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Un Printemps rouge et noir Regards croisés sur la grève étudiante de 2012 Collectif sous la direction de Marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri

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Un Printemps rouge et noirRegards croisés sur la grève étudiante de 2012

Collectif sous la direction deMarcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri

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Marcos Ancelovici est professeur au département de sociologie del’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il est spécialiste des mouvementssociaux et travaille actuellement sur les mobilisations contre l’austérité.

Au printemps 2012, le Québec a été le théâtre d’un conflit sociald'une ampleur inédite. «La grève est étudiante, la lutte est populaire!»clamait alors la rue bondée de gens de tous les horizons. Commentrendre compte d’un tel événement? Quels ont été les ressorts et les

effets de la mobilisation? Cet ouvrage collectif, dans lequel chaque texte est lefruit d’une collaboration entre des étudiant-e-s et des enseignant-e-s, analysede façon rigoureuse divers aspects du Printemps érable.

Avec des textes de Andrée Bourbeau, Geneviève Côté, Marc-André Cyr,Philippe de Grosbois, Martine Delvaux, Gabrielle Desrosiers, Marie-LiseDrapeau-Bisson, Véronique Fortin, Marie-Claude G. Olivier, Alain-G. Gagnon,Elsa Galerand, Émilie Joly, Benoît Lacoursière, Michel Lacroix, Ève Lamoureux,Vanessa L'écuyer, David L’Écuyer, Alexandre Leduc, Lucie Lemonde, RachelNadon, Olivier Parenteau, Jacinthe Poisson, Maxime Roy-Allard, DavidSanschagrin, Alain Savard et Arnaud Theurillat-Cloutier.

Francis Dupuis-Déri est professeur de science politique à l’UQAM.Il est l’auteur de À qui la rue ? Répression policière et mouvements sociaux(Écosociété, 2013) et de Démocratie : histoire politique d'un mot (Lux, 2013).

Tel un rhizome, la lutte ne peut ressurgir que là où l’on ne l’attend pas.Comme nous le rappelle un vers publié dans Fermaille, revue de poésie crééepar et pour la grève, «chaque saison [a] sa propre forme de résistance».

Alliant analyse de discours, entretiens semi-dirigés et observation participante,ce livre offre de multiples clés pour comprendre la dynamique du Printempsérable. Sans prétendre pouvoir parler de victoire ou d’échec, il soulignel'incroyable éveil politique qu'aura représenté ce conflit social pour toute unegénération.

Les auteur-e-s abordent de nombreux sujets : des origines du syndicalismeétudiant aux manifestations de casseroles et aux Assemblées populairesautonomes de quartier (APAQ), en passant par les modes de fonctionnementde la démocratie étudiante, les enjeux féministes, les réactions des partispolitiques, le rôle des médias sociaux, de la littérature et de l’art ainsi quela répression judiciaire et policière.

Tous deux participent au Groupe de recherche sur l’action collective (GRAC).

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Un PrintemPs roUge et noir

regards croisés sur la grève étudiante de 2012

Collectif sous la direction de

Marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri

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Coordination éditoriale : Barbara Caretta-Debaysillustration de la couverture : La beauté est dans la rue CC BY-NC moïse marcoux-

Chabot, 2013. Cette illustration est une adaptation libre d’une affiche éponyme de mai 68, aussi inspirée par l’un des symboles forts de la révolte turque du printemps 2013 : l’image d’une femme en robe rouge aspergée d’irritant chimique. sources : montpellier [non identifié]/Bibliothèque nationale de France et photo-graphies de presse diverses.

typographie et mise en pages : Yolande martel

© Les Éditions Écosociété, 2014

Dépôt légal : 1er trimestre 2014

isBn PAPier 978-2-89719-110-8isBn PDF 978-2-89719-111-5isBn ePUB 978-2-89719-112-2

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre :

Un printemps rouge et noir : regards croisés sur la grève étudiante de 2012

Comprend des références bibliographiques.

isBn 978-2-89719-110-8

1. grève étudiante, Québec, 2012. 2. mouvements étudiants – Québec (Province). 3. Québec (Province) – Politique et gouvernement – 2003-2012. i. Ancelovici, marcos, 1971- . ii. Dupuis-Déri, Francis, 1966- .

LA418.Q8r68 2014 371.8’109714 C2013-942559-4

nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre pro-gramme de publication. nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition. nous remercions le gouvernement du Québec de son soutien par l’entremise du Programme de crédits d’impôt pour l’édition de livres (gestion soDeC), et la soDeC pour son soutien financier.

