jurisprudences européennes et étrangères · 2016-06-17 · 220 concurrences n° 2-2016...

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Concurrences REVUE DES DROITS DE LA CONCURRENCE | COMPETITION LAW REVIEW Jurisprudences européennes et étrangères Chroniques l Concurrences N° 2-2016 l pp. 220-240 Florian Bien [email protected] Professeur, Université de Würzburg Pierre Kobel [email protected] Avocat, De Weck Zoells Kobel, Genève Silvia Pietrini [email protected] Maître de conférences, Université Lille, Centre Réné Demogue-CRDP Jean-Christophe Roda [email protected] Professeur, Université de Toulon Julia Xoudis [email protected] Professeure associée, Université de Genève

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Jurisprudences européennes et étrangèresChroniques l Concurrences N° 2-2016 l pp. 220-240

Florian [email protected]

Professeur, Université de Würzburg

Pierre [email protected]

Avocat, De Weck Zoells Kobel, Genève

Silvia [email protected]

Maître de conférences, Université Lille, Centre Réné Demogue-CRDP

Jean-Christophe [email protected]

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Professeure associée, Université de Genève

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220 Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères

1. AllemagnePrivate enforcement – Soumission concertée à des marchés publics – Dommages et intérêts forfaitaires : Le Tribunal régional de Potsdam déclare nulle la clause, contenue dans les conditions d’attribution d’un marché public, qui stipule des dommages et intérêts forfaitaires à hauteur de 15 % du montant du marché en cas de violation des règles du droit de la concurrence , tandis que le Tribunal régional de Berlin, dans une affaire similaire, fonde le calcul des dommages et intérêts sur une telle clause (Trib. régional de Potsdam, 22 oct. 2014, 2 O 29/14 ; Trib. régional de Berlin, 16 déc. 2014, 16 O 384/13 Kart)

La mise en œuvre des actions privées en dommages et intérêts pour violation du droit de la concurrence constitue un véritable défi pour les victimes. Les principales difficultés concernent essentiellement la preuve de la survenance d’un dommage et de son étendue. Il est évident dans ces conditions qu’il est plus facile aux pouvoirs publics qu’aux personnes privées de faire aboutir leurs droits aux dommages et intérêts. Cela est dû notamment au fait que les pouvoirs publics interviennent sur le marché comme un demandeur de services disposant d’une forte puissance de négociation à l’égard des candidats.

Le droit des marchés publics comme instrument pour la mise en œuvre des droits à dédommagement des pouvoirs publics

En Allemagne, les pouvoirs adjudicateurs qui sont victimes d’une soumis-sion concertée dans les marchés publics recourent de plus en plus à la possibilité que leur offre le droit des marchés publics en vue d’obtenir plus facilement la réparation du préjudice subi. Deux différentes approches sont à relever ici.

Il y a d’une part l’exigence d’intégrité que certains pouvoirs adjudica-teurs invoquent vis-à-vis des candidats ayant commis dans le passé une infraction au droit de la concurrence dans le cadre d’une procédure d’at-tribution des marchés publics. En effet, l’article  57 al.  4ème lit.  c de la Directive  2014/24/UE autorise les pouvoirs adjudicateurs d’exclure un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché “qui a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité”. Le considérant n° 101 de la Directive indique claire-ment que le législateur européen entend par faute grave notamment une violation de règles de la concurrence. Toutefois, il est possible pour les candidats exclus de la procédure de passation de marché pour ce motif de retrouver l’intégrité exigée et ce, en procédant à une sorte d’auto-net-toyage. Il convient cependant de noter que le rétablissement de l’intégrité d’un opérateur économique qui aurait participé à une entente illicite caractérisée, c’est-à-dire qui se serait rendu coupable d’une faute grave, ne nécessite pas seulement que le concerné coopère à l’éclaircissement des faits ou qu’il prenne des mesures appropriées de réorganisation du personnel ou encore qu’il institue une structure d’audit interne visant à empêcher que les faits similaires ne se reproduisent. Au-delà de ces mesures, les pouvoirs adjudicateurs exigent le plus souvent de l’opéra-teur économique fautif la réparation du préjudice qu’il a causé dans le passé. Ainsi, l’article 57 de la Directive précitée prévoit dans son alinéa 6

la possibilité pour l’opérateur concerné de “fournir des preuves afin d’at-tester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité”. À ce titre, le législateur européen cite notamment le versement d’“une

Chroniques

Avec la collaboration de mes assistants de recherches, björn becker, rüdiger morbach et markus Welzenbach. Je remercie Yves manzanza, également collaborateur à ma chaire, pour la relecture et/ou la traduction de nos manuscrits.

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Jurisprudences européennes et étrangèresFlorian Bien*

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Jean-Christophe [email protected]

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1. Allemagne220 Le Tribunal régional de Potsdam déclare nulle la clause, contenue dans les conditions d’attribution d’un marché public, qui stipule des dommages et intérêts forfaitaires à hauteur de 15 % du montant du marché en cas de violation des règles du droit de la concurrence, tandis que le Tribunal régional de Berlin, dans une affaire similaire, fonde le calcul des dommages et intérêts sur une telle clauseTrib. régional de Potsdam, 22 oct. 2014, 2 O 29/14 et Trib. régional de Berlin, 16 déc. 2014, 16 O 384/13 Kart

224 Le Tribunal régional de Francfort attribue des dommages et intérêts à une requérante victime de discrimination par les prix sur base d’une décision de validation des engagements rendue par la Commission européenne en matière de courant électrique ferroviaireTrib. régional de Francfort, 3 juin 2015, DB Energie, 2-03 O 324/14

2. Italie228 Le Conseil d’État italien considère que l’effet de la chose jugée découlant de l’annulation définitive d’une décision de l’Autorité de la concurrence ne peut s’étendre aux tiers qu’à certaines conditions dont

l’appréciation relève du pouvoir souverain du jugeCE, 20 oct. 2015, Services d’agence maritime, RG n° 05827/2015, publié le 29 janv. 2016

230 Le Tribunal de Venise rejette une action de groupe dans le cadre du scandale des moteurs truqués équipant des voitures dieselTrib. de Venise, ord. du 4 nov. 2015, Altroconsumo c/ Volkswagen AG e Volkswagen Group Italia, publiée le 12 janv. 2016

3. Suisse232 La Commission de la concurrence suisse interdit les clauses de parité pratiquées par les trois plus grands gestionnaires de plateformes de réservation d’hôtels en ligneComco, déc. du 19 oct. 2015, Booking.com, HRS et Expedia (Plateformes de réservation d’hôtels en ligne), publiée sur le site de la Comco

4. États-Unis237 La Cour d’appel du premier circuit juge que les accords de reports d’entrée non-monétaires relèvent du droit antitrustU.S. Court of Appeals, First Circuit, 22 fév. 2016, Loestrin, n° 14-2071 et 15-1250

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indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’in-fraction pénale ou la faute” (voir aussi les décisions de la chambre des marchés publics (Vergabekammer) du gouvernement de district de Lüneburg du 24 mars 2011 – VgK-04/2011 et du 14 fév. 2012 – VgK-05/2012).

La deuxième possibilité dont disposent les pouvoirs adjudicateurs pour obtenir facilement la réparation du préjudice qu’ils auraient subi à l’occasion d’une procédure de passation de marché consiste à déterminer préalablement par voie contractuelle le montant des dommages et intérêts auxquels ils auraient éventuelle-ment droit. Aussi prévoit-on dans les conditions d’octroi d’un marché public des clauses relatives à la réparation du préjudice résultant d’une violation du droit de la concurrence découverte après la passation du marché. Ces clauses fixent en même temps le montant forfaitaire des dommages et intérêts dus aux pouvoirs adjudica-teurs. C’est ainsi qu’à titre d’exemple le Ministère fédéral allemand des transports, de la construction et du déve-loppement urbain dans son manuel pratique relatif aux opérations de construction au niveau fédéral (“Vergabe- und Vertragshandbuch für die Baumaßnahmen des Bundes”, disponible sur http://www.vob-online.de/de/rubrik/vergabehandbuch-des-bundes) recommande aux adjudicateurs de prévoir les conditions contractuelles suivantes dans les contrats d’attribution des marchés publics :

“[…] S’il est prouvé que le candidat à une procédure de passation de marchés publics avait conclu un accord qui constitue une restriction illicite de la concurrence, il est tenu de payer aux pouvoirs adjudicateurs les dommages et intérêts forfaitaires à hauteur de 15 % du montant global du marché, sauf si le préjudice peut être quantifié autrement […]” (Section 215, n° 8).

La validité de cette forme de fixation du montant des dommages et intérêts fait l’objet d’un vif débat chez les juristes allemands (cf. par ex. Müller-Graff/Kainer, Wertpapier-Mitteilungen 2013, pp. 2149 – 2155 ; Thomas/Bleier, Kölner Schrift zum Wirtschaftsrecht n° 4-2015, pp. 261 – 267; K. Schmidt, Wirtschaft und Wettbewerb 2015, pp. 812 – 821). Plusieurs juridictions du fond ont déjà eu l’occasion de se pencher sur la validité de ces clauses. Il reste que la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof) ne s’est pas encore prononcée sur la question.

Les clauses relatives au dédommagement forfaitaire créent-elles un déséquilibre significatif au détriment des participants à une entente illicite ?La question principale qui constitue la toile de fond des jugements des Tribunaux régionaux de Potsdam et de Berlin faisant l’objet de ce commentaire porte sur la validité des clauses contractuelles relatives à la fixation forfaitaire des droits aux dommages et intérêts fondés sur la violation du droit de la concurrence. Les deux tribunaux avaient soumis ces clauses au contrôle judi-ciaire. Concrètement, il était question de savoir si le forfait prévu dans les conditions d’attribution des marchés publics dépasse le dommage qui pourrait résulter d’une

telle infraction dans des conditions normales des choses et est par conséquent disproportionné ou s’il s’agit plutôt d’un montant raisonnable.

Des actions consécutives (“follow-on”) des pouvoirs publics à la suite de l’entente sur les véhicules de pompiers et les rails Le jugement du Tribunal régional de Potsdam portait sur les faits ci-après : plusieurs fabricants de véhicules de pompiers qui avaient gagné les marchés à la suite de la procédure de passation des marchés publics lancée par les communes avaient conclu entre 1998 et 2009 des accords sur les quotas et sur les prix. Après la décou-verte de l’entente illicite, suivie de la décision d’amende du Bundeskartellamt du 28  janvier 2011, une commune du Bade-Wurtemberg a réclamé des dommages et intérêts à un participant à l’entente. En effet, l’entreprise pour-suivie avait, lors de l’attribution du marché, accepté une clause correspondant à celle prévue dans le manuel pratique relatif aux opérations de construction au niveau fédéral (voir la citation ci-dessus).

Quant à l’affaire portée devant le Tribunal régional de Berlin, elle concernait une autre action en dommages et intérêts en rapport avec l’entente illicite sur les rails (voir Concurrences n° 3-2015, pp.  195-198). Les parties défenderesses avaient participé à une entente illicite dont l’existence a été établie par la décision d’amende du Bundeskartellamt du 18 juillet 2013. La clause litigieuse s’inspirait également de la recommandation contenue dans le manuel du Ministère fédéral des transports, de la construction et du développement urbain mentionné ci-haut. La différence majeure résidait cependant dans le montant du forfait. En effet, contrairement au cas soumis au Tribunal régional de Potsdam, le montant des dommages et intérêts forfaitaires prévu ici était seulement de 5 % de la somme globale du marché.

Le contrôle judiciaire des clauses contractuelles entre professionnels en droit allemand Il sied de relever in limine litis qu’il existe quelques différences fondamentales entre le droit allemand et le droit français en ce qui concerne le contrôle judi-ciaire des clauses contractuelles entre professionnels. En effet, contrairement au droit français, le code civil allemand (paragraphes 305 et suivants BGB) ne prévoit principalement que le contrôle judiciaire des clauses préformulées et unilatéralement imposées à l’autre partie, c’est-à-dire des contrats d’adhésion (“Allgemeine Geschäftsbedingungen”). Par contre les clauses indi-viduellement négociées (cf. contrats de gré à gré) entre professionnels ne peuvent être annulées que de manière exceptionnelle conformément à la disposition générale du paragraphe 242 BGB, c’est-à-dire en cas de violation du principe de bonne foi. Le principe du droit français qui met ici en évidence la protection de la partie la plus faible face à un cocontractant fort ne semble pas s’appli-quer en droit allemand, sauf en matière de protection des consommateurs. C

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De même, le critère matériel de contrôle judiciaire des clauses contractuelles diverge. Le droit français utilise à l’article L 442-6, al. 1er, point 2 du code de commerce le critère de “déséquilibre significatif”. Pour mieux comprendre la portée de la notion de déséquilibre signi-ficatif entre professionnels, les praticiens du droit et les justiciables peuvent se référer aux précisions apportées par la jurisprudence à propos de la même notion contenue depuis longtemps dans l’article  L  132-1 du code de la consommation (Conseil constitutionnel, QPC, 13 janvier 2011, n° 2010-85).

Par contre, le droit allemand retient comme critère essentiel “le désavantage inapproprié” (“unangemessene Benachteiligung”) du cocontractant (paragraphe  307 al. 1er BGB). Cette notion est précisée par certaines clauses interdites énumérées explicitement aux paragraphes 308 et 309  BGB et dont l’existence constitue une preuve substantielle d’un désavantage inapproprié. Normalement ces cas de principe ne s’appliquent directement qu’aux clauses qui engendrent un désavantage pour les consommateurs. Il est toutefois communément admis que les valeurs dont la protection est visée ici soient également prises en compte dans les relations contractuelles entre professionnels (cf. paragraphe 310, al. 1er BGB).

Dans les deux jugements faisant l’objet de ce commen-taire les tribunaux ont considéré que les clauses litigieuses ne portaient pas sur les règles des dommages et intérêts punitifs, mais plutôt sur le dédommagement forfaitaire. Ainsi, pour examiner si ces clauses avaient pour effet de désavantager les cocontractants de manière dispropor-tionnée, les juges devaient notamment prendre en compte le cas de figure mentionné au paragraphe  309 point  5 BGB. Aux termes de cette disposition, est nulle toute clause qui détermine le droit forfaitaire du stipulant à des dommages et intérêts si (a) le forfait dépasse le dommage prévisible dans les cas réglementés selon le cours normal des choses ou (b) s’il n’est pas expressément permis à l’autre partie contractante de rapporter la preuve qu’un dommage ne s’est pas produit ou qu’il est fondamentale-ment inférieur au forfait. Il ressort de l’analyse des termes de cette disposition in fine que l’utilisation des clauses de dédommagement forfaitaire n’est pas interdite aussi longtemps que le cocontractant du stipulant d’une telle clause conserve la possibilité de rapporter éventuellement la preuve d’un préjudice fondamentalement inférieur au forfait. Dans les cas d’espèce, les clauses soumises au contrôle judiciaire des Tribunaux régionaux de Potsdam et de Berlin prévoyaient cette possibilité. La difficulté portait néanmoins sur la question de savoir si dans les cas d’espèce le forfait ne dépassait pas le dommage prévi-sible dans des conditions normales des choses. Sur cette question précise, les deux tribunaux ont abouti à des conclusions divergentes.

