kavinsky interview snacht 2012

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5/13/2018 Kavinsky Interview Snacht 2012 - slidepdf.com

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52MUSI QUE - KAVI NSKY

N'allez pas imaginer que Kavinsky et sa

musique soient nes de la dernlere pluie,

portes par Ie ramdam autour d'une histoire

de bagnole. Voila deja plusieurs annees que

I'artiste detonce les enceintes a gros coups

de klaxons entrainants. Cela dit, malgre sonsucces - que Ie fameux titre «Nightcall»

n'a fait que consacrer detinitivement - Ie

type reste aujourd'hui entoure d'un flou

bien mysterleux. Son histoire, comme ses

productions d'ailleurs, ne filtrent que par Ie

bout d'un entonnoir. La sortie de son tres

attendu premier album pourrait bien etre

I'occasion de faire tomber Ie masque de cet

original.

• Rince, vide, bon a flirter sans pudeur avec les caniveaux du coin.

Apres une longue soiree a s'enquiller des godets avec l'ami Kavinsky,

je n'existe plus vraiment. C'est tout juste s'il me reste quelques forces

pour maquiller grossierement mon evaporation. Face a moi, cale dans

un gros fauteuil de mauvais cuir, l 'artiste.Tui, continue de gigoter avec

vigueur, ragaillardi par les quelques chips de bonne fortune qu'il vient

de s'enfiler. Suis-je une petite nature ou est-ilun bonhomme premium?

Surement un peu des deux. Toujours est-il que cette mise en scene

bullee facon comptoir couillu sied parfaitement a notre camarade.

Gouailleur comme un ferrailleur sous sa toison metal, le bonhomme a

les bons airs du gaillard du zinc. Catape du poing et la voixvirevolte au

gre des histoires. Dans le genre parigot blinde du megot, Kavinsky fait

honneur aux vieux grognards d'Audiard. lei s'arrete pourtant le cliche

franchouillard.

Porte par la renaissance de son titre «NightcaU », cette ambiance

lunaire rhabillant Gosling pour l'hiver dans le film Drive , Kavinsky

est aujourd'hui venere par une bonne partie de la galaxie. Les notes

synthetiques de son tube lancinant resorment sous tous les tropiques,d'un lavomatique de Kuala Lumpur a une droguerie de Kampala

en passant par un supermarche de Denver, une base militaire a

Kandahar, jusqu'a la gare SNCF a Perigueux. Kavinsky, profession:

mondialisateur. Voila une tendance qui dure depuis maintenant un

petit bail et qui aura eu le merite d'enfin deployer l'univers irradiant

de l'artiste sur l'avant-scene. Ecouter Kavinsky, c'est prendre le risque

de s'envoyer en l'air. Disciple revendique des melodies dantesques de

Giorgio Moroder et de Goblin, le Francais des annees 10 s'est faconne

un style de Ricain des annees 80 a coups d'ambiances spatiales

projetees par des instrumentaux vibrants comme dans des cathedrales.

Le genre de dinguerie qui fait fuser n'importe quelle voiture equipee

d'un autoradio, avec ou sans moquette sur le volant.

Dans les meandres tentaculaires de l'electro d'ici et d'ailleurs, Kavinskyest un type a part. Froque dans les plis du costume de son alias comic ,

le garcon est filant, evanescent. S'il est acoquine avec ce qui se fait

de plus connu et de plus doue - bisous les Ed Banger- on ne sait

pas grand-chose de lui. Etrange. Voila un etre sans passe qui passe

devant nous sans s'arreter, Legenre de swing qui deroule letapis rouge

-comme son teddy- a toute une serie de fantasmes. Petit bourgeois

cracra ou grosse caillera, le pedigree de cet homme mega balaie un

champ des possibles complet. Comme ca, gratuitement, on pourrar;

alors tenter de resumer le producteur selon une equation un bric

alambiquee : Kavinsky serait l 'enfant de Stravinsky le melomane et de

Stavisky l'escroc malin. Avec en sous-main les bons offices de Starsky.

histoire de saupoudrer le tout d'un physique d'intrepide. Bref, on est

plutot paumes. A l'aube de la sortie d'un premier album =prevu pourle printemps- qui devrait consacrer definitivement son ancrage au

premier plan, Kavinsky s'accoude au bar comrne s'il passait sur le divan.

On va commencer de maniere relativement simple: bon sang, mais ou

es-tu alle chercher ce blase?- C'est tout bete comme une fin de soiree entre potes bourres. J'etais

avec mes potes Oizo et Jackson, on etait taus les trois dans un sale

Hat et on a commence a triper sur man prenom, Vincent, qu' on

s'est amuses a deformer dans tous les sens pour arriver finalement

a Kavinsky.Et puis au moment de sortir man premier EP, Teddy , il a fallu que

je me trouve un nom de scene. [allais quand meme pas m'appeler

Vincent Belorgey hein. Ca, c'est le genre de nom de melornane qui se

fait prendre en photos en nair et blanc; on dirait un type qui fait hyperbien du piano. Pas mon delire quoi. Donc j'ai opte pour le surnom de

mes potes. [e trouvais que Kavinsky, ca sonnait bien.

Il se cache quoi derriere la terrninaison «sky» ?

- ['ai une anecdote assez marrante a ce propos. Un soir, lors d'une fin

de soiree j'ai discute avec un daron au bar. Tout bourre qu'il etait, ilm'a

demande, lui aussi, pourquoi j'avais cale un «sky» avec un «y» a la fin.

Moi, j'ai juste repondu que j'aimais justement bien le cote « sky» dans

l'affaire, Lemec etait Polack - bon il etait poivre, je ne sais pas si son truc

tient la route- et m'a explique qu'en Pologne, cette terrninaison prend

un «y» ou un «i» selon le rang familial. En gros, si ta famille a tape dans

la haute, tu chopes le «y»; et quand t'as un «i», ca veut dire que t'es

condamne a etre un gueux jusqu'a la fin de tes jours. A mains que tu ne

gagnes au Lotoet dans cecas-la,le «i» s'ouvre en deux et le «y» apparait!

Au moment de la sortie de ton premier EP en 2006, comment l'idee

d'adosser ta musique a un personnage de zombie en teddy a-t-elle

emerge? Quelle est la signification de cette espece de mythologie ?

- En fait, j'avais besoin de ce personnage pour faire de la musique.

Fallait que [eme planque derriere un truc. Ca me semblait plus simple.

Etpuis j'ai toujours eprouve une reelle fascination pour les gens qui se

sont construits des personnages, de Iron Maiden aux Daft Punk. Les

mecs qui decident de ne pas montrer leurs gueules et qui preferent

se baser sur une image qui est plus forte que tout, ca a vraiment de la

gueule! Avec Kavinsky, j'ai eu envie de transmettre ce qui me touche le

plus: l 'imagerie des eighties. [ 'ai baigne dans cet esprit, c'est ce qui m'a

donne envie de faire de la musique.

___ x _

«J'ai toujours eprouve

une reelle fascination pour les

gens qui se sont construits

des personnages, de

Iron Maiden aux Daft Punk»

x

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personnage est apparu de quelle maniere ?