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Table des matières

introduction Retour sur le « Printemps érable » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri

première partie

LA DÉmoCrAtie en ACtion

Les racines historiques du Printemps érable . . . . . . . . . . . . . 37

Arnaud theurillat-Cloutier, Alexandre Leduc et Benoît Lacoursière

La rue contre l’État . Actions et mobilisations étudiantes en 2012 . . . . . . . . . . . . . 59

Alain savard et marc-André Cyr

La démocratie directe en mouvement . Structure et rapports de pouvoir au sein de la CLASSE . . . . 87

marcos Ancelovici et maxime roy-Allard

Militantes féministes grévistes . Du Comité femmes de l’ASSÉ au Comité femmes GGI de l’UQAM . . . . . . . . . 115

martine Delvaux, gabrielle Desrosiers, elsa galerand et Vanessa L’écuyer

« La grève est étudiante, la lutte est populaire ! » Manifestations de casseroles et assemblées de quartier . . . . 150

marie-Lise Drapeau-Bisson, Francis Dupuis-Déri et marcos Ancelovici

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deuxième partie

CommUniCAtion et CrÉAtion

« À qui le web ? » Médias sociaux et mobilisations du printemps 2012 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185

geneviève Côté et Philippe de grosbois

Artivistes en grève sociale illimitée . « Désolé-e-s de vous déranger, on essaye juste de changer le monde » . . . . . . . . . 209

marie-Claude g. olivier et Ève Lamoureux

La grève en vers et en prose : combats, silences et fissures . . 233

michel Lacroix, rachel nadon et olivier Parenteau

troisième partie

Les rÉACtions institUtionneLLes

L’approfondissement du politique au Québec . Les partis politiques et la grève étudiante de 2012 . . . . . . . 259

David sanschagrin et Alain-g. gagnon

La répression judiciaire et législative durant la grève . . . . . 295

Lucie Lemonde, Andrée Bourbeau, Véronique Fortin, Émilie Joly et Jacinthe Poisson

Printemps de la matraque . Répression et autorépression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327

Francis Dupuis-Déri et David L’Écuyer

conclusion« Les grèves étudiantes, qu’ossa donne ? » . . . . . . . . . . . . . . 355

marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 368

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Introduction

Retour sur le « Printemps érable »

marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri

Je pense qu’il y a un consensus qui est en train de se mettre en place au Québec. Quand je parle de consensus, j’exclus les

étudiants. mais on voit que, de plus en plus, l’importance d’aug-menter les droits de scolarité se fait sentir1. » Voilà ce qu’expli-quait la ministre de l’Éducation du gouvernement du Parti libéral du Québec (PLQ), michelle Courchesne, en février 2010. « il n’y aura pas de consensus sur les droits de scolarité. il faut être réaliste2 », déclarait exactement trois ans plus tard, en février 2013, Pierre Duchesne, ministre de l’Éducation du gouvernement du Parti québécois (PQ), à la clôture du sommet sur l’enseigne-ment supérieur. Ces propos justifiaient l’imposition d’une indexa-tion. entre-temps, de la mi-février au début septembre 2012, avait eu lieu la plus importante grève étudiante de l’histoire du Québec, accompagnée d’un mouvement de contestation popu-laire d’une ampleur exceptionnelle.

Pour caractériser cette mobilisation sociale, mais aussi la virulence du débat public et l’intensité de la répression policière

1. tommy Chouinard, « Québec envisage une hausse plus élevée des droits de scolarité », La Presse, 11 février 2010.

2. radio-Canada, « Droits de scolarité : Québec imposera l’indexation », 26 février 2013, <www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2013/02/26/002-004-sommet-mardi-situation.shtml>.

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qu’elle a suscitées, plusieurs personnes ont rapidement évoqué un « Printemps érable » ou un « Printemps québécois ». Ces expres-sions étaient peut-être maladroites si elles exprimaient un désir de revendiquer une filiation avec le « Printemps arabe », qui avait débuté en décembre 2010 par de vastes mobilisations populaires en tunisie et en Égypte. néanmoins, la notion de « printemps » est régulièrement reprise pour désigner des soulèvements et des mobilisations populaires, sans doute depuis le « Printemps des peuples » de 1848 qui a secoué les monarchies européennes, sans oublier le « Printemps de Prague » de 1968 contre le régime soviétique. L’expression « Printemps érable », d’apparence plus originale et moins nationaliste que « Printemps québécois », a rapidement été retenue par les médias, et surtout par le mouve-ment lui-même3. L’expression a également été intégrée au voca-bulaire anglophone puisqu’on parle désormais de « Maple Spring ».

Ayant participé de près ou de loin à ces événements, l’équipe qui signe cet ouvrage collectif s’est rencontrée dès le 18 juin 2012 pour planifier ce projet. L’objectif était alors de proposer le « premier » livre sur la grève… Cette prétention fait aujourd’hui sourire, considérant les très nombreux titres sur le sujet qui ont déjà paru. toutefois, cet ouvrage a la particularité de proposer des textes qui sont tous écrits en collaboration entre des person-nes qui étudient et d’autres qui enseignent au collège ou à l’uni-versité. il s’agit ainsi de poursuivre de façon concrète une certaine solidarité qui s’est exprimée durant le Printemps. De plus, contrairement à la plupart des livres publiés jusqu’à maintenant sur le sujet et qui proposent des témoignages de l’intérieur, sou-vent à partir des organisations mêmes du mouvement étudiant, des réflexions personnelles ou d’ambitieuses analyses sociopoli-tiques qui tentent d’embrasser d’un seul regard l’ensemble du Printemps, nous avons privilégié une approche analytique par thématiques. Les chapitres relèvent de méthodes de recherche diverses, allant de l’analyse de discours à l’ethnographie et l’ob-servation participante en passant par des entretiens semi-dirigés.