Solutions différentes des deux juridictions à propos de deux montants également différents Le Tribunal régional de Potsdam a jugé nulle la clause qui prévoyait le paiement en faveur du stipulant des dommages et intérêts forfaitaires à hauteur de 15  %

du montant du marché. Le tribunal a estimé que cette clause était de nature à désavantager le cocontractant de manière disproportionnée et qu’elle constituait par conséquent une violation manifeste du paragraphe 309, point 5 lit. a BGB, qui stipule que le forfait ne devrait pas dépasser le dommage prévisible dans les cas réglementés selon le cours normal des choses. Le tribunal ajoute que le stipulant de la clause litigieuse devrait prouver que le forfait qu’il utilise ne dépasse pas le montant des dommages et intérêts normalement prévisibles dans les différentes branches d’activités concernées. Enfin le tribunal critique le fait que les termes de la clause liti-gieuse englobent toute sorte d’infractions au droit de la concurrence, même celles pouvant aboutir à un dommage dont le montant serait de loin inférieur au forfait de 15 %.

De son côté, le Tribunal de Berlin a confirmé la validité de la clause qui obligeait les participants à une entente illicite à payer aux pouvoirs adjudicateurs des dommages et intérêts forfaitaires à hauteur de 5  % du montant total du marché pour violation du droit de la concur-rence. Le tribunal part de la présomption que le forfait de 5 % du montant total du marché ne dépasserait pas le dommage prévisible selon le cours normal des choses et qu’il constituerait plutôt le seuil minimum d’un dommage résultant d’une entente illicite. Dans son argumen-taire, le Tribunal régional de Berlin s’est explicitement référé à l’arrêt de la Cour d’appel (Oberlandesgericht) de Karlsruhe, dans lequel les juges, qui étaient appelés également à se prononcer sur une action en dommages et intérêts intentée par une commune suite à l’entente illicite sur les véhicules de pompiers, avaient admis la validité d’une clause de dédommagement forfaitaire prévoyant un montant même plus élevé, soit 15  % du montant global du marché (Oberlandesgericht Karlsruhe, arrêt du 31  juillet 2013, 6  U  51/12  Kart ; voir aussi le jugement de première instance, le Landgericht Mannheim, du 4 mai 2012, 7 O 463/11 Kart).

Amélioration de la situation des victimes privées et du private enforcement grâce à la clause de dédommagement forfaitaire ex anteLa position généreuse des Tribunaux de Mannheim, Karlsruhe et Berlin concernant la problématique de la validité des clauses de dédommagement forfaitaire mérite en principe notre approbation. En effet, en dépit de l’importance accrue des actions privées (private enfor-cement) ces dernières années, il existe encore en Europe plusieurs obstacles pour les actions privées en dommages et intérêts fondées sur la violation du droit de la concur-rence. Les  principales difficultés que rencontrent les demandeurs portent particulièrement sur la preuve du prix concurrentiel hypothétique. À cela s’ajoute le fait que, contrairement au droit français qui prévoit la théorie de la perte d’une chance, le demandeur qui veut faire prévaloir le manque à gagner se trouve confronté en Allemagne à des difficultés de preuve quasi insurmon-tables. Ainsi, en raison d’obstacles élevés pour la mise en œuvre d’actions privées en dommages et intérêts, l’on ne peut que saluer tout effort tendant à simplifier les règles de preuve pour les demandeurs. La reconnaissance des C

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clauses de dédommagement forfaitaire par différentes juridictions de fond allemandes constitue ainsi un pas vers la bonne direction. La clause contractuelle constitue un véritable soulagement pour le demandeur, qui est dispensé d’apporter des preuves supplémentaires sur l’étendue du dommage, aussi longtemps qu’il n’a pas l’intention de réclamer des dommages et intérêts plus élevés que le forfait. Une solution contractuelle paraît particulièrement nécessaire dans la mesure où la Directive 2014/104/UE relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts ne simplifie pas de manière significative les règles de preuve du préjudice. Certes l’article 17 de cette Directive traite des règles de quantification du préjudice et prévoit notamment la présomption du préjudice (dans ce sens aussi l’arrêt de la Cour d’appel (Kammergericht) de Berlin du 1er octobre 2009, 2 U 10/03 Kart - Transportbeton) ainsi que la possibilité pour les juridictions nationales d’estimer le montant du préjudice (cf. en droit allemand paragraphe  33, al.  3ème, phrase 3 de la loi contre les restrictions à la concurrence et para-graphe 287 du code de procédure civile). Toutefois, au-delà de ces quelques normes, il n’existe pas encore – et peut-être même pas dans un avenir proche – de dispositions particulières perti-nentes sur la quantification du préjudice. Le Guide pratique de la Commission concernant la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l’article  101 ou 102 TFUE (2013) n’a jusqu’ici pas laissé de trace dans la jurisprudence allemande (pour plus de détails : J. Bernhard, “Allemagne : Évaluation des préjudices et charge de la preuve en droit civil de la concurrence”, Concurrences n° 4-2015, art. n° 75874, pp. 243-249).

La question de degré requis de différenciation demeure non résolue La problématique de la prise en compte de différentes formes des restrictions illicites de la concurrence dans la clause de dédommagement forfaitaire demeure non résolue. Le Tribunal régional de Berlin, tout comme avant lui le Tribunal régional de Mannheim ainsi que la Cour d’appel de Karlsruhe (voir les références ci-dessus), n’a pas évoqué l’exigence d’une telle différenciation. De même le modèle de clause proposé dans le manuel pratique relatif aux opérations de construction au niveau fédéral mentionné plus haut ne fait pas de distinction entre les différentes formes des violations du droit de la concurrence.

Quelques auteurs allemands soutiennent qu’une différen-ciation n’est superflue que dans les cas où le forfait est fixé en fonction du seuil minimum du dommage normalement prévisible (p. ex. Müller-Graff/Kainer, Wertpapier-Mitteilungen 2013, 2149, 2152). Le Tribunal régional de Berlin semble avoir recouru à cet argument sans toutefois chercher à l’approfondir. Le Tribunal régional de Potsdam pour sa part exige une nette différenciation selon la nature de l’infraction. Selon les juges, cet aspect n’a pas été suffisamment pris en compte. À première vue il faut admettre avec le Tribunal régional de Potsdam que les différentes infractions au droit de la concurrence n’en-gendrent pas un dommage de même intensité. Allusion est faite ici notamment à la différence entre d’une part l’entente illicite caractérisée telle que l’entente sur le prix et d’autre part un simple accord sur les aspects de concur-rence moins essentiels telle que la prescription des droits de garantie. Par ailleurs, l’étendue du préjudice résultant

de la violation du droit de la concurrence peut varier selon les branches concernées. Or, une estimation ex ante d’un tel préjudice peut paraître difficile pour les parties. Il en est ainsi notamment lorsqu’il s’agit d’estimer diffé-rents montants de dommages et intérêts sur la base de différentes infractions éventuelles. Aussi nous paraît-il illusoire de prétendre, comme l’a fait le Tribunal régional de Potsdam, que le forfait ne devrait, dans aucun cas prévu par la clause, dépasser le dommage prévisible dans les conditions normales des choses.

Les tribunaux ne devraient pas soumettre le niveau de différenciation à des exigences très élevées. Deux  prin-cipaux arguments peuvent être évoqués à l’appui de ce point de vue. Premièrement, il sied de relever du point de vue de la pratique que les cas couvrant de simples ententes illicites telles que des ententes sur les conditions générales d’achat sont assez rare. Les ressources person-nelles étant limitées, les autorités de la concurrence ont tendance à tourner leurs efforts vers la poursuite et la répression des ententes illicites caractérisées (ententes dites “hardcore”). Concernant spécialement le domaine des marchés publics, il sied de relever que les pouvoirs adjudicateurs prévoient, dans les conditions d’octroi, des dispositions détaillées portant sur un très grand nombre de conditions contractuelles. Celles-ci sont alors exclues du libre jeu de la concurrence. Il ressort de ce constat qu’une éventuelle entente illicite des candidats au marché public ne portera pratiquement que sur le prix. Le deuxième argument porte sur la résolution des conflits d’intérêts en présence, ceux des participants à une entente illicite d’une part et ceux des victimes d’autre part. En effet, pendant que les participants à l’entente cherche-ront à éviter le paiement des dommages et intérêts élevés, les victimes pour leur part veilleront à obtenir une répa-ration appropriée. Si l’on compare les intérêts des uns et des autres, il paraît plus raisonnable qu’à cause d’un forfait élevé un participant à l’entente illicite paie des dommages et intérêts supérieurs au préjudice réel plutôt que d’obliger une victime à accepter une réparation qui, à cause du faible montant du forfait, n’est pas proportion-nelle au préjudice subi.

Dans tous les cas, il est recommandé lors de la rédaction des clauses de dédommagement forfaitaire de se pencher davantage sur la différenciation d’infractions éven-tuelles. La clause soumise au contrôle judiciaire de la Cour d’appel de Karlsruhe (voir l’arrêt mentionnée ci-haut) marque déjà un pas dans la bonne direction car elle cite explicitement les différentes pratiques restric-tives de concurrence qui donneraient lieu au paiement des dommages et intérêts forfaitaires. En effet, les infrac-tions autres que les violations «hardcore» du droit de la concurrence semblent moins, voire pas du tout, se prêter à un dédommagement forfaitaire. Elles devraient alors rester exclues d’une telle clause.

Enfin, il reste à espérer que l’application des clauses de dédommagement forfaitaire ne se limitera pas seulement aux procédures de passation des marchés publics, mais s’étendra également aux transactions “normales” entre parties privées.

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224 Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères

Private enforcement – Dommages et intérêts – Ciseaux tarifaires – engagement : Le Tribunal régional de Francfort attribue des dommages et intérêts à une requérante victime de discrimination par les prix sur base d’une décision de validation des engagements rendue par la Commission européenne en matière de courant électrique ferroviaire (Trib. régional de Francfort, 3 juin 2015, DB Energie, 2-03 O 324/14)

En dehors des cas relevant de l’effet contraignant du paragraphe  33, alinéa  4 de la loi contre les restric-tions de la concurrence (GWB) ou de l’article  16 du règlement CE 1/2003, les actions en dommages et intérêts fondées sur la violation du droit de la concurrence en général sont assez rares en Allemagne. Les  exigences relatives à la justification précise de l’action en justice sont très élevées si l’on n’a pas la possibilité d’invo-quer une décision contraignante d’une autorité de la concurrence. Sont concernés non seulement les tiers qui souhaitent intenter une action en dommages et intérêts sans recourir à une quelconque décision de l’autorité de la concurrence (action stand alone), mais aussi ceux qui se fondent sur la décision de validation des engage-ments pour poursuivre son destinataire. L’effet juridique contraignant n’opère certes pas en l’absence de constata-tion d’une infraction, mais les déclarations de l’autorité de la concurrence contenues dans une décision d’enga-gement peuvent dans une certaine mesure être utiles au demandeur. Par ailleurs, il convient de relever que les décisions d’engagement rendues par le Bundeskartellamt et par la Commission concernent le plus souvent des cas pour lesquels l’adoption des mesures d’interdiction est théoriquement envisageable. C’est qu’en dehors des cas d’ententes caractérisées, les autorités de la concurrence optent le plus souvent pour la voie la plus rapide et la plus simple qui consiste à rendre des décisions d’enga-gement. Pour garantir la sécurité juridique et judiciaire aux potentielles victimes d’infractions au droit de la concurrence, la doctrine propose que les déclarations de l’autorité de la concurrence contenues dans une décision d’engagement acquièrent un effet contraignant de facto.

En France, le Tribunal de commerce de Paris avait condamné le destinataire d’une décision de validation des engagements rendue par l’Autorité de la concur-rence à payer des dommages et intérêts à un tiers victime de violation du droit de la concurrence (Tribunal de commerce de Paris, 30  mars 2015, RG  n°  2012000109 – DKT c/ Eco-Emballages et Valorplast ; cf. Chagny, RJCom. juill-août  2015, p.  444 ; Wachsmann/Zacharie, Concurrences n°  3-2015, p.  79). Dans ce jugement, le tribunal de commerce de Paris se fonde essentiellement sur les déclarations de l’Autorité de la concurrence contenues dans la décision d’engagement et renonce à enquêter lui-même. Le Tribunal régional de Francfort qui est le premier tribunal allemand à se prononcer sur cette question a abouti au même résultat, mais en empruntant une approche quelque peu différente de celle du tribunal de commerce de Paris.

Paiement des dommages et intérêts pour rabais discriminatoiresLe Tribunal régional de Francfort devait se prononcer sur la question de savoir si le système des rabais pratiqué par la défenderesse constitue une violation de l’article 102 TFUE et si la demanderesse avait de ce fait subi un préjudice.

Système des rabais dans l’approvisionnement en courant électrique ferroviaireLa défenderesse (DB Energie) fournit du courant élec-trique à travers son propre réseau à un grand nombre d’entreprises ferroviaires, dont la demanderesse. Pendant la période concernée par le litige, soit de 2009 à 2012, la défenderesse était le seul fournisseur de courant élec-trique ferroviaire. L’approvisionnement en courant se fait sur base d’une feuille des prix qui est actualisée annuel-lement par les parties. Ce document prévoit entre autres le rabais de quantités qui peut aller jusqu’à 4 % selon la quantité annuelle de courant acheté par chaque entre-prise ferroviaire concernée. La feuille des prix prévoit également une sorte de “rabais rétroactif sur les charges” (Auslastungsrabatt) de 5 % pour l’utilisation qui dépasse largement le seuil maximal du rabais des quantités. Le  rabais sur les charges ne pouvait concerner que les entreprises ferroviaires appartenant au même groupe que la défenderesse. Le système de fixation des prix de la défenderesse avait fait l’objet d’une procédure devant la Commission européenne, procédure qui fut clôturée par une décision de validation des engagements (Commission, 18  déc. 2013, COMP/AT. 39678 – Deutsche Bahn  I et COMP./AT.39731 – Deutsche Bahn II). Se fondant sur cette décision, la demanderesse avait saisi le Tribunal régional de Francfort pour réclamer le remboursement du surplus du prix payé correspondant au rabais sur les charges de 5 % pendant la période concernée par le litige. À l’appui de son action, elle souligne que le refus par la défenderesse de lui accorder le rabais sur les charges avait conduit à une compression des marges pour ses activités.

Le système des rabais pratiqué par la défenderesse jugé contraire à l’article 102, alinéa 2 lit. c TFUELe Tribunal régional de Francfort accorde à la deman-deresse, conformément à l’article  102  TFUE en combinaison avec le paragraphe  33, alinéa  3  GWB, la somme de 2 171 163,99 €, y compris les montants payés à titre d’impôt sur le chiffre d’affaires plus les intérêts éventuels. Le tribunal estime que le système des rabais pratiqué par la défenderesse constitue une discrimination interdite par l’article  102  TFUE. Cette discrimination relève de la négligence et constitue ainsi une faute. Dans le cas d’espèce, les dommages et intérêts doivent compenser la réparation en nature (cf. paragraphe 249 BGB) ainsi que le manque à gagner (cf. paragraphe 253 BGB). La deman-deresse devrait, selon le tribunal, être placée dans la situation qu’elle occuperait en l’absence du comporte-ment discriminatoire de la défenderesse. Le tribunal part C

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Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères 225

d’un prix de marché hypothétique qui serait appliqué au cas où la défenderesse n’aurait pas eu recours à la pratique discriminatoire de rabais sur les charges. Ce prix de marché hypothétique correspond au prix appliqué aux entreprises ferroviaires appartenant au même groupe que la défenderesse au moyen du rabais sur les charges. Étant donné que c’est à ses filiales que la défenderesse offre la partie la plus importante de sa production du courant électrique ferroviaire, il convient de considérer le prix appliqué aux filiales comme le prix du marché. C’est à bon droit que la demanderesse réclame le rembourse-ment de la différence entre le prix qu’elle a dû payer et le prix de marché hypothétique. Le tribunal écarte l’objec-tion de “passing on-defense” étant donné que la partie à laquelle incombe la charge de la preuve n’a rien produit à ce sujet. Le tribunal exclut également – notamment dans le cadre de l’examen de l’article 102 TFUE – la possibi-lité d’invoquer le privilège reconnu aux sociétés membres d’un groupe donné : la défenderesse n’est pas autorisée à appliquer une tarification préférentielle aux entreprises appartenant à son groupe.