- C a date du moment O U il a fallu faire un macaron pour mon

premier EP. <;ame faisait chier de mettre un logo dans une rondelle

mais je ne voulais pas non plus montrer rna gueule -trop con cornme

idee. D'abord parce que je n'aime pas voir rna gueule et puis surement

qu'il y en a autres qui n'aiment pas la voir non plus. Voir rna tronche,

ie pense que ca ne te donne pas forcement envie de prendre ta caisse

pour aller faire un tour sur la Pacific Coast Highway a LosAngeles. J'ai

plutot une tete de bon Francais moi, je n'ai pas vraiment une degame

hyper exotique; je suis un gars tout blafard avec des cheveux blancs.

Le personnage de Kavinsky,je l'avais en tete depuis mal de temps: un

zombie avecdes cheveux blancs, pas vraiment balaise, une moustache,

un teddy avec un «K» a l'envers. ['ai parle de <;aa des graphistes

avec qui on m'avait branche. 11sont fait un dessin super cool, ca m'a

persuade que c'etait vraiment ca que je voulais presenter.

Tonpersonnage de zombie est cense etre mort en 1986, pourquoi?

- 1986, c'est une annee de dingue. C'est les Gremlins, les Goonies,

Rrtour vers Ie fusur: Quand je repense aux annees 80, ce sont les

premieres decharges visuelles qui me viennent en tete. Et puis, je

oulais que l'annee se termine en six, j'aimais bien...

Tu sors ton premier EP en 2006, a 31ans. De maniere assez logique,onse demande done eeque tu as bien pu foutre avant de debarquer sur

I a scene musicale. Alors, alors ?

- Ha ha, j'ai cru que tu me disais que je venais de feter mes 31ans

putain. Dans cecas-Ia,jet'aurais dit de reprendre une biere mon vieux!

Ma vie d'avant etait assez simple: c'etait celle d'un mec de banlieue

-de Seine-Saint-Denis- qui avait envie de se barrer a Paris.

/986Plus jeune, quand tu crechais encore au nord de Paris justement,

qu'est-ce qui te branchait?

- Jefaisais du skate, tres mal. J'avais une planche Powell Peralta avec

laquelle je n'arretais pas deme vautrer. Etpuis ily avait aussi le graffiti.

le crois bien que j'ai fait mon premier tag dans le hall d'immeuble

ou j'avais l'habitude de galocher rna nana quand j'avais 14 ou 15 ans.

Ie posais «Strike». I'avais vu ce nom sur une batte de base-ball, je

l'avais trouve mortel. A Pantin, la ou j'habitais, je tagguais partout. [e

faisais pas mal des lettres, des bonhornmes hyper simplets. [e tagguais

surtout dans la rue. Pour le reste, j 'ai du faire une quinzaine de trains

dans rna vie.

Justement, si nos recherches sont exactes, le graffiti est une culture

qui a irrigue une bonne partie de ton adolescence. C'etait plus qu'un

simple hobby...

- C'est une part importante de ma vie oui. Quand j'etais ado, j'etaisun fan absolu du taf de Bando, je lisais Paris Tonkar. A cette epoque, je

vivaisdans une residence; dans l'appartement au-dessous du mien, il

y avait un type qui vendait des pitbulls a tout le quartier -Ie gars avait

un elevage de chiots. Devant sa porte, ca faisait la queue pour acheter

des pits cornme si t'allais acheter des bombes a Aulnay. Je te parle de

ce mec parce que c'est lui qui m'a introduit dans mon premier crew

de graffeurs, les TCS. C'etait la bande du rappeur East, des gars de 93

MC's et de NTM.Jeme rappelle d'ailleurs que je volaispas mal quand

meme ... J 'avais trouve une bonne astuce pour ne pas me faire choper:

j'avais demande a rna mere deme choper des lunettes de repos cornme

les petits vieux,je lui avais dit que j'en avais besoin pour mes cours de

dessin au bahut. Mon meilleur pote avait fait pareil aupres de samere.

Avecces binodes, on pouvait vraiment se faire passer pour des petits

bouffons sages dans les magasins ou on volait. Un de nous demandaitun renseignement au vigile pendant que l'autre remplissait Ie sac. On

a vole un paquet de bombes comme ca.

Etpendant que tu volais, qu'est-ce qui tournait dans ton walkman?

- De la funk surtout. J'avais un Starter dore des Fortv-Niners et

"ecoutais « I need you» des BVSMP.I'etais aussi bien calecote rap: Big

53

M~~1HN)l)ff/

x--- ---«J'allais pas m'appeler

Vincent Belorgey; ca, c'est Iegenre de nom de mec

qui se fait prendre en photos en

noir et blanc. On dirait

un type qui fait hyper bien du

piano»

x

Daddy Kane, Boogie Down Productions, et Mobb Deep un peu plus

tard, je kiffais de ouf! A Pantin, je vivais dans un irnmeuble dont le

baleon donnait sur un college; j'ouvrais mes fenetres et j'installais mes

enceintes toutes pourries en foutant le son a fond. ['avais l'impression

de faire kiffer les gens! Des que je voyaisun mec danser, j'etais content.

En rap francais, j'etais fan d'Ideal J . Quand j'ai rencontre Mehdi, je l'aijoue cool, du genre« ouais.je connais ton son,j'ai deja ecouu: deux ou trois

de tes tapes». Etpuis le deuxieme soir passe avecMemed, j'etais bourre

et j'ai pas pu m'empecher de lui dire: «Mais mec, tu sais teilement pas

combien je suis fan d'Idial, j'icoute ~a depuis toujoursl». Ideal J, c'est

vraiment rna jeunesse.

C'est ca qui est assez dingue avec toi. Aujourd'hui, je ne connais pas

beaucoup de types labellises qui aient un tel background hip-hop - je

parle ici de la definition culturelle du terme. Dans Ie genre, a part toi,

iln'y pas grand monde capable de se taper des barres avec Rim-K du11 3 dans ton milieu...- 11y a quelques annees, j'avais dit a Mehdi que je voulais faire un

instrumental pour les II} II m'avait promis de me les presenter. Par la

force des choses, j'ai rencontre recemment Rim-K,Je lui ai fait ecouter

mon album: ila trouve catres «sale ». [e n'avais pas vraiment compris

ce qu'il voulait dire, je lui ai done envoye un texto: «Sale? Sale bien

hein ?» . Pour lui, comme pour ses potes, plus c'est «sale», plus c'est

coquin et mieux c'est. Cam'a fait plaisir.

Revenons a ta jeunesse. C'etait plutot la grosse marrade dans la rue

mais ca se passait comment dans les salles de dasse ?