Aussi, avant de revenir sur les grandes lignes de ce conflit, il importe de se pencher sur une question généralement négligée,

3. Voir, en fin d’ouvrage, une bibliographie des titres parus sur le sujet.

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comme si la réponse allait de soi, à savoir : qu’est-ce qu’un mouvement étudiant ?

Le mouvement étudiant au-delà de la grèveDurant le Printemps érable, les personnes qui appuyaient la hausse des frais de scolarité, à commencer par le gouvernement libéral, n’ont eu de cesse de présenter la mobilisation étudiante comme un boycott – et donc comme un geste individuel – plutôt que comme une grève – et donc comme une action collective lancée par une procédure démocratique et visant à infléchir un rapport de force défavorable. Au-delà de la joute sémantique et des implications légales quant à l’utilisation de ces mots se pose la question de la nature même de la mobilisation étudiante.

en parlant de boycott, le gouvernement cherchait à dépoliti-ser le conflit et à réduire la population étudiante à un simple bassin de consommateurs plutôt qu’à un sujet politique collectif. or, quelle que soit l’étiquette qu’on veuille lui donner, le fait de ne plus assister aux cours est l’un des moyens de pression les plus efficaces dont la population étudiante dispose depuis que l’édu-cation supérieure s’est massifiée après la seconde guerre mon-diale. C’est par ce mode d’action, accompagné d’assemblées délibérantes, de manifestations et d’occupations, entre autres, que le mouvement étudiant s’est constitué comme mouvement social.

en effet, comme tout acteur social, il est en partie défini par les modes d’action qu’il privilégie. Ainsi, les partis politiques misent sur les élections pour prendre le pouvoir, tandis que les groupes d’intérêt pratiquent le lobbying et font des dons pour influencer les politiciens. Pour leur part, les forces sociales et politiques n’ayant pas un accès privilégié à l’État se trouvent relativement marginalisées et doivent donc élaborer des façons d’intervenir dans l’espace public qui compensent quelque peu ce déséquilibre systémique. D’où le recours à des modes d’action transgressifs qui se déploient en dehors des canaux institution-nels et qui cherchent, entre autres choses, à perturber la routine de l’ordre établi pour se faire voir et entendre4.

4. Dans ce qui suit, notre conception des mouvements sociaux s’inspire des travaux de Charles tilly, sidney tarrow et Doug mcAdam.

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Les mouvements sociaux se définissent par cette transgression contestataire ainsi que par l’élaboration de revendications qui s’articulent autour d’une identité collective. ils sont constitués non pas par une organisation unique, mais plutôt par un ensem-ble d’acteurs formels et informels, de coalitions et de réseaux, qui agissent plus ou moins de concert tout en préservant leur auto-nomie respective. enfin, les mouvements sociaux durent dans le temps. Un événement ne constitue pas à lui seul un mouvement, qu’il s’agisse d’une manifestation, d’une occupation ou même d’une grève. Cela signifie que le mouvement étudiant québécois existait avant la grève de 2012 et continue à exister au-delà de celle-ci. La grève n’est qu’un mode d’action et le Printemps éra-ble, aussi exceptionnel fut-il, ne reste qu’un épisode contestataire dans l’histoire de la lutte étudiante.

La population étudiante a toujours été active politiquement. Déjà en 1217, les étudiants5 de l’Université de Bologne, en italie, vont quitter la ville pour obtenir une réforme des taxes, une baisse du coût des chambres et pour demander que leurs maîtres enseignants les traitent de manière éthique et cessent d’être en retard aux classes ou simplement absents. ils auront gain de cause en 1220 et regagneront alors Bologne. De cette lutte, rap-pelle mark edelman Boren, les « étudiants ont appris l’ampleur de leur pouvoir. non seulement pouvaient-ils demander un juste traitement économique, mais ils pouvaient aussi en tant que collectivité instituer leurs propres réformes éducatives6 ». Au xive siècle, les étudiants des universités d’oxford et de Cambridge, en Angleterre, participaient aux nombreux conflits qui secouaient le royaume de sa majesté. en 1848, des étudiants rejoignirent la classe ouvrière émergente pour participer au Printemps des peuples, dont l’onde de choc révolutionnaire secouait toute l’europe. et tout au long du xxe siècle, les étudiantes et les étu-diants furent au cœur des grandes mobilisations politiques, comme le montrent, entre autres, le rôle du student nonviolent Coordinating Committee (snCC) dans la lutte pour les droits

5. Dans cette section, les références historiques ne sont pas féminisées, car les femmes n’avaient pas encore accès à l’université. La population étudiante était donc exclusivement masculine, sinon quelques trop rares exceptions.

