la coaction en droit penal - theses.fr
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UNIVERSITÉ MONTESQUIEU - BORDEAUX IV
ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT (E.D. 41)
DOCTORAT en DROIT
Elisa BARON
LA COACTION EN DROIT PENAL
Thèse dirigée par Madame le Professeur Valérie MALABAT
Soutenue le 7 décembre 2012
JURY :
Monsieur Philippe BONFILS Professeur à l’Université d’Aix-Marseille III, rapporteur.
Monsieur Bertrand DE LAMY,
Professeur à l’Université de Toulouse 1 - Capitole.
Madame Valérie MALABAT,
Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV.
Monsieur Xavier PIN Professeur à l’Université de Lyon III, rapporteur.
Monsieur Jean-Christophe SAINT-PAU,
Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV.
3
A mes parents.
5
REMERCIEMENTS
Ce travail n’aurait pas été le même sans vous :
Merci à Roger pour ton soutien, ta présence rassurante et ta patience,
Merci à mes parents pour votre soutien, vos encouragements et votre compréhension,
Merci à Valérie Malabat pour votre confiance, votre disponibilité et vos remarques toujours si
pertinentes,
Merci à Emmanuelle, Julien et Yannick pour votre aide si précieuse, vos conseils judicieux, et
votre humour à toute épreuve,
Merci à Elodie, Marie, Marie-Anne, Maxence et Pierre pour vos relectures minutieuses et
votre attention constante,
Merci à Maxime et Walter pour avoir été aussi consciencieux que si l’avenir du monde en
dépendait,
Merci à Clément pour avoir su dompter l’animal informatique,
Merci enfin à vous qui m’avez proposé votre aide et dont je n’ai osé profiter.
Merci à vous tous d’avoir supporté mes coups de sang tout aussi soudains qu’excessifs,
d’avoir partagé mes thés et autres breuvages inavouables et surtout de m’avoir tant fait rire.
C’est grâce à vous que ces années ont été si belles qu’elles me manquent déjà.
7
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
AJ pén. Actualité juridique pénale
Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation
Bull. Joly Bulletin Joly
CA Cour d’appel
Cour EDH Cour européenne des droits de l’homme
C. proc. civ. Code de procédure civile
C. proc. pén. Code de procédure pénale
Cass. Cour de cassation
Cons. const. Conseil Constitutionnel
Conv. EDH Convention européenne des droits de l’homme et des libertés
fondamentales
D. Dalloz (Recueil)
D.P. Dalloz périodique
Dr. soc. Revue droit social
Gaz. Pal. Gazette du Palais
J.-Cl. Juris-Classeur – Encyclopédies
JCP G Juris-Classeur Périodique (Semaine juridique)
JCP E Juris-Classeur Périodique, édition Entreprise
Rev. crit. lég. jur. Revue critique de législatation et de jurisprudence
Rev. dr. int. dr. comp. Revue de droit international et de droit comparé
Dr. pén. Revue droit pénal
RID pén. Revue internationale de droit pénal
RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal
Rev. dr. pén. crim. Revue de droit pénal et de criminologie
Rev. sc. crim. Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé
RICPT Revue internationale de criminologie et de police technique
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
Rép. civ. Répertoire civil
Rép. pén. Répertoire pénal
S. Sirey (Recueil Sirey)
9
SOMMAIRE
PARTIE 1 – LA NOTION DE COACTION ..................................................................................................... 35
TITRE 1- UN MODE DE PARTICIPATION A UNE INFRACTION ................................................................................ 39
Chapitre 1 – Un mode de participation criminelle ...................................................................................... 41
Section 1 – La pluralité d’intervenants, condition nécessaire de la participation ................................... 42
Section 2 – La volonté de s’associer, condition caractéristique de la participation ................................ 62
Chapitre 2- Une participation à une infraction unique ............................................................................... 91
Section 1- L’exigence d’une entente entre coauteurs.............................................................................. 93
Section 2- L’indifférence à l’objet de l’entente entre coauteurs ........................................................... 113
TITRE 2- UN MODE DE PARTICIPATION A SA PROPRE INFRACTION ................................................................... 149
Chapitre 1- Une participation au résultat infractionnel collectif .............................................................. 153
Section 1- L’exigence d’une contribution causale à l’infraction .......................................................... 153
Section 2- L’intensité de la contribution causale à l’infraction ............................................................ 173
Chapitre 2- Une participation au comportement infractionnel collectif ................................................... 197
Section 1- Une indépendance morale entre coauteurs .......................................................................... 198
Section 2- Une dépendance matérielle entre coauteurs ......................................................................... 230
PARTIE 2- LE REGIME DE LA COACTION.............................................................................................. 265
TITRE 1- L’INFLUENCE DE L’INTERDEPENDANCE ENTRE COAUTEURS SUR LE REGIME DE LA COACTION .......... 267
Chapitre 1- Une responsabilité soumise à la communication pénale ........................................................ 269
Section 1- La communication des éléments constitutifs de l’infraction collective ............................... 273
Section 2- La communication des circonstances aggravantes de l’infraction collective....................... 289
Chapitre 2- Une procédure soumise à la solidarité entre coauteurs ......................................................... 309
Section 1- L’indivisibilité entre coauteurs ............................................................................................ 311
Section 2- L’autorité de chose jugée entre coauteurs ............................................................................ 337
TITRE 2- L’INFLUENCE DE LA PARTICIPATION A UNE INFRACTION COLLECTIVE SUR LE REGIME DE LA
COACTION ....................................................................................................................................................... 357
Chapitre 1- L’influence de la participation à une infraction unique sur le régime de la coaction ........... 359
Section 1- La justification commune de l’infraction ............................................................................. 361
Section 2- L’oubli commun de l’infraction ........................................................................................... 379
Chapitre 2- L’influence de la participation à sa propre infraction sur le régime de la coaction .............. 389
Section 1- Le domaine matériel de la coaction ..................................................................................... 391
Section 2- Les peines de la coaction ..................................................................................................... 399
11
INTRODUCTION
1. Dans le même sac mais pas du même fil. – En considérant qu’auteur principal et
complice sont « cousus dans le même sac »1 mais « pas […] du même fil »
2, les Professeurs
CARBONNIER et DE LAMY scellaient le sort de ces individus : si leurs comportements sont
étroitement liés, leur culpabilité n’est pas indissociable. Pourtant, alors que complice et
coauteur sont généralement envisagés côte à côte par le législateur3, la répression de ce
dernier type de participant à l’infraction est pour sa part trop souvent ignorée de la doctrine
pénaliste4.
2. Absence de définition légale de la coaction. – Le terme de coaction n’est employé
ni par le Code pénal, ni par le Code de procédure pénale. Seul celui de coauteur l’est, mais
très rarement. Le Code pénal l’utilise ainsi à une unique reprise, en son article 434-7-2 relatif
aux entraves à l’exercice de la justice, pour incriminer le fait de révéler des informations
issues d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant un crime ou un délit, à des
personnes susceptibles d’être impliquées dans la commission de ces infraction à titre,
notamment, de coauteur, lorsque cette révélation est de nature à entraver le déroulement des
investigations ou la manifestation de la vérité. Quant au Code de procédure pénale, il ne vise
que rarement les coauteurs. Par exemple, il en traite dans son article 383 s’agissant de la
compétence du Tribunal correctionnel pour considérer que « la compétence à l’égard d’un
prévenu s’étend à tous coauteurs et complices ». En outre, il envisage encore les coauteurs
pour leur appliquer la solidarité, l’article 375-2 alinéa 2 disposant, en matière de crimes, que
« la cour peut, par décision spéciale et motivée, ordonner que l’accusé qui s’est entouré de
1 J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable aux complices, JCP G 1952, I, 1034.
2 B. DE LAMY, obs. sous Cass. crim., 8 janv. 2003, D. 2004, p. 310.
3 V. infra n° 5.
4 Sur la rareté des études consacrées à la coaction : v. infra n° 18.
12
coauteurs ou de complices insolvables sera tenu solidairement des amendes »5. Enfin, pour
prendre un dernier exemple, depuis la loi du 14 avril 2011, l’article 62-2 5° du même code
définit la garde à vue comme une mesure permettant notamment d’empêcher que la personne
ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices. Mais
aucun de ces textes n’est propre à la coaction, les coauteurs y étant traités de même que les
complices6, voire que les auteurs ou receleurs
7. Surtout, aucun d’entre eux n’est un texte de
définition.
3. Existence de la coaction en doctrine. – La doctrine témoigne pourtant, elle aussi, de
l’existence de la notion de coaction. En effet, si CORNU ne définit pas le terme de coaction, il
s’intéresse à celui de coauteur, qui renverrait ainsi, en matière pénale, à la « personne qui,
participant directement à la commission d’une infraction aux côtés d’une ou plusieurs autres
personnes, en est considérée comme l’un des auteurs principaux, par opposition au
complice ». De plus, les manuels de droit pénal général consacrent généralement des
développements aux coauteurs ou à la coaction au titre de la détermination de la personne
responsable8 ou de la participation à l’infraction
9. La doctrine considère ainsi classiquement
comme coauteurs « les individus qui réunissent en leur personne tous les éléments de
l’infraction commise en participation » 10
. Enfin, force est de constater que différents vocables
renvoient, semble-t-il, à la même réalité et sont employés en tant que synonymes : certains
auteurs parlent ainsi de coactivité11
quand d’autres traitent de coréalité12
ou corréité13
.
5 L’article 480-1 en dispose de même s’agissant des délits.
6 Dans le Code de procédure pénale.
7 Dans le Code pénal.
8 V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, Dalloz, coll. Précis, 22
ème éd., 2011, n° 307 et s. ; PH. CONTE et
P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, Armand Colin, 7ème
éd., 2004, n° 400 et s. ; Y. MAYAUD, Droit
pénal général, PUF, Coll. Droit fondamental, Paris, 3ème
éd., 2010, n° 379 et s. ; J.-H. ROBERT, Droit pénal
général, PUF, coll. Thémis, 6ème
éd., Paris, 2005, p. 369 et s. 9 V. notamment E. DREYER, Droit pénal général, LexisNexis, 2
ème éd., 2012, n° 956 et s. ; R. MERLE et A. VITU,
Traité de droit criminel, Problèmes généraux de la science criminelle – Droit pénal général, Cujas, 7ème
éd.,
1997, n° 531 et s. ; J. PRADEL, Droit pénal général, Cujas, 19ème
éd., 2012, n° 423 et s. 10
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Problèmes généraux de la science criminelle – Droit pénal
général, préc., n° 523. 11
V. notamment ABDULNOUR, La distinction entre coactivité et complicité, Etude de doctrine et de
jurisprudence en Suisse, en Allemagne et en France, thèse Genève, 1967; Y. MAYAUD, Droit pénal
général, préc., n° 380; Y. MAYAUD, Quelle certitude pour le lien de causalité ?, Une certaine idée du droit,
Mélanges offerts à A. Decocq, Litec, 2004, p. 745 et s., spéc. p. 484 ; R. KOERING-JOULIN et A. HUET, Droit
pénal international, PUF, coll. Thémis, 3ème
éd., Paris, 2005, n° 134. 12
V. notamment M. PUECH, Les grands arrêts du droit criminel, Cujas, 1976. 13
V. notamment R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, Tome III, Sirey, 1916, n°
873 et s.
13
Cependant, le terme de coaction paraît préférable. En effet, non seulement il est beaucoup
plus utilisé en doctrine, mais en outre, il est en adéquation avec celui de coauteur qui en
apparaît comme le dérivé. Enfin, les prétendus synonymes de coaction reflètent certainement
des réalités plus larges que cette dernière. Les termes de corréité ou coréalité recouvrent ainsi,
a priori, plus d’hypothèses que celui de coaction puisqu’ils pourraient renvoyer, plus
généralement, à la chose commune réalisée par différents agents14
. Or, cette dernière est
susceptible d’être le fait de coauteurs comme de complices15
, agents pourtant distingués par la
loi comme la jurisprudence16
. Quant à celui de coactivité, l’activité renvoyant à la « faculté
d’agir, de produire un effet », il évoque sans doute des comportements plus nombreux qu’une
action telle qu’entendue par le droit pénal. En effet, si celle-ci n’est pas définie par le Code
pénal, la qualification d’auteur, en revanche, l’est : l’article 121-4 considère ainsi comme
auteur celui qui « commet les faits incriminés » ainsi que celui qui « tente de commettre un
crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit ». Dès lors, parce que le terme « action »
revêt un sens précis au regard du droit pénal, celui de coaction sera préféré à celui de
coactivité.
4. Existence de la coaction en jurisprudence. – Quant à la jurisprudence, elle connaît
également de la notion de coauteur. Outre les décisions qui accordent la qualité de coauteur à
un individu mais sans réellement s’interroger à son sujet, certaines mentionnent ainsi que
celui qui « assiste l’auteur dans les faits de consommation coopère nécessairement à la
perpétration du délit et se rend coauteur »17
. Ce faisant, la jurisprudence ébauche une
définition de la coaction qui se rapproche sans conteste de celle de la complicité. En effet,
l’article 121-7 du Code pénal définit notamment le complice comme « la personne qui
sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation ». L’idée
d’assistance, présente dans les deux définitions, évoque alors un lien entre les deux notions.
14 Ils sont en effet issus du latin « res, rei » signifiant « chose ». Alliés au préfixe « co », issu du latin « cum »
signifiant notamment « avec », ils paraissent alors renvoyer à la chose commune. 15
En effet, si un complice et un auteur principal s’entendent sur la réalisation d’une infraction, celle-ci devient
certainement leur chose commune : sur le fait que l’entente n’exclut pas la complicité mais est simplement
indifférente à sa caractérisation, v. infra n° 92 et s. 16
V. infra n° 4. 17
V. notamment Cass. crim., 9 juin 1848, S., 1848, I, p. 527.
14
5. Nécessaire comparaison avec la complicité. – Or, si le terme de coauteur est seul
visé par les Codes pénal et de procédure pénale, il est toujours mis en parallèle avec la
complicité, laissant donc supposer que ces deux termes se distinguent, mais présentent
également des points de rapprochement. De même que la complicité, la coaction suppose en
effet une pluralité de participants et peut ainsi être considérée comme une forme de
participation à l’infraction. L’histoire atteste d’ailleurs de ce rapprochement nécessaire entre
coaction et complicité.
6. Distinctions historiques entre le rôle des participants. – En effet, historiquement,
la responsabilité était conçue comme une responsabilité collective. Peu importait la faute
commise par l’individu, qu’elle soit intentionnelle ou non, elle pouvait se communiquer à
l’ensemble de son groupe. FAUCONNET considère ainsi que la responsabilité est « collective et
communicable dans les sociétés inférieures », et ce, « par nature »18
. La façon de participer
au crime était alors parfaitement indifférente puisque cette participation elle-même n’était pas
exigée. Seule importait l’appartenance au groupe19
. Puis peu à peu, la responsabilité pénale
s’est individualisée. Les individus ayant personnellement participé à l’infraction étaient alors
seuls à pouvoir être réprimés, mais aucune distinction conceptuelle n’était opérée selon leurs
rôles respectifs20
. Tous étaient unis dans une égalité de peine. Cependant, la participation à
l’infraction témoignant de nombreuses nuances, le droit romain classique a mis en place
d’aussi nombreuses et subtiles distinctions. L’ancien droit français les a résumées en
considérant qu’il devait être distingué entre les auteurs principaux, dénommés auctores ou rei,
et les complices, dénommés soccii, ministri, fautores ou encore participes21
. En outre, au sein
de ces derniers, il fallait encore distinguer entre la complicité par le commandement (jussu),
par le mandat (mandato), par le concert (conscienta), par le conseil (suadendo), par l’aide
donnée à dessein (ope et consilio), par ratification (ratihabitione) et enfin par recel (de
receptatoribus)22
. D’autres auteurs montrent encore que les théologiens envisageaient
également la responsabilité de ceux qui ont coopéré à l’infraction par une abstention selon
18 P. FAUCONNET, La responsabilité : étude de sociologie, F. Alcan, Paris, 1920, p. 330.
19 V. notamment E. VERNY, Le membre d’un groupe en droit pénal, LGDJ, 2002, n° 159 et s.
20 Pour le droit romain primitif, v. D. ALLIX, Essai sur la coaction, LGDJ, 1976, n° 41 et s.
21 V. MUYART DE VOUGLANS, Les lois criminelles, liv. I, tit. II, 1771, p. 5 à 11 ; JOUSSE, La justice criminelle en
France, t. I, 1780, p. 20 et s., t. IV, p. 235 et s., cités par R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit
pénal français, préc., n° 884. 22
Ibid.
