’interdiction de toute fonction de fondation, de direction, de gérance,

d’administration ou de surveillance d’une société commerciale ; l’exercice des

fonctions de commissaires aux comptes. En ce qui concerne les interdictions

bancaires, elles se rapportent au fait : de diriger, d’administrer ou de gérer

une banque ou un établissement financier ou une de leurs agences ;

d’exercer la profession de banquier, de proposer au public, la création d’une

banque ou d’un établissement financier.

Quant aux sanctions des interdictions, elles varient selon les textes. Ainsi,

l’article 36 du nouveau code de commerce punit d’un emprisonnement de

trois à deux ans et d’une amende de 100 000 à 10 000 000 de francs ou de

l’une de ces deux peines seulement quiconque violera les interdictions

prévues aux articles 33 et 41.

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La loi n°90-18 du 6 août 1990 punit d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et

d’une amende de deux à 5 millions quiconque contreviendrait aux

interdictions édictées à l’article 15.

Toutes ces sanctions quelles soient principales ou qu’il s’agisse d’une

interdiction professionnelle, présentent traditionnellement un caractère

personnel. A côté de ces sanctions personnelles, il existe d’autres qui

présentent un caractère réel, car touchant le délinquant dans son

patrimoine.

Paragraphe 2 : les sanctions réelles.

Selon Mireille Delmas Marty, « l’expérience même de sanctions réelles

pourrait suspendre dans une matière où domine le principe de la

personnalité des peines », car « dans la mesure où la sanction n’atteint pas

directement l’auteur du délit… mais une chose liée à l’infraction, il en résulte

nécessairement de graves inconvénients pour toutes les personnes qui ont

des droits sur cette chose »139

En matière économique, deux sortes de sanctions ont été prévues par le

législateur nigérien : la confiscation (A) et la fermeture d’établissement (B).

A. La confiscation

C’est la mainmise par l’Etat sur un ou plusieurs biens appartenant à un

condamné. La confiscation générale (1) et la confiscation spéciale (2).

1. La confiscation générale.

C’est l’article 23 du code pénal nigérien qui traite du sujet. Il s’agit de la

mainmise de l’Etat sur tous les biens présents et à venir du condamné. La

confiscation générale est une peine criminelle complémentaire en matière de

crimes et délits contre la sûreté de l’Etat. En effet, l’acte uniforme de

l’OHADA a prévu la création de société unipersonnelle soit à responsabilité

139 Voir les arts 3et 4 : option pour exercer l’action civile soit en meme temps que l’action publique, soit séparement.

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limitée, soit la société anonyme unipersonnelle. Cette possibilité agrandit la

masse des éventuels condamnés notamment les faillis qui, du fait de leur

appartenance à une entreprise personnelle, abusent de la gestion et tombent

sous le coup de la loi pénale.

Le patrimoine confisqué est vendu par les soins de l’administration des

domaines.

Cependant la confiscation risque de porter atteinte au principe de la

personnalité des peines et de se représenter sur d’autres personnes que sur

le condamné. Afin de limiter le plus possible ces effets, le législateur a décidé

que les biens confisqués seraient grevés des dettes du condamné ayant date

certaine, afin que les créanciers n’aient pas à souffrir injustement de la peine

infligée à leur débiteur. A côté de la confiscation générale, il existe des

confiscations spéciales qui portent sur une chose déterminée appartenant au

condamné dont la propriété est transférée à l’Etat.

2. La confiscation spéciale.

Selon le but poursuivi par le législateur, la confiscation spéciale peut se

présenter sous trois aspects : une peine, une mesure de sûreté ou une

mesure de réparation. La confiscation est une peine simple lorsqu’elle porte

sur des objets dont la possession est licite, donc lorsqu’elle a pour but

exclusif la répression du délit.

Ainsi, en cas de violation des interdictions de l’article 36 (NCC) prévoit, outre

une peine d’emprisonnement et d’amende qui pourra être prononcée en cas

de récidive, la confiscation du fonds de commerce ou des marchandises. Ici,

l’hypothèse n’est possible qu’en ce qui concerne l’entreprise unipersonnelle.

La confiscation doit être considérée comme une mesure prise dans l’intérêt

du particulier lésé : mesure préventive d’abord destinée à empêcher que le

délinquant, resté en possession de l’objet, ne soit porté à s’en servir

contrairement aux droits des victimes ; mesure de réparation ensuite

destinée à déterminer les victimes.

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B. La fermeture d’établissement.

La fermeture d’établissement ou de fonds de commerce est l’interdiction faite

à une entreprise de poursuivre son exploitation. C’est une mesure que

certains textes permettent de prendre à l’encontre d’un établissement qui a

servi de cadre à la commission d’infractions. La fermeture d’entreprise ou

d’établissement entraîne des conséquences injustes et graves car, d’une part

elle prive d’emploi le personnel de l’entreprise, même s’il est innocent des

fautes commises par les dirigeants ; d’autre part, elle interrompt les rentrées

des recettes nécessaires au payement ces fournisseurs.

La diversité des cas de fermeture n’empêche pas d’en chercher la nature

juridique.

S’agissant des cas de fermeture d’établissement, celui-ci peut résulter soit

pour sanctionner directement une infraction pénale, soit pour sanctionner le

non respect d’une interdiction professionnelle. C’est ce que révèle de façon

implicite l’article 13 de la loi n° 90-18 du 6 août 1990 portant réglementation

bancaire au Niger.

Mais quelle est la nature juridique de la fermeture de fonds de commerce ou

d’entreprise ?

Obligatoire ou facultative, temporaire ou définitive, susceptible ou non de

servir de fondement à la définition d’une nouvelle infraction, la fermeture

d’établissement apparaît toujours comme la sanction du délit pénal(d élit

simple ou résultant lui-même du non respect d’une interdiction

professionnelle).

Mais l’on peut hésiter à la désigner comme peine complémentaire (et non

accessoire, puisqu’elle n’est pas encourue de plein droit du fait de la

condamnation et doit être prononcée par le juge, obligatoirement ou à titre

facultatif), ou comme une mesure de sûreté. Sans doute, faut-il choisir la

seconde conception, en raison du but plus préventif que répressif

poursuivi ?

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116

Chapitre III : Les voies de recours

Au Niger, l’organisation judiciaire est régie par la loi n°62-11 du 16 mars

1962 portant organisation judiciaire et la compétence des juridictions du

Niger. Cette loi a consacré l’unité de juridiction. En effet, pendant la période

coloniale, une distinction était faite entre les juridictions administrative et

judiciaires. Mais depuis l’accession à l’indépendance, le législateur nigérien a

consacré l’unité de juridiction pour des raisons pratiques. Ainsi, cette loi

prévoyait :

-des juridictions du 1er degré

-des juridictions du second degré

-et une juridiction de cassation

En matière pénale, et conformément à la classification des infractions opérée

par l’art 1er du code pénal en vigueur au Niger, le code de procédure pénale a

institué la cour d’assises pour connaître les infractions qualifiées de crime,

des tribunaux correctionnels pour les infractions qualifiées de délit, des

tribunaux de simple police pour les contraventions, et des cours d’appels en

matière correctionnelle et contraventionnelle. Enfin la chambre judiciaire de

la cour suprême pour les pourvois en cassation. La particularité de cette

étude c’est la présence d’une autre juridiction de cassation

communautaire(ccja) qui constitue la juridiction suprême de l’espace

communautaire ohada. En matière pénale, la compétence de la cour

commune de justice et d’arbitrage cause un problème en dépit du fait que le

législateur a donné la faculté ou l’obligation d’édicter des normes de

sanctions à l’échelle nationale des Etats parties au traité. Cependant, et

conformément à la tradition consacrée en droit judiciaire privé, l’étude des

voies de recours nécessite une bonne connaissance de l’ordre judiciaire d’un

système juridique donné. Ceci nous amene à examiner d’une part les voies

de recours dans l’ordre juridique nigérien (section1) et d’autre part porter un

regard sur la compétence exclusive des juridictions répressives nationales

(section2).