6. mark edelman Boren, Student Resistance : A History of the Unruly Subject, Londres, routledge, 2001, p. 10 (notre traduction).

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civiques dans le sud des États-Unis au début des années 1960, la mobilisation des campus américains contre l’apartheid en Afrique du sud durant les années 1980, le soulèvement étudiant chinois de la place tian’anmen en 1989 et l’essor du mouvement alter-mondialiste à la fin des années 1990.

Plusieurs études ont montré que la mobilisation étudiante est grandement facilitée par la disponibilité biographique des étu-diantes et des étudiants. Le fait d’être à la fois relativement libéré des contraintes familiales, du marché du travail et de la vie adulte donne une grande marge de manœuvre à la population étu-diante7. Bien qu’il y ait des variations, aucun autre groupe social ne dispose d’autant de flexibilité pour gérer son temps et ses activités quotidiennes (sinon les sans-emploi, mais qui sont généralement dépourvus de ressources matérielles). on notera d’ailleurs que les jeunes non étudiants qui sont déjà insérés à temps plein dans le marché du travail participent beaucoup moins aux différentes mobilisations sociales et sont souvent plus conservateurs8.

Cela dit, la mobilisation étudiante est très souvent orientée vers l’extérieur de l’université et s’exprime en solidarité avec d’autres groupes pour influencer la politique locale et nationale, plus que pour peser sur le monde de l’éducation comme tel ou transformer la condition étudiante. en d’autres termes, la mobi-lisation étudiante n’est pas alors vraiment une lutte pour la cause étudiante et elle ne se déploie pas en tant que mouvement étu-diant. il faut attendre la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle pour voir apparaître les premières organisations étudiantes qui cherchent à organiser la population étudiante en tant que telle plutôt que sur la base d’une autre catégorie ou au nom d’une autre cause9. Cependant, c’est surtout après la seconde guerre

7. Voir notamment Doug mcAdam, « recruitment to High-risk Activism : the Case of Freedom summer », American Journal of Sociology, vol. 92, no 1, 1986, p. 64-90.

8. Cédric Passard, « Une sociologie politique des campus. s. m. Lipset et la contestation étudiante des années 1960 aux États-Unis », Revue internationale de politique comparée, vol. 15, no 3, 2008, p. 453.

9. en France, la première Association générale des étudiants (Age) a été fondée à nancy en 1877 puis, en 1907, toutes les Age fusionnent pour créer l’Union nationale des étudiants de France (UneF). Aux États-Unis, la national student Federation est créée en 1926 et la national student League en 1931.

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mondiale, avec la démocratisation et la massification de l’ensei-gnement supérieur, que l’on peut parler de mouvement étudiant au sens strict et que celui-ci commence à devenir un acteur à part entière de la vie sociale, politique et culturelle. Parmi les événe-ments les plus marquants de cette « irruption étudiante » dans la sphère publique, on retrouve notamment les événements de mai 1968 en France et les mobilisations de la students for a Demo-cratic society (sDs) aux États-Unis, même si dans ces deux cas les enjeux ne concernaient pas uniquement la condition étudiante.

Le mouvement étudiant a ceci de particulier que sa base sociale est transitoire. on est étudiant quelques années, puis on s’insère dans le marché du travail ; on ne peut donc s’identifier très longtemps à la catégorie « étudiant » et au mouvement étu-diant. Aussi les organisations étudiantes jouent-elles un rôle essentiel pour assurer une continuité d’une cohorte à l’autre et cultiver une mémoire militante et un savoir-faire tactique et stratégique. on explique souvent les actions et l’ampleur du mouvement étudiant à partir de la capacité de ces organisations à mobiliser des ressources matérielles. Ainsi, au Québec, les associations étudiantes reçoivent automatiquement d’importan-tes cotisations chaque session depuis la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants de 1983.

néanmoins, dans beaucoup de pays, il existe des mouvements étudiants forts et dynamiques malgré l’absence d’une telle loi. Au-delà de la question du financement, le travail d’organisation et de mobilisation est facilité par la concentration d’un grand nombre de personnes dans un espace physique relativement restreint. La structure physique et spatiale des collèges et des universités – c’est-à-dire « l’écologie des campus » – modèle les déplacements et les interactions des étudiantes et des étudiants et contribue ainsi directement à la forme et à la densité des réseaux sociaux de la population étudiante ; ces réseaux favorisent la diffusion d’idées critiques et d’informations tout en étant une source d’incitation à la participation10.

10. Pour une analyse de l’effet structurant de l’écologie des campus sur les mobi-lisations étudiantes, voir Dingxin Zhao, « ecologies of social move ments : student mobilization during the 1989 Prodemocracy movement in Beijing », American Journal of Sociology, vol. 103, no 6, 1998, p. 1493-1529.

