2

La Cara

vane de

Marguer

ite - To

me 1

La Caravane de Marguerite

Chantal Grandjean

29.16 629256

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 222 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 17.54 ----------------------------------------------------------------------------

La Caravane de Marguerite Tome 1 - Les sorcières existent... ou pas

Chantal Grandjean

Chanta

l Gr

andje

an

Tome 1Les sorcières existent...ou pas

2 2

2 3

Première partie

Les sorcières existent… ou pas

Fin octobre.

Vacances de la Toussaint.

C’est aussi le temps d’Halloween…

Voilà bien une période un peu secrète au cœur de l’automne.

Personne ne croit aux sorcières !

Personne ne croit aux fantômes !

Pourtant…

Un mystère rôde par ici !

2 4

2 5

Fin octobre.

Début des vacances de la Toussaint.

Dans la campagne, au fil de la route, on peut soupçonner des silhouettes dessinées par les branchages.

On ne sait dire vraiment quoi. Des ombres se devinent à peine dans la brume.

On les laisse derrière soi. D’ailleurs ont-elles vraiment existé ne serait-ce qu’un instant ?

C’est peut-être l’effet de leurs yeux à demi clos.

Un peu étourdis, presque somnolents, Valentin et Jason se retrouvent dans la cour de la fermette.

Tout en déchargeant leur bagage, ils peuvent s’apercevoir que rien ici n’a véritablement changé depuis l’été dernier.

Ils reconnaissent les poulettes. Affolées par l’arrivée de la petite voiture bleue de Nicolas, elles viennent de traverser la cour dallée pour aller se cacher à l’abord des murets où les dernières roses finissent de s’épanouir.

2 6

Sous le soleil bas qui n’arrive pas à réchauffer l’atmosphère de cette matinée d’automne, la véranda renvoie le même reflet usé.

Ils sont loin de ressentir la chaleur accablante de l’été dernier car les toutes premières gelées blanches se sont déjà installées.

Dans leur sac, pantalons, pulls et sweats ont remplacé les bermudas, shorts et tee-shirts de juillet et août.

Oubliées les casquettes qu’on leur reprochait souvent de ne pas porter lors de la canicule !

La mère de Jason est même allée jusqu’à glisser un bonnet et des gants dans le bagage du garçon.

Face à sa grimace, elle a précisé : – Tu seras peut-être bien content de les avoir. Il

ne fait pas chaud le matin et le soir surtout que là-bas, tu vas te retrouver en pleine nature.

La silhouette de Mélanie traverse la véranda à la porte close.

– Il faut maintenant fermer, précise la jeune femme en embrassant Nicolas. La température a drôlement fraîchi ces derniers jours. L’hiver s’annonce précoce !

Elle se tourne vers les garçons immobiles. – Franchement, je ne pensais pas vous récupérer

aussi vite pour mauvaise conduite.

Valentin danse d’un pied sur l’autre et Jason fixe le bout de ses baskets.

2 7

Si Nicolas, leur éducateur, a décidé d’un nouveau stage ici c’est que depuis leur entrée en 6ème leur comportement n’a pas été des plus exemplaires…

Le regard bleu de Mélanie les toise sans pitié. – J’ai pris connaissance de vos résultats, enfin des

vraies notes… si vous voyez ce que je veux dire… pas celles que vous avez falsifiées ! C’est insensé d’être aussi mauvais. Et tout ça parce que vous n’avez qu’une idée en tête : faire des bêtises. Croyez bien qu’ici, vous n’allez pas vous amuser. On ne change pas le programme que vous connaissez depuis cet été à part que pour la semaine vous aurez cours matin et après-midi, quatre heures au total. Le reste du temps, vous serez occupés avec Gaston à préparer le potager pour l’hiver, à ramasser les feuilles, à ranger le bois et à aider Germaine pour la cuisine et la vaisselle.

Valentin et Jason ont toutes les peines du monde à cacher leur mécontentement car évidemment ce programme est loin de les enthousiasmer. Ils n’osent même pas demander s’ils pourront aller aux écuries d’Yvan pour s’occuper des poneys.

