intérêt des méthodes distractives dans la gestion de la
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DIRECTION RÉGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS
ET DE LA COHÉSION SOCIALE
MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DU
DIPLÔME D’ÉTAT
DE
MASSEUR KINÉSITHÉRAPEUTE
2015
Intérêt des méthodes distractives dans la gestion de la douleur lors
de la reprise d’appui d’un patient de 13 ans hospitalisé en service
d’oncologie
Stage temps plein VERNHET Pauline
RÉSUMÉ
Michael, âgé de 13 ans, a été opéré suite au diagnostic d’un sarcome d’Ewing de
grand volume, localisé à l’aile iliaque droite. Cette chirurgie a consisté à l’exérèse de la
tumeur ainsi qu’à la mise en place d’une prothèse totale de hanche et d’une allogreffe
d’une extrémité inférieure de fémur afin de remplacer la perte osseuse. Il est hospitalisé
dans un service d’oncologie pédiatrique afin de poursuivre sa chimiothérapie post-
opératoire. Ma prise en charge a débuté cinq mois après l’opération, phase où le patient
reprend progressivement l’appui.
Il a un périmètre de marche de 80m avec deux cannes anglaises et se déplace le
reste du temps en fauteuil roulant. Il présente des raideurs articulaires, un déficit de force
global des muscles des membres inférieurs et n’arrive à transférer que 5kg sur le membre
opéré. En effet, l’appui est limité par des douleurs plantaires et l’appréhension du patient.
Michael présente également une ostéoporose d’immobilisation.
Ma rééducation a consisté d’une part à réduire les raideurs articulaires et renforcer
les muscles des membres inférieurs et d’autre part, à travailler en charge le transfert
d’appui et la marche. Au bout d’un mois de rééducation, Michael a fait beaucoup de
progrès essentiellement sur le plan fonctionnel mais aussi au niveau articulaire et moteur.
Le patient présentant une anxiété importante et des douleurs lors du transfert
d’appui, je me suis demandé quelles stratégies le masseur-kinésithérapeute pouvait-il
mettre en place afin de réduire la perception de la douleur ? Il semblerait que les méthodes
cognitives comme la distraction aient leur intérêt, cependant elles présentent certaines
limites.
Mots clés Keywords
Sarcome d’Ewing Ewing’s sarcoma
Transfert d’appui Weight transfer
Douleur Pain
Ostéoporose Osteoporosis
Méthodes distractives Distractives methods
SOMMAIRE
1. INTRODUCTION ........................................................................................... 1
2. ETUDE DU CAS CLINIQUE ......................................................................... 3
2.1. Anamnèse ....................................................................................................................... 3
2.2. Présentation du patient ................................................................................................... 5
3. BILAN MASSO-KINESITHERAPIQUE INITIAL A J+150 ........................ 5
3.1. Bilan morpho-statique : une attitude antalgique ............................................................. 6
3.2. Bilan cutané, trophique et vasculaire : quelques troubles .............................................. 7
3.3. Bilan douloureux : des douleurs induites lors de l’appui ............................................... 8
3.4. Bilan articulaire : un membre inférieur droit enraidi ...................................................... 8
3.5. Bilan musculaire : déficit de force des membres inférieurs ......................................... 10
3.6. Bilan fonctionnel : une dépendance dans les AVQ ...................................................... 11
3.7. Bilan de la marche : un périmètre de marche limité ..................................................... 12
3.8. Profil psychologique : une anxiété prédominante ........................................................ 12
3.9. Conclusion .................................................................................................................... 13
4. BILAN DIAGNOSTIC KINESITHERAPIQUE (FIGURE 6) ........................ 13
5. PRISE EN CHARGE MASSO-KINESITHERAPIQUE .............................. 14
5.1. Objectifs de rééducation ............................................................................................... 14
5.2. Principes de la prise en charge ..................................................................................... 15
5.3. Pronostic ....................................................................................................................... 16
5.4. Rééducation du patient ................................................................................................. 16
6. BILAN MASSO-KINESITHERAPIQUE FINAL J+185 .............................. 20
7. DISCUSSION ................................................................................................. 22
7.1. Analyse des résultats .................................................................................................... 22
7.2. Prise en charge de la douleur et spécificité chez l’enfant ............................................. 23
7.3. Les moyens pharmacologiques..................................................................................... 24
7.4. Les stratégies du masseur-kinésithérapeute afin de diminuer la perception de la douleur
chez un enfant ostéoporotique lors du travail de reprise d’appui ........................................ 25
8. CONCLUSION .............................................................................................. 30
REFERENCES
ANNEXES
1
Le sarcome d’Ewing, décrit par James Ewing en 1921, est une tumeur osseuse
primitive maligne qui touche préférentiellement les enfants et les adolescents. Cette tumeur
est caractérisée par une prolifération de petites cellules rondes, en nappe, sans
différenciation tissulaire et fait partie de la famille des tumeurs neuroectodermiques [1].
A l’échelle chromosomique, on retrouve une translocation caractéristique impliquant le
gène EWS porté par le chromosome 22, et le gène FLI-1 porté par le chromosome 11 [2].
Ces deux gènes vont fusionner et une fois activés, présenteront un caractère oncogène en
codant une protéine anormale ou facteur de transcription [3]. (Annexe I)
Cette tumeur est caractérisée par une lésion ostéolytique, avec un envahissement fréquent
des parties molles adjacentes. Elle peut toucher tous les os du squelette, avec une
préférence pour les os longs et le membre inférieur. Les os plats sont également des
localisations fréquentes (os coxal, scapula).
Le sarcome d’Ewing touche dans 80% des cas des enfants et adolescents âgés entre
10 et 20 ans. Les garçons sont plus souvent atteints que les filles, avec un sex-ratio
d’environ 6 pour 4. C’est la deuxième tumeur osseuse maligne la plus fréquente chez
l’enfant derrière l’ostéosarcome [4]. Il s’agit néanmoins d’une tumeur rare, et l’on estime
son incidence à 3,2 cas par million d’enfants de moins de 15 ans, ce qui représente environ
80 à 100 nouveaux cas par an en France [5].
Cliniquement, le symptôme révélateur habituel du sarcome d’Ewing est la douleur.
Cette douleur est d’abord intermittente puis devient persistante au repos, pouvant être
d’intensité progressivement croissante sur plusieurs semaines. Une tuméfaction, de taille
rapidement croissante, pouvant devenir très importante du fait de son extension dans les
tissus mous est un autre motif fréquent de consultation [2].
Un examen d’imageries médicales est effectué afin d’émettre un diagnostic.
Préférentiellement, on préconise une tomodensitométrie, technique permettant de retrouver
les caractéristiques du sarcome d’Ewing, qui sont : une ostéolyse mal limitée, une rupture
corticale avec réaction périostée et un envahissement des parties molles par une tumeur
peu ou pas calcifiée. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) est également
effectuée pour mesurer le volume tumoral [2]. Une biopsie est enfin réalisée pour
permettre les analyses anatomopathologiques et cytogénétiques (caryotype).
2
Evolution, pronostic et traitement
En l’absence de traitement, l’évolution fatale est habituellement rapide, avec
apparition de métastases pulmonaires ou ostéo-médullaires.
Le traitement actuel repose sur l’association d’une polychimiothérapie, d’un traitement
local chirurgical et est complété par une radiothérapie (le sarcome d’Ewing étant très
radiosensible). Un protocole européen commun de traitement des sarcomes d’Ewing a été
édité en 1999 et est appelé protocole Euro-E.W.I.N.G. 99 pour European Ewing tumour
Working Initiative of National Groups [1, 6]. Selon ce protocole, les médicaments actifs
contre le développement de la tumeur d’Ewing sont la vincristine, l’ifosfamide, la
doxorubicine, l’etoposide, l’actinomycine et la cyclophosphamide. Cependant, ils ne sont
pas sans effets secondaires : alopécie1, aplasie, nausées, vomissements, azoospermie [7].
Le pronostic vital dépend de l’existence de métastases au moment du diagnostic et
de la qualité de la réponse à la chimiothérapie.
La probabilité de survie sans récidive à 5 ans est actuellement de 70% dans les formes
localisées et de 25 à 30% dans les formes métastatiques [1].
Le volume et la localisation de la tumeur conditionnent les possibilités d’exérèse
chirurgicale de la tumeur primitive. A l’heure actuelle, il est admis que la chirurgie se veut
conservatrice, tout en répondant aux impératifs de la chirurgie carcinologique2 car le
pronostic est plus vital que local. La reconstruction après l’ablation tumorale fait le plus
souvent appel à la mise en place de prothèse et/ou d’allogreffe, en tenant compte de l’âge
du sujet et de la croissance osseuse [1]. Le kinésithérapeute intervient alors en post-
opératoire afin de réhabiliter le jeune patient.