15
qu’ils se sont abstenus de s’opposer à l’infraction par leur silence (mutus), leur passivité (non
obtans) ou de la dénoncer après qu’elle a été commise (non manifestans)23
. Mais ces
différentes distinctions, aussi nombreuses soient-elles, ne se traduisaient pas du point de vue
de la pénalité encourue, pénalité que l’on aurait pourtant pu imaginer proportionnée à
l’intervention de chacun24
: auteurs et complices étaient soumis à une stricte égalité quant aux
peines encourues. Quant aux coauteurs, aucune définition ne leur était réservée, le terme
n’étant même pas employé. Cependant, MUYART DE VOUGLANS considère que dans les cas où
« l’on peut dire que le criminel n’est parvenu à consommer son crime ou à en assurer
l’impunité que par les secours qui lui ont été prêtés et qui l’ont rendu plus hardi à le
commettre, il y a lieu de regarder ceux qui ont prêté ces secours non pas simplement comme
des complices mais même comme de véritables coopérateurs du crime, et en cette qualité
aussi punissables que ceux mêmes qu’ils ont aidés à le commettre »25
. Or, le terme de
coopérateur peut certainement être rapproché de celui de coauteur26
. L’auteur distingue de la
sorte entre les participants principaux et les participants secondaires à l’infraction. JOUSSE
poursuit l’analyse en considérant que la nécessité du geste de coopération fait de son auteur
un participant principal27
. Si l’acte n’apparaissait pas comme nécessaire à l’infraction, son
auteur sera un participant secondaire. Se dessine alors la distinction entre coauteurs et
complices : alors que les premiers seraient des participants principaux à l’infraction, les
seconds n’en seraient que des participants secondaires, dont les peines devraient être
amoindries. Cependant, à partir de 1791, la méfiance affichée à l’égard de l’arbitraire des
juges a conduit à confondre à nouveau les pénalités encourues par les auteurs et les complices,
solution reprise dans le Code pénal de 1810. Quant à la notion de coauteur, elle n’était
toujours pas légalement définie. Cependant, le terme était plus présent que dans notre code
actuel, certaines infractions prévoyant une aggravation de la peine lorsque l’infraction avait
été « commise par plusieurs individus », c’est-à-dire par des coauteurs28
.
23 A. LAINGUI, Les adages du droit pénal, Rev. sc. crim. 1986, p. 25 et s., spéc. p. 28, note n° 9.
24 Il s’agissait du reste de la solution retenue par le droit germanique : v. R. GARRAUD, Traité théorique et
pratique du droit pénal français, préc., n° 884. 25
MUYART DE VOUGLANS, livre I, tome II, § 4, cité par D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 48. 26
Dans le même sens, v. D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 48. 27
D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 49 et s. 28
En effet, les complices ne « commettent » pas l’infraction, ils ne font qu’y participer.
16
7. Définitions doctrinales de la coaction. – La qualité de coauteur pouvant parfois être
une circonstance aggravante, la doctrine s’est alors attachée à approfondir ces définitions.
Deux courants principaux ont ainsi été dégagés, un courant subjectif, fondé sur la psychologie
des participants, et un courant objectif, attaché aux manifestations extérieures de la
participation.
Selon le critère subjectif, il conviendrait de rechercher la « direction de la volonté »29
du
participant, c’est-à-dire l’état d’esprit l’ayant animé lors de la réalisation de l’infraction. S’il a
voulu accomplir sa propre infraction, c’est-à-dire qu’il a agi animo auctoris, il devra être
considéré comme un auteur ou un coauteur. En revanche, s’il a souhaité s’associer à
l’infraction d’autrui, c’est-à-dire qu’il a agi animo socii, il sera un complice30
. Cependant,
comme il l’a été remarqué31
, ce critère manque certainement d’efficacité. En effet, outre le fait
qu’il implique des investigations psychologiques difficiles à mettre en œuvre, il est
particulièrement illusoire de croire que le délinquant lui-même se soit interrogé de la sorte.
Quant au critère objectif, il comprend différents courants. Il a ainsi été proposé
d’attribuer la qualité de coauteur aux individus ayant accompli un acte nécessaire à
l’exécution de l’infraction. GARRAUD considère ainsi que les individus étant la cause directe
de l’infraction doivent en être qualifiés de coauteurs, alors que ceux qui n’en sont que la cause
indirecte s’apparentent à des complices, dont la peine encourue devrait alors être moindre32
.
Par exemple, la personne qui distrait l’attention d’un individu pendant qu’une autre lui dérobe
un bijou devrait être qualifiée de coauteur. En revanche, celle qui masquerait les cris de la
victime d’un meurtre en jouant d’un instrument de musique ne devrait être qualifiée de
complice33
. Cependant, cette référence au critère de l’intensité causale a été décriée par une
autre partie de la doctrine. D’abord, la doctrine allemande a fait valoir que tout participant à
l’infraction s’analyse comme une cause de celle-ci et qu’il serait artificiel de tenter de
distinguer entre elles car c’est nécessairement l’action conjuguée des différents participants
29 P. BOCKELMANN, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction,
RID pén., 1956, p. 137 et s., spéc. p. 175. 30
V. également A. ROUX, note sous Cass. crim., 24 juin 1922, S. 1923, 1, p. 41, selon qui « le coauteur a l’âme
d’un auteur alors que le complice a l’esprit d’un auxiliaire ». 31
P. BOCKELMANN, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction,
préc., p. 175 ; JIMENEZ DE ASUA, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à
l’infraction, RID pén., 1957, p. 479 et s. V. également R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit
pénal général, préc., n° 554. 32
R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 902. 33
R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 950.
17
qui a conduit à l’infraction34
. Ensuite, il peut parfois sembler délicat de déterminer quel acte
s’entend d’un acte nécessaire à la consommation, si bien que des hypothèses similaires
pourraient donner lieu à des interprétations différentes. Enfin, certains auteurs ont fait valoir
qu’un tel critère, en renvoyant à la théorie de la causalité adéquate, n’était pas satisfaisant
dans la mesure où il est parfaitement envisageable qu’un individu soit qualifié d’auteur alors
même que son acte, selon le cours normal des choses, n’aurait pas dû produire le résultat qui
lui est reproché35
.
8. Définition retenue par la doctrine française. – C’est pourquoi la doctrine française
a proposé un autre critère, également objectif. En vertu de celui-ci, doivent être considérés
comme des coauteurs les individus réunissant sur leur tête les éléments constitutifs de
l’infraction36
. Tous les autres participants, quelle que soit la nature de leur intervention
devront être qualifiés de complices dès lors qu’ils ne réunissent pas les éléments constitutifs
de l’infraction. Cette définition fait donc du coauteur un auteur comme un autre, à part
entière37
. Sa seule particularité serait ainsi d’avoir réalisé l’infraction en présence d’autres
individus également qualifiables d’auteurs, et donc de coauteurs. Leurs sorts seraient du reste
parfaitement indépendants38
. Ce critère aurait ainsi pour mérite de faire preuve d’une grande
facilité de mise en œuvre, ce qui n’a pas manqué d’être remarqué39
. Pourtant, cette simplicité
apparente n’a pas empêché la jurisprudence de dévoyer la notion ainsi établie.
9. Dévoiement jurisprudentiel des notions de coauteurs et complices sous l’ancien
Code pénal. – En effet, dans un souci généralement répressif, la jurisprudence n’a pas hésité
34 V. notamment VON BURI, Zur Lehre von der Teilnahme an dem Verbrechen und der Begenstigung, Berlin,
1860, passim ; VON LISZT, Lehrbuch des Deutschen Strafrechts, Trad. Franç., t. I, § 49, cités par R. GARRAUD,
Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 881, note 1. V. également P. BOCKELMANN,
L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction, préc.., spéc. p. 173. 35
Dans l’hypothèse d’un coup ayant entraîné la mort sans intention de la donner par exemple : P. BOCKELMANN,
L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction, préc., p. 174. 36
PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, 7ème
éd., 2004, n° 403 ; R.
BERNARDINI, Droit pénal général, Gualino, 2003, n° 489 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 310 ; E.
DREYER, Droit pénal général, préc., n° 957 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, Economica,
16ème
éd., 2009, n° 512 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, t. 1, Cujas, 7ème
éd., 1997, n° 535 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, Ellipses, 2ème
éd., 2006, n° 365. 37
R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 489 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 311. 38
PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 403 ; B. BOULOC, Droit pénal général,
préc., n° 311 ; E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 960. 39
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 554. V. également F.
ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, Dalloz, 2009, n° 253.
18
à considérer des individus répondant à la définition de coauteurs comme des complices, et des
complices comme des coauteurs alors même qu’ils n’avaient pas réalisé l’ensemble des
éléments constitutifs de l’infraction.
En premier lieu, elle a ainsi fréquemment considéré que « le coauteur d’un crime aide
nécessairement l’autre coupable dans les faits qui consomment l’action et devient
nécessairement son complice »40
, appliquant en cela la théorie de la complicité corespective41
.
Sous l’empire de l’ancien Code pénal, cette solution permettait en effet d’appliquer au
participant une peine plus sévère que celle qu’il aurait encourue au titre de la coaction.
L’article 60 de l’ancien Code pénal prévoyant que le complice serait puni comme l’auteur de
l’infraction, dans l’hypothèse où, par exemple, un individu en aidait un autre à tuer son père
en lui assénant des coups, le coopérateur du crime encourait la peine du parricide s’il était
considéré comme un complice alors qu’il encourait celle du meurtre simple s’il était qualifié
de coauteur42
.
En deuxième lieu, la jurisprudence a également utilisé un mécanisme inverse, c’est-à-
dire qu’elle a qualifié de coauteur un individu répondant pourtant à la définition légale de la
complicité. Là encore, cette solution servait les besoins de la répression sous l’ancien Code
pénal. En effet, la circonstance aggravante de réunion était limitée à l’existence de coauteurs
et ne pouvait donc être relevée en présence d’un auteur principal assisté de complices.
Partant, pour la retenir dans des hypothèses où seuls des complices auraient pu être relevés en
application de la définition légale, la Cour de cassation a considéré que « celui qui assiste
l’auteur dans les faits de consommation coopère nécessairement à la perpétration du délit et
se rend coauteur »43
, retenant là la théorie de la « coactivité corespective »44
. De plus, les
articles 59 et 60 de l’ancien Code pénal ne prévoyaient la répression de la complicité qu’en
matière de crimes et délits, non de contraventions. La Chambre criminelle considérait alors
comme un coauteur celui qui n’était en principe qu’un complice afin d’assurer la répression
du participant à une contravention45
.
40 V. notamment Cass. crim., 15 juin 1860, S., 1861, I, p. 398.
41 Sur cette théorie et sa critique, v. infra n° 133 et s.
42 L’exemple est tiré de l’arrêt Igneux, Cass. crim., 9 juin 1848, préc.
43 V. notamment Cass. crim., Génold et Pélissier, 24 août 1827, Bull. n° 224 ; 24 juin 1922, S., 1923, I, p. 41 ; 7
déc. 1954, D. 1955, jurispr. p. 221 ; 25 janv. 1973, Gaz. Pal. 1973, 1, somm. p. 94. 44
Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 390. 45
B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 311 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général,
préc., n° 406 ; PH. GULPHE, La distinction entre coauteurs et complices, Rev. sc. crim. 1948, p. 665, spéc. n° 16 ;
19
Enfin, en troisième lieu, dès lors qu’auteurs et complices encourent la même peine, la
jurisprudence a parfois refusé de censurer des décisions témoignant pourtant d’une confusion
entre les qualités de coauteur et de complice. En application de la théorie de la peine
justifiée46
, peu importe ainsi qu’un individu ait été qualifié à tort de coauteur d’une infraction
alors qu’il en était en réalité complice, et inversement, dès l’instant où la peine encourue était
la même dans les deux hypothèses : la décision n’encourra pas la censure. Cette solution
pourrait du reste être d’autant plus renouvelée depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code
pénal dans la mesure où l’intérêt répressif de la substitution de la qualité de complice à celle
d’auteur, et inversement, est aujourd’hui limité.
10. Intérêt répressif apparemment limité de la distinction doctrinale entre
coauteur et complice. – L’article 121-7 du Code pénal disposant aujourd’hui que le complice
sera puni comme auteur de l’infraction et non plus comme l’auteur, l’intérêt précédemment
évoqué consistant à faire du coauteur un complice en vertu de la théorie de la complicité
corespective a disparu. Pour reprendre l’exemple envisagé, le complice devra être puni
comme s’il avait lui-même été l’auteur du meurtre, c’est-à-dire comme un individu lambda,
non comme s’il avait été le fils de la victime. La qualité de complice ne permet donc plus une
répression plus sévère que celle de coauteur dans une telle hypothèse47
. De plus, la complicité
de contravention par instigation est désormais répréhensible48
. Seule la complicité par aide et
assistance d’une contravention ne l’est pas. L’intérêt de retenir la qualification de coauteur en
lieu et place de celle de complice paraît alors résiduel.
Certes, la théorie de la complicité corespective conserve une utilité en matière de
violences commises collectivement. Ainsi, dans l’hypothèse où plusieurs individus ont
commis des violences sur autrui sans qu’il soit possible de déterminer qui a été l’auteur du
coup le plus grave, la jurisprudence impute le résultat pénal à l’ensemble des participants en
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 556 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal
général, préc., n° 366.
V. notamment Cass. crim., 24 juin 1922, S., 1923, 1, p. 41. 46
Sur cette théorie, v. infra n° 506 et s. 47
V. infra n° 145 et s. 48
En vertu de l’article 121-7 alinéa 2 du Code pénal qui dispose qu’est complice « la personne qui […] aura
provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre » alors que l’alinéa 1 relatif à la
complicité par aide et assistance vise le complice « d’un crime ou d’un délit ».
20
considérant chacun d’entre eux comme complice de celui ayant porté le coup le plus grave49
.
Or, une telle solution contribue nécessairement à brouiller les définitions entre les deux titres
d’imputation.
Ce flou est, en outre, accentué par le fait que la jurisprudence relative à la coaction est
rare50
. Surtout, les juges sanctionnent parfois un individu pour sa participation à l’infraction,
sans rechercher à quel titre d’imputation particulier il est intervenu51
.
La confusion jurisprudentielle des notions de coaction et de complicité, voire
l’indifférence qui leur est témoignée, est d’autant plus regrettable qu’elle se double de
confusions permises par le législateur lui-même.
11. Confusions légales entre les notions de coauteur et de complice. – La loi du 29
juillet 1881 relative à la liberté de la presse instaure en effet un mécanisme de responsabilité
en cascade qui met à mal les principes classiques de caractérisation d’un auteur et d’un
complice52
. L’incrimination de diffamation53
envisage ainsi la répression à titre d’auteurs des
personnes ayant rédigé l’écrit diffamatoire mais également de celles en ayant permis
l’impression, la publication ou la diffusion54
. Surtout, le directeur de la publication doit être
poursuivi avant l’auteur de l’article, qui sera alors poursuivi comme simple complice du
directeur de la publication55
. L’’imbroglio des notions, du fait même de leur
interchangeabilité, est ici patente. Il serait cependant possible de croire au cantonnement de
cette confusion à la loi de 1881. Toutefois, tel n’est pas le cas.
49 V. notamment P. CUCHE, Précis de droit criminel, Dalloz, coll. Précis, Paris, 1939, 7
ème éd. ; DONNEDIEU DE
VABRES, Traité de droit criminel et de législation pénale comparée, Sirey, 3ème
éd., 1947, n° 428 ; J. LARGUIER,
Homicide et blessures commis en groupe, crime impossible et présomption de participation ou de causalité, Rev.
sc. crim. 1973, p. 879 ; R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la participation criminelle, Rev. dr. pén. crim.
