jean cassien

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  • 8/10/2019 Jean Cassien

    1/278

    The

    University

    of

    Chicago

    Library

    5>^:>C^

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  • 8/10/2019 Jean Cassien

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  • 8/10/2019 Jean Cassien

    4/278

    jigures

    J^fiafticjues

    1

    PAR

    Lt

    CHANOINL

    \Xm

    CRISTIANI

    DOYEN

    DE

    LA

    FACULT

    CATHOLIQUE

    DES

    LETTRES

    DB

    LYON

    DITIONS

    DE

    FQNTENELLE

    BBiS/E

    SAINT

    WANDRILLE

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    5/278

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    6/278

    JEAN

    CAS SI

    EN

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    7/278

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    8/278

    DANS

    LA

    MEME

    COLLECTION

    SAINT

    COLOMBAN,

    par

    dom

    Jean

    Laporte,

    de

    Saint-

    Wandrille.

    GERBERT,

    par

    le

    chanoine

    Leflon,

    prof,

    l'Institut

    cath.

    de

    Paris.

    PIERRE LE

    VNRABLE,

    par

    dom

    Jean

    Leclercq,

    de

    Clervaux.

    A

    PARAITRE

    PROCHAINEMENT :

    SAINT

    GRGOIRE

    LE

    GRAND,

    par

    le

    R.

    P. Paul

    Gou-

    bert,

    S. J.

    SAINT

    BEDE LE

    VNRABLE,

    par

    le

    Rme

    dom

    Cappelle,

    abb

    du

    Mont-Csar.

    SAINT

    BONIFACE,

    par

    l'abb Carlo de

    Clercq,

    doc-

    teur es

    sciences

    historiques.

    SAINT

    HUGUES

    LE

    GRAND,

    par

    l'abb

    A.

    Chagny,

    inspecteur

    de la

    Socit

    fr.

    d'archologie.

    SUGER,

    par

    M.

    Marcel

    Aubert,

    membre

    de

    l'Institut.

    AMDE

    DE

    LAUSANNE,

    par

    le

    R.

    P. A.

    Dimier,

    de

    Tami.

    JEAN

    III DE

    BOURBON,

    par

    M.

    Guy

    de

    Valons,

    con-

    servateur

    de la

    Bibliothque

    Sainte-Genevive.

    MONSIEUR L'ABB DE

    LA

    TRAPPE,

    par

    le

    chanoine

    G.-A.

    Simon,

    correspondant

    national

    de

    la

    Soc. des

    Antiquaires

    de

    France.

    DOM

    MARTNE,

    par

    l'abb

    Joseph

    Daoust,

    docteur

    es

    lettres.

    I

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    9/278

    DU

    MEME

    AUTEUR

    En

    prparation,

    dans

    la

    prsente

    collection

    :

    AUX

    origines'

    du

    monastre

    de LERINS

    : S.

    HONORAT,

    S. HILAIRE

    d'ARLES,

    S. BUCHER

    de

    LYON.

    Chez

    VITTE,

    LYON

    et

    PARIS

    :

    JSUS-CHRIST,

    FILS

    DE

    DIEU,

    SAUVEUR,

    3

    volumes

    in-16,

    29

    mille.

    -

    Supplment:

    LA VIERGE

    MARIE

    ET

    LES

    VAN-

    GILES,

    in-16.

    LE

    RETOUR A

    L'VANGILE,

    UNIQUE

    SALUT

    DE

    LA

    CIVILI-

    SATION,

    in-16.

    DOUZE PENSES

    SUR

    LA

    JOIE

    CHRTIENNE,

    in-16.

    MOIS

    DE

    MARIE,

    in-16.

    Sous

    presse

    :

    LA

    FIN

    D'UN

    RGIME,

    PRCIS

    D'HISTOIRE

    DE

    LA

    TROI-

    SIME

    RPUBLIQUE

    DE

    1919 A

    1939,

    in-S .

    LES JEUX

    DE

    LA

    DIVINE

    SAGESSE, Dialogues

    sur la

    Conver-

    sion de

    plusieurs

    Isralites,

    in-16.

    tudes

    d'Histoire

    .religieuse

    :

    L'Institut

    de

    la

    Providence de

    Grenoble de

    1821

    1839,

    Gre-

    noble,

    grand

    in-8.

    Madame de

    Franssu,

    Fondatrice de

    la

    Congrgation

    de

    la Nati-

    vit

    de

    N.

    S., Aubanel,

    Avignon,

    in-S .

    SAINT

    PIERRE

    CANISIUS,

    Collection Les

    Saints,

    Paris,

    Gabalda,

    in-16.

    LA

    MERVEILLEUSE HISTOIRE DES PREMIRES URSULINES

    FRANAISES,

    in-16.

    UNE

    LAMPE

    DEVANT

    L'HOSTIE,

    MRE

    JEANNE-FRANOISE

    DE

    JSUS,

    Fondatrice

    de l'Institut de

    l'Adoration

    perp-

    tuelle du

    Sacr-Cur

    de

    Jsus,

    Lyon,

    in-16.

    LUTHER

    ET

    LE

    LUTHERANISME,

    Thse.

    Paris,

    Bloud

    et

    Gay,

    in-S .

    LE

    CONCEPT

    D'TERNIT,

    Thse

    complmentaire,

    Paris,

    Bloud

    et

    Gay,

    in-8.

    LUTHER

    ET

    LA

    QUESTION

    SOCIALE,

    Paris,

    Editions

    Spes,

    in-16.

    THE REFORMATION

    ON

    THE

    CONTINENT,

    dans

    EUROPEAN

    CIVILISATION,

    vol.

    IV, University-Press, Oxford,

    in-8.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    10/278

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    11/278

    yrcwcdlloz

    iSans

    cesse

    cLloeuvre

    c/e2)iLi,votrv

    traracl

    ne

    sera

    point

    Janj

    rcompense

    .

    ^

    dX

    or.

    15, 58.

    BEHnmwHflsawz

    ^axis'^t^xal

    BiSiiwowg'Biai.iinjac^^&agiiBiancscagrgTTM

    nnri^a

    Gravure

    de

    Harrbwyn,

    tire

    de

    l'ouvrage

    :

    Les

    Vies des

    SS.

    Pres des

    Dserts

    d'Orient,

    par

    DE

    ViLLEFORE.

    Paris,

    1707,

    p.

    172.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    12/278

    FIGURES

    MONASTIQUES

    /

    /

    COUECTJON

    DlRI6f

    E PAR

    LES

    BENEDICTINS

    DE

    SAINT

    WAN

    DRILLE

    JE

    SSIEN

    jja

    Sj}iHuuiti^

    m^

    PAR

    C '-^'' ^ f^'/^UAX

    LE

    CHANOINE

    LON

    ChBISTIANI

    DOYEN

    DE

    LA

    FACULT

    CATHOLIQUE

    DES

    lEHRIS

    DE

    LYON

    I

    EDITIONS

    DE

    FNTENELLE

    ABBAYE

    S,WANDRILLE

    1046

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    13/278

    'l

    '^' 'p

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    JVIH7I

    OBSrA

    Elie

    MAIRE,

    Ch.

    Cens, ex

    off.

    IMPRIMATUR

    Lutetiae

    Parisionim

    die

    11

    a

    octobris

    1945

    A.

    LECLERC,

    Vicaire

    gnral.

    Copyright

    bg

    EDITIONS

    DE

    FONTENELLE,

    1946.

    ih

    r

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    14/278

    156'?03

    S

    BIBLIOGRAPHIE

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    15/278

    12 JEAN CASSIEN

    Migne,

    bid.,

    t.

    LXXIX,

    col.

    1165-1200.

    Centmiae

    VII,

    Antir-

    rheticus,

    Paraeneticus,

    Epistulae,

    Liber

    gnosticus,

    dition

    W.

    Frankenberg,

    dans

    Abhandlungen

    der

    kniglichen

    Gesell-

    schaft

    der

    Wissenschaften

    zu

    Gttingen,

    Neue

    Folge,

    Band

    XIII,

    Berlin,

    1912.

    Capita cognoscitiva,

    dits

    par

    Muylder-

    mann,

    dans

    Muson,

    15

    anne

    (1931).

    Gennadius,

    De

    viris

    inlustribas,

    Migne,

    Patrol.

    lot.,

    t.

    LVIII.

    Palladius,

    Historia

    lansiaca, Migne,

    Patrol.

    grec,

    t.

    XXXIV.

    Edition

    critique indispensable, par

    dom

    Butler,

    dans

    Texts and

    Studies,

    de

    Cambridge,

    2

    vol.,

    1904.

    Prosper

    d'Aquitaine,

    Migne,

    Patrol.

    lot.,

    t.

    LI.

    Ruflnus,

    Historia

    monachorum,

    ibid.,

    t.

    XXI.

    Socrates,

    Historia

    ecclesiastica,

    Migne,

    Patrol.

    grec,

    t.

    LXVII.

    Sozomenus,

    Historia

    ecclesiastica,

    ibid.

    Ne

    pas

    oublier

    les

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    16/278

    Oiiatae

    can^dattei

    1

    Ouvrages

    d'intrt

    gnral

    :

    Albans et

    Chevallier,

    Gallia

    christiana

    novissima,

    Valence,

    1899.

    Bardenhewer,

    Geschichte

    der

    altkirchlichen

    Litteratnr,

    Fribourg-en-B.,

    1902

    et

    s.,

    t.

    III.

    Bauer,

    Die

    heilige

    Schrift

    bei den

    Mnchen,

    dans

    Tho-

    logie

    und

    Glaube,

    Paderborn,

    1925,

    Bremond

    Jean,

    Les Pres

    du

    dsert,

    dans

    Les

    Moralistes

    chrtiens,

    Paris,

    1927.

    Dom

    Besse,

    Les Moines de l'ancienne

    France,

    Paris,

    1906.

    Danilou

    J.,

    Platonisme

    et

    Thologie mystique,

    Paris,

    1944.

    Holstenius,

    Codex

    regularum

    monasticarum,

    Rome,

    1651.

    Mondsert

    CL,

    Clment

    d'Alexandrie,

    Paris,

    1944.

    Montalembert,

    Les

    Moines

    d'Occident,

    t.

    I.

    Noris

    (cardinal),

    Historia

    pelagiana,

    Padoue,

    1673 et

    Louvain,

    1702,

    Pourrat

    P.,

    La

    Spiritualit

    chrtienne,

    Paris,

    1918.

    De

    Rey,

    Les

    Saints de

    l'Eglise

    de

    Marseille,

    1885.

    lillemont

    (Le

    Nain

    de

    ),

    Mmoires

    pour

    servir

    l'His-

    toire

    ecclsiastique

    des six

    premiers

    sicles,

    Venise,

    1732,

    t.

    XIV.