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notons enfin que la capacité de mobilisation du mouvement étudiant est en partie tributaire du contexte socioéconomique et politique dans lequel celui-ci s’inscrit. Par exemple, dans les années 1960, la dynamique géopolitique de la guerre froide a contribué à la mobilisation étudiante (que l’on pense à l’impor-tance de l’opposition à la guerre du Vietnam sur les campus et à la solidarité avec les luttes de libération nationale). De même, à la fin des années 2000 et au début des années 2010, la crise financière et les politiques d’austérité ont poussé le mouvement étudiant dans la rue à de nombreuses reprises en europe et en Amérique du nord pour défendre les acquis du système d’éduca-tion et s’opposer à sa marchandisation11.

Retour sur le « Printemps érable »Au Québec, le conflit social de 2012 a commencé comme une « simple » grève étudiante pour bloquer une hausse des frais de scolarité. en 2011-2012, il en coûtait environ 2 600 $ par année pour étudier à l’université (la moyenne canadienne était d’envi-ron 5 310 $). Le 18 mars 2010, le ministre des Finances du gouvernement libéral, raymond Bachand, a présenté un budget qui annonçait une augmentation annuelle des frais de scolarité de 1 625 $ étalée sur cinq ans, soit une hausse de 75 %. La pre-mière hausse devait être facturée à la session d’automne 2012. Avec la hausse prévue, la facture aurait grimpé au bout du compte à 4 700 $ en moyenne. selon le revenu médian des étu-diantes et étudiants, et même si le gouvernement prétendait qu’il ne s’agissait que de 0,50 $ par jour, l’augmentation prévue aurait représenté 162 heures supplémentaires de travail (avec un salaire de 10 $/h)12. L’endettement étudiant se serait accru significative-ment, alors qu’il assure déjà aux institutions bancaires une manne extraordinaire, avec plus de 1,5 milliard de dollars versés depuis 1989 par l’État pour couvrir les intérêts pendant que les étudian-tes et étudiants sont encore aux études, sans compter plus de

11. Voir le livre de Clare solomon et tania Palmieri (dir.) au titre prémonitoire : Springtime : The New Student Rebellions, Londres, Verso, 2011.

12. maxim Fortin, Rouges de colère. La grève étudiante de 2012 au Québec et à Québec, mémoire pour l’Association des étudiantes et étudiants en sciences sociales de l’Université Laval, 2012.

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30 millions de dollars versés chaque année en intérêts par celles et ceux qui ont terminé leurs études et remboursent individuelle-ment leur dette aux banques13. D’autant plus qu’un lourd endet-tement peut influencer les choix de vie, comme plusieurs l’ont rappelé14.

Cette augmentation s’inscrivait dans un plan global à l’égard de la tarification des services publics, le ministre Bachand évo-quant une véritable « révolution culturelle » pour sortir le Québec d’un prétendu immobilisme et permettre à l’État d’atteindre l’équilibre budgétaire. Les arguments avancés pour justifier l’augmentation des frais de scolarité relevaient d’une rhétorique libérale individualiste, soit l’argument de l’utilisateur-payeur (le gouvernement parlera alors de « juste part15 ») et celui de l’éducation comme « investissement » rentable, un diplôme aug-mentant la valeur d’un individu sur le marché du travail. De leur côté, les recteurs des universités appuyaient unanimement cette hausse. toutes les équipes éditoriales des journaux québécois, y compris Le Devoir, étaient favorables à ce choix présenté comme inéluctable et réaliste, même si quelques voix faisaient remarquer que la hausse proposée était excessive. Le chercheur simon tremblay-Pepin, de l’institut de recherche et d’informa-tions socio-économiques (iris), a étudié 771 textes du Devoir, de La Presse et du Journal de Montréal parus entre le 1er mai

13. André Frappier, richard Poulin, Bernard rioux, Le printemps des carrés rouges. Lutte étudiante, crise sociale, loi liberticide, démocratie de la rue, montréal, m éditeur, 2012, p. 53.

14. Éric martin, « À l’école du printemps 2012. ou la lutte pour le droit de faire société », Artichaut : revue des arts de l’UQAM, hors série « restons phares », 2013, p. 10-12 ; gabriel nadeau-Dubois, Tenir tête, montréal, Lux, 2013, p. 81 (qui renvoie à mauricio Lazzarato, La fabrique de l’homme endetté. Essai sur la condition néolibérale, Paris, Amsterdam, 2011, p. 81).