Dans le cas de Michael, il s’agit d’un patient atteint d’un sarcome d’Ewing localisé
au niveau de l’os coxal. Des répercussions fonctionnelles sur la marche et l’appui sont
inévitables puisqu’il s’agit de la racine du membre inférieur et qu’il forme avec le fémur
l’articulation portante du membre [8].
Au cours de cette rééducation, la douleur et l’anxiété de l’enfant sont des éléments
à prendre en compte [9]. Dans ce mémoire, j’ai souhaité m’intéresser à la douleur de
l’enfant cancéreux car elle est au centre de la pathologie. En effet, il s’agit du premier
signe clinique révélateur de la tumeur et elle va évoluer au cours du traitement et des mois
de rééducation.
1 L’alopécie est la chute générale ou partielle des cheveux ou des poils.
2 Chirurgie carcinologique : La résection doit emporter la totalité de la tumeur ainsi que les tissus avoisinant
avec une zone de sécurité de 2 à 5cm.
3
Au cours de la prise en charge, des douleurs seront générées par les actes de kinésithérapie,
en passant des mobilisations aux premières verticalisations puis à la reprise d’appui. Cela
conduit à se demander comment le masseur-kinésithérapeute peut-il agir sur la perception
de la douleur afin de ne pas traumatiser le jeune patient ?
Cette prise en charge complexe fait l’objet de cette étude où il s’agit de considérer deux
impératifs de rééducation contradictoires : respecter le seuil de douleur tolérable du patient
et avancer dans la récupération fonctionnelle notamment lors de la reprise d’appui sur le
membre opéré. On sait qu’un patient immobilisé ou interdit d’appui voit sa densité
minérale osseuse diminuer, ce qui engendre l’apparition de nouvelles douleurs lors de la
remise en charge [10]. Cependant ce travail en charge est primordial pour favoriser la
reminéralisation osseuse (et permettre une diminution des douleurs à long terme).
Michael est un jeune garçon atteint d’une tumeur osseuse rare connue sous le nom de
sarcome d’Ewing, diagnostiquée en mars 2013.
La tumeur se situe au niveau de l’aile iliaque droite. Elle est localisée, c’est-à-dire non
métastasée, et de grand volume (supérieure à 200mL). D’après la tomodensitométrie, la
tumeur est délimitée et mesurée en axial à 6 x 8.5 x 14.5cm de hauteur le 23 mars 2013.
(Annexe II)
Michael est né le 23 décembre 2000 au Caire en Egypte, il est donc âgé de treize ans et
trois mois au moment de la prise en charge.
Il est admis dans un hôpital pour enfants spécialisé en oncologie le 25 octobre 2013, dans
le cadre de la poursuite de la chimiothérapie post-opératoire.
2.1. Anamnèse
L’histoire de la maladie remonte à octobre 2012, date à laquelle les premiers symptômes
ont commencé à apparaître suite à un traumatisme sportif. En effet, Michael a ressenti des
douleurs post-traumatiques au niveau de l’hémi-bassin droit, à l’origine d’une boiterie
antalgique à la marche. Un bilan radiographique et un scanner ont finalement été réalisés
en Egypte le 21 mars 2013 en faveur d’une lésion agressive et hétérogène de l’aile iliaque.
Un rapatriement en France a été réalisé aussitôt.
4
Michael, âgé de 12 ans à l’époque, est hospitalisé pour la première fois le 25 mars 2013
pour une lésion ostéolytique de l’aile iliaque droite. La biopsie révèle le sarcome d’Ewing.
Le scanner ne montre pas de métastase pulmonaire lors de la recherche d’extension.
L’intervention chirurgicale a eu lieu le 08 octobre 2013 après un traitement pré-opératoire
combinant cures de chimiothérapie et radiothérapie. Elle a consisté à faire une exérèse
tumorale, reconstruite par une allogreffe d’une extrémité inférieure de fémur (provenant
d’une banque d’os) avec mise en place d’une prothèse totale de hanche à double mobilité
de type Integra (Figure 1). (Annexes III et IV)
Suites post-opératoires : Une immobilisation sous plâtre pelvi-pédieux a été mise en place
pendant 8 semaines, suivie du port d’un corset pelvi-pédieux verrouillé qui sera
déverrouillé progressivement selon les indications du chirurgien. La verticalisation a
débuté tardivement du fait des complications de la chimiothérapie post-opératoire et de la
fatigue de Michael après l’intervention.
Figure 1 : Radiographie du bassin de face après l’intervention
L’histologie de la pièce osseuse réséquée montre une nécrose tumorale à 100%, le sarcome
est bon répondeur et le protocole Euro Ewing est poursuivi. (Annexe V)
Michael poursuit les cures post-opératoires. Je le prends en charge à 5 mois de
l’intervention chirurgicale, soit à J+150. A ce stade, Michael doit suivre la 8ème
et dernière
cure de chimiothérapie post-opératoire selon le protocole dans le cadre de la prophylaxie
de métastase. La rééducation kinésithérapique occupe une place prépondérante afin de
diminuer les déficits moteurs et l’aider à retrouver son autonomie.
5
2.2. Présentation du patient
Michael est un adolescent de 13 ans hospitalisé dans un hôpital pour enfants depuis 5 mois.
D’origine égyptienne, il a été rapatrié en France afin de bénéficier d’une prise en charge
adaptée, dans un service hautement spécialisé. Depuis la découverte de la tumeur, sa mère
a arrêté son travail en Egypte pour être à ses côtés. Elle est logée au sein de l’établissement
hospitalier dans un bâtiment dédié à l’accueil des parents. De ce fait, elle est très présente
et suit de près sa prise en charge. Son père et son petit frère âgé de 11 ans sont quant à eux
restés au Caire.
Avant la maladie, Michael était un garçon très actif et sportif. Il pratiquait le karaté et le
basket-ball. Il est aussi féru de bandes dessinées et de cinéma.
Le jeune patient est actuellement en classe de 4ème
et poursuit sa scolarité à l’hôpital à la
fois grâce à des cours par correspondance ainsi qu’un professeur qui intervient deux fois
par semaine dans sa chambre. Il souhaiterait devenir généticien et faire de la recherche en
oncologie. C’est un garçon très intéressé, qui pose beaucoup de questions sur la pathologie
et qui me livre ses inquiétudes.
Ce bilan a été réalisé peu de temps après la consultation du chirurgien (13 mars 2014).
Lors de ce dernier rendez-vous, les radiographies montrent une consolidation aboutie et le
chirurgien autorise l’appui complet du côté opéré (avant cette date l’appui autorisé était de
15kg à droite) et le travail global des rotations de la néo-articulation de hanche est permis.
De plus, les parties jambière et pédieuse de son corset pelvi-pédieux ont été retirées
définitivement et il peut effectuer les retournements au lit et dormir sans corset tout en
veillant à ne pas placer la hanche droite en position luxante (coussin entre les cuisses si
position en latéro-cubitus gauche).
Le corset est nécessaire uniquement lors de la marche, il assure un rôle protecteur et
préventif.
6
Fig. 2 : Attitude
spontanée de face Fig. 4 : Michael de dos Fig. 3 : Michael de profil
3.1. Bilan morpho-statique : une attitude antalgique
Michael mesure 1m66 pour 50 kg ce qui représente un indice de masse corporelle (IMC)
de 18,14 kg.m-2
: il est dans la norme en considération de son âge. (Annexe VI)
Attitude spontanée au lit
En décubitus dorsal, le membre inférieur droit (opéré) présente une attitude spontanée en
rotation latérale plus prononcée que du côté sain.
Attitude spontanée debout (Figures 2, 3 et 4)
Michael porte un corset pelvi-crural (il s’arrête au niveau de l’interligne articulaire du
genou avec un système d’appuis sus-condyliens).
A l’examen clinique, j’ai noté les éléments suivants :
- Bassin oblique, incliné en bas et à gauche (élévation de l’hémi-bassin droit)
- Le membre inférieur droit en rotation latérale, le genou droit est fléchi et le pied
droit est légèrement avancé et n’exerce qu’un appui contact sur le sol
- Le membre inférieur gauche est tendu et supporte la quasi-totalité du poids du
corps
- Une inégalité de longueur des membres inférieurs avec un différentiel de +2,5
cm du côté opéré. (Cette différence a été recherchée par le chirurgien car
Michael va encore grandir, cela devrait donc s’annuler au cours de la
croissance.)