    Viller

    Marcel,

    La

    Spiritualit

    des

    premiers

    sicles

    chr-

    tiens,

    Paris,

    1930.

    Wiggers,

    Pragmatische

    Darstellung

    des

    Augustinsmus

    und

    Pelagianismus,

    Berlin,

    1833,

    t.

    II.

    Worter

    Fried,

    Beitrge

    zur

    Dogmengeschichte

    des

    Semi

    pelagianismus,

    Paderborn,

    1898.

    2

    Monographies

    sur

    Jean

    Cassien

    ;

    Abel

    0.,

    Studien

    zu

    dem

    gallischen

    Presbgter

    Joh.

    Cas-

    sianus, Munich,

    1904.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    17/278

    14

    JEAN

    CASSIEN

    Albers

    V.,

    Cassions

    EinfLuss

    anf

    die

    Regel

    des

    hl.

    Bene-

    dikt,

    dans Studien

    und

    Mitteilungen^

    O.S.B.,

    Munich,

    1925-

    1928.

    Capelle B.,

    Les

    uvres de

    Jean

    Cassien

    et la

    Rgle

    bndictine,

    dans Revue

    liturgique

    et

    monastique,

    1929.

    Hoch

    A.,

    Lehre des

    Joh.

    Cassianus,

    von

    Natur

    und

    Gnade,

    Fribourg-en-B.,

    1895.

    Du

    mme,

    discussion

    sur

    le lieu

    de

    naissance

    de Cas-

    sien,

    avec

    Merkle

    S.,

    dans

    Theologische

    Quartalschrift,

    t.

    LXXXII

    (1900),

    p.

    43-69 et 419-441.

    Laugier

    Jos.,

    S. Jean

    Cassien

    et

    sa doctrine

    sur la

    grce,

    Lyon,

    Vitte,

    1908.

    Lombard,

    Jean

    Cassien,

    sa

    Vie,

    ses

    Ecrits,

    sa

    Doctrine,

    Strasbourg,

    1863.

    Marsili

    Salvatore,

    Giovanni

    Cassiano

    ed

    Evagrio

    Pon-

    tico, Rome,

    1936.

    Marrou H.

    I.,

    Jean

    Cassien

    Marseille,

    dans

    Revue

    du

    Moyen

    Age

    latin,

    janvier-mars

    945.

    Dom

    Mnager,

    La

    doctrine de

    Cassien,

    dans

    Vie

    spiri-

    tuelle,

    1923.

    Olphe-Galliard,

    Vie

    contemplative

    et Vie

    active

    d'aprs

    Cassien.

    La

    puret

    du

    cur

    d'aprs

    Cassien,

    La

    Science

    spi-

    rituelle

    d'aprs

    Cassien,

    dans

    Revue

    d'Asctique

    et

    de

    Mys-

    tique,

    1935,

    1936,

    1937.

    Paucken,

    0.

    von,

    Die Latinitt

    des

    Joh.

    Cassianus,

    dans

    Romanische

    Forschungen,

    Erlangen,

    1896.

    Dom

    Pichery,

    Les

    Confrences

    de

    J.

    Cassien

    et

    la

    Doc-

    trine

    des Pres

    du

    dsert,

    dans Vie

    spirituelle,

    1921.

    Salles,

    La

    Doctrine

    spirituelle

    de

    Cassien,

    dissertation,

    1929.

    Valentin,

    S.

    Prosper

    d'Aquitaine, Paris,

    1900.

    En

    outre

    articles sur

    Cassien

    dans

    toutes les

    grandes

    Encyclopdies

    et

    les

    Dictionnaires;

    Dict.

    de

    Thologie,

    de

    Vacant;

    d'Archologie;

    Realenzyklopdie

    f.

    protestantische

    Thologie

    und

    Kiiche;

    et

    surtout

    dans

    Dictionnaire

    de

    Spi-

    ritualit,

    par

    M.

    Olphe-Galliard,

    le

    plus

    substantiel

    et

    le

    plus

    exact

    de tous.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    18/278

    INTRODUCTION

    INFLUENCE

    DE

    CASSIEN

    Si

    l'on

    voulait dresser

    un

    tableau exact

    des

    livres

    qui

    ont

    eu,

    au

    cours des

    ges,

    le

    plus grand

    nombre

    de lecteurs et exerc

    la

    plus profonde

    influence,

    il

    y

    faudrait

    faire

    entrer,

    en

    toute

    justice,

    au

    moins

    deux

    sur trois des

    ouvrages que

    Jean

    Cassien

    a

    laisss

    la

    postrit.

    Ces

    deux

    ouvrages

    sont

    les

    Institutions

    cnobitiques

    et

    les

    Confrences

    des

    saints

    Pres

    \ Les

    preuves

    de leur

    immense diffusion sont

    nombreuses

    et

    concluantes.

    Ils

    rpondaient

    des

    dsirs nettement

    exprims

    de

    la

    part

    des

    amis

    de l'auteur. Ils

    furent

    attendus avec

    une sainte

    impatience

    par

    leurs

    premiers

    destinataires,

    des

    voques

    et

    des

    moines

    du sud

    de

    la

    Gaule. Ils furent

    admirs

    immdiatement,

    copis

    avi-

    dement,

    propags

    de

    monastre

    en

    monastre,

    lus au

    sein

    des

    communauts

    religieuses,

    firent

    partie

    des

    textes

    recommands

    par

    les

    rgles

    monastiques.

    Saint

    Benot

    s'en

    servit

    pour

    rdiger

    la

    sienne.

    Et loin

    de

    dissimuler ses

    larges

    emprunts,

    il

    y

    introduisit

    cette

    prescription

    :

    Les

    moines,

    en

    tout

    temps,

    soit

    de

    jene

    soit

    de

    repas,

    ds

    qu'ils

    se

    seront

    levs de

    table,

    se

    runiront

    tous

    et

    l'un

    d'entre eux lira les

    Conf-

    (1)

    De

    Institutis

    Coenobiorum

    et

    Conlationes

    sanctorum

    Patrum.

    Le troisime

    ouvrage

    de

    Cassien

    : De

    Incarnatione

    Domini

    contra

    Nestorium

    lihri

    VII

    fut

    beaucoup

    moins

    rpandu.

    Il

    avait

    du

    reste

    un

    caractre

    tout

    diffrent.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    19/278

    16 JEAN

    CASSIEN

    reiices

    ou

    les

    Vies

    des

    Pres

    .

    Grgoire

    de

    Tours

    nous

    est

    galement

    tmoin

    de l'autorit dont

    jouissait

    Cas-

    sien

    en

    Gaule,

    quand

    il

    rsume la

    vie

    de

    S.

    Aredius,

    dont

    le

    nom

    dform

    par

    la

    voix

    populaire

    devint

    saint

    Yrieix,

    originaire

    de

    Limoges

    et

    ancien

    palatin

    du

    roi

    Thodebert

    d'Austrasie.

    Il fonda

    crit-il,

    un

    monastre,

    o

    l'on

    observe

    non

    seulement

    la

    rgle

    de

    Cassien,

    mais

    celle

    de

    Basile et des

    autres

    abbs

    qui

    ont

    institu la

    vie

    monastique'

    .

    Mais

    ce

    qui

    est

    dit

    du

    monastre

    de

    Saint-Yrieix

    pouvait

    s'appliquer,

    sou-

    vent

    avec

    plus

    de raison

    encore,

    la

    presque

    totalit

    des

    innombrables

    monastres

    qui

    furent

    crs,

    au

    cours

    des

    Y%

    VF

    et

    VIP

    sicles,

    dans

    tout

    le

    beau

    pays

    que

    l'on

    commena,

    justement

    cette

    date

    mme,

    appeler

    la

    France.

    Si

    Grgoire

    de

    Tours

    joint

    au

    nom

    de

    Cassien

    celui

    du

    grand

    Basile

    de

    Csare,

    il

    est

    certain

    que

    l'influence

    de

    ce

    dernier

    n'atteignit

    jamais

    celle

    de

    l'auteur

    des

    Confrences.

    Ce fut

    en

    effet l'un

    des

    traits

    caractristiques

    du

    monachisme

    en

    France,

    l'poque

    mrovingienne,

    que

    la

    prfrence

    marque

    pour

    la

    vie

    rmitique,

    par

    rapport

    la

    vie

    cnobiti-

    que.

    Dans la

    plupart

    des

    couvents

    de ces

    temps

    hro-

    ques,

    on

    n'entrait

    que

    pour

    y

    faire

    ses

    premires

    armes,

    en

    quelque sorte,

    et

    l'on

    en

    sortait

    le

    plus

    tt

    possible

    pour

    se

    jeter

    en

    une

    solitude,

    au

    fond

    des

    bois,

    et

    y

    (2)

    Rgula

    S.

    Benedicti,

    cap.

    42

    :

    Monachi,

    omn

    tempore,

    sive

    jejunii

    sive

    prandii

    si

    tempus

    fuerit

    prandii,

    mox

    ut sur-

    rexerint

    a

    cena,

    sedeant

    omnes

    in

    unum

    et

    lgat

    unus

    Colla-

    tiones

    vel

    vitas

    Patrum

    .

    Cf.

    aussi

    le

    chap.

    lxxiii

    de

    la

    mme

    Rgle.

    Comme

    on

    lisait

    les

    Collations

    surtout

    en

    Carme,

    au

    repas

    du

    soir,

    ce

    repas,

    trs

    lger,

    prit

    le

    nom de

    Collation.

    (3)

    Historia

    Francorum,

    lib.

    X,

    n.

    29

    :

    Coenobiumque

    fun-

    davit in

    quo

    non

    modo

    Cassiani,

    verum

    etiam

    Basilii

    et

    reli-

    quorum

    abbatum,

    qui

    monasterialem

    vitam

    instituerunt.

    cele-

    brabantur

    regulae

    .

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    20/278

    INTRODUCTION

    17

    pratiquer

    la

    vie

    sublime

    d'anachorte. C'tait

    notam-

    ment

    le cas

    l'Ile-Barbe,

    Condat

    qui

    devint

    plus

    tard

    Saint-Claude,

    Ment

    en

    Auvergne,

    et surtout

    Micy qui prit

    le

    nom

    de

    Saint-Mesmin.

    Or,

    saint

    Basile

    n'avait

    pas

    cach,

    dans

    ses

    crits,

    l'estime

    particulire

    qu'il professait pour

    la

    vie

    commune,

    tandis

    que

    c'tait,

    on

    le

    verra,

    l'un

    des

    enseignements

    de

    Cassien,

    la sui-

    te

    des

    Pres

    du

    dsert,

    que

    la

    vie

    rmitique

    l'emportait

    de

    beaucoup

    sur

    la

    vie

    en

    commun.