- Apres avoir redouble rna quatrieme et ma seconde, je me suis

barre dans un lycee specialise pour decrocher un brevet de technicien

dessinateur maquettiste. En gros, je faisais des fausses pubs au feutreCopic, des trues pour Monoprix, des poires etc. Tous les jours, je me

demandais vraiment ce que je foutais lao Et evidemment, je faisais

n'importe quoi. A chaque fois qu'il fallait faire du des sin a vue et

reproduire quelque chose -par exemple, une pomme avec un drape

autour- j'arrangeais toujours le true a ma maniere. La prof etait

desesperee: «Ok, c'est tres bien, on a compris que vous saviez dessiner.

Mais ce n'est pas ~a que l'on vous demande defaire Monsieur Belorgey!»

Moi, je soupirais ambiance «Morue, tu connais que dalle ...» Je me

faisais souvent virer des cours, j'etais pas tenable, je faisais le mariole.

Un jour, jeme suis rendu compte que jen'avais plus de blagues a faire,

du coup, je me suis barre. Et comme a chaque fois, que je m'exfiltrais

du bahut, je retrouvais Oizo qui m'attendait devant l'entree au volant

de sa Honda Civic.

Un de tes vieux potes done. Comment vous etes-vous rencontres P

- Pendant une pauvre soiree de banlieue -on devait avoir dix-huit

piges. Oizo, Quentin done, faisait des courts-metrages a ce moment.

On s'est bien entendus et ilm'a propose que l'on se revoie pour que

je tourne dans l'un de ses projets. On s'est tres vite lies, on se poilait

de rire tout le temps. Quand Quentin venait devant mon bahut en

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MU SIQUE - K AV IN SK Y

bagnole, les choses se faisaient de rnaniere assez simple: «Vincent

q u 'e st -c e q u e t 'a s Iii? =His to ir e d e T ar t, tr ois h eu re s. =M ou ais . A lle z v ie ns '

o n se ca sse !>~Et on se , barrait, sans but precis. On n'allait nulle part; j~

ne ~e sO~Vlens pas ~tre arri~e quelque part en fait. On roulait quoi.

~n ecoutait les Beastie Boys a fond dans la caisse, on connaissait leur

dlscographi~ par c?,ur, on pouvait mimer avec la bouche ou les doigts

to~s .leurs titres, mterludes comprises, albums par albums. On se

faisait des gros tours de periph' avec les Beastie Boys.

Mais ilfallait bien que tu gagnes ta vie ii.ce moment-lii.?

~ J: n'avais pas de taf, j'etais vraiment en rade. A ce moment-la, je

jouais au rugby Ii . Bagnolet. C'etait Ie bon temps ca, ces ambiances ou

tu petes Ie nez d'un mec et tu trinques avec lui deux heures plus tard.

Ca, j'aime bien ... Bref, la meuf d'un de mes camarades de vestiaire

bossait aux res sources humaines de Manpower. Mon pote m'a branche

avec elle parce qu'elle etait une fan absolue de M. Oizo -« Flatbeat»

venait de sortir et cartonnait partout. ['ai marchands un peu avec elle

Ii . coups de disques gratos on va dire ... Mes qualifications ce n'etait pas

trop ca, je n'avais meme pas mon BEPC.

Bon, ce qui etait sur, c'est que je ne pouvais pas candidater pour des

tafs en cravate facon «M ichel, tu peux m'amener Ie dossier =Pas de

soud [oseph]» rai finalement degotte un job au Mercurial, les «TwinTowers» Bagnolet. Je faisais Ie courrier.

Et tu as fait toute une carriere chez Manpower?

- Nan, nan, j'ai vite change. [e suis rapidement passe chez SFR ou

j'etais conseiller de clientele. CHait l'angoisse totale, une sorte de

machinerie horrible; j'ai eu le droit Ii . une formation hyper intense

pendant laquelle tu dois apprendre toutes les manieres de repondre

aux mecs qui vont t'appeler parce que leur telephone est bloque. Et

puis, il fallait avoir l'air de potasser sans arret son guide de conseil,

cette espece de Bible geante, quand on n'etait pas en ligne. Moi, <;:a

me gonflait : je me ramenais en survet et je jouais Ii . Zelda sur Game

Boy Color, entre deux coups de fil. J'etais Ii . la cool, j'avais une enorme

soluce - bah ouais des fois j'etais bloque- etalee sur mon bureau. Les

mecs ont fini par se «separer» de moi. Ca tombait bien, j'etais en train

de transpirer grave.

Apres ca, je me suis fait embaucher dans une boite qui fabriquait des

baby-foot. Je recuperais les machins dans un entrepot et je les chargeais

dans des camtars. Mais Ii . part pour les porter, je n'en avais pas grand

chose Ii . foutre des baby. En fait, j'ai jamais vraiment pige ce delire, je

n'ai jamais su y jouer, ca me gave comme jeu. Franchement, pourquoi

alier bouger des bonhommes, alors qu'a l'epoque, tu pouvais triper

avec Shenmue sur Dreamcast? A la pause de midi, je traversais un coin

de I'entrepot ou il y avait les mecs qui peignaient les baby =ceux-la,

c'etait de vrais passionnes, Un jour, je suis alle les voir, j'ai mis une

pichenette Ii . l'un d'eux en disant que, moi aussi, je pouvais faire leur

taf. Je sortais d'ecole d'art Ii . Paname moi Monsieur! Du coup, le patron

m'a challenge et je lui en ai mis plein la vue: j'ai peint un Zizou avec

sa calvitie et un Marcel Desailly ultra bien faits. Tu les reconnaissaisparfaitement. Du coup, on m'a transfere Ii . la peinture. Et tous les

midi, les gars qui chargeaient les baby-foot me foudroyaient du regard

comme des jaloux. Moi, j'etais cool, je peignais des bonshommes en

ecoutant Rire e t Ch a ns o ns .

Et quand tu sortais du taf M. Oizo venait aussi te chercher en bagnole?

- Rhaaa le Oizo. II a bien du venir me chercher quelques fois. ['ai

surtout un souvenir de lui assez precis pendant cette periode. C'etait

au moment ou je bossais dans un supermarche Ii . Bel Est, vers Galiieni.

Pendant les fetes de Noel, je faisais de la mise en rayon. Tu sais, Ie mec

qui decharge des yaourts dans le froid, tu demandes toujours ce qu'il

peut bien foutre; et bah, ce mec, c'etait moi. Je mettais notamment en

rayon les marionnettes de Oizo. Et je l'appelais en mode: «T u sais ce

q ue je fa is Ii i ? Ben pendant qu e tu te reg ale s salop ard , je su is en tra in d e

mettre tes marionnettes e n r ay on IiGollieni», II me repondait en disant

que ca Ie foutait mal Ii . l'aise et je lui lachais faussement enerve: «Eh

be n tu pe ux o ua is» ,

Papa Lu

Le Lucien de «Luck of Lucien» des ricains d'A TribeCalled Quest et Ie Papa Lu maintes fois dedicace par

NT':1' c'est lui. Rappeur, producteur, eminence grise,LUCIenRevolucien est une figure aussi tutelaire que

mysterieuse du rap mondial. C'est grace a I'entremise de

OJ Mehdi que ce dernier a rencontre Kavinsky. Oepuis, ils

ne se sont pas laches. Lucien a recemrnent produit lamusique de la serie Platane sur Canal Plus.