1952, p. 117, n° 34. 50
En ce sens, v. notamment, R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 555. 51
V. notamment CA Agen, 9 sept. 2010, M. P. / K., Cahiers de jurisprudence d’Aquitaine et Midi-Pyrénées,
2011-1, n° AB.1729, p. 100, qui considère que la participation au vol d’un individu est suffisamment établie par
le fait qu’il a accompagné son comparse sur les lieux du vol en étant porteur d’un sac permettant d’éviter que les
antivols ne sonnent à la sortie du magasin, sans s’interroger expressément sur le titre d’imputation de ce vol en
réunion. 52
Or, la définition du coauteur étant calquée sur celle de l’auteur (v. supra n° 8), elle met également à mal la
notion de coaction. 53
Art. 29 de la loi du 29 juillet 1881. 54
Art. 42 de la loi du 29 juillet 1881. 55
Art. 43 de la loi du 29 juillet 1881. Il est cependant vrai que le délit tient certainement autant à l’acte de
publication qu’à l’élaboration du contenu diffamatoire. Mais la qualification de coauteurs semblerait alors plus
adaptée.
21
D’abord, nombreux sont les textes à réprimer à titre autonome des comportements de
provocations. Par exemple, l’article 227-21 du Code pénal réprime la provocation de mineurs
à des crimes ou à des délits. De même, l’article 411-11 sanctionne la provocation à la trahison
ou à l’espionnage. Or, la provocation, en vertu de l’article 121-7 du même code s’analyse
comme un cas de complicité. Par ce mécanisme, le provocateur devient pourtant un auteur
juridique à part entière.
Ensuite, certaines incriminations malmènent purement et simplement la définition de la
complicité. Ainsi en est-il de l’article 222-33-3 du Code pénal relatif au vidéo-lynchage56
,
autrement dénommé « happy slapping »57
. Ce texte considère comme un acte de complicité
des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne le fait de filmer des images relatives à ces
infractions. De la sorte, il institue ce que certains ont appelé une présomption de complicité58
,
qui déroge aux règles classiques de la complicité. En outre, comme il l’a été relevé, la
qualification de complicité est discutable dans cette hypothèse. En effet, d’un point de vue
sociologique, les violences exercées le sont précisément parce que la scène est filmée.
L’enregistrement et l’agression sont donc étroitement liés, et l’existence d’un de ces
comportements ne se comprend pas sans celle de l’autre. Partant, « la personne filmant la
scène de violence apparaît […] bien davantage comme un coauteur que comme un
complice »59
, ce que le droit devrait prendre en considération.
Enfin, les incriminations réprimant le simple fait de participer à une infraction, sans
égard pour le mode de participation en cause, se multiplient. Par exemple, l’article 222-14-2
du Code pénal incrimine « le fait pour une personne de participer sciemment à un
groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un
ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions
ou dégradations de biens ». En visant le fait de « participer » au groupement, le texte
témoigne ainsi son indifférence au mode de participation en cause. La distinction entre la
complicité et la coaction s’efface et perd tout intérêt60
.
56 Introduit par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
57 P.-J. DELAGE, Happy slappers and bad lawyers, D. 2007, p. 1282 ; C. LACROIX, Happy slapping : prise en
compte d’un phénomène criminel à la mode, JCP G 2007, I, 167 ; S. DETRAZ, L’enregistrement d’images de
violence : un cas de présomption légale de complicité, Dr. pén. 2007, Etude n° 23. 58
S. DETRAZ, L’enregistrement d’images de violence : un cas de présomption légale de complicité, préc. 59
P.-J. DELAGE, Happy slappers and bad lawyers, préc. 60
Plus généralement, sur ces points, v. infra n° 40 et s.
22
Le législateur comme la jurisprudence ne cessent donc de brouiller les frontières entre
les différentes modes de participation. Il est vrai que ces confusions sont certainement
facilitées par le fait que les pénalités encourues sont les mêmes : dès lors que la peine
encourue en cas de coaction ou de complicité est identique, la jurisprudence n’hésite pas à
considérer que la peine est justifiée, peu important que le comportement ait été qualifié de
complicité alors qu’il s’agissait en réalité de coaction, ou inversement.
12. Droit comparé. – La distinction entre coauteurs et complices pourrait ainsi paraître
plus nette dans les systèmes juridiques procédant à une différenciation entre les pénalités
encourues en vertu du titre d’imputation. Certains distinguent en effet entre les pénalités
appliquées aux auteurs et complices. Par exemple, le Code pénal espagnol prévoit de réduire
la peine des complices, en vertu des articles 62 à 70, jusqu’à la moitié de la peine encourue
par l’auteur de l’infraction. De même, l’article 24 du Code pénal chinois envisage pour le
complice une peine moindre, voire une mitigation ou encore une exemption de peine61
. En
Belgique et en Allemagne encore, le législateur adopte une solution similaire s’agissant des
complices. Cependant, il les distingue des provocateurs qui, à la différence du droit français,
sont incriminés à titre autonome et encourent les mêmes peines que les auteurs62
. C’est là
d’ailleurs un autre point de divergence entre certaines législations étrangères et le Code pénal
français : si les droits portugais ou anglais, par exemple, ne connaissent, à l’instar de la
législation française, que de la distinction entre complices et auteurs63
, d’autres pays
répriment en outre à titre autonome les provocateurs64
, voire distinguent entre l’auteur
matériel, l’auteur moral, l’instigateur et le complice par assistance65
. Néanmoins, de même
qu’en France, le terme « coauteur » ou un équivalent n’est jamais utilisé dans ces différentes
législations. L’auteur y est pourtant parfois défini de façon plus large qu’en France66
, mais
aucun texte n’est réservé à la définition du coauteur. Cette démarche laisse ainsi croire que le
61 J. PRADEL, Droit pénal comparé, Dalloz, coll. Précis, 2008, n° 98.
62 Ibid.
63 J. PRADEL, Droit pénal comparé, préc., n° 88.
64 V. par exemple les §25, 26 et 27 du Code d’Allemagne fédérale ou encore les articles 60, 61 et 62 du Code
japonais. 65
V. notamment les articles 18 §1 et 18 §2 et 3 du Code pénal polonais. 66
Au Portugal par exemple, l’auteur est défini comme « celui qui exécute l’acte lui-même ou par l’intermédiaire
d’un tiers ou qui prend une part directe à son exécution par accord ou ensemble avec un autre… et aussi celui
qui, intentionnellement, détermine un tiers à commettre une infraction lorsqu’il y a exécution ou commencement
de l’exécution » (art. 26 du Code pénal).
23
coauteur ne serait rien d’autre qu’un auteur comme un autre, avec pour seule spécificité d’être
associé à autrui. Toutefois, les confusions précédemment relevées dans la loi comme la
jurisprudence françaises semblent démontrer que cette assimilation pure et simple de la
coaction à l’action, même si cette dernière est entendue largement, n’est peut-être pas si
évidente qu’elle n’y paraît. Il importerait alors d’autonomiser la notion de coaction.
13. Tentative d’approche conceptuelle de la coaction : les travaux de D. Allix. –
C’est ainsi que face à ces difficultés, un auteur a tenté de rationnaliser les solutions
jurisprudentielles en la matière67
. Fondée sur le droit positif68
, l’étude montre que l’utilisation
de la coaction par la jurisprudence n’est pas simplement liée à son intérêt répressif. Mieux
encore, une véritable analyse conceptuelle de la coaction y a été menée, la jurisprudence
caractérisant parfois l’existence de coauteurs dans des hypothèses dans lesquelles cette
qualification n’entraînait pourtant aucune répression accrue de la participation à l’infraction.
La coaction y est ainsi assimilée à un mécanisme de représentation dans l’action69
: le
coauteur serait celui pour le compte duquel l’infraction a été matériellement commise par un
autre, chacun ayant « la qualité de mandants et mandataires mutuels »70
.
Cependant, bien que l’analyse soit séduisante lorsque l’on considère que la coaction se
caractérise par une simultanéité d’action et une assistance réciproque71
, il n’est pas certain que
ce mécanisme reflète parfaitement ce mode d’imputation dès lors que l’on raisonne sur une
participation intellectuelle du coauteur. En effet, la représentation est classiquement définie
comme « un mécanisme par lequel une personne (le représentant) a le pouvoir d’agir au nom
et à la place d’une autre personne (le représenté) »72
. S’il est ainsi possible de considérer
qu’un coauteur délègue à son coauteur le pouvoir d’agir en son nom, il est plus difficile de
concevoir que les effets de la responsabilité pénale devront se faire sentir simplement à
l’égard du coauteur représenté, solution pourtant induite par le mécanisme de la
représentation. L’exemple de la participation intellectuelle à l’infraction, et plus précisément
de ce que l’auteur nomme la « représentation verticale », permet d’en convaincre. Selon celui-
ci, l’auteur moral et l’auteur matériel de l’infraction devraient être considérés comme des
67 D. ALLIX, Essai sur la coaction, LGDJ, 1976.
68 Relevant à l’époque de l’ancien Code pénal.
69 D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., spéc. n° 151 et 185.
70 J.-CL. SOYER, préface de D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc.
71 V. infra n° 281 et s.
72 M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, Tome 1, PUF, 2
ème éd. mise à jour, 2010, p. 512.
24
coauteurs, dans la mesure où l’auteur moral serait représenté dans l’action par l’auteur
matériel. Toutefois, à retenir une telle conception, il faudrait également considérer que les
effets de la responsabilité pénale devront se produire dans la seule personne du représenté,
c’est-à-dire l’auteur moral en l’espèce. En effet, en matière de représentation conventionnelle,
les effets du contrat ne se produisent qu’à l’égard du représenté73
, jamais à l’égard du
représentant ainsi que du représenté. Or, si deux individus sont considérés comme coauteurs,
c’est précisément pour envisager un cumul de leurs responsabilités.
Surtout, il a été démontré qu’il serait « déraisonnable d’analyser le crime en un
contrat »74
. Si les différentes théories envisagées alors se rapportaient à la complicité en ce
qu’elles se proposaient d’expliquer l’emprunt de criminalité75
, elles pourraient toutefois être
reprises s’agissant de la coaction76
. Or, non seulement l’acte juridique impose une cause
licite77
, mais en outre, cette illicéité « s’oppose à la création d’obligations qui est le propre du
contrat »78
. En effet, le mandant, par exemple, ne pourra agir contre son mandataire, et
inversement.
14. Etymologie et singularité de la coaction. – Pour autant, l’analyse conceptuelle de
la coaction mérite attention et doit être poursuivie. En effet, le critère juridico-matériel retenu
par la doctrine française conduit à considérer les coauteurs comme de simples auteurs
juxtaposés. Toutefois, cette conception néglige l’étymologie du terme coaction. Ce dernier est
issu du latin « cum ago », que l’on pourrait traduire par « agir, pousser ensemble »79
. Deux
enseignements principaux peuvent alors en être tirés, assurant la singularité de la notion de
coaction.
D’abord, les verbes « agir » et « pousser » témoignent d’une véritable implication de
l’agent dans la réalisation de l’infraction. Celui-ci ne se contente pas de s’unir à celle-ci, il a
73 Ou du représentant dans un premier temps en cas de représentation imparfaite, mais qui transmettra ensuite ses
droits et obligations au représenté v. notamment PH. MALAURIE, L. AYNES et PH. STOFFEL-MUNCK, Les
obligations, Lextenso, 4ème
éd., 2009, n° 802 et s. 74
J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable aux complices selon l’article 59 du Code pénal, JCP
1952, I, 1034. 75
Sur ces propositions, v. J.-A. ROUX, note sous Cass. crim., 22 juil. 1910, S. 1914, 1, p. 49, spéc. p. 51,
propositions par ailleurs rapportées par J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable aux complices selon
l’article 59 du Code pénal, préc. 76
Dans le même sens, v. X. PIN, Le consentement en matière pénale, LGDJ, 2002, n° 361. 77
A défaut de quoi il serait nul en vertu de l’article 1108 du Code civil. 78
X. PIN, Le consentement en matière pénale, préc., n° 362. 79
Les traductions sont issues de recherches dans Dictionnaire Latin – Français, F. GAFFIOT, 1934.
25
un réel pouvoir sur elle80
. A contrario, le terme complice vient pour sa part du latin « cum
plexus », « plexus » étant lui-même issu du verbe « plectere » signifiant lier81
. Le complice
serait donc, étymologiquement, celui qui se lie à autrui ou à l’infraction d’autrui. Son
implication dans cette dernière serait alors médiate82
.
Ensuite, l’adverbe « ensemble » témoigne d’une certaine unité chez les coauteurs. En
effet, il se distingue par exemple des termes « à plusieurs » et induit ainsi que la coaction ne
se contente pas d’être une simple juxtaposition d’individus. Elle suppose plus, c’est-à-dire que
les agents agissent les uns avec les autres, voire d’une même voix83
. Le coauteur ne peut donc
être réduit à la définition de l’auteur, ce dont les autres branches du droit rendent compte.
15. Egalité entre coauteurs et autres branches du droit. – En droit administratif, il a
ainsi été démontré que l’existence de coauteurs, qu’il s’agisse des coauteurs d’un acte
administratif ou d’un dommage, était subordonnée au constat d’une égalité entre eux84
.
En droit de la propriété intellectuelle encore, l’article L. 113-3 du Code de la propriété
intellectuelle dispose que « l’œuvre de collaboration est la propriété commune des
coauteurs ». Le terme de coauteur est ainsi utilisé et réservé aux auteurs de ce type d’œuvre,
défini comme la création à laquelle plusieurs personnes ont concouru85
. Or, l’œuvre de
collaboration est généralement rapprochée du modèle de l’indivision86
, si bien que l’idée
d’égalité entre coauteurs apparaît à nouveau. Mieux encore, un auteur considère que
l’existence d’une direction de l’œuvre « différencie ainsi l’œuvre collective de l’œuvre de
collaboration où les créateurs agissent en concertation et sur un pied d’égalité »87
. En ce
80 Pouvoir que l’on retrouvera nécessairement s’agissant de la définition de la coaction : v. infra n° 171.
81 Ainsi que frapper, punir. Le complice serait donc à la fois celui qui est lié à autrui, mais également puni avec
lui, ce que la théorie de l’emprunt de pénalité reprendra. 82
Ce qui se retrouve dans la nécessité d’un fait principal punissable pour punir le complice. 83
Ce qui justifiera du reste l’exigence d’une entente entre coauteurs : v. infra n° 91 et s. 84
H. BELRHALI, Les coauteurs en droit administratif, LGDJ, 2003. L’auteur écrit en effet que « les coauteurs
sont […] sur un pied d’égalité les uns par rapport aux autres » si bien que la première partie de l’ouvrage est
consacrée à cette exigence d’égalité. 85
C. prop. intell., art. L. 113-2. 86
V. notamment CH. CARON, Droit d’auteur et droits voisins, Lexis Nexis, 2ème
éd., 2009, n° 223 ; M. VIVANT et
J.-M. BRUGUIERE, Droit d’auteur, Dalloz, coll. Précis, 2009, n° 316. 87
J.-M. BRUGUIERE, Droit d’auteur, préc., n° 334.
26
domaine encore, la qualification de coauteurs serait réservée aux individus entretenant des
relations d’égalité88
.
Quant au droit civil, il connaît également de la notion de coauteurs, au titre de la
pluralité de causes intervenant dans la production d’un dommage. Or, certains considèrent que
« qui dit « coauteurs » suppose, par cette terminologie même, que la responsabilité de
chacune des personnes en cause est susceptible d’être engagée »89
. Dès lors, il serait possible
de distinguer des coauteurs lorsque plusieurs individus peuvent voir leur responsabilité
engagée pour le même dommage, et ce quel que soit le fondement de responsabilité envisagé
à leur égard. Cependant, il est possible de douter de la pertinence de cette qualification
lorsque les responsabilités des individus en cause sont fondées sur des régimes de
responsabilité différents. Par exemple, un individu est responsable d’un dommage en raison
de son fait personnel90
alors que l’autre l’est du fait d’une chose dont il a la garde91
, c’est-à-
dire sur le fondement d’un régime de responsabilité sans faute : il s’agit notamment de
l’hypothèse dans laquelle un individu, en courant, aurait percuté un cycliste, tous deux
heurtant alors un piéton. Il conviendrait plutôt de parler dans de telles hypothèses de
coresponsables ou de coobligés à la dette. Pourtant, il semble que les termes soient
généralement employés les uns pour les autres dans la mesure où le droit civil, tourné vers la
réparation du dommage, s’attache principalement à déterminer des coresponsables, peu
important qu’ils puissent être considérés comme coauteurs du dommage au sens strict ou non.