    De

    l,

    cette

    quan-

    -^tit vraiment

    prodigieuse

    de solitaires

    que

    comptent

    les

    martyrologes

    de nos saints

    de

    France,

    avant

    l're

    bndictine

    proprement

    dite,

    et

    qui

    ont,

    en

    de

    nom-

    breux

    cas,

    laiss

    leurs

    noms aux

    lieux

    mmes

    o

    ils

    ont

    vcu. A vrai

    dire,

    les

    uvres

    de Cassien ne conte-

    naient

    pas

    de

    rgle

    prcise,

    mais seulement

    un

    expos

    des

    usages

    du

    monachisme

    oriental et

    gyptien.

    Mais

    r

    tous ceux

    qui,

    chez

    nous,

    voulurent

    donner

    des lois

    la

    vie

    monastique,

    un

    Csaire et

    un

    Aurlien

    d'Arles,

    un

    Ferrol

    d'Uzs,

    un

    Romain

    et un

    Lupicin

    de

    Condat,

    un

    Mesmin

    de

    Micy,

    et

    tant

    d'autres,

    sans

    parler

    de

    ce Pre

    inconnu

    qui

    rdigea,

    vers

    570,

    la

    Rgula

    Tar-

    natensis,

    tous

    s'inspirrent

    de

    Cassien et

    puisrent

    pleines

    mains

    dans

    ses

    prcieux

    crits. Et

    cela

    est

    d'au-

    tant

    plus

    remarquable

    que

    certaines

    parties

    des

    cl-

    bres

    Confrences

    avaient

    t

    l'objet

    des

    plus

    vives

    critiques,

    de la

    part

    d'un

    crivain

    augustinien

    contem-

    porain,

    saint

    Prosper

    d'Aquitaine,

    dont nous

    aurons

    rappeler

    les

    griefs

    et rsumer les

    vigoureux

    argu-

    ments;

    bien

    plus,

    des

    dbats

    parfois

    tumultueux et

    passionns

    s'taient drouls

    autour

    des

    textes

    con-'

    tests

    de

    Cassien.

    On

    avait

    fait

    de

    lui

    le

    chef

    d'une

    nouvelle

    hrsie,

    appele

    durant

    des

    sicles

    l'hrsie

    des

    Marseillais

    ,

    puis,

    partir

    de la

    fin

    du

    XVP

    sicle,

    le

    semiplagianisme

    .

    Les

    Conciles du

    Y

    et du

    VI'

    sicle

    avaient discut avec

    ardeur sur la

    grave ques-

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    21/278

    18

    JEAN CASSIEN

    tion du

    concours

    de

    la

    libert

    humaine

    et

    de

    la

    grce

    divine

    et,

    finalement,

    ils

    avaient

    condamn

    la

    doc-

    trine

    du

    Confrencier

    ,

    comme

    on

    l'appelait

    cou-

    ramment

    alors.

    Il fallait

    donc

    qu'il

    y

    et,

    dans ses

    ouvrages,

    une

    grande

    richesse

    de

    doctrine

    spirituelle,

    en

    dpit

    de

    quelques

    taches

    regrettables,

    pour

    que

    leur lecture

    ne ft

    pas

    totalement

    interdite au

    sein

    de

    l'glise

    d'Occident.

    Il

    n'en

    fut

    rien

    toutefois.

    On

    se

    borna

    faire

    la

    part

    du

    feu.

    Le

    tmoignage

    du

    clbre

    Cassiodore,

    cet

    homme

    d'Jtat

    devenu moine

    (485-578

    environ),

    est

    particulirement

    prcieux

    cet

    gard.

    Dans

    la

    prface

    de

    son

    livre

    des

    Institutions

    des

    Lettres

    divines

    et

    humaines,

    il

    donne sans

    hsiter

    Cassien le

    titre

    d'crivain

    trs

    loquent

    ,

    puis,

    au

    chapitre

    29,

    tout

    en

    blmant

    nettement,

    la

    suite de

    saint

    Prosper,

    sa doctrine

    du

    libre-arbitre,

    il

    ne craint

    pas

    d'ajouter,

    s'adressant ses moines

    :

    Lisez

    avec soin et

    coutez

    volontiers le

    prtre

    Cassien,

    qui

    a

    crit

    sur l'institution

    des

    moines

    fidles.

    . .

    Il

    fait

    connatre

    avec tant de

    comptence

    les

    mauvaises

    passions

    de

    l'me

    qu'il

    en

    fait

    presque

    voir

    les

    excs

    et nous

    contraint

    de

    le&

    viter,

    alors

    qu'on

    les

    ignorait auparavant

    par

    la

    con-

    fusion

    de

    l'obscurit.

    Mais

    comme

    il a t

    bon

    droit

    incrimin

    par

    le

    bienheureux

    Prosper,

    au

    sujet

    du

    libre-arbitre,

    nous

    vous prvenons

    de

    ne

    lire

    qu'avec

    prcaution

    les

    passages

    excessifs

    qui

    portent

    sur ce

    point

    .

    On savait

    donc

    et nous

    devons

    rappeler

    notre tour

    que

    les

    ouvrages

    de

    Cassien

    contenaient

    des

    imprcisions,

    des

    contradictions,

    des

    erreurs

    mme,

    que

    nous

    aurons,

    le

    moment

    venu,

    mettre

    en

    vi-

    dence.

    Mais

    l'on

    n'entendait

    pas

    se priver,

    pour

    cela

    des trsors

    de

    vraie

    spiritualit

    qui s'y

    trouvent et

    qui

    forment

    une

    part

    du

    patrimoine

    traditionnel

    de

    l'glise.

    Ce fut

    peut-tre

    pour parer

    tout

    inconv-

    nient,

    mais aussi

    pour

    condenser,

    sous un

    volume

    plus

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    22/278

    INTRODUCTION

    19

    accessible

    ce

    que

    les

    amples

    priodes

    de

    Cassien,

    qui

    est

    un

    crivain

    abondant

    et

    parfois

    diffus,

    qu'il

    se

    fit

    des

    abrgs

    soigneusement

    expurgs

    de

    ses

    uvres.

    Saint

    Eucher,

    le

    clbre

    vque

    de

    Lyon

    donna

    l'exemple

    d'une

    rdaction

    de ce

    genre

    *.

    Un

    vque

    africain

    suivit

    son

    exemple.

    De

    ces rsums

    eux-

    mmeSjil

    se

    fit

    des

    traductions

    grecques.

    Car

    la

    renom-

    me

    de

    Cassien

    fut loin de

    rester cantonne

    dans

    l'glise

    occidentale. Saint Jean

    Climaque

    (-j-

    694)

    l'avait

    appel

    le

    grand

    Cassien

    ,

    le

    clbre

    Photius,

    arche-

    vque

    de

    Constantinople,

    l'un

    des

    plus grands

    rudits

    de son

    temps

    (-f

    vers

    891),

    lui

    donne une

    place

    de

    choix

    dans sa

    bibliothque,

    bien

    qu'il

    ne

    semble

    avoir

    connu

    que

    des

    rsums

    partiels,

    en

    grec,

    de

    ses

    uvres.

    Une

    bonne

    preuve

    de

    cette

    popularit

    universelle

    des crits

    de

    Cassien,

    c'est le trs

    grand

    nombre

    de

    manuscrits

    qui

    en

    sont

    rests.

    Le

    dernier

    et

    le

    plus

    soigneux

    de

    ses

    diteurs,

    Michael

    Petschenig,

    dclare

    en

    propres

    termes

    :

    Les Institutions et les Conf-

    rences de

    Cassien,

    parce

    qu'elles

    contenaient

    peu

    prs

    tout

    l'ordre de la

    vie

    monastique

    et,

    pour

    cette

    raison,

    avaient

    reu

    l'approbation

    des

    hommes

    les

    plus

    illustres

    de

    cet

    ordre,

    Benot

    et

    Cassiodore,

    .

    .

    . ont

    t

    recopies

    trs

    souvent

    par

    les moines de

    tous les

    pays

    et

    de tous les

    temps.

    Il

    en

    est

    rsult

    qu'aujourd'hui

    encore

    un

    trs

    grand

    nombre

    de

    manuscrits

    de

    ces

    uvres

    subsiste

    dans

    les

    bibliothques,

    au

    point

    qu'il

    y

    ait

    peine

    un

    monastre

    o il

    n'ait

    exist

    ou

    n'existe

    encore

    au moins un

    exemplaire

    de ces

    crits

    .

    (4)

    Cet

    Epitome

    n'est

    pas

    celui

    qui

    nous a t

    conserv

    dans

    les

    uvres

    de

    S.

    Eucher,

    Mignb,

    Patrol.

    lat.,

    t.

    L,

    p.

    867

    et

    suiv.

    (5)

    Johannis

    Cassiani

    Opra,

    Vienne, 1288,

    Prolegomena,

    p.

    XIII.

    Le

    savant

    diteur

    ajoute

    :

    Par

    contre,

    la

    raret

    du

    livre

    contre

    Nestorius

    est

    telle

    qu'il

    ne nous a

    pas

    t

    possible

    d'en

    dcouvrir

    plus

    de

    sept

    exemplaires,

    dont

    une

    partie

    de

    tout

    rcents

    .

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    23/278

    20

    JEAN

    CASSIEN

    Il n'est

    donc

    pas

    excessif de

    dire

    que

    les

    uvres

    de

    Cassien,

    nous

    ne

    parlons

    encore

    que

    des

    deux

    premires,

    ont

    toujours

    t

    considres

    comme

    fai-

    sant

    partie

    des

    classiques

    de

    la

    spiritualit

    catho-

    lique

    .

    Nous

    aurons

    l'occasion de citer des

    passages

    de

    la

    Somme

    de

    saint

    Thomas

    d'Aquin,

    par

    exemple,

    o

    ils

    sont traits comme

    tels.

    On

    les

    a

    lus

    et

    relus,

    on

    les

    a

    mdits

    et

    en

    quelque

    sorte

    mchs

    et

    remchs

    durant

    des sicles.

    Au

    dire

    d'Yves de

    Chartres

    et

    d'Ho-

    norius

    d'Autun,

    ce

    mystrieux

    et

    prolifique

    auteur,

    qui,

    du

    reste,

    n'eut rien

    de commun avec

    la

    ville

    d'Au-

    tun,

    ce

    qu'il

    semble,

    on

    lisait

    encore les Conf-

    rences de

    Cassien,

    assidment,

    dans les

    monastres

    de

    France

    et

    d'Allemagne

    au

    xi*

    sicle.

    Dante

    s'inspira,

    selon

    Ozanam,

    de

    sa

    doctrine

    des

    pchs capitaux,

    lgrement

    diffrente,

    comme

    nous

    le

    dirons,

    de

    celle

    qui

    a

    prvalu

    au

    sein

    de

    l'glise

    ^

    Enfin,

    le

    nom

    et

    les

    crits de

    Cassien se trouvrent

    encore mls en

    plein

    XYif

    sicle,

    la

    formidable

    querelle

    qui

    opposa

    deux de

    nos

    plus grands

    crivains,

    Bossuet

    et

    Fnelon.