- J'ai croise pour la premiere fois Vinco au bar du Social Club.

Moi, je ne Ie connaissais pas, je ne savais pas ce qu'il faisait dans

la vie. Avec sa veste en jean, il rn'a tout de suite rappele des potes

Ii . l'ancienne, des mecs des annees 80, ces bikers qui trainaient Ii .

Chatelet sapes comme dans les fi ft ies. Vinco, ce n'est pas un type

qui va debarquer avec la veste toute fraiche, Ie jean tout propre et les

baskets toutes neuves hein. Ca, c'est pas du Vinco.

Selon moi, il incame parfaitement l'image que 1'0n a du titi parisien,

ce petit mec qui vient des rues de Belleville. II a cette gouaille Ii .

la Audiard, il parle du coin de la bouche facon «ecoute mec, si on

t'demande, tu d is qu'tu m 'a pas vu hein».

On s'est tout de suite entendus. C'etait d'autant plus facile qu'on

avait un tas de potes - et meme une ex - en commun! Au depart,

je ne m'imaginais pas que Vinco puisse avoir une culture hip hop

aussi aiguisee. Mais ca, je m'en suis rendu compte bien apres l'avoir

rencontre. Quand il m'a montre tous ses bouquins de graffeurs,

j 'ai hallucine. Pareil quand ils'est mis Ii . me parler de Mobb Deep,

de Blackmoon, de DJ Premier et des Beatnuts. En rap, Ie mec est

vraiment a la pointe. Un jour, il m'a sorti un titre completementdingue: «Cran ium» du new-yorkais Gauge. C'est un vieux single de

I995 que seuls les puristes connaissent!

Pour sa musique, comme pour Ie reste, Vinco est un type qui n'a pas

froid aux yeux. II innove en permanence; c' est un explorateur qui

descend dans les caves les plus profondes, c'est un savant un peu fou

qui fait des potions dont il n'a pas peur qu'elles explosent.

Aller en soiree en Vinco, c'est toujours une aventure. On a la sensation

de partir en voyage. C'est un vrai Ma s te r o f C e rem o ny Ie bonhomme!Si parfois il peut donner l'impression d'etre un peu hors de controle,

<;:aeste malgre tout quelqu'unde tres pose, avec une vraie ligne de

conduite. II est tres droit dans sa facon de considerer les gens, surtout

ses amis. II est comme un voyou qui vit selon un code de I'honneur,

il a une vraie ethique, On peut etre certain qu'il ne lachera jamais ses

potes. Quand on parle de poto, c'est forcement du Vinco. Du coup, on

est obliges de rouler Ii . fond avec lui.

D'une certaine maniere, cela rejoint ce que je disais au debut: Vinco,

il est de l'ancienne ecole comme les mecs des annees 80. C'est unpeu Ie dernier des mohicans, les gars comme lui sont en voie de

disparition aujourd'hui,

S'il n'avait pas ete DJ, je pense qu'il aurait volontiers raconte des

histoires. II serait surement scenariste ou un truc dans Ie genre.

II ecrirait des recits de rue, il mettrait en Iumiere les relations

humaines, avec leur lot de joie et de chagrin. En fin de compte, Vinco,

c'est quand merne quelqu'un d'hyper sensible.

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MUSIQUE - KAVINSKY

___ x _

«Xavier m'a propose de

reprendre sa piau Ie dans

I'appartement qu'Il partageait

avec Gaspard et So Me»)

x

Apres avoir bourlingue pas mal entre les open-spaces, les entrepots et

les supermarches, tu as fini par atterrir sur des plateaux de toumage.

Avec la complicite de Oizo, tu t'embarques sur le chemin du cine en

toumant dans son premier film, Nonfilm, en 2001. Comment cette

affaire s'est-elle goupillee?

- Quelques temps auparavant, j'avais tourne avec Quentin pour le

clip de Sebastien Tellier, « Oh M alh eu r ch ez O 'M alley ». ['avais quelques

scenes, c'etait dans les calanques, pres de Marseille. Des vacances quai.['ai done rencontre Tellier pour la premiere fois: une hallucination

totale. Le mec etait deja completement perche mais super syrnpa en

meme temps. <;am'a bien fait marrer Quentin de nous voir taus les

deux ensemble, deux opposes cote a cote, au point qu'il a voulu nous

reunir pour Nonfilm. 11a tout de suite pense a nous pour ses deux

personnages. Moi, j'ai dit oui sans reflechir, [e n'avais aucun regard

sur moi-meme pour savoir si j 'allais passer pour un con au pas. C'etait

assez cool, on est partis en Espagne dans le desert. On a tourne la O U

sont passes Clint Eastwood et Sergio Leone pour leurs westerns.

C'est une experience qui t'a donne envie de creuser Ie sillon du cine ?

- Pas vraiment non. Concretement, je n'avais merne pas la sensation

d'avoir tourne dans un film. Pour moi, c'etait plus un souvenir de

vacances qu'autre chose. Mais j'ai quand meme pris un agent - au bienun agent m'a pris. Le mec a essaye de me trouver du boulot. II m'a

propose des trues sur Canal, des roles pour des series originales, des

nouveaux concepts. 11m'envoyait a des castings. Mais j'ai rapidement

arrete de faire ca parce que ca n'avait rien a voir avec ce que je suis.

Quand je passais des auditions, j'etais comme une merde, je perdais

tout man chic, i'etais nul. Et done logiquement, j'etais jamais pris.

J'avais envie de me tuer. Je me giflais en me disant « Po urqu oi tu fa is

fa ? < ;a ser t Iir ien !» Je ne suis pas assez crapule au point de me vendre

a l'aise. Dans cette situation, je me trouve sale, je ne m'aime pas. En fin

de compte, je pense que tu deviens tres mauvais quand tu decides de te

vendre, quelle que soit ton ambition.

Tu as quand rneme tourne dans Steak , Ie deuxieme film de Oizo, avec

Eric et Ramzy en tetes d'affiche ...- Mais ca, c'est pareil que pour Nonfilm: pour moi, ca n'avait rien a

voir avec du cinema. Moi, j' etais chaud des le depart pour faire ce truc

avec Quentin. Les blousons rouges, tout <;a,c'etait man kif. Et puis,

c'etait juste un delire entre potes! I'avais rencontre Eric et Ramzy a

Pavant-premiere de Nonfilm, on avait bien kiffe ensemble. Ce que je

retiens Ieplus de cette histoire, c'est que le tournage s'etait deroule au

Canada et que c'etait la premiere fois que je debarquais en Amerique.

C'etait merne la premiere fois que je franchissais un ocean -avant ca,

j'avais du traverser une fois Ielac Leman. Grace a Steak , j'ai vu l'autrec C l t e du monde !

Nous arrivons a la musique... Comment soudainement, apres

ManPower, apres le graffiti, Ie babyfoot et Ie cinema, tu t'es mis a lamusique eJectronique. D'oil ca vient?