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117

Section 1 : Les voies de recours dans l’ordre juridique nigérien

Tout système judiciaire apporte comme garantie aux justiciables la

possibilité de contester une décision de justice tant que la décision n’est pas

rendue en dernier ressort. Cette contestation par voie judiciaire se fait à

travers les voies de recours. Les voies de recours sont des garanties

apportées aux justiciables conformément au principe des droits de la

défense. Historiquement, l’exercice des voies de recours dans les pays

indépendants d’Afrique , notamment au Niger, était restreinte à des cas

particuliers. Par la suite, il y eut une extension de celui-ci à tous les

domaines dès lors que le pays est partie à plusieurs conventions

internationales, notamment la déclaration universelle des droits de l’homme

et le pacte international sur les civiques politiques. A l’origine de cette

garantie, il faut rappeler qu’une erreur judiciaire est toujours infiniment

regrettable. En matière pénale, ses conséquences sont particulièrement

redoutable puisque « la liberté ,l’honneur et le patrimoine des citoyens sont

en jeu ». Il est donc naturel que le code de procédure pénale nigérien ait

entouré l’administration de la justice pénale du maximum de garanties et ait

ouvert aux justiciables des voies de recours efficaces afin de leur permettre

de faire reformer des décisions de justice qui porteraient atteinte à leurs

droits. En effet en matière de société, une sanction pénale , fusse-t-elle par

erreur, entamerait la crédibilité d’un dirigeant de société d’abord, et celle de

la société ensuite. S’agissant du droit des sociétés commerciales, depuis

l’entrée en vigueur du traité ohada, les législations nationales des Etats

membres connaissent deux voies judiciaires car , une cour commune de

justice et d’arbitrage (ccja) a été crée pour régler les différends nés de

l’application du droit communautaire . Dès lors, dans l’étude des voies de

recours,en droit nigérien , nous ne pouvons ignorer la fonction

juridictionnelle de la cour commune de justice et d’arbitrage (paragraphe2)

dans l’examen de la compétence des juridictions nationales (paragraphe1).

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Paragraphe1 : La compétence des juridictions nationales

La loi n°62-11 du 16 mars 1962 constitue la base de l’organisation judiciaire

de la république du Niger, après les indépendances. Cette même loi organise

la compétence des juridictions nationales. Il faut noter qu’il s’agit d’un

système d’unité de juridiction adoptée après les indépendances car avant

cette époque, le colonisateur a fait la distinction entre juridiction

administrative et judiciaire. Ensuite, cette même loi s’est contentée de

déterminer l’ordre des juridictions, mais tout en mettant l’accent sur la

compétence de chaque juridiction en matière civile , pénale et

administrative. Ainsi, allons nous traiter de l’ordre des juridictions en

matière pénale(A), ainsi que de la pratique des voies de recours devant ces

juridictions(B).

A.L’ordre des juridictions en matière pénale :

La nomenclature des juridictions opérée par la loi 62-11 a distingué trois

catégories :

-les juridictions du 1er degré(1)

-les juridictions du second degré(2)

-et les juridictions de cassation(3).

1. les juridictions de 1er degré :

La loi nigérienne a prévu plusieurs catégories, mais une classification est

possible. Elle peut être fondée sur le critère tiré de la compétence et on

distingue les juridictions de droit commun et les juridictions d’exception ;

soit sur le critère de l’organisation et on distingue les juridictions ordinaires

et les juridictions spécialisées. Cependant, quelque soit le critère adopté, les

juridictions en matière pénale répondent aux critères de classification des

infractions opérées par le code pénal nigérien en son art1er « l’infraction que

les lois punissent de peine simple police est une contravention ; l’infraction

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que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit ; l’infraction que

les lois punissent d’une peine afflictive et infamante est un crime ».

En fonction de ce critère, il y a en procédure pénale nigérienne, le tribunal

de simple police, le tribunal correctionnel, la cour d’assises.

Toutes ces juridictions sont soit ordinaires soit spécialisées.

- les juridictions ordinaires : s’agissant de ces juridictions, il en existe deux

catégories prévues par la loi 62-11, mais ayant fait l’objet d’une modification.

Ainsi les justices de paix instituées par la loi 62-11 ont été remplacées par

les délégations judiciaires, et les tribunaux de 1ère instance par des

tribunaux régionaux auxquels sont rattachées des sections détachées,

depuis l’ordonnance n°99-16 du 4 juin 1999, portant modification de la loi

62-11 du 16 mars 1962.

La compétence de la délégation judiciaire en matière pénale reste régie par la

loi 62-11 en son art61. Cet article donne compétence aux délégations

judiciaires pour juger les délits et contraventions de simple police

concurremment avec les tribunaux régionaux. Ces délégations judiciaires

ont également compétence pour procéder à l’information préparatoire sur

tout crime ou délit. Notons que le véritable inconvénient de ces délégations

judiciaires c’est qu’elles statuent à juge unique, ce qui n’est pas sans causer

des problèmes de garanties quant aux jugements qu’elles rendent. En effet,

devant ces juridictions, le magistrat unique assure les fonctions

d’instruction, de poursuite et de jugement. Avec l’avènement du droit

communautaire, le Niger a entrepris des reformes judiciaires qui sont

actuellement en cours avec le concours des partenaires extérieurs. Cette

reforme prévoit justement la refonte de la composition des juridictions et

permettre la mise en œuvre d’une véritable garantie. Quant aux tribunaux

régionaux, ils ont été remplacés les tribunaux de 1ère instance institués par

la loi 62-11.

En matière de compétence, les tribunaux régionaux sont compétents

concurremment avec les délégations judiciaires. Cependant, ces tribunaux

présentent plus de garanties car comprenant un président, un vice-

président, et un ou des juges. Les tribunaux régionaux peuvent être tantôt

juge de 1er degré, tantôt juge d’appel. Dans sa première attribution, le

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tribunal régional est considéré comme juridiction de droit commun . Dans ce

cas, l’art61 de la loi 62-11 lui est applicable en matière de compétence

pénale. Cet article stipule que « sous réserve des compétences d’exception en

1ère et dernier ressort(cour suprême, cours d’appels, et délégation judiciaires,

cours d’assises), compétences d’exception en 1er ressort(tribunal du travail),

en dehors de ces cas, toutes les affaires sont de la compétence du tribunal

régional en toute matière ».

Ainsi, donc ils sont compétents concurremment avec les délégations

judiciaires en matière de délit et contravention. La deuxième attribution du

tribunal régional fait de lui juge d’appel ; Ainsi, exceptionnellement, le

tribunal régional peut statuer en appel conformément à l’art 67 de la loi 62-

11. Il connaît surtout en appel les décisions rendues par les délégations

judiciaires.

-les juridictions spécialisées : il s’agit notamment en matière pénale , de la

cour d’assises. C’est elle qui correspond à la troisième classification opérée

par l’art1er du code pénal nigérien. Conformément au code de procédure

pénale, il est tenu au niveau de chaque tribunal régional des assises pour

juger les affaires instruites dans le ressort de ce tribunal. Aux termes de l’art

223 du code de procédure pénale, « la cour d’assises a plénitude de

juridiction pour juger les prévenus renvoyés devant elle par l’arrêt de mise

en accusation… ».

Cependant, la particularité de cette cour, ce que les décisions qu’elle rend ne

sont pas susceptibles d’appel.

2. les juridictions du second degré :

Il s’agit des cours d’appel. La loi n°62-11 n’a institué qu’une seule cour

d’appel au Niger, celle de Niamey. Cependant, depuis l’ordonnance n°93-05

du 15 septembre 1993, qui a modifié l’art 39 de la loi 62-11, il ya deux cours

d’appel au Niger : la cour d’appel de Niamey, dont le ressort s’étend aux

regions de Tillabéry, Dosso, Tahoua, et la communauté urbaine de Niamey.

Celle de Zinder, s’étend aux régions de Zinder, Maradi, Diffa, et Agadez ;

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121

En matière pénale, la cour d’appel peut siéger en chambre correctionnelle, et

en chambre d’accusation ; Ce sont essentiellement des juridictions d’appel

sur :

-les décisions rendues par les délégations judiciaires ;

-les décisions rendues en 1er ressort par les tribunaux régionaux.

