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Journal tribunaux des http://jt.larcier.be 5 janvier 2013 - 132 e année 1 - N o 6503 Georges-Albert Dal, rédacteur en chef Éditorial her lecteur, Le Journal des tribunaux que vous tenez entre les mains est le fruit d’une réflexion approfondie du comité de rédaction. Cette édi- tion marque une étape importante dans la vie de notre hebdoma- daire (beaucoup) plus que centenaire. Nous abordons en effet la 132 e année d’existence du J.T. avec ce 6503 e numéro, nouvelle formule, nouveau for- mat et en quadrichromie. Le changement de format était devenu nécessaire, car le monde moderne, et notamment la poste et l’informatique, déteste tout ce qui n’est pas stan- dard. La décision a donc été prise de passer au format A4 et nous l’avons fait au début d’une année civile afin d’assurer la cohérence des reliures qui ornent les bureaux de beaucoup d’entre vous. Quant à la couleur, elle est de notre époque où l’image multicolore est reine. Elle soulignera les trois parties traditionnelles du Journal : le bleu pour la doctrine, le rouge pour la jurisprudence et le vert pour la chronique. À cet égard, rien n’est changé et nous continuerons au fil des semaines à couvrir l’actualité juridique et judi- ciaire, puisque telle est notre vocation. Le comité de rédaction croit à la pérennité de l’écrit, mais il n’oublie pas l’informatique et le délicat lien qui existe entre les versions papier et vir- tuelle des livres, journaux et revues, même lorsqu’elles sont spécialisées. Nous tenterons donc de donner, dans un avenir aussi proche que possible, une plus grande réactivité au JTi, qui est la reproduction de la version écrite, mais en est déjà le complément par son moteur de recherche qui reprend tous les numéros parus depuis 1997 et est donc une table vivante et com- plète. Qu’ajouter en cette période où l’on fait le point sur l’année qui vient de s’écouler en formant des vœux pour celle qui vient? Épargnons-nous les commentaires toujours aussi désabusés sur l’état de la justice dans notre pays où, à force de répéter les mêmes souhaits, on a, hélas! le sentiment de stagner, voire même parfois de régresser, et retenons un motif d’optimisme : l’adoption par l’O.B.F.G. d’un Code de déontologie. Il est certes en soi une nouveauté positive, du simple fait de son existence, même si les règles har- monisées ne sont pas neuves. Mais si nous avons décidé d’en parler dans ce premier numéro, en guise de primeur, c’est parce qu’il nous donne l’occa- sion d’évoquer l’importance du rôle de l’avocat dans le fonctionnement de la justice et du respect de l’État de droit. Il ne s’agit pas de tenir un discours corporatiste ou d’autosatisfaction, mais au contraire d’insister sur la néces- sité pour le barreau de s’améliorer. Au plan de la compétence, certes, mais aussi de la déontologie. Que veulent les clients? Des conseils qui préparent les solutions possibles à leurs problèmes, dans le respect des lois et règlements qu’il faut connaître, bien sûr, mais aussi dans le souci de l’éthique et des règles professionnelles. Celles-ci sont fondamentales, et l’on est surpris de constater les hésitations de beaucoup, notamment en matière de confidentialité de la correspon- dance, ou les oublis de principes fondamentaux qui sont autant de protec- tions du client que de l’avocat. Ce numéro est donc consacré largement à ces organes de la justice, à qui nous adressons, ainsi qu’à tous nos autres lecteurs, nos meilleurs vœux de bonne et heureuse année 2013. Georges-Albert DAL Bureau de dépôt : Louvain 1 Hebdomadaire, sauf juillet et août ISSN 0021-812X P301031 Sommaire Doctrine Éditorial ................................................. 1 Le Code de déontologie de l’avocat, par G.-A. Dal .............................................. 2 Jurisprudence I. Droits de l’homme - Respect de la vie privée (article 8 Cour eur. dr. h.) - Ingérence - Conditions - Loi - But légitime - Application - Secret professionnel de l’avocat et confidentialité de la correspondance entre l’avocat et son client - Obligation de déclaration des soupçons de blanchiment d’un avocat envers son client - Admissibilité (oui) - II. Lutte contre le blanchiment - Obligation faite à l’avocat de déclarer ses soupçons envers son client - Entorse au secret professionnel de l’avocat - Admissibilité (oui) - III. Avocat - Devoirs - Secret professionnel - Dérogation - Déclaration de ses soupçons de blanchiment envers son client - Admissibilité (oui) C.E.D.H., 5 e sect., 6 décembre 2012, note ...................................................... 5 I. Taxe sur la valeur ajoutée - Assujettissement - Notaires - Exemptions - Avocats - Comparaison - Choix politique du législateur non manifestement déraisonnable - Conséquence - Absence de discrimination - II. Avocats - Taxe sur la valeur ajoutée - Assujettissement (non) - Exemption - Comparaison avec les notaires - Choix politique non manifestement déraisonnable - Absence de discrimination Cour const., 14 novembre 2012 ........... 10 Conclusions - Matières civiles - Délais pour conclure - Expiration - Exception - Survenance d’un fait nouveau et pertinent (article 748, § 2, C. jud.) - Requête - Introduction trente jour au plus tard avant l’audience - Audience non encore fixée - Requête irrecevable parce que prématurée Bruxelles, 21 e ch., 13 novembre 2012, observations de D. Mougenot .............. 11 Chronique Dean Spielmann, nouveau président de la Cour européenne des droits de l’homme : « L’application de la Convention sera de plus en plus une responsabilité partagée entre la Cour et les juges nationaux » - Échos - Parallèlement - Bibliographie - Coups de règle. www.stradalex.com L’accès le plus direct à toute l’information juridique Vous avez des questions ? 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Journaltribunauxde

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http://jt.larcier.be5 janvier 2013 - 132e année1 - No 6503Georges-Albert Dal, rédacteur en chef

Éditorial

her lecteur,

Le Journal des tribunaux que vous tenez entre les mains est le fruitd’une réflexion approfondie du comité de rédaction. Cette édi-tion marque une étape importante dans la vie de notre hebdoma-

daire (beaucoup) plus que centenaire. Nous abordons en effet la 132e annéed’existence du J.T. avec ce 6503e numéro, nouvelle formule, nouveau for-mat et en quadrichromie.Le changement de format était devenu nécessaire, car le monde moderne,et notamment la poste et l’informatique, déteste tout ce qui n’est pas stan-dard. La décision a donc été prise de passer au format A4 et nous l’avons faitau début d’une année civile afin d’assurer la cohérence des reliures quiornent les bureaux de beaucoup d’entre vous. Quant à la couleur, elle estde notre époque où l’image multicolore est reine. Elle soulignera les troisparties traditionnelles du Journal : le bleu pour la doctrine, le rouge pour lajurisprudence et le vert pour la chronique. À cet égard, rien n’est changé etnous continuerons au fil des semaines à couvrir l’actualité juridique et judi-ciaire, puisque telle est notre vocation.Le comité de rédaction croit à la pérennité de l’écrit, mais il n’oublie pasl’informatique et le délicat lien qui existe entre les versions papier et vir-tuelle des livres, journaux et revues, même lorsqu’elles sont spécialisées.Nous tenterons donc de donner, dans un avenir aussi proche que possible,une plus grande réactivité au JTi, qui est la reproduction de la version écrite,mais en est déjà le complément par son moteur de recherche qui reprendtous les numéros parus depuis 1997 et est donc une table vivante et com-plète.Qu’ajouter en cette période où l’on fait le point sur l’année qui vient des’écouler en formant des vœux pour celle qui vient? Épargnons-nous lescommentaires toujours aussi désabusés sur l’état de la justice dans notrepays où, à force de répéter les mêmes souhaits, on a, hélas! le sentiment destagner, voire même parfois de régresser, et retenons un motif d’optimisme :l’adoption par l’O.B.F.G. d’un Code de déontologie. Il est certes en soi unenouveauté positive, du simple fait de son existence, même si les règles har-monisées ne sont pas neuves. Mais si nous avons décidé d’en parler dans cepremier numéro, en guise de primeur, c’est parce qu’il nous donne l’occa-sion d’évoquer l’importance du rôle de l’avocat dans le fonctionnement dela justice et du respect de l’État de droit. Il ne s’agit pas de tenir un discourscorporatiste ou d’autosatisfaction, mais au contraire d’insister sur la néces-sité pour le barreau de s’améliorer. Au plan de la compétence, certes, maisaussi de la déontologie.Que veulent les clients? Des conseils qui préparent les solutions possibles àleurs problèmes, dans le respect des lois et règlements qu’il faut connaître,bien sûr, mais aussi dans le souci de l’éthique et des règles professionnelles.Celles-ci sont fondamentales, et l’on est surpris de constater les hésitationsde beaucoup, notamment en matière de confidentialité de la correspon-dance, ou les oublis de principes fondamentaux qui sont autant de protec-tions du client que de l’avocat.Ce numéro est donc consacré largement à ces organes de la justice, à quinous adressons, ainsi qu’à tous nos autres lecteurs, nos meilleurs vœux debonne et heureuse année 2013.

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Sommaire

DoctrineÉditorial ................................................. 1Le Code de déontologie de l’avocat, par G.-A. Dal .............................................. 2

Jurisprudence■ I. Droits de l’homme - Respect de la vie privée (article 8 Cour eur. dr. h.) - Ingérence - Conditions - Loi - But légitime - Application - Secret professionnel de l’avocat et confidentialité de la correspondance entre l’avocat et son client - Obligation de déclaration des soupçons de blanchiment d’un avocat envers son client - Admissibilité (oui) - II. Lutte contre le blanchiment - Obligation faite à l’avocat de déclarer ses soupçons envers son client - Entorse au secret professionnel de l’avocat - Admissibilité (oui) - III. Avocat - Devoirs - Secret professionnel - Dérogation - Déclaration de ses soupçons de blanchiment envers son client - Admissibilité (oui)C.E.D.H., 5e sect., 6 décembre 2012, note ...................................................... 5

■ I. Taxe sur la valeur ajoutée - Assujettissement - Notaires - Exemptions - Avocats - Comparaison - Choix politique du législateur non manifestement déraisonnable - Conséquence - Absence de discrimination - II. Avocats - Taxe sur la valeur ajoutée - Assujettissement (non) - Exemption - Comparaison avec les notaires - Choix politique non manifestement déraisonnable - Absence de discriminationCour const., 14 novembre 2012 ...........10

■ Conclusions - Matières civiles - Délais pour conclure - Expiration - Exception - Survenance d’un fait nouveau et pertinent (article 748, § 2, C. jud.) - Requête - Introduction trente jour au plus tard avant l’audience - Audience non encore fixée - Requête irrecevable parce que prématuréeBruxelles, 21e ch., 13 novembre 2012, observations de D. Mougenot ..............11

ChroniqueDean Spielmann, nouveau président de la Cour européenne des droits de l’homme : « L’application de la Convention sera de plus en plus une responsabilité partagée entre la Cour et les juges nationaux » - Échos - Parallèlement - Bibliographie - Coups de règle.

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Doctrine

Le Code de déontologie de l’avocatvec l’an nouveau, en guise de cadeau pour les avocats des barreaux membres de l’O.B.F.G., un Code nouveau de déontologie, qui entrera prochainement en vigueur. Le commentaire qui suit en fait un premier survol.

S’il est une profession qui, au fil des siècles, a créé ses propres règleset que ces règles ont façonnée, c’est bien la profession d’avocat. Il y vade simples règles morales qui régissent l’exercice de la profession (ladéontologie stricto sensu, ce mot inventé par Jérémy Bentham pour dé-finir une théorie des devoirs), d’un ensemble d’usages et coutumes quisont des sources de droit, consacrées par ces institutions publiques au-tonomes que sont les Ordres, et de dispositions légales de natures di-verses. Le cadre des diverses lois nationales et des principes générauxdu droit propres à chaque pays a d’ailleurs été dépassé : on songe ainsià la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui afait du secret professionnel de l’avocat un droit fondamental protégépar les articles 8 et 6 de la Convention européenne des droits del’homme et à l’œuvre « autorégulatrice » du Conseil des barreaux eu-ropéens qui a rédigé dès 1968 le Code de déontologie des avocats eu-ropéens et, en 2008, la Charte des principes essentiels de la profession.

Il était donc logique que l’on procède à une codification, qui est leclassement organisé et structuré de normes existantes. Le C.C.B.E.avait en quelque sorte montré la voie il y a 45 ans, et de nombreux bar-reaux nationaux et locaux ont depuis des années adopté des codes. Ilétait donc paradoxal qu’on n’en ait encore rien fait dans notre pays.C’est maintenant chose faite, du moins pour ce qui concerne l’Ordredes barreaux francophones et germanophone.

Il y a, comme on le sait, diverses formes de codifications : la codifica-tion au sens plein du terme implique la rédaction d’une œuvre nou-velle, qui rompt avec les textes anciens. Certes, la rupture n’est jamaistotale, car des portions significatives de l’ancien droit sont reprises,mais le fond et la forme sont nouveaux. Cette codification de rupturea des exemples célèbres. L’on songe évidemment à l’immense œuvrenapoléonienne qui a vu apparaître en six ans le Code civil français en1804, puis les codes impériaux : Code de procédure civile (1806),Code de commerce (1807), Code d’instruction criminelle (1808) etCode pénal (1810). En Belgique, les exemples récents sont assez rares :le Code judiciaire (1969) et le Code de droit international privé (2004).

La codification à droit constant constitue une rupture dans les textes,mais pas dans le droit positif. Les textes antérieurs sont expressémentabrogés, mais leur contenu est repris dans le code, de sorte que le droitpositif demeure : c’est la pratique actuelle. Elle se distingue encore dela « codification-compilation », qui se contente de regrouper les textesexistants, qui subsistent.

Nous sommes en présence en l’espèce d’une codification à droitconstant, le président de l’O.B.F.G. parlant bien dans sa présentationdu nouveau Code1 d’un « agencement des textes », d’où « découleune réelle cohérence entre les règlements existants ».

La matière demeurant inchangée ne nécessite pas de longs commen-taires. Mais le Code nouveau nous donne l’occasion, qui n’est pas sifréquente, de revisiter une matière qui est à l’avocat ce que la prose està M. Jourdain. Nous le ferons bien entendu en suivant l’ordre des neuftitres dont on nous annonce qu’ils présentent la matière « de manièrelogique, pratique et cohérente »2.

Une remarque préliminaire, accessoire mais non sans intérêt pratique,a trait à la numérotation : afin d’éviter de devoir procéder trop rapide-ment à des renumérotations au fil des modifications qui ne manque-ront pas de survenir, un numéro a été attribué à chaque titre. Elle vadonc de 1 à 9, avec les subdivisions voulues (article 1.1, 1.2, etc.)

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Titre 1 — Principes fondamentaux et devoirs généraux

Ce titre est l’exception qui confirme la règle : l’agencement des règlesexistantes est précédé par l’énoncé des principes fondamentaux de laprofession, qui est une nouveauté. À la seule lecture des quatre articlesqui composent ce titre, on comprend immédiatement quelle en a étéla source d’inspiration : le Code C.C.B.E., et il est intéressant de lire cestextes en parallèle.L’article 1.1 est ainsi libellé : « Fidèle à son serment, l’avocat veille, enconscience, tant aux intérêts de ceux qu’il conseille ou dont il défendles droits et libertés qu’au respect de l’État de droit. Il ne se limite pasà l’exercice fidèle du mandat que lui a donné son client ».