- Une des premieres fois ou l'on m'a passe un disque d'electro, c'etaita I'arrnee. Oui, j'ai fait man service... c'est un biscuit que je vous file

la! C'est d'ailleurs la-bas qu'on m'a montre pour la premiere fois un

disque des Daft. r a i vu marque «punk» sur Ia cover, ['ai tout de suiteenvoye cabalader. Lecote crado, un peu 1 1 laWarriors, du logo des Daft,

ca ne me branchait pas du tout. Ie ne captais pas du tout Ie delire.

Et Ie delire de la musique electro, tu as finis par Ie capter a quelmoment?_ Un soir, bien apres que j'ai fini l'armee, Quentin a debarque chez

moi avec un CD promo d'Arpanet. Comme avec Daft Punk, je l'ai

d'abord balance. Mais Quentin a insiste, ilrn'a dit: «E cou se l a d e u xi em e

tra ck, c 'esi q ua si ra p l» J'ai donc ecoute Ie true et c'etait hyper voyou,

c'etait fantastique! C'est ce truc-la qui m'a fait kiffer l'electro je crois. Ca

aurait pu etre un beat de rap mais c'etait fait d'une maniere differente,

avec des synthes: c'etait un son glacial, pas du tout accueillant mais

c'etait martel! ['ai hallucine.

Tu as hallucine au point meme de vouloir faire tes propres sons done.

Tu avais des bases pour gerer la production ou pas? Comment tu t'y es

mis concretement?

- Ma premiere fois dans la musique, c'etait quand j'etais gamin. Ma

mere m'avait inscrit aux lecons de piano de la MJC du quartier pour

que j'arrete de mater le dessin anime X-Or. C'etait tenement vicelard

que mes cours commencaient un tout petit peu apres le debut de

programme done je pouvais en regarder seulement quelques miettes

avant de rester sur ma faim. Et puis, pour ce qui est du piano, disons

que je n'ai pas vraiment apprisitjouer sur un vrai instrument. AlaMJC, on se servait d'une espece de tuyau dans lequel il fallait souffler

tout en pianotant sur un clavier qui lui etait relie !Ca partait en sucette,c'etait un piano de merde. Et moi, je ne pensais qu'a une chose: mater

la fin de X-Or. Enfin bon, c'est une anecdote illustrant ma premiere

experience musicale ...

Bien plus tard done, j'ai recupere un vieux synthe Casio tout pourri

pour commencer a faire du son. En plus de <;:a,'avais egalement chope

une boite a rythmes, une 808. C'etait ily a une petite dizaine d'annees.

Le seul probleme a l'epoque, c'est que je n'avais pas vraiment d'espace

pour moi: je vivais dans un taudis de onze metres carres avec ma meuf

vers Saint-Ambroise a Paris. On etait a deux sur un futon fait pour une

personne, la cabine de douche etait en fil de verre -Ie cancer it chaque

douche quoi- et l'evier faisait autant office de lavabo que de chiottes

pour pisser. Quant aux vraies chiottes, eUes etaient sur Ie palier. Unmatin, je me suis retrouve nez a nez avec un poivrot cuvant sa tise

allonge dans les chiottes. Putain, c'est dans cette cage a lapin que j'aifait mes gammes. [e faisais des beats assez lent, ambiance LL Cool J

et « P au l's B ou ti qu e» de Beastie Boys. Je ne connaissais pas encore

Goblin, John Carpenter et compagnie.

Alors justement, aujourd'hui, Ie son de Kavinsky est reconnaissable

entre mille: des basses ultra lourdes chatouillees par des vrilles spatiales

qui se telescopent. Comme une musique expulsee d'un tromblon

flottant en apesanteur. Effectivement, Goblin et John Carpenter, on

pense a vous... Comment as-tu faconne ce style si particulier?

- Un jour Quentin, encore lui, m'a montre le film Phenomena de Daria

Argento. C'est a cette occasion que j'ai decouvert Ie son de Goblin.

C'etait une vraie dinguerie: voila une musique qui charriait tout untas d'images super riches. Meme si ce n'etait pas super virtuose, came

transportait, c'etait super fort. [ 'ai tout de suite essaye de faire pareil.

Man style s'est pose comme ca, de maniere naturelle. Ma demarche

etait assez spontanee, A cemoment, j'avais recupere un vieux Mac avec

Ie logiciel Logic. Quentin m'avait appris a enregistrer, a allumer unsynthe, a mettre des cubes. Et petit a petit, je me suis pris au jeu. Je

x------«Je m'exfiltrais du bahut et

je retrouvais Oizo qui

m'attendait devant I'entree au

volant de sa Honda Civic»

x

5/13/2018 Kavinsky Interview Snacht 2012 - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/kavinsky-interview-snacht-2012 6/8

 

MUS/QUE - KAVINSKY

rentrais chez moi Ie soir, je fumais des joints et je faisais de la musique,

.out en pensant it Goblin. Dans le genre, la musique de Morad e r sur

~ d ni gh t E xp re ss m'a fait le merne effet.

:.tonnetement, c'est de la musique assez simple it faire. C'est presque

A u cla ir d e la lu ne » en un tout petit peu plus dark . Letrue qui changeait

? < I T rapport it mes premieres productions, c'est que Ie rythme eta i t,

cette fois, plus rapide. Les arpejo de Goblin et tout, c;a me causait it

mort, c'etait une rythmique qui me fascinait. Et dans le merne temps,

e m'impregnais aussi beaucoup d'instrumentaux de rap assez rapides.

.,.uf inal, ['ai cisele un style assez particulier, plutot etonnant, Peut-etre

aien qu'inconsciemment, j'ai construit ca en opposition a taus ces

cons qui vendaient leur son dans les magazines de l'epcque. I'ai fini

par pondre un premier projet, Testarossa. Sur le clip de Tellier dont

e parlais tout it l'heure, j'avais pu rencontrer Marc Tessier Ducros, le

patron de Record Makers. [e lui ai fait ecouter Testarossa et ila accepte

de le sortir en EP.

Tu t'es done embarque aux cotes de Record Makers, chez qui d'ailleurs

tu es toujours signe, C'est marrant parce que tout le monde pense que

tu es chez Ed Banger avec Pedro Winter ...

- C'est assez dingue ouais. Parfois, t'as merne des mecs qui

m' etiquettent "Ed Banger» sur des flyers. Enfin, ils disent qu'ils ne

font pas expres mais on sait taus que" EB », c'est un argument qui

met tout le monde d'accord et qui assure de ramener plein de monde ...

Mais moi, je m'en fiche un peu: Ed Banger, c'est une belle clique de

potes, c 'est la famille.

Tu l'as rencontre comment d'ailleurs Pedro?

- Ah, c' etait ily a un bail c;a. Je venais de mettre en ligne Testarossa sur

man Myspace et j'ai recu un mail signe "Pedro Winter». Le message

etait assez simple a propos du titre: « Oh p u re e, mone l , ~ a s o rt ouand ?»