Or, à retenir une telle conception, une seule faute pourrait être suffisante à la caractérisation
de coauteurs. Ainsi, si un enfant commet une faute causant un dommage à autrui, sa
responsabilité pourra être engagée sur le fondement de son fait personnel92
, mais celle de ses
parents pourra également être actionnée sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du Code
civil. Pour autant, dans une telle hypothèse, faudra-t-il considérer que parents et enfants sont
88 V. cependant, contra : CH. CARON, Droit d’auteur et droits voisins, préc., n° 222 selon qui « il n’est pas exclu
qu’une certaine hiérarchie existe entre les coauteurs. En d’autres termes, l’égalité n’est pas forcément de mise
entre ces derniers ». 89
J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, Tome 2, Le fait juridique, Sirey, 14ème
éd., 2011, n°
170. 90
En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, en vertu desquels, respectivement : « Tout fait quelconque de
l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et « Chacun
est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son
imprudence ». 91
En vertu de l’article 1384 alinéa 1er
du Code civil selon lequel « On est responsable non seulement du
dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on
doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». 92
En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil.
27
coauteurs du dommage ? S’ils en sont indéniablement coresponsables, la qualification de
coauteurs est en revanche plus discutable dès l’instant où seul un fait générateur peut être
constaté. En matière pénale, attachée à la responsabilité du fait personnel93
, seule l’existence
de deux fautes peut conduire à la caractérisation d’une coaction. Partant, dès lors que les
fondements de responsabilité sont différents, la qualification de coauteurs en droit civil
devient discutable. L’idée d’égalité entre coauteurs devrait ainsi servir de guide dans la
qualification de ces derniers.
En effet, en droit pénal international enfin, cette idée d’égalité entre coauteurs est
également sous-jacente dans le Statut de la Cour pénale internationale94
. Alors que les
différents tribunaux pénaux internationaux avaient choisi une approche plutôt subjective de la
coaction en créant le concept d’ « entreprise criminelle commune » pour sanctionner la
criminalité concertée95
, la Cour pénale internationale a, pour sa part, opté pour une approche
plus objective de la coaction en consacrant le critère du contrôle partagé sur l’infraction
internationale96
. Ainsi, une personne ne peut être coauteur d’une infraction internationale que
si elle exerce un « contrôle conjoint » sur cette dernière du fait de la « contribution
essentielle » qui lui a été assignée97
. Or, si les termes de « contrôle conjoint » évoquent sans
nul doute l’exigence d’un certain pouvoir sur l’infraction98
, ils témoignent aussi d’une idée
d’égalité dans ce contrôle pour que celui-ci soit réellement exercé de façon conjointe.
Mais là ne sont pas les seuls enseignements apportés par ces autres branches du droit
tant les notions d’œuvre de collaboration ou de contrôle conjoint par exemple rappellent
également l’idée d’unité impliquée par l’étymologie du terme coaction99
. Or, cette idée
93 En vertu de l’article 121-1 du Code pénal.
94 V. art. 25 (3) (a) du Statut.
95 Conduisant dès lors à sanctionner au titre de la coaction de très nombreux individus. Il s’agissait en effet de
sanctionner l’action concertée menée par plusieurs individus et conduisant à la réalisation d’une ou plusieurs
infractions alors même que tous les participants n’ont pas commis le même acte. Surtout, il devenait alors
possible d’engager la responsabilité pénale d’une personne sur le fondement d’actes commis par une autre
personne à condition toutefois que les personnes en cause aient participé à une « entreprise criminelle
commune ». 96
V. par exemple, Affaire ICC-01/04-0106, Procureur c/ Lubanga, CPI, Chambre préliminaire I, décision de
confirmation des charges, 29 janvier 2007, § 330 et s. ; Affaire ICC-01/04-01/07, Procureur c/ Katanga et
Ngudjolo Chui, CPI, Chambre préliminaire I, décision de confirmation des charges du 30 septembre 2008, § 490
et s. 97
Sur ces différents points, v. notamment O. DE FROUVILLE, Droit international pénal – Sources,
Incriminations, Responsabilité, Paris, A. Pedone, 1ère
édition, 2012, p. 354 et s. 98
Ce qui se retrouvera dans la définition de la coaction en droit pénal interne : v. infra n° 171. 99
V. supra n° 14.
28
d’unité permet précisément de distinguer la coaction d’un autre type de réalisation de
l’infraction dans lequel plusieurs individus sont en cause.
16. L’hypothèse du « crime de foule ». – Il s’agit de l’hypothèse du « crime de
foule », dans lequel un groupe d’individus se retrouve, de manière fortuite, à commettre des
infractions (comme des pillages lors d’une manifestation par exemple). Comme il l’a été
remarqué, « dans ce cas, il convient de faire abstraction du phénomène collectif car il est
purement circonstanciel »100
. La criminologie y voit « une libération des tendances profondes
de l’individu à l’occasion d’un anonymat et d’un regroupement de masse qui abolit à la fois
toute censure individuelle et tout contrôle collectif »101
, si bien qu’une partie de la doctrine
considère que ces personnes doivent être traitées avec une certaine indulgence102
. Pour
FAUCONNET en effet, « la responsabilité de la foule est invoquée pour atténuer celle des
individus »103
.
17. Aspects criminologiques. – En revanche, la délinquance collective considérée en ce
qu’elle traduit une véritable volonté de s’associer à autrui est pour sa part traitée de façon
généralement plus sévère lorsqu’elle est envisagée par le législateur104
. Cette solution rejoint
de la sorte les études criminologiques puisque celles-ci démontrent que les infractions
commises par plusieurs délinquants sont nombreuses, particulièrement chez les jeunes pour
lesquels elles représentent la majorité des infractions commises105
. Plus encore, les
délinquants agissant à plusieurs commettent davantage de délits que ceux agissant seuls106
. En
effet, agir à plusieurs permet de renforcer la volonté criminelle de chacun et de chasser leurs
éventuels doutes. De plus, l’existence d’un groupe criminel confère à ses participants un
100 X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 269.
101 R. GASSIN, S. CIMAMONTI et PH. BONFILS, Criminologie, Précis Dalloz, 2011, n° 743.
102 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 532 (excepté s’agissant des
« meneurs » de cette foule). 103
P. FAUCONNET, La responsabilité : étude de sociologie, préc., p. 341. 104
En tant que circonstance aggravante par exemple. 105
En ce sens, v. J. SARNEKI, Delinquent Network, Stockholm, National Council for Crime Prevention, 1986, cité
par M. CUSSON, La criminologie, Hachette supérieur, Coll. Les fondamentaux, 5ème
éd., 2011, p. 96, qui, après
avoir suivi 575 jeunes délinquants d’une ville suédoise constate que le taux de codélinquance juvénile y atteint
59%. 106
M. CUSSON, La criminologie, préc., p. 97.
29
certain anonymat leur donnant un sentiment de sécurité107
. Partant, parce que plus dangereuse,
la délinquance de groupe a souvent suscité une attention particulière du législateur. Mais ce
faisant, ce dernier a multiplié les incriminations et circonstances aggravantes pour
appréhender ce phénomène, en particulier depuis quelques années. En témoigne par exemple
la participation à une bande violente précédemment évoquée108
. De plus, avec la loi du 9 mars
2004, le législateur a élargi les hypothèses dans lesquelles la circonstance aggravante de
bande organisée pouvait être retenue109
. Mais auparavant déjà, le Code pénal sanctionnait la
criminalité de groupe au titre de l’association de malfaiteurs dans son article 450-1, sans
compter les nombreux autres textes exigeant une pluralité de participants tels que le
complot110
ou l’attroupement111
.
Or, la criminologie distingue entre la simple association aux infractions et la véritable
organisation criminelle. Cette dernière serait ainsi non seulement caractérisée par une pluralité
de participants, mais également par une sélection dans le recrutement et une structuration du
goupe112
qui ne se retrouveraient pas s’agissant de la codélinquance au sens strict. Il paraît
alors intéressant de voir si ces distinctions se retrouvent d’un point de vue juridique.
18. Rareté des études consacrées à la coaction. – Les études récentes de droit pénal
consacrées au groupe criminel concernent plutôt la criminalité organisée113
. En effet, peu
traitent de la participation occasionnelle à l’infraction, et les analyses jusqu’alors envisagées
proposent généralement d’éclairer la distinction entre complicité et coaction114
, à l’aune de
l’ancien Code pénal du reste. Or, si la complicité a suscité l’intérêt de la doctrine sous
l’ancien Code pénal comme sous l’actuel115
, rares sont les études consacrées uniquement à la
coaction116
.
107 Dans le même sens, v. notamment J. LARGUIER, Homicide et blessures commis en groupe,crime impossible,
et présomption de participation ou causalité, Rev. sc. crim. 1973, p. 879. V. également infra n° 46. 108
C. pén., art. 222-14-2. 109
V. infra n° 39. 110
C. pén., art. 421-2. 111
C. pén., art. 431-3. 112
R. GASSIN, S. CIMAMONTI et PH. BONFILS, Criminologie, n° 741. 113
V. R. PARIZOT, La responsabilité pénale à l’épreuve de la criminalité organisée : le cas symptomatique de
l’association de malfaiteurs et du blanchiment d’argent en France et en Italie, LGDJ, 2010. 114
K. ABDULNOUR, La distinction entre co-activité et complicité: étude de doctrine et de jurisprudence en Suisse,
en Allemagne et en France, thèse Genève, 1967 ; P. BISWANG, La distinction de coauteur et du complice, thèse
Paris, 1963. V. également P. GULPHE, La distinction entre coauteurs et complices, Rev. sc. crim. 1948, p. 665. 115
V. notamment J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice selon l’article 59 du Code
pénal, JCP 1952, I, 1034 ; S. FOURNIER, Le nouveau Code pénal et le droit de la complicité, Rev. sc. crim. 1995,
30
19. Renouveau de la question. – Certes, la modification de la rédaction de l’article
relatif à la complicité a pu faire douter certains auteurs de l’intérêt de distinguer entre
coauteurs et complices117
. En effet, dans la mesure où l’article 121-6 du Code pénal envisage
aujourd’hui de punir le complice comme « auteur » de l’infraction et non plus comme
« l’auteur », les dévoiements jurisprudentiels dont avait fait l’objet la notion de coaction à des
fins répressives ne seraient plus utiles. Cependant, l’instauration de la responsabilité pénale
des personnes morales, puis sa généralisation par la loi du 9 mars 2004, donnent un véritable
renouveau à la question. En effet, si le législateur admet qu’une personne morale puisse être
auteur d’une infraction, la question se pose alors de savoir si cette disposition implique qu’elle
puisse également être qualifiée de complice ou de coauteur d’une infraction. A priori, dans la
mesure où la coaction est considérée par la doctrine comme une simple juxtaposition
d’actions, rien ne devrait s’y opposer. Mais le constat ne sera pas nécessairement le même si
une autre définition de la coaction était retenue. De plus, s’il était admis qu’une personne
morale peut être qualifiée de coauteur, pourra-t-elle être simplement coauteur d’une autre
personne morale, ou pourra-t-elle également l’être d’une personne physique ? La qualité de
cette dernière, et plus précisément le fait de savoir si elle est organe ou représentant de la
personne morale importera-t-elle alors ?
En outre, au-delà de ce renouveau de la question, il ne faut pas sous-estimer
l’importance qu’il existe à attribuer à un acte sa juste qualification. En effet, « la recherche de
l’adéquation des qualifications juridiques à la réalité est une exigence de justice »118
.
Or, comme il l’a été vu, la définition aujourd’hui retenue de la coaction ne permet pas
d’affirmer sa singularité ; au contraire, elle est source de confusions avec les notions d’auteur
et de complice, ce que le principe de sécurité juridique ne peut souffrir. Partant, comment
imaginer lui faire produire des conséquences particulières, assurant une véritable cohérence
avec les autres titres d’imputation et son autonomie par rapport à eux ?
p. 475 ; C. GERTHOFFER, La tentative et la complicité, in Mélanges M. Patin, Cujas, 1965, p. 153 ; J.-H.
ROBERT, Imputation et complicité, JCP G 1975, I, 2720. 116
V. cependant, sous l’ancien Code pénal, D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc. Plus récemment, v. également,
pour des développements nourris sur la coaction, F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale,
Dalloz, NBT, 2009. 117
V. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général, Gualino, 2003, n° 490 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU
CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 406 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal
général, préc., n° 553. 118
X. PIN, Le consentement en matière pénale, préc., n° 285, p. 253.
31
20. Réciprocité et coaction. – L’étymologie du terme coaction, comme les
enseignements tirés du droit comparé, tant entre pays qu’entre les autres branches du droit,
permettraient pourtant d’apprécier cette spécificité de la coaction. En effet, plusieurs éléments
en ressortent : la coaction paraît lier des individus entre eux à travers des relations d’égalité, et
plus encore, de réciprocité. Il convient ainsi de ne pas oublier que la coaction est une
qualification dépendante puisque le coauteur est soumis à l’existence d’un autre coauteur pour
être réprimé à ce titre119
. Dès lors, il existe nécessairement une véritable réciprocité chez les
coauteurs : chacun s’associe à son alter ego, qui répond donc à la même définition et aux
mêmes conditions de caractérisation que lui. Autrement dit, le coauteur s’associe à un
individu répondant au même titre d’imputation que lui. En revanche, dans la mesure où le
complice, pour être répréhensible, doit nécessairement s’associer à une infraction principale et
donc à un auteur principal, cette réciprocité ne se retrouve pas. Si le complice est lié à l’auteur
principal comme l’indique son étymologie, rien n’impose que l’auteur principal soit en retour
lié au complice. Ce dernier, pour sa part, ne s’associe pas à un individu répondant au même
titre d’imputation que lui.
21. Interdépendance et coaction. – Partant, chaque coauteur étant dépendant de
l’existence de l’autre, il semblerait qu’une véritable interdépendance120
se crée entre eux,
confirmant que la coaction ne peut être résumée à une juxtaposition d’actions, mais apparaît
bien comme un mode d’imputation de l’infraction à part entière. A partir d’une pluralité
d’individus se forme ainsi une véritable unité, ce que l’idée d’ensemble tirée de l’origine du
mot évoquait déjà121
.
En réalisant ensemble une infraction122
, les individus en deviennent de véritables
participants. Ce constat les rapproche alors de la notion de complices, ces derniers étant
traditionnellement considérés comme des participants à l’infraction. Pour autant, si les
complices participent à l’infraction d’autrui, les coauteurs participent pour leur part à leur
119 Dans le même sens, mais en expliquant différemment la dépendance : v. A. DARSONVILLE, Les situations de
dépendance entre infractions, thèse Paris II, 2006, n° 694, pour qui la coaction traduirait une dépendance par la
causalité. V. également X. PIN, Le consentement en matière pénale, LGDJ, 2002, n° 284 et s., pour qui la
coaction est dépendante de l’existence d’une infraction principale. 120
Dans le même sens, v. X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 273. 121
V. supra n° 14. 122
J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 370 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 379.
32
propre infraction. Se dessine ainsi la singularité de la coaction : en tant que mode de
participation à l’infraction, la coaction se rapproche de la complicité ; mais parce qu’elle
suppose de participer à sa propre infraction, elle implique l’animo auctoris qui la rapproche
ainsi de l’imputation à titre d’auteur. Une partie de la doctrine a alors relevé la nature hybride
de la coaction : empruntant des caractéristiques à la fois à l’action, mode d’imputation
principale de l’infraction, et à la complicité, mode d’imputation participative de cette dernière,
elle serait une « imputation participative principale »123
. Du reste, à nouveau, l’étymologie
témoigne également de cette nature hybride : le terme de coaction renferme évidemment celui
d’action, et semble ainsi impliquer des ressemblances entre les deux titres d’imputation ; de
plus, de même que celui de complicité, le terme de coaction est issu du préfixe latin « cum »,
laissant ainsi penser à des points communs entre eux.
Cependant, le terme d’hybride peut prêter à confusion : cet adjectif pourrait faire
croire que la coaction présente ainsi tous les caractères de chacun de ses « parents ». Or, il
n’est pas possible d’être auteur et complice d’une infraction en même temps, à travers les
mêmes actes124
. Surtout, ce qualificatif occulte quelque peu que ce mélange des caractères
propres à la complicité et à l’action crée un titre d’imputation parfaitement nouveau et donc
autonome. La comparaison avec la complicité ne doit ainsi pas tromper : si le complice est un
participant, celui à qui il s’associe n’en est pas nécessairement un, et surtout, celui-ci n’a pas
le même titre d’imputation que lui. Il est auteur. Le complice est ainsi dépendant de
l’existence d’un auteur principal, mais la réciproque ne se vérifie pas. En revanche, le
coauteur, pour être qualifié de tel, doit impérativement s’associer à un autre coauteur, c’est-à-
dire à un individu qui répond au même titre d’imputation que lui. En tant qu’alter ego, les
coauteurs sont alors placés sur un pied d’égalité, et sont unis par une réelle interdépendance.