7
3.2. Bilan cutané, trophique et vasculaire : quelques troubles
Cutané :
Du fait de la chimiothérapie, Michael présente une alopécie.
La peau est sèche avec présence de squames : on parle de xérose cutanée.
L’état cutané de Michael est surveillé tous les jours (notamment au niveau des points
d’appuis du corset).
Il présente deux cicatrices longilignes de 27 cm chacune, qui correspondent aux deux
incisions opératoires : une voie antérieure ou voie iléo-inguinale et une voie postérieure ou
voie de type Kocher. (Figure 5) Elles présentent chacune des points adhérents et indurés,
notamment au niveau du pli de l’aine. La cicatrice postéro-latérale est élargie au niveau de
sa terminaison distale et de par les frottements avec le corset elle est de couleur rosée.
Au niveau de la cheville et du pied, la peau est chaude, violacée.
Du fait de la radiothérapie, la palpation de la région iliaque est sensible.
Figure 5 : Les deux cicatrices de Michael (latéro-cubitus gauche)
Trophique : Œdème mixte à partir du 1/3 inférieur du segment jambier droit jusqu’aux
orteils ; œdème que j’ai pu quantifier grâce aux mesures périmétriques (Tableau I).
Tableau I : Mesures périmétriques quantifiant l’œdème
Droite (en cm) Gauche (en cm) Différentiel
Malléoles 24,5 23,5 +1 cm
A +5cm ligne orteils 20 19 +1 cm
Ligne des orteils 21 20,5 +0,5 cm
8
Vasculaire : Michael porte des bandes de contention dès le premier lever en prévention
des différents troubles vaso-moteurs (défaut de circulation de retour et système
lymphatique, accident thrombo-embolique, troubles orthostatiques).
Je n’ai pas noté de signes de phlébite avant la pose des bandes.
3.3. Bilan douloureux : des douleurs induites lors de l’appui
Michael prend actuellement un seul antalgique à base de paracétamol (1000mg) avant
chaque séance de kinésithérapie.
Tableau II : Le bilan des douleurs
Au repos, le patient ne présente aucune douleur spécifique. Michael a de nombreuses
douleurs en rééducation (Tableau II) notamment lors des mobilisations passives de la
hanche droite et de l’articulation talo-crurale. De plus, lors de la mise en charge et à la
marche, il présente des douleurs sous la voûte plantaire de son pied gauche cotées à 5/10 et
lors du travail du transfert d’appui, il a mal à droite (côté opéré) au niveau du cou du pied
ainsi qu’au calcanéus.
⇾ Sur le plan algique, les douleurs induites sont d’origine mécanique et limitent l’appui
sur le membre inférieur opéré.
3.4. Bilan articulaire : un membre inférieur droit enraidi
Qualitatif
Dans la néo-articulation de hanche droite, les arrêts en fin d’amplitude sont mous et
élastiques, ceux-ci étant dus à une hypoextensibilité globale des muscles de la hanche.
Où ? Quand ? Combien ? (EVA) Comment ?
Hanche droite Mobilisation passive en
fin d’amplitude
4/10 Tire
Cheville et pied droits Mobilisation passive en
fin d’amplitude
7/10 Tire
Voûte plantaire pied gauche Marche prolongée 5/10 Brûlure
Cou du pied Transfert d’appui 4/10 Broiement
9
La mobilité patellaire est physiologique. L’articulation tibio-fibulaire supérieure est
qualitativement moins mobile du côté opéré.
Quantitatif
L’examen a été effectué à J+150. Il est passif, bilatéral et sans corset. Les résultats sont
répertoriés dans le tableau III.
Tableau III : Amplitudes articulaires des membres inférieurs
ARTICULATION DROITE (OPERE) GAUCHE (SAIN)
HANCHE
Flexion 90° 120°
Extension 5° 10°
Abduction 25° 45°
Adduction 30° 30°
Rotation Latérale 25° 40°
Rotation Médiale 15° 30°
GENOU
Flexion 95° 140°
Extension 0° 0°
TALO-CRURALE
Flexion dorsale 0° 10°
Flexion plantaire 15° 30°
Il y a peu d’amplitude dans l’ensemble du pied (sûrement due à des rétractions des moyens
d’union activo-passifs du fait de l’immobilisation prolongée dans le plâtre). Les orteils sont
eux aussi hypomobiles (l’œdème limite les mouvements).
Quant au rachis, la flexion globale est très limitée, je note une mobilité exclusivement
localisée au niveau du rachis cervical et thoracique haut. Lors du test de flexion antérieure
du rachis, les mains de Michael arrivent juste au niveau de l’interligne articulaire du genou.
⇾ Sur le plan articulaire, le patient présente une néo-articulation de hanche limitée surtout
en extension et en abduction et un déficit de flexion dorsale de la talo-crurale droite à
mettre en relation avec l’immobilisation prolongée.
10
3.5. Bilan musculaire : déficit de force des membres inférieurs
Qualitatif : On note une hypoextensibilité globale de tous les muscles du membre inférieur
côté opéré, notamment les muscles du plan postérieur (Fessiers, Ischio-Jambiers, Triceps
Sural). Michael présente également une amyotrophie de l’ensemble des membres
inférieurs, localisée surtout au niveau des triceps suraux et des quadriceps.
La flexion de hanche active est impossible, l’abduction est difficilement réalisable.
Quantitatif : Il m’a été difficile de réaliser un bilan musculaire quantitatif analytique de
type testing du fait de la complexité de la néo-articulation de hanche. En effet lors de
l’opération, le chirurgien a effectué un curage musculaire et a désinséré certains muscles
s’insérant sur l’os coxal comme le tendon direct du droit fémoral (s’insérant sur l’épine
iliaque antéro-inférieure). (Annexe III)
J’ai donc réalisé cette évaluation de façon globale et fonctionnelle c’est-à-dire par groupes
musculaires. Mes résultats sont répertoriés dans le tableau IV et les cotations
correspondent à celles du Testing analytique classique.
Tableau IV : Evaluation quantitative de la force musculaire des membres inférieurs
Groupes musculaires DROITE GAUCHE
HANCHE
Flexion 0 4
Extension 3 5
Abduction 1 4
Adduction 2 4
Rotation Latérale 2 4
Rotation Médiale 1 4
GENOU
Flexion 2+ 5
Extension 2+ 5
CHEVILLE
Flexion dorsale 2 3
Flexion plantaire 2+ 3
Eversion 2 3
Inversion 2 3
11
Les fléchisseurs et les extenseurs des orteils sont globalement cotés à 2.
Le verrouillage actif du genou droit n’est pas acquis à J+150. Michael présente un déficit
d’extension active de 15°.
⇾ Au niveau musculaire, Michael présente donc un déficit global de force des deux
membres inférieurs plus important à droite.
3.6. Bilan fonctionnel : une dépendance dans les AVQ
Transfert d’appui et équilibre
Suite au dernier rendez-vous chirurgical, la radiographie montre une consolidation osseuse
optimale qui a permis au chirurgien d’autoriser l’appui complet sur le membre inférieur
opéré (c’est-à-dire 50kg contre 15kg autorisés précédemment).
Cependant, à J+150, Michael n’arrive à poser que 5 kg à droite. Cet appui est limité par
l’apparition de douleurs plantaires.
L’équilibre bipodal est stable et maintenu : même s’il est essentiellement assuré par le
membre inférieur gauche.
Transferts
Pour les transferts lit/fauteuil et fauteuil/lit, Michael utilise le perroquet pour s’aider et est
autonome dans ses transferts.
Pour les retournements latéraux au lit, ils sont effectués sans aide et sans corset ;
cependant, il place un coussin entre les cuisses en prévention d’un éventuel mouvement
luxant pour la position de décubitus controlatéral.
Le patient a besoin de s’aider de ses membres supérieurs pour passer de la station assise à
debout.
Activités de la vie quotidienne
Michael a besoin d’une tierce personne pour assurer ses soins personnels (douche,
habillage, toilettes) et pour se déplacer en sécurité : il est donc très dépendant dans les
activités de la vie quotidienne. Michael est un adolescent relativement passif qui reste très
souvent allongé sur son lit. Le fauteuil roulant vient d’être enlevé le midi pour l’obliger à
marcher jusqu’à la cantine en déambulateur.
12
3.7. Bilan de la marche : un périmètre de marche limité
Quand il se déplace dans le service, Michael n’utilise que son fauteuil roulant même s’il est
capable et encouragé à se déplacer en déambulateur dans l’hôpital et en béquilles en séance
de kinésithérapie. Il se déplace jusqu’au plateau technique avec son corset et deux cannes
anglaises, accompagné par le masseur-kinésithérapeute, selon une marche en 3 temps.