15. Pour une critique de cette notion, voir Philippe Hurteau, « La juste part. Fétichisme et artifice », À bâbord !, no 45, été 2012, p. 12 ; voir aussi les lettres parues dans Le Devoir, soit « L’argument de la “juste part” des étudiants », signée par georges Leroux, Christian nadeau, guy rocher (14 mars 2012), et « Quelle justice se cache derrière la “juste part” ? », de Diane gendron (21 mars 2012) – les deux lettres sont reprises dans maude Bonenfant, Anthony glinoer, martine-emmanuelle Lapointe (dir.), Le Printemps québé-cois. Une anthologie, montréal, Écosociété, 2013, p. 43-44 et p. 59-61. Pour une réflexion plus générale autour de ce principe, voir le livre de David robichaud et Patrick turmel, La Juste part. Repenser les inégalités, la richesse et la fabrication des grille-pain, montréal, Atelier 10, 2012.

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2005 et le 17 mars 2010, soit de la fin de la grève étudiante de 200516 à la veille du dépôt du budget dans lequel la hausse a été annoncée ; il en conclut que 51 % des textes publiés sur le sujet étaient pour la hausse, 33 % contre et 16 % neutres. mais du côté des éditoriaux et des chroniques, 87 % étaient pour la hausse, 10 % restaient neutres et seulement 3 % s’y opposaient. Bref, les équipes éditoriales et les personnalités publiques – les « leaders d’opinion » – qui signent des chroniques ont presque été unanimement pour une hausse des frais de scolarité dans les années précédant le conflit17. enfin, plusieurs sondages ont montré qu’une majorité de la population québécoise se disait favorable à la hausse18.

Le mouvement étudiant, pour sa part, mettait de l’avant deux discours : le premier, porté par la Fédération étudiante universi-taire du Québec (FeUQ) et la Fédération collégiale du Québec (FeCQ), exigeait l’annulation de la hausse accompagnée d’un gel des frais de scolarité, tandis que le second, porté par l’Associa-tion pour une solidarité syndicale étudiante (AssÉ), qui allait bientôt lancer la Coalition large de l’Association pour une soli-darité syndicale étudiante (CLAsse), prônait la gratuité scolaire. À l’automne 2011, en prévision de la grève à venir, Éric martin et maxime ouellet ont publié Université inc., un livre important,

16. Le mouvement étudiant s’était mobilisé contre la conversion de 103 millions de dollars de bourses en prêts dans le programme de l’Aide financière aux études (AFe). il s’agissait alors de la plus importante grève étudiante de l’histoire du Québec contemporain. À l’époque, on tenait deux discours du côté étudiant : celui favorable à l’annulation de cette réforme à la Fédération étudiante universitaire du Québec (FeUQ) et à la Fédération collégiale du Québec (FeCQ), et celui prônant la gratuité scolaire à la Coalition de l’Asso-ciation pour une solidarité syndicale étudiante élargie (CAssÉÉ), une organi-sation parapluie créée pour le temps de la grève par l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (AssÉ). Le gouvernement du PLQ, déjà dirigé par Jean Charest, avait alors exclu la CAssÉÉ des négociations sous prétexte qu’elle prônait et pratiquait la « violence ». Les deux autres fédérations avaient négocié seules et ont réussi à faire annuler la conversion des 103 millions de dollars de bourses en prêts.

17. simon tremblay-Pepin, « Les médias et la hausse des frais de scolarité de 2005 à 2010 – 1ère partie », <www.iris-recherche.qc.ca/blogue/les-medias-et-la-hausse-des-frais-de-scolarite-de-2005-a-2010-–-1ere-partie>.

18. Christian Bourque, « Une baisse des appuis », Le Journal de Montréal, 23 mars 2012 ; La Presse canadienne, « Une majorité de Québécois sont en désaccord avec la loi 78 », Le Devoir, 26-27 mai 2012 ; Héloïse Archambault, « Les étudiants perdent du terrain », Le Journal de Montréal, 17 avril 2012.

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car il offrait un argumentaire convaincant à celles et ceux qui s’apprêtaient à contester la hausse. L’ouvrage s’est vendu à près de 5 000 exemplaires, un chiffre élevé pour le marché québécois. Les arguments présentés dans l’ouvrage étaient également ceux de l’iris19 (Éric martin y est chercheur), à savoir que le réseau universitaire n’est pas tant sous-financé que mal financé : « [o]n assigne désormais à l’université des fonctions de développement économique qui sont étrangères à sa mission fondamentale20 », une part substantielle des budgets étant consacrée, par exemple, à des projets immobiliers ou à la publicité. Éric martin et maxime ouellet accompagnaient leurs propos d’une critique plus globale du système capitaliste et de l’idéologie néolibérale, suggérant que le « rôle fondamental » de l’université serait « de former des personnes capables de vivre ensemble et de prendre soin du monde et de l’héritage culturel et historique humain qui leur est transmis21 ».

De la grève étudiante à la lutte populaireLa mobilisation contre la hausse des frais de scolarité a débuté dès l’automne 2010, l’AssÉ commençant à planifier à moyen terme le déclenchement d’une grève générale, alors que les fédé-rations étudiantes (FeUQ et FeCQ) faisaient circuler une péti-tion qui a finalement recueilli 30 000 signatures avant d’être déposée à l’Assemblée nationale, le 9 décembre. trois jours plus tôt, le 6 décembre, une grève d’une journée (60 000 grévistes) a permis aux étudiantes et aux étudiants de manifester à Québec contre la rencontre des partenaires universitaires. Puis il y a eu une manifestation à montréal contre la hausse, le 12 mars 2011,

19. maude Bonenfant, Anthony glinoer, martine-emmanuelle Lapointe (dir.), op. cit., p. 5.