Aucune référence du Tribunal à la décision d’engagement de la CommissionCe qui est remarquable dans le jugement du Tribunal régional de Francfort est qu’il se limite à évoquer en passant l’existence de la décision d’engagement rendue par la Commission sans pour autant s’y référer. Le tribunal procède plutôt seul à l’examen de la violation supposée de l’article 102 TFUE et s’appuie sur un autre type d’infraction. Selon la Commission, le système de fixation de prix du courant électrique ferroviaire appliqué par Deutsche Bahn remplit les conditions d’une compres-sion des marges. Le Tribunal régional de Francfort considère pour sa part que ce système constitue une pratique abusive de discrimination au sens de l’article 102, alinéa 2  lit.  c TFUE. Ceci est d’autant plus surprenant que la demanderesse elle-même avait, pour appuyer son action en dommages et intérêts, invoqué la compres-sion des marges. En outre, le Tribunal régional aurait dû recourir aux déclarations contenues dans la décision de l’autorité de la concurrence, ce qui aurait certainement été avantageux du point de vue de l’économie du procès.

Même en empruntant cette voie, il était encore possible pour le tribunal de recourir aux déclarations de l’auto-rité de la concurrence, notamment dans le cadre de la délimitation du marché ainsi que pour la question de la détermination de la position dominante de Deutsche Bahn. En effet, c’est le marché allemand de courant électrique ferroviaire qui constitue le point de départ tant pour la procédure devant la Commission que pour l’action privée en dommages et intérêts.

L’on se pose ainsi la question de savoir pourquoi le Tribunal régional de Francfort a choisi de se passer de la décision d’engagement de la Commission. La principale justification réside certainement dans l’évidence même du caractère infractionnel des faits en cause. En effet, la détention de la position dominante sur le marché du courant électrique ferroviaire par Deutsche Bahn est incon-testable. En outre, la feuille des prix qui d’ailleurs n’est pas

contestée par les parties contient clairement les clauses de rabais. Dès lors, il n’était pas nécessaire de recourir à la décision de la Commission pour pouvoir établir l’exis-tence d’une discrimination abusive. À comparer avec les difficultés de preuve que l’on rencontre habituellement dans le cadre d’actions en dommages et intérêts pour violation du droit de la concurrence, il faut admettre que l’affaire dont le Tribunal régional de Francfort a été saisi constitue une exception. La solution qui en résulte ne saurait facilement être transposée à d’autres cas d’abus de position dominante.

En fondant son jugement sur la simple pratique abusive de discrimination à l’égard d’un partenaire commer-cial, le Tribunal régional de Francfort a réussi à éviter de procéder à l’exercice combien exigeant qui consiste-rait à comparer les coûts et les prix. Ces comparaisons auraient cependant été nécessaires tant pour apporter la preuve de violation du droit de la concurrence que pour calculer le montant des dommages et intérêts qui en résultent, au cas où le tribunal aurait retenu l’infrac-tion de compression des marges comme l’avait fait la Commission. Dans l’exposé des motifs de son jugement, le Tribunal régional de Francfort parle de manière générale d’une “pratique abusive de discrimination prohibée par l’article  102  TFUE”, pratique consistant pour une entreprise en position dominante à appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence. Sur ce point, le tribunal se réfère plus précisément à l’exemple énuméré à l’article 102, alinéa 2 lit. c) TFUE. Le choix de cette approche n’est pas sans intérêt. En effet, la preuve de violation du droit de la concurrence au sens de l’article 102, alinéa 2 lit. c) TFUE n’est pas soumise à de hautes exigences. Comme l’a si bien constaté le Tribunal régional de Francfort, les rabais progressifs qui sont conçus tels que l’atteinte du niveau maximal est plus compliquée qu’aux niveaux précédents constituent en principe une discrimination abusive. Aussi est-il logique que le tribunal qualifie le système de rabais rétroactif sur les charges, pratiqué par Deutsche Bahn, d’atteinte à l’exercice normal de la concurrence. Il convient toutefois de se demander si le cas sous examen rentre effecti-vement dans le champ d’application de l’article  102, alinéa  2  lit.  c)  TFUE. Il faut rappeler que c’est sur le marché en aval que Deutsche Bahn a réservé un traite-ment préférentiel aux entreprises ferroviaires membres de son propre groupe au détriment des entreprises concur-rentes. Il en résulte une primary-line discrimination qui en principe devrait être examinée sur base de la dispo-sition générale de l’article  102, alinéa  1  TFUE (voir Eilmansberger/Bien, in : Münchener Kommentar zum europäischen Wettbewerbsrecht, Artikel  102  Rn.  275). Dans une affaire similaire portée devant les juridictions européennes dans le passé et concernant toujours la Deutsche Bahn, le Tribunal de l’Union européenne avait recouru à l’article 102, alinéa 2 lit. c) TFUE (EuG, arrêt du 21  oct.  1997, T-229/94, voir paragraphes  77 et 93). Cela paraît évident surtout lorsque l’entreprise qui détient la position dominante sur le marché est une entreprise publique comme c’est le cas ici. En effet, contrairement aux entreprises privées, les entreprises publiques C

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sont particulièrement tenues de respecter les droits fondamentaux, notamment le principe d’égalité au sens de l’article 3, alinéa 1 de la Loi fondamentale allemande. Par conséquent, il importe d’examiner de manière beaucoup plus sévère toute différence de traitement des entreprises qui interviennent au même niveau d’activités économiques, qu’il s’agisse des entreprises appartenant ou non au groupe de l’entreprise détentrice de la position dominante. Même si le Tribunal régional de Francfort ne se réfère pas au fait que la Deutsche Bahn appartient à 100 % à la République fédérale d’Allemagne, il aboutit au même résultat que le Tribunal de l’Union européenne en ce qu’il fonde son jugement sur le prescrit de l’article 102, alinéa 2 lit. c) TFUE.

Il reste à savoir s’il n’était possible d’admettre certains motifs de justification en faveur de la différence de trai-tement réservé par Deutsche Bahn aux entreprises ferroviaires membres de son groupe. Il semble qu’aucun motif de justification invoqué par la défenderesse n’a pu convaincre le tribunal. Le système de rabais en cause ne pouvait surtout pas servir de moyen de fidélisation des clients. Étant donné qu’il s’agit des entreprises membres d’un groupe, lesquelles ne disposent pas de pouvoir de décision autonome par rapport à la société mère, il n’était pas nécessaire de leur accorder en plus un rabais sur les charges.

Ce qui est surprenant dans ce jugement, c’est à la fois la procédure utilisée par le tribunal pour l’évaluation ou mieux la quantification du préjudice et le résultat auquel il est parvenu. Le tribunal se fonde certes sur un prix hypothétique de marché, mais il n’indique nulle part comment il a obtenu ce prix. Au contraire, il se limite à renvoyer à la disposition du paragraphe 287 du code de procédure civile qui s’applique généralement aux actions en dommages et intérêts pour violation du droit de la concurrence. La quantification du préjudice constitue sans doute l’une des tâches les plus difficiles auxquelles le tribunal doit faire face dans le cadre d’une action en dommages et intérêts fondée sur la violation du droit de la concurrence. Aussi la Commission a-t-elle jugé néces-saire d’adopter un guide pratique non contraignant ayant notamment pour objet d’offrir aux juridictions nationales une gamme des méthodes de quantification du préjudice en cas d’actions en dommages et intérêts fondées sur la violation du droit de la concurrence (Guide pratique relatif à la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l’article 101 ou 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – document de travail accompagnant la communication de la Commission du 13 juin 2013, JO C 167/19 ; voir J. Bernhard, NZKart 2013, S. 488 ff.). La méthode préférée de la Cour fédérale de justice (BGH) est celle dite de marché analogue. Celle-ci demeure d’ail-leurs, dans la pratique, la méthode la plus utilisée. Elle consiste à comparer les prix pratiqués par les entreprises participant à une entente illicite aux prix habituels sur les marchés analogues (J. Bernhard, NZKart 2013, p.  488, 489 f.). Même si l’application de cette méthode s’avère en partie difficile surtout en matière de contrôle des abus de position dominante, il convient d’admettre que le résultat auquel a abouti le Tribunal régional de Francfort n’est

pas convaincant. En effet, le tribunal n’indique pas clai-rement pourquoi il considère le prix du niveau maximal des rabais comme étant le prix réel du marché. Dans tous les cas, l’on ne peut pas se fonder sur le fait que la quantité la plus importante du courant électrique ferro-viaire était livrée aux entreprises appartenant au groupe de la défenderesse pour considérer automatiquement le prix appliqué à ces entreprises comme le prix du marché. Il faut plutôt se poser la question de savoir si la défende-resse avait la possibilité de tenir le niveau maximal des rabais au cas où elle fournirait de l’électricité au même prix à tous les clients. Il n’est pas certain que le prix du dernier palier des rabais serait facile à calculer si plus d’un quart de la quantité totale du courant était offert auparavant à un prix plus élevé. Ainsi, il est possible que la défenderesse ait appliqué aux autres entreprises un prix plus élevé afin de lui permettre d’offrir un tarif préfé-rentiel aux entreprises membres de son propre groupe. Il faudrait par conséquent considérer comme prix hypo-thétique du marché le prix moyen de différents niveaux des rabais, lequel prix devrait suffisamment prendre en compte les quotes-parts de différents clients. Enfin les dommages et intérêts accordés par le Tribunal régional de Francfort à la demanderesse semblent disproportionnés, ce qui paraît on ne peut plus problématique au regard de l’article  3, alinéa  3 de la nouvelle directive relative aux actions en dommages et intérêts fondées sur la violation du droit de la concurrence (2014/104/EU).

B. B. n

À NoTER

Arbitrage du sport - Abus de position dominante – Conditions non équitables : La Cour d’appel de Munich déclare nulle une clause compromissoire en faveur du Tribunal Arbitral du Sport (TAS), en jugeant que la conclusion d’un tel accord avec une athlète constituait un abus de position dominante de la fédération sportive en raison des doutes concernant l’indépen-dance des arbitres siégeant au TAS (CA de Munich, 15 janv. 2015, Pechstein, U 1110/14 (Kart))

La Cour fédérale de justice allemande est saisie d’une affaire dont l’issue pourrait avoir des conséquences non seulement pour l’arbitrage allemand, mais aussi pour l’ar-bitrage international en matière des sports. Il s’agit de la révision de l’arrêt rendu dans l’affaire Pechstein, du nom de la demanderesse et célèbre patineuse de vitesse Claudia Pechstein. La Cour fédérale devrait examiner le recours déposé par la Fédération internationale de patinage contre l’arrêt de la Cour d’appel de Munich faisant objet du présent commentaire. Cet arrêt, estime le Tribunal Arbitral du Sport (TAS), serait de nature à compro-mettre les principes de base de l’arbitrage international (voir la communication du Tribunal du 27  mars 2015, disponible sur http://www.tas-cas.org/fileadmin/user_upload/CAS_statement_FRANCAIS.pdf). De même, la doctrine allemande consacrée aux questions d’arbitrage C

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Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères 227

parle de la consécration de l’arrêt Bosman dans l‘arbi-trage en matière des sports (allusion faite à l’arrêt de la CJUE du 15  décembre 1995 (C-415/93) concernant différentes restrictions qui étaient imposées aux joueurs professionnels dans l’Union européenne au mépris de la liberté de circulation des travailleurs garantie par l’article 45 TFUE). L’arrêt de la Cour d’appel de Munich a par contre suscité moins de passion dans la doctrine relative au droit de la concurrence.

Problématique de la validité d’une clause excluant le recours aux juridictions étatiques contre des mesures disciplinaires d‘une association sportiveLa Cour d’appel de Munich, saisie en appel du jugement du Tribunal régional de Munich, devait se prononcer sur la question de savoir si la clause compromissoire acceptée par une athlète en faveur du TAS ainsi que la sentence arbitrale qui en résulte excluent l’action en dommages et intérêts intentée par l’intéressée contre la Fédération internatio-nale de patinage (ISU). La cour devait particulièrement déterminer si la Fédération internationale de patinage, en exigeant des athlètes une clause compromissoire en faveur du TAS, avait abusé de sa position dominante sur le marché, du fait que cette clause constituait une condition contractuelle que la Fédération n’aurait pas été en mesure d’imposer aux athlètes dans les conditions normales de concurrence. C’est ce que l’on désigne par “abus de condition” au sens du paragraphe 19, al. 2, point 2 de la loi contre les restrictions de la concurrence (GWB).

La sentence du TAS relative à la décision de suspension pour dopage rendue par la Fédération internationale de patinage contre la patineuse allemandeLa demanderesse Claudia Pechstein est une célèbre patineuse allemande et quintuple championne olympique. Elle avait été contrôlée positive au dopage lors du cham-pionnat mondial de patinage de vitesse organisé à Hamar (Norvège) en 2009. À cause de la forte concentration de réticulocytes découverte dans son sang, la commis-sion disciplinaire de la Fédération internationale de patinage l’avait suspendue pour deux ans. Pour parti-ciper au championnat de Hamar, Pechstein avait signé un formulaire de participation préétabli par la Fédération, lequel formulaire contenait une clause compromissoire en faveur du TAS basé à Lausanne en Suisse. Le recours déposé par Pechstein devant le TAS contre la décision de la Commission de discipline était sans succès. De même, le recours en annulation de la sentence arbitrale déposé devant le Tribunal fédéral suisse a été rejeté (arrêt du 28 septembre 2010, Aff. n° 4A 144/2010). Enfin, l’athlète s’était tournée vers les juridictions allemandes et avait saisi le Tribunal régional de Munich. Ici également l’action de Pechstein tendant à faire établir le caractère illicite de la suspension pour dopage qu’elle encourait et à obtenir par conséquent les dommages et intérêts pour le préjudice matériel et moral subi n’a pas pu aboutir. C’est seulement au niveau d’appel que la demanderesse obtint partiellement gain de cause. En effet, la Cour d’appel de

Munich a, dans son arrêt partiel, jugé le recours irre-cevable en ce qui concerne la demande de constatation d’illicéité, mais donné lieu à l’action en dommages et intérêts.

L’exigence d’une clause compromissoire en faveur du TAS non paritaire constitue un abus de position dominante La Cour d’appel de Munich a déclaré nulle la clause compromissoire. Elle a estimé que le fait, pour la Fédération internationale de patinage, de conditionner la participation des athlètes à des compétitions sportives à la conclusion d’une clause compromissoire en faveur du TAS constitue un abus de position dominante. La Cour avait retenu comme marché matériel pertinent le marché d’organisation des compétitions sportives internationales pour le patinage de vitesse, un marché où la Fédération internationale de patinage détenait le monopole en vertu du système des fédérations sportives dit de système d’une place (une seule fédération – nationale et internationale – par type de sport). L’obligation d’acceptation d’une clause compromissoire en faveur du TAS constitue, selon la Cour, une condition contractuelle que la Fédération ne serait certainement pas à mesure d’imposer aux athlètes dans les conditions normales de concurrence. Toutefois, ce n’est pas l’exigence d’une telle clause en faveur d’un tribunal arbitral en soi qui constitue d’emblée un abus de position dominante. Au contraire, l’existence d’un seul tribunal arbitral international sert de gage de cohérence des décisions rendues en droit des sports et assure en même temps l’égalité des chances à tous les athlètes. L’abus de position dominante réside cependant dans le fait que la clause compromissoire concernait spéciale-ment le TAS, une instance dont l’indépendance peut être remise en cause en raison de l’influence dont disposent les fédérations sportives à travers l’organisation de la procédure applicable, surtout dans le choix des arbitres. Le fait pour les athlètes d’accepter la compétence de ce tribunal arbitral en dépit du doute concernant son indé-pendance se justifie essentiellement par la détention de position dominante sur le marché par la Fédération inter-nationale de patinage. La Cour d’appel de Munich refuse de reconnaître la sentence arbitrale du TAS au motif que la reconnaissance de cette décision risquerait de perpétuer l’abus de situation de monopole dont jouit la Fédération internationale de patinage.