Les cours d’appel connaissent également les appels contre les décisions du

juge d’instruction par le canal de la chambre d’accusation.

3. les juridictions de cassation :

La cour suprême est la juridiction de cassation par excellence au Niger.

Cependant, depuis l’entrée en vigueur du traité ohada instituant une cour

commune de justice et d’arbitrage, l’étude des juridictions des Etats parties

ne peut ignorer cette juridiction de cassation. S’agissant justement de la

cour suprême du Niger, elle est régie par la loi n°2000-10 du 14aout 2000.

La cour suprême dans ses formations juridictionnelles, rend des arrêts.

Mais il faut rappeler que la cour suprême du Niger était divisée en chambre.

Ainsi, la chambre judiciaire connaît toutes les affaires en matière civile, et

commerciales. En matière pénale, l’art 32 de la loi 2000-10 fixe ses

attributions. Ainsi, la chambre judiciaire se prononce sur le pourvoi en

cassation, sur un renvoi d’un tribunal à un autre, ou sur les demandes en

révision en matière pénale ; Les attributions de la cour suprême sont

énormes car en tant que juge de cassation en matière pénale, la chambre

judiciaire est compétente pour les pourvois en cassation contre les décisions

rendues en dernier ressort en matière pénale. Néanmoins, la cour suprême

est considérée comme juge de droit commun car tous les pourvois sont

portés devant elle. Elle n’est cependant pas un troisième degré de juridiction

puisqu’elle n’apprécie pas le fond des litiges, elle se contente de contrôler la

régularité au droit. La cour commune de justice et d’arbitrage est aussi une

juridiction de cassation dans l’espace ohada. Elle fait partie des institutions

prévues par le traité ; cette cour est composée de sept(7) juges élus pour

sept(7) ans renouvelable une fois ; La cour a son siège à Abidjan( République

de Cote d’Ivoire), mais peut se réunir sur le territoire d’un autre état avec

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son accord (art 19 du règlement ccja) ; La cour commune a trois

attributions : d’abord consultative, ensuite juridictionnelle, et enfin en

matière d’arbitrage.

S’agissant de ses attributions juridictionnelles, notons que la cour se

prononce sur les décisions rendues en dernier ressort en application des

actes uniformes. Cependant seules les décisions appliquant des sanctions

pénales échappent à la cour . Les pourvois sont portés devant elle soit

directement par l’une des parties à l’instance140, soit, la juridiction nationale

saisie des questions mettant en cause l’application des actes uniformes. De

même, l’art 18, al1 prévoit que « toute partie qui après avoir soulevé

l’incompétence de la juridiction nationale statuant en cassation, estime que

cette juridiction a méconnu la compétence de la cour, peut saisir cette

dernière dans le délai de 2mois à compter de la notification de la décision ».

La particularité de cette cour, ce qu’elle ne fait pas de renvoi quand elle est

saisie ; Elle examine de ce fait le fond conformément à la loi nationale. Ainsi,

ses arrêts ont l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire, et reçoivent

une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions qui

émanent des juridictions nationales ; Mais la pratique des voies de recours

va ressortir la hiérarchie.

B. La pratique des voies de recours en matière de droit des

Affaires :

L’étude de cette pratique des voies de recours nous amené à opérer une

hiérarchisation des juridictions pénales au Niger. Ainsi, en matière pénale,

comme nous l’avons dit ci-dessus, les délégations judiciaires sont

compétentes en cas de délits et contraventions concurremment avec le

tribunal régional. Le code de procédure pénale du Niger a prévu tout comme

le droit français, les voies de recours suivantes : l’appel, l’opposition, et les

pourvois. S’agissant de l’appel, deux juridictions reçoivent les appels en

matière pénale : la cour d’appel de Niamey et celle de Zinder . Quant aux

décisions, la cour d’appel est saisie en cas de délit ou de contravention ayant

140 Voir M. Delmas Marty, droit pénal des affaires, tome 1, puf, 1990, p302

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123

fait l’objet d’un jugement devant la délégation judiciaire ou le tribunal

régional ou sa section. Le délai d’appel est de dix jours à compter du

prononcé du jugement. Quant aux crimes, ils sont de la compétence de la

cour d’assises. Cependant, il faut signaler qu’en procédure pénale

nigérienne, les décisions rendues par la cour d’assises ne sont pas

susceptibles d’appel, ce qui constitue une insécurité juridique à notre avis

pour les justiciables . Mais certains auteurs avaient avancé la raison que la

décision de la cour d’assises doit être considérée comme une décision du

peuple à cause de sa composition141. Outre l’appel, il y a l’opposition qui

concerne aussi les délits et contraventions, ainsi que les crimes. Cette voie

de recours est exercée généralement devant le tribunal ayant rendu le

jugement car il s’agit d’un jugement au cours duquel le condamné n’a pas

été à même de présenter ses moyens de défense suite à son absence au

procès. Il y a devant la cour suprême, notamment la chambre judiciaire, le

pourvoi en matière pénale. La cour suprême reçoit les pourvois formés

contre les décisions rendues par les délégations judiciaires et les tribunaux

régionaux, ainsi que celles rendues par les cours d’appel. Il faut ajouter que

les décisions rendues par la cours d’assises sont également susceptibles de

pourvoi devant la cour suprême. Il existe deux sortes de pourvois : le pourvoi

dans l’intérêt de la loi et le pourvoi dans l’intérêt des parties. En matière de

droit pénal des affaires, le 1er répond au souci de moralisation de la vie des

affaires qu’a entrepris l’ohada dans ses dispositions pénales relatives aux

sociétés commerciales ; le second quant à lui répond au but de protection

des épargnants, des associés, des fournisseurs, et même des tiers de la

société, mais aussi de la société elle-même . La cour suprême n’est pas un

troisième degré de juridiction, elle statue sur la conformité au droit et

renvoie le fond du litige aux juridictions. Il existe cependant une autre

juridiction de cassation : la cour commune de justice et d’arbitrage dont

l’examen de sa fonction juridictionnelle va nous édifier d’avantage.

141 voir mémoire de maitrise en droit privé que nous avons soutenu sous le thème « la contribution des voies de recours au renforcement ces droits de la defense dans le procès pénal au Niger », Université de Niamey, novembre 2002.

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124

Paragraphe 2 : la fonction juridictionnelle de la cour commune de

justice

L’art 3 du traité ohada prévoit cinq institutions pour la mise en harmonie

des droits des Etats-parties au traité : le conseil des ministres, le secrétariat

permanent, l’école régionale supérieure de magistrature, et la cour commune

de justice et d’arbitrage.

Ainsi, un des objectifs de l’ohada, affirmé tant dans le préambule que dans le

corps du traité est de promouvoir le règlement des différends naissant de

l’application des actes uniformes par le recours à l’arbitrage. L’institution de

l’arbitrage a pour but de lutter contre « le monopole actuel qui voit la plupart

des procédures d’arbitrage se dérouler en Europe ou en Amérique, même

lorsque les litiges opposent un Etat africain à une entreprise étrangère au

continent et qu’elles sont relatives à l’exécution d’un contrat soumis au droit

dudit Etat ». C’est ainsi qu’a été conçu un système d’arbitrage placé sous

l’égide de la cour commune de justice et d’arbitrage, régie par les arts 21 à

25 du traité et les dispositions du règlement d’arbitrage de la ccja du 11mars

1999 pour les modalités procédurales. La cour commune de justice et

d’arbitrage est composée de sept juges pour sept ans renouvelable une fois.