L’origine est évidente : c’est le Code C.C.B.E. dont l’article 1.1 est ainsilibellé :« Dans une société fondée sur le respect de la justice, l’avocat remplitun rôle éminent. Sa mission ne se limite pas à l’exécution fidèle d’unmandat dans le cadre de la loi. L’avocat doit veiller au respect de l’Étatde droit et aux intérêts de ceux dont il défend les droits et libertés. Ilest du devoir de l’avocat, non seulement de plaider la cause de sonclient, mais aussi d’être son conseil. Le respect de la mission de l’avo-cat est une condition essentielle à l’État de droit et à une société démo-cratique.» La mission de l’avocat lui impose dès lors des devoirs et obligationsmultiples (parfois d’apparence contradictoire) envers :» — le client;» — les cours et tribunaux et les autres autorités auprès desquellesl’avocat assiste ou représente le client;» — sa profession en général et chaque confrère en particulier;» — le public, pour lequel une profession libérale et indépendante,liée par le respect des règles qu’elle s’est données, est un moyen essen-tiel de sauvegarder les droits de l’homme face au pouvoir de l’État etaux autres puissances dans la société ».

Il est intéressant de noter que le préambule de la Charte des principesessentiels de l’avocat européen commence par la reproduction du dé-but de cet article, suivi par la déclaration suivante qui décrit le modede raisonnement qui a présidé à la rédaction de ce texte fondateur : « Ilexiste des principes essentiels qui, même exprimés de manière légère-ment différente dans les différents systèmes juridiques, sont communsà tous les avocats européens. Ces principes essentiels fondent diverscodes nationaux et internationaux qui régissent la déontologie del’avocat. Les avocats européens sont soumis à ces principes qui sontessentiels à la bonne administration de la justice, à l’accès à la justiceet au droit à un procès équitable comme l’exige la Convention euro-péenne des droits de l’homme. Dans l’intérêt général, les barreaux, lescours et tribunaux, les législateurs, les gouvernements et les organisa-tions internationales doivent faire respecter et protéger ces principesessentiels ».

La boucle est ainsi bouclée : les dix principes essentiels de la profes-sion trouvent leur source dans les différents codes nationaux et inter-nationaux qui régissent la profession, et le Code de l’O.B.F.G. s’inspiredirectement de la Charte. Que l’on en juge.

(1) Code de déontologie de l’avocat, O.B.F.G., Anthemis, Limal, 2013, p. 5.

(2) Ibidem.

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Le texte de la Charte :« Les principes essentiels de l’avocat sont notamment :» (a) l’indépendance et la liberté d’assurer la défense de son client;» (b) le respect du secret professionnel et de la confidentialité des af-faires dont il a la charge;» (c) la prévention des conflits d’intérêts, que ce soit entre plusieursclients ou entre le client et lui-même;» (d) la dignité, l’honneur et la probité;» (e) la loyauté à l’égard de son client;» (f) la délicatesse en matière d’honoraires;» (g) la compétence professionnelle;» (h) le respect de la confraternité;» (i) le respect de l’État de droit et la contribution à une bonne admi-nistration de la justice;» (j) l’autorégulation de sa profession ».L’article 1.2 du Code :« L’avocat est tenu des devoirs suivants :» la défense et le conseil du client en toute indépendance et liberté;» le respect du secret professionnel ainsi que de la discrétion et de laconfidentialité relatives aux affaires dont il a la charge;» la prévention des conflits d’intérêts tant entre ses divers clientsqu’entre lui-même et ses clients;» la dignité, la probité et la délicatesse qui font la base de la professionet en garantissent un exercice adéquat;» la loyauté tant à l’égard du client qu’à l’égard de l’adversaire, des tri-bunaux et des tiers;» la diligence et la compétence dans l’exécution des missions qui luisont confiées;» le respect de la confraternité en dehors de tout esprit corporatiste;» la contribution à une bonne administration de la justice;» le respect de l’honneur de la profession;» le respect des règles et autorités professionnelles ».

Chacun de ces principes mériterait les développements appropriés quidépassent le cadre de ce premier examen succinct du texte nouveau.On notera que l’article 1.3 porte que, dans l’exercice de ce que l’onappelle sa « mission », l’avocat veille à ce que ces principes essentiels« ne soient pas mis en péril par ses clients, les tribunaux ou des tiers ».Ce rappel, mis en relation avec l’article 1.1, est important : l’avocat dé-fend certes les intérêts de son client, dont il est le porte-parole et le re-présentant, mais dans le strict respect de son serment, donc de la loi etde la déontologie de sa profession. Il lui appartient donc de refuser deprêter son concours à une défense qui contreviendrait à ces règles. Lesclients, les tribunaux et les tiers sont en droit de s’attendre à ce qu’ilagisse ainsi et ne peuvent exiger de lui qu’il aille au-delà.Enfin, l’article 1.4 met un terme à la controverse à notre sens mal fon-dée que d’aucuns avaient soulevée portant sur la prétendue absencede base légale d’une série de règles professionnelles (comme les pou-voirs du bâtonnier). Il prévoit en effet que : « Toute atteinte portée parl’avocat à ces principes et aux obligations découlant du présent Codeconstitue un manquement déontologique susceptible de faire l’objetde poursuites disciplinaires ».Au-delà de ce titre initial, dont la rédaction est heureuse, on entre alorsdans la reproduction coordonnée et harmonisée des règles existantes,dont la lecture et la compréhension sont ainsi facilitées.

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Titre 2 — Compatibilités, incompatibilités et activités spécifiques

Le chapitre 1er est intitulé : « compatibilité de la profession avec lesemplois et activités rémunérés ». Il doit bien entendu être situé dansson contexte légal, celui de l’article 437 du Code judiciaire qui institueles trois catégories d’incompatibilités absolues que les Ordres nepeuvent que constater, sans pouvoir y faire exception : la profession demagistrat effectif, de greffier et d’agent de l’État (article 437, 1o), lesfonctions de notaire et d’huissier de justice (article 437, 2o) et l’exer-cice d’une industrie ou d’un négoce (article 437, 3o).

Par contre, « les emplois et activités rémunérés, publics ou privés », enprincipe incompatibles avec l’exercice de la profession peuvent êtreautorisés s’ils « ne mettent en péril ni l’indépendance de l’avocat ni ladignité du barreau »; il s’agit des incompatibilités relatives del’article 437, 4o. À cet égard, l’appréciation concrète appartient àchaque Ordre (article 2.1, alinéa 3), qui peut décider de subordonnerl’exercice de cet emploi soit à une autorisation préalable, soit à unesimple information (article 2.1, alinéa 1er). Rien de neuf à cet égard, nidans les dispositions des articles 2.2 à 2.6. Relevons simplement qu’àl’article 2.5, le texte a été légèrement modifié, de façon à permettre àl’avocat qui exerce une activité d’enseignement d’intervenir pour l’éta-blissement dans lequel il enseigne, non seulement comme salarié,mais aussi comme indépendant, sauf bien entendu si son indépen-dance risque d’être mise en péril.Le second chapitre de ce titre reprend les textes en vigueur relatifs àquatre « activités spécifiques » : les mandats de justice (les articles 2.7à 2.10 sont la fusion et la mise à jour de deux règlements de l’Ordrenational : celui du 17 février 1972 sur le mandat de justice et l’avocat,et celui du 8 février 1979 sur les incompatibilités applicables au cura-teur et au liquidateur), la médiation (articles 2.11 à 2.19; une légèremodification peut être signalée à l’article 2.13 qui prévoit, en sonalinéa 1er, que le médiateur, s’il est désigné par voie judiciaire ou àl’intervention des conseils des parties, informe dans les meilleurs dé-lais le greffe ou les conseils de l’acceptation ou du refus de sa mission.Il n’est plus prévu que le refus soit motivé), la défense d’un mineur(articles 2.20 à 2.25) et le syndic d’une association de copropriétaires(articles 2.26 à 2.33).

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Titre 3 — Stage et formation

Ce titre, qui comporte sept chapitres, est la refonte des règlementsstage et CAPA. Il y a une série d’améliorations de type « cosmétique »qu’il ne nous semble pas utile de relever.Quant au fond, les mots « préalablement » et « au préalable » ont étésupprimés à l’article 3.9 (alinéas 2 et 5) : cela concerne l’obligation deporter la rupture des relations entre le stagiaire et le maître de stage àla connaissance du directeur du stage ou du président de la commis-sion du stage, et le changement de maître de stage.Afin de pallier les effets d’une sentence que l’on peut qualifier de ma-lencontreuse du conseil de discipline d’appel, il est désormais expres-sément prévu (mais ne l’était-ce pas déjà implicitement?) àl’article 3.13, alinéa 4, que les Ordres peuvent imposer la réussite del’exercice de plaidoirie comme obligation du stage.Enfin, l’obligation pour les centres de formation professionnelle defaire rapport chaque année à l’assemblée générale de l’O.B.F.G. surl’exécution de leur mission a été abrogée, car tombée en désuétude.

4

Titre 4 — Exercice de la profession

Sous ce titre ô combien général ont été regroupées des matières biendiverses : cabinet et cotisation (chapitre 1er — On peut se demanderpourquoi l’on a cru bon d’ajouter « cotisation à l’Ordre d’avocats »),plaque professionnelle et papier à en-têtes (chapitre 2), utilisation destechnologies de l’information et de la communication (chapitre 3),exercice en commun ou en structure (chapitre 4), collaboration avecdes personnes extérieures à la profession (chapitre 5), activités préfé-rentielles (chapitre 6), spécialisation (chapitre 7), fonds de tiers(chapitre 8), blanchiment (chapitre 9), et accès aux informations du re-gistre national des personnes physiques.C’est dans ce titre qu’apparaissent sans doute le plus clairement les li-mites de la présente codification qui a laissé subsister des textes auxstyles variés et de qualités diverses. Limitons-nous ici encore à ce quidépasse les améliorations de pure forme.Dans le chapitre 4, qui traite de l’exercice en commun ou en structure,il a paru à juste titre opportun de traiter également des sociétés privéesà responsabilité limitée unipersonnelles, ainsi que cela ressort desarticles 4.14, alinéa 2, 4.17 (« Tout avocat peut constituer, seul ou avec

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Doctrine

d’autres avocats, une société civile à forme commerciale... »), et 4.20,dernier alinéa. On relèvera également que la notion de groupement aété supprimée de la section 2, intitulée « associations ».

En matière de correspondance organique, rien ne change, sauf que,pour mettre en concordance la possibilité de faire trancher un diffé-rend par la voie arbitrale, on a repris le texte de l’article 4.29, relatif àla résolution de différend en matière de collaboration. L’idée est cohé-rente, mais pourquoi avoir conservé la curieuse expression de« chambre arbitrale », inconnue par ailleurs, puisqu’on parlait en sontemps de collège arbitral et actuellement de tribunal arbitral? Laconcordance des textes aurait pu être effectuée en des termes plus ap-propriés.

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Titre 5 — Information vers le public et relations avec les clients

Publicité (chapitre 1er), aide juridique (chapitre 2) et honoraires(chapitre 3) sont les trois domaines abordés dans ce titre. Un regret ma-jeur dans le premier chapitre : le maintien de l’interdiction du démar-chage qui, telle qu’elle est formulée, pose un sérieux problème de lé-galité. En réalité, les exigences en matière de publicité suffisent à ellesseules à régler la question de façon conforme à la déontologie, au res-pect des principes de dignité, de délicatesse, de probité et de discré-tion, comme d’ailleurs du secret professionnel. On est d’ailleurs frappépar le gouffre qui sépare certaines règles de la pratique que l’onconstate en consultant le contenu d’une série de sites. Or une règlenon appliquée n’est pas idéale. Gageons que l’O.B.F.G. reviendra ra-pidement à cette question.

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Titre 6 — Relations avec les confrères

Les matières qui ont été rassemblées sous ce titre sont diverses et clas-siques.La confidentialité de la correspondance fait l’objet du chapitre 1er. Lesarticles 6.1 à 6.5 reprennent le texte de l’ancien règlement de l’Ordrenational, à l’exception des dispositions désignant le ou les bâtonnierscompétents en cas de contestation entre membres de barreaux diffé-rents, qui ont été logiquement reprises dans le chapitre 7 du mêmetitre, qui règle de manière générale les différends entre avocats de bar-reaux différents, l’article 6.48 ayant trait précisément à la productionde correspondance. Règle inchangée donc, une éventuelle modifica-tion sur ce point ne pourrait d’ailleurs être envisagée qu’en accordavec l’O.V.B., car on n’imagine pas que des règles différentes existentau Nord et au Sud du pays.Rien de changé non plus dans le chapitre 2 à qui l’on a conservé le titrecurieux : « Comportement dans les procédures », qui relate de façon fortclaire les règles à observer lors de l’introduction d’une procédure, pourla mise en état, les demandes de fixation, la signification et l’exécutiondes décisions judiciaires et l’exercice des recours. Notons simplementqu’à l’article 6.16, alinéa 3, on a opportunément ajouté : « L’avocat peuts’opposer à une demande de remise dont il n’a pas été averti ou qui n’estpas légitime », la décision appartenant bien entendu au juge.Les succession d’avocats (chapitre 3), certification de conformité despièces à joindre à un pourvoi en cassation (chapitre 4), action contreun avocat (chapitre 5) et responsabilité financière de l’avocat à l’égarddes confrères (chapitre 5), sont demeurées d’une teneur absolumentidentique aux textes anciens.

Comme il est indiqué ci-dessus, les articles 6.463 à 6.48 déterminentclairement le bâtonnier à qui doit s’adresser un avocat en cas dedifférend : en principe, toujours le sien, sauf pour les incidents d’au-dience qui sont tranchés par le bâtonnier de l’arrondissement où siègela juridiction saisie, avec les précisions utiles pour les juridictionsbruxelloises (article 6.47, alinéas 3 à 5).

7

Titre 7 — Relations avec les tiers

Ce titre, fort bref, reprend les règles applicables aux relations quel’avocat peut avoir avec un tiers déclarant représenter un client ou unepartie (chapitre 1er), aux relations avec les médias (chapitre 2, avecune amélioration de pure forme du texte ancien à l’article 7.4) et à laresponsabilité financière de l’avocat à l’égard des tiers (chapitre 3).Fort curieusement, contrairement au Code C.C.B.E. et au plan généra-lement suivi par la doctrine, aucun titre spécifique n’est relatif aux re-lations avec les magistrats.

8

Titre 8 — Dispositions disciplinaires

Cet intitulé est quelque peu trompeur, puisque ce titre ne comprendqu’un chapitre 1er (qui semble donc en appeler d’autres), relatif à laseule question, au demeurant non dénuée d’importance, de l’exécu-tion des peines de suspension. Il est vrai que la matière est entièrementréglée par le Code judiciaire.

9

Titre 9 — Honorariat

Les règles traditionnelles demeurent inchangées et sont désormais ins-crites aux articles 9.1 à 9.8 du Code.

C

En guise de conclusion

On ne peut que féliciter l’O.B.F.G. de cette initiative et se réjouir durésultat obtenu. Certes, l’objectif d’agencement de texte est limité,mais l’expérience apprend que l’exercice n’est pas facile. Il était doncprudent de procéder à cette première étape.Quelle devrait être la suivante? Idéalement, l’adoption d’un Codeunique pour l’O.B.F.G. et l’O.V.B., en passant ou non par la rédactiond’un Code O.V.B. qui serait une étape utile, mais non indispensable.Ce souhait est-il utopique? Lorsqu’on voit les travaux déjà entrepris parcertains barreaux de pays voisins pour élaborer un Code uniforme,dans le cadre du Code C.C.B.E., et les travaux entrepris au sein duC.C.B.E. en vue de l’élaboration — à moyen ou long terme — d’unCode européen unique directement applicable dans tous les pays, onse dit que l’exercice est assez aisément réalisable en Belgique où l’es-sentiel des règles est identique, à quelques divergences près qui nesont pas fondamentales. Un tel Code ne serait pas en contradictionavec l’organisation ordinale actuelle, puisqu’il émanerait des deuxOrdres communautaires; il obligerait à revoir certains concepts et à al-léger des règles parfois inutilement détaillées et serait de nature à faci-liter la tâche de tous les avocats du pays, dont il ne faut pas oublierqu’ils travaillent fort souvent, à Bruxelles ou ailleurs, dans les mêmesassociations ou structures professionnelles, et en tout cas en contactpermanent les uns avec les autres.L’O.B.F.G. a publié un élégant opuscule, qui sera sur la table de chevetde tout avocat. Il comprend dans sa première partie le Code de déon-tologie lui-même. Une deuxième partie reprend les extraits utiles duCode judiciaire, ainsi que le Code C.C.B.E. et la Charte européenne,avec leur mémorandum explicatif, et la troisième comporte une sériede recommandations, conventions et protocoles, qui n’ont pas tous va-leur obligatoire, mais qu’il est ainsi utile d’avoir sous la main.Le Code et les dispositions abrogatoires des textes anciens doivent êtreprochainement publiés au Moniteur belge dans leurs versions fran-çaise et allemande. Il entrera en vigueur le jour de sa publication, quenous signalerons évidemment à nos lecteurs.