Nécessité d’une réforme de l’arbitrage international en matière des sports comme conséquence de l’affaire Pechstein ?Il est clair que l’arrêt de la Cour d’appel de Munich, même s’il n’est pas cassé par la Cour fédérale de justice qui pourrait se prononcer au courant de l’année  2016, ne sonne pas la fin de l’arbitrage en matière des sports. Toutefois la procédure du TAS, particulièrement les règles relatives à la désignation des arbitres, nécessite une profonde réforme. Les représentants des athlètes devraient jouir de mêmes pouvoirs que ceux reconnus aux arbitres désignés par les fédérations sportives.

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228 Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères

2. Italieentente – Chose jugée – Tiers – Programme de clémence : Le Conseil d’État italien considère que l’effet de la chose jugée découlant de l’annulation définitive d’une décision de l’Autorité de la concurrence ne peut s’étendre aux tiers qu’à certaines conditions dont l’appréciation relève du pouvoir souverain du juge (CE, 20 oct. 2015, Services d’agence maritime, RG n° 05827/2015, publié le 29 janv. 2016)

Par un arrêt du 20 octobre 2015, publié le 29 janvier 2016, le Conseil d’État a affirmé que les entreprises qui n’ont pas contesté la sanction infligée par l’Autorité garante de la concurrence et du marché (ci-après “AGCM”) ne peuvent pas bénéficier de l’annulation de la décision prononcée ensuite par les juridictions de contrôle en faisant droit au recours formé par des cartellistes ayant participé à la même entente illicite.

En 2012, dans le cadre du programme de clémence, l’AGCM avait sanctionné une entente limitative de concurrence au sens de l’article 101 du TFUE visant à fausser le marché des services d’agence maritime par le biais d’une augmentation concertée des redevances en rémunération des services d’agence. Le cartel avait été mis en œuvre par un groupe de société, la société Maersk Italia Hapag ayant par la suite bénéficié de l’immunité dans le cadre du programme de clémence, la société Hapag-Lloyd Italy (ci-après “HL”) ayant bénéficié d’une réduction d’amende dans le cadre du même programme et d’autres sociétés qui n’ont eu aucun aménagement de la sanction. Les entreprises qui n’avaient pas bénéficié du programme de clémence avaient formé un recours contre la décision de l’Autorité de concurrence ; elles avaient notamment demandé l’annulation de la décision et contesté la caractérisation de l’infraction et la quantifi-cation de l’amende, en interpellant HL qui, en revanche, n’a formé aucun recours contre la décision ayant réduit l’amende que l’AGCM lui aurait autrement infligée en l’absence de l’application du programme de clémence. En 2013, le Tribunal administratif régional du Latium (ci-après “TAR Latium”), juge compétent en première instance pour les recours contre les décisions de l’AGCM, avait annulé la décision de celle-ci, estimant que l’entente horizontale illicite n’était pas caractérisée. En 2014, le Conseil d’État avait confirmé la décision du TAR Latium et HL avait sollicité la restitution du montant payé et des intérêts moratoires. Toutefois, l’AGCM avait rejeté cette demande, en justifiant ce refus sur le fondement de l’article 2909 du Code civil en vertu duquel l’effet de l’au-torité de chose jugée s’étend aux seules parties au litige. Or, au cas d’espèce, HL n’avait pas formé de recours contre la décision de l’AGCM ; elle ne pouvait donc pas bénéficier de l’autorité de la chose jugée du jugement définitif ayant annulé cette décision. La société a alors formé un recours devant le TAR Latium mais ce dernier, par un arrêt rendu le 30 avril 2015, a estimé que la société était désormais privée d’intérêt à agir pour demander la

répétition de la somme payée, étant donné qu’elle n’avait pas été partie à la procédure devant les juridictions de contrôle, pour son simple choix ; la décision de l’AGCM était donc définitive à son égard (sur cet arrêt, voir notre commentaire “Le Tribunal administratif du Latium considère qu’une entreprise n’ayant pas fait de recours contre la décision par laquelle l’Autorité de concurrence l’a sanctionnée, ne peut pas ensuite bénéficier de l’annu-lation prononcée par la juridiction de contrôle qui a été saisie par les autres membres de l’entente”, Concurrences n° 3-2015, p. 201). HL a alors formé un recours devant le Conseil d’État mais ce dernier, par un arrêt du 20 octobre 2015, publié le 29  janvier 2016, a rejeté l’ensemble des arguments invoqués par l’entreprise qui a tenté de démontrer que la chose jugée relative à l’inexistence d’un accord restrictif de concurrence concerne l’ensemble des cartellistes indépendamment de l’exercice par ces derniers d’un recours contre la décision de l’Autorité de concurrence qui, dans un premier temps, les avaient sanctionnées, le préalable indispensable pour octroyer la sanction faisant désormais défaut.

Le tiers n’est pas titulaire d’un droit à demander l’exécution de la chose jugée d’une décision à laquelle il est étrangerEn s’appuyant sur sa jurisprudence consolidée (voir notamment CE, Section  VI, arrêt du 5  déc. 2005, n°  6964), le Conseil d’État a affirmé dans un premier temps qu’en vertu de l’article  2909 du Code civil, peuvent demander l’exécution d’une décision administra-tive toutes les parties qui ont participé à la procédure à l’issue de laquelle le juge a prononcé la décision qui fait par la suite l’objet d’une demande d’exécution. Dans des circonstances particulières, on admet la possibilité pour les tiers de présenter un recours en exécution de la décision qui leur est favorable. À cette fin, il faut réunir les conditions suivantes : la chose jugée concerne l’annu-lation d’une décision administrative ; l’effet erga omnes ne concerne que la partie de la décision qui vise à annuler l’acte attaqué ; la chose jugée doit porter sur un acte collectif ou un acte indivisible pour une pluralité de desti-nataires et ayant un contenu indissociable. Néanmoins, la réunion de ces conditions ne confère pas de droit aux tiers pour demander l’exécution d’une décision qui leur est favorable, le juge administratif ayant un pouvoir largement discrétionnaire d’étendre les effets de la chose jugé aux tiers au litige.

L’application du programme de clémence n’empêche pas, par la suite, de contester la décision au fond et la caractérisation juridique de l’infraction par l’Autorité de la concurrencePour bénéficier en tant que tiers de l’annulation par le juge administratif de la décision ayant sanctionné le cartel, HL avait souligné qu’elle avait obtenu une réduction de la sanction en application du programme de clémence dans le cadre de la même procédure qui avait abouti à la condamnation des autres cartellistes, blanchis ensuite par les juridictions de contrôle. Pour la société, C

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Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères 229

le fait de lui empêcher d’agir en exécution de la décision définitive des juridictions de contrôle serait contraire avec les principes européens d’effectivité et d’équivalence et les principes au fondement des programmes de clémence, puisqu’on découragerait la collaboration des partici-pants au programme de clémence ; pire, on favoriserait des conduites opportunistes des potentiels demandeurs de clémence. En outre, la non reconnaissance de la légi-timation à agir en exécution d’une décision qui lui est favorable serait contraire au principe de protection juridictionnelle effective puisque le demandeur à un programme de clémence qui avoue sa responsabilité devant l’Autorité de concurrence afin d’obtenir une réduction de sanction n’aurait pas les moyens effectifs pour la restitution du montant payé pour une infraction qui s’est ensuite révélée inexistante, se trouvant dès lors dans une position qui est paradoxalement pire que celle des entreprises qui ne collaborent pas à la découverte de conduites potentiellement illicites.

Le Conseil d’État a rejeté cet argument, estimant que le fait d’avoir obtenu une réduction de la sanction en application du programme de clémence n’empêche pas à l’entreprise bénéficiaire de présenter un recours contre la décision prise par l’Autorité de concurrence à l’issue de la procédure de clémence. En effet, pour le Conseil d’État, la simple collaboration “n’implique pas une abdication inconditionnée de celui qui coopère à l’évaluation et la qualification juridique effectuée par l’AGCM” des faits dénoncés par le demandeur de clémence, ce devoir de collaboration cessant avec la conclusion de la procédure de clémence. Comme l’avait déjà souligné le TAR Latium, le Conseil d’État a affirmé que la collaboration requise par ce programme consiste à fournir de façon spontanée à l’Autorité des informations ou des preuves documen-taires relatives à l’existence d’une entente alors que le pouvoir de caractériser juridiquement les faits revient à la seule Autorité. L’infraction figurant dans la décision de l’AGCM peut s’avérer différente de celle avouée par le demandeur de clémence et ce dernier “garde un intérêt distinct à contester en justice la décision de sanction” qui est défavorable à ses intérêts au regard de l’infraction en cause. Cet intérêt existe d’autant plus que l’entre-prise ayant collaboré dans le cadre d’un programme de clémence reste exposée aux conséquences d’une éven-tuelle action en justice en réparation du préjudice causé aux victimes de l’infraction anticoncurrentielle. À la lumière de ces considérations, le ratio et le champ d’appli-cation du programme de clémence ne peuvent pas exclure la légitimation et l’intérêt à agir d’un demandeur de clémence dans la procédure visant à annuler la décision de l’Autorité de concurrence. Le demandeur de clémence est alors totalement libre de contester l’acte ; s’il n’agit pas, il ne peut pas invoquer sa participation au programme de clémence pour justifier son comportement passif. À défaut d’avoir présenté un recours contre la décision de sanction prononcée par l’Autorité de concurrence, il ne pourra pas demander l’exécution de la décision défi-nitive d’annulation à laquelle il est désormais étranger, puisque celle-ci produira ses effets exclusivement entre les parties à la procédure.

Les entreprises ayant participé à une entente unique et complexe sont titulaires de situations juridiques distinctesLe Conseil d’État a précisé que peu importe le moyen par lequel l’entente au fondement de la décision de l’AGCM annulée par la suite a été découverte. En effet, la décision de l’Autorité “n’est pas un acte indivisible mais pluriel, chaque entreprise concernée étant titulaire d’une position juridique distincte” et “destinataire d’une sanction pécuniaire juridiquement distincte”. Autrement dit, même si le fait générateur de responsabilité est identique, il existe une “pluralité autonome de rapports”, chaque entreprise étant titulaire d’une position juridique ayant un “caractère autonome, différencié et exclusif” des positions des autres entreprises concernées. Certes, comme cela a été souligné précédemment, selon la juris-prudence consolidée, les effets de la chose jugée peuvent s’étendre aux tiers à condition que l’acte annulé soit collectif ou indivisible avec un contenu indissociable, mais cela n’est pas le cas en l’espèce.

L’effet de la chose jugée de l’article 2909 du Code civil est conforme au droit de l’UnionQuant à l’incompatibilité de l’article 2909 du Code civil qui consacre l’effet inter partes de la chose jugée avec les principes de l’Union, le Conseil d’État a balayé cet argument, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice. Ainsi, la Cour a déjà affirmé qu’“il y a lieu de rappeler l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique communautaire que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (arrêts du 30  septembre 2003, Köbler, C-224/01, Rec. p.  I-10239, point 38, et du 16 mars 2006, Kapferer, C-234/04, Rec. p.  I-2585, point  20). Partant, le droit communautaire n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter l’appli-cation des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation du droit communautaire par la décision en cause (…). En l’absence de réglementation communautaire en la matière, les modalités de mise en œuvre du principe de l’autorité de la chose jugée relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers” à condition de respecter le principe d’équivalence et le principe d’effectivité (CJUE, arrêt du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub, C-2/08, points 22 et ss.).

En outre, la Cour de justice a affirmé dans le passé que “l’autorité d’un motif d’un arrêt d’annulation ne peut s’appliquer au sort de personnes qui n’étaient pas parties au procès et à l’égard desquelles l’arrêt ne peut dès lors avoir décidé quoi que ce soit” (CJCE, arrêt du 14  septembre 1999, Commission des Communautés européennes c/ AssiDomän Kraft Products AB et alii, C

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C-310/97 P). Enfin, “le principe de la sécurité juridique (…) s’oppose (…) à ce que, dans une hypothèse où plusieurs décisions individuelles similaires infligeant des amendes ont été adoptées dans le cadre d’une procédure commune et où certains destinataires seulement ont poursuivi et obtenu l’annulation en justice des décisions les concernant, l’institution dont elles émanent doive, à la demande d’autres destinataires, réexaminer, à la lumière des motifs de l’arrêt d’annulation, la légalité des décisions non attaquées et apprécier si, sur la base de cet examen, il y a lieu de procéder à un remboursement des amendes versées” (Id., point 63).

Au regard de cette jurisprudence, le Conseil d’État a tiré la conclusion que l’article  2909 du Code civil n’est contraire ni au droit de l’Union ni aux dispositions du programme de clémence. Premièrement, l’application de la chose jugée aux seules parties au procès trouve sa justification dans l’exigence de délimiter la retombée des effets des décisions définitives aux seules parties qui les ont invoquées par le biais de leurs recours ; sinon, toute personne pourrait profiter du recours d’autrui, ne présen-tant aucun recours alors qu’elle a la légitimation pour le faire. Deuxièmement, cette disposition n’est pas discrimi-natoire, car elle prévoit des conséquences différentes pour des situations qui sont différentes. Troisièmement, cette disposition ne porte pas atteinte aux principes d’équi-valence et d’effectivité consacrés par la jurisprudence européenne puisque la solution retenue est la même tant en cas d’application du droit européen qu’en cas d’ap-plication du droit national. Enfin, le demandeur de clémence n’est pas dans une position plus défavorable que les autres cartellistes qui n’ont pas collaboré puisque s’il ne bénéficie pas de la chose jugée découlant de l’annu-lation définitive de la décision de l’AGCM, ce n’est pas en raison de sa collaboration dans le cadre du programme de clémence mais parce qu’il a décidé de ne pas présenter de recours contre la décision de l’AGCM. Autrement dit, l’entreprise qui a renoncé au recours “n’a pas participé à la formation de la décision ayant autorité de chose jugée”. Le Conseil d’État a par conséquent rejeté le recours de HL.

Au final, comme l’ont souligné certains praticiens, l’en-treprise ayant bénéficié du programme de clémence ne doit pas oublier qu’elle garde un intérêt à former un recours contre la décision de l’Autorité de concurrence. Si elle décide de ne pas présenter de recours, elle s’expose au risque de devoir payer une amende pour une infrac-tion inexistante si les juridictions de contrôle annulent intégralement la décision de l’Autorité de concurrence.