20. Éric martin et maxime ouellet, Université Inc. Des mythes sur la hausse des frais de scolarité et l’économie du savoir, montréal, Lux, 2011, p. 27.

21. martin et ouellet, op. cit., p. 113. moins idéaliste, mark edelman Boren rap-pelle que les universités n’ont pas été fondées comme des institutions dédiées à la paisible quête du savoir, mais pour que des fils de familles riches puissent exercer un pouvoir économique ; voir mark edelman Boren, Student Resistance : A History of the Unruly Subject, Londres, routledge, 2001. Aujourd’hui encore, l’université est avant tout une institution qui permet la (re)production des cadres intermédiaires et supérieurs de la société. Par ailleurs, la Faculté de gestion compte pour environ 30 % des étudiantes et étudiants de l’UQAm.

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et l’adoption de mandats de grève par plusieurs associations étudiantes à l’automne 2011. en octobre 2011, l’exécutif de l’association étudiante du Collège Lionel-groulx, « [f]aisant fi du calendrier établi par l’équipe nationale de la CLAsse », selon gabriel nadeau-Dubois, l’un des porte-parole de la CLAsse, a organisé un vote pour une grève générale illimitée. La proposi-tion est battue, après une assemblée générale tumultueuse mar-quée par des propos homophobes et méprisants à l’égard de celles et ceux qui défendent la grève22. Le 10 novembre 2011, des associations étudiantes regroupant 200 000 membres sont en grève tandis qu’a lieu une grande manifestation nationale à montréal. Le 27 janvier 2012, les bureaux montréalais de la ministre de l’Éducation sont occupés23.

Le 7 février 2012, l’association étudiante du Collège de Valleyfield a été la première à voter pour la grève, qui sera offi-ciellement déclenchée le 13 février 2012, avec l’appui de l’Asso-ciation des chercheurs et chercheuses en sociologie de l’Université Laval, du mouvement des étudiants en service social de l’Univer-sité Laval et de l’Association facultaire des étudiants en arts (AFeA) de l’Université du Québec à montréal (UQAm). À la fin du mois de février, la grève s’est étendue à l’Université du Québec à rimouski (UQAr) et à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) puis, au début mars, à l’Université de sherbrooke. Plusieurs cégeps en régions ont aussi été en grève, dont ceux de mont-Laurier et de saint-Félicien. Le 5 mars, il y avait 120 000 grévistes, et 300 000 le 22 du même mois, soit trois quarts de la population étudiante postsecondaire du Québec. il s’agissait d’un record historique pour une manifestation étudiante, mais aussi l’une des plus importantes de l’histoire du Québec24.

Le mouvement s’est fait remarquer par son extraordinaire dynamisme et la diversité des formes de mobilisation, sans oublier quelques émeutes. notons, parmi tant d’actions, plu-sieurs séances d’enseignement dans la rue, un tribunal populaire, des spectacles en plein air, une masse critique de plusieurs milliers

22. gabriel nadeau-Dubois, op. cit., p. 51 et suiv.23. renaud Poirier st-Pierre et Philippe ethier, De l’école à la rue. Dans les cou-

lisses de la grève étudiante, montréal, Écosociété, 2013, p. 56-57.24. « 100 000 ou 200 000 ? », Le Devoir, 24-25 mars 2012 ; Judith Lachapelle,

« manif du 22 mars. Combien étaient-ils ? », La Presse, 21 avril 2012.

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de cyclistes, des manifestations parodiques de droite et de nom-breuses manUfestations, où les corps dénudés exprimaient la vulnérabilité et le sens du sacrifice25, de la peinture rouge projetée sur la façade des bureaux du ministère de l’Éducation ou répan-due dans les rues, une multiplication de graffitis et de l’affichage sauvage, une invasion de sauterelles à l’École des hautes études commerciales (HeC)26, la décoration du mobilier urbain par des tissus rouges, les créations en tricot de maille à Part27 et des bannières sous forme de carré rouge, des briques jetées sur des rails du métro de montréal ainsi que des fumigènes au Centre Desjardins et dans le métro de montréal (cette dernière action entraînera des accusations en vertu de la Loi anti terroriste)28. si montréal était l’épicentre de la mobilisation, il y a aussi eu de très nombreuses manifestations en régions, entre autres à Québec, sherbrooke, gatineau, Chicoutimi et gaspé29.