    Et

    nous

    aurons

    citer les

    pages

    que

    Bossuet

    consacre

    au

    commentaire

    des

    passages

    du

    Pre

    des moines

    ,

    que

    les

    quitistes

    lui

    avaient

    opposs.

    De

    nos

    jours,

    un

    puissant

    rveil de la

    curiosit

    et

    nous

    devrions

    dire

    plutt

    : de la

    ferveur

    catho-

    lique,

    se

    produit

    dans

    le

    domaine de

    la

    haute

    spiri-

    tualit. Les

    mes sont avides

    de

    se

    replonger

    dans

    les

    grands

    courants

    mystiques

    du

    pass

    chrtien.

    On

    comprend

    de mieux

    en

    mieux

    que

    la

    religion

    ne doit

    pas,

    ne

    peut

    pas

    s'enfermer

    en

    des

    pratiques

    ext-

    (6)

    OzANAj ,

    Dante

    et la

    Philosophie

    -catholique

    au.

    XUP

    sicle, p.

    156,

    note.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    24/278

    INTRODUCTION

    21

    rieures,

    mais

    qu'elle

    est

    avant

    tout vie

    et

    amour,

    ado-

    ration

    et

    union,

    ascension

    et

    progrs,

    purification

    et

    divinisation,

    et l'on

    se

    porte

    avec

    un intrt

    croissant

    vers les

    magnifiques

    exemples

    de tout cela

    que

    nous

    donne

    l'histoire

    de

    la

    saintet,

    travers

    tous les

    sicles

    chrtiens.

    Or,

    il

    n'est

    personne qui

    ait

    pu acqurir

    les

    plus lmentaires

    .

    notions

    de

    cette

    histoire,

    sans

    apprendre que

    l'un

    des

    plus glorieux

    efforts vers

    ce

    que

    nous voudrions

    que

    l'on

    nous

    permette d'appeler

    l'escalade

    de Dieu

    ,

    a

    t

    tent,

    au

    cours

    du

    Iv^sicle,

    en

    Egypte,

    par

    la

    floraison

    du

    monachisme,

    ef

    que

    le

    principal

    mrite de Jean Cassien

    fut

    prcisment

    de

    faire

    connatre,

    avec

    dtail,

    en

    Occident,

    non

    seule-

    ment les

    usages

    extrieurs,

    mais

    encore

    et surtout la

    doctrine

    mystique

    de

    ceux

    que

    l'on

    appela

    tout de

    suite

    d'un

    mot

    qui

    devait

    plus

    tard

    changer

    lg-

    rement

    de

    sens

    les saints Pres

    .

    Pour

    bien

    comprendre

    la

    porte

    des

    ouvrages

    de

    Cassien,

    pour

    apprcier

    son

    propre

    rle

    providentiel

    dans

    l'histoire

    chrtienne,

    il

    est

    ncessaire

    de

    passer

    en

    revue les

    sources de

    l'histoire

    du

    monachisme

    gyp-

    tien,

    et la

    place

    que

    tiennent,

    parmi

    ces

    sources,

    les

    Institutions

    et

    les

    Confrences

    du

    grand

    moine.

    SOURCES

    DE

    L'HISTOIRE

    DES

    MOINES

    EGYPTIENS

    Dans un

    ouvrage qui

    marqua

    un vritable

    tour-

    nant

    ,

    il

    y

    a

    prs

    d'un

    demi-sicle,

    dans

    notre

    con-

    naissance

    du monachisme

    gyptien,

    dom

    Cuthbert

    Butler

    tablissait

    ainsi

    le

    bilan

    de nos

    Sources

    g^^.r

    ce

    point

    prcis

    :

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    25/278

    22

    JEAN

    CASSIEN

    Sources

    priimaires

    :

    1.

    La

    Vie

    de

    saint

    Antoine,

    par

    saint Athanase.

    2. La

    Vie,

    VAsceticon,

    les

    Rgles

    de

    saint

    Pacme

    et

    l'ptre

    d'Ammon sur

    Thodore.

    3.

    L'Histoire

    lausiaque

    de Palladius.

    4.

    VHistoire des

    moines

    en

    Egypte

    de

    Rufin.

    5. Les

    Institutions

    et

    les

    Confrences

    de Cassien.

    6. Les

    Apophtegmes

    des

    Pres.

    Sources

    subsidiaires :

    7.

    Les

    documents

    coptes

    sur S.

    Schnoudi,

    publis

    par Amlineau.

    8.

    La

    Vie

    de

    saint Macaire

    d'Egypte

    par

    Srapion

    en

    copte

    (Amlineau)

    et en

    syriaque

    (Bedjan).

    9.

    Le

    chapitre

    de l'Historien

    Socrate,

    Histoire

    ecclsiastique,

    IVj

    23,

    consacr

    ce

    sujet.

    10. Le

    premier

    Dialogue

    de

    Sulpice

    Svre.

    IL

    Les indications

    de

    Rufm,

    principalement

    dans

    son

    Histoire

    ecclsiastique,

    II,

    4,

    8,

    et

    dans

    son

    Apo-

    logie

    Jrme,

    11,

    12.

    12. La

    Rgle

    d'Antoine,

    Rgle

    de

    Macaire,

    et

    Rgles

    similaires,

    publies

    dans

    Holsten

    au

    Codex

    Regularum

    et dans

    Patrologie grecque,

    tome

    XXXIV,

    pages

    967

    et

    suivantes

    \

    Neuf ans

    plus

    tard,

    en

    1907,

    c'tait encore

    peu

    prs

    le mme

    tableau

    que

    dressait

    Mgr

    Duchesne dans

    /

    (7)

    Dom

    Cuthbert

    Butler,

    Texts

    and Studies

    :

    The Laa-

    sac

    Historg

    of Palladius,

    Cambridge,

    1898, I,

    p.

    197.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    26/278

    INTRODUCTION

    23

    son

    Histoire

    de

    l'glise'.

    On

    remarquera que

    dans ces

    listes

    de

    sources,

    ni

    dom Butler

    ni

    Duchesne

    n'ont fait

    jBgurer

    saint

    Jrme.

    Ce

    grand

    saint

    a

    pourtant

    crit sur

    les

    Pres

    du

    dsert.

    Bien

    plus,

    il a

    voulu

    les

    voir,

    il a

    voulu

    tre

    l'un des

    leurs.

    Mais,

    si

    profondment

    que

    cela

    puisse

    nous

    tonner de la

    part

    d'un

    si

    grand

    gnie,

    il

    st

    avr

    que

    les

    vies des

    Pres

    crites

    par

    lui,

    et

    en

    particulier

    celle de saint

    Paul,

    le

    premier

    de

    tous

    les

    moines

    d'Egypte,

    si elles

    reposent

    sur un

    noyau

    histo-

    rique

    incontestable,

    se

    prsentent

    nous

    comme des

    rcits

    fortement

    romancs .

    Il

    n'en

    est

    que

    plus agrable

    de

    souligner

    l'entire

    confiance

    que

    doivent

    inspirer,

    surtout la suite

    des

    dmonstrations

    de

    dom

    Butler,

    les sources

    numres

    ci-dessus

    de

    l'Histoire

    du

    monachisme

    gyptien.

    Tous

    les

    travaux

    qui

    ont

    t

    faits

    depuis

    trente

    ans

    sur

    cette

    question

    ont

    abouti

    la

    confirmation

    de

    son

    jugement.

    Il

    n'y

    a

    plus

    de

    contestation

    ce

    sujet.

    Mais

    ce

    n'est

    pas

    le

    seul

    rsultat,

    tant

    s'en

    faut,

    que

    ces trente der-

    nires

    annes

    de

    recherches

    nous

    aient

    apport.

    Il

    est

    (8)

    Au

    tome

    II,

    page

    507,

    en

    note.

    Il

    insiste

    surtout sur

    l'Histoire

    des

    Moines, qu'il

    appelle

    le

    voyage

    de 394

    ,

    parce

    que

    Rufin

    nous

    a

    donn

    sous

    le

    titre 'Bistoire

    des

    Moines

    en

    Egypte,

    une traduction

    latine

    d'un rcit

    de

    voyage

    accompli par

    sept plerins

    en

    394;

    puis

    sur

    l'Histoire

    lausiaque,

    reconstitue

    dans

    sa

    puret

    authentique

    par

    dom

    Butler,

    enfin

    sur

    les

    Insti-

    tutions

    et

    les

    Confrences

    de Cassien.

    En

    dernier

    lieu,

    il

    men-

    tionne

    les

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    27/278

    24

    JEAN

    CASSIEN

    mme

    permis

    de

    parler

    ici d'une sorte

    de

    rvolution

    dans

    notre

    conception

    du monachisme

    gyptien.

    D'un

    mot,

    disons

    qu'un

    nouveau

    nom

    s'est

    ajout

    la

    liste

    de

    nos

    sources,

    celui

    d'Evagre

    le

    Pontique.

    Et la

    chose

    a

    pris

    peu

    peu

    une

    telle

    importance,

    elle

    est

    arrive

    un

    tel

    degr

    de

    certitude,

    elle a

    permis

    des

    constata-

    tions d'une si

    haute

    porte,

    qu'il

    convient

    de

    s'y

    arrter

    un

    instant.

    VAGRE

    LE

    PONTIQUE (346-400)

    Il

    ne

    saurait tre

    question

    de donner

    ici

    une

    bio-

    graphie

    dtaille

    d'vagre

    le

    Pontique.

    Il

    mrite

    une

    tude

    part

    et

    cette tude

    sera

    faite

    dans la

    prsente

    collection

    des

    grandes

    Figures

    monastiques

    . Nous

    nous

    bornerons

    donc rsumer les

    dcouvertes

    rcentes

    sur

    son

    activit

    littraire et

    son

    immense

    influence'.

    (9)

    Les

    principaux

    travaux sur

    ce

    point

    sont

    les

    suivants

    i

    jusqu'ici

    on

    connaissait

    de

    lui

    :

    Practicus

    I

    {Epistola

    ad

    Ana-

    tolium),

    MiGNE,

    Patrol.

    grecque,

    t.

    XL,

    p.

    1220-1244;

    Practicus

    II,

    ibid,,

    1244-1252;

    De

    Octo

    vitiosis

    cogitationibus,

    ibid.,

    1272-1277.

    Mais

    on

    a

    fait

    la

    preuve qu'il

    faut lui attribuer

    en'^ore

    VEpistola

    8

    S.

    Basilii,

    Migne,

    ibid.,

    t.

    XXXII,

    p.

    245-263;

    le

    De

    Oratione,

    publi

    sous

    le

    nom

    de S.

    Nil,

    Migne,

    ib'd.,

    t.