Georges-Albert DALAncien bâtonnier

(3) Une malencontreuse erreur typo-graphique a transformé à la page 92

du Code publié par l’O.B.F.G. l’article 6.46 en 6.48. Mais ce n’est

pas à l’auteur de ces lignes qu’il faut apprendre la difficulté extrême de re-

lire des épreuves...

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5tribunauxdesJournal 2013

Jurisprudence

Telle qu’elle est mise en œuvre par la loifrançaise et au regard du but légitimepoursuivi ainsi que de la particulière im-portance de celui-ci dans une société dé-mocratique, l’obligation de déclarationde soupçons de blanchiment envers sonclient ne porte pas une atteinte dispro-portionnée au secret professionnel del’avocat, dès lors que cette obligation nepèse sur ce dernier qu’en dehors de samission de défense (étant la représenta-tion en justice et la consultation juri-dique), et que la mise en œuvre de cetteobligation est systématiquement subor-donnée au rôle de filtre assuré par le bâ-tonnier.

(Extraits)

[...]

En fait.

I. Les circonstances de l’espèce.

8. Le requérant est né en 1947 et réside àParis. Il est avocat au barreau de Paris etmembre du conseil de l’Ordre.

9. Il expose que l’Union européenne a adoptésuccessivement trois directives visant à préve-nir l’utilisation du système financier aux finsdu blanchiment des capitaux. La première(91/308/CEE, 10 juin 1991) vise les établisse-ments et institutions financières. Elle a étéamendée par une directive du 4 décembre2001 (2001/97/CE) qui, notamment, élargitson champ d’application à divers profession-nels ne relevant pas du secteur financier, dontles « membres des professions juridiquesindépendantes ». La troisième (2005/60/CE,26 octobre 2005) abroge la directive du10 juin 1991 amendée, en reprend le conte-nu et le complète. Les lois de transposition —la loi no 2004-130 du 11 février 2004, s’agis-sant de la directive du 10 juin 1991 amendée— et les textes réglementaires d’application— le décret no 2006-736 du 26 juin 2006,s’agissant de la loi du 11 février 2004 — ontété codifiés au Code monétaire et financier (ilest renvoyé pour plus de détails aux titres III etIV ci-dessous, relatifs au droit communautaireet interne pertinent).

10. De ces textes résulte notamment pour lesavocats une « obligation de déclaration desoupçon », que la profession, qui y voit enparticulier une menace contre le secret pro-fessionnel et la confidentialité des échangesentre l’avocat et son client, a constammentcritiquée par la voix notamment du conseilnational des barreaux.

11. Toutefois, le 12 juillet 2007, le conseil na-tional des barreaux a pris une « décision por-tant adoption d’un règlement relatif aux pro-cédures internes destinées à mettre en œuvreles obligations de lutte contre le blanchimentdes capitaux et le financement du terrorismeet dispositif de contrôle interne destiné à as-surer le respect des procédures » (publiée auJournal officiel le 9 août 2007). Il agissait ainsien application de l’article 21-1 de la loi du31 décembre 1971 portant réforme de cer-taines professions judiciaires et juridiques,qui lui donne la compétence, dans le respectdes dispositions législatives et réglementairesen vigueur, d’unifier par voie de dispositionsgénérales les règles et usages de la professiond’avocat.

12. La décision précise (article 1) que « tousles avocats, personnes physiques, inscrits à unbarreau français » sont assujettis à ce règle-ment professionnel, lorsque dans le cadre deleur activité professionnelle, ils réalisent aunom et pour le compte de leur client unetransaction financière ou immobilière, oulorsqu’ils participent en assistant leur client àla préparation ou à la réalisation de certainstypes de transactions (concernant : 1o l’achatet la vente de biens immeubles ou de fonds decommerce; 2o la gestion de fonds, titres ouaut res ac t i f s appar tenant au c l ien t ;3o l’ouverture de comptes bancaires,d’épargne ou de titres; 4o l’organisation desapports nécessaires à la création de sociétés;5o la constitution, la gestion ou la direction

des sociétés; 6o la constitution la gestion oula direction de fiducies de droit étranger ou detoute autre structure similaire); ils n’y sont pasassujettis lorsqu’ils exercent une « activité deconsultation juridique ou lorsque leur activitése rattache à une procédure juridictionnelle »à l’occasion de l’une ou l’autre des six activi-tés précitées (article 2).

13. Le règlement établit en particulier que lesavocats doivent dans ce contexte « fairepreuve d’une vigilance constante » et « se do-ter des procédures internes » propres à assu-rer le respect des prescriptions légales et ré-glementaires relatives notamment à la décla-ration de soupçon (article 3), précisant enparticulier la procédure à suivre lorsqu’uneopération paraît susceptible de faire l’objetd’une déclaration (article 7). Plus spécifique-ment, ils doivent adopter des règles écrites in-ternes décrivant les diligences à accomplir(article 5). Ils doivent de plus s’assurer que lerèglement est correctement appliqué au seinde leur structure et que les avocats et lesmembres de leur personnel reçoivent l’infor-mation et la formation nécessaire et adaptéeaux opérations qu’ils effectuent (article 9), etse doter d’un système de contrôle interne(article 10). Dans le même temps, le règle-ment souligne que « les avocats doivent s’as-surer en toutes circonstances du respect dusecret professionnel » (article 4).

14. Le fait de ne pas se conformer à ce règle-ment est passible de sanctions disciplinairespouvant aller jusqu’à la radiation du tableaudes avocats (articles 183 et 184 du décretno 91-1197 du 27 novembre 1991 organisantla profession d’avocat).

15. Le 10 octobre 2007, estimant qu’elle met-tait en cause la liberté d’exercice de la profes-sion d’avocat et les règles essentielles qui larégissent, le requérant saisit le Conseil d’Étatd’une demande d’annulation de cette déci-sion. Il soutenait qu’aucune disposition légaleou réglementaire ne conférait au conseil na-tional des barreaux une compétence norma-tive dans des domaines tels que la lutte contrele blanchiment. Par ailleurs, soulignant no-tamment que la décision critiquée obligeaitles avocats à se doter de procédures internespropres à assurer le respect des prescriptionsrelatives à la déclaration de soupçon, souspeine de sanctions disciplinaires, et que lanotion de soupçon n’était pas définie, il dé-nonçait une méconnaissance de l’exigencede précision inhérente au respect del’article 7 de la Convention. De plus, se réfé-rant à l’arrêt André et autres c. France du24 juillet 2008 (no 18603/03), il plaidait quele règlement ainsi adopté par le conseil natio-nal des barreaux était incompatible avecl’article 8 de la Convention, dès lors quel’« obligation de déclaration de soupçon »mettait en cause le secret professionnel et laconfidentialité des échanges entre un avocatet son client. Enfin, en application del’article 267 du Traité de l’Union européenneau Conseil d’État, il demandait au Conseild’État de saisir la Cour de justice de l’Unioneuropéenne à titre préjudiciel d’une questionrelative à la conformité de la « déclaration desoupçon d’infraction pénale » avec l’article 6du Traité de l’Union européenne et avecl’article 8 de la Convention.

I. DROITS DE L’HOMME■ Respect de la vie privée (article 8

Cour eur. dr. h.)■ Ingérence■ Conditions■ Loi■ But légitime■ Application■ Secret professionnel de l’avocat et

confidentialité de la correspondance entre l’avocat et son client

■ Obligation de déclaration des soupçons de blanchiment d’un avocat envers son client

■ Admissibilité (oui)

II. LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT

■ Obligation faite à l’avocat de déclarer ses soupçons envers son client

■ Entorse au secret professionnel de l’avocat

■ Admissibilité (oui)

III. AVOCAT■ Devoirs■ Secret professionnel■ Dérogation■ Déclaration de ses soupçons de

blanchiment envers son client■ Admissibilité (oui)

C.E.D.H. (5e sect.), 6 décembre 2012

Siég. : D. Spielmann (prés.), M. Villiger,B.M. Zupani, A. Power-Forde, A. Nußberger,H. Keller, et A. Potocki (juges).Plaid. : MMes B. Favreau et M. Chauvet,MM. A. F. Tissier, K. Manach, P. Roublot,M. L. Jariel, F. Lifchitz, R. Uguen-Laithier,X. Domino, S. Leroquais, et A. Cuisiniez.(Michaud c. France).

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Jurisprudence

16. Par un arrêt du 23 juillet 2010, le Conseild’État rejeta l’essentiel des conclusions de larequête.

17. S’agissant du moyen tiré de l’article 7 dela Convention, l’arrêt souligne notammentque la notion de « déclaration de soupçon »dont il est question dans la décision contestéene manque pas de précision, dès lors qu’ellerenvoie aux dispositions de l’article L. 562-2du Code monétaire et financier (devenu, mo-difié, l’article L. 561-15). Quant au moyentiré de l’article 8, l’arrêt le rejette par les mo-tifs suivants :« (...) si, selon le requérant, les dispositions de[la directive 91/308/CEE amendée] sont in-compatibles avec les s t ipula tions del’article 8 de la Convention (...) qui protègentnotamment le droit fondamental au secretprofessionnel, cet article permet une ingé-rence de l’autorité publique dans l’exerciced’un tel droit, notamment lorsqu’une tellemesure est nécessaire à la sûreté publique, àla défense de l’ordre et à la prévention des in-fractions pénales; (...) eu égard, d’une part, àl’intérêt général qui s’attache à la lutte contrele blanchiment de capitaux, d’autre part, à lagarantie que représente l’exclusion de sonchamp d’application des informations reçuesou obtenues par les avocats à l’occasion deleurs activités juridictionnelles, ainsi que decelles reçues ou obtenues dans le cadre d’uneconsultation juridique, sous les seules ré-serves, pour ces dernières informations, descas où le conseiller juridique prend part à desactivités de blanchiment de capitaux, où laconsultation juridique est fournie à des fins deblanchiment de capitaux et où l’avocat saitque son client souhaite obtenir des conseilsjuridiques aux fins de blanchiment de capi-taux, la soumission des avocats à l’obligationde déclaration de soupçon, à laquelle pro-cède la directive litigieuse, ne porte pas uneatteinte excessive au secret professionnel; (...)ainsi et sans qu’il soit besoin de poser unequestion préjudicielle à la Cour de justice del’Union européenne, le moyen tiré de la mé-connaissance de ces stipulations doit êtreécarté ».

[...]

En droit.

I. Sur la violation alléguée de l’article 8 de la Convention.

[...]

B. Sur le fond.

[...]

3. L’appréciation de la Cour.

a) Sur l’existence d’une ingérence dans l’exer-cice du droit protégé par l’article 8 de la Conven-tion.

90. En consacrant le droit de « toutepersonne » au respect de sa « correspon-dance », l’article 8 de la Convention protègela confidentialité des « communicationsprivées » (Frérot c. France, no 70204/01, § 53,12 juin 2007), quel que soit le contenu de lacorrespondance dont il est question (Frérot

précité, § 54), et quelle que soit la formequ’elle emprunte. C’est donc la confidentiali-té de tous les échanges auxquels les individuspeuvent se livrer à des fins de communicationqui se trouve garantie par l’article 8.

91. Ainsi, dès lors qu’elle les astreint à fournirà une autorité administrative des informationsrelatives à une autre personne qu’ils dé-tiennent à raison des échanges qu’ils ont eusavec elle, l’obligation de déclaration de soup-çon mise à la charge des avocats constitueune ingérence dans leur droit au respect deleur correspondance. Elle constitue égale-ment une ingérence dans leur droit au respectde leur « vie privée », cette notion incluantles activités professionnelles ou commer-ciales (Niemietz c. Allemagne, 16 décembre1992, § 29, série A no 251-B).

92. En l’espèce, certes, le requérant ne pré-tend ni s’être trouvé concrètement dans la si-tuation de devoir déclarer de tels soupçons,ni avoir été sanctionné en application du rè-glement litigieux pour avoir omis de le faire.Cependant, comme indiqué précédemment,il se trouve confronté au dilemme suivant :soit il se plie à ce règlement et renonce ainsià sa conception du principe de confidentialitédes échanges entre l’avocat et son client et dusecret professionnel des avocats; soit il ne s’yplie pas et s’expose à des sanctions discipli-naires pouvant aller jusqu’à la radiation. Ain-si, selon la Cour, l’obligation de déclarationde soupçon représente une « ingérencepermanente » (voy., précités, mutatis mutan-dis, Dudgeon, § 41, et Norris, § 38) dansl’exercice par le requérant, en sa qualitéd’avocat, des droits garantis par l’article 8,même si ce n’est pas la sphère la plus intimede sa vie privée qui est en cause, mais le droitau respect de ses échanges professionnelsavec ses clients.

93. Pareille ingérence enfreint l’article 8, saufsi elle est « prévue par la loi », dirigée vers unou des bu t s l égi t imes au regard duparagraphe 2 et « nécessaire, dans une socié-té démocratique », pour le ou les atteindre.

b) Sur la justification de l’ingérence.

i. Prévue par la loi.

94. La Cour rappelle que les termes « prévuepar la loi » exigent avant tout que l’ingérenceait une base en droit interne (Silver et autres c.Royaume-Uni, 25 mars 1983, §§ 56-88,série A, no 61). Tel est indéniablement le casen l’espèce : l’obligation de déclaration desoupçon à la charge des avocats est prévuepar des directives européennes, transposéesen droit français (notamment par la loino 2004-130 du 11 février 2004 s’agissant dela directive du 10 juin 1991 amendée) et co-difiées au Code monétaire et financier; leursmodalités sont précisées par des textes régle-mentaires d’application (dont les dispositionssont également codifiées) ainsi que par la dé-cision du 12 juillet 2007 du conseil nationaldes barreaux précitée.

95. Il faut en outre que la « loi » soit suffisam-ment accessible — ce que le requérant neconteste pas en l’espèce — et précise (ibi-dem). Le requérant soutient ainsi que la« loi » dont il est question manque de clarté,

dans la mesure où elle oblige à déclarer des« soupçons » sans définir cette notion, et oùle domaine des activités auxquelles elle s’ap-plique est flou.

96. La Cour n’est pas convaincue par cettethèse. Elle rappelle que l’on ne peut considé-rer comme une « loi » qu’une norme énoncéeavec assez de précision pour permettre au ci-toyen de régler sa conduite; en s’entourant aubesoin de conseils éclairés, il doit être àmême de prévoir, à un degré raisonnabledans les circonstances de la cause, les consé-quences de nature à dériver d’un acte déter-miné (ibidem). Cela étant, elle reconnaît l’im-possibilité d’arriver à une certitude absoluedans la rédaction des lois, ainsi que le risquede voir le souci de certitude engendrer une ri-gidité excessive. Beaucoup de lois se servent,inévitablement, de formules plus ou moinsvagues dont l’interprétation et l’applicationdépendent de la pratique (ibidem).