S. P. n

Pratique commerciale déloyale et mensongère – Action de groupe – Phase d’admissibilité : Le Tribunal de Venise rejette une action de groupe dans le cadre du scandale des moteurs truqués équipant des voitures diesel (Trib. de Venise, ord. du 4 nov. 2015, Altroconsumo c/ Volkswagen AG e Volkswagen Group Italia, publiée le 12 janv. 2016)

Fin février  2016, des centaines de plaignants issus de cinquante États américains ont déposé une plainte collec-tive contre le groupe Volkswagen dans le cadre du scandale des moteurs truqués équipant ses voitures diesel à laquelle vient s’ajouter la plainte de la FTC visant à obtenir des indemnisations pour les consommateurs en réparation du préjudice découlant des pratiques déloyales et mensongères du groupe. Plus  récemment, en Allemagne, 278  inves-tisseurs institutionnels ont décidé d’agir contre le groupe et le cabinet d’avocats qui les représentent a également déposé des plaintes dans le cadre de la “procédure modèle” réservée aux actionnaires. Quelques temps auparavant, l’Ordre des avocats de Paris a lancé une plateforme pour permettre aux justiciables de se fédérer et de présenter des demandes similaires, chacun dans le cadre d’une procédure individuelle. Parallèlement, en Italie, une association de consommateurs agréée au niveau national a lancé une action de groupe contre le producteur et la société chargée de la distribution des véhicules en Italie devant le Tribunal de Venise afin d’obtenir la réparation du préjudice causé aux consommateurs du fait de la mise en œuvre d’une pratique commerciale déloyale consistant à diffuser des données erronées ou inexactes sur les émissions polluantes et la consommation de carburant de certains modèles du groupe de nature à fausser de manière appréciable le comportement économique du consommateur moyen. Estimant que la conduite mise en œuvre par le groupe Volkswagen avait un caractère pluriel en raison de l’atteinte aux droits individuels des consommateurs se trouvant dans une situation homogène, l’association de consom-mateurs a introduit une action de groupe (nommée action de classe) qui, à l’instar des modèles nord-américains, se caractérise par deux phases. La première, qui prend la forme d’une ordonnance, vise à contrôler l’admissibi-lité de l’action et, en cas d’issue favorable, à préciser les modalités pour adhérer au groupe ; la seconde permet au juge de statuer sur le fond. L’article 140bis du Code de la consommation qui consacre l’action de classe prévoit plusieurs hypothèses d’inadmissibilité de la demande du groupe (une réforme est en cours afin de réformer cet outil procédural en le déplaçant dans le Code de procédure civile ; pour un aperçu, voir notre focus “Action de groupe italienne”, Contrats Conc. Consom., 2015, n° 5, p. 3). En l’espèce, le Tribunal de Venise qui avait été sollicité pour déclarer recevable l’action de classe, permettre l’accès à la base de données de l’ACI –  entité publique opérant dans le secteur automobile – en vue d’assurer la publicité nécessaire au profit des éventuels adhérents au groupe, et obtenir la divulgation de la documentation relative au cycle d’homologation NEDC (New European Driving Cycle) ainsi qu’une expertise judiciaire, a déclaré inad-missible l’action à défaut d’avoir démontrer l’existence de droits individuels homogènes. C

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Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères 231

La prédominance de questions touchant individuellement les membres potentiels du groupe exclut l’existence de droits individuels homogènes, condition de recevabilité de l’action de groupeLa défenderesse avait affirmé que l’action de classe était irrecevable du fait que les droits individuels des éventuels membres du groupe n’étaient pas homogènes : l’asso-ciation de consommateurs s’était limitée à invoquer l’existence d’une causa petendi commune (l’achat du véhicule) alors que pour établir l’homogénéité des droits individuels, il faut prouver que le préjudice invoqué est standardisé, la recevabilité de l’action de groupe étant exclue lorsque cette action implique l’examen de situations spécifiques à chaque adhérent au groupe. Le Tribunal de Venise a accueilli partiellement cet argument, en tenant compte de la jurisprudence la plus récente. Ainsi, dans un arrêt du 9 décembre 2013, le Tribunal de Milan a déjà affirmé que la prédominance de questions de fait et de droit “personnelles” ne permet pas de retenir l’homogé-néité des droits individuels, empêchant ainsi de franchir la première étape de la procédure de l’action de groupe. Au cas d’espèce, le Tribunal de Venise a constaté qu’au-delà de l’existence d’une causa petendi commune (l’achat du véhicule), le préjudice patrimonial dont l’association fait état est déterminé à partir d’“une pluralité de facteurs subjectifs et objectifs extérieurs au simple fait de l’achat du véhicule qui rendent nécessaire l’examen de situa-tions hétérogènes” qui sont en contradiction avec l’esprit sous-jacent à l’action de groupe. Au final, pour le juge, l’as-sociation n’a pas établi l’existence d’une base commune des droits individuels invoqués au soutien de la demande de recevabilité de l’action de groupe. L’homogénéité des droits est donc entendue dans le sens d’une communauté de questions de fait et de droit au fondement de l’action de groupe. En revanche, le fait que l’étendue du préjudice subi par les éventuels adhérents au groupe soit diffé-rente selon les cas n’a aucune incidence sur la décision de recevabilité de l’action de classe. En effet, l’évaluation du préjudice ne relève pas de la phase d’admissibilité de l’action (Cour d’appel de Milan, arrêt du 3 mars 2014) et par conséquent elle ne peut pas “affecter” la décision de recevabilité (Tribunal de Rome, arrêt du 25 mars 2011).

L’association de consommateurs n’a pas apporté de preuves suffisantes pour démontrer la pratique commerciale déloyaleLe Tribunal de Venise s’est également prononcé sur le fond même s’il faut rappeler qu’au stade de la recevabi-lité de l’action de groupe, le juge se contente d’effectuer une analyse sommaire, la responsabilité de l’entreprise en cause n’étant établie que dans le cadre de la deuxième phase.

Le juge a rappelé tout d’abord la législation européenne, notamment le règlement  692/2008 du 18  juillet 2008 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules qui fixe les exigences techniques de réception

des véhicules et les limites d’émission, en uniformi-sant la méthodologie d’évaluation et en imposant aux distributeurs de faire figurer ces informations dans le catalogue des produits distribué aux points de vente par le constructeur du véhicule. Or, contrairement à ce que soutient l’association des consommateurs, la procédure d’homologation des véhicules n’est pas mise en œuvre par les constructeurs ; pour le groupe Volkswagen, les vérifi-cations techniques ont lieu sous le contrôle d’une société de service extérieure qui vérifie les tests d’homologation et envoie un rapport à l’autorité d’homologation laquelle, en cas d’avis favorable, procède à l’émission du certificat d’homologation. En outre, au cas d’espèce, l’associa-tion a présenté des données issues d’un test réalisé par un laboratoire qu’elle-même a sollicité afin de comparer ces données avec celles communiquées aux consomma-teurs par la défenderesse mais l’enquête a été menée sans contradictoire et sur la base d’une méthode qui est différente de celle utilisée pour le déroulement des tests d’homologation. Le juge a estimé que ces données n’avaient pas de valeur probatoire au regard de la respon-sabilité du défendeur à l’action.

Le Tribunal de Venise a donc déclaré irrecevable l’action de classe et condamné l’association de consommateurs à une partie des frais du litige et à la publication de l’ordon-nance d’inadmissibilité. L’association de consommateurs a décidé de faire appel.

S. P. n

À NoTER

Private enforcement – Marché pertinent – Concurrence déloyale – Évaluation du préjudice : La Cour d’appel de Milan exclut un abus de position dominante d’une compagnie aérienne sur le marché de la vente des billets et des services de voyage et de tourisme mais confirme des actes de concurrence déloyale (CA Milan, 26 juin 2015, Ryanair c/ Viaggiare, n° RG 2796/2013, publiée le 12 oct. 2015)

Par un arrêt du 26 juin 2015, publié le 12 octobre de la même année, la Cour d’appel de Milan a accueilli partiel-lement le recours que la compagnie aérienne Ryanair avait formé contre le jugement du Tribunal de Milan lequel, en 2013, l’avait condamnée pour avoir commis un abus de position dominante en imposant aux consommateurs l’achat de ses billets exclusivement par le biais de son site Internet et de son call center, sans pouvoir s’adresser à une agence de voyage et de tourisme. Pour mémoire, le Tribunal l’avait également condamnée à indemniser une agence de voyage en ligne – l’entreprise Viaggiare – pour le dommage que la compagnie aérienne lui avait causé en diffusant auprès du public des informations fausses et constitutives d’actes de dénigrement. En revanche, le juge milanais n’avait pas octroyé de dommages et intérêts sur le fondement du droit des pratiques anticoncurrentielles, car la plaignante s’était limitée à demander le constat de C

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232 Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères

l’infraction et n’avait pas prouvé que l’abus de position dominante lui avait causé un préjudice (sur cet arrêt, voir notre commentaire “Le Tribunal de Milan sanctionne une compagnie aérienne pour abus de position dominante et actes de concurrence déloyale”, Concurrences n° 4-2013, p. 183).

Par le présent arrêt, la Cour d’appel de Milan a exclu la violation de l’article  102  TFUE ; en revanche, elle a confirmé la responsabilité au regard de la concurrence déloyale.

Les conditions pour caractériser une pratique abusive ne sont pas réuniesAu regard de l’éventuelle violation de l’article 102 TFUE, la Cour d’appel de Milan a retenu que la délimitation du marché pertinent s’avère “extrêmement laborieuse” puisqu’au regard de la jurisprudence européenne, il faudrait “découper le marché des vols en de nombreux faisceaux de liaisons aériennes aptes dans une mesure équivalente à permettre d’atteindre une destination d’un point de départ”. Au lieu de retenir le marché des vols, le Tribunal de Milan avait finalement défini le marché pertinent comme le marché européen des services d’agence de voyages et de tourisme. La Cour d’appel a retenu cette délimitation, ayant des doutes quant au caractère véritablement fragmenté du marché européen des vols low cost. Toutefois, selon la Cour, sur le marché en aval des services d’agence de voyages et de tourisme, l’entreprise sanctionnée pour abus de position dominante ne détient que 10 % des vols européens. Or, ni la juris-prudence européenne ni la pratique décisionnelle de la Commission européenne ne retiennent un taux si bas pour caractériser une position dominante : généralement, il faut atteindre 50 % et, dans des circonstances excep-tionnelles, 40 % du marché en cause. Dès lors, selon le juge, “il apparaît difficile de penser que la politique commerciale de (Ryanair) puisse entraîner une distorsion de la concurrence sur le marché en cause, étant donné que les agences de voyage peuvent avoir une activité d’in-termédiation sur les vols des autres compagnies aériennes et sur les services touristiques”. La restriction aurait pu, en revanche, être retenue si la compagnie aérienne avait une part de marché beaucoup plus importante ou s’il existait des ententes commerciales avec les autres compa-gnies low cost. En outre, il est tout à fait légitime qu’une entreprise ait sur son propre site Internet un lien avec les sites d’autres entreprises qui proposent des services touristiques, cette politique n’impliquant aucune restric-tion de concurrence. Autrement dit, il s’agit d’une simple activité promotionnelle des sites en lien avec la compagnie aérienne, sans que cela puisse fausser la concurrence sur le marché en aval des services touristiques. Quant au fait que l’entrave à toute activité intermédiaire des services proposés n’est pas justifiée au regard du principe de l’utilité sociale dont la protection de la concurrence constitue une expression, en violation de l’article 41 de la Constitution, la Cour d’appel de Milan a affirmé qu’il suffit de conclure un accord de licence avec la compagnie aérienne afin d’accéder au site de celle-ci.

Les déclarations de la compagnie aérienne ont été fortement dérogatoires et attentatoires à la réputation commerciale de l’agence de voyage Quant à la responsabilité de la compagnie aérienne sur le terrain de la concurrence déloyale, la Cour d’appel reprend l’analyse du Tribunal de Milan. On retiendra en particulier la motivation relative à l’évaluation du préju-dice. La Cour a rappelé que le préjudice peut être établi par le biais de présomptions et fixé en équité. Le juge a ainsi confirmé la condamnation de la compagnie aérienne au paiement de 50 000 euros à la victime en réparation du préjudice subi en raison de l’atteinte à sa réputation com-merciale, compte tenu de la notoriété des parties.

S. P. n

3. SuisseClauses de parité – Restrictions verti-cales – Abus de position dominante : La Commission de la concurrence suisse interdit les clauses de parité pratiquées par les trois plus grands gestionnaires de plate-formes de réservation d’hôtels en ligne (Comco, déc. du 19 oct. 2015, Booking.com, HRS, Expedia (Plateformes de réservation d’hôtels en ligne), publiée sur le site de la Comco)

La Commission de la concurrence suisse (“Comco”) a ouvert une enquête le 11 décembre 2012 dirigée contre les trois plus grands gestionnaires de plateformes de réser-vation d’hôtels en ligne, à savoir Booking.com, Expedia et HRS. L’enquête avait pour objet les clauses de parité, relatives aux tarifs, disponibilités de chambres et condi-tions concernant l’hébergement, conclues entre ces trois agences de voyage en ligne et leurs hôtels partenaires respectifs. En revanche, la Comco n’a pas examiné les clauses moins restrictives introduites par Booking.com et Expedia en 2015, suite aux engagements pris par Booking.com auprès des autorités de la concurrence française, ita-lienne et suédoise. Dans sa décision du 19 octobre 2015, la Comco est arrivée à la conclusion que les clauses de parité examinées étaient contraires à loi fédérale sur les cartels (ci-après “LCart”)  et a fait interdiction aux trois  gestionnaires de plateformes visés de recourir à de telles clauses dans leurs accords avec les hôtels par-tenaires en Suisse. La décision se réfère aux procédures qui ont été engagées dans plusieurs pays européens ayant pour objet des pratiques similaires (notamment en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, en France et en Suède), à la législation introduite en France interdisant les clauses limitant la liberté de l’hôtelier de consentir au client tout rabais ou avantage tarifaire (art. 133 de la Loi n°  2015-990 du 6  août 2015, “Loi Macron”), ainsi qu’à un projet de loi similaire en Italie. Elle se fonde à plusieurs reprises sur la décision de l’autorité alle-mande (Bundeskartellamt, décision du 20  décembre C

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2013, HRS, déc. B9-66/10, confirmée par un arrêt de la Cour d’appel de Düsseldorf du 9 janvier 2015 ; voir à ce sujet P. Rummel, Concurrences n° 3-2014, pp. 208-211, et n° 2-2015, pp. 197-198).

Plateformes de réservation en ligne et clauses de parité visées par l’enquêteLes gestionnaires de plateformes de réservation d’hôtels en ligne agissent comme des intermédiaires entre les hôtels partenaires et les clients finaux. Ils offrent la pos-sibilité à ces derniers de chercher en ligne des hôtels et de les comparer – notamment grâce à un système de clas-sement (Ranking)  –, puis d’obtenir immédiatement une confirmation de réservation de chambre. Les hôtels parte-naires fixent leurs prix, disponibilités et autres conditions et concluent les contrats d’hébergement directement avec les clients finaux. Les gestionnaires touchent une com-mission représentant un pourcentage du chiffre d’affaires généré par les réservations conclues via leur plateforme, ces commissions pouvant varier suivant les catégories d’hôtels (hôtels individuels, chaînes d’hôtels, partenaires privilégiés). Ainsi, le modèle commercial suivi par les ges-tionnaires de plateformes est celui de l’agence (Agency Model) ; en particulier, les agences en ligne n’achètent pas de nuitées pour les revendre (Merchant Model).

L’enquête a porté sur les clauses de parité relatives aux tarifs, disponibilités de chambres et autres conditions (délais de réservation, conditions d’annulation, heures d’arrivée, etc.) pratiquées par Booking.com et Expedia en Suisse jusqu’en été  2015 et par HRS jusqu’à leur interdiction par la Comco. Par ces clauses de parité, les gestionnaires de plateforme avaient interdit aux hôtels partenaires de fixer des prix plus bas, d’offrir un nombre plus élevé de chambres ou des conditions plus avan-tageuses sur d’autres canaux de distribution. Lesdites clauses visaient pratiquement l’ensemble des canaux de distribution et excluaient notamment la possibilité de pratiquer des prix/conditions plus avantageux ou d’offrir plus de chambres sur des plateformes de réservation en ligne concurrentes (“clauses de parité au sens large”, “weite Paritätsklauseln”). La violation de ces clauses pouvait conduire à l’exclusion temporaire de l’hôtel de la plateforme ou à une baisse de son classement, voire même à la résiliation du contrat de partenariat.