    LXXIX,

    p.

    1165-1200.

    En

    outre,

    les

    uvres

    suivantes

    d'Evagre

    ont

    t

    dcouvertes

    et

    publies

    par

    W.

    Frankenberg,

    dans

    Abhandlungen

    der

    knig-

    lichen

    Gesellschaft

    der

    Wissenschaften

    zu

    Gttingen,

    Neue

    Folge,

    Band

    XIII,

    2, Berljn,

    1912

    :

    Centuriae

    VII,

    Antrrheticus,

    Parae-

    neticus,

    Epistulae,

    Liber

    gnosticus. Enfin,

    Muyldermann a

    publi,

    dans

    Muson,

    15

    anne,

    1931

    :

    Ccpita

    cognoscitiva.

    Il

    a donc

    t

    possible

    de

    reconstituer

    la

    doctrine

    d'Evagre,

    sur

    la

    base

    d'uvres

    indiscutables.

    C'est

    ce

    qui

    a

    t

    fait

    par

    Wilhelm

    Bous-

    set,

    dans

    Apophtegmata,

    Tubingue,

    1923,

    III

    Buch,

    Eoagriosstu-

    dien;

    Marcel

    Viller,

    dans

    Revue

    d'Asctique

    et

    de

    Mystique,

    t.

    XI

    (1930)

    ;

    Aux Sources

    de

    la

    spiritualit

    de

    saint

    Maxime,-

    les

    uvres

    d'Evagre

    le

    Pontique;

    Irne

    Hausherr,

    dans la

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    28/278

    INTRODUCTION

    25^

    Rien n'est

    plus

    trange

    en

    vrit

    que

    la destine

    posthume

    d'vagre

    Il

    est vrai

    que

    son

    existence

    mme tenait

    en

    grande

    partie

    du roman. N

    vers

    346,

    dans le

    Pont,

    d'o

    son surnom

    de

    Pontique,

    il

    avait

    t

    ordonn

    lecteur

    par

    saint

    Basile

    le

    Grand,

    puis

    diacre,

    par

    saint

    Grgoire

    de

    Nazianze,

    et

    il

    avait

    suivi

    ce

    dernier

    Constantinople,

    lors

    de

    son*

    transfert

    ce

    sige.

    Wilhelm Bousset

    pense

    que

    dj,

    cette

    date,

    il

    avait t initi

    par

    saint Basile

    la

    vie

    monasi-

    tique

    et avait

    reu

    de

    lui

    le

    saint

    habit. Mais

    il n'tait

    point

    rest dans la

    communaut

    basilienne.

    Aprs

    le

    dpart

    de

    saint

    Grgoire

    de la

    capitale

    byzantine,.

    vagre

    resta

    auprs

    de

    Nectaire,

    son

    successeur.

    Il

    tait

    loquent,

    maniait avec

    vigueur

    l'argumentation

    contre les

    hrtiques.

    Il

    se

    fit

    ime

    vritable

    rputation.

    Une

    estime

    universelle l'entourait.

    Soudain

    clata

    le

    drame de sa vie.

    Une

    femme

    du

    plus

    haut

    rang

    se

    mit

    le

    poursuivre

    de

    ses assiduits.

    Il

    semble

    qu'il

    ne soit

    pas

    rest

    insensible

    ses

    avances

    dangereuses.

    On

    lit

    en

    effet

    aux

    premires

    lignes

    de

    l'ptre

    ddicatoire

    de

    son

    trait

    sur

    la

    Prire

    celui

    qui

    fut mis

    plus

    tard

    sous

    le

    nom

    de

    saint Nil

    ces

    lignes

    rvlatrices

    :

    Je

    brlais

    de

    l'embrasement

    des

    passions,

    quand,

    ton

    ordinaire,

    tu

    m'as

    remis,

    par

    le contact

    de

    ta

    pieuse

    lettre;

    mon

    intelligence

    se

    dbattait

    dans les

    pires

    hontes

    et

    tu

    l'as

    rconforte .

    vagre cependant priait

    beaucoup.

    Il

    \oulait

    s'en-

    fuir,

    pour

    chapper

    l'horrible

    tentation.

    Une

    nuit,

    il

    mme

    Revue,

    t.

    XV

    (1934),

    Le

    Trait de l'Oraison

    d'Evagre

    le

    Pontique

    {Pseudo

    Nil),

    traduction

    franaise

    et

    Commentaire

    d'aprs

    les

    autres

    crits

    d'Evagre;

    D.

    Salvatore Marsili,

    0.

    S.

    B.,

    Giovanni Cassiano

    ed

    Evagrio Pontico,

    Dottrina

    suUa

    Carit e

    contemplazione,

    Rome,

    Herder,

    1936.

    (10)

    Hausherr,

    Le

    Trait

    de l'Ordison

    d'Evagre

    le

    Pontique,

    dans

    Revue

    d'Asctique

    et

    de

    Mijutique,

    janvier

    1934,

    p.

    42.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    29/278

    26

    JEAN

    CASSIEN

    eut

    un

    affreux

    cauchemar.

    Il

    lui

    sembla

    qu'on

    l'avait

    jet

    en

    prison,

    sans

    lui

    dire

    pourquoi.

    Mais,

    lui,

    il

    savait

    que

    c'tait

    le mari

    offens

    qui

    l'avait

    accus.

    Dj,

    il

    entendait les

    cris

    des

    supplicis.

    Il

    tremblait

    dans

    l'attente

    de son

    propre

    chtiment,

    lorsqu'un

    de

    ses

    amis

    vint le

    voir dans

    sa

    prison,

    lui

    conseillant

    de

    quitter

    la ville au

    plus

    vite.

    vagre

    y

    consentit

    et

    l'ami

    le

    lui fit

    jurer

    sur

    l'vangile.

    A

    son

    rveil,

    vagre,

    repassant

    tout cela

    dans

    son

    esprit,

    se

    regarda

    comme

    li

    par

    son

    serment.

    Il

    passa

    de

    Gonstantinople

    Jru-

    salem

    o il

    fut

    reu

    par

    sainte

    Mlanie,

    cette

    noble

    romaine

    qui

    visitait

    alors

    les Lieux Saints

    en

    rpan-

    dant

    partout

    ses

    bienfaits.

    .

    De

    nouvelles

    tentations

    de

    vaine

    gloire,

    cette

    fois

    vinrent l'assaillir. Il en

    fut

    puni

    par

    une

    mala-

    die

    qui

    dura

    six mois.

    Mlanie

    le visita durant

    son

    preuve

    et

    lui

    fit

    avouer

    ses

    penses

    intimes.

    Elle

    l'en-

    couragea

    alors

    la

    solitude,

    lui

    promettant

    de

    prier

    pour

    lui. Il

    gurit

    et

    partit

    peu

    aprs

    pour

    l'Egypte.

    Pendant

    deux

    ans,

    il

    habita

    sur

    le

    mont

    de

    Nitrie.

    Il

    s'enfona

    ensuite

    plus

    avant dans

    le dsert

    et

    vcut

    quatorze

    ans

    dans

    la solitude des

    Cellules

    .

    Palladius,

    qui

    nous

    raconte

    tout

    cela,

    avec une

    visible

    complaisance

    et

    une vive

    admiration,

    nous

    dcrit

    ses

    austrits

    :

    une

    livre

    de

    pain par jour

    il

    s'agit

    de

    la

    livre

    romaine

    d'un

    peu plus

    de

    300

    grammes

    une mesure

    d'huile

    tous les trois

    mois,

    jamais

    rien

    de

    cuit,

    pas

    de

    fruits,

    cent

    prires

    chaque

    jour,

    travail de

    copie

    pour

    vivre,

    car

    il crivait

    la

    perfection.

    Il

    parvint

    ainsi,

    poursuit

    Palladius,

    qui

    le

    visita

    et

    devint son

    disciple,

    la

    plus

    parfaite

    purifi-

    cation

    de

    son

    me

    et fut

    jug

    digne

    du

    charisme

    de

    la

    science

    et

    de

    la

    sagesse

    et

    du

    discernement

    des

    esprits,

    luttant

    contre les mauvais

    esprits,

    les

    combat-

    tant

    force

    de

    mortifications.

    Le

    seul

    rcit

    que

    Palla-

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    30/278

    INTRODUCTION

    27

    ivLS

    nous

    fait

    de

    ces

    dernires

    a

    quelque

    chose

    d'effrayant

    pour

    nous. Mais

    il

    rappelle

    aussi

    les

    admi-

    rables

    ouvrages

    laisss

    par

    lui,

    pour

    l'instruction

    des

    moines et le

    peu

    qu'il

    nous en dit

    concide

    parfaite-

    ment

    avec

    ce

    que

    nous

    en

    savons maintenant

    .

    Il est

    donc

    bien clair

    que

    l'on

    se

    trouve

    ici

    en

    prsence d'un

    esprit

    tout

    fait

    suprieur.

    A

    la

    pratique

    ordinaire

    du

    monachisme,

    il

    joignait

    une

    doctrine

    pro-

    fonde. Et c'est

    justement

    ici

    que

    tout

    devient,

    en 6e

    qui

    le

    concerne,

    de

    nouveau

    extraordinaire.

    On

    l'admi-

    rait,

    on

    recevait ses

    leons,

    on

    s'imbibait

    de

    ses

    ensei-

    gnements.

    Parmi

    ceux

    qui

    se

    mirent

    son

    cole,

    il

    faut

    srement

    compter

    notre

    Jean

    Cassien

    et

    son

    ami

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    31/278

    28

    JEAN

    CASSIEN

    dans

    les

    cercles

    antiorignistes

    d'Egypte.

    Il

    circula

    sur

    lui les

    histoires

    les

    plus

    malveillantes.

    Et de

    ces

    his-

    toires,

    on

    trouve

    un curieux

    cho,

    dans

    le

    Pr

    spirituel^.

    ce

    petit

    livre

    de Jean Moschus

    crit

    vers

    l'an

    600

    qui

    devait avoir

    une

    si

    vaste diffusion

    :

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    32/278

    INTRODUCTION

    29

    Du

    coup,

    celui-ci

    reprend

    dans

    l'histoire

    de

    la

    mystique

    une

    place

    de

    premier

    ordre,

    au-dessus

    mme

    de

    Denys

    pour

    l'Orient.

    En

    Orient,

    Denys

    est venu

    trop

    tard,

    lorsque

    les

    spirituels

    y

    possdaient

    une

    doctrine

    dfi-

    nitivement

    organise par vagre

    et

    transmise

    travers

    Climaque, Hsychius,

    Maxime,

    Nictas

    Sttathos,

    jus-

    qu'aux

    hsichastes,

    chez

    les

    byzantins

    :

    par

    Philioxne

    de

    Mabboug,

    Isaac

    de

    Ninive,

    Jean

    Bar-Kaldoun,

    jus-

    qu'

    Barhebraeus,

    chez

    les

    syriens.