97. Elle estime que la notion de « soupçon »relève du sens commun et qu’un public avertitel que les avocats peut d’autant plus difficile-ment prétendre ne pas être en mesure de la cer-ner que, comme l’expose le gouvernement, leCode monétaire et financier fournit certainesindications spécifiques. Par ailleurs, les décla-rations de soupçon étant adressées aux bâton-niers ou au président de l’Ordre des avocats auConseil d’État et à la Cour de cassation, toutavocat ayant des doutes quant à l’existenced’un « soupçon » dans un cas donné est en me-sure de bénéficier à cet égard de l’assistanced’un confrère averti et expérimenté.Quant au caractère prétendument flou du do-maine d’activité concerné par l’obligation dedéclaration de soupçon, la Cour constate queles textes l i t ig ieux (voy. notammentl’article 1er de la décision du 12 juillet 2007du conse i l na t iona l des ba r r eaux ,paragraphe 12 ci-dessus) indiquent que cetteobligation s’impose aux avocats lorsque, dansle cadre de leur activité professionnelle, ilsréalisent au nom et pour le compte de leurclient une transaction financière ou immobi-lière, ou lorsqu’ils participent en assistant leurclient à la préparation ou à la réalisation decertains types de transactions (concernantl’achat et la vente de biens immeubles ou defonds de commerce, la gestion de fonds, titresou autres actifs appartenant au client, l’ouver-ture de comptes bancaires, d’épargne ou detitres, l’organisation des apports nécessaires àla création de sociétés, la constitution, la ges-tion ou la direction des sociétés et la constitu-tion, la gestion ou la direction de fiducies dedroit étranger ou de toute autre structure simi-laire). D’après ces textes, ils n’y sont pas assu-jettis lorsqu’ils exercent une activité deconsultation juridique ou lorsque leur activitése rattache à une procédure juridictionnelle àl’occasion de l’une ou l’autre des six activitésprécitées. La Cour estime que ces indicationssont suffisamment précises, d’autant plus queles textes dont il s’agit s’adressent à des pro-fessionnels du droit et que, comme le sou-l igne le gouvernement , la not ion de« consultation juridique » est définie notam-ment par le conseil des barreaux.

98. En conclusion, l’ingérence litigieuse est« prévue par la loi », au sens de l’article 8,§ 2, de la Convention.

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ii. But légitime.

99. La Cour ne doute pas que, visant à luttercontre le blanchiment de capitaux et les in-fractions pénales associées, l’ingérence liti-gieuse poursuit l’un des buts légitimes énu-mérés au second paragraphe de l’article 8 : ladéfense de l’ordre et la prévention des infrac-tions pénales. Cela n’a d’ailleurs pas prêté àcontroverse entre les parties.

100. Au surplus, la Cour rappelle que l’exé-cution par l’État de ses obligations juridiquesdécoulant de son adhésion à l’Union euro-péenne relève de l’intérêt général (BosphorusHava Yollari Turizm ve Ticaret Anonim irketiprécité, §§ 150-151).

iii. Nécessité.

á) Sur l’application de la présomption de protec-tion équivalente.

101. Le gouvernement indique que les obli-gations de vigilance et de déclaration desoupçon auxquelles sont astreints les avocatsrésultent de la transposition de directives eu-ropéennes à laquelle la France était tenue deprocéder en vertu de ses obligations juri-diques résultant de son adhésion à l’Unioneuropéenne. Renvoyant à l’arrêt BosphorusHava Yollari Turizm ve Ticaret Anonim irketiprécité, il estime qu’il doit être présumé quela France a respecté les exigences de laConvention dès lors qu’elle n’a fait qu’exécu-ter de telles obligations et qu’il est établi quel’Union européenne accorde aux droits fon-damentaux une protection équivalente à celleassurée par la Convention.

Principe généraux.

102. La Cour rappelle qu’il serait contraire aubut et à l’objet de la Convention que les Étatscontractants soient exonérés de toute respon-sabilité au regard de la Convention dès lorsqu’ils agissent en exécution d’obligations dé-coulant pour eux de leur appartenance à uneorganisation internationale à laquelle ils onttransféré une partie de leur souveraineté : lesgaranties prévues par la Convention pour-raient sinon être limitées ou exclues discré-tionnairement, et être par là même privées deleur caractère contraignant ainsi que de leurnature concrète et effective. Autrement dit, lesÉtats demeurent responsables au regard de laConvention des mesures qu’ils prennent enexécution d’obligations juridiques internatio-nales, y compris lorsque ces obligations dé-coulent de leur appartenance à une organisa-tion internationale à laquelle ils ont transféréune partie de leur souveraineté (BosphorusHava Yollari Turizm ve Ticaret Anonim irketiprécité, § 154).

103. Il est vrai cependant que la Cour a éga-lement jugé qu’une mesure prise en exécu-tion de telles obligations doit être réputée jus-tifiée dès lors qu’il est constant que l’organi-sation en question accorde aux droitsfondamentaux (cette notion recouvrant à lafois les garanties substantielles et les méca-nismes censés en contrôler le respect) uneprotection à tout le moins équivalente —c’est -à-dire non pas identique, mais« comparable » — à celle assurée par laConvention (étant entendu qu’un constat de

« protection équivalente » de ce type n’estpas définitif : il doit pouvoir être réexaminé àla lumière de tout changement pertinent dansla protection des droits fondamentaux). Sil’on considère que l’organisation offre sem-blable protection équivalente, il y a lieu deprésumer que les États respectent les exi-gences de la Convention lorsqu’ils ne fontqu’exécuter des obligations juridiques résul-tant de leur adhésion à l’organisation.

Les États demeurent toutefois entièrement res-ponsables au regard de la Convention de tousles actes ne relevant pas strictement de leursobligations juridiques internationales, notam-ment lorsqu’ils ont exercé un pouvoir d’ap-préciation (M.S.S. précité, § 338). Par ailleurs,cette présomption peut être renversée dans lecadre d’une affaire donnée si l’on estime quela protection des droits garantis par laConvention était entachée d’une insuffisancemanifeste; dans un tel cas, le rôle de laConvention en tant qu’« instrument constitu-tionnel de l’ordre public européen » dans ledomaine des droits de l’homme l’emporteraitsur l’intérêt de la coopération internationale(Bosphorus Hava Yollari Turizm ve TicaretAnonim irketi précité, §§ 152-158; voy. aussi,notamment, M.S.S., précité, §§ 338-340).

104. Cette présomption de protection équiva-lente vise notamment à éviter qu’un État par-tie soit confronté à un dilemme lorsqu’il luifaut invoquer les obligations juridiques quis’imposent à lui, en raison de son apparte-nance à une organisation internationale non-partie à la Convention, à laquelle il a transféréune partie de sa souveraineté, pour justifier,au regard de la Convention, ses actions ouomissions résultant de cette appartenance.Cette présomption tend également à détermi-ner les cas où la Cour peut, au nom de l’inté-rêt de la coopération internationale, réduirel’intensité de son contrôle du respect des en-gagements résultant de la Convention par lesÉtats parties, que lui confie l’article 19 de laConvention. Il résulte de ces objectifs que laCour n’est prête à cet aménagement que dansla mesure où les droits et garanties dont elleassure le respect ont bénéficié d’un contrôlecomparable à celui qu’elle opérerait. À dé-faut, l’État échapperait à tout contrôle interna-tional de la compatibilité de ses actes avec sesengagements résultant de la Convention.

Sur la protection des droits fondamentaux assu-rée par le droit de l’Union européenne.

105. S’agissant de la protection des droitsfondamentaux accordée par l’Union euro-péenne, la Cour a jugé dans l’arrêt BosphorusHava Yollari Turizm ve Ticaret Anonim irketi(précité, §§ 160-165) qu’elle était en principeéquivalente à celle assurée par la Convention.

106. Pour parvenir à cette conclusion, elle aen premier lieu constaté que l’Union euro-péenne offrait une protection équivalente surle plan des garanties substantielles, relevant àcet égard que, déjà à l’époque des faits, le res-pect des droits fondamentaux était une condi-tion de légalité des actes communautaires etque la Cour de justice se référait largementaux dispositions de la Convention et à la juris-prudence de la Cour lorsqu’elle procédait àson appréciation (Bosphorus Hava Yollari Tu-rizm ve Ticaret Anonim irketi, § 159). Il en va

d’autant plus ainsi depuis le 1er décembre2009, date d’entrée en vigueur de l’article 6modifié du Traité sur l’Union européenne, quiconfère à la Charte des droits fondamentauxde l’Union européenne la même valeur queles traités et qui prévoit que les droits fonda-mentaux, tels qu’ils sont garantis par laConvention et tels qu’ils résultent des tradi-tions constitutionnelles communes aux Étatsmembres, font partie du droit de l’Union entant que principes généraux.

107. La Cour s’est ensuite penchée sur laquestion de savoir s’il en allait de même auregard du mécanisme de contrôle du respectdes droits fondamentaux.

108. Elle a relevé à cet égard que les particu-liers n’ont qu’un accès restreint à la Cour dejustice : les recours en manquement (prévusinitialement par les articles 169 et 170 duTraité instituant la Communauté européenne)leur sont fermés, leur droit d’engager un re-cours en annulation ou un recours en carence(prévus initialement par les articles 173 et175 du Traité précité) est limité, comme, parconséquent, la possibilité pour eux de soule-ver l’exception d’illégalité (prévue initiale-ment par l’article 184 du Traité précité), et ilne leur est pas possible de former un recourscontre un particulier (Bosphorus Hava YollariTurizm ve Ticaret Anonim irketi, §§ 161-162).

109. Pour conclure néanmoins à une protec-tion équivalente sur ce plan aussi, la Cour aconstaté que les recours exercés devant laCour de justice par les institutions de l’Unioneuropéenne ou par un État membre consti-tuent un contrôle important du respect desnormes de l’Union européenne, qui bénéficieaux particuliers, et que ces derniers ont lapossibilité de saisir la Cour de justice d’un re-cours en réparation fondé sur la responsabili-té non contractuelle des institutions (prévueinitialement par l’article 184 du Traité préci-té) (Bosphorus Hava Yollari Turizm ve TicaretAnonim irketi, § 163).

110. Elle a de plus constaté que c’est essen-tiellement par l’intermédiaire des juridictionsnationales que le système de l’Union euro-péenne fournit aux particuliers un recoursleur permettant de faire constater qu’un Étatmembre ou un individu a enfreint le droit del’Union européenne.Elle a noté à cet égard que certaines disposi-tions du Traité instituant la Communauté eu-ropéenne avaient dès le départ prévu un rôlecomplémentaire pour les juridictions natio-nales dans le cadre des mécanismes decontrôle communautaire, notamment (selonla codification initiale) les articles 189 (notiond’applicabilité directe) et 177 (procédure derenvoi préjudiciel), et que leur rôle dans l’ap-plication du droit communautaire et des ga-ranties en matière de droits fondamentauxavait été élargi avec le développement par laCour de justice d’importantes notions tellesque la primauté du droit communautaire, l’ef-fet direct, l’effet indirect et la responsabilitéde l’État.Elle a ensuite observé que le contrôle de laCour de justice sur l’application par les juri-dictions nationales du droit de l’Union euro-péenne, y compris les garanties en matière de

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Jurisprudence

droits fondamentaux, se fait alors par le biaisde la procédure de renvoi préjudiciel (prévueinitialement par l’article 177 du Traité préci-té), dans le cadre de laquelle les parties à laprocédure interne ont le droit de présenterdes observations. Elle a relevé à cet égardque, bien que la Cour de justice se limite à ré-pondre à la question d’interprétation ou devalidité soumise par la juridiction nationale,sa réponse a souvent un effet déterminant surl’issue de la procédure interne, et observé quetel avait été le cas dans le cadre de l’affaireBosphorus Hava Yollari Turizm ve TicaretAnonim irketi (§ 164).

3111. Ainsi, bien que l’accès des particuliersà la Cour de justice soit nettement plus res-treint que l’accès à la Cour que leur ouvrel’article 34 de la Convention, la Cour admetque, pris dans sa globalité, le mécanisme decontrôle prévu par le droit de l’Union euro-péenne accorde une protection comparable àcelle qu’offre la Convention. Premièrement,parce que les particuliers bénéficient ducontrôle des normes de l’Union européennes’effectuant par le biais des recours exercéspar les États membres et par les institutions del’Union européenne devant la Cour de jus-tice. Deuxièmement, parce qu’ils ont la pos-sibilité de faire constater un manquement audroit communautaire par un État membre ensaisissant les juridictions nationales, lecontrôle de la Cour de justice s’opérant alorspar le biais de la procédure de renvoi préjudi-ciel, qu’il revient à ces juridictions de mettreen œuvre.

Sur la question de l’application en l’espèce de la présomption de protection équivalente.

112. La présente affaire se distingue de l’af-faire Bosphorus Hava Yollari Turizm ve TicaretAnonim irketi notamment pour deux raisons.

113. D’abord parce que dans cette dernièreaffaire, s’agissant d’un règlement, comme teldirectement applicable dans les Étatsmembres dans tous ses éléments, l’Irlande nedisposait d’aucune marge de manœuvre dansl’exécution des obligations résultant de sonappartenance à l’Union européenne.En l’espèce, il s’agissait de la mise en œuvrepar la France de directives, qui lient les Étatsmembres quant au résultat à atteindre, maisleur laissent le choix des moyens et de laforme. La question de savoir si, dans l’exécu-tion de ses obligations résultant de son appar-tenance à l’Union européenne, la France dis-posait de ce fait d’une marge de manœuvresusceptible de faire obstacle à l’applicationde la présomption de protection équivalenten’est donc pas dénuée de pertinence.

114. Ensuite et surtout, parce que dans l’af-faire Bosphorus Hava Yollari Turizm ve TicaretAnonim irketi, le mécanisme de contrôle pré-vu par le droit de l’Union européenne étaitpleinement entré en jeu. La Cour suprême ir-landaise avait en effet saisi la Cour de justiced’une question préjudicielle, laquelle s’étaitprononcée dans ce contexte sur l’allégationde violation du droit de propriété dont la re-quérante avait ensuite saisi la Cour.À l’inverse, dans la présente espèce, leConseil d’État a écarté la demande du requé-rant tendant à ce que la Cour de justice soit

saisie à titre préjudiciel de la compatibilité del’obligation de déclaration des avocats avecl’article 8 de la Convention, alors que cettequestion n’avait été préalablement tranchéepar la Cour de justice ni lors d’un renvoi pré-judiciel opéré dans une autre affaire, ni à l’oc-casion de l’un des recours susmentionnés ou-verts aux États membres et aux institutions del’Union européenne. La Cour observe en effetque dans son arrêt Ordre des barreaux franco-phones et germanophone et autres précité(paragraphes 27-29 ci-dessus), la Cour de jus-tice a examiné la compatibilité de l’obligationde déclaration des avocats au seul regard desexigences du droit à un procès équitable ausens de l’article 6 de la Convention. Ce fai-sant, elle s’est prononcée uniquement enconsidération des droits du justiciable, clientde l ’avocat. Or, prise sous l’angle del’article 8 de la Convention, la question estdifférente : sont alors en cause non seulementles droits du client de l’avocat au regard decette disposition, mais aussi ceux de l’avocatlui-même, comme l’illustrent les arrêts Koppc. Suisse (25 mars 1998, Recueil des arrêts etdécisions 1998-II), André précité et Wieser etBicos Beteiligungen GmbH c. Autriche (no

74336/01, CEDH/ECHR 2007-IV), qui por-taient respectivement sur des écoutes télé-phoniques, sur une perquisition dans un cabi-net d’avocat dans le cadre d’une procéduredirigée contre une société cliente et sur la sai-sie de données informatiques.

115. Ainsi, la Cour se doit de constater que,du fait de la décision du Conseil d’État de nepas procéder à un renvoi préjudiciel alors quela Cour de justice n’avait pas déjà examiné laquestion relative aux droits protégés par laConvention dont il était saisi, celui-ci a statuésans que le mécanisme international perti-nent de contrôle du respect des droits fonda-mentaux, en principe équivalent à celui de laConvention, ait pu déployer l’intégralité deses potentialités. Au regard de ce choix et del’importance des enjeux en cause, la pré-somption de protection équivalente ne trouvepas à s’appliquer.

116. Dès lors, il appartient à la Cour de seprononcer sur la nécessité de l’ingérence liti-gieuse au sens de l’article 8 de la Convention.