À la suite des engagements pris à l’égard des autorités de la concurrence italienne, française et suédoise, Booking.com a adapté ses clauses de parité dans l’Espace économique européen (“EEE”) et en Suisse dès le 1er juillet 2015. Expedia en a fait de même dès le 1er août 2015 et HRS a déclaré dans le cadre de la procédure être prête à adapter ses contrats en Suisse moyennant un accord amiable à conclure avec la Comco. Selon ces clauses de parité moins restrictives (“clauses de parité au sens étroit” ; “enge Paritätsklauseln”), les hôtels partenaires doivent se tenir au principe de la parité tarifaire pour leurs propres offres directes en ligne mais sont libres quant aux prix pratiqués sur d’autres plateformes en ligne. Par ailleurs, les hôtels partenaires ne sont plus obligés d’offrir à leur cocontractant un nombre de chambres égal ou supérieur à celui offert à des plateformes concurrentes. Enfin, les

nouvelles clauses prévoient des exceptions au principe de la parité tarifaire imposé aux hôtels, ces derniers pouvant offrir des prix inférieurs sur leurs canaux directs hors ligne (téléphone, fax, e-mail, etc.) ainsi que dans le cadre de programmes de fidélité à leurs clients (groupes d’utili-sateurs dits fermés), à la condition que ces prix ne soient pas rendus publics.

Dans sa décision, la Comco a relevé que ces nouvelles clauses de parité paraissent, à tout le moins d’un point de vue formel, moins restrictives. Néanmoins, leurs effets sur la concurrence doivent encore être observés, de sorte qu’il était trop tôt pour se prononcer sur leur compatibi-lité au regard de la loi sur les cartels ; à ce stade, il n’était pas possible de conclure un accord amiable portant sur ces clauses moins restrictives, tel que demandé par HRS (art.  29  LCart). Ainsi, la décision de la Comco du 19 octobre 2015 ne porte que sur les clauses de parité au sens large.

Application de la loi sur les cartelsLa Comco a retenu que les conditions d’application de la loi sur les cartels étaient réunies en l’espèce, relevant notamment que les gestionnaires de plateformes en ligne visés par l’enquête sont des entreprises offrant des services de réservation d’hôtels en Suisse et que les clauses de parité ont des effets dans ce pays (art. 2 LCart). Dans ce cadre, la Comco a écarté l’argument selon lequel les parties sont liées par un accord d’agence échappant à la loi sur les cartels. Une telle exception n’entre pas en considération dans le cas d’espèce, les plateformes de réservation en ligne nécessitant des investissements importants et spé-cifiques au marché (avec un renvoi aux principes retenus par la Comco dans sa décision Costa Kreuzfahrten, DPC  2013/4 476, ainsi qu’aux pts.  12 ss des Lignes directrices européennes sur les restrictions verticales, appliqués par analogie conformément au considérant IV de la Communication de la Comco en matière d’ac-cords verticaux du 28 juin 2010, ci-après “CommVert”). D’ailleurs, une telle exception n’a aucunement été envi-sagée dans les procédures parallèles engagées sur le plan européen, la Comco renvoyant en particulier à la décision de l’autorité allemande (Bundeskartellamt, 20 décembre 2013, HRS, déc. B9-66/10, paragraphe 8).

Accords verticaux ne relevant pas de l’art. 5, al. 4 LCartLa Comco a examiné si les clauses de parité constituent des accords en matière de concurrence (art. 4, al. 1 LCart). Elle a retenu qu’elles reflètent une action consciente et voulue des parties, dès lors qu’elles sont expressément prévues dans les accords liant les agences en ligne et les hôtels ; même si Booking.com détient une position forte sur le marché (voir ci-après la section relative à la position dominante) la pression en résultant n’est pas suffisante pour exclure une concordance des volontés. De plus, les clauses de parité tarifaire visent une restriction à la concurrence dès lors que les hôtels partenaires se voient soumis à une interdiction de pratiquer des prix plus avantageux que ceux sur la plateforme concernée. L’autorité de la concurrence a par ailleurs retenu que les clauses dans leur ensemble, y C

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compris celles relatives à la disponibilité de chambres et aux autres conditions, ont eu pour effet une restriction de concurrence. Par ailleurs, même s’ils ont un effet sur la concurrence au niveau des plateformes de réservation en ligne et des autres canaux de distribution (effet horizontal), ces accords lient des entreprises situées sur des échelons différents du marché ; il s’agit d’accords verticaux.

La Comco s’est ensuite penchée sur la question de savoir si les clauses de parité tarifaire doivent être considé-rées comme des prix de vente minimum ou des prix de vente fixe, soit comme une restriction verticale qui est présumée entraîner la suppression d’une concurrence efficace et qui est sanctionnée d’une amende (art. 5, al. 4 en lien avec l’art.  49a, al.  1 LCart). Elle a observé que les clauses de parité tarifaires n’ont pas pour objet la fixation du prix ou d’un élément de celui-ci de manière absolue, mais plutôt un effet sur les prix relatifs prati-quées par différents canaux de distribution. De plus, ces clauses n’imposent pas une obligation à l’agent en aval, mais plutôt une obligation de l’hôtel partenaire en amont, qui s’engage à ne pas offrir ses prestations à un prix plus avantageux sur d’autres canaux de distribution. Or, selon l’opinion dominante en doctrine, qui s’inspire de la position en droit européen, seules des limitations de la liberté du revendeur en aval – et non du fournisseur en amont – peuvent relever d’un accord de fixation de prix. Enfin, lesdites clauses ne fixent pas de manière indirecte les prix finaux, les hôtels partenaires étant toujours libres de baisser leurs prix. La Comco a notamment relevé que la situation n’était pas comparable à celle des affaires des livres numériques, dans lesquelles les éditeurs ont recouru à des clauses de parité afin d’augmenter le prix final (décision de la Commission européenne du 25.72013, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52013XC1224(04) ; voir aussi l’affaire Apple, https://www.justice.gov/atr/case/us-v-apple-inc-et-al). Ainsi, la Comco a conclu que l’art. 5, al. 4 LCart n’était pas applicable en l’espèce.

Marché pertinentAvant d’examiner les effets des clauses de parité sur la concurrence, la Comco a d’abord défini le marché per-tinent, retenant celui de la réservation d’hôtels par les clients finaux au moyen de plateformes en ligne en Suisse.

La Comco a indiqué que les gestionnaires de plateformes agissent en tant qu’intermédiaires entre deux groupes de demandeurs, les hôtels et les clients finaux. L’activité se caractérise par un effet de réseau indirect important (plus nombreux sont les hôtels représentés, plus l’attractivité de la plateforme est grande), par le fait que le coût d’uti-lisation n’est pas supporté (directement) par le client final mais par l’hôtel, par la conclusion de transactions direc-tement entre l’hôtel et le client final et par la possibilité pour les deux groupes de demandeurs d’être actifs sur plusieurs plateformes (Multihoming). On peut parler de marché bilatéral (“zweiseitigen Markt”).

Sur la base de ces caractéristiques, la Comco a examiné les alternatives permettant aux hôtels de commercialiser leurs services et les a toutes écartées du marché pertinent.

En particulier, elle a considéré que la réservation directe hors ligne n’est pas un substitut efficace. Elle a aussi écarté les systèmes de distribution globaux (Global Distribution Systems) destinés aux professionnels (se référant notam-ment à la décision COMP/M.4523 Travelport/Worldspan) ou encore les organisateurs de voyages, qui achètent des nuitées pour les revendre, offrant ainsi un produit dif-férent aux clients (package). Par ailleurs, les portails de référence (permettant aux clients d’évaluer les hôtels), les méta-moteurs de recherches (qui rassemblent des données sur les prestataires et les comparent) et les  moteurs de recherches (Google, Bing) ne sont pas des substituts car ils ne permettent pas de procéder à des réservations. D’autres canaux, tels que les organisateurs de confé-rences et d’événements ou les organisations touristiques, ne jouent qu’un rôle marginal. Enfin, il n’y a pas lieu de retenir un marché séparé pour chacune des plateformes en ligne visées par l’enquête.

Géographiquement, la Comco a retenu que le marché est national (la Suisse), conformément à la pratique de la Comco dans le domaine du voyage (e.g. DPC 2000/3 399, TUI c/ Kuoni) et la pratique de la Commission euro-péenne et en se fondant également sur la décision de l’autorité allemande (Bundeskartellamt, 20  décembre 2013, HRS, déc. B9-66/10).

Restriction notable de la concurrence La Comco a ensuite examiné la question de savoir si les clauses de parité affectent de manière notable la concur-rence (art. 5, al. 1 LCart). À titre liminaire, elle a observé que les clauses de parité ne font pas partie des accords énumérés au chiffre 12, alinéa 2 de la CommVert et consi-dérés comme qualitativement graves, de sorte qu’un examen individuel s’impose.

Analysant d’abord l’effet sur la concurrence au niveau des hôtels, elle est parvenue à la conclusion que les clauses ont un impact qualitatif réduit, notamment en matière de prix. En particulier, les hôtels sont libres de fixer leurs prix (concurrence intermarques). En revanche, les clauses ont un impact sur la concurrence intramarque, soit sur le prix offert pour des nuitées d’un hôtel donné par différents canaux de distribution ; cet effet est toute-fois limité dans le temps : il concerne l’offre à un moment précis pour des chambres spécifiques et les conditions y relatives.

Pour ce qui est de la concurrence entre plateformes de réservation en ligne, la Comco a retenu que les clauses de parité ont un impact qualitatif significatif. Spécifiquement, les clauses de parité tarifaire empêchent de relayer au consommateur final un signal sur les coûts liés à la réservation en ligne. Ainsi, les clients finaux n’ob-tiennent aucun avantage financier s’ils réservent une chambre sur une plateforme en ligne qui pratique des commissions plus faibles ; de tels clients subventionnent en partie le coût des réservations de clients recourant à des plateformes pratiquant des commissions plus élevées. De plus, les clauses de parité relatives à la disponibi-lité de chambres et aux autres conditions empêchent les hôtels partenaires de privilégier les plateformes en ligne C

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pratiquant des commissions plus faibles ; en particulier, les hôtels ne peuvent réagir à une hausse des commis-sions, en limitant le nombre de chambres disponibles ou en adaptant leurs conditions. Ainsi, la concurrence entre les plateformes de réservation relative aux commissions est pratiquement éliminée.

Passant à l’examen de l’impact quantitatif sur la concur-rence, la Comco a relevé que le marché est hautement concentré, les trois gestionnaires de plateformes visés par l’enquête détenant une part prépondérante du marché pertinent (en 2012 : 60-70 % pour Booking.com, 10-20 % pour HRS et 10-20% pour Expedia). Elle a retenu que l’entrée potentielle de concurrents ne pourrait avoir une influence significative et que les hôtels et les clients finaux ne disposent pas d’un contre-pouvoir suffisant. À  cela s’ajoute que les clauses exigées ont un impact horizontal qui concerne non seulement le marché pertinent mais qui s’étend à d’autres canaux de distribution alternatifs. Ainsi, du point de vue quantitatif, l’effet restrictif est substantiel.

En conclusion, tenant compte des critères qualitatifs et quantitatifs, les clauses de parité tarifaire et les clauses de parité de disponibilité de chambres conduisent pra-tiquement à une suppression de la concurrence entre les plateformes de réservation en ligne.

Restriction non justifiée par des motifs d’efficacité économiqueLa Comco a ensuite examiné la question de savoir s’il y avait d’éventuels motifs d’efficacité économique pouvant justifier la restriction notable à la concurrence (art.  5, al. 2 LCart).

Elle a nié une justification sous l’angle de l’élimination du parasitisme (free riding, Point-of-Sale-Services-Argument). À titre liminaire, la Comco s’est référée à sa pratique, en relevant que cet argument a généralement été écarté dans des enquêtes liées à la vente en ligne. Elle a reconnu que les services hôteliers sont des produits d’expérience, de sorte qu’il est difficile pour le client final d’évaluer leur qualité. Elle a toutefois rejeté l’argument d’un effet “réclame” lié au recours à des plateformes en ligne, qui augmenterait les réservations directes auprès des hôtels (Billboard-Effect). De plus, elle a considéré que les plateformes de réservation en ligne n’offrent pas de conseils ou d’autres services requérant des investissements justifiant une protection particulière. Enfin, la Comco a relevé que, même si un problème de parasitisme pouvait être retenu, il conviendrait de tenir compte de l’effet inverse, les plateformes en ligne bénéfi-ciant aussi des efforts promotionnels des hôtels.

La Comco a aussi rejeté les arguments de protection des investissements spécifiques au contrat (hold-up problem), retenant que les investissements liés à l’admission d’un hôtel sur une plateforme de même que l’importance de chaque hôtel par rapport à la marche des affaires d’une plateforme sont mineurs. Elle a aussi écarté l’argument selon lequel les clauses de parité avaient pour effet de garantir le meilleur prix au client lui permettant de limiter ses coûts de recherche et d’augmenter ainsi sa satisfaction.

En conclusion, la Comco a rejeté une justification fondée sur des motifs d’efficacité économique.

Rejet de l’argument du risque de modification structurelle du marchéEnfin, la Comco a rejeté l’argument selon lequel la sup-pression des clauses de parité aurait pour effet de modifier la structure du marché, transformant les plateformes de réservation d’hôtels en de simples moteurs de recherche. Outre le fait que le droit de la concurrence a pour but de protéger la concurrence et non les concurrents, un tel argument de politique structurelle ne pourrait être invoqué que dans le cadre d’une demande d’autorisation exceptionnelle (art. 8 LCart).

Pas d’abus de position dominante La Comco a considéré qu’il existe des indices impor-tants en faveur d’une position dominante de Booking.com sur le marché pertinent, en particulier sa part de marché importante (70-80 % en 2013) et l’absence d’un effet disciplinant liée à une concurrence potentielle ou à un contre-pouvoir des hôtels.

En revanche, l’existence d’une position dominante collective détenue par Booking.com avec Expedia et HRS paraît plutôt improbable, en dépit d’une concentration importante du marché, de la transparence et de l’homogénéité des produits. À cet égard, la Comco a retenu l’absence d’une stabilité des rapports sur le marché, Booking.com ayant augmenté sa part de marché en très peu de temps au détriment d’Expedia et HRS, ainsi qu’une asymétrie des parts de marché.

Cela étant, un lien de causalité entre la position dominante de Booking.com et les clauses de parité exigées n’a pu être établi. Ces clauses ont été introduites à un moment où Booking.com ne détenait probablement pas une position dominante. Par ailleurs, des entreprises détenant des parts de marché nette-ment plus faibles ont réussi à imposer des clauses similaires à leurs partenaires. La Comco a donc écarté l’abus de position dominante par l’imposition de conditions commerciales inéquitables (art. 7, al. 2, let. c LCart). Elle a aussi retenu qu’il n’y avait pas d’indices suffisants relatifs à une limita-tion des débouchés des concurrents (art. 7, al. 2, let. e LCart).

Par conséquent, même si une position dominante devait être retenue, l’abus d’une telle position a été exclu.

Interdiction mais pas de sanction En conclusion, se fondant sur l’existence d’un accord illicite (art. 5, al. 1 LCart), la Comco a fait interdiction à Booking.com, Expedia et HRS de recourir à des clauses de parité au sens large relatives aux tarifs, disponibilités de chambres et conditions concernant l’hébergement, dans leurs contrats avec les hôtels partenaires ou de prendre des mesures per-mettant d’arriver à un tel résultat. Aucune sanction n’a été imposée, l’application de l’article 5, alinéa 4 LCart (accords verticaux durs) et de l’article  7  LCart (abus de position dominante) ayant été écartée (art. 49a, al. 1 LCart).