– Pour le moment, allez déposer votre sac dans la chambre. Vous reprenez les mêmes lits. Mehdi doit arriver en fin d’après-midi…

– Chouette !, fait Jason. – C’est peut-être chouette, relève Mélanie, il ne

vient pas forcément pour un rattrapage scolaire ni à cause d’une mauvaise conduite mais pour changer de

2 8

l’air de la région parisienne et aider Yvan aux écuries. Valentin gonfle ses joues. Elle lève les yeux au ciel. – Tu as raison cela en bouche un coin ! Prenez-en

de la graine tous les deux. Tant que j’y pense retenez bien ceci : le convecteur de la chambre tourne au ralenti pendant la journée pour maintenir la température jusqu’à l’heure du coucher donc ne laissez en aucun cas la porte ouverte sinon ça chauffera aussi pour vos oreilles. Filez ranger vos affaires.

Nicolas, tu prendras bien un café ? – Merci mais non, je dois au plus vite récupérer

ma voiture des « grands jours » pour passer prendre Arielle. On s’en va quelques jours chez ses parents dans le Sud. Il fera peut-être plus doux qu’ici…

En entendant le nom de leur ancienne institutrice de CM2 devenue la fiancée de leur éducateur, les garçons tendent l’oreille.

– C’est dans quel coin ?, demande Mélanie. – Marseille… Valentin ne peut s’empêcher de déclarer : – Ma mère habite Marseille. – Tu n’as pas à ramener ta langue, gronde

Mélanie. Elle le dévisage. – Tu la vois peu alors ta mère ? Il hoche la tête. – Elle n’a pas pu me recevoir cet été. Ce sera peut-

être pour Noël. De toute façon, j’aime pas aller là-bas.

2 9

Avant de monter dans sa voiture qui garde encore des traces de givre, Nicolas précise :

– Je serai de retour en fin de semaine donc je passerai vous chercher pour vous ramener chez vous, samedi 18 heures au plus tard. D’ici là, comportez-vous le mieux possible. C’est un ordre !

Nicolas est souvent très sévère mais il a aussi un tempérament rieur et aime à plaisanter. Alors il ajoute :

– Vous savez que jeudi, c’est Halloween ! Méfiez-vous car dans la région quelques sorcières pourraient bien venir vous tirer les oreilles !

Ah, mais oui ! Les garçons avaient oublié ça. A l’école, on parlait un peu de cette fête bizarre arrivée tout droit des Etats-Unis mais au collège pas du tout. D’ailleurs qui pourrait bien croire encore à ces vieilles histoires de sorcières, de fantômes et de revenants ? Ils n’avaient plus l’âge de jouer avec des citrouilles.

Pourtant, ils ne le savent pas encore mais il n’y a pas d’âge pour se faire peur face à des phénomènes assez étranges que l’on peut expliquer ou pas…

Sur le seuil de la maisonnette qui abrite le dortoir, un petit sentiment de nostalgie les envahit. L’odeur de la vieille charpente en bois se mêle toujours à celle des tomettes passées au savon noir par les bons soins de Germaine.

Cela leur rappelle le temps de l’été.

En rangeant leurs vêtements sur les étagères, ils

2 10

ne s’étonnent pas d’avoir eu la même idée. Avec le matériel scolaire obligatoire, ils ont apporté chacun une lampe de poche car ils ont retenu que cela pouvait être bien utile ici.

C’est alors qu’un petit chien au pelage crème presque blanc, tout pataud, aux yeux d’un marron profond et à la truffe humide et frémissante, vient de surgir d’on ne sait où pour mordiller le bas de leur jean.

Mélanie arrive juste derrière et saisit le fin collier rouge.

– Je vous ai pourtant dit de fermer la porte ! On ne paye pas le chauffage pour la cour !

Tout naturellement, Jason s’empresse de caresser le chiot.

– Il est trop mignon. – « Elle », rectifie Mélanie. C’est une petite

chienne labrador de trois mois. Elle s’appelle « Griotte ». C’est encore un bébé donc il ne faut pas la bousculer mais il ne faut pas non plus la laisser faire n’importe quoi. Si elle vient pour croquer, vous devez la repousser, sans lui faire mal évidemment, en disant : « non ! » d’un ton ferme. En tout cas, je vous conseille de ne rien laisser traîner car elle en ferait son affaire. Elle adore les chaussures, les chaussettes qu’elle peut mettre en lambeaux en un éclair car ses petites dents sont bien pointues… une autre bonne raison pour fermer les portes.

Valentin s’étonne de ne pas avoir vu la petite chienne dès leur arrivée.

2 11

– Ben, où elle était ? – Dans la véranda. Elle dormait profondément

sur le tapis.

Valentin n’a pas réussi à retenir le nom de la petite chienne.