Les juges sont des ressortissants des Etats membres de l’ohada. Ils sont

choisis parmi les magistrats ayant 15 ans d’exercice au moins et ayant

exercer de hautes fonctions juridictionnelles, ou parmi les avocats inscrits

au barreau de l’un des Etats parties ayant au moins 15 ans d’expérience ; et

enfin être professeur de droit ayant au moins 15 ans d’expérience. La cour

ne peut comprendre plus d’un ressortissant d’un Etat ; La cour a son siège à

Abidjan, mais « elle peut se réunir sur le territoire d’un autre Etat avec

l’accord préalable de cet Etat »142. La cour a trois attributions que sont en

matière consultative, juridictionnelle, et en matière d’arbitrage. Cependant,

la matière juridictionnelle constitue notre objet d’étude. Mais, faut-il voir

d’abord le mécanisme de saisine de la cour(A) avant de voir l’exercice de la

fonction juridictionnelle de la cour(B).

142.voir art 19 du reglement de procédure de la cour

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A.la saisine de la cour commune de justice et d’arbitrage :

La cour commune de justice et d’arbitrage reçoit les pourvois en cassation.

Aux termes de l’art 15 du traité, « les pourvois en cassation sont portés

devant la cour commune de justice et d’arbitrage, soit directement par l’une

des parties à l’instance, soit sur renvoi d’une juridiction nationale statuant

en cassation saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à

l’application des actes uniformes ». Cette disposition détermine les personnes

pouvant former des pourvois. Il s’agit notamment de l’une des parties à

l’instance, et c’est l’hypothèse la plus fréquente, ensuite, la juridiction

nationale de cassation sur arrêt de renvoi. Cependant, seuls quelques arrêts

de renvoi sont arrivés à la cour143. cette absence ou réticence s’explique

probablement par la résistance des juridictions nationales de cassation qui

hésitent à se dessaisir de leurs compétences.

La saisine de la cour suspend toute procédure de cassation engagée devant

une juridiction nationale contre la décision attaquée. Cette procédure ne

peut reprendre qu’après que la cour commune de justice et d’arbitrage se

soit déclarée incompétente pour connaître l’affaire(art 16 du traité ohada).

Cet article affirme donc la supériorité de la cour commune de justice et

d’arbitrage sur les juridictions nationales.

B. l’exercice de la fonction juridictionnelle de la ccja :

Lorsque la cour commune de justice est saisie par la voie du recours en

cassation, elle se prononce conformément à l’art 13 du traité, sur les

décisions rendues par les juridictions d’appel nationales ou celles rendues

en premier et dernier ressort. Mais avant, retenons que dans l’exercice de sa

fonction, la cour commune se heurte à la résistance des juridictions

nationales. Ainsi, les affaires qu’a connu la juridiction communautaire

étaient très minimes. Mais on remarque de plus en plus une nette

amélioration. A titre d’exemple, à la date du 17juillet 2002,soit trois années

143 Au Niger, la cour d’assise se compose de la cour proprement dite, et du jury(composé de citoyens nigériens

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après l’entrée en vigueur des actes uniformes, la cour commune de justice et

d’arbitrage a connu 72 affaires ; Elle en a rendu 24 arrêts et 6 ordonnances.

Certains auteurs ont considéré cela comme un exploit car « les pourvois en

cassation n’ont véritablement commencé à parvenir à la cour qu’à partir de

2001 ». Il faut ajouter en outre que l’installation de la cour commune de

justice dans ses nouveaux locaux ne s’est faite que seulement en 2001.

Cependant, même parmi les décisions rendues par la cour commune,

nombreux sont les arrêts d’irrecevabilité. Et cela parce que les pourvois ont

le plus souvent été formés hors délais, ou parfois par la non-production de

pièces exigées, ou encore pour non respect des voies de recours

préalables143. La résistance des juridictions nationales, notamment les cours

suprêmes, a amené la cour commune de justice à toujours rappeler sa

compétence. C’est le cas dans lequel par exemple la cour « réaffirme que

l’acte uniforme sur l’arbitrage ne pouvait être applicable à l’instance arbitrale

du fait de l’antériorité de celle-ci ; en d’autres termes, que le pourvoi porte

sur un arrêt ou une sentence arbitrale, l’instance qui a conduit à cette

décision doit avoir commencé après la mise en application de l’acte uniforme

invoqué »144. Toutefois, lorsqu’il s’agit de décision nationale se rapportant à

des sanctions pénales, la cour commune de justice et d’arbitrage n’est

compétente, ce qui constitue une inefficacité dans l’harmonisation. La

particularité de cette cour, ce que l’art 14 in fine du traité donne à la cour

une compétence plus étendue que les juridictions de cassation nationales.

En effet, selon cet article, « …en cas de cassation, elle évoque et statue sur le

fond ».

On note cependant ici et là une résistance à l’acceptation de la ccja comme

unique juridiction de cassation dans les matières couvertes par le droit

ohada. Ainsi en cas de cassation, la ccja évoque l’affaire. Il en résulte deux

conséquences : la cour commune de justice est alors un troisième degré de

juridiction ; ensuite elle statue sans renvoi. Mais la règle présente

l’avantage « de faire gagner du temps et d’éviter les divergences de solutions

143 voir l’art 19 du reglement et procédure de la cour commune de justice et d’arbitrage,code commenté ohada, 2002, p46 144 voir commentaire de Jacqueline Lohoues-Oble du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires, code ohada, p45

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qui proviendraient des différentes cours d’appel des Etats et le risque d’un

deuxième pourvoi devant la cour commune ».

Cet exposé sur la fonction juridictionnelle n’est pas anodin. En effet, il nous

permettra de mettre en lumière l’importance que joue la cour commune de

justice et d’arbitrage dans l’harmonisation du droit des affaires dans l’espace

ohada. Toutefois, en matière pénale, la compétence des juridictions

nationales reste exclusive.

Section 2 : La compétence exclusive des juridictions répressives

nationales

Devant les dispositions de l’art 5 du traité ohada, certains trouvent la

réponse à une question qui a jadis été posée : « comment l’harmonisation

juridique va-t-elle se faire ? ». En effet, « les actes uniformes peuvent inclure

des dispositions d’incriminations pénale. Les Etats parties s’engagent à

déterminer les sanctions pénales encourues ». Dès lors, on peut se demander

si cette harmonisation interviendra au grand jour. Cependant, selon Réné

Degni Segui145, la démarche consiste à ne pas rechercher une

uniformisation. Dès lors s’opère un partage de compétence entre l’ohada qui

définit les éléments matériels et moraux de l’infraction et les Etats parties

qui déterminent les sanctions pénales que leurs auteurs encourent. Le droit

pénal des affaires se trouvent donc éclaté en deux compétences. Un tel

phénomène surprend à plus d’un titre. Mais selon un auteur, toutes les

expériences d’harmonisation ou d’introduction de droit étranger à la loi

nationale ont toujours suscité une telle dualité de compétence. Cependant

cette dualité n’est pas sans présenter d’inconvénients car certains Etats

n’auront pas à prendre de nouvelles sanctions, tandis que d’autres ne

pourront pas y échapper. Ce qu’il faut regretter, c’est que, à ce jour, la

majorité des Etats n’ont toujours pas pris les sanctions correspondantes aux

incriminations prévues ; ce qui constitue une source de lenteur dans la mise

en œuvre de cet arsenal répressif. A l’heure actuelle, aucune décisions

145 voir commentaire de Jacqueline Lohoues-Oble du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires, code ohada, p45

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répressive n’a été publiées sur le site ohada qui constitue notre source

d’information et de recherche. Quoi qu’il en soit, les juridictions nationales

répressives ont une compétence exclusive en matière pénale. Il est donc

nécessaire d’essayer de voir ce qui fait le fondement de l’incompétence de la

cour commune de justice et d’arbitrage(paragraphe 1), avant d’ouvrir un

débat sur d’éventuel recours en droit pénal des affaires ohada devant la

ccja(paragraphe 2).