Des mascottes apparaissent dans les manifestations, soit Anarchopanda30 à montréal et Banane rebelle à Québec31, qui

25. on retrouvait ici, sans doute sans que les protagonistes le sachent eux-mêmes, la pratique consistant à manifester à la fois nu et masqué, déjà expérimentée par les réseaux des anarcho-squatters à Berlin-ouest, au début des années 1980, mais on peut aussi penser aux actions très médiatisées du collectif féministe Femen, dont les militantes contestent la poitrine nue. Voir martine Delvaux, « Les manUfestations », À bâbord !, no 46, 2012, p. 27.

26. sarah-maude Lefebvre, « La colère monte », Le Journal de Montréal, 17 avril 2012.

27. maude Bonenfant, Anthony glinoer, martine-emmanuelle Lapointe (dir.), op. cit., p. 24-25.

28. Le collectif rabbit Crew, versé dans l’humour politique et la parodie, a diffusé plusieurs capsules vidéo dans lesquelles il parodiait la prise d’un otage en avril, pour forcer le gouvernement à négocier. Plus sérieusement, les Forces armées révolutionnaires du Québec (FArQ), un groupe (ou un individu ?) inconnu jusque-là, a revendiqué au début juin l’envoi aux bureaux de plu-sieurs ministres et députés, de maires, de médias, de chroniqueurs, d’une vingtaine d’enveloppes contenant de la poudre blanche qui pouvait évoquer l’anthrax (mais finalement inoffensive). Annie mathieu, « Épidémie de lettres suspectes », Le Soleil, 7 juin 2012 ; « L’Université mcgill reçoit aussi son “anthrax” », Le Devoir, 9-10 juin 2012.

29. « Bulles de savons et grève de la faim », Le Devoir, 31 mars-1er avril 2012.30. Catherine Lalonde, « Anarchopanda. La philosophie dans le trottoir », Le

Devoir, 26-27 mai 2012. on se rappellera d’ailleurs qu’un an plus tard, soit au printemps 2013, le service de police de la Ville de montréal (sPVm) s’est triomphalement emparé de la tête d’Anarchopanda lors d’une arrestation de masse comme s’il s’agissait d’un trophée de guerre.

31. Pierre Lépine, « Jos la Banane démasqué », Le Journal de Montréal, section « Votre opinion », 12 juillet 2012.

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Un Printemps rouge et noirRegards croisés sur la grève étudiante de 2012

Collectif sous la direction deMarcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri

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Marcos Ancelovici est professeur au département de sociologie del’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il est spécialiste des mouvementssociaux et travaille actuellement sur les mobilisations contre l’austérité.

Au printemps 2012, le Québec a été le théâtre d’un conflit sociald'une ampleur inédite. «La grève est étudiante, la lutte est populaire!»clamait alors la rue bondée de gens de tous les horizons. Commentrendre compte d’un tel événement? Quels ont été les ressorts et les

effets de la mobilisation? Cet ouvrage collectif, dans lequel chaque texte est lefruit d’une collaboration entre des étudiant-e-s et des enseignant-e-s, analysede façon rigoureuse divers aspects du Printemps érable.

Avec des textes de Andrée Bourbeau, Geneviève Côté, Marc-André Cyr,Philippe de Grosbois, Martine Delvaux, Gabrielle Desrosiers, Marie-LiseDrapeau-Bisson, Véronique Fortin, Marie-Claude G. Olivier, Alain-G. Gagnon,Elsa Galerand, Émilie Joly, Benoît Lacoursière, Michel Lacroix, Ève Lamoureux,Vanessa L'écuyer, David L’Écuyer, Alexandre Leduc, Lucie Lemonde, RachelNadon, Olivier Parenteau, Jacinthe Poisson, Maxime Roy-Allard, DavidSanschagrin, Alain Savard et Arnaud Theurillat-Cloutier.

Francis Dupuis-Déri est professeur de science politique à l’UQAM.Il est l’auteur de À qui la rue? Répression policière et mouvements sociaux(Écosociété, 2013) et de Démocratie : histoire politique d'un mot (Lux, 2013).

Tel un rhizome, la lutte ne peut ressurgir que là où l’on ne l’attend pas.Comme nous le rappelle un vers publié dans Fermaille, revue de poésie crééepar et pour la grève, «chaque saison [a] sa propre forme de résistance».

Alliant analyse de discours, entretiens semi-dirigés et observation participante,ce livre offre de multiples clés pour comprendre la dynamique du Printempsérable. Sans prétendre pouvoir parler de victoire ou d’échec, il soulignel'incroyable éveil politique qu'aura représenté ce conflit social pour toute unegénération.

Les auteur-e-s abordent de nombreux sujets : des origines du syndicalismeétudiant aux manifestations de casseroles et aux Assemblées populairesautonomes de quartier (APAQ), en passant par les modes de fonctionnementde la démocratie étudiante, les enjeux féministes, les réactions des partispolitiques, le rôle des médias sociaux, de la littérature et de l’art ainsi quela répression judiciaire et policière.

Tous deux participent au Groupe de recherche sur l’action collective (GRAC).

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