– Comment elle s’appelle déjà ? – Griotte. Vous ne savez pas ce que cela veut

dire ? Les griottes sont des petites cerises au goût un peu acide.

Tout en observant la petite chienne qui n’arrête pas de sautiller autour d’eux, les garçons pensent que c’est là un drôle de nom car il n’y a aucun rapport entre elle et une cerise.

– C’est la petite chienne labrador que ton père, le Comte, voulait t’offrir…, se rappelle Jason.

Et tu n’en voulais pas. Mélanie hoche la tête. – Cela ne te regarde peut-être pas mais en effet

c’est elle qui avait été réservée à la ferme. On l’a récupérée depuis plus d’un mois déjà. Si je n’en voulais pas à l’époque c’est que j’avais beaucoup de chagrin d’avoir perdu Nina.

Elle ajoute en soupirant. – Je garde son souvenir. J’ai encore l’impression

qu’elle peut surgir tout à coup d’un coin de la cour ou de la véranda.

Elle se racle la gorge. – Mais… en fait tout le monde avait raison. Je ne

peux pas vivre sans chien. Et puis, ils sont heureux ici.

2 12

Ils peuvent vivre leur vie sans problème, en pleine nature, sans le danger de la circulation…

Elle passe furtivement la main sur son ventre qui commence à s’arrondir et que les garçons lorgnent d’un œil circonspect.

Valentin s’aventure. – Il est grand comment le bébé ? La jeune femme sourit. – Tu veux dire plutôt : « Au bout de quatre mois,

il est petit comment ? ».

A la sortie de l’école, les garçons ont déjà vu des mamans enceintes avec un ventre beaucoup plus gros que celui de Mélanie mais ils ne se sont jamais trop attardés sur la question. Encore moins sur les bébés qui passent leur temps à brailler quand ils ne suçotent pas leur biberon en bavant. Rien de bien intéressant.

Mais face à Mélanie, la tournure des choses prend une autre dimension et c’est avec un peu d’inquiétude que l’un et l’autre s’imaginent le bébé peut-être dans une position inconfortable dans le ventre de la jeune femme. Comment est-ce que l’on peut tenir là-dedans ?

La petite chienne Griotte, décidément très joueuse, continue à tourner autour d’eux en essayant d’attraper les lacets de leurs baskets.

Jason fait « NON ! » en élevant la voix tandis que Valentin se penche.

– Je peux la prendre dans les bras ?

2 13

– Aucun inconvénient, répond Mélanie, mais ne viens pas te plaindre si elle te fait pipi dessus… C’est encore un bébé. Elle est tout juste propre.

Avec une petite grimace, Valentin se ravise tandis que la jeune femme reprend son air sévère.

– J’en profite pour vous rappeler que pour la semaine vous disposez des vêtements que vous avez apportés sans possibilité de lavage. A cette époque, le linge met du temps à sécher et Germaine ne va pas s’aviser à installer un séchoir dans la salle commune !

Elle se tourne vers le fond le plus sombre de la vaste chambre et pointe son doigt sur la sacrée porte au verrou grinçant.

– Je pense que je n’ai pas à vous rappeler le règlement : il est strictement interdit de sortir par là et encore moins le soir ! D’ailleurs, vous risqueriez d’aller vous geler les fesses avant de vous retrouver à la gendarmerie où vos parents devront aller vous chercher… On est bien d’accord ?

Une certaine torpeur enveloppe les garçons. Ils n’ont aucune envie de s’enfuir. Enfin, pour le moment…

– Ce matin puisque vous venez juste d’arriver, pas de cours.

Une lueur de contentement perce dans leur regard.

– Vous suivrez Gaston au potager puis vous aiderez Germaine à la cuisine. D’ailleurs, elle doit être arrivée du château. On va la rejoindre.

2 14

Elle s’attarde un instant sur le seuil de la maisonnette.

– Il faut bien tirer le chambranle de la porte et lever la poignée pour s’assurer qu’elle est enclenchée car le bois a gonflé par rapport aux changements de température. Si jamais vous ne fermez pas convenablement, la porte se rouvrira, battra au vent et bonsoir pour la facture de chauffage ! Dans ce cas-là, elle sera envoyée à vos parents.

Jason déglutit avec difficulté car sa gorge se serre. Il imagine le désarroi de sa mère à la réception de cette facture car elle dit souvent avoir du mal « à joindre les deux bouts » pour les dépenses. Il se promet d’être particulièrement vigilant vis-à-vis de cette sacrée porte.