Cette idée d’interdépendance apparaît de la sorte comme la véritable clé de la notion de
coaction, et cristallise toute sa singularité. Mais loin d’être cantonnée à la définition de la
coaction, l’interdépendance entre coauteurs devrait se prolonger dans le régime de ce titre
d’imputation. Par exemple, il serait envisageable que certains éléments de la responsabilité de
l’un des coauteurs se transmettent à un autre en raison précisément de cette interdépendance.
Plus généralement, à partir des caractères ainsi impliqués par la notion de coaction, il est alors
123 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 237 et s., spéc. n° 242.
124 En ce sens, v. R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, n° 904. V. également infra
n° 149.
33
possible d’en construire un régime parfaitement autonome. Surtout, les confusions
précédemment évoquées entre les notions d’action, de coaction et de complicité devront
d’autant plus être rejetées si à chaque titre d’imputation correspond un régime spécifique.
C’est à ce prix en effet que la distinction entre ces différents titres d’imputation prendra tout
son sens. Il importe ainsi de voir que la singularité de la coaction peut se retrouver tant dans
sa notion (Partie 1) que dans son régime (Partie 2).
35
Partie 1 – LA NOTION DE COACTION
22. Démarche. – S’intéresser à une notion, c’est réfléchir à la représentation que l’on
s’en fait ou que l’on devrait s’en faire. Une notion est, en effet, un objet abstrait de
connaissance125
, auquel on peut apporter une touche personnelle. CONDILLAC énonçait ainsi
« J’appelle […] notion, toute idée qui est notre propre ouvrage […] »126
. Etudier la notion de
coaction, c’est donc avant tout rechercher ses caractères essentiels, afin de pouvoir la définir
précisément et, ainsi, la rapprocher ou la distinguer de concepts déjà établis, proches dans leur
sémantique ou dans l’usage qui en est fait par exemple.
23. Insuffisances de la définition traditionnelle. – Comme il l’a été rappelé
précédemment127
, la doctrine s’entend aujourd’hui pour définir les coauteurs comme
les individus qui réunissent en leur personne tous les éléments constitutifs de l’infraction
commise à plusieurs128
. Une telle définition présente certainement des vertus de rigueur
juridique ainsi que de simplicité d’utilisation, ce qui ne manque pas d’être souligné par de
nombreux auteurs129
. Cependant, elle limite également de façon significative les hypothèses
de coaction, celles-ci se réduisant par exemple en matière de vol, à l’hypothèse où deux
personnes appréhendent ensemble un objet afin de le soustraire. Surtout, cette définition fait
du coauteur un simple « auteur à plusieurs ». Or, cette assimilation pure et simple est
fréquente en doctrine. Ainsi, un auteur affirme explicitement que « le coauteur est, comme
l’auteur matériel, celui qui a personnellement accompli les actes matériels constitutifs d’une
125 Le Nouveau Petit Robert de la langue française, 2008.
126 CONDILLAC, Connaissances humaines, I, in BRUNOT, Histoire de la langue française, t. VI, A. Colin, 1966,
p. 10. 127
V. supra n° 3. 128
V. R. BERNADINI, Droit pénal général, Gualino, 2003, n° 489 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n°
310 et 311 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, 7ème
éd., 2004, n° 403 ; F.
DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 512 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit
criminel – Droit pénal général, t.1, Cujas, 7ème
éd., 1997, n° 554 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 445 ;
M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 365. 129
Ainsi, pour R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal général, préc., n° 554, « Ce critère a
le mérite d’une grande précision ; et, dans la mesure où cette précision permet d’éviter des solutions arbitraires
ou incohérentes, il serait souhaitable de le prendre pour guide ».
36
infraction »130
. De même, un autre reconnaît que « celui qui réalise en sa personne tous les
éléments matériels et psychologiques de l’infraction en est l’auteur et s’ils sont plusieurs ils
sont coauteurs »131
. La coaction ne serait alors ni plus ni moins qu’une juxtaposition
d’actions. Outre le fait que cette solution n’est pas celle retenue en jurisprudence132
, elle se
montre par trop insatisfaisante d’un point de vue conceptuel et réduit à néant l’intérêt de cette
notion. Celle-ci n’apparaîtrait en effet que comme une facilité de langage afin de désigner une
pluralité d’actions commises en un même lieu et dans un même temps, mais n’aurait aucune
spécificité véritable.
24. Notion sui generis. – Pourtant, certains auteurs ont démontré que la coaction était
bien une notion sui generis. Ainsi, en se fondant sur les décisions jurisprudentielles en la
matière et tout en constatant leur caractère souvent opportuniste, l’un d’entre eux a pu voir
dans la coaction l’émergence d’un concept à part entière, unitaire, fondé sur la représentation
dans l’action, que celle-ci se fasse de façon verticale ou horizontale133
. En effet, après avoir
mis en évidence une analyse fonctionnelle de la coaction, l’auteur a révélé que la
jurisprudence témoignait également d’une analyse conceptuelle de la notion, laquelle a pu être
retenue alors même qu’elle ne présentait aucun intérêt répressif particulier.
De même, toujours en donnant un contenu à la notion de coaction, un autre auteur134
a
pu qualifier cette dernière d’ « imputation participative principale ». Selon lui, la coaction
« n’est pas une manière originale de commettre une infraction, mais une manière originale de
l’imputer. […]. Toute l’originalité de la coaction réside dans cette nature hybride :
l’imputation de l’infraction est à la fois participative et principale ». Or, il semble que ce
constat général doive être approuvé, tant il est vrai que la coaction emprunte à la fois à la
complicité et à l’action, démontrant par là-même sa spécificité. Ainsi, sa parenté avec l’action
n’est pas contestée en doctrine, le coauteur ayant toujours été considéré comme une figure
principale de l’infraction135
, et ce d’autant plus que pour la majorité des auteurs, la notion de
coaction n’a même aucune autonomie par rapport à celle d’action136
. Le coauteur commettrait
130 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 310.
131 M.-L. RASSAT , Droit pénal général, préc., n° 365
132 Pour un exemple, v. notamment infra n° 293.
133 D. ALLIX, Essai sur la coaction, LGDJ, 1976, n° 151.
134 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, Dalloz, Paris, 2009, n° 262.
135 V. supra n° 170 et s.
136 V. supra n° 8.
37
donc sa propre infraction, accompagné d’autres intervenants faisant de même. En revanche, la
doctrine s’est bien moins interrogée sur le caractère participatif de la coaction. Or, comme il a
pu l’être affirmé par certains137
, le coauteur commet non seulement une infraction à plusieurs,
mais surtout, une infraction en participation, à l’instar du complice. Aucun de ces deux
aspects de la coaction ne doit alors être négligé et chacun doit être mis en exergue. La
pluralité d’intervenants étant apparue comme la première caractéristique de cette notion
lorsqu’il s’est agi de la définir138
, c’est sur elle qu’il conviendra de se pencher en premier lieu,
avant de s’intéresser aux aspects faisant d’elle un mode de participation principale à
l’infraction. Ainsi, si la coaction s’apparente à un mode de participation à une infraction
(Titre 1), elle est surtout un mode de participation à sa propre infraction (Titre 2).
137 V. notamment R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 554, selon qui
les coauteurs sont les « individus qui réunissent en leur personne tous les éléments constitutifs de l’infraction
commise en participation ». V. également, de façon plus nette encore, Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc.,
n° 379, qui, au sujet de la coaction, affirme que « la notion de participation en rend compte ». 138
V. infra n° 14.
39
Titre 1- Un mode de participation à une infraction
25. Mode de participation criminelle. – Rechercher la nature de la coaction, c’est
réfléchir à son essence, à ce qui la caractérise avant tout. Or, la plupart du temps, cette notion
est comparée à celles d’action et de complicité pour être définie139
. En effet, comme elles, elle
peut s’apparenter à un mode de participation criminelle.
26. Participation et unité de fait. – Outre la pluralité d’intervenants et la volonté de
s’associer140
, l’idée même de participation implique l’existence d’une infraction, ou au moins
d’un fait, unique : participer, c’est prendre part à un tout, à un ensemble, prendre une partie de
ce tout141
. Si chacun commet sa propre infraction, cet ensemble fait défaut, et dès lors, aucune
idée de participation, et partant, de coaction, n’est possible. Ainsi, participation et unité du fait
auquel on participe sont des notions étroitement mêlées, et même indissociables.
27. Unité de fait et unité d’infraction. – Reste alors à préciser cette notion d’unité de
fait. Doit-elle être confondue avec celle d’unité d’infraction ou s’en distingue-t-elle ? Quid de
l’unité de qualification ? Il semble en effet que ces questions présentent un intérêt particulier à
l’égard de la coaction, et plus généralement, des modes de participation en cause.
28. Annonce du plan. – De fait, il convient de démontrer en quoi la coaction est un
mode de participation criminelle, de préciser cette affirmation, et de déterminer quelles sont
les implications de ce constat. Surtout, sera mis en exergue un des aspects principaux de la
coaction : elle vient se greffer sur une infraction unique. C’est pourquoi l’étude de la coaction
en tant que mode de participation criminelle (Chapitre 1) permettra de révéler son objet, une
infraction unique (Chapitre 2).
139 Il suffit d’ouvrir un manuel de droit pénal général pour s’en convaincre : l’étude de la coaction se situe
généralement dans une partie traitant également des notions d’auteur et de complice. 140
V. infra n° 53. 141
Le verbe « participer » est en effet défini comme le fait de « prendre part à » et « recevoir sa part de » (v. Le
Petit Larousse, 2011).
41
Chapitre 1 – Un mode de participation criminelle
29. Définition de la participation. - Dans le langage courant, la participation s’entend
comme le faire de prendre part à quelque chose, ou de prendre sa part de quelque chose142
; il
va alors de soi que l’on ne peut être qualifié de participant à une activité, quelle qu’elle soit, si
l’on est seul à s’y engager. En effet, dans ce cas, on réalise cette activité dans son ensemble,
en entier, on n’y prend pas part. L’idée même de participation implique celle de pluralité. Il en
va de même en droit pénal : pour être considéré comme un participant à un fait
infractionnel143
, il faut avoir agi avec au moins une autre personne. La participation criminelle
s’entend en effet d’un « comportement tendant à coopérer sciemment à la réalisation d’une
infraction, incriminé en droit français à titre d’action principale, de coaction, de complicité
ou parfois de délit distinct »144
. Hormis les réserves que l’on peut formuler quant au fait de
qualifier l’action principale de mode de participation à l’infraction145
, coaction et complicité
ne se distinguent pas de ce point de vue : toutes deux vont nécessiter l’intervention d’au
moins deux individus, le terme de « coopération » impliquant cette pluralité.
En outre, cette définition témoigne également d’un autre point commun rapprochant
ces deux modes de participation criminelle. Elles s’analysent en effet comme un
« comportement tendant à coopérer sciemment […] ». La pluralité d’intervenants n’est alors
pas suffisante à caractériser une participation, il faut également se référer à un élément
psychologique particulier : la volonté de s’associer, caractéristique des coopérations.
L’élément matériel de la participation se double alors d’un élément moral dont la
caractérisation est déterminante puisque son contenu va permettre de distinguer action et
participation. De fait, si la pluralité d’intervenants se révèle être une condition nécessaire de la
142 V. supra note 141.
143 Comme il le sera démontré ultérieurement (v. infra n° 88 et s.), la coaction s’apparente à un mode de
participation à une infraction, contrairement à la complicité, qui apparaît comme un mode de participation à un
fait infractionnel. Dès lors, le terme « fait infractionnel », plus large, sera préféré lors de ces développements. 144
G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc. 145
L’auteur réalise en effet l’infraction plus qu’il n’y participe.
42
participation (Section 1), la volonté de s’associer en est certainement la condition
caractéristique (Section 2).
Section 1 – La pluralité d’intervenants, condition nécessaire de la
participation
30. Infractions collectives par nature et infractions commises collectivement. –
Comme il vient de l’être rappelé, la coaction, en tant que mode de participation criminelle,
suppose une pluralité d’intervenants. Or, cette dernière peut également parfois se révéler
nécessaire à la caractérisation d’une infraction. C’est ainsi qu’a pu être mise en exergue
l’existence d’une participation nécessaire, par opposition à la participation facultative146
ou
occasionnelle147
. Ces deux formes de participation regroupent alors deux types d’infractions :
celles qui exigent une pluralité d’intervenants à titre d’élément constitutif, comme
l’association de malfaiteurs148
, et celles qui ne le font pas, c’est-à-dire celles qui incriminent
un comportement individuel mais peuvent se retrouver commises à plusieurs, au gré des
circonstances, comme l’abus de confiance149
. C’est pourquoi un auteur a pu proposer de
distinguer l’infraction collective de celle commise collectivement : « Cette dernière procède
de l’intervention d’une pluralité d’agents pour commettre une infraction. Le délit collectif au
contraire résulte de la prise en considération par la loi de cette même pluralité de
délinquants, chiffrée ou non, à titre d’élément constitutif »150
. Cette distinction est aujourd’hui
classique même si d’autres auteurs lui préfèrent des dénominations différentes, telles que
146 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, t. 3, p. 24, n° 887. V. également
CONSTANTARAS, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction,
RID pén., 1956, p. 188 ; AUSCALER et WALTER, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de
participation à l’infraction, RID pén., 1957, p. 57 ; H. SCHULTZ, L’orientation moderne des notions d’auteur de
l’infraction et de participation à l’infraction, RID pén., 1957, p. 144. 147
D. ALLIX, Essai sur la coaction, Contribution à l’étude de la genèse d’une notion prétorienne, LGDJ, Paris,
1976, n° 34 et s., p. 29 et s. 148
C. pén., art. 450-1. 149
C. pén., art. 314-1. 150
C. DUPEYRON, L’infraction collective, Rev. sc. crim. 1973, p. 357 et s., spéc. n° 5.
43
infraction collective par nature et infraction collective par accident151
, ou encore infraction
collective par nature et infraction collective par destination152
. Cependant, ces dénominations
semblent moins pertinentes que celle précédemment évoquée car elles contiennent des
approximations. En effet, si parler d’infraction collective par nature ne semble pas appeler de
critique, il n’en va pas de même de l’expression d’infraction collective par accident : celle-ci
ne rend pas compte du caractère intentionnel de la participation153
. Quant à la qualification
d’infraction collective par destination, elle laisse croire que toute infraction collective a été
conçue comme telle par ses différents participants. Cependant, cela n’est pas toujours le cas,
en particulier lorsqu’un complice vient se greffer au fait principal sans que l’auteur en sache
rien154
. C’est pourquoi les termes d’infraction collective par nature et d’infraction commise
collectivement155
seront préférés, leur ensemble formant les infractions collectives au sens
large. Il est alors possible d’affirmer que toute coaction suppose une infraction collective156
.
Ce clivage entre infraction collective par nature et infraction commise collectivement
pourrait être dépassé par la notion de criminalité et délinquance organisées. Cette dernière a
été introduite dans le Code de procédure pénale157
par la loi du 9 mars 2004158
, qui dresse une
liste d’une quinzaine d’infractions159
, parmi lesquelles revient souvent la notion de bande
151 F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 514 et s.
152 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 245.