Putain, Pedro Winter! Maman! ['etais persuade qu'il s'etait fait hacker

sa page, je pensais que c'etait un robot. Un spam mais sans sexe; hum,

c'etait troublant. A cette epoque, Pedro etait manager des Daft Punk,

j'avais du le voir de loin a une au deux fois en soiree, et il avait fallu

que Jacko (Jackson, un ami d'enfance - ndlr) me le montre. On a fini

par se rencontrer et de fil en aiguille, j'ai decouvert toute la clique. J'ai

rencontre Xavier des Justice au Paris Paris (un club parisien aujourd'hui

ferme -ndlr). Le mec etait venu me voir pour me demander un vinyle

de mon EP. On s'etait bien entendus au point que lorsque Xavier s'est

barre vivre chez sa meuf, il m'a propose de reprendre sa piaule dans

l'appartement qu'il partageait avec Gaspard et Bertrand, enfin So-Me.

Moi je venais de me separer de rna copine de l'epoque done j'avais

quitte l'appart dans lequel on vivait, j'ai accepte. ['ai du rester un an.

A ce sujet, je me rappelle d'un coup de fil memorable avec Bertrand:

"A no Vinco ? D is d onc, tu restes enco re co mbien d e tem ps d ans l'a ppart?

- Ba h, t'es re io u je v iens d 'a rr iver - Vinco , ~ afa it u n a n». Drole, Gaspard

et Bertrand sont les deux premiers temoins de mes productions je crois.

Et SebastiAn? C'est surement Ie mec de la team Ed Banger qui compte

le plus quand ils'agit d'evoquer ta carriere. II est celui avec qui tu as le

plus collabore: ila remixe certains de tes sons, ila produit ce fameux

premier album ...

- Je l'ai rencontre un soir au Phoenix, un bar en face du Rex a Paris.

['etais avec Oizo, on avait rendez-vous avec SebastiAn et So Me.

Bertrand, je pensais qu'il avait 14 ans, et quand je l'ai vu debarquer

tout velu avec sa petite barbe, je n'ai pas realise que c'etait lui. A cote

de lui, SebastiAn etait la, cornpletement imberbe. On s'est tout de suite

rapproches. En fait, on a la merne vision sur tout un tas de choses, une

maniere commune d'apprecier et de detester les choses. Et en meme

temps, on est completement differents: lui s'efface volontiers et moi, j'airne

ouvrir rna gueule. Etpuis a cote de ca, SebastiAn est un putain de genie.

SebastiAn

II est Ie partner in crime de Kavinsky. Les deux loustics se

sont rencontres sur Myspace et ne se lachent plus depuis.

" sont regulierement fourres ensemble, que ce soit it Ja

table d'une bonne brasserie ou accoude au bar d'un rade

pourri ou d'un club qui clinqua. Quand ils ne sont pas en

studio. SebastiAn, qui a deja participe a I'enregistrement

de plusieurs titres de Kavinsky ces dernleres annees, a

produit son premier album.

- On s' est retrouves sur un true tres con: un film de Bertrand Blier,

T e nu e d e s o ir ee . On a en commun un humour un peu date, ambianceProfesseur Choron. Vince, c'est un type a l'ancienne comme ca, tres

franc du collier - Romain Gavras dit de lui que c'est « u ne c ai lle ra d es

annees 60». ['airne ce type de caractere, tres brut. Notre arnitie s'est

donc d'abord construite sur des affinites humaines plus qu'artistiques.

Je crois que c'est la tournee mondiale des Daft Punk -on faisait leurs

premieres parties- qui nous a definitivement lies. Les Daft, qui sont

plutot discrets et poses, s'attendaient a voir deux artistes serieux lesaccompagner et ils se sont retrouves avec deux bonhommes un peu

barres, comme si on etait au bistrot du coin. Vinco a foutu un tel bordel!

Parfois, il debarquait dans la loge ou Ies Daft se transformaient en robots

et faisait n 'irnporte quoi avec les casques. On a aussi transforme Ie tour

bu s en espece d'aftershow de Lionel Richie roulant, avec du champagne

partout. Mais Thomas et Guy-Manuel se sont bien marres je pense.

De toute facon, avec Vinco, c;aexplose toujours. Quand ildebarque dans

un restaurant, c'est assez rare que les serviettes ne se mettent pas atoumer au bout de cinq minutes. Si on jouait dans La Sou pe a ux Ch ou x,

Vinco serait Louis de Funes et moi, Jean Carmet. Lui en fait des tonnes

et moi, je le regarde en rigolant. Ca fait six ou sept ans que je me marre

comme un con a ses blagues. Je ne me lasse pas.I! y a quelque chose de

tres ambiant chez lui. Et s 'il peut paraitre provocateur, c 'est surtout qu'il

teste les gens pour voir ce qu'ils sont vraiment. Tout ca revele une vraie

intelligence de la vie. Au final, trainer avec Vinco c'est comme se preter a

un exercice de psychanalyse active; quand on se cale avec lui en terrasse,

on peut etre sur d 'economiser soixante-dix euros de seance sur le divan.

Par contre, on perd facile cent euros en cognac.

On a veritablement commence a taffer ensemble apres qu'il rn'aitdemande de remixer 'Iestarossa pour la soiree de lancement de son premier

EP. Au depart, ce1arelevait plus d'une affaire de potes que d'un veritable

boulot mene avec serieux, I!ne debarquait pas chez moi avectout son

matos pour bosser sur un truc precis, ilm'envoyait des demos en ligne, me

demandait de remonter la sauce de tel ou tel morceau.

Quand il produit quelque chose, c;avient de loin, c'est comme s'il filait

une partie de lui, comme s'il donnait un de ses bras. A chaque fois qui!

bosse un titre, il a la tete dans Ie guidon; il faut que cela soit exactement

comme il veut sinon it aura l' impression de foirer son projet.

Pour construire son album, Vinco est parti d'une serie d'images

qui devaient former un univers, une sorte de film. Un film auquel

la musique devait ressernbler, et pas l'inverse. II a lance quelques

pistes, a produit des bases sur lesquelles j'ai ensuite bosse en suivantses indications - Vinco, c'est quelqu'un qui a des idees et qui sait

indiquer les directions dans lesquelles il veut aller. Pendant un an, on

a fait du Lego et du Tetris ensemble. Au final, son album colle a sonpersonnage, c'est une bande originale qui marche parfaitement. On

dirait la bibliographie de Stephen King mise en musique.

5/13/2018 Kavinsky Interview Snacht 2012 - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/kavinsky-interview-snacht-2012 7/8

 

VMUS IQUE - K AV INSK Y

En 2007, tu es parti avec toute cette bande aux Etats-Unis pour la

tournee des Justice. Tu as un souvenir particulier de cette aventure?

- Bah, il y a ce fameux episode filme dans A cr os s t he u ni ve rs e ou je

suis en calebard et en lunettes de soleil dans une villa de Los Angeles

en train de faire du saxophone avec un vase sur un son de fou. A cote

de moi, il y a Gaspard avec une serviette autour de la taille qui fait

semblant de jouer de la batterie. Ah putain, on etait bien!