    Il

    m'est

    arriv,

    ^n

    recherchant

    les

    origines

    de la mthode

    d'orison hsi-

    chaste,

    d'appeler

    cette

    spiritualit

    sinatique

    {Orientalia

    christiana,

    vol.

    IX,

    fasc.

    2,

    1927).

    Elle

    l'est,

    parce que

    les Sinates ont contribu

    plus

    que

    tous

    les autres

    la

    conserver

    travers

    les

    sicles,

    o

    la condamnation

    de

    l'orignisme

    entrana

    la

    droute

    des

    mystiques

    et

    conduisit,

    la

    suite

    de

    Barsanuphe,

    Dorothe,

    Thodore

    Studite,

    une

    con-

    ception

    toute

    asctique

    de la vie

    spirituelle.

    Mainte-

    nant

    que

    nous avons

    reconnu

    vagre

    dans le

    pseudo-

    sinate

    Nil,

    c'est

    de

    spiritualit

    vagrienne

    qu'il

    faudra

    parler, pour

    dsigner

    la

    grande

    cole

    mystique

    orientale

    qui

    va

    du

    quatrime

    sicle

    au

    quinzime

    et

    mme au

    vingtime.

    C'est

    par

    vagre que

    les

    grandes

    ides

    d'Origne

    et de

    Grgoire

    de

    Nysse

    sont

    descen-

    dues de

    leurs

    hauteurs inaccessibles la

    porte

    des

    intelligences

    moyennes.

    Nil,

    en

    prtant

    son

    nom,

    Maxime

    en

    donnant

    la

    garantie

    de

    son

    orthodoxie,

    les

    Sinates

    en continuant

    d'aspirer

    aux

    dlices

    de la con-

    templation,

    n'ont

    fait au

    fond

    que

    sauver

    les

    enseigne-

    ments du

    moine-philosophe

    de

    Sct,

    jusqu'au

    jour

    o

    Grgoire

    le Sinate

    viendrait

    ranimer

    la

    flamme

    dans

    les

    monastres

    byzantins

    et

    provoquer

    cette

    explosion

    de

    mysticisme que

    nous

    appelons

    l'hsichasme

    .

    On

    voit

    tout

    l'intrt

    qui

    s'attache de

    telles cons-

    tatations,

    s'il

    est

    vrai,

    comme

    le

    pense

    et

    comme

    l'a

    prouv

    dom

    Marsili,

    que

    l'heure

    o

    l'unit cultu-

    (13)

    Hausherr,

    dans

    Revue

    d'Asctique

    et

    de

    Mystique,

    ..avril

    1934,

    p.

    169-70.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    33/278

    30

    JEAN CASSIEN

    relie

    hellnistique

    tait sur

    le

    point

    de se

    briser,

    Cas-

    sien,

    en

    acceptant

    les

    ides

    d'vagre,

    nous transmettait

    une

    doctrine

    de

    caractre

    grco-oriental

    et

    jetait

    ainsi

    le

    pont

    qui

    seul

    unit encore deux

    peuples

    et deux cul-

    tures.

    Celui

    qui

    avait

    codifi,

    l'usage

    du

    monachisme,,

    la

    savante

    spiritualit

    des matres

    du

    Didascale

    alexandrin,

    Evagre,

    dont

    l'uvre,

    en

    dpit

    des

    temptes

    orignistes,

    avait

    form de la

    sorte

    la

    vie

    spirituelle

    des

    sicles

    suivants,

    est

    pass,

    par

    l'uvre

    spcialement,

    de

    Cassien,

    galement

    en

    Occident.

    Anonyme,

    bien

    mieux,

    sous

    l'ombre

    d'un nom

    aim,

    vagre

    est devenu:

    ainsi

    l'un des

    matres

    de

    la

    mystique

    occidentale. . .

    Nous

    pouvons

    donc

    bien

    parler,

    avec

    Bousset,

    d'Evagre

    comme

    de

    l'initiateur et

    fondateur

    de

    la

    doctrine

    mys-

    tique

    chrtienne

    en

    gnral

    ^*

    .

    Avant

    d'aborder

    la

    biographie

    de Jean Cassien

    et

    l'expos

    de

    sa

    pense niystique,

    il

    tait

    indispensable

    de

    runir

    ici les

    donnes

    qui prcdent.

    Nous

    tenons^

    maintenant

    l'un

    de

    nos

    plus

    utiles

    fils directeurs.

    Nous,

    ne

    le lcherons

    plus.

    Cela nous

    obligera

    cependant

    poser

    plus

    d'un

    problme

    auquel

    il

    sera

    malais

    de

    donner une

    rponse

    dfinitive.

    En

    revanche cela

    nous-

    permettra

    d'en

    rsoudre d'autres

    dont

    l'ide

    ne

    nous

    serait

    mme

    pas

    venue

    avant

    les

    tudes

    vagriennes

    rcentes. Mais on

    voit,

    ds

    prsent,

    la

    place

    de

    choix

    qui

    revient

    Cassien

    dans la

    liste

    des

    sources

    du

    mona-

    chisme

    gyptien.

    Toutes

    les

    autres

    sources

    numres.

    plus

    haut,

    Athanase

    lui-mme et surtout

    Palladius,

    Rufin

    galement

    et

    les auteurs

    de

    biographies parti-

    culires,

    ne

    nous

    apportent

    gure que

    des

    anecdotes,,

    des

    rcits

    d'austrits

    prodigieuses,

    ou

    de

    miracles.

    (14)

    D.

    Salvatore

    Marsili,

    Giovanni

    Cassiano

    ed

    Evagri

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    34/278

    INTRODUCTION

    31

    tonnants,

    tout au

    plus

    des

    mots

    ,

    des

    paroles

    tan-

    tt

    profondes,

    tantt

    naves.

    Avec

    Jean

    Cassien,

    tra-

    duisant, commentant,

    dveloppant

    Evagre,

    nous

    avons

    infiniment

    mieux

    :

    une

    doctrine,

    un

    enseignement,

    une

    spiritualit,

    une

    mystique

    Et

    c'est

    tout

    cela

    que

    nous

    aurons

    lui

    demander.

    Cette tude

    est

    divise

    en

    trois

    parties

    :

    I.

    L'homme,

    le

    moine, l'crivain;

    IL

    La doctrine

    asctique

    et

    mystique;

    m.

    Le

    thologien

    contest.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    35/278

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    36/278

    ^

    Premire Partie

    L'HOMME.

    LE

    MOINE,

    L'CRIVAIN

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    37/278

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    38/278

    Chapitre

    I

    LES

    PREMIRES

    ANNES

    LE NOM

    Les

    origines

    de Jean

    Cassien

    demeurent

    envelop-

    pes

    de

    la

    plus

    grande

    obscurit.

    La

    date

    et

    le

    lieu

    de sa

    naissance'

    nous

    sont

    pareillement

    inconnus ou

    du

    moins

    nous

    ne

    pouvons

    faire,

    leur

    sujet, que

    des

    conjectures

    plus

    ou

    moins fondes.

    Son nom mme

    est

    objet

    de discussion.

    Sans

    doute,

    il

    est certain

    qu'il

    s'appelait

    Jean

    Cassien,

    que

    le

    premier

    de

    ces

    deux

    noms

    tait

    d'usage

    courant

    pour

    le

    dsigner.

    Au

    cours

    de la

    quatorzime

    Confrence,

    il

    se

    fait

    interpeller

    sous ce

    nom

    par

    l'abb

    Nesteros \

    Saint

    Prosper

    d'Aquitaine

    dit

    positivement,

    dans

    sa

    Chronique

    : Le

    moine Jean

    surnomm Cassien de Marseille

    est

    tenu

    pour

    un

    crivain

    insigne

    et

    loquent .

    Mais,

    en

    sens

    (1)

    Et

    maxime,

    tu

    Johannes,

    cui

    magis

    ad

    custodienda

    haec

    quae

    dicturus sum aetas

    adhuc

    adolescentior

    suffi

    agatur...

    ,

    Conl.

    XIV,

    9.

    (2)

    Johannes monachus

    cognomento

    Cassianus

    Massiliae

    insignis

    et

    f

    acundus

    scriptor

    habetur

    ,

    Prosper, Chronique,

    MiGNE,

    Patrol.

    lat.,

    t.

    LI,

    ad

    annum

    436.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    39/278

    36

    JEAN

    CASSIEN

    contraire,

    les manuscrits

    de ses

    uvres

    ne

    l'appellent

    que

    Cassien,

    prtre

    de Marseille

    ou encore

    Cas-

    sien,

    abb

    de

    Marseille .

    Gennadius,

    qui

    tait

    lui-mme

    de

    Marseille,

    le

    nomme

    tout

    simplement

    Cassien,

    sans

    ajouter

    le nom de

    Jean^

    et Cassiodore fait

    de

    mme.

    Aprs

    eux,

    tous

    les

    auteurs

    les

    imitrent*.

    Mais

    nul

    n'a

    jamais pu

    dire,

    si

    Cassien

    tait,

    chez

    lui,

    un

    nom

    hrit

    de

    son

    pre,

    auquel

    celui de

    Jean aurait t

    ajout

    au

    baptme

    ou lors

    de

    son

    entre dans la

    vie

    monastique,

    ou

    bien si

    ce

    surnom lui

    tait

    particulier.

    Peu

    importe

    du reste. Nous

    l'appelons

    aujourd'hui

    le

    plus

    ordinairement

    Jean

    Cassien

    et

    son

    nom

    a

    tra-

    vers

    les

    sicles,

    l'gal

    des

    plus

    grands.

    LA PATRIE

    '

    .

    Obscurit encore

    bien

    plus grave

    en ce

    qui

    con-

    cerne

    la

    patrie,

    c'est--dire

    le

    lieu

    de naissance

    de notre

    hros.

    Si

    l'on

    n'avait,

    pour

    s'en

    instruire,

    que

    ses

    uvres

    et

    ce

    qu'elles

    nous

    apprennent

    de

    sa

    vie,

    il ne

    serait

    jamais

    venu

    personne

    le moindre doute

    ce

    sujet.

    Ce

    prtre

    de

    Marseille ou abb de

    Marseille,

    l'ami

    de

    saint

    Castor,

    vque

    d'Apt,

    le

    correspondant

    de

    saint

    Eucher,

    de

    saint Honort

    et

    des autres moines des

    les

    d'Hyres,

    n'aurait

    jamais

    t

    considr

    que

    comme un

    (3)

    Gennadius,

    De

    viris

    inlustribus,

    cap.

    62

    :

    Cassianus,

    natione

    Scytha,

    .

    .

    ,

    Migne,

    Patrol.

    lat.,

    t.

    LVIII. Nous

    auroas

    beaucoup

    discuter

    ce

    texte

    un

    peu

    plus

    loin.