A la marche, je note les défauts de marche suivants :
- Diminution de la longueur du pas du côté sain
- Phase oscillante du côté sain (gauche) diminuée dans le temps par rapport à la
phase oscillante à droite
- Pour compenser le déficit de flexion active de hanche et de flexion dorsale de
talo-crurale, j’ai noté une élévation de l’hémibassin droit et une rotation latérale
du membre inférieur droit lors de la phase oscillante
- Lors de la phase portante, il marche en salutation car il présente un déficit de
10° d’extension de hanche pour avoir l’amplitude physiologique.
- L’abattée du pied gauche sans dérouler le pas (absence de phase taligrade)
De plus, l’immobilisation post-opératoire et la chimiothérapie ont nettement diminué son
endurance et son adaptation à l’effort. Son périmètre de marche est de 80m avec les 2
cannes anglaises.
3.8. Profil psychologique : une anxiété prédominante
Michael est un jeune garçon ambitieux, qui se projette dans l’avenir. C’est aussi,
paradoxalement, un adolescent peureux qui craint chaque nouvel élément en rééducation,
c’est-à-dire que chaque nouvelle étape dans la rééducation est un cap à passer et il n’a pas
encore assez confiance en son membre inférieur opéré, ce qui freine sa progression en
rééducation. Il est aussi très anxieux face à la douleur provoquée lors du transfert d’appui.
Il parle beaucoup de sa vie antérieure, de ce qu’il arrivait à faire et qu’il ne fait plus. Il
reste cependant motivé à poursuivre ses efforts pour progresser et sortir le plus rapidement
possible. Sa maman le soutient énormément en rééducation et il y a donc une relation dite
triangulaire qui s’est installée entre Michael, sa maman et le kinésithérapeute. [11, 12]
13
3.9. Conclusion
Au final, la déambulation reste difficile car elle est gênée entre autre par un manque de
flexion active de hanche, une amyotrophie musculaire majeure du côté opéré et une
appréhension. Michael est douloureux en rééducation (surtout lors des exercices de
transfert d’appui, marche corrigée) et cela entretient son anxiété. De plus, il me rappelle
souvent sa peur de chuter.
Michael, 13 ans, atteint d’une tumeur d’Ewing localisée à l’aile iliaque droite, est à J+150
de son opération. Lors de l’intervention, le chirurgien a effectué une exérèse de l’aile
iliaque qu’il a reconstruite avec une allogreffe de fémur distal (os de banque) et une
prothèse totale de hanche. Michael est ensuite transféré dans un hôpital pour enfants en
service d’oncologie afin de poursuivre son traitement chimiothérapique et de bénéficier
d’une rééducation fonctionnelle post-opératoire. A ce jour, il commence la 8ème
et dernière
cure de chimiothérapie post-opératoire.
D’après les bilans réalisés, le patient présente un déficit articulaire global du membre
inférieur droit, majoré au niveau de la néo-articulation de hanche dans les amplitudes
d’abduction : 25° et d’extension : 5°. Le déficit d’extension entraîne une marche dite en
salutation. Parallèlement, un déficit musculaire global est présent suite à l’opération
invasive et à l’immobilisation post-opératoire sous corset, rendant tout effort coûteux en
énergie, entraînant une fatigabilité non négligeable du patient et l’arrêt de ses loisirs. De ce
fait, Michael n’a pas de flexion active de hanche droite ce qui engendre lors de la marche
une élévation de l’hémibassin droit.
La mise en place de son corset pelvi-crural est obligatoire pour la marche et s’effectue avec
l’aide d’une tierce personne mais il arrive à l’enlever seul. L’équilibre unipodal à droite est
pour l’instant impossible à réaliser. Il n’arrive à transférer que 5kg sur son membre opéré
du fait de la douleur et d’une ostéoporose importante.
Michael déambule avec 2 cannes anglaises lors des séances de kinésithérapie mais en
dehors, il se déplace en déambulateur accompagné d’un adulte. Le périmètre de marche est
limité à 80m avec les 2 cannes. Lors de cette marche, Michael effectue un déroulé du pas
trop rapide à gauche avec une suppression de la phase taligrade.
14
Le patient a besoin d’un tiers pour se déplacer en sécurité et assurer ses soins personnels :
douche, toilettes, habillage. Sa dépendance engendre un problème de scolarisation et un
isolement social.
C’est un patient douloureux lors des mobilisations et du transfert d’appui, qui appréhende
chaque exercice. C’est un adolescent fragile, materné par sa mère et cela se traduit en
rééducation où il est relativement passif alors que nous sommes dans une phase active.
Au vu de ses limitations et son hospitalisation prolongée, Michael est restreint dans ses
activités et sa vie sociale. Son objectif est de rentrer chez lui, au Caire, avec la meilleure
autonomie et la meilleure fonction possible.
A l’heure actuelle, le pronostic vital n’est plus engagé et la réponse au traitement est
favorable à la guérison. Cependant, il faut tout de même respecter la période de rémission
de 5 ans après le traitement de la tumeur afin de prévenir une récidive potentielle.
Il s’agira donc pour le masseur-kinésithérapeute de corriger les boiteries à la marche,
diminuer progressivement les aides techniques, améliorer le transfert d’appui et renforcer
sa musculature. On agira également sur les déficits articulaires pour limiter les raideurs.
Prochainement, le travail des escaliers sera débuté. Sur du long terme, la question sera de
savoir s’il pourra reprendre ses activités et s’il pourra supprimer totalement les aides
techniques. Il devra prendre soin de son membre inférieur droit pour éviter les risques de
chute et l’apparition de nouvelles complications (le risque fracturaire étant important du
fait d’une ostéoporose d’immobilisation).
5.1. Objectifs de rééducation
A court terme :
- Diminuer les douleurs plantaires lors du travail en charge
- Favoriser la prise de conscience des défauts posturaux
- Augmenter la force du quadriceps à 3 au moins pour permettre le verrouillage
actif du genou
- Récupérer l’extension de hanche (de l’ordre de 10 à 15°)
15
- Gagner en flexion dorsale de talo-crurale
- Renforcer les muscles stabilisateurs latéraux du bassin et entretenir le membre
inférieur sain
- Obtenir un appui de 50% du poids du corps sur le membre opéré
- Eduquer le patient à la prévention des mouvements luxants et des infections[13]
A moyen terme :
- Minimiser les boiteries à la marche
- Monter et descendre les escaliers avec une canne anglaise
- Sevrer le patient aux aides techniques et au port du corset de façon progressive
- Acquérir une musculature suffisante pour obtenir un appui unipodal stable
A long terme :
- Retrouver une marche sans boiterie et un périmètre de marche illimité
- Permettre le retour à domicile d’ici 3 mois au maximum, dans les meilleures
conditions et avec la plus grande autonomie possible dans les activités de la vie
quotidienne
- Réadapter le patient à l’effort
5.2. Principes de la prise en charge
- Respect de la douleur : travailler en décharge si les exercices en charge sont
trop douloureux
- Respect de la fatigabilité du patient en réalisant des séances adaptées à son état
général (phase d’aplasie, fin de journée ou fin de semaine…) c’est-à-dire
favoriser des séances courtes, biquotidiennes et avec des temps de pause
suffisant entre chaque exercice
- Etre ludique afin de susciter la motivation du patient et diminuer son anxiété
- Tenir compte de la complexité de la néo-articulation et de l’anxiété du patient
en favorisant les prises courtes et englobantes lors des mobilisations
- Privilégier le travail en charge afin de stimuler la reminéralisation osseuse
- Autonomiser le patient au maximum
16
5.3. Pronostic
Dans le cadre de sa rééducation, Michael devrait rapidement améliorer la qualité de sa
marche et de ce fait prendre davantage confiance en lui ce qui lui permettrait de gagner en
autonomie et de se sociabiliser plus facilement en allant manger dans la salle commune
avec les autres enfants du service par exemple. De plus, grâce à l’aide du kinésithérapeute,
il devrait arriver par la suite à vaincre ses craintes et à appuyer davantage sur le membre
opéré. Par ailleurs, Michael est fatigable et présente un profil anxieux. Ces composantes
sont autant de facteurs à prendre en compte dans ma rééducation pour adapter au mieux les
séances et la mise en place de nouveaux exercices.
5.4. Rééducation du patient
La prise en charge de Michael est pluridisciplinaire : le chirurgien, les onco-pédiatres, les
infirmières, le masseur-kinésithérapeute, la psychologue, la diététicienne interviennent.