La petite chienne Griotte sur leurs talons, ils se dirigent vers la salle commune.

Le ciel azuré est constellé de petits nuages blancs vaporeux et le soleil semble s’installer pour la journée mais le fond de l’air reste tout de même assez frais. Mélanie ramène le foulard autour de son cou et sa longue chevelure mordorée s’en trouve du même coup emprisonnée par la mousseline aussi bleue que ses yeux.

Tout au long des vacances estivales, ils entraient et sortaient par la haute porte en bois toujours grande ouverte. Aujourd’hui, elle est soigneusement fermée.

Une odeur de café flotte dans la vaste salle baignée d’une douce chaleur. Le plafonnier allumé auréole la chevelure frisottée de Germaine d’un reflet doré.

2 15

Assise à la table toujours couverte de la nappe cirée aux petits carreaux rouges et blancs, vêtue d’une robe en laine grise, elle sirote son café sans lever les yeux de son journal.

Visiblement absorbée par sa lecture, elle donne l’impression de ne pas se rendre compte de la présence des garçons.

Mélanie se campe face à elle et croise les bras tout en la dévisageant d’un œil ironique.

– Toujours en sandales ! Même pas froid… ?

La petite dame se redresse sur sa chaise et passe son regard au-dessus des lunettes glissées au bout de son nez.

– Non. Je marche tellement vite que je n’ai pas le temps d’attraper froid. Bientôt s’il le faut, je mettrai des socquettes.

Mélanie pouffe. – En effet ! C’est tellement joli des sandales avec

des chaussettes… Tu as déambulé comme ça depuis le château par

ce chemin boueux j’imagine ? Germaine se renfrogne. – Le chemin n’est nullement boueux, juste un peu

gelé ce matin et je me fiche de ce qui fait joli ou pas. L’essentiel est que je sois à l’aise pour courir partout sans porter deux kilos à chaque pied ! Et puis quand j’étais petite, ma mère m’achetait toujours une paire de sandales vernies noires que je portais avec de fines chaussettes blanches et j’étais très mignonne ainsi !

2 16

– Même en hiver ?, glousse Mélanie. Et puis tu n’as plus dix ans !

– Je te rappelle, Madame Mélanie, qu’on n’est pas encore en hiver et que tu dois arrêter de me casser les pieds avec mes pieds… Cela fait plus de trente ans que ça dure et je dois toujours te répéter la même chose.

Mélanie lui adresse une légère chiquenaude sur la joue.

– Oh ! Mais ma Germaine ne serait-elle pas de mauvaise humeur ? Si je te parle de tes chaussures, c’est que je ne voudrais pas que tu attrapes un mauvais rhume. Pour Noël, foi de moi, je t’offre une petite paire de bottines fourrées avec des petits talons qui claquent comme tu les aimes.

Germaine hausse les épaules. – Comme si je n’en avais pas les moyens ! Tu

veux un café ? – Rapidos car je dois descendre à la chèvrerie.

Elle s’assoit au bord du banc tandis Germaine se dirige vers la cafetière posée en permanence sur la vieille cuisinière blanche en fonte émaillée. Les garçons ne savent que faire de leur corps car face au franc regard de Germaine, ils ne se sentent pas si fiers que ça.

Elle saisit une tasse sur l’étagère bordée d’un galon rouge, la pose face à Mélanie, y verse le café chaud et complète le niveau de sa propre tasse. Le tout dans un silence pesant qui finit d’accentuer la gêne de Valentin et Jason.

2 17

Elle prend un sucre dans le sucrier en porcelaine blanche décorée de délicats myosotis bleus, le casse en deux, en garde une moitié qu’elle trempe dans le jus noir et qu’elle suce d’un air inspiré tout en buvant à petites gorgées.

Au bout de quelques secondes, sous l’œil amusé de Mélanie, elle se décide enfin à s’adresser aux garçons.

– Je dois dire que vous me faites monter la moutarde au nez. Je pensais bien vous revoir ici mais pas forcément parce que vous avez encore fait des vôtres… J’en apprends de belles ! Il paraît que vous avez gravement trompé le monde une nouvelle fois. Gaston et moi, on croyait que vous vous étiez calmés. Alors, on est déçus.

Je suppose que vos parents le sont encore davantage. Qu’est-ce que vous avez donc dans la peau pour toujours chercher les bêtises et vous faire remarquer partout où vous passez ? Le pire c’est que vous trichez, vous vous mentez à vous-mêmes…

Elle reprend sa respiration, secoue la tête d’un air dépité, avale une gorgée de café.