Paragraphe 1 :les fondements de l’incompétence de la ccja

La cour commune de justice et d’arbitrage, saisie d’un recours en cassation,

se prononce sur toutes les décisions rendues en dernier ressort dans les

affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes

et des règlements. Cependant, en matière pénale, l’acte uniforme a

expressément renvoyé aux législations nationales pour organiser la

répression. Mais cette répression pose tout de même des problèmes de part

et d’autre. En effet, plusieurs infractions prévues par le législateur

communautaire ne sont pas assorties de sanctions pénales et même si elles

le sont, les critères d’éléments matériels ou moraux ne correspondent pas en

général, d’où « l’unité des textes d’incriminations n’est pas achevée »146. A la

date actuelle, la majorité des Etats n’ont pas procédé à la mise en conformité

des normes de répression avec l’arsenal répressif de l’ohada. D’ailleurs seuls

le Sénégal avec la loi de 1998 , et le Cameroun par la loi n°2003/008 du

10juillet 2003, ont répondu aux normes d’infractions. Le Niger quant à lui a

procédé de façon très isolée à l’insertion dans les normes de répression,

certaines infractions prévues par le droit communautaire. Il en est ainsi du

délit d’abus des biens sociaux qui n’existait auparavant dans le droit

nigérien. Mais il y a une lueur d’espoir quant à la répression des infractions

avec notamment la nouvelle méthode en cours d’élaboration, pour la

recherche des dispositions du droit pénal national auxquelles renvoie les

146 voir commentaire de Jacqueline Lohoues-Oble du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires, code ohada, p45

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actes uniformes , exposée par le professeur Joseph Issa Sayegh147. La

nécessité était donc sentie pour disposer en droit interne, d’un arsenal de

sanctions pénales pour assurer la répression de ces infractions. La méthode,

telle que décrite par le professeur Issa-Sayegh est la suivante : Il faut relever

toutes les dispositions du droit uniforme définissant des infractions pénales

et rechercher, en droit interne, celle qui peuvent leur correspondre par leur

identité(identité des éléments constitutifs) ou par leur similitude

(ressemblance des éléments constitutifs).

Ainsi, lorsque l’identité des infractions du droit interne et du droit uniforme

est avérée, la substitution(à l’identique) des éléments constitutifs de

l’infraction du droit uniforme à ceux du droit interne autorise l’adoption de

sanction de droit interne . Cependant, il faut rechercher les fondements de

l’incompétence de la cour commune de justice et d’arbitrage non seulement

de l’absence de normes de sanctions ohada(A), mais aussi du caractère

national des peines applicables(B) .

A. L’absence de normes de sanction ohada :

L’alinéa 2 de l’art 5 du traité ohada dispose seulement que « les actes

uniformes peuvent inclure des dispositions d’incriminations pénales » et « les

Etats s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues ». Il y a donc

une fragmentation du droit pénal ohada entre la norme communautaire et la

législation nationale. Dès lors, pour que la ccja puisse connaître de recours

concernant les décisions pénales rendues par les juridictions nationales,

encore faut-il que le droit communautaire ait prévu des normes de

répression. Malheureusement, les juridictions de cassation nationale n’ont

pas cesser de résister à la ccja même s’agissant des matières relatives à

l’application des actes uniformes. Dès lors une compétence de la ccja en

matière pénale l’amènerait à empiéter sur la seule compétence souveraine

laissée aux juridictions nationales.

147 voir Réné Degni Ségui « codification et uniformisation du droit », encyclopédie juridique de l’afrique, tome1,p453

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B. Le caractère national des peines applicables en droit pénal des

sociétés ohada

Conformément au traité de l’ohada, les Etats parties déterminent les

sanctions pénales encourues ; ce qui permet aux législations nationales de

prendre en charge les sanctions. Cependant cette liberté laissée aux Etats-

parties de déterminer les sanctions n’est pas absolue. En effet, elle ne

signifie pas la faculté d’édicter des peines. C’est plutôt l’attitude de choisir la

nature et le quantum des peines. Les peines envisagées ne se limitent pas

aux classiques « peines principales » que sont l’emprisonnement et l’amende.

La pénologie moderne offre en outre une multitude d’alternatives à ces deux

peines, notamment des peines dites complémentaires, et même des peines

de sûreté. La peine faut-il le rappeler est certes avant tout un instrument

dont dispose un Etat pour lutter contre les comportements jugés

particulièrement antisociaux. La philosophie de la peine se réfléchit dans ses

fonctions de protection de la société, assurer la punition du délinquant,

favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion .

Pour ce rôle qu’elle jouie, on reproche au droit pénal son caractère d’ « ultima

ratio ». Mais dans le cadre de l’ohada, il semble que l’objectif principal est de

sécuriser les affaires dans l’espace commun. Pour y parvenir, des auteurs se

posent la question de savoir comment combattre efficacement la délinquance

économique dans le même espace juridique ? par des réponses pénales

disparates et variables ? ou par une réponse homogène ou à tout le moins

homogénéisée ? Selon Michel Mahouve148, « la plupart des réponses

entraînerait à coup sur une espèce de forum shopping, c’est à dire le choix

délibéré du système pénal et judiciaire évidemment le plus souple auquel

rattacher les activités criminelles et faire en sorte que les acteurs les plus

puissants du marché profitent des disparités entre les normes internes ».

D’ailleurs, la ccja a toujours rappelé sa compétence à l’occasion de plusieurs

arrêts. L’art 14, al 3 détermine la compétence de la ccja en ce qui concerne

148 voir P. Paul-Gerard, Anoukaha F, Toukam J6N :document du programme de formation en ligne avec le soutien du fond francophone des inforoutes, Niamey, du 1er fevrier au 5Avril 2004.

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les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans

toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes

uniformes et des règlements prévus au présent traité à l’exception bien

entendu des décisions appliquant des sanctions pénales. Dans tous les cas,

« les divers arrêts soulevant la compétence de la cour commune de justice et

d’arbitrage ou ayant amené la cour à se déclarer incompétente constituent

un volume important du contentieux »149. Certains des arrêts expriment des

cas d’irrécevabilité150, tandis que d’autres soulèvent des cas

d’incompétence151. S’agissant de ce dernier cas, la ccja rappelle « qu’elle ne

peut être saisie d’un recours contre une décision rendue par une juridiction

nationale statuant en cassation, en application de l’art 18 du traité ohada

qu’à la condition que l’incompétence de ladite juridiction ait été au préalable

soulevée devant celle-ci à défaut , le recours doit être déclaré irrecevable ».

La question soulève cependant un débat sur d’éventuel recours à la ccja en

droit pénal des affaires ohada. La question se pose notamment lorsqu’il peut

arriver que le litige porte à la fois sur des questions de droit uniforme et de

droit interne, car pour certains, « la logique voudra que l’on rende à la ccja

ce qui lui appartient et à la juridiction nationale ce qui lui revient ».

Paragraphe 2 : Débat sur d’éventuel recours en droit pénal des

affaires ohada

Aux termes de l’art 13 du traité ohada, « le contentieux relatif à l’application

des actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les

juridictions des Etats parties ». Quant à l’art 14, « saisie par la voie du

recours en cassation, la cour se prononce sur les décisions rendues par les

juridictions d’appel des Etats dans toutes les affaires soulevant des

questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements

prévus au présent traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions

pénales ». La rédaction de ces deux articles doit susciter quelques

149 Voir penant n°850,janvier-mars 2005,p17 et 18 63Article de Boubakar Diallo,doctorant àl’Universuité de ParisI, penant n°850, janvier-mars 2005,p31. 150 Article de Boubakar Diallo,doctorant àl’Universuité de ParisI, penant n°850, janvier-mars 2005,p31 151 Voir arrets ccja n°004/2001 du 11octobre 2001, et ccja n°006/2001 du 11 octobre 2001

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commentaires. En effet, d’un premier point de vue, on remarque que le traité

a maintenu la compétence des juridictions nationales du fond pour

connaître les litiges relatifs aux actes uniformes en première instance et en

appel. A ce niveau, comme l’a fait remarquer Jacqueline Lohoues-Oblé, « de

nombreuses décisions émanent de ces juridictions nationales qui font dans

la plupart du temps une bonne application des dispositions du traité et des

actes uniformes »152. D’autre part, la compétence de la cour commune de

justice et d’arbitrage se trouve posée. Ainsi, elle se prononce sur les affaires

concernant l’application des actes uniformes et des règlements. On note

cependant une résistance des juridictions nationales, notamment les cours

suprêmes à l’acceptation de la cour commune comme l’unique juridiction

dans les matières régies par le droit communautaire. Ce qu’il faut noter, et

qui attire l’attention, c’est l’exclusion pure et simple des décisions appliquant

des sanctions pénales de la compétence de la cour commune de justice et

d’arbitrage. Dès lors, les juridictions de cassation nationales conservent leur

souveraineté. Cependant, le véritable débat soulevé par cette incompétence

de la cour commune de justice et d’arbitrage concerne l’application des actes

uniformes qui prévoient des incriminations. Dès lors, il faut se poser la

question de savoir s’il n’y a pas de contradiction ou de contrariété dans la

manière d’appréhender le droit pénal des affaires ohada ? En effet, le

législateur a du se baser sur le fait que les sanctions sont du domaine des

législateurs nationaux. Mais, le fait d’ériger la compétence de la cour

commune de justice et d’arbitrage en une compétence basée sur l’application

des actes uniformes nous amene à nous poser des questions sur les

problèmes de qualification en matière pénale(A) et d’envisager une

collaboration entre la cour commune de justice et d’arbitrage et les

juridictions de cassation nationales(B).