Dans cette bande, on trouve egalement Guy-Manuel de Homem-Christo,

run des deux Daft Punk. C'est avec lui que tu as bosse sur Ie fameux

«Nightcall» . Quelle est la genese de ce marceau?

- C'est moi qui lui ai propose de faire un morceau. C'etait juste apres

la tournee des Daft pendant laquelle on avait bien accroche et il a ete

tout de suite chaud. [e voulais un truc sur lequel on puisse danser

avec une meuf. Tu sais, je suis un peu fleur bleue parfois, j'aime bien

me faire porter par un truc niais si c'est bien foutu et bien amene, Ie

suis meme capable de chialer en matant la fin de E.T . Tex tra-terres irei

«Nightcall» , je voulais que ce soit un slow, une ballade, ['avais un

scenario en tete: un zombie qui viendrait roder autour de la baraque

de sa femme, la regarderait reconstruire sa vie . .. avant de lui passer un

coup de fil ambiance « Je t'a p pe ll e c e s o ir p o ur te d ir e. ..»

Avec Guy-Man',c'est la premiere fois que je ne bossais pas en slibard devant mon ordi.

Putain, je me souviens que dans la piece ou ron etait, il y avait le pianode Michel Berger, et j'ai meme compose le refrain dessus ...

Et t'etais en slibard pour enregistrer la voix de Lovefoxxx ?

- Mais la meuf, je ne l'ai meme pas vu pour enregistrer, je ne suis pas

alle a Rio! Tout s'est fait a distance. Lovefoxxx, j'ai fini par la rencontrer

ily a quelques mois a un de ses concerts.

Ka v in s ky s 'i ni er rom p t et se ltv e s ou da ine me ni. I I s 'e tir e e n lib era n; u n

;m n is se m en t b on na rd . «Faut que j'aille pisser, j'arrive », Au fo nd de la

p ie ce , o n e m en d I e g ro s e ch o d 'u ne e da bo us su re c on tin ue . «Oh, va falloir

appeler Ie Guinness la! Je viens de faire le pipi le plus long du monde »

s u e u l e Ka vin sk y e n se r efr oq u an t a u l oi n. P u is il r ev ie nt e t s e r as so it Iil 'a ise .

Tu remarqueras que je me suis lave les mains avant de reprendre• interview. Je suis pas les Bloody Beetroots moi hein».

r ep re nd a lo rs . Pour Drive , quand le realisateur Nicolas Winding

Refn et le mec qui s'occupait de la musique, l'ancien Red Hot Chilli

?eppers, Cliff Martinez, m'ont appele, j'ai dit banco. Putain, mais

~eme moi j'aurais paye pour avoir mon son dedans. Le pitch du film

etait mortel: un mec au volant, avec des rnitaines, c'est du tout bon!

~-::puis Winding Refn quoi! [e suis un fan de la premiere heure de sa

;:dlogie Pusher et en plus, le gars m'a dit qu'il ecoutait «Nightcall» dans

~ caisse, pendant le montage du film.

un moment oil c;:an'etait pas vraiment connu ...

- Oui et non. A l'epoque, notre concours de remixes avait eu un

zzrtain succes: on avait recu plus de 650 morceaux. De tout hein.

.eggae, ragga, muffin, pop, rock, n'importe quoi. De temps en temps,me tape encore des barres a ecouter une petite selection de remixes

mode country qui me font pleurer de rire.

___ x _

«Quand on m'a montre un

disque des Daft,

j'ai vu marque" punk" sur

la cover, j'ai tout de

suite envoye ca balader»

x

Guy-Manuel de Homem~Christo

Guy Man', superman. Guy-Manuel de Homem-Christo,

moitie des Daft Punk fait aujourd'hui partie du pantheon

de la musique francelse, prescripteur de sa nouvelle

variete. Pas la peine de s'etendre sur Ie pedigree de ce

celebre anonyme a moins que vous soyez nes au fin fond

du Perou. Compagnon du team Ed Banger et de Pedro

Winter - ce dernier a manage Daft Punk pendant un

temps - Guy Man' devait tercement finir par croiserKavinsky a un moment ou un autre. Et vice versa.

-Avec Thomas Bangalter, nous avons rencontre Vinco dans les loges

du festival Pukkelpop en 2006. Ce soir-la, il y avait tout le monde:

Soulwax, Pedro Winter, les Justice. Vinco trainait dans Ie coin; il

est venu nous serrer la main apres notre concert. II avait l'air assez

content de nous croiser. Nous aussi: on etait fans de « T ed dy B oy »,

son premier single. En le regardant, c'est marrant, j'ai eu comme

l'irnpression d'avoir a faire a un acteur, sans savoir si on etait dans

une comedie ou un drame.

Sa musique est identifiable des la premiere ecoute. Vinco s'est

reapproprie ce son eighties si particulier et surtout, il a su Ie

reactualiser tout en Ie combinant a un univers visuel solide. Pour moi,

cette sorte de package releve plus d'une proposition cinematographiqueque musicale. Le fait que «Nightcall» se soit retrouve sur la bande

originale de Drive est une bonne illustration de cette idee je trouve.

Vinco nous a accompagne sur notre tournee mondiale en 2007;

c'est un souvenir inoubliable.

On est devenus amis dans une ambiance de celebration intense. [e

crois que Vinco, jusque-la, n'etait jamais alle aux Etats-Unis ni au

[apon -deux voyages qui etaient des reves d'enfant. Ca nous a touche

de partager c;:aavec lui. Je me souviens egalement de ce qui reste

aujourd'hui comme Ie plus long fou-rire de toute rna vie, une heure

non-stop de marrade avec lui dans Ie bus de la tournee. Memorable.

La genese de «Nightcall» est assez simple: Vinco rn'avait demande de

lui produire un morceau et il se trouve que j'avais dans mon ordinateur

un loop qui correspondait assez bien a son style. Tous les deux, on

avait la meme vision du concept auquel devait etre adossee la chanson:

donner vie a son personnage de zombie en Ie faisant parler et en Ie

fondant dans une ambiance dark et mysterieuse. Pour l 'enregistrement,

Vinco s'est vraiment mis en mode «pro». En fin de compte, bosser sur

ce titre, c'etait une maniere de sceller mon amitie avec lui, mais aussi

avec SebastiAn et Sebastien Tellier qui ont aussi participe au projet.

Au final, Vinco, c'est un mec qui vit dans l'instant.Il sait ce qu'il aime

et ce qu'il deteste, et il n'hesite pas a Ie faire savoir. S'il fallait Ie resumer

en quelques mots, disons que c'est une grande gueule au grand coeur.

>

5/13/2018 Kavinsky Interview Snacht 2012 - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/kavinsky-interview-snacht-2012 8/8

 

62MUSI QU E - KA VI NS KY

___ x _

«Chevrolet Impala, helico,

casquette, c1ac c1ac,ecran noir

et boom, "NightcaIlU! J'ai

chope Ie genou de Skrillex en

lachant un "Yes !!!"»

x

Quel a ete ta reaction quand tu as vu Dr iv e? T'as pleure de rire en

ecoutant ton titre sur des images de Ryan Gosling?