â). Appréciation de la Cour

117. La Cour rappelle à cet égard qu’elle aexaminé à plusieurs occasions des griefs dé-veloppés par des avocats sur le terrain del’article 8 de la Convention dans le contextede l’exercice de leur profession. Elle s’est ain-si prononcée sur la compatibilité avec cettedisposition de perquisitions et saisies effec-tuées au cabinet ou au domicile d’un avocat(Niemietz précité; Roemen et Schmit c.Luxembourg, no 51772/99, C.E.D.H. 2003-IV; Sallinen et autres c. Finlande, no 50882/99, 27 septembre 2005; André et autre, pré-cité; Xavier Da Silveira précité), de l’intercep-tion de la correspondance entre un avocat etson client (Schönenberger et Durmazc. Suisse, 20 juin 1988, série A, no 137), del’écoute téléphonique d’un avocat (Kopp pré-cité) et de la fouille et de la saisie de donnéesélectroniques dans un cabinet d’avocats (Sal-linen et autres et Wieser et Bicos Beteiligun-gen GmbH précités).

Elle a souligné dans ce contexte qu’en vertude l’article 8, la correspondance entre unavocat et son client, quelle qu’en soit la fina-lité (la correspondance strictement profes-sionnelle étant incluse : Niemietz précité,§ 32), jouit d’un statut privilégié quant à saconfidentialité (Campbell c. Royaume-Uni,25 mars 1992, §§ 46-48, série A, no 233; voy.aussi, notamment, Ekinci et Akalin c. Turquie,no 77097/01, 30 janvier 2007, § 47; celavaut, comme indiqué précédemment, pourtoutes les formes d’échanges entre les avocatset leurs clients). Elle a en outre indiquéqu’elle « accorde un poids singulier au risqued’atteinte au secret professionnel des avocats,car il peut avoir des répercussions sur labonne administration de la justice » (Wieseret Bicos précité, §§ 65-66; voir aussi, précités,Niemietz, § 37, et André, § 41) et est la basede la relation de confiance entre l’avocat etson client (André, précité, § 41, et Xavier daSilveira, précité, § 36).

118. Il en résulte que si l’article 8 protège laconfidentialité de toute « correspondance »entre individus, il accorde une protection ren-forcée aux échanges entre les avocats et leursclients. Cela se justifie par le fait que les avo-cats se voient confier une mission fondamen-tale dans une société démocratique : la dé-fense des justiciables. Or un avocat ne peutmener à bien cette mission fondamentale s’iln’est pas à même de garantir à ceux dont il as-sure la défense que leurs échanges demeure-ront confidentiels. C’est la relation deconfiance entre eux, indispensable à l’ac-complissement de cette mission, qui est enjeu. En dépend en outre, indirectement, maisnécessairement, le respect du droit du justi-ciable à un procès équitable, notamment ence qu’il comprend le droit de tout « accusé »de ne pas contribuer à sa propre incrimina-tion.

119. Cette protection renforcée que l’article 8confère à la confidentialité des échangesentre les avocats et leurs clients et les raisonsqui la fondent, conduisent la Cour à constaterque, pris sous cet angle, le secret profession-nel des avocats — qui toutefois se déclineavant tout en obligations à leur charge — estspécifiquement protégé par cette disposition.

120. La question qui se pose à la Cour estdonc celle de savoir si, telle que mise enœuvre en France et à l’aune du but légitimepoursuivi, l’obligation de déclaration desoupçon porte une atteinte disproportionnéeau secret professionnel des avocats ainsi com-pris.Elle rappelle à cet égard que la notion de né-cessité, au sens de l’article 8 de la Conven-tion, implique l’existence d’un besoin socialimpérieux et, en particulier, la proportionna-lité de l’ingérence au but légitime poursuivi(voy. parmi d’autres, Campbell précité, § 44).

121. La Cour relève que, dans son arrêt du23 juillet 2010 (paragraphe 17, ci-dessus), leConseil d’État, après avoir retenu quel’article 8 de la Convention protégeait « ledroit fondamental au secret professionnel », ajugé que la soumission des avocats à l’obliga-tion de déclaration de soupçon n’y portait pasune atteinte excessive. Il est parvenu à cetteconclusion eu égard à l’intérêt général qui

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s’attache à la lutte contre le blanchiment decapitaux et à la garantie que représente l’ex-clusion de son champ d’application des infor-mations reçues ou obtenues par les avocats àl’occasion de leurs activités juridictionnelles,ainsi que de celles reçues ou obtenues dans lecadre d’une consultation juridique (sous lesseules réserves, pour ces dernières informa-tions, des cas où le conseiller juridique prendpart à des activités de blanchiment de capi-taux, où la consultation juridique est fournieà des fins de blanchiment de capitaux et oùl’avocat sait que son client souhaite obtenirdes conseils juridiques aux fins de blanchi-ment de capitaux).

122. La Cour ne voit rien à redire à ce raison-nement.

123. Certes, comme indiqué précédemment,le secret professionnel des avocats a unegrande importance tant pour l’avocat et sonclient que pour le bon fonctionnement de lajustice. Il s’agit à n’en pas douter de l’un desprincipes fondamentaux sur lesquels reposel’organisation de la justice dans une sociétédémocratique. Il n’est cependant pas intan-gible, et la Cour a déjà eu l’occasion de jugerqu’il peut notamment devoir s’effacer devantle droit à la liberté d’expression de l’avocat(Mor c. France, no 28198/09, 15 décembre2011). Il convient en outre de mettre son im-portance en balance avec celle que revêtpour les États membres la lutte contre le blan-chiment de capitaux issus d’activités illicites,susceptible de servir à financer des activitéscriminelles notamment dans le domaine dutrafic de stupéfiants ou du terrorisme interna-tional (Grifhorst c. France, no 28336/02, § 93,26 février 2009). La Cour observe à cet égardque les directives européennes qui consti-tuent le fondement de l’obligation de déclara-tion de soupçon que le requérant met encause s’inscrivent dans un ensemble d’instru-ments internationaux dont l’objectif communest la prévention d’activités constitutivesd’une grave menace pour la démocratie (voy.notamment, précitées, les recommandationsdu GAFI et la Convention du Conseil de l’Eu-rope du 16 mai 2005 relative au blanchiment,au dépistage, à la saisie et à la confiscationdes produits du crime et au financement duterrorisme; paragraphes 18-19 ci-dessus).

124. Quant à l’argument du requérant selonlequel une telle obligation n’est pas néces-saire dans la mesure où tout avocat qui setrouverait impliqué dans une opération deblanchiment serait de toute façon passible depoursuites pénales, la Cour n’y est pas insen-sible. Elle estime cependant que cela ne sau-rait invalider le choix d’un État ou d’ungroupe d’État d’assortir les dispositions ré-pressives dont ils se sont dotés d’un méca-nisme à vocation spécifiquement préventive.

125. La Cour prend en outre note des don-nées statistiques publiées par Tracfin aux-quelles se réfère le requérant, qui retient enparticulier que, sur les 20.252 informationsreçues par Tracfin en 2010, dont 19.208 dé-clarations de soupçon émanant de profes-sionnels, seulement 5.132 ont fait l’objetd’une analyse approfondie et seulement 404ont été transmises au parquet, dont pas plusd’une centaine concernaient le blanchiment

ou le financement du terrorisme. Le requé-rant en déduit l’inefficacité du système etdonc l’absence de nécessité de l’ingérencedénoncée. Cela ne convainc toutefois pas laCour. Elle voit mal quel enseignement pour-rait être tiré de ces chiffres en l’espèce alorsqu’il ressort du rapport d’activité 2010 deTracfin qu’aucune de ces 19.208 déclara-tions de soupçon n’émanait d’un avocat. Ellerelève du reste que ce rapport fait à l’inverseune appréciation positive de ces résultats etprécise que le GAFI a estimé que le dispositiffrançais de lutte contre le blanchimentd’argent et le financement du terrorisme estl’un des plus performants au monde. Elle ob-serve en outre que la thèse du requérant re-vient à occulter l’effet dissuasif que ce dispo-sitif peut avoir.

126. Enfin et surtout, deux éléments sont auxyeux de la Cour décisifs dans l’appréciationde la proportionnalité de l’ingérence liti-gieuse.

127. Il s’agit tout d’abord du fait que, commeindiqué précédemment et relevé par leConseil d’État, les avocats ne sont astreints àl’obligation de déclaration de soupçon quedans deux cas. Premièrement, lorsque, dansle cadre de leur activité professionnelle, ilsparticipent au nom et pour le compte de leurclient à des transactions financières ou immo-bilières ou agissent en qualité de fiduciaire.Deuxièmement, lorsque, toujours dans lecadre de leur activité professionnelle, ils as-sistent leur client dans la préparation ou laréalisation de transactions concernant cer-taines opérations définies : l’achat et la ventede biens immeubles ou de fonds de com-merce; la gestion de fonds, titres ou autres ac-tifs appartenant au client; l’ouverture decomptes bancaires, d’épargne ou de titres oude contrats d’assurance; l’organisation desapports nécessaires à la création des sociétés;la constitution, la gestion ou la direction dessociétés; la constitution, la gestion ou la di-rection de fiducies ou de toute autre structuresimilaire; la constitution ou la gestion defonds de dotation. L’obligation de déclarationde soupçon ne concerne donc que des activi-tés éloignées de la mission de défense confiéeaux avocats, similaires à celles exercées parles autres professionnels soumis à cette obli-gation.En outre, le Code monétaire et financier pré-cise expressément que les avocats ne sont pasastreints à cette obligation lorsque l’activitédont il est question « se rattache à une procé-dure juridictionnelle, que les informationsdont ils disposent soient reçues ou obtenuesavant, pendant ou après cette procédure, ycompris dans le cadre de conseils relatifs à lamanière d’engager ou d’éviter une telle pro-cédure, non plus que lorsqu’ils donnent desconsultations juridiques, à moins qu’ellesn’aient été fournies à des fins de blanchimentde capitaux ou de financement du terrorismeou en sachant que le client les demande auxfins de blanchiment de capitaux ou de finan-cement du terrorisme » (articles L. 561-3 duCode monétaire et financier; paragraphe 32ci-dessus).

128. L’obligation de déclaration de soupçonne touche donc pas à l’essence même de lamission de défense qui, comme indiqué pré-

cédemment, constitue le fondement du secretprofessionnel des avocats.

129. Il s’agit ensuite du fait que la loi met enp lace un f i l t re pro tecteur du secre tprofessionnel : les avocats ne communiquentpas les déclarations directement à Tracfin,mais, selon le cas, au président de l’Ordre desavocats au Conseil d’État et à la Cour de cas-sation ou au bâtonnier de l’Ordre auprès du-quel ils sont inscrits. Il peut être considéréqu’à ce stade, partagé avec un professionnelnon seulement soumis aux mêmes règlesdéontologiques, mais aussi élu par ses pairspour en assurer le respect, le secret profes-sionnel n’est pas altéré. Le président del’Ordre des avocats au Conseil d’État et à laCour de cassation ou le bâtonnier, plus àmême que quiconque d’apprécier ce qui estcouvert ou non par le secret professionnel, netransmettent ensuite la déclaration de soup-çon à Tracfin qu’après s’être assurés que lesconditions fixées par l’article L. 561-3 duCode monétaire et financier sont remplies( a r t i c le L . 561 -17 du même Code ;paragraphe 38 ci-dessus). Le gouvernementprécise à cet égard qu’ils ne procèdent pas àcette transmission s’ils considèrent qu’iln’existe pas de soupçon de blanchiment decapitaux ou s’il apparaît que l’avocat concer-né a cru à tort devoir transmettre des informa-tions reçues à l’occasion d’activités excluesdu champ de l’obligation de déclaration desoupçon.

130. La Cour a du reste déjà eu l’occasion demettre en exergue la garantie que constituel’intervention du bâtonnier lorsque la préser-vation du secret professionnel des avocats esten jeu. Ainsi a-t-elle spécifié dans l’arrêt An-dré et autres que la Convention ne fait pasobstacle à ce que le droit interne prévoie lapossibilité de perquisitionner dans le cabinetd’un avocat, dans la mesure où il met enœuvre des garanties particulières; plus large-ment, elle a souligné que, sous réserve d’unstrict encadrement, il n’interdit pas d’imposeraux avocats un certain nombre d’obligationssusceptibles de concerner les relations avecleurs clients, notamment en cas d’indicesplausibles de participation de l’avocat à uneinfraction et dans le cadre de la lutte contre leblanchiment. Elle a ensuite à ce titre pris encompte le fait que la visite domiciliaire s’étaitdéroulée en présence du bâtonnier, voyant làune « garantie spéciale de procédure »(§§ 42-43). Elle a similairement relevé dansl’arrêt Roemen et Schmit précité (§ 69) que laperquisition dans un cabinet d’avocat dont ilétait question s’était accompagnée de« garanties spéciales de procédure », dont laprésence du bâtonnier. Enfin, dans l’affaireXavier da Silveira précitée (voy. en particulierles §§ 37 et 43), elle a conclu à la violation del’article 8 au motif notamment qu’un avocatdont le domicile avait fait l’objet d’une per-quisition n’avait pas bénéficié de cette garan-tie.

131. Compte tenu de ce qui précède, la Courestime que, telle que mise en œuvre enFrance et eu égard au but légitime poursuivi età la particulière importance de celui-ci dansune société démocratique, l’obligation de dé-claration de soupçon ne porte pas une at-teinte disproportionnée au secret profession-nel des avocats.

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Jurisprudence

132. Partant, il n’y a pas violation del’article 8 de la Convention.

[...]

[Dispositif conforme aux motifs.]

NOTE. — Cet arrêt d’importance sera toutprochainement commenté dans nos co-lonnes.

C’est au législateur qu’il appartient d’ap-précier s’il s’indique à l’égard des avocatsd’abroger ou de moduler l’exemption deT.V.A. comme il a estimé devoir le faire àl’égard des notaires compte tenu de la ré-glementation européenne et, le caséchéant, des caractéristiques propres à laprofession d’avocat.

La différence de traitement entre notaireset avocats ne peut être jugée discrimina-toire, puisque les choix politiques du lé-gislateur et les motifs qui les fondent, enparticulier en ce qui concerne l’accès à lajustice, ne sont pas manifestement dérai-sonnables et ne reposent pas davantagesur une erreur manifeste.

(Extraits)

[...]

Quant à la disposition attaquée.

B.1. Le recours en annulation est dirigécontre l’article 53 de la loi du 28 décembre2011 portant des dispositions diverses, lequeldispose :« Dans l’article 44, § 1er, 1o, du Code de lataxe sur la valeur ajoutée, remplacé par la loidu 28 décembre 1992, les mots “les notaires”et les mots “et les huissiers de justice” sontabrogés ».En conséquence, l’article 44, § 1er, 1o, duCode de la taxe sur la valeur ajoutée dispose,avec effet au 1er janvier 2012, conformémentà l’article 56 de la loi du 28 décembre 2011,précitée :« Sont exemptées de la taxe, les prestationsde services exécutées, dans l’exercice de leuractivi té habituelle, par les personnessuivantes :1o les avocats; ».L’exemption de la T.V.A. qui concernait jus-qu’alors les notaires, les avocats et les huis-siers de justice a donc été supprimée par ladisposition attaquée pour les notaires et leshuissiers de justice, et maintenue pour lesavocats.

Quant à l’intérêt des parties requérantes.

B.2.1. Selon le conseil des ministres, les par-ties requérantes, qui sont toutes des notaires,n’ont pas d’intérêt à l’annulation de la dispo-sition attaquée, dans la mesure où celle-ci as-sujettit les huissiers de justice à la T.V.A.

B.2.2. La Constitution et la loi spéciale du6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelleimposent à toute personne physique ou mo-rale qui introduit un recours en annulation dejustifier d’un intérêt. Ne justifient de l’intérêtrequis que les personnes dont la situationpourrait être affectée directement et défavora-blement par la norme attaquée.