    (4)

    Cassiodore,

    De

    divinis

    lectionibus,

    praefatio

    :

    Nec

    me

    praeterit

    eloquentissimum

    Cassianum,

    in

    quinto

    Collationum

    dixisse

    volumine.

    .

    .

    ,

    et au

    chap.

    xxix :

    Cassianum

    presbyte-

    rum.

    .

    .

    sedulo

    legite

    et libenter

    audite

    .

    Migne,

    Patrol.

    lat,

    t.

    LXIX.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    40/278

    LES

    PREMIRES

    ANNES

    37

    Marseillais

    d'origine

    ou

    du

    moins comme

    un

    Gallo-

    Romain

    de

    Provence.

    Au

    surplus,

    c'est

    lui-mme,

    dans

    sa

    vingt-quatrime

    et

    dernire

    Confrence,

    qui

    nous

    apprend

    le dsir

    qu'il

    n'avait

    cess

    de

    nourrir,

    aprs

    sa

    longue

    formation

    monastique

    en

    Egypte,

    de

    revenir

    dans son

    pays

    natal

    et

    d'y

    travailler

    y rpandre

    l'idal

    de

    la vie

    religieuse.

    Ecoutons-le

    s'en

    expliquer

    l'abb

    Abraham :

    En

    notre

    me,

    chaque jour,

    nouveaux

    orages

    :

    nous

    nous

    sentions

    violemment

    presss

    de

    regagner

    notre

    province

    et de revoir nos

    parents.

    Ce

    qui

    don-

    nait

    surtout occasion

    ces

    dsirs,

    c'tait

    le

    souvenir

    de leur

    religion

    et

    de leur

    pit.

    Ils

    ne

    mettraient

    point

    d'empchement

    notre

    genre

    de

    vie,

    nous nous

    en

    flattions.

    Au

    contraire,

    nous

    tions

    sans

    cesse

    occups

    rouler

    cette

    pense

    que

    leurs soins

    assidus

    favori-

    seraient

    plutt

    nos

    progrs.

    Nul souci des choses

    mat-

    rielles ni

    l'embarras

    de

    pourvoir

    notre subsistance

    ne

    viendraient

    plus

    nous

    distraire :

    eux-mmes,

    avec

    joie,

    nous

    fourniraient

    absolument

    tout

    le

    ncessaire.

    En

    outre,

    nous

    repaissions

    notre me de

    l'esprance

    de

    vains

    succs.

    Notre

    imagination

    escomptait

    une

    moisson

    merveilleuse;

    nous

    allions

    convertir

    quantit

    de

    gens, que

    notre

    exemple

    et

    nos

    avis conduiraient

    dans la

    voie du

    salut.

    Alors

    se

    peignaient

    nos

    regards

    les lieux

    qui

    renferment

    le

    domaine

    hrditaire

    de

    nos

    anctres,

    avec

    leurs

    contours et

    la

    beaut riante

    de

    leurs

    pay-

    sages.

    Quelles

    tendues

    remplies

    d'une solitude aussi

    douce

    qu'opportune. Quel

    bonheur

    pour

    un

    moine,

    dans le secret des

    forts,

    mais encore

    quelles

    facilits

    vivre

    ^

    Comme

    il est sr

    que

    Jean Cassien a

    pass

    au

    moins

    les

    vingt dernires

    annes

    de

    sa

    vie

    Marseille,

    qu'il

    y

    a

    fond deux

    monastres,

    un

    pour

    les

    hommes.

    (5)

    Conl.

    XXIV,

    1. Traduction

    de dom

    Pichery,

    avec

    trs

    lgres

    retouches.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    41/278

    38

    JEAN CASSIEN

    l'autre

    pour

    les

    femmes,

    et ce

    dernier trs

    probable-

    ment

    sous

    la

    direction

    de

    sa

    propre

    sur,

    il

    semble

    bien

    que

    c'est dans

    les environs

    de Marseille

    qu'il

    faille

    chercher la

    proprit

    ancestrale

    dont

    il

    est

    ici

    ques-

    tion.

    Sans

    doute,

    l'abb

    Abraham

    s'lve

    vivement,

    dans

    la

    rponse

    qu'il

    fait aux confidences

    de Cassien

    et de

    son

    ami

    Germain,

    contre

    le

    dsir

    qu'ils

    viennent d'ex-

    primer.

    II

    y

    voit un

    manque

    de

    gnrosit.

    Il

    prco-

    nise

    un

    renoncement

    plus

    entier,

    plus

    parfait.

    Il

    donne

    en

    exemple

    les moines

    d'Egypte,

    dont il

    fait

    partie.

    Eux

    aussi,

    ils

    avaient des

    parents,

    des

    patri-

    moines

    agrables,

    des amis

    puissants capables

    de leur

    venir

    en

    aide

    au

    besoin.

    Eux

    aussi,

    ils

    auraient

    pu

    trouver sur les

    bords

    du

    Nil

    d'agrables

    et commodes

    emplacements

    pour

    leurs cellules.

    Dans notre

    pays

    galement,

    dit-il,

    il

    existe des

    retraites

    charmantes

    :

    nous

    ne

    l'ignorons

    pas.

    L'abon-

    dance des

    fruits,

    l'agrment

    et

    la

    fertilit des

    jardins

    nous

    y

    fourniraient

    sans

    fatigue

    les choses

    ncessaires

    la

    vie,

    si

    nous

    ne

    craignions

    que

    le

    reproche

    adress

    au

    riche

    de

    l'vangile,

    ne tombe

    aussi

    sur

    nous

    :

    Tu

    as

    reu

    ta

    consolation

    pendant

    la

    vie

    S>.

    Toutefois les deux amis

    ne se

    laissent

    pas

    con-

    vaincre

    par

    cette

    remontrance

    plutt

    svre

    et

    Ger-

    main,

    l'an

    des

    deux,

    insiste

    en

    ces

    termes

    :

    Mais,

    pour

    le

    voisinage

    des

    parents,

    vous

    ne

    paraissez

    pas

    vous-mmes

    l'avoir

    beaucoup

    fui.

    Pour-

    quoi

    nous,

    devons-nous

    l'viter avec

    tant

    de

    soin ?

    Cela

    n'est

    pas

    trs

    clair.

    Vous

    autres,

    qui

    marchez

    sans

    reproche

    dans

    toute

    voie de

    perfection,

    vous

    rsidez

    bien dans votre

    pays

    Nous

    en

    remarquons

    mme

    plusieurs qui

    ne

    se sont

    pas

    retirs trs loin

    de leur

    (6)

    Conl.

    XIV,

    2

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    42/278

    LS

    PREMIRES

    ANNES

    39

    propre

    bourg.

    Ce

    qui

    ne

    vous

    est

    pas

    nuisible,

    pour-

    quoi

    l'estimer contraire

    pour

    nous

    ?

    '

    L-dessus,

    l'abb Abraham

    se

    radoucit.

    Il

    ne

    s'op-

    pose

    plus

    ce

    que

    Gassien

    et

    son

    ami

    Germain

    retour-

    nent

    dans

    leur

    pays

    natal. Il

    leur

    recommande

    seule-

    ment

    de

    bien

    mesurer,

    leurs

    forces.

    Et

    ce

    qu'il

    dit

    du

    pays

    en

    question,

    sans

    nous

    clairer

    positivement

    sur

    la

    rgion

    exacte

    o il

    se

    trouve,

    offre

    pour

    nous

    quel-

    ^

    que

    intrt.

    N'oublions

    pas

    que

    c'est

    un

    gyptien qui

    parle

    et

    qu'il

    parle

    uniquement

    par

    ou-dire

    :

    Vous mettez

    ici,

    leur

    dit-il,

    toutes

    vos

    nergies

    physiques

    et

    morales

    combattre

    en

    bien des

    points

    le

    naturel,

    si

    je puis

    dire,

    de votre

    patrie.

    Mais

    exa-

    minez

    si,

    dans

    vos

    rgions,

    roidies

    dans

    une

    torpeur

    d'hiver,

    ce

    qu'on

    dit,

    et

    comme

    glaces

    par

    le froid

    d'une

    excessive

    infidlit,

    vous

    pourrez

    supporter

    l'espce

    de

    nudit

    que

    vous

    voyez

    chez

    nous.

    . . Si vous

    dcouvrez

    en vous

    une constance

    gale

    et

    une

    mme

    vertu,

    vous

    n'tes

    pas

    obligs

    non

    plus

    de

    fuir

    vos

    parents

    ni

    vos

    frres

    *

    .

    L-dessus,

    le

    bon

    vieillard

    leur

    cite

    l'exemple

    d'un

    autre

    moine,

    l'abb

    Apollon, qui

    se

    considrait

    comme

    mort

    pour

    les

    siens.

    Et

    la

    discussion

    continue

    long-

    temps

    encore. Mais

    il

    n'en

    ressort

    pas

    une

    conclusion

    trs nette. Il

    semble

    bien

    que

    l'abb

    Abraham,

    en

    pr-*

    conisant

    le

    renoncement,

    ne

    soit

    pas

    oppos

    un

    ta-

    blissement

    monastique

    dans sa

    propre

    patrie.

    Comme

    l'avait

    remarqu

    Germain,

    videmment

    approuv

    par

    Cassien,

    qui

    rapporte

    cet

    entretien

    mmorable,

    c'tait

    le

    cas

    de tous les

    moines

    gyptiens

    ou

    presque.

    L'im-

    mense

    majorit

    d'entre eux

    tait

    d'origine

    gyptienne.

    Donc,

    tout

    en

    pratiquant

    une

    sparation

    rigoureuse

    (7)

    Ibid.

    7,

    (8)

    Ibid.

    8.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    43/278

    40

    JEAN

    GASSIEN

    d'avec le

    monde,

    tout

    en

    se

    dclarant hautement

    mort

    au

    monde

    ,

    il

    n'est nullement

    ncessaire

    de

    changer

    de

    patrie

    pour

    se

    faire

    moine,

    sunout

    si

    l'on

    veut

    fonder

    un

    monastre,

    ce

    qui

    ne

    peut

    gure

    se

    faire en

    dehors

    des lieux

    o

    l'on

    est connu

    Encore

    une

    fois,

    si

    nous

    n'avions

    que

    de

    tels

    tex-

    tes,

    aucun

    critique

    n'hsiterait

    au

    sujet

    de

    la

    patrie

    de

    Cassien et de

    son

    ami.

    Cassien s'est

    fix

    Marseille.

    Rien

    n'empche

    qu'il

    se

    soit

    spar

    des siens.

    Il

    est

    probable,

    du

    reste,

    qu'

    cette

    poque

    dj

    avance

    de

    sa

    vie,

    il

    ait

    t

    priv

    de

    ses

    parents.