La prise en charge kinésithérapique s’effectue à raison de 2 séances par jour : une le matin,
l’autre l’après-midi. La durée des séances peut varier en fonction de l’état général du
patient (phase d’aplasie par exemple), de sa fatigue, d’éventuelles douleurs...
Cette prise en charge est globale, à visée fonctionnelle. Elle est principalement centrée sur
le travail de la marche, du transfert d’appui, le renforcement musculaire et le gain
articulaire.
Visées cutanée, trophique et vasculaire
L’adolescent porte et retire son corset plusieurs fois par jour (cela permet une
« respiration » cutanée et la préparation progressive au sevrage du corset qui sera envisagé
lors du prochain rendez-vous chirurgical). De plus, le chirurgien a donné l’autorisation de
dormir sans corset, à se transférer en latérocubitus (droit et gauche) sans corset et a décidé
de retirer la partie distale de ce dernier : il s’agit à présent d’un corset pelvi-crural. (Fig. 3)
Le masseur-kinésithérapeute vérifie quotidiennement l’état cutané du patient (points
d’appuis, rougeurs, état cicatriciel…)
De plus, un massage cicatriciel pour lever les adhérences sera effectué en décubitus
controlatéral.
17
Visée articulaire
On commencera par une mobilisation passive en triple flexion/triple extension du membre
inférieur droit dans un but d’entretien et d’échauffement articulaire ; puis, on mobilisera
articulation par articulation en commençant par la hanche afin de gagner en amplitude
essentiellement dans le plan sagittal et dans le plan frontal en abduction. Ces mobilisations
pourront être en va et vient ou en unidirectionnel répété avec des temps posturaux mais
jamais en mouvement de circumduction afin d’éviter tout mouvement dangereux pour la
prothèse.
On entretiendra les autres degrés de liberté de la hanche notamment les rotations qui ont
été autorisé par le chirurgien lors du dernier rendez-vous.
On fera aussi des mobilisations de la patella transversalement et de haut en bas puis du
genou en flexion et en extension dans un but d’entretien articulaire.
Enfin, on mobilisera l’articulation talo-crurale et les différentes articulations du pied à
l’aide de mobilisations spécifiques. Les mobilisations de la talo-crurale pourront être
accompagnées par des postures manuelles ou gravitationnelles en flexions dorsale et
plantaire. Chaque posture ou mobilisation sera suivie d’un temps actif aidé (dans la mesure
du possible) pour entretenir les muscles et fixer les gains.
On insistera également sur les mouvements d’éversion et d’inversion de l’arrière-pied et
sur la mobilisation des cinq rayons.
Ce travail articulaire sera complété par des auto-mobilisations du genou et de la cheville en
installant Michael sur une chaise et en lui demandant de faire rouler le skate sous ses pieds
d’avant en arrière et vice versa. Le pied devra rester bien à plat sur le skate.
On pourra suppléer cet exercice en proposant au patient de faire glisser le skate sous son
pied gauche puis droit de façon à simuler le déroulé du pas (phases taligrade, plantigrade,
digitigrade).
Visée musculaire
Rappelons que suite à l’intervention chirurgicale, nombreux sont les muscles s’insérant sur
l’os coxal à avoir été sectionnés. Il en résulte une cicatrisation musculaire anarchique avec
de nouvelles insertions non physiologiques ce qui engendre une importante perte de force
et d’élasticité.
Le travail musculaire sera intermittent avec une alternance de phases de travail et de phases
de repos pour éviter une fatigue trop importante pour la suite de la séance, à savoir un
temps de repos d’environ deux fois le temps de travail.
18
Par ailleurs, le travail musculaire au niveau de la néo-articulation de hanche à J+150 sera
global, fonctionnel, facilité c’est-à dire que l’on sollicitera en actif aidé chaque groupe
musculaire. Ainsi on ne parlera plus de muscle Ilio-Psoas mais plutôt de muscles
fléchisseurs de hanche (actuellement ces muscles sont cotés à 0 selon l’équivalent testing),
on pourra envisager un réveil musculaire par l’utilisation de chaine cinétique.
On pourra cependant travailler de manière plus ciblée les autres muscles du membre
inférieur droit.
Par exemple, il est important d’acquérir le verrouillage actif du genou. On proposera
plusieurs exercices en progression : d’abord en décharge avec l’exercice de l’écrase
coussin, puis en charge entre les barres parallèles en fente avant, genou droit fléchi à 30°
avec la consigne de tendre le genou en appuyant sur ma main (rappel extéroceptif) sans
bouger le bassin et enfin en travaillant le passage de la position assise à debout sans aide
des membres supérieurs.
On pourra continuer à solliciter le quadriceps en proposant un travail en décharge en
chaine ouverte dans les 3 principaux modes de contraction (concentrique, statique et
excentrique) à l’aide d’un coussin triangulaire où le patient devra maintenir la contraction
genou tendu durant 6 secondes puis freiner la descente de la jambe en douceur.
Des contractions réflexes du quadriceps seront recherchées par la suite : le kinésithérapeute
soutient la jambe droite et la consigne pour le patient est de maintenir la position tout en
sachant que le thérapeute va supprimer son aide ; les réflexes parachutes seront aussi
employés.
On sollicitera les Ischio-Jambiers en statique ou en dynamique contre résistance.
On continuera par un travail des muscles de la sangle abdominale afin de retrouver un
gainage efficace.
On proposera également le pont fessier pour entretenir les muscles du plan postérieur.
Un travail actif aidé des releveurs et du triceps sural sera envisagé.
On poursuivra par des étirements musculaires afin de lutter contre l’hypoextensibilité :
- Du plan postérieur (patient debout sur une marche d’escalier, talon en dehors et
laisse tomber le talon jusqu’à la sensation d’étirement ou sur un ballon KVB en
se penchant en avant)
- Des Ischio-Jambiers, quadriceps, gastrocnémiens, adducteurs, fléchisseurs et
extenseurs de hanche
19
Visée fonctionnelle
La marche
La marche est un point clé de la rééducation de Michael. En effet, elle constitue son
objectif principal pour envisager le retour à domicile et la reprise de ses différentes
activités.
Au-delà de l’aspect fonctionnel, la marche permet un réentrainement à l’effort car après
une lourde intervention, Michael a vu ses capacités physiques diminuer entrainant une
perte de l’endurance, une désadaptation à l’effort et donc une fatigabilité importante.
La récupération de la marche s’appréciera sur des critères qualitatifs (vitesse, rythme,
égalité des pas dans le temps et dans l’espace, déroulé du pas, etc.), quantitatifs (périmètre
parcouru, temps, économie des efforts, etc.) et fonctionnels comme l’adéquation entre les
possibilités du patient et ses besoins d’indépendance au quotidien.
Chaque journée débute par la pose de bandes de contention et la mise en place du corset
avant de débuter la marche (de la chambre jusqu’à la salle de rééducation).
Au début de ma prise en charge, à J+150, Michael se déplace lors des séances de
kinésithérapie avec deux cannes anglaises selon un rythme en 3 temps, sur un périmètre de
80m. Cette marche s’effectue dans le service sur terrain plat, deux puis quatre fois par jour.
L’objectif du kinésithérapeute sera d’automatiser cette marche et la rendre la plus
physiologique possible.
Les défauts de marche seront corrigés verbalement dans un premier temps en demandant à
Michael d’allonger le pas à gauche en posant d’abord le talon. On lui demandera aussi de
contrôler la rotation latérale droite et d’appuyer sur son membre droit plus longtemps lors
de la phase portante. Enfin, on lui demandera de se redresser et de regarder devant lui.
Comme il s’agit d’un enfant, on pourra imager les consignes en lui demandant par exemple
de ne pas faire de bruit en posant son pied gauche (ainsi il s’appliquera à bien dérouler le
pas). On pourra également donner un rythme musical (métronome) pour cadencer la
marche et réguler les cycles de marche.
On proposera ensuite des exercices de marche entre les barres parallèles : pas latéraux, pas
postérieur, travail du déroulé du pas, esquives d’obstacles ; permettant d’acquérir plus
d’assurance dans les déplacements.
La marche à l’extérieur débutera en déambulateur : elle permet la mise en situation sur
terrains variés (gestion de la pente, du type de sol, etc.).
Par ailleurs, à J+175, la marche autonome est autorisée dans le service à l’aide du
déambulateur.
20
La marche en autonomie et le déplacement à l’extérieur ont un impact psychologique non
négligeable qui aide le patient à se projeter dans l’avenir et à envisager son retour à
domicile.