B.2.3. Les parties requérantes sont des no-taires, qui ont intérêt à l’annulation de la dis-position attaquée en ce qu’elle leur est appli-cable, mais non en ce qu’elle s’applique auxhuissiers de justice.Le recours en annulation est irrecevable en cequ’il concerne la situation des huissiers dejustice.L’exception est fondée.

Quant au fond.

B.3. Les parties requérantes prennent unmoyen unique de la violation des articles 10,11 et 172 de la Constitution. La disposition at-taquée supprime pour les notaires et main-tient pour les avocats l’exemption de la T.V.A.qui concernait jusqu’alors notamment lesavocats et les notaires. Il n’existerait aucunejustification raisonnable à cette différence detraitement.

B.4. Les articles 10 et 11 de la Constitutiongarantissent le principe d’égalité et de non-discrimination. L’article 172 de la Constitu-tion constitue une application particulière dece principe en matière fiscale.

B.5.1. Selon le conseil des ministres etl’« Orde van Vlaamse balies », les notaires etles avocats n’appartiendraient pas à la mêmecatégorie professionnelle, de sorte qu’ils ne setrouveraient pas dans une situation compa-rable au regard de la mesure attaquée.

B.5.2. Entre la catégorie professionnelle desnotaires et celle des avocats, il existe des dif-férences qui découlent de la réglementationdifférente à laquelle sont soumises les deuxcatégories. Ces différences concernent enparticulier leurs missions respectives, l’orga-nisation de la profession, la déontologie etles règles d’accès à la profession. Il ne peuttoutefois se déduire de ces différences queles deux catégories professionnelles seraientà ce point distinctes qu’elles ne seraient pascomparables au regard de la mesure atta-quée.

B.6. Il appartient au législateur compétent dedéterminer ou de supprimer les exemptionsaux impôts qu’il prévoit. Il dispose en la ma-tière d’une marge d’appréciation étendue.Toutefois, dans certains domaines, notam-ment en matière de taxe sur la valeur ajoutée,cette compétence est limitée par la réglemen-tation européenne applicable.Dans cette matière, la Cour ne peut sanction-ner les choix politiques du législateur et lesmotifs qui les fondent que s’ils reposent surune erreur manifeste ou s’ils sont manifeste-ment déraisonnables.

B.7. L’amendement qui a donné lieu à l’ar-ticle attaqué est justifié comme suit :« Les prestations de services effectuées par lesnotaires, les avocats et les huissiers de justicesont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée(T.V.A.) selon les règles normales de la direc-tive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre2006 relative au système commun de taxe surla valeur ajoutée.» Cependant, conformément à l’article 371de ladite directive, les États membres qui, au1er janvier 1978, exonéraient les opérationsdont la liste figure à l’annexe X, partie B, decette directive, peuvent continuer à les exo-nérer, dans les conditions qui existaient danschaque État membre concerné à cette mêmedate. Cette dérogation reste applicable jus-qu’à l’introduction du régime définitif.» La Belgique a fait usage de cette possibili-té. Ainsi, les prestations de services effec-tuées dans l’exercice de leur activité habi-tuelle par les notaires, les avocats et les huis-siers de justice, ont continué depuis le1er janvier 1978, à être exemptées de la taxeconformément à l’article 44, § 1er, 1o, duCode de la T.V.A.» Le présent amendement vise à abrogercette exemption de la T.V.A. en ce quiconcerne les prestations de services effec-tuées par les notaires et les huissiers dejustice » (Doc. parl., Ch., 2011-2012, DOC53-1952/004, p. 36).

Les travaux préparatoires mentionnentégalement :« Le projet initial qui a été déposé au Parle-ment ne comprenait qu’un article sous l’inti-tulé “Finances”. [...]» Par la suite, plusieurs amendements ont étédéposés en commission des finances de la

I. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE■ Assujettissement■ Notaires■ Exemptions■ Avocats■ Comparaison■ Choix politique du législateur non

manifestement déraisonnable■ Conséquence■ Absence de discrimination

II. AVOCATS■ Taxe sur la valeur ajoutée■ Assujettissement (non)■ Exemption■ Comparaison avec les notaires■ Choix politique non

manifestement déraisonnable■ Absence de discrimination

Cour const., 14 novembre 2012

Siég. : M. Bossuyt (prés.), R. Henneuse(prés.), E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P.Snappe (rapp.), J.-P. Moerman, E. Derycke(rapp.), J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey,P. Nihoul et F. Daoût.Plaid. : MMes B. Martel loco P. Van Ors-hoven, F. Judo loco D. Lindemans etM. J. De Vleeschouwer.(arrêt no 141/2012).

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Chambre par les groupes formant la nouvellemajorité. Ces amendements ont pour but demettre très rapidement à exécution les déci-sions qui ont été prises en rapport avec lebudget 2012 lors de l’élaboration de l’accordde gouvernement. Il est capital que les me-sures qui doivent entrer en vigueur le1er janvier 2012 au plus tard soient effective-ment adoptées par le Parlement d’ici-là. Il y atrois bonnes raisons à cela. La première estd’ordre budgétaire : il faut s’assurer en effetque les mesures produisent leurs effets dès2012. La deuxième raison est la nécessité derestaurer la confiance dans le marché finan-cier belge, surtout au niveau international,Enfin, la troisième raison est le fait qu’il fautclarifier au plus vite les mesures qui sontprises.» Les mesures qui figurent à présent dans leprojet sont les suivantes :» [...]» 6. l’assujettissement à la T.V.A. des presta-tions de services des notaires et des huissiersde justice, comme c’est le cas dans tous lesautres États membres de l’Union européenne(articles 53 et 54) » (Doc. parl., Sén., 2011-2012, no 5-1408/4, pp. 4-5).

Lors de la séance plénière du Sénat, le mi-nistre a déclaré que la disposition attaquée« est le fruit d’un accord politique portant surla question de savoir jusqu’où il était possibled’aller pour certaines catégories profession-nelles » (Ann., Sén., 2011-2012, 23 dé-cembre 2011, p. 9).

B.8. Il ressort des travaux préparatoires préci-tés que la disposition attaquée fait partied’une série de mesures qui tendent en pre-mier lieu à sortir leurs effets très rapidementdans le cadre du budget 2012, afin d’obtenirdéjà le rendement envisagé en 2012. Le pro-duit de la mesure attaquée est affecté à desdépenses publiques qui visent à la satisfactionde l’intérêt général.

Les travaux préparatoires soulignent par ail-leurs que les notaires ne sont exemptés de laT.V.A. dans aucun autre État membre del’Union européenne, de sorte que la mesureattaquée peut également être considéréecomme tendant à une harmonisation au ni-veau européen.

B.9. Comme l’observent les parties requé-rantes, les objectifs précités pourraient êtreréalisés de manière encore plus optimale sil’exemption de T.V.A. était également abro-gée à l’égard des avocats : la mesure génére-rait (sic) nettement plus de moyens financierspour le Trésor public et elle réaliserait unemeilleure harmonisation de la réglementationau sein de l’Union européenne. Il appartientcependant au législateur d’apprécier s’il s’in-dique également à l’égard des avocats d’abro-ger ou de moduler l’exemption de T.V.A.,compte tenu de la réglementation euro-péenne et, le cas échéant, des caractéris-tiques propres à cette profession.

Ces constatations ne sont pas d’une naturetelle qu’elles obligeraient à conclure que lamesure attaquée est discriminatoire, puisqueles choix politiques du législateur et les motifsqui les fondent, en particulier en ce quiconcerne l’accès à la justice, ne sont pas ma-

nifestement déraisonnables et ne reposent pasdavantage sur une erreur manifeste.

B.10. Il résulte de ce qui précède que la dis-position attaquée ne viole pas les articles 10,11 et 172 de la Constitution.Le moyen n’est pas fondé.

Par ces motifs :

La Cour,Rejette le recours.[...]

NOTE. — Sur cet arrêt, voy. le commentairede D. STERCKX dans la prochaine livraison dela Revue du notariat belge.

Aux termes de l’article 748, § 2, du Codejudiciaire, une requête tendant à l’obten-tion d’un nouveau délai pour conclurejustifié par la survenance d’un fait nou-veau et pertinent, doit être formée au plustard trente jours avant l’audience fixéepour plaidoiries.

Il suit de cette disposition qu’une requêteintroduite sur son fondement est irrece-vable, parce que prématurée, tant qu’uneaudience de plaidoiries n’a pas été fixée.

En vertu de l’ordonnance précitée du 9 juin2011, l’appelante devait déposer ses der-nières conclusions de synthèse d’appel le9 avril 2012 au plus tard et l’intimée, le 8 juin2012 au plus tard; ces prescriptions ont étérespectées par les parties.L’État belge invoque la survenance d’un faitnouveau et pertinent, résidant dans le dépôtd’un amendement et les débats parlemen-taires lors de l’adoption de la loi du 3 août

2012 « modifiant la loi du 15 mai 2007 rela-t ive à la sécur i té c iv i le e t l a lo i du31 décembre 1963 sur la protection civile »,et il demande à pouvoir actualiser ses der-nières conclusions de synthèse en faisant étatdes derniers développements liés à la réformedes services d’aide médicale urgente.La ville de Namur estime que l’adoption de laloi précitée du 3 août 2012 ne rend pas né-cessaire l’échange de nouvelles conclusions.Selon l’article 748, § 2, premier alinéa duCode judiciaire, « Si, durant le délai précé-dent la date fixée pour les plaidoiries, unepièce ou un fait nouveau et pertinent justifiantde nouvelles conclusions, est découvert parune partie qui a conclu, celle-ci peut, au plustard trente jours avant l’audience fixée pourplaidoiries, demander à bénéficier d’un nou-veau délai pour conclure ».En l’espèce, aucune date n’a, à ce jour, étéfixée pour les plaidoiries de la cause.Il en résulte que la requête est, à tout lemoins, prématurée.

Par ces motifs :

[...]

Disons la requête irrecevable.

Observations

Pauvre 748 !

Pour bien comprendre l’incident, il faut savoirque la cour d’appel de Bruxelles a adopté unepratique particulière pour lutter contre l’arrié-ré judiciaire. On y rend des ordonnances ar-rêtant un calendrier de mise en état, sur labase de l’article 747 du Code judiciaire, sansfixer immédiatement de date de plaidoiries.La date n’est établie qu’ultérieurement, enfonction des disponibilités du rôle et des be-soins de l’affaire. C’est dans ce contexte limi-té qu’il faut interpréter la décision publiée.Au terme de l’exécution du calendrier, l’unedes parties dépose une requête fondée surl’article 748, § 2, du Code judiciaire et in-voque un fait nouveau et pertinent justifiantde nouvelles conclusions. Le juge la déclareprématurée, au motif que la requête doit êtredéposée au plus tard trente jours avant l’au-dience et qu’aucune date de plaidoiries n’aencore été fixée.Il est évident que les trente jours avant l’au-dience constituent une date butoir. Dès lors,si aucune date d’audience n’a été fixée, pardéfinition, cette limite n’est pas encore dépas-sée. L’ordonnance ne respecte donc pas leprescrit légal (sauf à considérer que l’au-dience puisse être fixée dans un délai infé-rieur à trente jours, ce qui est totalement ir-réaliste). Par ailleurs, pourquoi refuser de fixerimmédiatement de nouveaux délais, tant queles parties sont encore dans la foulée de lamise en état, et les obliger à attendre la fixa-tion de l’audience pour solliciter un aména-gement? Formalisme, quand tu nous tiens...

Dominique MOUGENOT

CONCLUSIONS■ Matières civiles■ Délais pour conclure■ Expiration■ Exception■ Survenance d’un fait nouveau et

pertinent (article 748, § 2, C. jud.)■ Requête■ Introduction trente jour au plus

tard avant l’audience■ Audience non encore fixée■ Requête irrecevable parce que

prématurée

Bruxelles (21e ch.), 13 novembre 2012

Siég. : M. Salmon (cons. f.f. prés.).Plaid. : MMes Michel Mahieu, G. Pijcke,B. Lombaert et M. Belmerssieri(État belge [min. Int.] c. ville de Namur).

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Chronique judiciaire

À peine entré en fonction en no-vembre 2012, le nouveau pré-sident de la Cour européenne des droits de l’homme a reçu le Conseil des barreaux européens (C.C.B.E.), qui a tenu sa 117e session plénière à Stras-bourg, dans les locaux de la Cour. M. Spielmann y a tenu le dis-cours introductif devant tous les membres des quarante-deux dé-légations nationales. Il nous a en-suite reçu dans son magnifique bureau de verre, qui offre une vue panoramique du Parlement européen et de Strasbourg en ar-rière-fond. En bonne place dans sa bibliothèque, la collection du Journal des tribunaux dont le pré-sident de la Cour est un fidèle lec-teur. Il est d’ailleurs membre du comité de rédaction du JTLuxem-bourg. Il a accepté de répondre à nos questions.

J.T. : Commençons par la Confé-rence de Brighton sur l’avenir de la Cour. Comment la Cour voit-elle la réforme à court, moyen et long termes?

D.S. : Tout d’abord, je note avec satisfaction que la conclusion de la Conférence de Brighton a été avant tout une réaffirmation du soutien des États à l’égard de la Cour. Les États restent attachés au droit de recours individuel, la pierre angulaire du système. Il faut s’en réjouir.Les réformes envisagées dans le projet de Protocole 15 concernent notamment la réfé-rence à la théorie de la marge d’appréciation introduite dans le préambule de la Convention. Toutefois, je voudrais insister d’emblée sur le fait que cette ré-férence n’est pas de nature à changer la pratique jurispruden-tielle de la Cour. En effet, la théo-rie de la marge d’appréciation trouve sa base dans notre juris-prudence et est très variable se-lon les contextes. Elle peut être très large (par exemple quand il s’agit d’évaluer les faits ou d’in-

terpréter le droit interne) ou ex-trêmement réduite, voire inexis-tante (je pense à des affaires met-tant en cause des droits indérogeables). Le concept de la marge d’appréciation est un concept qui, au fil des années, a donné lieu à un calibrage inter-prétatif très fin et subtil. Cela ne va pas changer. Donc, en un mot, l’ajout de cette référence dans le préambule n’est pas de nature à faire changer l’interprétation de la Convention qui est et restera un instrument vivant. Par ailleurs, la référence, toujours dans le pré-ambule, à la subsidiarité, met en exergue la responsabilité pri-maire des États. Il s’agit de la res-ponsabilité des États pour ce qui est de l’application de la Convention. Cette application doit être correcte et conforme aux principes jurisprudentiels dégagés par la Cour. Et c’est la Cour qui exerce et exercera son contrôle.Les autres propositions de ré-forme concernent la réduction du délai de saisine de la Cour après la dernière décision interne définitive, la suppression du droit de veto au dessaisissement au profit de la grande chambre, l’âge des candidats pour le poste de juge à la Cour et une modifi-cation de la cause d’irrecevabili-té pour absence de préjudice im-portant (la règle de minimis non curat praetor). Ce critère sera simplifié dans la mesure où la ré-férence à l’examen par un tribu-nal interne, source de complica-tions interprétatives, sera omise.Je pense que l’intérêt principal des propositions de réforme arti-culées dans le projet de Protocole 15 réside dans la mise en relief de la responsabilité par-tagée. C’est la Cour qui donne le ton, mais se sont les États qui doivent appliquer en premier lieu la Convention. À moyen terme, si cet objectif est poursuivi loyalement, la meilleure protec-tion des droits de l’homme au ni-veau national aura pour effet de désengorger le rôle de la Cour.

Le projet de Protocole 16, égale-ment issu de la Conférence de Brighton, concerne la procédure d’avis consultatif.

Je suis très favorable au dialogue « préjudiciel » entre les Cours suprêmes

et la Cour

J.T. : Va-t-on instaurer un méca-nisme consultatif ou préjudiciel? La Cour y est-elle favorable?