– C’est ça qui ne va pas à notre époque : le manque de respect. Croyez bien qu’en mon temps, il ne fallait pas s’aventurer à chahuter un professeur. D’ailleurs, on n’y pensait même pas. Nos parents nous auraient égorgés sur place et on ne s’avisait pas non plus à tromper leur confiance comme vous le faites !

Mélanie passe sa main sur la toile cirée. La bague

2 18

qui orne son annulaire brille sous la lampe. – Tu sais bien qu’il est inutile de leur faire ainsi la

morale car cela leur passe par-dessus la tête. Ils s’en moquent. Ils se moquent de faire du mal autour d’eux…

Jason esquisse une moue. – C’est pas vrai. Je me moque pas de ma mère. – Si tu ne t’en fichais pas, tu aurais réfléchi avant

de la mettre encore dans l’embarras. – C’est de la faute de Valentin !

Valentin s’esclaffe avec un air de mépris tandis que les yeux de Mélanie lancent des éclairs.

– Ça suffit ! Tu n’es pas un bébé. Tu es en âge de raisonner. Si tu suis Valentin c’est bien parce que cela t’amuse. Il est plus agréable pour vous de faire des bêtises plutôt que de travailler sérieusement. Je dispose de peu de temps pour vous rappeler à l’ordre mais croyez bien que je ne vais rien laisser passer. Vous allez vous en rappeler !

Mélanie ne marque aucune mesure de pitié. Valentin et Jason en restent pantois.

Ils aimeraient croiser le regard de Germaine et espérer qu’elle puisse arranger ce temps de vie si difficile mais ils ont bien l’impression qu’ils ne retrouveront pas de sitôt la bienveillance de l’été dernier.

Elle semble loin d’eux. Les yeux rivés sur la page ouverte de son journal,

2 19

elle souffle et finit par se lever pour ouvrir la porte en bas du petit buffet.

– Vous avez peut-être une petite faim, dit-elle en posant un paquet de biscuits au chocolat sur la table. Asseyez-vous et si vous avez soif, la bouteille de jus de fruit est dans le frigo.

Un peu rassurés, les garçons sont persuadés que Germaine n’a rien perdu de sa bonté. Chacun s’assoit côte à côte sur le banc près de Mélanie qui n’adhère pas forcément à l’invitation de Germaine.

– Si vous avez faim pas plus de deux gâteaux car l’heure du petit-déjeuner est largement dépassée. Qu’as-tu prévu pour midi ?, demande-t-elle à Germaine qui est replongée dans la lecture du journal.

Elle répète plus fort. – Qu’est-ce qui est prévu au menu ? – Steak frites, répond Germaine sans lever les

yeux de sa lecture. Mélanie sourcille. – Tu m’as l’air complètement aspirée par ce

journal. Qu’y a-t-il de tellement absorbant ? C’est la rubrique nécrologique… les annonces de chiens et chats perdus ?

La petite dame paraît offusquée. – Tu as une piètre idée de mon niveau

intellectuel ! Même si je ne suis pas professeur « MOI », je suis capable de lire des choses un peu plus intéressantes.

2 20

– Tu prends tout au premier degré quand tu es de mauvais poil, ma pauvre Germaine. Tu ne vois pas que je te titille ? Mais alors dis-moi ce qui est vraiment intéressant pour une fois dans ce journal local…

Germaine balance la tête. – Tu n’as pas tout à fait tort. Je cherche si la petite

annonce est parue… – Quelle petite annonce ? – Celle que ton père se promet de faire passer

depuis une dizaine de jours.

Mélanie s’étonne que son père, Monsieur le Comte de La Boissière, châtelain ayant une vie bien remplie entre ses voyages et ses affaires, puisse passer une annonce dans le journal du coin. Ce petit hebdomadaire qui s’alimente des cancans, des petites histoires de voisinage, ne fait normalement pas partie de ses lectures habituelles.

Pour lui, c’est plutôt « LE MONDE » et « LE CHASSEUR FRANÇAIS »…

– Et c’est quoi cette petite annonce ? Il cherche à vendre quelque chose ? Il recherche du personnel pour le château ?

Germaine secoue vivement la tête. – Non ! Ben, tu n’es pas au courant ? C’est pour la

petite caravane… – Quelle petite caravane ? – La caravane blanche qui est restée sur son