A la fin de ma prise en charge, à J+185, Michael peut se déplacer dans le service seul ou
accompagné en béquille, il marche à l’extérieur en béquille sur un périmètre de 200m en
séance de kinésithérapie et commence la marche avec une seule canne anglaise (côté
controlatéral) sur une dizaine de mètres avec le soutien du masseur-kinésithérapeute côté
lésé. L’apprentissage de la montée et descente des escaliers est entrepris à J+175. Il
s’effectue à l’aide d’une canne et d’une rampe sur un étage ; progressivement, il arrive à
effectuer l’exercice sur deux étages. Il doit monter en premier le membre sain, puis la
canne et le membre lésé en même temps. Pour la descente, le principe est le même : la
canne et le membre lésé puis le membre sain.
Transfert d’appui
C’est la deuxième priorité de la prise en charge de Michael : en effet, lors du dernier
rendez-vous chirurgical, le chirurgien a autorisé l’appui complet sur le membre inférieur.
On effectuera différents exercices d’abord en statique : travail du transfert d’appui dans le
plan frontal sur deux pèse-personnes, dans le plan sagittal en fente avant, travail de
latéroposition du bassin avec rappel extéroceptif ou encore avec un feedback visuel à l’aide
d’un miroir. On pourra également travailler sur une cale en mousse afin de faire prendre
conscience à Michael de la quantité d’appui qu’il déplace à droite. Ce travail est primordial
et Michael doit être concentré sur le bon positionnement de son bassin afin de s’auto
corriger, prendre conscience de la bonne position et d’automatiser celle-ci.
Il est également important de mettre en pratique ce transfert d’appui en dynamique lors de
la marche entre les barres parallèles par exemple.
A la demande du patient, des moyens seront également mis en place pour soulager les
douleurs à base de cryothérapie et de mobilisations actives aidées.
6.1. Bilan morpho-statique
On retrouve les mêmes attitudes spontanées que précédemment.
21
6.2. Bilan Cutané, Trophique et Vasculaire
L’état cutané de Michael s’est amélioré par rapport au bilan initial. L’œdème a diminué au
niveau des orteils : il persiste un différentiel de +0.5 cm côté droit au niveau des malléoles.
La cicatrice antérieure est qualitativement moins adhérente, plus souple et mobile au
toucher. La peau est toujours sèche mais son aspect violacé s’est estompé.
6.3. Bilan douloureux
Michael est toujours algique lors des mobilisations en fin d’amplitudes articulaires ainsi
que lors du travail du transfert d’appui mais les douleurs ont significativement diminué.
6.4. Bilan articulaire
Les amplitudes ont évolué pour la hanche droite avec une augmentation de la flexion
passive à 95° et de la rotation latérale à 30°. Pour le genou droit, on a une augmentation de
la flexion passive à 100°.
Quant à la mobilité de la cheville, la flexion dorsale passive est à 5° et la flexion plantaire
s’élève à 20°. Les arrêts au niveau de la cheville sont relativement durs en fin d’amplitude
(éléments capsulo-ligamentaires) et douloureux.
On note également une meilleure mobilité globale de l’avant-pied et des orteils (due à la
résorption de l’œdème et aux mobilisations spécifiques).
6.5. Bilan musculaire
Les hypoextensibilités sont toujours présentes malgré les nombreux étirements mais ont
diminué qualitativement. En ce qui concerne la force musculaire, les progrès se sont vus
essentiellement au niveau du quadriceps et des ischio-jambiers qui sont cotés tous les deux
à 3. Les Rotateurs Médiaux de hanche sont maintenant à 2-.
6.6. Bilans fonctionnel et de la marche
C’est sur le plan fonctionnel que Michael a beaucoup progressé en 1 mois de rééducation.
En effet, il a dorénavant l’autorisation d’utiliser ses béquilles dans le service (accompagné
ou non d’un adulte) et n’utilise que les cannes anglaises aussi bien lors des séances de
kinésithérapie que dans l’hôpital. La marche est de plus en plus fluide dans le temps et
dans l’espace avec un périmètre de marche d’environ 250m.
22
Il passe beaucoup moins de temps au lit et préfère rester assis sur une chaise plutôt que sur
son fauteuil roulant. Il se déplace également à l’extérieur en béquilles uniquement en
présence d’un thérapeute sur des terrains variés (terrain incliné, différents types de sol).
Du côté du transfert d’appui, il arrive maintenant à appuyer la moitié de son poids du corps
sur la balance (à savoir 25kg) et l’équilibre bipodal dans ces conditions est stable. Il appuie
également davantage sur sa jambe droite en dynamique.
Malgré ses progrès, son déficit de flexion active de hanche entraîne toujours une
compensation en élévation de l’hémibassin droit.
La descente et la montée des escaliers ont bien débuté : elles se font avec l’aide d’une
canne anglaise et de la rampe, uniquement lors des séances de kinésithérapie pour le
moment.
7.1. Analyse des résultats
Lors de la prise en charge masso-kinésithérapique de Michael, la principale difficulté que
j’ai rencontrée fut la gestion de ses douleurs notamment celles situées au niveau de la
voûte plantaire, du calcanéus et du cou du pied. Ces douleurs étaient essentiellement
présentes lors du travail de remise en charge. Elles étaient sûrement dues à l’ostéoporose,
qui est une complication d’une immobilisation prolongée et également un des effets
secondaires du Dexamethasone® qui est un corticoïde (prescrit pour son action
antiémétique) [14].
Ces douleurs ont limité le travail en charge et donc limité la récupération de la force
musculaire des membres inférieurs, du verrouillage actif du genou et de la marche. La
progression en rééducation s’est donc vue ralentie à l’apparition de ces douleurs.
Du fait de l’ostéoporose de Michael, les exercices en charge sont très importants car ils
vont stimuler la minéralisation osseuse [15], or la mise en charge sur des os fragilisés est le
principal facteur déclenchant de la douleur. Cependant si on ne travaille pas en charge, la
densité osseuse ne s’améliorera pas, les douleurs ne cesseront d’augmenter et de ce fait il
sera encore plus difficile pour le patient d’appuyer sur son membre opéré. La remise en
charge est donc responsable de l’apparition de douleurs à court terme mais bénéfique sur la
diminution voire suppression de ces dernières à long terme.
23
La rééducation sera alors un compromis entre l’efficacité des exercices en charge et
l’antalgie.
Au cours de ma prise en charge, j’ai constaté que Michael était anxieux lors des soins : il
avait peur d’avoir mal avant de commencer la séance. Lorsque je le mobilisais, je me suis
rendue compte que dès qu’il concentrait son attention sur les mobilisations articulaires les
signes de douleur (grimaces, cris) apparaissaient plus vite que lorsqu’il lisait une bande-
dessinée ou regardait la télévision pendant ce temps. Dans le second cas, j’obtenais de
meilleurs résultats.
Je me suis alors demandé si l’emploi de techniques distractives aurait pu s’adapter aux
exercices en charge. Quelles sont les différentes techniques de distraction applicables en
rééducation ? Sur quoi agissent-elles et quelles sont leurs limites ?
7.2. Prise en charge de la douleur et spécificité chez l’enfant
La douleur de l’enfant a longtemps été sous-estimée voire ignorée [16, 17].
Ce n’est qu’à partir des années 1980 que les premières publications apparaissent,
démontrant que, dès sa naissance, l’enfant est susceptible de ressentir la douleur. Face à la
loi, les professionnels de santé ont un devoir éthique et une obligation professionnelle de
soulager la douleur. En 1999, des travaux sont menés et aboutissent à la publication par la
Haute Autorité de Santé (HAS) de recommandations professionnelles [17]. Ces dernières
apportent des constats, des conseils et des outils d’aide à la mise en place de protocoles et
de méthodes de prise en charge de la douleur. Toutes les situations cliniques sont recensées
afin de répondre de façon la plus exhaustive possible aux besoins des patients.
Prendre en charge la douleur est un devoir envers les patients, selon le Code de
Déontologie des masseurs-kinésithérapeutes, l’article R.4321-85 déclare qu’ « En toutes
circonstances, le masseur-kinésithérapeute s’efforce de soulager les souffrances du patient
par des moyens appropriés à son état et l’accompagne moralement. »
Définition de la douleur [18]
Selon l’International Association for the Study of Pain (IASP), la douleur se définit
comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à un dommage
tissulaire réel ou potentiel ou décrite en terme d’un tel dommage. »
24
La douleur est subjective et se divise en quatre composantes [19, 20] :
- Une composante sensori-discriminative : elle est responsable du décodage de
la qualité (par exemple : brûlure, piqûre, fourmillement), de la durée, de
l’intensité et de la localisation de la douleur.
- Une composante affectivo-émotionnelle : elle confère à la douleur sa tonalité
désagréable, agressive, pénible. L’humeur de l’enfant est donc modifiée,
pouvant atteindre l’anxiété ou la dépression.