153 V. infra n° 54 et s.
154 V. infra n° 96.
155 Ces termes ne doivent pas être confondus avec ceux d’infraction bilatérale. Ces derniers (comme l’adultère)
désignent ceux « dans lesquels le fait est considéré non pas unilatéralement comme dans le délit collectif, mais
bilatéralement de sorte que les personnes […] se présentent comme deux parties d’un rapport délictueux et non
comme une collectivité » (MANZINI, Diritto penale, t. 1, p. 620, n° 236, cité par C. DUPEYRON, L’infraction
collective, préc., n° 5). 156
En revanche, la réciproque n’est évidemment pas vraie : toute infraction collective ne suppose pas une
coaction. 157
C. proc. pén., art. 706-73 et 706-74. L’article 706-73 a été modifié depuis par la loi du 13 novembre 2007, n°
2007-1598, art. 5 : JO 14 novembre 2007. Il faut d’ailleurs remarquer que de nombreuses classifications avaient
déjà été proposées pour tenter de recouvrir cette notion : sur ces propositions, v. E. VERNY, Le membre d’un
groupe en droit pénal, LGDJ, Bibliothèque des sciences criminelles, 2002, n° 582. 158
L. 9 mars 2004, n° 2004-204, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, art. 1 : JO 10
mars 2004 p. 4567, entrée en vigueur le 1er
octobre 2004. 159
Celles-ci sont les suivantes : meurtre en bande organisée de l’article 221-4 8° du Code pénal, actes de torture
et de barbarie en bande organisée de l’article 222-4 du Code pénal, trafic de stupéfiants des articles 222-34 à
222-40 du Code pénal, enlèvements et séquestrations en bande organisée de l’article 224-5-2 du code pénal,
traite des êtres humains des articles 225-4-2 à 225-4-7 du Code pénal, proxénétisme des articles 225-7 à 225-12
du Code pénal, vol en bande organisée de l’article 311-9 du Code pénal, extorsion des articles 312-6 et 312-7 du
Code pénal, destruction, dégradation ou détérioration de biens en bande organisée de l’article 322-8 du Code
pénal, fausse monnaie des articles 442-1 et 442-2 du Code pénal, terrorisme des articles 421-1 à 421-5 du Code
pénal, délits en matière d’armes commis en bande organisée des articles 3 de la loi du 19 juin 1871, des articles
24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 ou des articles 3 de la loi du 3 juillet 1970, et 4 de la loi du 9 juin 1972,
aide à l’entrée au séjour irrégulier des étrangers en France commis en bande organisée, blanchiment ou recel
44
organisée, afin de leur appliquer des procédures particulières, dérogatoires de celles du droit
commun160
. Or, certaines infractions collectives par nature relèvent de la criminalité
organisée, telles que l’association de malfaiteurs161
, de même que certaines infractions
commises collectivement appartiennent également à cette dernière catégorie, comme les
crimes et délits commis en bande organisée162
. Mais le concept de criminalité organisée est
loin de recouper les deux notions : toutes les infractions collectives par nature, ainsi que
toutes les infractions commises collectivement, ne relèvent pas de la criminalité organisée.
Par exemple, si l’entrave à la liberté du travail163
constitue une infraction collective par
nature164
, elle n’apparaît pas dans la liste d’incriminations prévues par le code de procédure
pénale. Le constat est le même s’agissant, notamment, d’un vol commis par deux personnes :
alors que ce comportement est constitutif d’une infraction commise collectivement165
, il
n’appartient pas à la criminalité organisée. Cette dernière, si elle exige une pluralité de
participants, ne permet donc pas une appréhension exhaustive du phénomène collectif166
. En
pour le produit, les revenus ou choses provenant des infractions précédentes, association de malfaiteurs ayant
pour objet la préparation de l’une des infractions mentionnées précédemment, ainsi que les crimes et délits
commis en bande organisée et associations de malfaiteurs autres que ceux relevant de l’article 706-73 du code
pénal. 160
Il faut d’ailleurs noter que le législateur français a choisi de dresser une liste de comportements relevant de la
criminalité et de la délinquance organisées alors que de nombreux auteurs auraient préféré une approche
méthodique de la question. Ainsi, beaucoup d’entre eux avaient tenté de poser des critères d’identification du
crime organisé : V. notamment J.-P. BRODEUR, Le crime organisé hors de lui-même, tendances récentes de la
recherche, RICPT 1998, p. 188 ; F. DEBOVE, Vers un droit pénal de la criminalité organisée, Les petites
affiches, 12 nov. 2002, p. 4 ; C. GIRAULT, Le droit pénal à l’épreuve de l’organisation criminelle, Rev. sc. crim.
1998, p. 715 ; J.-P. GUEDON, Criminalité organisée et droit pénal, thèse, Paris I, 2002 ; M. MASSE, Notes brèves
sur la rencontre de deux expressions : crime organisé et espace judiciaire européen, Rev. sc. crim. 2000, p. 469 ;
Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, RID pén. 1997, p. 793; E. VERGES, La notion
de criminalité organisée après la loi du 9 mars 2004, AJ pén. 2004, p. 181. Ce dernier déplore d’ailleurs le
caractère « aléatoire » de l’énumération contenue par le Code de procédure pénale (v. p. 184). 161
V. infra n° 34. 162
V. infra n° 39. 163
C. pén., art. 431-1. Cet article dispose dans son premier alinéa que « Le fait d’entraver, d’une manière
concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou
de manifestation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende », et dans son second que « Le
fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou
dégradations au sens du présent code, l’exercice d’une des libertés visées à l’alinéa précédent est puni de trois
ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ». 164
V. infra n° 30. 165
V. infra n° 30. 166
Dans le même sens, v. B. DE LAMY, La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de
la criminalité (Crime organisé-Efficacité et diversification de la réponse pénale), D. 2004, p. 1910 et s., spéc. p.
1911, pour qui : « Toute infraction commise à plusieurs ne relève pas du crime organisé ; toute entente établie
en vue de commettre un seul acte incriminé reste également distincte de cette notion ».
45
outre, la notion de criminalité organisée ne permet pas de rendre compte de celle de
coaction167
.
Dès lors, il est nécessaire de s’intéresser aux infractions collectives dans leur ensemble
et à la distinction précédemment établie entre infractions collectives par nature et infractions
commises collectivement afin de montrer si elle présente un intérêt en la matière.
31. Intérêt de la distinction. – Ainsi, la coaction suppose-t-elle l’existence d’une
infraction collective quelle qu’elle soit ? Peut-elle se greffer aussi bien sur une infraction
collective par nature que sur une infraction commise collectivement ? Surtout, sa
caractérisation présente-t-elle un intérêt dans ces deux types d’infractions ?
Généralement, les infractions collectives par nature n’exigent pas un mode de
participation spécifique à titre d’élément constitutif et ainsi, ne distinguent pas selon que
l’individu est intervenu dans la commission de l’infraction en tant que complice ou coauteur.
En conséquence, ce procédé conduit parfois à une véritable confusion des critères de
distinction entre ces deux modes d’imputation : par principe, les individus répondant aux
éléments constitutifs visés dans le texte d’incrimination sont qualifiés d’auteurs de l’infraction
ou de coauteurs au regard de la définition classique de la coaction168
. Toutefois, ces textes, par
leur généralité, permettent d’englober des comportements d’aide ou d’assistance qui, en vertu
de la définition légale de la complicité, devraient être qualifiés d’actes de complicité. Par
exemple, certaines incriminations visent la répression d’un « groupement »169
, sans préciser à
quel titre l’intervention d’un individu dans ce groupement est sanctionnée. Or, le fait de
fournir une arme à un individu, hypothèse classique de complicité par fourniture de moyen,
peut permettre de caractériser l’appartenance à un groupement et donc l’imputation au titre de
coauteur de l’infraction d’association de malfaiteurs notamment. La notion de participation,
qui ne distingue pas entre coaction et complicité, a alors plus de sens que ces dernières en
matière d’infractions collectives par nature. C’est pourquoi cette catégorie d’infractions, pour
laquelle la coaction ne présente pas d’intérêt particulier, sera analysée en premier lieu (§1),
permettant alors de dégager le domaine de prédilection de la coaction, celui des infractions
commises collectivement (§2).
167 V. infra n° 40.
168 V. infra n° 3.
169 V. notamment les articles 450-1 (association de malfaiteurs) et 323-4 (participation à une bande violente) du
Code pénal : v. infra n° 36.
46
§1- Les infractions collectives par nature.
32. Les infractions collectives par nature exigent une pluralité d’intervenants à titre
d’élément constitutif, c’est-à-dire au moins deux participants. Elles sont à la fois peu
nombreuses et diverses dans le Code pénal : peu nombreuses car il est possible d’en dresser
une liste exhaustive, diverses car même si elles peuvent parfois sembler proches, elles sont
chacune très ciblées et incriminent des comportements strictement définis. Il convient alors de
les identifier plus précisément (A) afin d’y rechercher l’intérêt de la coaction (B).
A- Identification des infractions collectives par nature
33. Pour étudier les infractions collectives par nature, encore faut-il les identifier. A lire
la définition évoquée de ce type d’infractions170
, cela se révèle relativement aisé : il suffit de
dresser la liste des infractions nécessitant une pluralité d’intervenants au titre de ses éléments
constitutifs. En réalité, parce que cette pluralité n’est parfois exigée qu’implicitement, ou
parce qu’elle semble induite par l’image que l’on se fait de l’infraction dont il est question,
cette tâche ne doit pas être minimisée. Il est alors indispensable d’identifier les infractions
collectives par nature de façon positive (1°), mais aussi négative (2°).
1- Identification positive
34. Association de malfaiteurs. – Certaines infractions ne prêtent pas à discussion
quant à savoir si elles sont des infractions collectives par nature ou non. L’association de
malfaiteurs est l’exemple type d’une infraction collective par nature. En effet, elle est définie
par le Code pénal comme « tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la
préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou de plusieurs crimes ou
d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement »171
. Ainsi qu’en
170 V. supra n° 30 et 32.
171 Si la définition de cette infraction n’avait quasiment pas changé pendant plus d’un siècle, elle a souvent été
remaniée depuis la loi « Sécurité et liberté » du 2 février 1981 (JO 3 fév. 1981) afin d’élargir toujours plus son
domaine d’application. Alors que les anciens articles 265 à 268 du code pénal exigeaient non seulement que les
malfaiteurs aient projeté la commission de plusieurs crimes, mais également la commission de crimes
uniquement et laissaient donc hors d’atteinte les délits même les plus graves, l’article 450-1 actuel étend
47
témoignent les termes « groupement » et « entente », elle suppose donc une pluralité
d’intervenants. Cependant, aucun nombre minimum n’est exigé pour caractériser cette
association. L’ancien Code pénal172
, antérieurement à la loi du 2 février 1981, affirmait
d’ailleurs que cette infraction pouvait être caractérisée « quel que soit le nombre de ses
membres ». De fait, deux personnes seulement peuvent tout à fait caractériser une association
de malfaiteurs. Même si cette dernière n’est pas placée dans la partie générale du Code pénal,
il faut la considérer comme une l’incrimination d’un mode général de commission d’une
infraction, l’infraction projetée n’étant pas strictement définie (« la préparation d’un ou de
plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement »).
En effet, le législateur a cru bon d’incriminer spécialement certaines d’associations de
malfaiteurs lorsque celles-ci se rapportent à des infractions particulières. C’est ainsi que
l’association de malfaiteurs commise en vue de perpétrer un crime contre l’humanité prévu
par les articles 211-1, 212-1 et 212-2 du Code pénal, celle commise en vue de porter atteinte
au traitement automatisé de données et celle commise afin de perpétrer un acte terroriste, font
l’objet d’incriminations particulières173
. Ces dernières, parce qu’elles permettent d’aggraver
les peines encourues174
ou d’incriminer des comportements qui ne pourraient l’être en vertu
de l’article 450-1 du Code pénal175
, ne font ainsi pas doublon avec celui-ci mais y apportent
des dérogations, témoignant en cela de leur caractère spécial.
35. Participation à une bande violente. – En outre, les infractions imposant
l’existence d’un groupement s’analysent elles aussi comme des infractions collectives par
nature. Tel est le cas de l’infraction de participation à une bande violente176
, introduite par la
loi du 2 mars 2010, et réprimant « le fait pour une personne de participer sciemment à un
l’incrimination à la préparation d’un ou plusieurs crimes et à celles de nombreux délits (ceux punis d’au moins
cinq ans d’emprisonnement). 172
C. pén. anc., art. 265. 173
Respectivement aux articles 212-3, 323-4 et 421-2-1 du Code pénal. 174
C. pén., art. 212-3 et 421-2-1. 175
C. pén., art. 323-4 qui dispose que « La participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue
de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou de plusieurs des infractions prévues
par les articles 323-1 à 323-3-1 est punie des peines prévues pour l’infraction elle-même ou pour l’infraction la
plus sévèrement réprimée ». Or, l’article 323-1, qui vise « le fait d’accéder ou de se maintenir, frauduleusement,
dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données » n’étant puni que de deux ans
d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende et de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende
« lorsqu’il en est résulté la suppression ou la modification de données contenues dans le système », il ne serait
pas punissable en vertu de l’article 450-1 du Code pénal. 176
C. pén., art. 222-14-2.
48
groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un
ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions
ou dégradations de biens ». Outre les nombreuses critiques que l’on peut émettre quant à la
pertinence et au bien-fondé d’une telle incrimination177
, il n’en demeure pas moins qu’en
exigeant la participation à un groupement, elle vise la pluralité d’intervenants178
comme
élément constitutif. Cela est d’autant plus vrai que « de l’aveu même de l’exposé des motifs,
ce texte s’inspire directement de l’association de malfaiteurs »179
, infraction collective par
nature180
.
36. Exigence de pluralité explicite ou implicite. Ces deux exemples montrent que de
façon générale, et sans dresser une liste exhaustive et fastidieuse des infractions en cause, les
textes exigeant expressément au moins deux individus parce qu’ils imposent un
groupement181
, un rassemblement182
, une pluralité de personnes183
ou une action collective184
,
ou plus implicitement parce qu’ils requièrent une concertation185
ou une participation186
,
peuvent s’analyser comme des incriminations d’infractions collectives par nature.
Pour autant, il faut se garder de croire que les infractions se réalisant
traditionnellement à plusieurs en vertu du sens commun revêtent les caractères de l’infraction
collective par nature. Reste alors à d’identifier de façon négative ces dernières.
177 V. notamment R. PARIZOT, L’incrimination de participation à une bande ayant des visées violentes, un nouvel
exemple de mépris(e) à l’égard des principes du droit pénal, D. 2009, p. 2701 ; V. NIORÉ, D’une loi anti-
casseurs défunte à une loi anti-bandes conforme à la Constitution : la résurrection…, Gaz. pal. 2010, n° 90 à 91,
p. 8. 178
A ce titre, il faut regretter l’imprécision de ce terme : le groupement s’entend-il de la réunion de deux
personnes seulement ou exige-t-il trois agents pour sa constitution ? Même s’il est vrai que deux personnes
suffisent généralement à caractériser un groupe en droit français (v. notamment supra n° 34), le silence du
législateur sur ce point ne peut qu’être déploré. 179
R. PARIZOT, L’incrimination de participation à une bande ayant des visées violentes, un nouvel exemple de
mépris(e) à l’égard des principes du droit pénal, préc. 180
V. supra n° 34. 181
Le groupe de combat, incriminé à l’article 431-13 du Code pénal, aurait également pu être pris pour exemple. 182
V. notamment l’attroupement incriminé à l’article 431-3 du Code pénal. 183
V. notamment le complot incriminé à l’article 421-2 du Code pénal. 184
V. notamment le mouvement insurrectionnel incriminé à l’article 412-3 du Code pénal. 185
V. notamment les entraves à l’exercice des libertés d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de
manifestation de l’article 431-1 du Code pénal. 186
V. notamment la démoralisation de l’armée incriminée à l’article 413-3 du Code pénal, dont la Cour de
cassation elle-même a rappelé l’exigence d’une pluralité de participants en considérant qu’un acte isolé de
provocation à la désertion ne saurait être qualifié de constitutif d’une participation à une entreprise de
démoralisation de l’armée (Cass. crim., 6 oct. 1960, Bull. n° 435).
49
2- Identification négative
37. Terrorisme. – Dans le sens commun, certaines incriminations ne se conçoivent
qu’exécutées à plusieurs. Pour autant, une lecture attentive du Code pénal démontre qu’il n’en
est rien. Il en va ainsi du terrorisme187
, dont la définition utilise le terme d’entreprise
précédemment évoqué. Le terrorisme n’est pas une infraction à part entière puisqu’en réalité,
le législateur distingue entre différents actes de terrorisme selon qu’ils sont des actes
terroristes par finalité ou par nature188
. Les actes terroristes par finalité sont des infractions de
droit commun, limitativement énumérées, commises « intentionnellement en relation avec
une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public
par l'intimidation ou la terreur ». Or, il est fait mention d’une entreprise individuelle ou
collective. De fait, l’infraction pouvant être commise par une personne seule, les actes de
terrorisme définis de la sorte ne peuvent constituer une infraction collective par nature. Le
même constat peut être dressé concernant les actes terroristes par nature, qui eux, ne se
réfèrent pas à des infractions de droit commun, mais se définissent comme des
comportements autonomes de terrorisme, tels que le terrorisme écologique189
. Ce dernier
reprend d’ailleurs la formule évoquée précédemment, puisque lui aussi doit avoir été commis
« intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but
de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». La pluralité de
participants n’est donc pas nécessaire à sa réalisation. De même, l’article 421-2-1 du code
pénal190
considère comme un acte terroriste le fait de financer une entreprise terroriste,
indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte. Or, le financement peut
évidemment être le fait d’une personne seule. Les actes terroristes ne peuvent donc être
assimilés à des infractions collectives par nature.