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236 Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères

À NoTER

Accords de distribution – Protection territoriale absolue – Fixation de prix – Sanctions : Le Tribunal administratif fédéral suisse applique des critères d’appréciation différenciés en matière d’accords verticaux durs, accroissant la confusion dans ce domaine (TAF, 13 nov. 2015, BMW, B-3332/2012, DPC 2015/4 801 ; TAF, 17 déc. 2015, Altimum, B-5685/2012, DPC 2015/4 845)

L’an passé, le Tribunal administratif fédéral (ci-après “le TAF”), soit le tribunal qui a le pouvoir de revoir les décisions de la Commission de la concurrence (ci-après “la Comco”) avec plénitude de juridiction, a rendu deux arrêts en matière d’accords verticaux, l’un porte sur une restriction territoriale et l’autre sur des prix de revente. Force est de constater que ces deux arrêts ajoutent une confusion supplémentaire à la notion de restriction notable à la concurrence.

Pour nos confrères étrangers, l’on rappellera que le droit suisse n’est pas fondé sur le principe de l’illicéité des accords restrictifs de concurrence, mais sur l’illicéité de leurs conséquences nuisibles, ce qui suppose a priori un examen, sous une forme ou sous une autre, de leurs effets. En effet, conformément à l’article 94, alinéa 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18  avril 1999, “la Confédération légifère afin de lutter contre les conséquences sociales et économiques dom-mageables des cartels et des autres formes de limitation de la concurrence”. Partant, sont illicites selon l’article 5, alinéa 1 de la loi fédérale sur les cartels (ci-après “LCart”), les accords qui affectent de manière notable la concur-rence sur le marché de certains biens ou services. Cela étant, la loi sur les cartels présume à l’article 5, alinéas 3 et 4 LCart, que certains accords suppriment la concur-rence efficace parce qu’ils sont réputés particulièrement nuisibles. Il s’agit des accords horizontaux sur les prix, les quantités et la répartition de territoires ou de clients, et des accords verticaux qui imposent un prix de revente ou qui “attribuent des territoires, lorsque les ventes par d’autres fournisseurs agréés sont exclues”. La  méthode suivie par la Comco et la jurisprudence consiste à examiner si la présomption de suppression de la concur-rence est confirmée ou renversée, ce qui sera généralement le cas lorsque subsiste une concurrence suffisante intra-marque et/ou intermarques (pour une explication plus complète de la méthode, voir J.  Xoudis, “Le Tribunal administratif fédéral suisse confirme les sanctions infli-gées par la Commission de la concurrence au fabricant suisse des dentifrices et à son preneur de licence autri-chien pour entrave illicite aux importations parallèles (GABA-Gebro)”, Concurrences n° 2-2014, pp. 214, 215-216). Dans ces cas, l’autorité examine si l’accord conduit néanmoins à une restriction notable à la concurrence efficace et partant est illicite.

Le premier arrêt, rendu le 13  novembre 2015 (affaire BMW, DPC 2015/4, p. 801), confirme la décision de la Comco sanctionnant BMW pour avoir passé des accords

avec ses partenaires dans l’EEE autorisant ces derniers à distribuer des véhicules dans ce territoire seulement, donc pas en Suisse (pour un résumé de cette décision, voir P. Kobel, “La Commission suisse de la concurrence sanctionne un fabricant européen de véhicules automo-biles pour avoir restreint les exportations de véhicules de l’EEE vers la Suisse (BMW)”, Concurrences n° 1-2013, n° 50784, pp. 218-221). Dans le cadre des nombreux moyens invoqués par BMW, celle-ci argua de ce que la Comco n’avait apprécié que la notabilité qualitative de l’accord, soit son caractère nuisible abstrait, résultant de sa seule qualification juridique : BMW estimait que la Comco avait, à tort, omis d’apprécier la notabilité quan-titative de cet accord. En réponse, le TAF se référa à son arrêt Gaba cité ci-dessus. Il confirma que les accords de protection territoriale absolue font partie des accords les plus dommageables en droit des cartels. Quant à l’appré-ciation quantitative de la notabilité, le TAF rappela que la loi établissant une présomption selon laquelle de tels accords supprimeraient la concurrence, il était juste d’en déduire a maiore a minus que de tels accords ont égale-ment des effets notables sur la concurrence (DPC 2015/4, c. 9.1.4). En principe donc, la question de la notabilité quantitative et donc de l’examen concret des effets de tels accords verticaux n’est pas nécessaire. Ce nonobstant et pour le cas où la requérante aurait eu raison, le TAF ajoute que la Comco a, de toute façon, procédé à une analyse de la notabilité quantitative et rejette les griefs invoqués par la requérante à ce sujet.

Le second arrêt rendu le 17  décembre 2015 (affaire Altimum, DPC 2015/4, p. 845), porte sur les prix de revente de matériel de haute montagne, convenus selon la Comco, simplement recommandés dans la plupart des cas selon le TAF, entre l’importateur Altimum et ses reven-deurs. Le  TAF donne tort à la Comco. Après avoir constaté que la Comco n’avait en fait établi l’existence d’un accord sur le prix de revente de lampes frontales que pour deux revendeurs, le TAF considéra que la concur-rence intramarque n’avait pas été supprimée de sorte que la présomption pouvait être renversée. Sur la nota-bilité des restrictions imposées par ces accords, le TAF rappelle les principes qu’il a posés dans ses arrêts Gaba et BMW susmentionnés. Il relève toutefois que ces principes seront examinés prochainement par le Tribunal fédéral, soit l’instance judiciaire suprême en Suisse. Partant, il s’en départ et conclut qu’en matière d’accords verticaux sur les prix de revente, il n’y a pas lieu de s’éloigner de la pratique usuelle concernant l’appréciation de la notabi-lité, de sorte qu’il faut donc examiner celle-ci du point de vue qualitatif et quantitatif. Dans le cas d’espèce, la part de marché affectée par les accords constatés ne dépassant pas 12 %, les accords ne sont pas notables.

Nous avons donc en Suisse une juridiction qui, au sujet de la même disposition légale, l’article 5, alinéa 4 LCart, établit des standards d’illicéité différents selon qu’il s’agit de restriction territoriale ou de fixation de prix de revente. Ces deux arrêts font l’objet d’un recours au Tribunal fédéral qui une fois encore est appelé à jouer les arbitres. Une partie de la réponse à la question de savoir si, en matière de restrictions territoriales, la nota-bilité peut ne s’apprécier que du point de vue qualitatif C

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Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères 237

comme le prétend le TAF, ou doit s’apprécier également du point de vue quantitatif, viendra déjà avec l’arrêt tant attendu dans l’affaire Gaba. Peut-être aussi que les prin-cipes que le Tribunal fédéral posera dans cet arrêt auront déjà pour effet d’éliminer cette dichotomie entre accords territoriaux et accords sur les prix de revente et de faire en sorte que tous seront jugés à la même aune.

P. K. n

4. États-UnisAction de groupe – Propriété intellectuelle – Accords de report d’entrée : La Cour d’appel du premier circuit juge que les accords de reports d’entrée non-monétaires relèvent du droit antitrust (U.S. Court of Appeals, First Circuit, 22 fév. 2016, Loestrin, n° 14-2071 et 15-1250)

Le secteur pharmaceutique et la commercialisation des médicaments sont des domaines dans lesquels il est désormais habituel de voir intervenir le droit fédéral de la concurrence. Les grands laboratoires doivent réguliè-rement faire face à des actions antitrust. Parfois, c’est le droit de la monopolization qui est mis en œuvre, lorsque l’entreprise est la seule à commercialiser un médica-ment. C’est le cas, actuellement, des poursuites sur le fondement de ventes liées illicites auxquelles doit faire face Sanofi dans l’affaire du vaccin MCV4 : une bataille d’experts économistes a eu lieu et Sanofi vient de perdre la première manche, avec la validation de la fiabilité des expertises adverses et des conditions de certification d’une class action (Adriana M. Castro et al., v. Sanofi Pasteur Inc., Civil Action n°  11-7178, 30  sept. 2015). Parfois, c’est le droit des ententes qui est mobilisé, lorsque des laboratoires concurrents concluent des accords relatifs à la commercialisation de leurs produits (J.-C.  Roda, Les ententes entre laboratoires concurrents, in Les pra-tiques de l’industrie pharmaceutique au regard du droit de la concurrence, dir. I.  Moine-Dupuis et C.  Fortier, CREDIMI/Litec 2010). Ces accords interviennent fré-quemment dans le contexte de guerre de brevets. C’est la problématique désormais bien connue des accords de report d’entrée qui a donné lieu à un important conten-tieux et sur lequel s’est prononcée la Cour suprême, en 2013, dans l’affaire Actavis (Federal Trade Commission v. Actavis, 133 S.Ct 2223, 2013 : Concurrences n° 3-2013, p. 180, obs. J.-C. Roda ; v. le dossier The Actavis Decision: Clear Guidance for the Courts or a Recipe for Turducken? Antitrust, 2013, avec les contributions de A.  Edlin, S.  Hemphill, H.  Hovenkamp et C.  Shapiro). Dans cet arrêt important et très commenté, la Cour a jugé que ces accords devaient être analysés sous l’angle de la règle de raison. Il faut dire que la question de l’accès aux médica-ments pour les consommateurs est au cœur des tensions entre droit antitrust et droit de la propriété intellec-tuelle. Les autorités américaines cherchent à adopter une approche raisonnable pour appréhender cette opposition. Les interrogations sont toutefois loin d’être résolues, à l’heure où l’idée du “médicament essentiel” s’impose de

plus en plus au plan international (v. par ex. la décision des membres l’OMC du 6 nov. 2015, de proroger l’exemption relative aux brevets sur les médicaments pour les PMA : site internet de l’OMC). Surtout, après l’affaire Actavis, des hésitations jurisprudentielles ont vu le jour, en parti-culier en ce qui concerne les accords de report d’entrée offrant en contrepartie d’autres prestations que le ver-sement d’indemnités (pour un panorama très complet, v. A.  Acosta, E.  Grannon, T.  Grant, H.  McDevitt et K.  O’Shaughnessy, US: Pharmaceutical Antitrust, The Antitrust Review of the Americas 2016, sur le site Internet de la Global Competition Review).

L’affaire sous commentaire concerne précisément cette catégorie d’accords de reports d’entrée (In re Loestrin 24 Fe Antitrust Litigation, U.S. Court of Appeals, ___F3d___ n° 14-2071 et 15-1250, 22 fév. 2016). En l’espèce, l’entre-prise Warner, aujourd’hui détenue par le groupe Actavis, fabrique un contraceptif oral sous la marque Loestrin 24. Celui-ci est protégé par un brevet. L’entreprise Watson Pharmaceuticals a averti Warner qu’il souhaitait com-mercialiser une version générique du Loestrin 24, ce qui a conduit le laboratoire princeps à poursuivre le généri-queur en justice pour infraction à la règlementation des brevets. Comme souvent dans ce type de conflits, un accord transactionnel a finalement été conclu entre les parties, aux termes duquel Watson a accepté de retarder la mise sur le marché de son contraceptif générique. En échange, Watson a conclu divers accords promotionnels avec Warner et a reçu l’assurance, de la part de ce dernier, qu’il ne commercialiserait pas de version générique de son propre contraceptif. Quelques temps plus tard, le laboratoire Lupin a annoncé vouloir mettre sur le marché une version générique du Loestrin 24. Une action pour violation du brevet de Warner a été intentée et un accord transactionnel similaire à celui négocié avec Watson a été conclu.

Deux catégories de plaignants ont alors entrepris de se regrouper sous forme de class actions pour attaquer ces accords entre concurrents : il s’agit d’une part des ache-teurs directs de Loestrin 24, le plus souvent des officines et des grandes chaînes de distribution, et d’autre part, des consommateurs finaux du contraceptif. Chacune de ces deux classes de plaignants, en cours de constitu-tion, estiment que les accords transactionnels négociés par Warner avec ses concurrents constituent des accords de report d’entrée illicites qui violent la section  1 du Sherman Act. Les actions ont été regroupées devant le Tribunal fédéral du District du Rhode Island. Devant elle, était examinée la question de savoir si les accords liti-gieux tombaient dans la catégorie des accords de report d’entrée identifiés par la Cour suprême dans l’arrêt Actavis, afin de savoir si le cadre d’analysé dégagé par la Haute juridiction pouvait s’appliquer aux faits. Or, le Tribunal fédéral du District du Rhode Island a considéré que, à la différence de l’affaire Actavis, les accords en question n’étaient pas des accords monétaires : il s’agis-sait de “non-cash reverse payment”. Selon le Tribunal, la jurisprudence Actavis devait s’appliquer uniquement aux accords dans lesquels des sommes d’argent sont versées en contrepartie, ce qui l’a conduit à écarter les demandes des plaignants. Ces derniers formèrent alors un recours C

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238 Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères

devant la Cour d’appel du premier Circuit. Dans une décision du 22  février 2016, la juridiction d’appel a infirmé le jugement du Tribunal fédéral du District du Rhode Island.

La négociation d’accords de report d’entrée “non monétaires”Le cœur du litige concernait donc la nature des accords négociés entre les parties. Ceux-ci se différentiaient de l’affaire Actavis, en ce qu’ils obligeaient le laboratoire princeps, non pas à verser des indemnités, mais à respecter certains comportements sur le marché. Pour mémoire, dans l’affaire jugée devant la Cour suprême en 2013, le laboratoire Solvay avait accepté de transiger avec les génériqueurs Watson et Paddock, à propos de la commer-cialisation de génériques de l’AndroGel, pour une somme globale de plus de 70 millions de dollars. Au passage, on relèvera que, à l’instar de l’entreprise Watson, certains génériqueurs continuent d’adopter des stratégies de contestation de brevets pour ouvrir la voie à des accords transactionnels favorables. Certains auteurs avaient pu affirmer que la décision Actavis marquerait le déclin de telles pratiques, dans la mesure où le risque d’applica-tion des règles antitrust demeurait important. L’affaire du Loestrin 24 semble indiquer que ces craintes ont sans doute été exagérées, même si les autorités fédérales ont pu noter un recul dans la conclusion d’accords de compen-sation purement financiers (J. Towey et B. Albert, Is FTC v. Actavis Causing Pharma Companies to Change Their Behavior? 13 janv. 2016, disponible sur le site Internet de la FTC).

Dans la présente affaire, aucune indemnité n’avait donc été versée. En échange du report de la mise sur le marché du générique du Loestrin 24, Warner s’était en revanche engagé à assurer toutes une série de services ou pres-tations en faveur de Watson. D’abord, Warner s’était engagé à ne pas vendre ou licencier une version générique de son contraceptif pendant une période de 180  jours correspondant aux 180 premiers jours de commercialisa-tion du produit mis en vente par Watson. Ensuite, Warner devait accorder à Watson “une licence mondiale, irrévo-cable, sans royaltie, non exclusive et entièrement payée” pour commercialiser le Loestrin  24 jusqu’au 22  janvier 2014. Warner s’était encore obligé à régler des droits annuels et un pourcentage net de ses ventes devait assurer la co-promotion avec Watson du Femring, un traitement hormonal fabriqué par Warner. Ce dernier labora-toire avait également accordé à Watson le droit exclusif de recouvrer les bénéfices des ventes du générique du contraceptif élaboré par lui lors des dernières étapes de son développement. Warner s’était aussi engagé à ne pas accorder de licence pour l’exploitation du générique du Loestrin  24 tant qu’une période de 180  jours ne se serait pas écoulée après l’entrée sur le marché de Watson. Enfin, une “clause d’accélération” avait été négociée, par laquelle Watson pouvait commercialiser son générique avant la date du 22 janvier 2014, dans l’hypothèse où un autre laboratoire aurait décidé de vendre un générique du Loestrin 24 et ce, afin de dissuader tout autre génériqueur de faire son entrée sur le marché avant Watson.