D.S. : Déjà avant la Conférence de Brighton, et pour nourrir les débats, la Cour a proposé un do-cument de travail très détaillé qui explique les questions tech-niques qui se posent. Personnel-lement, je suis très favorable à une telle possibilité. Elle est de nature à « institutionnaliser » le dialogue avec les juridictions su-prêmes et même à prévenir « en amont » les violations des droits garantis par la Convention. Mais il faut reconnaître que seules cer-taines affaires se prêtent à une telle procédure. Je pense aux af-faires qui donnent à la Cour l’oc-casion de consacrer ou consoli-der des grands principes. Un exemple qui me vient spontané-ment à l’esprit est l’affaire Sal-duz, qui a consacré le principe de l’« avocat dès la première heure ».

J.T.: La Cour a une double mission : rendre justice et dire le droit de la Convention. Une fonction de justice individuelle et une fonction constitutionnelle. La Cour délaissera-t-elle la première au profit de la seconde? Le droit de recours individuel sera-t-il sa-crifié?

D.S. : Le droit de recours ne sera pas sacrifié, au contraire. Mais il faut que le système puisse sur-vivre et les efforts pour gérer le flux important de dossiers doivent être poursuivis. Depuis le début de l’année 2012, nous

avons considérablement amélio-ré notre productivité. Ces efforts ont été loués par l’auditeur ex-terne. Pour l’essentiel, on a réduit notre arriéré de quelque trente mille affaires. L’efficacité est le fruit d’une politique de prioritisa-tion des affaires et d’une concen-tration de nos efforts sur le fil-trage. Les affaires manifestement irrecevables sont maintenant re-jetées par les juges uniques, qui travaillent avec une assistance extrêmement efficace de la part du greffe et de l’administration de la Cour. Dans ce contexte, je voudrais rendre hommage à tous les membres du greffe, qui constituent la colonne vertébrale de la Cour. Ma réponse est donc la suivante : le rôle confié à la Cour de rendre une justice indi-viduelle reste aussi important que celui qui consiste à faire évo-luer les principes jurispruden-tiels.

J.T. : La Cour parvient-elle à endi-guer son arriéré?

D.S. : C’est un travail de longue haleine, mais, encore une fois les résultats obtenus en 2012, pour ce qui est des affaires manifeste-ment sans mérite, sont très pro-metteurs. Le problème le plus im-portant se situe toutefois au ni-veau de la quantité impressionnante d’affaires mani-festement bien fondées. Près de 30.000 requêtes concernent des violations répétitives. Les États doivent donc faire de sérieux efforts. En effet, il faut que la Convention soit appliquée convenablement au niveau in-terne, ce que la Conférence de Brighton a mis en relief.

J.T. : Qu’en est-il de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme? Et des rela-tions de la Cour avec la C.J.U.E.?

D.S. : Je nourris l’espoir que l’Union adhère prochainement à

Dean Spielmann, nouveau président de la Cour européenne des droits de l’homme :

« L’application de la Convention sera de plus en plus une responsabilité partagée entre la Cour et les juges nationaux »

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la Convention. Les relations avec la C.J.U.E. sont excellentes. Une récente réunion commune a per-mis, une fois de plus, de procé-der à un échange de vues très constructif. S’il est vrai que cer-taines questions techniques doivent être résolues, pour ce qui est de l’articulation judiciaire des deux juridictions européennes après l’adhésion, je suis profon-dément convaincu que l’adhé-sion est une nécessité. Il n’est pas normal que l’Union, dont l’ac-tion affecte la vie quotidienne, ne soit pas soumise à un contrôle externe. À ceci s’ajoute le fait que la crédibilité de l’Union, no-tamment dans ses relations avec les pays tiers, justifie l’existence d’un tel contrôle juridictionnel externe.

La Cour ne réagit pas aux critiques,

elle s’exprime par ses arrêts

Quelles sont les questions sen-sibles qui se posent aujourd’hui à la Cour? La question religieuse, assurément. Mais aussi?

D.S. : Il m’est difficile de me pro-noncer sur le caractère « sensible » ou non des questions en instance. Se référer à la « sensibilité » de certaines ques-tions me paraît toujours problé-matique. On entend même par-fois dire également que l’affaire est « politiquement sensible ». Nous avons rendu des arrêts qui ont eu des implications poli-tiques, c’est normal, mais je vou-drais souligner que nous ne ju-geons pas en nous laissant in-fluencer par des considérations politiques. Nous jugeons en ap-pliquant le droit, celui de la Convention, qui, au risque de me répéter, est et restera un instru-ment vivant qui doit être interpré-té à la lumière des conditions de vie actuelles.

J.T. : Comment la Cour réagit-elle face aux critiques assez féroces des États parties (notamment du Royaume-Uni) et de certains juges nationaux (M. Bossuyt, notamment)?

D.S. : La Cour a évidemment connaissance de ces critiques, mais elle réagit avec toute la ré-serve qui est la sienne. La Cour parle au travers de ses arrêts et décisions. Par ailleurs, les juges nationaux sont responsables de leurs propos et doivent avoir conscience — je l’espère du

moins — que des propos inconsi-dérés sont susceptibles de nuire au système qu’ils sont censés protéger. Pour le surplus, comme le disait Talleyrand, tout ce qui est excessif est insignifiant.

J.T. : Comment le président conçoit-il le « dialogue des juges »?

D.S. : Il y a plusieurs formes de dialogue.Tout d’abord le dialogue avec le monde judiciaire extérieur. Je pense au dialogue « quotidien » à travers les jurisprudences de notre Cour et des juridictions na-tionales et surtout les références croisées qu’on trouve dans les décisions. Ensuite, le dialogue « informel » qui se décline lors des visites régulières, auprès des juridictions internationales ou nationales suprêmes. Ces juridic-tions viennent aussi régulière-ment à Strasbourg. Les échanges de vues sont très fructueux. Fina-lement, je pense au dialogue « institutionnalisé » qui verra peut-être le jour à l’avenir : l’avis consultatif. Ensuite, il y a le dia-logue « interne » à la Cour. Ce dialogue des juges, au sein des groupes de travail, mais égale-ment plus informel, voire en marge des délibérations for-melles est très important. La bonne ambiance au sein de la Cour en est tributaire.

J.T.: Quelles sont les relations de la Cour avec le barreau? Que peut-on améliorer à cet égard?

D.S.: Ces relations sont excel-lentes. Étant moi-même ancien avocat, j’y suis particulièrement sensible. Il y a quelques se-maines, j’ai pu accueillir le C.C.B.E., ici à la Cour et j’ai pu insister sur le rôle essentiel de l’avocat devant la Cour. Seule une assistance appropriée est de nature à permettre aux requé-rants de voir leurs droits recon-nus. Pour cette raison, je souhaite renforcer les contacts avec le C.C.B.E., porte-parole des avo-cats au plan européen.

(Propos recueillispar Georges-Albert Dal)

Un juge qui manqued’instruction.

La Dernière Heure du 12 décembre 2012 évoque un fait divers interpellant : en oc-tobre dernier, un juge d’instruc-tion a asséné une paire de gifles à un avocat qui n’a pas réagi. La profession serait-elle en danger? Les juges seraient-ils autorisés à utiliser des méthodes d’un autre âge non seulement pour faire avouer les prévenus, mais égale-ment leurs conseils? Qu’on se rassure, il semble que le cabinet de l’avocat en question ait sim-plement décidé de licencier une employée qui s’est avérée être la compagne du juge. Et la scène s’est déroulée dans un bistrot où le magistrat est tombé sur celui qu’il a considéré comme l’artisan de ce drame familial. L’avocat a confirmé avoir considéré l’inci-dent comme clos et le bâtonnier, informé, a insisté sur le fait qu’il s’agissait de relations relevant de la sphère privée.L’on peut en douter, s’agissant tout de même d’un problème de licenciement d’une employée qui amène un juge d’instruction à frapper un avocat sous prétexte qu’il aurait commis une faute en tant qu’employeur.Mais on peut également se ré-jouir de constater qu’aucun des intervenants n’ait songé à mon-ter cette affaire en épingle,

comme le juge de saloon de Lucky Luke. Le tribunal du tra-vail ou le parquet auraient pu être saisis, le bâtonnier aurait écrit au chef de corps du juge irascible, d’autant que, comme le relève le journaliste de La D.H., l’on est en droit d’attendre d’un juge une (re)tenue exem-plaire. Les bons vivants parlent de « broutilles » et considèrent qu’il est sain que dans la bonne ville de Dinant deux individus puissent s’expliquer entre hommes, une bonne paire de gifles et l’affaire est entendue.La question est de savoir si l’avo-cat a passé l’éponge parce qu’il s’est senti morveux ou parce qu’il a eu l’intelligence et la grandeur d’âme de comprendre le désarroi d’un homme qui, malgré les pou-voirs terribles que sa fonction lui confère, était désemparé et inca-pable de se maîtriser, ou si cette indulgence a davantage été dic-tée par d’autres craintes, qu’il s’agisse de l’avenir de ses clients ou de sa carrière professionnelle. Dans ce dernier cas, on condam-nerait autant le juge pusillanime que l’avocat peureux qui, en n’osant pas réagir par crainte des pouvoirs de son agresseur, met en péril tout l’appareil judiciaire en donnant à un juge le senti-ment que la puissance de sa fonction lui confère une immuni-té mal comprise. À vous de juger...

Avocat commis à l’office.

L’ABA Journal nous informe qu’une avocate du barreau de Louisiane a été poursuivie pour avoir facturé à un client, qui lui avait été référé par la maison de soins où il résidait, au taux ho-raire pratiqué habituellement par son cabinet d’avocat, soit 125 EUR, le temps consacré par elle-même à faire... les courses pour ce charmant pensionnaire. L’un des juges de la Cour su-prême de Louisiane a émis l’avis selon lequel il n’était pas avéré que cette avocate avait profité du manque de discernement de ce sexagénaire atteint de la maladie

de Huntington qui, il est vrai, en-traîne une dégénérescence neu-rologique dont les effets crois-sants et inguérissables actuelle-ment rendent le malade dépendant d’aides extérieures, mais qui avait peut-être encore toute sa tête.

Les autres juges ne l’ont pas en-tendu de cette oreille et ont sus-pendu la trop serviable avocate corvéable à merci pour deux ans, période durant laquelle elle ne pourra donc même plus faire les courses au Palais.

Of course...

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Chronique judiciaire

Ph. Bouvier, , « La naissance duConseil d’État de Belgique : unehi s to i re f rança i se? » 6 . —Bruxel les , Bruylant , 2012,178 pages.

M. Bouvier est auditeur général au Conseil d’État et maître de conférences invité à l’U.C.L. Il était donc particulièrement qua-lifié pour nous donner cette his-toire du Conseil d’État, qui s’ins-

crit dans les publications (plus de trente à ce jour) du Centre Mon-tesquieu d’études de l’action pu-blique (U.C.L.).

On sait que le Conseil d’État a été créé par une loi de 1946. Mais l’on ne saurait parler en l’espèce de la concrétisation rapide d’une idée. C’est en effet en 1832 déjà qu’il est question pour la première fois de la création d’un Conseil d’État au sein des nouvelles insti-

tutions belges. Nous avions évi-demment connu un Conseil d’État pendant que nous faisions partie de la France — et le royaume des Pays-Bas en avait hérité — mais le constituant de 1830-1831 n’avait pas cru devoir le maintenir. Toute-fois, dès 1832, des parlementaires songent à combler ce qu’ils consi-dèrent comme une lacune. Les ef-forts infructueux de membres du pouvoir législatif se poursuivent jusqu’en 1857. Puis vient une pé-riode dite doctrinale, qui s’étend jusqu’en 1914. La révision consti-tutionnelle de 1921 échoue éga-lement à créer un Conseil d’État. Enfin, une quatrième période dé-bute à la fin des années 1920 et aboutit à la loi de 1946. M. Bouvier examine successive-ment ces différentes étapes, après quoi il étudie l’évolution de la haute juridiction de 19487 jus-qu’à nos jours et il termine par quelques perspectives.

Reprenons au début. À l’origine, ce qu’il est envisagé de créer, c’est un organe chargé d’amélio-rer la confection des lois et des règlements. Une proposition en ce sens franchit même le stade de l’adoption par le Sénat, en 1834, mais elle échoue devant la Chambre (dix ans plus tard!), au motif que « l’utilité de ce nou-veau rouage n’est pas assez clai-rement démontrée pour en dé-créter l’admission » (rapport de la section centrale de la Chambre, p. 43). Une proposi-tion déposée au Sénat en 18558 n’a pas plus de chance. Votée en 1857, elle est victime d’une dis-solution du Parlement avant que la Chambre ne s’en occupe9.

Comme nous l’avons indiqué, la doctrine prend alors la relève. Mais l’unanimité est loin d’être réalisée en son sein. La référence à la France est très présente parmi

(1) Ces ouvrages ont été publiés chez Albin Michel, sauf Justice, qui l’a été chez Julliard.(2) Tous ouvrages publiés chez Galli-mard, les romans policiers l’étant en « Série noire ».(3) Verbrechen, publié par Gallimard en 2011, réédité depuis dans la col-lection Folio.(4) Schuld, tout fraîchement publié par Gallimard.

(5) Lire, novembre 2012, p. 40.(6) Avant-propos de Jean-Marc Sau-vé, vice-président du Conseil d’État de France; préface de David Renders, professeur à l’U.C.L. et avocat au bar-reau de Bruxelles; illustrations de Moore. Peu nombreuses, ces illustra-tions sont de qualité: l’une montre un Napoléon ricanant, perché sur une pièce de puzzle, tricolore et ayant la forme de la Belgique, l’autre repré-

sente un arbre effrayé se demandant où il va pouvoir tomber (allusion à l’arrêt La Flandria, dont il est question plus loin, au texte).(7) La loi de création est de 1946, mais, compte tenu des délais inévitables, le Conseil n’est installé qu’en 1948.(8) Notamment par le baron d’Ane-than (qui deviendra le chef d’un éphémère gouvernement catholique) et par le prince de Ligne. Il n’est tou-

jours question que d’un organe consultatif en matière de confection des lois et des arrêtés.(9) Il y a eu d’autres initiatives, tout aussi intéressantes, mais nous ne pouvons traiter de chacune d’elles dans le cadre d’un compte rendu. Di-sons que la référence à la France a été très fréquente, que ce soit pour louer ou pour critiquer le Conseil d’État de nos voisins.

Justice et littérature en Allemagne.