Pourtant, une incrimination pourrait faire douter de cette affirmation : celle de l’article
421-2-1 du code pénal qui considère comme un acte terroriste « le fait de participer à un
groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou
plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme mentionnés aux articles [421-1 et 421-2
du même code] ». Elle sanctionne, en effet, une participation à un groupement ou une entente,
187 C. pén. art. 421-1 et s.
188 V. V. MALABAT, Droit pénal spécial, Dalloz, coll. Hypercours, 5
ème éd., 2011, n° 892 et s.
189 C. pén., art. 421-2.
190 Créé par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001, art. 33, JO 16 novembre 2001.
50
et exige donc une pluralité d’individus pour sa réalisation. Cependant, comme il l’a été vu, il
s’agit là de l’incrimination d’une association de malfaiteurs spéciale, justifiant en cela que
l’infraction soit, dans ce cas précis, collective par nature.
38. Trafic de stupéfiants. – Le trafic de stupéfiants est généralement considéré comme
une forme de criminalité commise à plusieurs. Pour autant, là encore, il est difficile de
l’envisager comme une infraction collective par nature. Aucun texte du code pénal ne définit
précisément le trafic de stupéfiants, ce dernier étant seulement l’intitulé d’une section du
code, contenue dans les atteintes à l’intégrité de la personne191
. Or, cette section comprend
plusieurs infractions sanctionnant notamment « le fait de diriger ou d'organiser un
groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l'importation, l'exportation, le
transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants »192
,
« la production ou la fabrication illicites de stupéfiants »193
, « l'importation ou l'exportation
illicites de stupéfiants »194
, « le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou
l'emploi illicites de stupéfiants »195
ainsi que le blanchiment de biens ou revenus provenant
des infractions précédentes196
et enfin « la cession ou l'offre illicites de stupéfiants à une
personne en vue de sa consommation personnelle »197
. De façon moins évidente que le
terrorisme qui employait les termes « entreprise individuelle », mais tout aussi indiscutable,
ces incriminations, envisagées séparément, n’exigent pas une pluralité de participants. Ainsi,
diriger un groupement, transporter ou offrir des stupéfiants par exemple, sont des infractions
qui, bien que difficilement concevables sans l’intervention de plusieurs protagonistes,
n’exigent pas un nombre minimum d’individus à titre d’élément constitutif. Elles ne peuvent
alors être qualifiées d’infractions collectives par nature.
De plus, comme le terrorisme, le trafic de stupéfiants n’est pas « une » infraction à part
entière, mais comprend une série d’incriminations. Il apparaît dès lors difficile de le
considérer comme une infraction collective par nature.
191 Section 4 « Du trafic de stupéfiants » du chapitre II « Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la
personne » du titre II « Des atteintes à la personne humaine » du livre I consacré aux crimes et délits contre les
personnes. 192
C. pén., art. 222-34. 193
C. pén., art. 222-35. 194
C. pén., art. 222-36. 195
C. pén., art. 222-37. 196
C. pén., art. 222-38. 197
C. pén., art. 222-39.
51
39. Bande organisée. – Enfin, il reste à s’intéresser à la bande organisée. Celle-ci exige
bien évidemment une pluralité de participants, ne serait-ce que par son intitulé même de
« bande ». Mais elle ne peut être considérée comme une infraction collective par nature tout
simplement car elle n’est pas une infraction mais une circonstance aggravante198
. Désignée
par le Code pénal comme « tout groupement formé ou tout entente établie en vue de la
préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou de plusieurs
infractions »199
, sa définition est très proche de celle de l’association de malfaiteurs200
. Elle
est prévue pour de nombreuses infractions, telles que, notamment, le trafic de stupéfiants201
,
l’enlèvement et la séquestration202
, le proxénétisme203
, le vol204
, l’escroquerie205
,
l’extorsion206
, le recel de choses207
, les destructions, dégradations et détérioration dangereuses
pour les personnes208
, le blanchiment209
et le transport et la mise en circulation de fausse
monnaie210
, dont la liste a été considérablement élargie par la loi du 9 mars 2004211
. Or, cette
définition ainsi que les nombreuses infractions visées pourraient faire douter de l’utilité de
l’incrimination générale d’association de malfaiteurs. Cependant, outre le fait que l’une est
une circonstance aggravante alors que l’autre est une infraction autonome, les deux notions se
distinguent. En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 mars 2004212
, se
fondant sur la Convention des Nations Unies relative à la criminalité transnationale
198 Ces propos peuvent cependant être nuancés. Si l’on estime que la circonstance aggravante n’est pas un simple
outil d’aggravation de la peine mais conduit à former une infraction à part entière (V. C. DE JACOBET DE
NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, Dalloz, Paris, 2006), il est alors possible d’affirmer
que l’infraction aggravée par la circonstance de bande organisée est une infraction collective par nature. Ainsi,
par exemple, le vol commis en bande organisée entrerait dans cette dernière catégorie. 199
C. pén., art. 132-71. 200
C. pén., art. 450-1. 201
C. pén., art. 222-35 et 222-36. 202
C. pén., art. 224-2. 203
C. pén., art. 225-8. 204
C. pén., art. 311-9. 205
C. pén., art. 313-2 al. 2. 206
C. pén., art. 312-6. 207
C. pén., art. 321-2 2°. 208
C. pén., art. 322-8 1°. 209
C. pén., art. 324-2 2°. 210
C. pén., art. 442-2 al. 2. 211
Art. 6 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité,
JORF n° 59 du 10 mars 2004, p. 4567. 212
Cons. const., 2 mars 2004, déc. n° 2004-492 DC.
52
organisée213
, a affirmé que la bande organisée s’entendait d’un groupe structuré de trois
personnes ou plus (à la différence de l’association de malfaiteurs qui est constituée dès lors
que sont recensés deux participants seulement) existant depuis un certain temps et agissant de
concert, dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves ou établies
conformément à la Convention pour en tirer un avantage financier ou un autre avantage
matériel. Surtout, il a considéré que la bande organisée se distinguait de la circonstance de
réunion. Or, celle-ci s’entend de la commission d’une infraction par plusieurs personnes
agissant en qualité d’auteur (coaction au sens strict) ou de complice. Dès lors, la bande
organisée se distingue de la coaction et de la complicité, par sa durée et sa structure. Ainsi,
être membre d’une bande organisée, ce n’est pas nécessairement être coauteur de l’infraction
tentée ou consommée par cette même bande, même si l’on envisage l’infraction commise de
la sorte comme une infraction collective par nature214
. Il s’agirait plutôt d’un mode
d’imputation particulier. En effet, de façon générale, il convient de voir que, lorsque
l’infraction réalisée est une infraction collective par nature, la notion de coaction ne revêt pas
un intérêt fondamental.
B- L’intérêt limité de la notion de coaction
40. Indifférence au mode de participation. – Concernant les infractions collectives
par nature, il semble que la notion de coaction ne revête pas d’intérêt particulier dans la
mesure où la plupart des infractions dont il est question ne sanctionnent qu’une participation
et ne distinguent pas selon le mode de participation en cause. L’acte de participation, qu’il soit
de complicité ou de coaction, est en effet érigé en infraction autonome, et le législateur
n’emploie d’ailleurs jamais ces termes. Ainsi en est-il de l’association de malfaiteurs, qui, en
sanctionnant un groupement ou une entente, incrimine la participation en général. De fait,
cette infraction permet de regrouper de nombreux comportements sous cette dénomination,
dont certains qui pourraient traditionnellement être considérés comme de simples actes de
213 Adoptée à New York le 15 novembre 2000, ratifiée par la France et publiée par le décret du 8 septembre
2003. 214
Dans l’hypothèse où la circonstance aggravante formerait une nouvelle infraction, l’infraction aggravée, il
faudrait en effet considérer que l’infraction réalisée en bande organisée serait une infraction collective par nature
(sur la théorie selon laquelle la circonstance aggravante permettrait de fonder une nouvelle infraction,
l’infraction aggravée, v. C. DE JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, Dalloz,
Coll. NBT, 2006.
53
complicité. Le fait de fournir au groupement un local lui permettant de se réunir est ainsi
constitutif du délit, puisqu’il s’analyse comme une participation à part entière déjà
constitutive de l’entente ou du groupement, alors même qu’en vertu des principes classiques
du droit pénal général, la fourniture de moyens est considérée comme un acte de complicité.
Plus encore, la complicité étant justement un mode de participation, la complicité
d’association de malfaiteurs ne peut donc se concevoir215
car tout acte de complicité est déjà
un acte constitutif de l’infraction, et d’ailleurs, à notre connaissance, la jurisprudence
criminelle n’en fait, fort logiquement, pas état. Dès lors, s’interroger sur le fait de savoir si le
participant a agi à titre de coauteur ou de complice ne présente pas d’intérêt : au regard de
l’association de malfaiteurs, il aura réalisé l’infraction, et en sera donc auteur216
.
Des conclusions identiques s’appliquent à l’égard des incriminations précédemment
étudiées sanctionnant une participation ou un groupement. Or, une des principales critiques
adressées à l’infraction de participation à une bande violente vise cette confusion des modes
de participation : peu importe le degré de participation des individus appartenant à la bande,
tous pourront être poursuivis et sanctionnés217
. A ainsi été déploré, à juste titre,
l’ « éclatement du vocabulaire de la participation criminelle »218
.
215 Contra A. VITU, J.-Cl. Pénal Code, Participation à une association de malfaiteurs, art. 450-1 à 450-5 fasc. 20,
2004, n° 46 et s. Selon lui, depuis le nouveau Code pénal, « la situation du fauteur est gouvernée par
l’application pure et simple du droit commun de la complicité ». Il justifie cette solution par le fait que le Code
pénal ne fasse plus référence aux hypothèses de complicité de l’association de malfaiteurs alors que tel était le
cas de l’ancien Code pénal, dans son article 267. Ce dernier qualifiait en effet de complice « celui qui aura
volontairement procuré, sachant qu’ils devaient servir à l’action, des moyens destinés à commettre le ou les
crimes ou délits pour lesquels l’association a été formée ou l’entente établie ». Mais cet auteur ne se fonde sur
aucune décision jurisprudentielle en la matière excepté celle rendue par la Cour d’appel de Paris le 26 janvier
2001 (JurisData n° 2001-141804). Or, la solution n’a jamais, à notre connaissance, été reprise par la Cour de
cassation. 216
En revanche, l’inverse n’est pas vrai : identifier une coaction ou une complicité pourra permettre d’établir
l’existence d’une association de malfaiteurs. Cependant, cette solution peut sembler regrettable : dès lors que
l’on pourra caractériser une participation préméditée, ce qui sera le cas dans les hypothèses de coaction et dans la
plupart des hypothèses de complicité, à une infraction punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement, ses
participants pourront être poursuivis sous le fondement de l’association de malfaiteurs. Ce serait alors l’occasion
d’un concours de qualifications entre cette dernière et l’infraction réalisée en exécution de celle-ci. Selon la Cour
de cassation, il s’agit d’un concours réel et les deux infractions doivent alors être retenues cumulativement. Elle
affirme en effet que « le délit d’association de malfaiteurs constitue une infraction indépendante du ou des
crimes… préparés ou commis par les membres de l’association » (V. notamment Cass. crim., 8 fév. 1979 : Bull.
n° 58, JCP G 1979, IV, p. 121 ; D. 1979, inf. rap. p. 528, obs. M. PUECH ; Rev. sc. crim. 1980, p. 151, obs. J.
ROBERT ; Cass. crim. 6 nov. 1986 : JurisData n° 1986-002831 ; JCP G 1987, IV, p.16 ; Gaz. Pal. 1987, 1,
somm. p. 200, obs. J.-P. DOUCET ; Cass. crim. 11 mai 2000 : JurisData n° 2000-002726). Cette solution peut
alors paraître sévère, d’autant plus lorsque l’infraction projetée et réalisée connaît de la réunion comme
circonstance aggravante. Peut-être serait-il alors souhaitable de restreindre quelque peu le champ d’application
de l’incrimination d’association de malfaiteurs, en imposant un nombre minimum de participants par exemple. 217
Cet objectif était d’ailleurs clairement celui des auteurs de la proposition de loi puisque le rapporteur avait
expliqué que « l’incrimination proposée [constituerait], de l’avis même du directeur général de la police
54
41. Nuance : les concertations. – Cependant, des réserves doivent être mentionnées
concernant les concertations puisque la complicité d’entrave à la liberté du travail par
exemple, est tout à fait envisageable et d’ailleurs envisagée219
par la jurisprudence. En effet,
l’article 431-1 du code pénal dispose dans son alinéa 1er que « Le fait d'entraver, d'une
manière concertée et à l'aide de menaces, l'exercice de la liberté d'expression, du travail,
d'association, de réunion ou de manifestation est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000
euros d'amende », et dans son alinéa second que « Le fait d'entraver, d'une manière concertée
et à l'aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent
code, l'exercice d'une des libertés visées à l'alinéa précédent est puni de trois ans
d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ». Si l’on prend pour modèle l’entrave à la
liberté du travail, il est absolument concevable d’aider à entraver cette liberté – en fournissant
du matériel bloquant l’accès à l’entreprise par exemple – ou encore de provoquer cette entrave
– en donnant des ordres en ce sens notamment – et donc de se rendre complice de cette
infraction.
Les notions de coaction et de complicité, pouvant être distinguées, retrouveraient alors
de leur intérêt dans ces hypothèses.
42. Confusion regrettable entre complicité et coaction. – Hormis le cas des
concertations, il apparaît donc que le Code pénal sanctionne la participation à une infraction
collective par nature quel que soit le titre auquel cette intervention a eu lieu, faisant de la
participation la notion clé, au détriment de celles de coaction ou de complicité. De fait, tous
les participants sont alors des coauteurs de ces infractions alors même qu’en vertu du droit
commun, ils devraient être qualifiés de complices lorsque leurs actes s’entendent d’actes
d’aide, d’assistance, de fourniture de moyens, ou d’instigation. Un auteur énonce ainsi « Cette
pluralité nécessaire se rencontre dans un bon nombre de situations, où l’existence même de
l’infraction suppose qu’elle ait été le fait de plusieurs auteurs, que l’on peut dès lors nommer,
nationale et du chef d’investigations transversales à la direction de la police urbaine de proximité de la
préfecture de police de Paris, un instrument efficace pour engager des poursuites contre les auteurs, sans pour
autant avoir à distinguer l’auteur du co-auteur, ou bien le coauteur du complice » (cité par V. NIORE, D’une loi
anti-casseurs défunte à une loi anti-bandes conforme à la Constitution : la résurrection…, préc.) 218
R. PARIZOT, L’incrimination de participation à une bande ayant des visées violentes, un nouvel exemple de
mépris(e) à l’égard des principes du droit pénal, préc. 219
V. notamment Cass. crim., 23 avril 2003, Bull. n° 84.
55
au sens précis et évident de ce terme, des auteurs en commun, des co-auteurs »220
. Or, toute
incrimination qui englobe indistinctement complicité et coaction conduit non seulement à
brouiller les définitions traditionnelles de ces concepts, mais surtout, ne permet pas de
dégager une notion originale de coaction. Il faut alors rechercher cette dernière ailleurs, et
c’est au sein des infractions commises collectivement qu’elle se trouve, celles-ci permettant
une différenciation des modes de participation en général.