- [e suis aile mater le film avec Skrillex. Le mec etait a Paris et je luiai propose de venir avec moi a la projection presse a laquelle j'ailais.

Evidemment, on est arrives en retard et on s'est foutus au premier

rang. [e savais que mon son etait pendant le generique, j'esperais juste

ne pas l'avoir rate, sinon je me cassais. Plus les minutes passaient et

plus je me disais que j'avais rate ce putain de generique. Franchement,

au bout de douze minutes, s'il n'y a toujours pas de generique, c'est

qu'il doit y avoir un petit souci. Et la, tout d'un coup: Chevrolet Impala,

helico, casquette, clac clac, ecran noir et boom, «Nightcal l»! ['ai chope

le genou de Skrillex en lachant un «Yesll!» en mode «C'es t o im les

gar s l», Un truc de demeure, comme si j'etais dans une colo de la

mairie de Paris. ['etais comme un dingue bordel! Et la, un mec, sorti

de nulle part, a pose sa main sur mon epaule facon prise de Spoke

dans S ta r T re k et m'a dit: «Le film , on a im era it b ien le v oir n ou s a us si,

d on e tu te ta is». rai ricane un peu nerveusement, et j'ai ecarte la maindu type. C'etait une espece de petit mec avec un sac Hewlett Packard

en bandouliere et un cuir noir de fan des freres Wachoswki (les

realisateurs de Matr ix -ndlr).

Revenons a la musique. En realite, «Nigh tcaU» cons acre une sensation

que l'on a depuis la premiere ecoute de ton premier EP: ta musique,

C e s t uu son . a fane - p e t e r \'au to -ram o, dan s n ne H on da Civic, n n eTestarossa, une Chevy Imapala ou une Kangoo. Autophile le Kavinsky ?

- Un trajet en bagnole, c'est vraiment la premiere image qui me vient

a l'esprit quand je fais de la musique. C'e st quand meme une sensation

de dingue de conduire en ecoutant de la musique! Avec ca, tu files des

ailes a n'importe qui, on peut faire ce qu'on veut: on pleure, on rit, on

erie. On ne doit rien a personne. rai vecu chez rna reum jusqu'a tres

tard et rna caisse, rna Honda Civic c'etait rna piaule a moi, j'ai dormidedans un paquet de fois quand j'etais trop bourre pour rentrer. [e me

faisais des tours de periph de dingue avec un disque a fond. Quand

tu fermes les portes, t'as l'impression d'etre dans un sous-marin, iln'y a pas meilleure acoustique pour ecouter un album, pop, gospel

ou branlette. Et puis le son avec toutes ces images qui defilent, c'est

dingue. ['ai une anecdote qui relie Kavinsky et les bagnoles. Tu connais

GTA? Moi j'y jouais sur Dreamcast deja. Bon, et ben, il y a quelques

annees, Rockstar (la societe de developpement du jeu) m'a appele pour

recuperer le remix de Testarossa par SebastiAn pour les virees en caisses

du personnage principal de GTA 4 - En y repensant, effectivement, le

son passait bien en voiture. Surtout quand t'entends le mec de la radio

GTA: « And n ow , K avinsky ... » Ah Putain, j'y croyais pas, je relancais

le truc en boucle. Avec <;a, je peux mourir demain. Mon petit frere

aussi etait comme un ouf! C;am'a fait aussi rire d'ailleurs qu'il y ait

une connexion GTA-Kavinsky: parmi les jobs a.e merde que )'ai fait,

j'.ai ete prep=ateur de convnandes pour Ies =agasins de jeux videos

Adjcr01TJanja..Erdes: CZA_7,j'enajchourave ...

Les images de caisses, c'est sfuement ce qui fa aide a faconner l'univers

qui perle a travers les tracks de ton premier album. Justement, pourquoi

ce premier album n'arrive que maintenant, pres de six ans apres ton

apparition sur les devants de la scene? En fait, jusqu'a aujourd'hui, tu

ne comptes que trois EP a ton actif. Pourquoi une telle pardmonie ?

- Mais c'est un coup du sirocco ca! [e suis une sorte de feignasse,

discretement bosseur. [e fais les choses tranquillement. [e n'ai pas

l'impression d'avoir un boulot, je ne bosse pas comme si j'en avais un.

Et je ne prends pas de RTf -ou alors j'en prends trop. En fait, je ne

me fixe pas de calendrier, pas d'ultimatum. [e n'ai pas une conception

industrielle de la facon dont je dois faire rna musique. [e fais les choses

quand je veux. Et surtout, je ne les fais pas quand je ne veux pas les

faire. Dans ces cas-la, je suis souvent au resto.

Ton premier album devrait sortir au printemps. Quest ce qui t'as

pousse a finalement t'embarquer dans la construction d'un tel projet?

- Disons que mon album etait fini a 75% avant fete demier et que

Dr iv e m'a file un coup de boost pour le terminer. Mais moi, je ne me

suis jamais engage seul dans cette demarche, jem'en foutais un peu. C'est

mon producteur et mes potes qui m'ont lance, dont bien sfrr SebastiAn.

L a musique de ton premier album est a l'image de ce que tu as fait

jusque la: toujours aussi grave et lancinante. En l'ecoutant, j'ai eu

l'impression que tu avais pense ce projet comme un gros doigt

d'honneur affiche au nez et a la barbe des dancefloors ...

- Ouais, <;an'a rien de dansant. Mais moi, perso, tu me ne feras jamais

danser de la techno dans un dub. [e ne suis pas tres festivite, a part aubar. Quand je suis a une soiree, j'y suis pour le taf ou en train de boire

des coups, qu'on se le dise, je ne fais pas de la techno. D'ailleurs je

trouve ca con qu'iTunes ait mis «Nightcal l» dans la case electronique,

<;an'a rien de vraiment electro.

I'une des petites dingueries de ce premier l'album, c'est la presence de

Havoc, la moitie de Mobb Deep, sur l'un des titres. Comment as-tu fait

pour choper Ie mec ?

- A l'epoque O U j'etais coince dans rna banlieue, j'ecoutais du rap,

dont beaucoup de Mobb Deep. C'est donc a eux que j'aipense pour

l'album. Le probleme, c'est que lorsqu'il a faliu emegistrer, Prodigy,

l'autre membre du groupe, etait en taule. rai donc eu Havoc tout seul.

Comme avec Lovefoxxx, le titre s'est fait

adistance. Et quand je pense

qu'a peine quinze jours apres que le titre ait He boucle, Prodigy sortait

de taule ...

Huit millions de vues sur Youtube \>Our «Nigh tcaU », Havoc sur un de

tes tracks ... en y repensant, ilest quand meme bien loin le temps des

baby-foot, du courrier chez Manpower et des livraisons de pizzas.

- C'est pas mal de rencontres, qui font la liaison avec d'autres, tu

t'entends bien avec eux ... Le fait d'etre dans un environnement plus

ou moins sain et amical, avec ces gens-la, ca te donne envie de faire

des choses ...

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