A.les problèmes de qualification en matière pénale

Il est vrai que le traité ohada d’emblée a renvoyé aux législateurs nationaux

le soin d’édicter des sanctions pour faire face aux infractions. Ce qui du

152 voir arret ccja n°004/2001 du 11 octobre 2001 et CCJA n° 006/2001 du 11octobre 2001

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coup ôte la cour commune de justice de sa compétence en matière pénale.

Cependant, cette position peut paraître paradoxale en matière pénale car il y

a là une dissociation de l’incrimination et de la répression. Or, en cette

matière pour réprimer une infraction, il faut que celle-ci soit qualifiée. La

qualification est la méthode par laquelle le juge recherche les éléments

constitutifs pour caractériser une infraction. Cela pose des problèmes en

droit ohada, car les juges nationaux sont appelés à prononcer des sanctions

pénales contre une infraction qui est prévue pas par la loi nationale, mais

par la loi communautaire ; ce qui rend la tache plus difficile. En effet, le droit

pénal ohada s’il n’a pas pris en compte certaines infractions existantes dans

certains droits nationaux, a tout de même incriminé certains comportements

qui ne sont pas connus par ces droits. Dès lors, le juge national se heurte à

des infractions dont la qualification n’est pas certaine. C’est pourquoi, il est

permis de penser que la compétence pourrait être invoquée s’il s’agit de

sanctions pénales relatives au droit pénal des affaires ohada. Cette position

paraît en tout cas conforme aux dispositions du traité, notamment son

pouvoir de contrôle et de sanction. Il faut souligner aussi que l’art 14 en son

al 2, que nous cité, nous permet de soutenir que les incriminations prévues

par l’ohada en ce qui concerne les sociétés commerciales se situent dans la

partie trois de l’acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et

groupement d’intérêt économique. C’est en tout cas le texte sur la base de

laquelle les Etats parties assurent la répression, car selon l’adage

pénaliste, « pas de délit sans texte ». D’ailleurs le processus de regroupement

ayant donné naissance à l’ohada n’est pas loin de celui de la communauté

européenne. Et, comme l’a indiqué Mr Timmermans, « en l’absence de

mécanisme de sanction propre au droit communautaire, au sens d’un

appareil de recherche et de répression des infractions, la communauté

dépend à quelques exceptions près, des systèmes juridiques nationaux pour

assurer le respect du droit communautaire dans les Etats membres »153. ce

même auteur ajoute que « l’inefficacité des systèmes nationaux dans la lutte

contre les opérations frauduleuses transfrontalières laisse à désirer ; d’ou la

nécessité d’une initiative communautaire… ».

153 Jacqueline Lohoues-Oble, in « commentaire du traité de l’ohada » code ohada, 2002,p27

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C’est pourquoi, l’art 172 du traité CEE a fait l’objet d’une interprétation par

les auteurs en vue d’attribuer une compétence à la cjce en matière pénale.

L’art 172 a été interprété dans ses dispositions suivantes : « les règlements

établis par le conseil en vertu des dispositions du présent traité peuvent

attribuer à la cour de justice une compétence de pleine juridiction en ce qui

concerne les sanctions prévues dans ces règlements ». cette compétence a

été surtout confirmée à travers un des arrêts de la cour les plus célèbres :

l’arrêt rendu le 27 octobre 1992 concernant la politique agricole commune.

A la lumière de tout ce qui vient d’être développé, nous pensons que cette

compétence doit être étendue à la cour commune de justice et d’arbitrage

afin de rendre effective l’application des actes uniformes dans leur

intégralité. Bien entendu, certains peuvent penser que cela entraînerait une

lenteur dans la procédure. Cependant en vertu de son pouvoir d’évocation,

l’attribution de la compétence ne serait pas source de lenteur ; Il suffirait

que les plaideurs fournissent les documents de base sur les sanctions

correspondantes aux infractions, ce qui établirait un rapport de

collaboration entre la ccja et les juridictions nationales

B. vers une collaboration envisageable entre la ccja et les juridictions

de cassation nationales

A l’image de l’union Européenne, la législation communautaire de l’espace

ohada peut prévoir un mécanisme tel que nous l’avons expliqué

précédemment, un mécanisme favorisant la compétence de la ccja en

matière pénale. Certes, toutes les conventions internationales procèdent par

un renvoi aux Etats membres ; cependant l’objectif de l’ohada vise à

sécuriser les affaires d’où la nécessité d’opter pour une compétence de la

haute juridiction. Mais pour ce faire, une collaboration entre la ccja et les

juridictions nationales de cassation est souhaitable. Le mécanisme que nous

avons décrit dans nos développements ultérieurs peut aboutir à une

solution. Il s’agissait en matière pénale et en cassation, de faire en sorte que

les plaideurs apportent la loi applicable dans les Etats pendant l’instance. La

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procédure peut paraître longue, mais permet au moins à la ccja de jouer son

rôle d’unification des droits.

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Conclusion Générale

Aux termes de cette étude, nous avons tenu à apporter un éclaircissement

sur un aspect du droit uniforme africain. L’entreprise est certes ambitieuse,

cependant la recherche est fruit de la curiosité. Aussi, à l’heure actuelle, le

nouveau droit africain est devenu « l’auberge espagnole où chacun trouve

quelque chose à dire ». La nouvelle organisation compte aussi sur les

chercheurs pour son implantation et sa vulgarisation. C’est pourquoi,

juriscope a sollicité les juristes universitaires africains pour qu’ils présentent

leurs réflexions nouvelles sur les textes et sur la jurisprudence collectée

auprès de la cour commune de justice et des cours d’appels nationales. Au

cours de cette étude, nous avons mis en exergue la particularité du droit

pénal des affaires ohada tel qu’il est perçu dans tous les Etats membres. En

effet, d’un droit pénal divisé en deux parties : un droit communautaire qui

organise les incriminations, et un droit national qui prend en charge la

répression des incriminations ; c’est la situation actuelle du droit pénal des

affaires au Niger, et des autres Etats membres. Nous avons passé en revu les

differents problèmes qui sont rencontrés dans un tel système notamment la

diversité dans la répression. Ainsi certains Etats peuvent prévoir des

sanctions souples, devenant ainsi des paradis fiscaux, tandis que d’autres

peuvent prévoir des sanctions sévères. La conséquence, ce que les

investisseurs auront à choisir les uns au lieu des autres, ce qui est contraire

à l’objectif de l’ohada .

Le Niger quant à lui, à l’instar de la majorité des Etats membres , n’a pas fini

de se mettre en conformité avec les dispositions d’incriminations.

Cependant, beau nombre des infractions prévues par le législateur ohada

reçoivent une application de la peine. Par exemple, le délit d’abus des biens

et crédit de la société n’a pas été prévu en droit nigérien ;il a donc fallu

l’entré en vigueur de l’ohada pour que le code pénal nigérien subisse une

modification en attendant une prise en charge complète par le code pénal.