Les lettres allemandes connaissent à intervalles réguliers un phéno-mène qui est de nature à interpeller les juristes.Voilà un demi-siècle, l’écrivain de Suisse alémanique Friedrich Dürrenmatt publiait Le juge et son bourreau (1952), La panne (1956), puis Justice (1985), autant d’ouvrages proposant une réflexion consa-crée au monde judiciaire1. L’auteur s’en justifiait par le fait qu’il était demeuré marqué par l’image de son grand-père, incarcéré durant dix jours pour avoir... rédigé un poème.Beaucoup plus récemment, un haut magistrat, Bernhard Schlink, profes-seur de droit public et de philosophie à l’Université Humboldt à Berlin, juge au tribunal constitutionnel du Land de Rhénanie-du-Nord-West-phalie, commençait sa carrière d’écrivain par la rédaction d’un ouvrage intitulé Selbs Justiz (1987), suivi de romans policiers mettant en scène un personnage du nom de Selb, ancien procureur nazi regrettant son passé, et trouvant, dans le métier de détective privé, l’indépendance d’esprit à laquelle il aspirait. Et c’est en 1995 que Schlink va donner à la fois son chef d’œuvre et son best seller, Le liseur2, une réflexion sensible et juste sur le poids de la culpabilité pesant sur l’Allemagne d’après-guerre.On se plaira de relever que le barreau berlinois eut à cœur de rivaliser de la plus belle manière avec la magistrature. En 2009, un avocat spé-cialisé en droit criminel, du nom de Ferdinand von Schirach, publiait

un recueil de récits intitulé Crimes3, qui connut un succès fulgurant, au point de trôner durant cinquante-quatre semaines en tête du palma-rès du Spiegel. En 2010, un nouveau recueil sortait de la plume du même auteur, sous le titre de Coupables4, avec tout autant de succès : un million d’exemplaires de ces deux ouvrages ont été vendus à ce jour5. En tout vingt-six récits d’affaires judiciaires, écrits au scalpel, « sans rien en eux qui pèse ou qui pose ».Dans la réalité complexe de l’Allemagne réunifiée, et surtout de la ville de Berlin, la justice se trouve confrontée à de nombreux problèmes.Et d’abord des problèmes juridiques. Car ces deux livres proposent au-tant d’ouvertures sur la procédure criminelle telle qu’elle est pratiquée chez nos voisins du nord. En quoi consiste le « contrôle de la régularité et de la légalité de la détention » (« Fête communale »)? Qu’implique exactement le « désistement volontaire », cause d’impunité (« L’autre »)? Peut-on faire bénéficier de l’exception de légitime dé-fense une épouse qui, harcelée, molestée, violée quasi quotidienne-ment par son mari, lequel lui a laissé entendre qu’il s’en prendrait bientôt à leur enfant parce qu’elle était devenue nubile, le tue dans son sommeil durant la nuit (« L’arrangement »)?Aux côtés de ces questions juridiques s’en posent d’autres, plus pré-gnantes encore, d’ordre sociologique. Il y a autant de différence, dans ce pays recomposé, entre les bourgeois « de l’ouest » et ceux de l’an-cienne RDA, qu’il peut en exister entre les petites frappes et les caïds de la haute pègre. Les arrière-boutiques de la bourgeoisie sont hantées par d’inavouables secrets (« Les pommes »). Et les nombreux immigrés que compte cette région perdent tous repères, entre les notables lo-caux non encore libérés du poids du passé, et la rigueur glaciale mâti-née d’un sens détourné de l’honneur qu’affichent les malfrats de la grande criminalité (« La tasse à thé de Tanata »). Tous ces univers se cô-toient et parfois s’interpénètrent. Von Schirach a pour eux le regard d’un entomologiste, qui n’aurait pas oublié pour autant, et c’est ce qui donne toute leur valeur à ses deux livres, de faire œuvre de moraliste.

Jean-Pierre BOURS

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les discours favorables à la créa-tion d’un Conseil d’État, mais aus-si dans ceux qui lui sont hostiles. Écoutez l’orateur de rentrée de la Conférence du Jeune barreau de Gand en 189010 : le Conseil d’État de France « s’occupe dans un palais fastueux à des affaires souvent minimes, et sa section de législation, d’où devraient jaillir des éclairs, semble moins rappro-chée du Sinaï que des Invalides » (p. 61). C’est pendant cette pé-riode doctrinale que se fait jour l’idée d’un Conseil d’État qui ne serait pas seulement un organe d’avis en matière législative, mais aussi une juridiction administrative11. Bref, en 1914, après mise au point d’un projet par le conseil de législation, comme l’écrit M. Bouvier, « le su-jet était désormais sans doute suf-fisamment mûr pour regagner les travées parlementaires » (p. 83), mais le gouvernement ne dépose aucun texte avant que la guerre n’éclate.Reprise des tentatives lors de la révision constitutionnelle de 1919-1921. Nouvel échec, en raison notamment d’un arrêt ca-pital de la Cour de cassation, l’ar-rêt La Flandria du 5 novembre 1920, qui consacre sans am-bages le principe de la responsa-bilité de la puissance publique12. Cette nouvelle jurisprudence en-lève beaucoup de son intérêt, se-lon d’aucuns, à la création d’une juridiction administrative. D’autres (à nouveau, on doit ré-sumer) font valoir qu’il n’est pas nécessaire de réviser la Constitu-tion pour que des juridictions ad-ministratives puissent être créées.La dernière ligne droite, pour re-prendre l’expression de M. Bou-vier, si elle est droite, n’est pas courte, puisqu’elle s’étale sur près de deux décennies. L’idée de la création d’un Conseil d’État est re-mise sur le métier par Henry Car-ton de Wiart, après la publication d’un ouvrage d’Henri Velge, pro-fesseur à l’Université de Louvain et ancien chef de cabinet de Car-ton de Wiart13. L’ouvrage, L’insti-tution d’un Conseil d’État en Bel-gique, rencontre un grand succès, aussi bien dans le monde poli-tique que dans la magistrature et au sein des universités, et il consti-tue « un formidable coup

d’accélérateur » (p. 113). Après une série de péripéties, sur les-quelles nous devons passer, la loi du 23 décembre 1946 est finale-ment adoptée, consacrant la com-pétence du nouveau Conseil d’État en matière législative et en matière administrative, avec le contentieux de l’annulation et ce-lui de l’indemnité, non sans que la référence au modèle français ait à nouveau fait surface3.Dans la cinquième partie de son livre, M. Bouvier analyse d’abord les principales réformes ayant af-fecté le Conseil d’État depuis 1948 : transformation de la com-pétence d’avis en matière d’in-demnité en une véritable compé-tence juridictionnelle, érection du silence prolongé de l’administra-tion en un refus implicite donnant ouverture à un recours en annula-tion, apparition de l’astreinte et du référé administratif, création, pour soulager un Conseil d’État mena-cé d’asphyxie, d’un Conseil du contentieux des étrangers, etc. L’auteur termine par des ré-flexions sur l’avenir de la haute ju-ridiction administrative. Il évoque la possibilité pour celle-ci d’en-joindre à l’administration, après annulation, de prendre telle déci-sion aux conditions qu’il détermi-nerait. Il invite aussi à réfléchir à la « boucle administrative », prati-quée aux Pays-Bas, qui permet au juge d’offrir à l’auteur de la déci-sion attaquée la faculté de purger les vices de légalité dont elle est affectée. Autre piste, suggérée également par l’exemple néerlandais : la faculté pour le juge administratif « de ne pas cen-surer une décision cependant contraire à une règle de droit, dès lors que cette décision n’a pas vo-cation à protéger les intérêts de celui qui s’en prévaut » (p. 167).On recommande vivement la lecture (ce qui, on le sait, n’est pas la même chose que la consultation!) de cet ouvrage, très documenté, judicieusement pourvu d’une table des noms propres, souvent ponctué de cita-tions savoureuses15, bien pensé, bien structuré, au style agréable, non dépourvu d’ironie, ce qui est à notre estime une qualité majeure16.

J.-P. MASSON

E. Beguin et J. -L. Renchon(coord.), « Liber amicorum Jean-Fra nç o i s Tayma ns . » —Bruxelles, Larcier, 2013, 565 p.

Tous ceux qui connaissent et qui apprécient Jean-François Taymans (qu’on nous pardonne cette redondance : ceux qui connaissent l’intéressé ne peuvent que l’apprécier!) se réjouissent de la parution de ce liber amicorum, qui rassemble 34 contributions (dont 3 en néerlandais) de no-taires, de professeurs et d’avocats, plusieurs auteurs cumulant d’ail-leurs deux de ces qualités.

L’avantage — pour celui qui est appelé à faire le compte rendu — d’un ouvrage de cette ampleur, c’est que précisément on ne peut en rendre compte, à peine de sor-tir des limites assignées à un exer-cice de ce genre. Dès lors, disons simplement que les auteurs, trop nombreux pour être cités, sont des spécialistes de la fonction nota-riale ou de l’une des nombreuses branches du droit que les notaires sont amenés à pratiquer, et qu’ils sont généralement bien connus des juristes belges. Saluons la pré-sence — preuve du rayonnement de Jean-François Taymans — de trois contributeurs français, Jean Hauser, dont le nom ne peut être ignoré de tous ceux qui s’oc-cupent du droit des personnes, et deux professeurs de l’Université de Montpellier I, Séverine Gabril-lac et Cécile Lisanti. Quant aux su-jets, à peu près tous les secteurs du droit sont abordés, du droit civil au droit fiscal, en passant par le nota-riat, le droit commercial, le droit pénal, la procédure civile et le droit international privé.

Qu’il nous soit seulement permis d’épingler deux contributions, sans que cela signifie en quoi que ce soit que les autres sont moins bonnes ou moins dignes d’intérêt. L’une est due à Jean-Louis Van Boxstael et s’intitule : « Notaire du Roi » (Jean-François Taymans a eu cette qualité pendant près de trente-cinq ans). Nous la choisis-sons parce que tout lecteur, mo-narchiste, républicain ou même sceptique, se précipitera sur elle dès qu’il aura vu ce titre, espérant en savoir plus sur l’un ou l’autre de nos souverains. Las, M. Van Boxs-

tael nous indique d’emblée qu’il n’a jamais approché le Roi, ni au-cun de ses proches ou de ses conseillers. Son texte n’en pas moins fort intéressant, par la syn-thèse précise, complète et bien documentée, qu’il nous offre sur le statut du chef de l’État sur le plan public et sur le plan privé. On en retiendra un passage, situé dans la conclusion : « Le Roi a droit et en tout cas a besoin, comme tout un chacun, de cette indispensable sphère d’intimité dont son métier rend l’accès souvent malaisé, par-fois impossible. Cette intimité seule lui permet de se remettre des coups reçus, de reprendre de l’énergie, de s’occuper de lui-même et des siens et, par là, peut-être, de donner un sens à sa vie et à celle de son entourage » (p. 418).L’autre contribution dont nous souhaitons dire un mot est de la plume de Jehanne Sosson et a pour intitulé : « Mes chers enfants ». Elle se présente sous la forme d’une lettre qu’une mère de famille adresse à ses enfants et qui contient son testament, à lire par le notaire Taymans en présence des-dits rejetons. Avec l’humour qu’on connaît à l’auteur, la testatrice fait passer ses enfants par des an-goisses épouvantables, feignant d’abord de laisser ses biens à une amie avec qui elle partage une chambre dans un home, pour finir par déclarer qu’elle ne fait pas de sa copine sa légataire universelle. Voici un extrait de son entretien imaginaire avec son officier minis-tériel favori : « Le notaire Taymans aussi, quand on [la testatrice et son amie] lui a annoncé qu’on voulait faire un contrat de cohabitation lé-gale, il nous a regardées d’un drôle d’air. Enfin, regardées, c’est beau-coup dire : il a fermé les yeux. Je sentais bien que, comme à chaque fois qu’il a un truc un peu délicat à dire, il allait commencer à parler tout en gardant les yeux fermés » (p. 357). Tout est de la même encre, pour le plus grand plaisir du lecteur.Reportez-vous à la table des ma-tières pour être plus informés. Mais croyez-moi : c’est une mine, une qu’on creuse, pas une qui saute!

J.-P. MASSON

(10) C’est Firmin Van den Bosch, qui deviendra magistrat, en Belgique puis dans les juridictions internationales d’Égypte, et qui laissera une œuvre littéraire au sein de laquelle un ro-man judiciaire fort honorable, Le crime de Luxhoven.(11) Ici aussi, le cadre qui nous limite nous contraint à restreindre drasti-quement l’exposé des diverses prises de position, qui méritent certes d’être

connues.(12) Un arbre se trouvant dans le do-maine public de la ville de Bruges (du moins selon celle-ci) était tombé (« sans prévenir », comme le note jo-liment M. Renders dans sa préface, p. 16) sur les plantations d’une socié-té horticole, la Flandria.(13) Henri Velge sera ultérieurement le premier à occuper la fonction de premier président du Conseil d’État.

(14) Et, comme toujours, dans les deux sens. En 1945, Camille Huys-mans, à propos de la section de légis-lation, disait : « L’expérience de la France n’est pas de nature à nous tranquilliser. On y a vu ce qui, je le crains, va arriver en Belgique. L’ani-mal est né et il grandira. On dépasse si facilement le stade de la consultation » (p. 148).(15) Ne ratez sous aucun prétexte la

note 29 (trop longue pour être repro-duite ici) de la page 45.(16) Voy. par exemple, à la page 47, l’intitulé d’un chapitre : « Charles Ro-gier, le retour », et à la page 168 : « C’est effectivement pétri de ses certi-tudes qu’au huron ingénu son savant in-terlocuteur [Jean Rivero] décréta : [...] ».

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Chronique judiciaire

P. Moreau (dir.), « Libéralités etsuccessions », C.U.P., vol. 134.— Limal, Anthemis, 2012,464 pages.

Les quatrièmes de couverture sont souvent trompeuses. Celle-ci présente l’ouvrage comme un recueil de « Morceaux choisis » et donne ainsi à croire qu’il ne s’agirait que d’une flânerie aux rives incertaines, jalonnée seule-ment de quelques haltes signifi-catives. En réalité, n’étaient quelques rares sujets qui n’ont pas trouvé plaideur au cours de cette période, c’est toute une dé-cennie de jurisprudence, de doc-trine et de législation qui fait

l’objet d’un examen savant et minutieux : on y part des cas concrets, pour dégager et actuali-ser l’évolution des règles et construire un ensemble qui se ré-vèle très structuré.À telle enseigne que le travail où le professeur Pierre Moreau, avec toute son équipe (exclusivement féminine), s’est engagé, fait office de traité illustré. Ce volume a ainsi d’emblée conquis son lec-torat privilégié, celui des prati-ciens de la matière, en quête d’un ouvrage de consultation quotidienne qui soit à jour.

Daniel STERCKX

L’accord du participe passé de laisser.

Si l’on écrit « Je les ai fait fabri-quer à l’étranger » ou « Je les ai fait partir », on ne doit pas avoir d’état d’âme quant à l’ortho-graphe du participe passé : fait suivi d’un infinitif est toujours in-variable (voy. notamment Gre-visse et Goosse, Le bon usage, 15e éd., § 951, b, 1o; Hanse, Nouveau dictionnaire des diffi-cultés du français moderne, vo « Participe passé », litt. D, no 14; Girodet, Pièges et difficultés de la langue française, vo « Faire », no II, 3, et no III, 4). Avec laissé, c’est nettement moins simple.Au XVIIe siècle, en dépit de la règle générale relative à l’accord du participe, des auteurs avaient tendance (et le phénomène n’était pas nouveau, puisqu’on trouve déjà chez Commynes un participe non accordé suivi d’un infinitif) à laisser le participe in-variable, même en dehors du cas de fait. Corneille écrivait : « Il l’a laissée trop vivre », cependant que Racine optait pour : « Je l’ai laissé [Junie] passer dans son appartement » et « Les a-t-on vu souvent se parler, se chercher? » (BRUNOT, La pensée et la langue, p. 350). Au XVIIIe, la règle se fixe : le participe demeure inva-riable quand le complément di-rect est celui de l’infinitif (BRU-

NOT, loc. cit., et les exemples donnés, dont « La sévérité qu’elle a cru montrer »). Solution identique lorsque le verbe est à la forme pronominale : « Elle s’est laissée aller » mais « Elle s’est laissé convaincre » (BRUNOT, op. cit., p. 351).La règle est toujours en vigueur actuellement (Girodet, op. cit., vo « Laisser », no I). Hanse l’en-seigne également, précisant que laisser et se laisser ne font pas exception : « Je les ai laissé punir » [c’est-à-dire être punis] mais « Je les ai laissés dire », « Elle s’est laissée mourir » mais « Elle s’est laissé rejoindre ». Ce-la dit, Hanse critique la norme et prône l’invariabilité dans tous les cas (loc. cit. et litt. E). Et il n’est pas le seul de cet avis : le Conseil supérieur de la langue française recommande l’invariabilité de laissé suivi d’un infinitif et l’Aca-démie, en 2000, va dans le même sens (Grevisse et Goosse, op. cit., § 951, b, 2o, qui citent une série d’exemples, bien anté-rieurs auxdites recommanda-tions, pris notamment chez Ana-tole France, Maupassant, Duha-mel et Cocteau).Les écrivains rebelles ont donc eu raison de ne pas s’être laissé abattre!

RHADAMANTHE

Le 6 décembre 2012, dans la salle des audiences solennelles de laCour de cassation, les participants au colloque sur l'e-commerce ontreçu le J.T. des mains d'un magistrat très spécial...

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