    Il

    s'accuse

    quel-

    que

    part

    de n'avoir

    su

    chapper

    ni

    sa

    sur

    ni

    l'vque.

    Et

    cela veut

    dire sans

    doute

    qu'il

    regrette

    de

    s'tre

    laiss ordonner

    d'une

    part,

    et,

    de

    l'autre,

    d'avoir

    cd

    aux

    instances

    de

    sa

    sur en fondant

    pour

    elle

    un

    couvent

    proximit

    du

    sien

    *.

    '

    Tout

    concourt

    donc

    nous

    faire

    croire

    que

    Cas-

    sien,

    en

    venant

    fonder

    Marseille

    le

    clbre

    monastre

    de

    Saint-

    Victor, revenait tout

    simplement,

    comme

    il

    se

    l'tait

    toujours

    propos,

    au

    lieu de

    sa

    naissance

    ou

    dans

    la

    proximit

    de

    ce

    lieu.

    Mais

    il

    y

    a,

    cette

    conclusion,

    une

    objection

    des

    plus graves,

    et

    cette

    objection

    n'a

    pas

    t

    leve,

    jus-

    qu'ici,

    d'une

    manire

    dfinitive. Elle

    ne

    le

    sera

    peut-

    tre

    jamais.

    UN

    TEXTE

    DIFFICILE

    Cette

    objection,

    la

    voici

    :

    ce mme

    prtre

    de

    Mar-

    seille,

    dont

    nous avons

    invoqu,

    il

    n'y

    a

    qu'un

    instant,

    le

    tmoignage

    sur le

    nom

    de

    Cassien,

    Gennadius

    de

    (9)

    C'est

    un

    sentiment

    tabli

    de toute

    antiquit

    parmi

    les

    Pres,

    mais

    que

    je

    n'ose noncer

    sans

    confusion,

    moi

    qui

    n'ai

    pu

    ni

    viter

    ma

    sur

    ni

    chapper

    aux

    mains

    de

    l'vque, qu'un

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    44/278

    LES

    PREMIRES

    ANNES

    41

    Marseille,

    dit

    en

    propres

    termes

    ;

    Cassien,

    Scythe

    de

    nation,..

    Voil

    qui

    est

    catgorique.

    La

    critique

    interne a

    beau

    tre

    insistante,

    le

    tmoignage

    de Genna-

    dius

    est

    sans

    rplique.

    Gennadius

    est

    en

    eflfet

    un

    homme

    bien

    inform,

    un crivain

    soigneux

    et

    exact,

    un

    critique

    avis.

    Il

    tait

    de

    Marseille,

    il

    crivait

    quelque

    cinquante

    ans

    au

    plus

    aprs

    la

    liiort

    de Cassien.

    Il

    tait

    par

    ailleurs

    trs

    fier

    de

    sa

    petite

    patrie,

    tout

    prt

    lui

    annexer les

    gloires

    qui pouvaient

    s'offrir

    lui:

    Nul

    doute

    que

    si Cassien

    avait t

    de

    Marseille,

    il

    l'aurait

    dit,

    il

    l'aurait

    peut-tre

    mme

    soulign

    avec

    empresse-

    ment,

    d'autant

    plus qu'il

    partageait

    pleinement

    les

    ides

    de

    Cassien

    sur le

    difficile

    problme

    de la

    grce

    et

    n'avait nulle

    envie

    de le

    dprcier,

    en

    Provence

    ni

    en Occident en

    gnral,

    en le

    faisant venir

    d'une

    rgion

    lointaine

    et

    plus

    orientale

    qu'occidentale.

    Ces

    raisons

    ont

    paru

    si

    fortes

    bon nombre

    de

    critiques

    et

    en

    par-

    ticulier

    celui

    qui

    a,

    le

    plus

    rcemment,

    trait

    de

    ce

    petit problme ,

    qu'ils

    ont

    admis

    sans

    hsiter

    que

    Cassien

    tait

    originaire

    de cette

    province

    romaine

    que

    l'on

    appelait

    la

    Scythie

    mineure,

    et

    qui

    n'est

    autre

    que

    la

    Dobrogea

    roumaine de nos

    jours.

    Et il

    est

    certain

    que

    si

    le texte de

    Gennade

    nous

    a

    bien

    t

    conserv,

    dans sa

    teneur

    originale,

    il est

    impossible

    d'chapper

    cette

    conclusion.

    Mais le texte

    de

    Gennade

    est-il

    bien

    conserv ? Il

    y

    a de trs

    fortes raisons

    d'en

    douter.

    moine

    doit

    fuir

    les

    femmes

    et les

    vques.

    Nul

    ne

    peut

    en

    effet,

    s'il

    se laisse enchaner

    par,

    leur

    familiarit,

    ni

    goter

    en

    paix

    le

    repos de

    sa cellule

    ni

    s'attacher,

    avec

    des

    regards

    trs

    purs

    la divine

    contemplation par

    la

    considration

    des choses

    sain-

    tes

    ,

    Instit

    XI,

    18.

    (10)

    Henri-Irne

    Marrou, professeur

    l'Universit de

    Lyon,

    dans Revue du

    Moyen Age

    chrtien,

    janvier-mars

    1945 :

    Jean

    Cassien

    Marseille,

    p.

    5-26.

    L'tude

    est du

    reste

    trs

    vigoureuse

    et

    la

    conclusion

    trs

    affirmative.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    45/278

    42

    JEAN

    CASSIEN

    Le

    dernier

    diteur de

    Gennade,

    Richardson

    ,

    recon-

    nat

    qu'il

    s'est trouv

    en face d'

    un

    vrai carnaval

    de

    variantes

    . Et

    comme

    il

    lui

    fallait

    bien

    choisir,

    il n'a

    retenu

    que

    sept

    manuscrits,

    dont

    cinq,

    les

    meil-

    leurs

    contiennent

    bien la

    leon

    discute.

    Au

    point

    de

    vue

    de

    la

    simple

    critique

    textuelle,

    la

    question

    est

    donc

    tranche.

    Mais

    la

    critique

    textuelle,

    quoi qu'on

    en

    dise,

    ne

    reflte

    que

    l'tat de

    nos

    possessions

    manus-

    crites.

    Elle

    ne

    suffit

    pas

    lever

    les

    doutes

    que

    la

    cri-

    tique

    tout court

    peut

    susciter.

    On enfonce une

    porte

    ouverte

    quand

    on

    veut

    nous

    prouver que

    la

    Scythie

    n'tait

    pas

    le

    moins

    du

    monde

    une

    rgion

    barbare

    ,

    qu'elle

    tait

    peuple

    de Romains tout aussi

    civiliss

    que

    ceux

    du

    reste

    de

    l'empire, qu'elle

    tait

    chrtienne

    depuis

    deux

    sicles,

    au

    temps

    de

    Cassien. Sozomne

    nous

    apprend

    mme

    que

    cette

    province,

    rige

    vers

    290

    en

    gouvernement rgulier, comptait

    de

    nombreuses

    cits,

    donc

    plus

    d'un

    centre de

    culture,

    alors

    mme

    qu'elle

    n'avait

    qu'un

    vque

    Tomes,

    aujourd'hui

    Constantsa.

    Tout

    cela

    est

    juste.

    Mais

    le

    problme

    n'est

    pas

    l. Il

    est

    dans

    le

    texte de Gennadius et nulle

    part

    ailleurs.

    Il

    ne

    manque

    pas

    de

    cas

    o la

    critique

    tex-

    tuelle conclut

    en un

    sens

    et

    la

    critique

    tout court

    en

    un autre.

    Ce

    qui

    est

    troublant,

    comme le

    remarque

    trs

    justement

    le

    pntrant

    Tillemont,

    au

    xyii'

    sicle,

    c'est

    qu'un

    Honorius

    d'Autun,

    au dbut

    du xii'

    sicle,

    reproduisant

    in

    extenso

    la

    notice de

    Gennadius

    sur

    Cassien,

    la lisait ainsi :

    Cassien,

    Africain

    de

    nation,

    . . .

    Sur

    quoi

    le

    grand critique

    observe

    :

    ... il

    semble

    qu'on

    ait

    lu

    diffremment

    dans

    Gen-

    (11)

    Dans les Texte

    nnd

    Untersuhungen,

    de von

    Gebha.rt,

    XIV,

    1,

    Leipzig,

    1896.

    (12)

    Patrologie

    lat,

    t.

    CLXXII,

    col.

    217.

  • 8/10/2019 Jean Cassien

    46/278

    LES

    PREMIRES

    ANNES

    43

    iade .

    C'est

    pourquoi

    il

    concluait

    lui-mme

    avec

    une

    prudence que

    l'on

    voudrait voir imite

    par

    tous

    ses

    admirateurs :

    En un

    mot,

    on a

    plusieurs

    indices

    qu'il

    tait

    latin

    et

    de

    Provence,

    si

    Von

    veut,

    puisque

    ce

    fut

    le

    lieu

    de

    sa

    retraite,

    sans

    que

    nous

    en

    sachions

    de

    raisons

    particulires.

    Mais

    le

    tmoignage

    de

    Gennade

    est

    upe

    preuve

    et

    une

    preuve

    qui

    doit,

    ce

    semble,

    l'emporter

    sur

    tous

    ces

    indices.

    Je

    voudrais

    que

    nous

    puissions

    croire

    que

    Gennade

    a

    voulu

    dire

    qu'il

    avait

    t

    long-

    temps

    moine

    du

    dsert

    de

    Sct,

    nomm

    quelquefois

    Scythie.

    Mais

    moins

    que

    les manuscrits

    ne

    changent

    son

    texte,

    il

    a

    voulu

    marquer

    sa

    patrie,

    qui

    certaine-

    ment

    n'est

    point

    Sct

    .

    UNE

    PROVINCE

    BIEN

    AGITE

    Nous

    sera-t-il

    permis

    de

    verser

    dans

    ce

    dbat

    un

    nouvel

    argument

    ?

    Il

    ne suffit

    pas

    de

    parler

    de la

    Scy-

    thie

    en

    gnral,

    comme

    d'une

    province

    romaine,

    o,

    sauf sur les

    ctes,

    la culture

    latine

    l'emportait

    nette-

    ment

    sur

    la

    culture

    grecque.

    Il faudrait

    voir

    si

    au-

    del

    des

    deux

    facteurs

    tainiens

    :

    la

    race

    et

    le

    milieu,

    il

    ne

    se

    trouve

    pas

    d'objection

    de la

    part

    du

    troisime

    facteur

    :

    le

    moment.

    Or,

    la

    province

    de

    Scythie

    nous

    (13)

    Mmoires

    pour

    servir

    l'Histoire

    ecclsiastique, pre-

    mire dition

    de

    Venise, 1732,

    t.

    XIV, p.

    739.

    (14)

    Ibid.

    p.

    740.

    C'est

    nous

    qui

    avons

    soulign.

    Ce

    que

    dit