Toutefois, les autres infractions sont réprimées par les juridictions pour

éviter un vide juridique. La tache nous a été difficile car le droit pénal des

affaires ohada n’a pas fait l’objet de publication, en dehors du Professeur

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Abdoullah Cissé en qui nous devons beaucoup de nos sources d’information.

A la date d’aujourd’hui, aucun arrêt rendu en matière de droit pénal des

affaires ohada n’a été publié sur le site ohada qui constitue pourtant la

source d’information principale. Nous ne pensons pas avoir gagné le pari,

mais nous espérons conduire nos recherches à terme pour que ce vide

juridique soit comblé et que désormais on commence à sortir le droit pénal

des affaires ohada dans cette diversité d’application par les Etats. La

solution n’est pas aisée à trouver, mais nous pensons que la haute

juridiction communautaire qui doit faire office d’unificateur du droit, impose

des limites dans l’application des sanctions pénales. Nous espérons qu’un

jour la véritable unification verra le jour dans cet espace.

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Bibliographie :

I. Ouvrages Généraux

1 . Antona Jean-Paul, Philipe Colin et François Lenglart , La prévention du

risque pénal en droit des affaires, Dalloz 1997.

2. Anoukaha F , Cissé A , Diouf N , Toukam J-N , Pougoué P-G , Samba M ,

Sociétés Commerciales et groupements d’intérêts économiques, collection

droit uniforme Africain, édition Bruylant, 2002.

3. Bore Jacques , Droit Pénal Contemporain, mélanges en l’honneur d’André

Vitu, Cujas, 1989.

4. Bosquet-Denis J-Bernard , Droit Pénal des Sociétés, Economica,1997.

5. Delga Jacques , Le droit des sociétés, Dalloz, 1998.

6. Delmas-Marty Mireille , Droit Pénal des affaires, Puf, 1990.

7. Guyon Yves ,Droit des affaires, tome1, 11è édition, Economica, 2001.

8. Larguier Jean Droit Pénal des Affaires, 11è édition, A. Colin, 2004.

9. Mator B , Pilkington N , Sellers D ,Thouvenot S , Le droit uniforme

Africain des affaires issu de l’ohada, 1ère édition juris-classeur, collection

Affaires Finances, 2004.

10. Melin François , La faillite internationale, LGDJ, 2004.

11.Pradel Jean , Droit Pénal Comparé, tome 2, Dalloz 2002.

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139

12. Robert Jacques-Henri et Haritini , Traité de droit pénal des Affaires, PUF,

collection droit fondamental, 2004.

13. Sayegh Issa et Lohoues-Oblé , Harmonisation du droit des affaires,

Bruylant, 2002.

14. Veron Michel , Droit Pénal des affaires, 5è édition, A. Colin, 2004.

II. Thèses et Mémoires

A.Thèses

1. Adido Roch , Essai sur l’application du droit en Afrique : le cas de

l’Ohada, aspect sociologiques et juridiques au vu du passé et du présent,

université de Perpignan, 2000 .

2.Dedji Koundé , Evaluation de l’impact des actes uinformes de l’Ohada sur

les investissements au Benin, Université de Perpignan, 2003.

3.Makram Miladi , Le droit Pénal et le fonctionnement des Sociétés

Commerciales, Université de Perpignan, 2000.

4.Moumouni Amadou , La réforme des entreprises publiques au Niger,

Université de Perpignan, 1996.

B. Mémoires

1. Morsad Adil: la respon,sabilité pénale des dirigeants de la société

anonyme, université de Perpignan, 2001.

2.Aissata Kane-Diallo, Intégration économique en Afrique francophone ,

l’exemple de l’Ohada, Université de Perpignan, septembre 1996 .

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III. Législation

1. Codes :

-Code Ohada commenté, 2è édition , juriscope en 2002.

-Nouveau code de commerce du Niger de 1992.

-Code Pénal du Niger de 1961, réformé en 2001 .

-Code de procédure pénale du Niger de 1961( réforme en cours).

-Code pénal français, Dalloz, 2004.

-Code de commerce français, DALLOZ, 2005 .

2.Réglementation

a.textes internes

-Décret n°75-52 du 13 mars 1975 portant sur l’exercice des activités

commerciales au Niger ;

-Ordonnance n°80-15 du 19 juin 1980 portant réforme de l’acte constitutif

des sociétés( formes notariées) et sur l’administration de la société

anonyme ;

-Ordonnance n°92-48 du 7 octobre 1992 instituant le premier livre du

nouveau code de commerce .

b.textes communautaires

-Acte Uniforme portant droit des sociétés commerciales et GIE, entré en

vigueur le 1er janvier 1998 ;

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-Acte uniforme relatif aux procédures collectives d’apurement du passif entré

en vigueur le 1er janvier 1999.

IIII. Revues, articles, Jurisprudence

1.Revues

-Petites affiches n°205 du 13 octobre 2004 ;

-Revue Lamy ,

-Revue de jurisprudence de droit des affaires, bibliothèque universitaire de

Perpignan ;

-Revue trimestrielle des droits africains (Penant),n°846, janvier-mars 2004,

édition juris africa ;

-Revue de droit des affaires internationales

1.Articles

-Benjamin Boumakani, Les entreprises publiques à l’epreuve du droit

Ohada, lamy ,n°75, Octobre 2004.

-Kangambega L , Observation sur les aspects pénaux de l’Ohada, Pénant

n°834, septembre- décembre 2000 ;

-Kenfack-Douajni G , L’abandon de souverainété dans le traité Ohada,

Penant, mai-aout 1999, n°830, p.125

-M’Bosso J , Le rôle des juridictions nationales et le droit harmonisé dans

l’Ohada :revue de droit des affaires internationales, n°2, 2000, p.216 et S.

-Zinzin Dohoue , Les juges nationaux et la loi aux prises avec le droit

harmonisé, revue de droit des affaires internationales, n°2, 2000, p.227.

2.Jurisprudence

- Arrêts de la Cour Suprême du Niger en matière commerciale de 2000 à

2004, publiés sur le site Internet de Ohada.

- Arrêts de la Cour d’appel de Niamey de 2000 à 2003 en matière

commerciale et pénale, publiés sur le site Internet de Ohada.

- Avis rendus par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de 1998 à nos

jours publiés sur le site Internet de Ohada.

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IIIII. Sites Internet

-w w w.ohada.com

-w w w. ohadalegis.com

-w w w.jurisint.org /pub/ohada/ohada.html

-w w w.juriscope.org

-w w w.africaeducation.org/odl/default.htm

-w w w.afdb.org

-w w w.bceao.int

-w w w .boad.org

-w w w .nepad.org

-w w w .oapi.wipo.net

-w w w .iblj.com

-w w w .uemoa.int

-w w w .unidroit.org

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table des matières

Introduction Générale..................................................................................................1 Première Partie : La détermination des incriminations par la norme communautaire..4 ChapitreI : Les incriminations lors de la constitution des sociétés...............................6

Section1 : Les infractions relatives à la formation du capital social .............6 Paragraphe1 : La recherche du capital .............. ..............................................7

A. La simulation de souscription ou de versement ............................. 7 1.Les éléments constitutifs du délit de simulation .............................. 8 a. L’élément matériel du délit .......................................................... 8 b.L’element moral du délit de simulation ..........................................10 2. Les personnes punissables ........................................................10 B. La publication de faits faux ........................................................12

Paragraphe 2 :L’affirmation du capital social...... ..........................................13

A. L’établissement du certificat du dépositaire .................................13 B. La surévaluation des apports en nature : .....................................15

Section 2 :L’activité de la société irrégulièrement constituée : ...................17 Paragraphe1 :L’émission d’actions.................. ..............................................17

A .le domaine des actions ..............................................................18 B.L’étendue de l’interdiction de l’émission d’actio ns .........................18

Paragraphe 2 : La négociation d’actions ............ ...........................................19

A. Les irrégularités rendant la négociation illicit e : ............................21 B.les éléments constitutifs du délit : ...............................................21