L’accord conclu avec le laboratoire Lupin pouvait appa-raître moins contraignant. Sans doute cela était dû au fait que ce dernier n’était pas le concurrent le plus menaçant sur le marché. Quoiqu’il en soit, le laboratoire Warner s’était d’abord engagé à accorder à Lupin une licence non exclusive pour le Femcom Fe, un autre contraceptif oral fabriqué par Warner. Warner avait ensuite octroyé à Lupin le droit d’acheter et de vendre, sur tout le territoire des États-Unis, une version générique de l’Asacol 400 mg, un anti-inflammatoire fabriqué par Warner. Enfin, Warner avait accepté de régler les frais d’avocats de Lupin, nés du litige relatif à la contestation du brevet du Loestrin 24, pour un montant resté secret.

Sans trop s’engager sur une analyse substantielle de ces accords de report d’entrée, la Cour d’appel reconnaît qu’il est délicat d’en mesurer les impacts sur le marché. Le Tribunal du District du Rhodes Island s’abritait derrière cette difficulté en estimant qu’il était “quasi-ment impossible” de le faire lorsque les accords en cause n’impliquent pas de versement de sommes d’argent. À raison, cette vision des choses est contestée par la Cour d’appel. Certes, cette dernière reconnaît que l’avantage des accords de “cash payments” est qu’ils permettent de donner une indication du pouvoir de marché des acteurs en présence. De tels accords “reflètent l’estimation du coût pour d’évitement du litige et la valeur des services rendus”. Comme l’avait indiqué la Cour suprême dans l’affaire Actavis, “l’importance du paiement effectué par un fabri-cant de médicament pour contrer l’entrée d’un générique est en lui-même un fort indicateur de pouvoir”. Pour autant, et même si l’importance des paiements est un indicateur intéressant, les juridictions sont habituées à déterminer le pouvoir de marché à partir d’autres facteurs. Pour la Cour d’appel, le droit antitrust comprend des cadres d’analyse suffisamment complexes et précis pour pouvoir déterminer la nocivité d’accords contractuels sur le marché, que ceux-ci se traduisent par le versement d’in-demnités, ou par la négociations de services marketing, d’engagements de non-commercialisation ou d’accords de propriété intellectuelle.

Les accords les plus problématiques sont ceux par lesquels le laboratoire princeps s’engage à ne pas commercialiser son propre générique (i.e. “no-AG Commitments”, “AG” désignant “génériques autorisés”), directement ou par l’intermédiaire d’un licencié. On sait que la Federal Trade Commission est très méfiante à l’égard de telles pratiques et la Cour suprême ne s’est pas prononcée sur leur éven-tuelle nocivité. Selon les autorités fédérales, ces pratiques pourraient être néfastes pour le consommateur, à double titre : d’une part, en empêchant la diminution du prix du médicament original au cours de la période de “report” ; d’autre part, en réduisant la concurrence sur le marché des génériques, ce qui aurait pour effet d’augmenter les prix de ces produits (J. Towey et B. Albert, préc.). De nombreux praticiens et entreprises du secteur pharmaceutique contestent cette analyse, tandis que la doctrine économique demeure partagée. Dans une affaire similaire à celle étudiée, la Cour d’appel du 3ème Circuit a estimé que de tels accords étaient sans doute moins nocifs que les “reverse cash payments”, sans toutefois mésestimer leurs effets poten-tiellement négatifs, jugeant alors qu’il était nécessaire de C

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Concurrences N° 2-2016 I Chroniques I Jurisprudences européennes et étrangères 239

les inclure dans le champ du contrôle de l’antitrust (King Drug Co. of Florence, Inc. v. Smithkline Beecham Corp., n° 14-1243, 3rd Cir., 26  juin 2015). S’alignant sur cette tendance, la Cour d’appel du premier Circuit a estimé qu’il ne fallait pas considérer a priori ces accords comme des pratiques neutres ou inoffensives.

Les accords de report d’entrée “non-monétaires” sont assimilables aux accords de “cash payments”Comme l’avait fait le Tribunal du District du Rhode Island en première instance, la Cour d’appel du premier Circuit a décidé de se focaliser sur le point de savoir si les accords de “non-cash reverse payment” devait se voir appliquer ou non la jurisprudence Actavis. L’analyse concurrentielle est donc hors de propos dans la présente décision. Il est ici question de qualification et de champ d’application du droit antitrust (“scrutiny”). Or, selon la Cour d’appel, le Tribunal a commis une erreur en consi-dérant que la décision rendu par la Cour suprême en 2013 concernait uniquement les accords de reports d’en-trées négociés en contrepartie de sommes d’argent (“cash payments”). La censure est même assez sèche, les juges soulignant à plusieurs reprises la naïveté et les nettes erreurs d’appréciation du Tribunal. La Cour d’appel, reprenant la décision Actavis, souligne ainsi que les accords sur lesquels la Cour suprême a fondé son analyse, comportaient aussi des services non monétaires. En par-ticulier, la Cour d’appel note que des engagements pour faire la promotion des médicaments princeps avaient été conclus, en plus des indemnités payées. Certes, dans l’af-faire Actavis, ces accords étaient secondaires au regard des sommes considérables qui avaient été versées par Solvay aux génériqueurs. Il est vrai, également, que les services marketing rendus avaient été conclus au bénéfice de Solvay. Mais la Cour d’appel conclut que “ce simple fait démontre que la Cour suprême a reconnu qu’un accord déguisé de manipulation des prix, par lequel un fabricant princeps surpaie effectivement un fabricant de génériques pour des services rendus, peut être qualifié d’accord de report d’entrée sujet à l’application des règles antitrust et milite contre une limitation de la portée de la jurisprudence de la Cour aux seuls accords purement monétaires”.

La solution est logique. Si, effectivement, la décision Actavis se concentrait surtout sur des accords prévoyant le versement d’importantes sommes d’argent, le langage employé, ainsi que le recours à la règle de raison, indi-quaient qu’il faut avoir une vision pragmatique et très concrète des pratiques du marché pharmaceutique. Il est clair que la Cour suprême n’a pas voulu restreindre son raisonnement à ces seules catégories de transactions. Cette approche est conforme à celle habituellement employée dans le contentieux antitrust qui doit faire pré-valoir “la substance sur la forme” (American Needle v. NFL, 560 U.S. 183, 2010 : Cah. Dr. Sport, n°  23, 2011, comm. J.-C. Roda), en particulier dans les cas où le cadre d’analyse n’est pas celui de la prohibition per se.

L’argument reposant sur l’analyse téléologique du droit antitrust aurait amplement pu suffire pour convaincre. La Cour d’appel prend néanmoins la peine de renforcer

celui-ci en se lançant dans une exégèse de la notion de “paiement”. La Cour d’appel relève en effet que la décision Actavis vise les accords de paiement, en général. S’appuyant sur le Black’s Law Dictionnary, les juges d’appel indiquent que “le paiement est l’exécution de l’obligation qui se traduit par la délivrance d’une somme d’argent ou de quelque chose d’autre de valeur”. La Cour insiste alors sur ce “quelque chose d’autre de valeur” pour souligner que les prestations promotionnelles et autres engagements promis par le laboratoire princeps peuvent correspondre à cette définition.

La solution retenue par la Cour d’appel du premier Circuit fait donc entrer dans le champ du contrôle antitrust des accords qui n’impliquent pas le versement de sommes d’argent, mais des services et des engagements compor-tementaux en contrepartie de report de la mise sur le marché des génériques. Toutefois, la décision du 22 février 2016 ne dit pas que ce type de d’accords transactionnels est nécessairement illicite : ces contrats sont simplement soumis à la règle de raison, tout comme les accords de “cash payments” visés par la Cour suprême dans l’affaire Actavis. Plus généralement, la solution paraît respecter parfaitement l’esprit de la jurisprudence de 2013. Si cette dernière a pris un parti raisonnable en refusant d’ana-lyser les accords de report d’entrée sous l’angle de la prohibition per se, comme le préconisait la Federal Trade Commission, elle indique aussi clairement que ce type d’accord ne doit pas rester en dehors du champ de la régulation antitrust. Dans l’affaire commentée, la Federal Trade Commission avait d’ailleurs appelé de ses vœux une infirmation du jugement de première instance, par la voie d’un amicus brief. Une douzaine d’États s’étaient ralliés à la démarche de l’autorité fédérale. Le message a été clai-rement reçu par la Cour d’appel du premier Circuit pour qui, une interprétation restrictive de la décision Actavis de la Cour suprême se serait traduite par “l’octroi d’une carte blanche aux fabricants de médicaments pour négocier des accords transactionnels potentiellement anticoncur-rentiels, dès lors qu’ils n’impliquent pas de paiement de sommes d’argent”.

D’un point de vue plus pratique, la décision du 22 février 2016 est importante car d’autres juridictions avaient adopté une solution semblable à celle retenue par le Tribunal fédéral du District du Rhode Island (v.  par ex. In re Lamictal Direct Purchaser Antitrust Litig., 18 F. Supp. 3d 560, D. N.J. 2014 ; plus largement, sur ces jurisprudences, v. M. Raptis et M. N. Delanay, Post-Actavis Rulings Focus on What Constitutes a Payment in Reverse-Payment Settlements, Skadden’s 2015 Insights - Global Litigation, janv.  2015). Une partie de la doctrine critiquait ces hésitations de la part des tribunaux fédéraux (T.  Aoki, The Problem of Reverse Payments in the Pharmaceutical Industry following Actavis, Hastings L. J., vol. 67, déc. 2015, p. 259 et s. ; adde J. P. Davis et R. J. McEwan, Deactivating Actavis: The Clash Between the Supreme Court and (Some) Lower Courts, Rutgers U. L. Rev., 2015, vol. 67 p. 557 et s.). La décision commentée s’aligne sur la solution de la Cour d’appel du 3ème Circuit rendue quelques mois auparavant dans une affaire similaire (King Drug Co. of Florence, Inc. v.  Smithkline Beecham Corp., préc.). C

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Cette concordance des jurisprudences est de nature à assurer une plus grande sécurité juridique aux acteurs du marché. (oui)

L’affaire est donc renvoyée. De tout ceci, il ressort que la décision Actavis n’a pas totalement dissuadé les labo-ratoires pharmaceutiques de recourir aux accords de report d’entrée. Simplement, les modalités ont évolué. Plutôt que de recourir aux contrats de “cash payments”, identifiés comme “pratiques à risque” depuis 2013, les entreprises du secteur pharmaceutique semblent s’être rabattues sur des accords non-monétaires du type de ceux examinés dans la présente affaire. Sur le fond, la nocivité de ces pratiques est contestée. Nul doute que la bataille du Loestrin  24 ne fait que commencer, dans la

mesure où les plaignants vont désormais devoir démon-trer que les accords négociés sont déraisonnables et injustifiés, comme l’exige le test établi par l’arrêt Actavis. Or, depuis l’adoption de la jurisprudence Twombly (Bell Atlantic Corp. v. Twombly, 550 U.S. 544, 2007), on sait que les demandeurs doivent établir le caractère “plau-sible” de leurs allégations. Cette tâche s’avère souvent difficile à accomplir en pratique, surtout sur des marchés aussi complexes que celui des produits pharmaceutiques (pour une illustration, v. In re Effexor XR Antirust Litig., Civil Action n° 11:5479 PGS(LHG), 2014 WL 4988410, D. N.J. 6 oct. 2014). To be continued, donc…

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Concurrences est une revue trimestrielle couvrant l’ensemble des questions de droits de l’Union européenne et interne de la concurrence. Les analyses de fond sont effectuées sous forme d’articles doctrinaux, de notes de synthèse ou de tableaux jurisprudentiels. L’actualité jurisprudentielle et législative est couverte par onze chroniques thématiques.

EditoriauxJacques Attali, Elie Cohen, Claus‑Dieter Ehlermann, Ian Forrester, Eleanor Fox, Laurence Idot, Frédéric Jenny, Jean‑Pierre Jouyet, Hubert Legal, Mario Monti, Margrethe Vestager, Bo Vesterdorf, Louis Vogel, Denis Waelbroeck, Marc van der Woude...

InterviewsSir Christopher Bellamy, Thierry Dahan, Jean‑Louis Debré, John Fingleton, François Hollande, Frédéric Jenny, William Kovacic, Neelie Kroes, Christine Lagarde, Emmanuel Macron, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, Christine Varney...

DossiersJacques Barrot, Jean‑François Bellis, David Bosco, Murielle Chagny, John Connor, Damien Géradin, Assimakis Komninos, Christophe Lemaire, Ioannis Lianos, Pierre Moscovici, Jorge Padilla, Emil Paulis, Robert Saint‑Esteben, Jacques Steenbergen, Florian Wagner‑von Papp, Richard Whish...

ArticlesGuy Canivet, Emmanuelle Claudel, Emmanuel Combe, Thierry Dahan, Luc Gyselen, Daniel Fasquelle, Barry Hawk, Nathalie Homobono, Laurence Idot, Frédéric Jenny, Bruno Lasserre, Luc Peeperkorn, Anne Perrot, Nicolas Petit, Catherine Prieto, Patrick Rey, Joseph Vogel, Wouter Wils...

PratiquesTableaux jurisprudentiels : Bilan de la pratique des engagements, Droit pénal et concurrence, Legal privilege, Cartel Profiles in the EU...

InternationalGermany, Belgium, Canada, China, Hong‑Kong, India, Japan, Luxembourg, Switzerland, Sweden, USA...

Droit & économieEmmanuel Combe, Philippe Choné, Laurent Flochel, Frédéric Jenny, Gildas de Muizon, Jorge Padilla, Penelope Papandropoulos, Anne Perrot, Etienne Pfister, Francesco Rosati, David Sevy, David Spector...

ChroniquesEntEntEsLudovic Bernardeau, Anne‑Sophie Choné Grimaldi, Michel Debroux, Etienne Thomas

PratiquEs unilatéralEsFrédéric Marty, Anne‑Lise Sibony, Anne Wachsmann

PratiquEs commErcialEs déloyalEsFrédéric Buy, Muriel Chagny, Valérie Durand,Jean‑Louis Fourgoux, Jean‑Christophe Roda, Rodolphe Mesa, Marie‑Claude Mitchell

distributionNicolas Ereseo, Dominique Ferré,Didier Ferrier, Anne‑Cécile Martin

concEntrationsOlivier Billard, Jean‑Mathieu Cot, Ianis  Girgenson, Jacques Gunther, Sergio Sorinas, David Tayar

aidEs d’étatJacques Derenne, Bruno Stromsky, Raphaël Vuitton

ProcédurEsPascal Cardonnel, Alexandre Lacresse, Christophe Lemaire

régulationsLaurent Binet, Hubert Delzangles, Emmanuel Guillaume, Jean‑Paul Tran Thiet

misE En concurrEncEBertrand du Marais, Arnaud Sée

sEctEur PublicJean‑Philippe Kovar, Francesco Martucci, Stéphane Rodrigues

JurisPrudEncEs EuroPéEnnEs Et étrangèrEsKarounga Diawara, Pierre Kobel, Silvia Pietrini, Jean‑Christophe Roda, Per Rummel, Julia Xoudis

PolitiquE intErnationalESophie‑Anne Descoubes, Marianne Faessel, François Souty

LivresSous la direction de Stéphane Rodrigues

RevuesChristelle Adjémian, Mathilde Brabant, Emmanuel Frot, Alain Ronzano, Bastien Thomas

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