- Une composante cognitive : elle désigne un ensemble de processus mentaux
susceptibles d’influencer la perception douloureuse et les réactions
comportementales qu’elle détermine : processus d’attention et de diversion de
l’attention, références à des expériences douloureuses antérieures personnelles,
décisions sur le comportement à adopter. Les individus ne ressentent pas tous la
même douleur pour un même stimulus, ceci est notamment dû à la valeur et la
signification donnée à la douleur.
- Une composante comportementale : elle représente l’ensemble des
manifestations verbales et non-verbales de la personne qui souffre telles que les
pleurs, cris, grimaces mais aussi les réactions d’évitement. Elle assure une
fonction de communication avec l’entourage.
La douleur mécanique induite lors du transfert d’appui est une douleur aiguë. Elle est liée à
une atteinte tissulaire brutale et est souvent associée à des manifestations neurovégétatives
et à une anxiété. C’est un véritable signal d’alarme [21].
La prise en charge de la douleur s’effectue sur trois plans (pharmacologique,
psychologique et physique) et implique tous les professionnels de santé. Elle débute
toujours par une évaluation précise et approfondie de la douleur, dans le cas de Michael, on
utilise l’échelle visuelle analogique (EVA) qui est une échelle d’auto-évaluation [22].
7.3. Les moyens pharmacologiques
Dans la plupart des cas, la douleur est d’abord traitée de manière médicamenteuse. Le
masseur-kinésithérapeute doit se tenir informé de l’administration d’antalgiques avant le
début de la séance de rééducation afin d’adapter au mieux sa prise en charge.
25
Il faut donc connaître la classification des antalgiques par palier de ces médicaments qui
sont de véritables adjuvants à la rééducation.
En plus de ces médicaments, on peut avoir recours en service pédiatrique à l’utilisation du
MEOPA (Mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote) qui est un gaz anesthésiant et
analgésiant.
Cependant, très souvent, les médicaments ne suffisent pas à eux seuls à juguler l’anxiété de
l’enfant et à garantir le bon déroulement de la séance de masso-kinésithérapie [23].
Il est donc nécessaire de prendre en charge l’enfant ou l’adolescent souffrant de douleurs
aiguës induites en rééducation dans sa globalité. Il s’agira de prendre en compte toutes les
composantes de la douleur afin d’être efficace.
7.4. Les stratégies du masseur-kinésithérapeute afin de diminuer
la perception de la douleur chez un enfant ostéoporotique lors du travail
de reprise d’appui
La douleur de l’enfant cancéreux est un élément primordial, c’est une priorité de l’équipe
de soins. L’équipe pluridisciplinaire doit se mobiliser pour prévenir, évaluer, répondre à la
douleur de ces patients fragilisés. A côté des douleurs liées à la pathologie de l’enfant,
nous devons faire en sorte de ne pas rajouter une douleur provoquée par nos soins.
En effet, c’est un patient qui a déjà un passé douloureux important et une forte anxiété
depuis la découverte de sa maladie et du milieu hospitalier.
Rappelons aussi que Michael a eu une intervention complexe qui a eu pour conséquence
une grande fragilisation mécanique du bassin suivi d’une immobilisation prolongée.
L’immobilité a engendré un certain nombre de complications dont l’ostéoporose. A un âge
où la croissance est à son pic [10, 14], Michael présente une perte importante de la densité
osseuse.
7.4.1. L’ostéoporose
L’ostéoporose est une affection généralisée du squelette caractérisée par une
réduction de la masse osseuse et une altération de la microarchitecture du tissu osseux
responsable d’une augmentation de la fragilité de l’os et par conséquent, du risque de
fracture [24].
Chez l’enfant, l’ostéoporose a des étiologies diverses. Dans le cas de Michael, il s’agit
d’une ostéoporose secondaire à une immobilisation prolongée [14].
26
En effet, on sait qu’une immobilisation provoque une altération du métabolisme du
calcium, de ce fait, le tissu osseux est moins dense [25].
Il est possible de prévenir cette complication grâce à la remise en charge : les contraintes
osseuses stimulent la densification de l’os [26]. De plus, un traitement à base de calcium et
de vitamine D est mis en place pour éliminer des carences nutritionnelles et la prise de
biphosphonates est préconisée [14, 25, 27].
Ici, la remise en charge est douloureuse pour Michael car ses os sont fragilisés,
mais, si nous ne le remettons pas en charge l’ostéoporose risque de s’aggraver et les
douleurs de s’amplifier.
Pour lutter contre l’apparition de douleurs induites et être de ce fait beaucoup plus
efficace dans la restauration de l’appui sur un membre lésé, le masseur-kinésithérapeute a à
sa disposition différents moyens.
Outre les techniques physiques que l’on utilise classiquement en amont ou en aval de
l’exercice douloureux telles que la cryothérapie constrictive, les mobilisations passives,
l’usage de l’électrothérapie antalgique et le massage (de la voûte plantaire notamment)
[28] ; le masseur-kinésithérapeute est habilité à prévenir les douleurs et l’anxiété à travers
d’autres techniques, plus ciblées sur les composantes cognitive et émotionnelle de la
douleur. Parmi ces techniques, on retrouve les méthodes distractives.
7.4.2. La distraction
La distraction a plusieurs significations. Celle utilisée dans le cadre de l’analgésie
peut se définir comme « l’action de détourner l’esprit d’une occupation ou d’une
préoccupation : faire diversion » [28].
Dans le cadre des soins, distraire un enfant n’est pas le faire rire ou le faire simplement
jouer mais détourner son attention de façon efficace.
Les techniques de distraction sont nombreuses et permettent d’intervenir efficacement sur
la composante émotionnelle de la douleur. Ces techniques cognitives agissent en atténuant
le stress et l’anxiété que peut provoquer un soin ou un exercice de rééducation [23].
La distraction doit être une démarche individualisée en adaptant la méthode à l’âge
de l’enfant, à son développement psychomoteur et à ses préférences (endroits favoris,
passions, sports…). Il faut également prendre en compte l’état de santé du patient, sa
sensibilité à la douleur (seuil de tolérance) et son expérience antérieure face aux soins.
27
On distingue deux types de distraction : les pratiques qui nécessitent un support (lecture,
télévision, jeux vidéo, marionnettes, etc.) et celles qui ne nécessitent pas de support (conte,
voyage imaginaire, comptage d’objets, etc.). La distraction se décline également en
fonction de l’implication du sujet entre distraction passive (comme par exemple regarder
un dessin animé) et distraction active (par exemple, compter sur ses doigts ou réaliser un
dessin) [28].
Elle est très souvent effectuée en relation avec une autre personne comme le thérapeute
et/ou les parents, mais le patient peut aussi apprendre à accéder seul à cet état.
L’utilisation du jeu et de la distraction est plus fréquente chez l’enfant que dans les autres
classes d’âge.
Ces méthodes sont de plus en plus employées par tous les professionnels de santé (du
médecin à l’infirmière en passant par le masseur-kinésithérapeute).
Les objectifs
L’intérêt de l’utilisation des méthodes distractives en rééducation est d’instaurer un support
ludique qui va permettre à l’enfant de dépasser son angoisse, de « lui permettre de devenir
acteur dans le soin » [28, 29].
Cela va également lui permettre « de s’amuser, de se détendre, de mieux vivre les moments
tels que les soins, les examens, les séparations, la solitude […] grâce à différents moyens
couramment utilisés dans les services » [30]. En effet, s’appuyer sur une animation permet
à l’enfant de mieux supporter la douleur générée par l’exercice en charge et entraîne donc
une meilleure acceptation de la séance et des séances ultérieures. La distraction prévient
l’apparition de conduites d’évitement et donc de kinésiophobie.
Enfin, la distraction permet d’instaurer une relation de confiance entre l’enfant et le
thérapeute mais aussi avec les parents, ce qui contribue à entretenir une relation
triangulaire de qualité [11].
L’utilisation de la distraction permet également de diminuer l’anxiété des parents et de
favoriser leur participation dans la rééducation s’ils le souhaitent.
L’objectif essentiel est de laisser un souvenir le moins traumatisant possible à l’enfant et de
potentialiser les effets des antalgiques pour son confort.
28
Quel est le moment le plus judicieux pour réaliser la distraction ? Avant,
pendant ou après l’exercice ? [31]
En 2007, une équipe de chercheurs américains a mis en évidence l’utilité du rire et de
l’humour sur des enfants subissant des soins potentiellement stressants ou douloureux.