Paragraphe 3 :le délit d’émission d’actions en cas d’appel public à l’épargne. ......................................... .................................................................22

A. Les personnes visées ................................................................23 B. Les irrégularités coupables ........................................................23

CHAPITRE II :Les incriminations en cours de vie des sociétés commerciales .........24

Section 1 : Les infractions liées à la gestion de l a société...........................25 Paragraphe1 :l’abus des biens et du crédit de la so ciété.............................25

A.Définition des incriminations .......................................................26 B . Les agissements délictueux ......................................................28 1.l’usage des biens et du crédit de la société ....................................28 2. L’usage contraire à l’intérêt social ...............................................29

Paragraphe 2 :Le contrôle de la gestion ............ ............................................32

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A.L’obstacle au contrôle : ..............................................................33 1.L’obstacle à la désignation ou à la convocation .............................33 2- L’obstacle aux vérifications ou le refus de comm uniquer ................34 B. le refus de contrôle ...................................................................35 1.Les informations mensongères ....................................................36 2.La non-revelation des faits délictueux ...........................................36

Paragraphe 3 : les infractions liées à la comptabil ité des sociétés....................38

A: les irrégularités comptables.................... ..............................................39 1.La distribution de dividendes fictifs ..............................................39 a.inventaire absent ou frauduleux ...................................................40 - l’absence d’inventaire .................................................................40 - l’inventaire frauduleux .................................................................40 b.la répartition de dividendes fictifs ................................................41 a. l’acte de distribution ..................................................................41 - le caractère fictif des dividendes ...................................................42 -l’élément intentionnel du délit .......................................................44 2.La communication de la comptabilité ............................................44 a. l’élément matériel du délit de communication inf idèle .....................45 b.l’element intentionnel du délit ......................................................47

B : les modifications du capital social ............ ...............................................48 1. l’augmentation de capital ...........................................................49 a.les incriminations relatives à l’émission d’actio ns nouvelles ............49 b.la protection du droit préférentiel de souscripti on ..........................50 2. La réduction du capital social .....................................................51

Section 2 : les infractions liées aux assemblées gé nérales.........................52 Paragraphe 1 : les assemblées visées par le législa teur..............................53

A. les assemblées générales d’actionnaires : ...................................54 B. les assemblées des associés .....................................................55

Paragraphe 2 : l’accès aux assemblées générales .... ...................................57

A. L’entrave à la participation aux assemblées .................................57 B. l’élément intentionnel du délit .....................................................58

ChapitreIII : Les infractions relatives à la disparition des sociétés commerciales.....60

Section 1 : Les infractions avant la disparition de la société.......................61 Paragraphe 1 : La banqueroute ...................... ................................................62

A. Les conditions préalables. .........................................................64 1. La qualité de l’agent ..................................................................64 2. L’ouverture d’une procédure collective ........................................66 B. Les cas de banqueroute. ............................................................66 1. La banqueroute simple ..............................................................67 2. La banqueroute frauduleuse ......................................................68

Paragraphe 2 : les infractions connexes à la banque route. .........................70

A. Les délits assimilés aux banqueroutes ........................................70

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1.Les délits assimilés à la banqueroute simple .................................71 2. Les délits assimilés à la banqueroute frauduleus e .........................71 B. Les autres infractions. ...............................................................72

Section 2 :Les infractions relatives à la dissoluti on de la société...............74 Paragraphe 1 : La protection de l’information des parties à la dissolution.................................................................................74 A. La protection de l’information des actionnaires ou associée. ..........74 B. La protection de l’information des tiers ........................................76

Paragraphe 2 : La protection des biens de la sociét é en liquidation et des associés ........................................... .................................................................76

A.La protection en cours de liquidation. ..........................................77 B. La protection après la liquidation : ..............................................78

Deuxieme Partie : La répression des infractions par les juridictions Nigériennes…..79 Chapitre I : compétence nationale dans la détermination des sanctions pénales .....81

Section1 : Les justifications de l’attribution de c ompétence aux états.......82 Paragraphe1 : les raisons d’ordre juridique ........ ..........................................82

A .La différence de système pénal des Etats signata ires ....................83 B. L’option pour un système libéral pour l’OHADA ............................83

Paragraphe 2 : les raisons d’ordre économique ...... .....................................84

A. Les disparités des niveaux de développement écon omique des Etats..................................................................................................85 B. Les disparités des coûts de la justice ..........................................85

Section 2 : La réception de la norme communautaire par la loi nationale en matière pénale. .................................... .............................................................88 Paragraphe 1 : la technique d’implantation de la no rme communautaire ..89

A. Les techniques d’implantation des normes de comp ortement du système OHADA en droit pénal interne : ..........................................90 1. La technique de la reproduction : ................................................90 2. La technique de l’intégration par référence. ..................................91 B. L’option du législateur nigérien ..................................................91

Paragraphe 2 : L’affirmation de la supériorité de l a norme communautaire............................................................................................................................92

A. Au plan normatif .......................................................................93 1. La cohabitation pacifique entre l’acte uniforme et le droit pénal international ................................................................................93 2. La cohabitation conflictuelle entre droit harmon isé et les autres normes. ......................................................................................94 B. Au plan judiciaire ......................................................................95

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1. La supranationalité liée à la compétence de la c our .......................95 2. La problématique du transfert de compétence à la cour commune de justice et d’arbitrage .....................................................................96

Section 1 : le déclenchement de la procédure ....... .......................................99 Paragraphe 1 : L’action publique................... .................................................99

A. La recherche et la constatation des infractions ...........................100 B. La mise en mouvement de l’action publique. ..............................101 C. L’extinction de l’action publique ...............................................103

Paragraphe 2. L’action civile...................... ...................................................103

A. Les règles de droit commun. ....................................................104 B. Le particularisme de l’action civile en matière d’infractions aux sociétés commerciales ................................................................105 1. L’action sociale .......................................................................105 2. L’indépendance de la réparation du préjudice par rapport à l’action civile. ........................................................................................107

Section 2 : L’administration de la sanction en droi t pénal nigérien ..........108 Paragraphe 1 : les sanctions personnelles.......... ........................................108

A.Les peines principales .............................................................108 1. Les peines criminelles. ............................................................109 2. Les peines correctionnelles ......................................................109 3. Les peines contraventionnelles ou de police ...............................111 B. Les interdictions professionnelles ............................................111 1. Les personnes visées par l’interdiction ......................................111 2. Les opérations visées et sanctions de l’interdic tion .....................112

Paragraphe 2 : les sanctions réelles. .............. .............................................113

A. La confiscation .......................................................................113 1. La confiscation générale. .........................................................113 2. La confiscation spéciale. ..........................................................114 B. La fermeture d’établissement. ..................................................115

Chapitre III : Les voies de recours...........................................................................116

Section 1 : Les voies de recours dans l’ordre jurid ique nigérien ..............117 Paragraphe1 : La compétence des juridictions nation ales ........................118

A.L’ordre des juridictions en matière pénale : .................................118 1. les juridictions de 1 er degré : .....................................................118 2. les juridictions du second degré : ..............................................120 3. les juridictions de cassation : ...................................................121 B. La pratique des voies de recours en matière de d roit des Affaires :................................................................................................122

Paragraphe 2 : la fonction juridictionnelle de la c our commune de justice.........................................................................................................................124

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A.la saisine de la cour commune de justice et d’arb itrage : ...............125 B. l’exercice de la fonction juridictionnelle de la ccja : .....................125

Section 2 : La compétence exclusive des juridiction s répressives nationales ......................................... ..............................................................127 Paragraphe 1 :les fondements de l’incompétence de l a ccja.....................128

A. L’absence de normes de sanction ohada : ..................................129 B. Le caractère national des peines applicables en droit pénal des sociétés ohada ...........................................................................130

Paragraphe 2 : Débat sur d’éventuel recours en droi t pénal des affaires ohada.............................................. .................................................................131

A.les problèmes de qualification en matière pénale .........................132 B. vers une collaboration envisageable en tre la ccja et les juridictions de cassation nationales ……..………………………… ……………….134 Conclusion Générale ................................ ............................................................136 .