Pour se faire, 18 enfants âgés de 7 à 16 ans ont participé à l’expérience qui consistait à
regarder des vidéos humoristiques avant, pendant et après un geste douloureux. Le geste
était de plonger une main dans de l’eau froide.
Les résultats de cette expérience ont montré qu’il n’y avait pas de différence sur la cotation
de la douleur ressentie (EVA). Cependant, le temps de maintien de la main dans l’eau
froide était significativement plus élevé lorsque la vidéo humoristique était diffusée
pendant l’action.
Il y a donc une meilleure tolérance de la douleur lorsque la distraction par le rire est
effectuée pendant le soin.
Distraction passive versus distraction active [32]
En 2011, une étude randomisée a été effectuée afin de comparer la distraction active et la
distraction passive. Pour la réalisation de l’expérience, on a demandé à 60 patients de
maintenir leur main dans de l’eau à 2°C et ce aussi longtemps qu’ils pourraient le tolérer.
Les patients ont été répartis dans 3 groupes randomisés et ont effectué le geste douloureux
trois fois dans un ordre aléatoire :
- Sans aucune distraction (témoin)
- Avec une distraction active : jouer à un jeu électronique à la Wii™ (stimulation
des sensations visuelles, auditives, tactiles et kinesthésiques)
- Avec une distraction passive : regarder la télévision
Les résultats de cette expérience ont démontré que le temps de tolérance était
significativement plus long avec la distraction active.
De la même manière, la cotation de la douleur était moins importante avec la distraction
active que la distraction passive.
Enfin, la distraction active s’est révélée plus efficace sur la diminution de l’anxiété, la
notion de plaisir procuré et l’envie de renouveler l’exercice.
En outre, les participants se sont sentis plus absorbés lors du jeu électronique et seraient
prêts à répéter l’expérience douloureuse en jouant à la console.
29
Plus l’activité cognitive est importante, plus elle va inhiber la transmission de signaux
douloureux dans le cerveau. L’expérience a montré que le caractère désagréable de la
douleur et l’intensité sont diminués efficacement. La distraction active modifierait la
perception de la douleur dans une plus large mesure que la distraction passive.
Mise en application lors d’une séance avec Michael
Dans le cadre de la reprise d’appui de Michael, il était intéressant d’essayer les méthodes
distractives afin de réduire sa perception douloureuse.
Le fait de déporter son attention en lui demandant de me raconter une histoire ou de me
parler de ses passions (basket-ball, séries télévisées) a permis d’élever le seuil de tolérance
à la douleur et en conséquent d’améliorer quantitativement l’appui.
La Wii™ aurait également été un bon moyen de distraire Michael tout en travaillant en
charge puisqu’elle propose des exercices de transferts d’appui de façon ludique applicables
en rééducation, grâce à une plateforme [33, 34].
Ecouter de la musique et même chanter détournent l’attention sur la douleur en stimulant le
sens auditif. Chercher un objet dans la salle, lire une affiche ou décrire un tableau stimulent
la vision. Ainsi, les cinq sens peuvent être exploités pour diversifier les perceptions [23].
Tous ces moyens ont permis à Michael de lâcher prise et d’appuyer davantage sur son
membre inférieur droit. En conséquence, cela a stimulé la densité osseuse et permis de
prévenir le risque fracturaire en cas de chute.
Les limites de la technique
La distraction ne peut être efficace que si celle-ci est couplée à un traitement
médicamenteux adapté à l’enfant, c’est-à-dire correctement dosé. La distraction agit en
synergie avec les médicaments, elle permet de potentialiser leur action antalgique [28].
Les techniques distractives se limitent également au profil du patient. En effet, il
faut que ce dernier soit coopératif et qu’il adhère à la prise en charge. Un enfant en
opposition aux soins, comme cela arrive en oncologie est une contre-indication à toute
méthode distractive. Dans cette prise en charge, le patient doit devenir acteur du soin.
Il faut également une pièce calme afin que l’enfant puisse lâcher prise et se
concentrer pleinement sur l’objet distractif. Des conditions non favorables telles qu’une
salle bruyante avec d’autres personnes présentes peuvent éventuellement gêner l’enfant et
diminuer les bienfaits de la méthode.
30
Il est préférable que le masseur-kinésithérapeute soit formé à ces techniques
psycho-comportementales afin de mieux les maîtriser. En effet, une fois que l’exercice est
débuté, la distraction ne doit s’arrêter qu’à la fin de l’exercice potentiellement douloureux,
le thérapeute doit donc être vigilant à animer sa distraction tout le temps de l’exercice.
Enfin, la distraction est bénéfique pour améliorer l’appui de manière quantitative
mais le patient n’a plus vraiment conscience de son corps puisque ces méthodes déportent
l’attention sur un autre centre d’intérêt [29]. Or sans prise de conscience, la qualité du
transfert d’appui et le schéma corporel ne pourront pas être corrigés.
La découverte d’un sarcome d’Ewing à l’âge de 12 ans est une épreuve
bouleversante dans la vie d’un enfant et de son entourage. La douleur physique mais aussi
émotionnelle est au centre de la pathologie. C’est elle qui est, très souvent, le premier signe
révélateur de la tumeur et qui va évoluer tout au long de l’hospitalisation. La prise en
charge de la douleur est donc une priorité absolue pour l’ensemble de l’équipe
pluridisciplinaire.
Après le traitement chirurgical de résection tumorale, le masseur-kinésithérapeute
intervient afin de restaurer les meilleures capacités fonctionnelles possibles de l’enfant. Au
cours de la rééducation, la masso-kinésithérapie peut être génératrice de douleurs aiguës
surajoutées comme lors de la reprise d’appui. Le masseur-kinésithérapeute doit prévenir et
traiter la douleur en prenant en compte toutes ses composantes sans se limiter à la
composante sensori-discriminative. Utilisée en rééducation, la distraction devient alors
pour le masseur-kinésithérapeute un véritable outil de soin au même titre que le massage,
le TENS ou la thermothérapie. Elle permet une prise en charge de qualité et individualisée
de l’enfant soigné en agissant sur les composantes émotionnelle et cognitive. En effet,
distraire un enfant pendant un exercice douloureux ou inquiétant permet de diminuer
efficacement la douleur et agit sur l’anxiété liée au soin. La distraction permet de
potentialiser l’action des médicaments antalgiques mais pas de les substituer.
Cependant, les méthodes distractives se limitent à l’aspect quantitatif de l’appui.
La qualité du transfert doit être ensuite travaillée afin d’optimiser le gain. Dans le cas de
Michael, rappelons que l’objectif principal de la rééducation est une récupération
fonctionnelle. Si le schéma corporel n’est pas bon, notre objectif ne sera pas atteint. On
peut donc se demander comment parvenir à une prise de conscience du schéma corporel.
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travailler l’équilibre avec la Wii !. Kinesither Rev. 2011 ;(114) :33-40
ANNEXES
Annexe I : Schématisation de la translocation chromosomique
Annexe II : Résultat du CT Scan (effectué en Egypte le 21/03/2013)
Annexe III : Compte Rendu Opératoire
Annexe IV : Prothèse Totale de Hanche de type Integra®
Annexe V : Protocole Euro-EWING 99 suivi dans le traitement de Michael
Annexe VI : Courbe de corpulence des garçons de 0 à 18 ans
Annexe I : Schématisation de la translocation chromosomique responsable de
l’activation du nouveau gène EWS-FLI1 lors de la survenue du Sarcome d’Ewing
Annexe II : Résultat du CT scan (effectué en Egypte le 21/03/2013)
Traduction et synthèse du CT-scan
La région iliaque droite montre une lésion ostéolytique associée à une réaction périostée et
un envahissement des parties molles adjacentes.
La masse mesure à ce jour en axial 6 x 8.5 x 14.5 cm. La lésion apparaît hétérogène.
Résultats en faveur d’un sarcome d’Ewing.
Annexe III : Compte Rendu Opératoire
Annexe IV : Prothèse Totale de Hanche de type Integra®
Annexe V : Protocole Euro-EWING 99 suivi dans le traitement de Michael
Légende
VIDE, VAI et VAC sont les abréviations des médicaments actifs de chimiothérapie.
V: Vincristine
I: Ifosfamide
D: Doxorubicine
E: Etoposide
A: Actinomycine
C: Cyclophosphamide
Dans le cas de Michael, la réponse histologique a montré une nécrose à 100% des cellules
tumorales, il se place donc dans la catégorie des bons répondeurs R1.
Au total, le traitement tumoral comprend 6 cures pré-opératoires, le temps chirurgical et 8
cures post-opératoires.
Annexe VI : Courbe de corpulence des garçons de 0 à 18 ans
Michael