§2- Les infractions commises collectivement
43. Les infractions commises collectivement n’exigent pas une pluralité d’intervenants à
titre d’élément constitutif, mais incriminent des comportements individuels que les
circonstances peuvent amener à réaliser à plusieurs. Ainsi en est-il, par exemple, du vol221
, qui
s’analyse comme la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui, et peut donc être commis
par une personne agissant seule ou par plusieurs individus. Particulièrement nombreuses, il est
impossible de présenter chacune de ces incriminations. Mais le raisonnement étant identique
pour toutes, en étudier certaines permettra de montrer que c’est en leur sein que la coaction
révèle toute son originalité puisqu’elles permettent une différenciation des modes de
participation. Dès lors, il conviendra de s’intéresser à l’identification des infractions
commises collectivement (A) afin de témoigner de l’intérêt retrouvé de la coaction (B).
A- Identification des infractions commises collectivement.
44. Multitude des infractions commises collectivement. – En réalité, la plupart des
infractions, bien que sanctionnant de prime abord des actions individuelles, sont susceptibles
d’être commises collectivement. Peu importe que cette pluralité de participants soit
expressément visée par le code ou non : les infractions commises collectivement ne se
réduisent pas aux infractions pour lesquelles la circonstance de réunion222
ou de bande
organisée223
est prévue.
220 D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 4, p. 5.
221 C. pén., art. 311-1.
222 V. infra n° 46.
223 V. infra n° 47.
56
45. Indifférence de principe à la pluralité. – Le droit pénal interdisant de distinguer là
où la loi ne le fait pas224
, la pluralité d’auteurs, lorsqu’elle n’est pas évoquée par le code, ne
doit pas produire d’effet juridique particulier. Comme le rappellent certains auteurs225
, « en
l’absence de précision dans la loi ou le règlement, la participation collective à une infraction
n’a normalement aucune conséquence juridique ». Il fallait alors s’attendre à ce que le
législateur envisage la pluralité de participants et ses conséquences pour les infractions les
plus graves de notre droit, le risque accru pour la société en cas de groupe criminel ne
manquant pas d’être souligné en doctrine226
. Cependant, il est remarquable de constater que
certaines incriminations phares du code pénal, dont la dangerosité est pourtant avérée,
n’envisagent aucune particularité quant à leur répression lorsqu’elles sont commises par
plusieurs individus. C’est ainsi que le meurtre227
notamment, ou encore le détournement
d’aéronef228
, ne sont pas punis plus sévèrement s’ils sont commis par plusieurs personnes
agissant en réunion ou même en bande organisée.
46. Infractions commises collectivement et circonstance de réunion. – Cependant,
souvent, le législateur va tout de même jusqu’à faire de cette pluralité de participants une
circonstance aggravante, généralement appelée circonstance de réunion. Tel est le cas en
matière de tortures ou actes de barbarie229
, de violences230
, de viol231
et autres agressions
sexuelles232
, de trafic de stupéfiants233
, d’enlèvement ou de séquestration234
, de
proxénétisme235
, de vol236
, d’extorsion237
, d’escroquerie238
, de recel239
, de destructions,
224 Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus.
225 F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 517.
226 V. notamment P. CUCHE, Précis de droit criminel, Précis Dalloz, Paris, 1939, 7
ème éd. ; DONNEDIEU DE
VABRES, n° 428 ; R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la participation criminelle, Rev. dr. pén. crim. 1952,
p. 117, n° 34. 227
C. pén., art. 221-1. 228
C. pén., art. 224-6. 229
C. pén., art. 222-3 8°. 230
C. pén., art. 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 8°. 231
C. pén., art. 222-24 6°. 232
C. pén., art. 222-28 et 222-30 4°. 233
C. pén., art. 222-35 et 222-36 al. 2. 234
C. pén., art. 224-3. 235
C. pén., art. 225-7 9° et 225-8. 236
C. pén., art. 311-4 1° et 311-9. 237
C. pén., art. 312-6. 238
C. pén., art. 313-2 5°. 239
C. pén., art. 321-2 2°.
57
dégradations, détériorations240
, de rébellion241
ou de transport de fausse monnaie242
. Plusieurs
arguments sont avancés pour justifier cette sévérité : la réalisation collective renforcerait
l’émulation entre les divers participants, rendant, de fait, tout désistement volontaire moins
probable ; de plus, l’alliance des compétences des différents individus accentuerait leur
dangerosité ; enfin, la pluralité de participants rendrait l’identification de ceux-ci plus
délicate, le nombre pouvant se révéler un véritable écran et favoriser leur anonymat243
. Ces
arguments étant avancés, il est alors difficile de justifier pourquoi le législateur n’a pas
généralisé cette circonstance aggravante, solution pourtant appelée de ses vœux par une partie
de la doctrine244
. En effet, comment expliquer que le meurtre, par exemple, ne soit pas
aggravé s’il est commis en réunion alors que les violences le sont ? Un auteur estime ainsi que
« la distinction entre les infractions commises en réunion se révèle injustifiée, donc
discriminatoire » et ajoute que « à l’analyse, le droit positif manque cruellement de
cohérence. En effet, il est fort difficile d’expliquer pourquoi seules certaines infractions
peuvent être juridiquement commises en réunion »245
. Dès lors, il serait certainement
raisonnable de redonner une harmonie à la législation en la matière. Cela est d’autant plus vrai
que de même que pour les infractions collectives par nature, si les infractions réalisées
collectivement ont toujours été considérées comme plus dangereuses, elles mériteraient donc
des sanctions et des règles procédurales particulières, selon des critères cohérents. Pour
autant, elles n’inspirent pas au législateur la même crainte que les infractions relevant de la
criminalité organisée pour lesquelles la pluralité de participants est généralement sanctionnée
de façon spécifique par la circonstance de bande organisée.
47. Infractions commises collectivement et bande organisée. – Le législateur lui-
même distingue les notions de bande organisée et de réunion. Ainsi, le Code pénal réprime
240 C. pén., art. 322-3 1°.
241 C. pén., art. 433-7 et 433-8.
242 C. pén., art. 442-2 al.2.
243 Sur ces différents points, v. notamment D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 37, p. 32. Plus
généralement, sur l’anonymat, v. J.-CH. SAINT-PAU, L’anonymat et le droit, thèse Bordeaux IV, 1998. 244
V. notamment P. CUCHE, Précis de droit criminel, Dalloz, coll. Petits précis Dalloz, 7ème
éd., 1939, n° 145. 245
D. DECHENAUD, L’égalité en matière pénale, LGDJ, 2008. L’auteur rappelle que certains se sont essayés à
trouver un critère justifiant cette discrimination et cite à ce titre E. VERNY (Le membre du groupe en droit pénal,
préc., n° 623) pour qui les infractions concernées par la circonstance aggravante de réunion ne regrouperaient
que celles dont la nature est modifiée par la pluralité de participants. Cependant, D. DECHENAUD expose alors ses
doutes quant à cette affirmation, en montrant que les infractions aggravées par la réunion ne peuvent être
regroupées sous des catégories d’infractions unies par une même valeur sociale à protéger.
58
sous des incriminations différentes le vol commis par plusieurs personnes agissant en qualité
d'auteur ou de complice, sans qu'elles constituent une bande organisée246
, c’est-à-dire le vol
en réunion, et le vol commis en bande organisée247
par exemple, ou encore le proxénétisme
commis en réunion248
et celui commis en bande organisée249
, et les soumet à des peines
distinctes. Le législateur interdit ainsi de confondre coaction ou complicité et bande
organisée. Un auteur250
remarque alors que « la pluralité de personnes est donc doublement
traitée dans le nouveau Code pénal, selon que les intervenants agissent en qualité d’auteur ou
de complice, mais sans pour autant constituer une bande organisée, ou selon, au contraire,
qu’ils contribuent à caractériser une telle bande ». Selon lui, la distinction va d’ailleurs plus
loin, puisqu’il conviendrait en effet de différencier, pour des raisons semblables, participation
à l’infraction et crime organisé : « l’organisation ne saurait être réduite juridiquement à une
simple participation à la commission d’une infraction. Il y a, dans le crime organisé une
donnée de plus, qui revient à consacrer une différence sensible par rapport à un acte de
complicité ou à un état de coactivité »251
. Si le crime organisé est « plus qu’une simple
participation », il faut alors en conclure, a contrario, que la participation est, quant à elle,
moins qu’une organisation252
. Les infractions relevant de la délinquance et de la criminalité
organisées ne rendent donc pas compte de la coaction, et seules les infractions commises
collectivement, que la circonstance de réunion en aggrave la répression ou pas, permettent de
donner un contenu autonome à la notion.
B- L’intérêt retrouvé de la coaction
48. C’est au sein des infractions commises collectivement que la coaction prend tout
son sens : parce que les infractions commises collectivement concernent la plupart des
infractions, ce sont elles qui permettent de démontrer que la coaction est un mode de
participation de droit commun (1) et que, de ce fait, elle relève du domaine du droit pénal
général (2).
246 C. pén., art. 311-4 1°.
247 C. pén., art. 311-9.
248 C. pén., art. 225-7 9°.
249 C. pén., art. 225-8.
250 Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, préc.
251 Y. MAYAUD, Le crime organisé, préc.
252 V. infra n° 49 et s.
59
1- Un mode de participation de droit commun
49. Distinction organisation – participation : le critère de l’entente. – A la différence
de l’organisation, la participation criminelle relève de ce qu’un auteur a qualifié de simple
« connivence » entre les individus253
. Complicité et coaction ne sanctionnent en effet, à la
différence de la criminalité organisée, qu’une « coopération passagère », qui n’a pas vocation
à durer. Et l’auteur de poursuivre : « La coactivité et la complicité permettent de saisir une
délinquance volontaire à plusieurs, mais qui se manifeste de façon ponctuelle, pour la
réalisation d’un projet isolé, sans avoir l’importance d’une entreprise très structurée ayant
vocation à la permanence ». Ce terme de « connivence » montre bien que ces deux modes de
participation criminelle peuvent être le fruit d’une entente254
. Ainsi, l’entente n’est pas cet
élément en plus qui différencie la criminalité organisée de la simple participation à
l’infraction, qu’elle soit complicité ou coaction.
50. Distinction organisation – participation : le critère de l’adhésion à un intérêt
collectif. – Celui-ci se trouve en revanche peut-être dans l’adhésion à un intérêt collectif. Un
auteur255
a ainsi affirmé que « l’adhésion peut également revêtir une forme moins
individualiste et viser à la réalisation d’une infraction, en vue d’un intérêt partagé par tous
les participants à celle-ci. Ce type de délinquance de groupe est qualifié par le terme
générique de « crime organisé » ». C’est donc cet intérêt partagé, ce « même objectif
délictueux »256
, qui identifierait la criminalité organisée. Dès lors, « dès qu’un délinquant
apporte son concours à une association dont il approuve les buts, il est immédiatement lié à
tous les actes commis au nom de ce groupement »257
. Pour preuve de la pertinence de cette
conclusion, l’auteur cite alors une décision de la Chambre criminelle258
dans laquelle deux
253 Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, préc., p. 796.
254 Le Grand Robert de la langue française, dir. A. REY, t. 5, 2e éd., 2001, évoque en effet le terme « entente »
comme synonyme de celui de « connivence ».
Pour autant, l’entente n’est pas une condition de caractérisation de la participation, tout du moins en ce qui
concerne la complicité : v. infra n° 93 et s. 255
A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, thèse, Paris
II, 2006, n° 274. 256
Ibid. n° 279. 257
Ibid. n° 285. 258
Cass. crim., 11 juin 1970, Bull.. n° 199, Rev. sc. crim. 1971, p. 108, obs. A. VITU.
60
individus, bien que n’ayant participé qu’à une seule infraction aux côtés d’agents convaincus
d’association de malfaiteurs259
, ont été considérés comme membres de cette association en
raison de leur connaissance des objectifs criminels poursuivis par le groupe.
Aussi conviendrait-il de distinguer entente et adhésion, et donc plus généralement
participation et crime organisé. Alors que l’adhésion supposerait la poursuite d’un projet
commun, véritable idéal collectif comme en matière de terrorisme, il n’en irait pas de même
pour l’entente qui imposerait un simple accord ponctuel entre les différents participants.
L’adhésion impliquerait que son auteur donne une sorte de blanc-seing au groupe pour les
activités réalisées, blanc-seing justifié par l’idéal commun, en sachant que son action s’inscrit
dans la durée, au contraire de l’entente, nécessairement renouvelée pour chaque infraction et
dirigée vers une infraction déterminée. En réalité, cela n’est pas sans rappeler une autre
distinction classique, celle du dol général et du dol spécial. Alors que la participation
n’exigerait qu’un dol général, c’est-à-dire la volonté de réaliser l’infraction en ayant
conscience de sa prohibition par la loi pénale et de la pluralité de participants, et quel que soit
le mobile de chacun260
, c’est-à-dire sans qu’un idéal commun ne les unisse, le crime organisé
supposerait, lui, un dol spécial en supplément, à savoir la conscience et la volonté de partager
un objectif commun et de s’associer durablement à travers la commission de ces infractions.
Les hypothèses de complicité et de coaction peuvent ainsi se retrouver relativement
fréquemment, plus certainement que celles de criminalité organisée, car elles n’exigent pas
autant d’éléments de caractérisation que cette dernière, et démontrent par là qu’elles sont des
modes de participation de droit commun. Dès lors, elles relèvent davantage du domaine du
droit pénal général.
2- L’incrimination d’un mode de participation relevant du droit pénal général
51. Participation et dispositions générales du Code pénal. – Si les infractions
commises collectivement peuvent concerner la plupart des comportements réprimés
pénalement, il en va alors de même pour la coaction et la complicité. Ces notions ont donc
vocation à la globalité et appartiennent au domaine du droit pénal général, ce dont témoigne
259 Il faut en effet rappeler qu’à l’époque, l’association de malfaiteurs n’était punissable qu’à la condition que
l’entente ait été établie en vue de préparer des crimes ou des délits punis d’au moins 10 ans d’emprisonnement. 260
Hormis les hypothèses pour lesquelles un dol spécial est érigé en élément constitutif de l’infraction.
61
leur place dans le Code pénal. En effet, si le coauteur n’est pas mentionné par ce dernier, il
n’en est pas de même pour l’auteur et le complice, tous deux définis dès le livre premier du
Code261
consacré aux dispositions générales. La coaction, en tant que mode de participation à
l’infraction, relève donc également d’un modèle général et y aurait donc toute sa place,
s’apparentant ainsi à un principe commun à toutes les infractions262
. En revanche, tel n’est pas
le cas de la délinquance organisée : si l’inadéquation de la notion de coaction à cette dernière
devait encore être démontrée, il faudrait citer l’auteur déjà évoqué à plusieurs reprises selon
qui « l’originalité du crime organisé est de sortir du droit pénal général pour rentrer dans le
droit pénal spécial »263
, apte pour sa part à traduire la diversité des situations en la matière264
.
Cette forme de délinquance contribue en effet, comme il l’a été dit265
, à déformer les concepts
classiques du droit pénal général, et ce d’autant plus que la répression a lieu bien plus tôt sur
l’iter criminis que les principes traditionnels ne l’imposent.
52. Conclusion de la section 1. – La pluralité d’intervenants est donc une condition de
la participation, et ainsi de la coaction. Ce constat évident ne doit pas pour autant être minoré.
En effet, s’il est certain que la coaction se greffe sur une infraction collective, il restait
important de préciser cette affirmation. Or, il a été démontré que cette pluralité d’intervenants
ne doit pas se doubler de trop d’éléments supplémentaires tels que l’adhésion à un idéal
collectif par exemple, au risque de relever de la criminalité organisée, indifférente aux notions
de coaction et de complicité. Surtout, même si les notions de délinquance et criminalité
organisées ne correspondent pas à celle d’infraction collective par nature, il faut remarquer
que cette dernière également ne fait pas grand cas du mode de participation en question. Les
infractions collectives par nature exigent en effet souvent une simple participation, quel que
soit son mode, et contribuent à brouiller les frontières entre action, complicité et coaction.
261 Respectivement aux articles 121-4, 121-6 et 121-7 du Code pénal.
262 Du reste, un auteur distingue infractions collectives par nature et infractions commises collectivement à
l’aune de ce critère, tout en notant que toutes relèvent de la théorie de la participation criminelle : v. X. PIN, Le
consentement en matière pénale, LGDJ, 2002, spéc. n° 268. Il considère en effet que la théorie de la participation
criminelle « comprend, en droit pénal spécial, l’étude de la participation dite nécessaire, c’est-à-dire l’étude des
incriminations qui, comme le complot ou l’association de malfaiteurs, supposent une concertation. En droit
pénal général, elle correspond à l’étude de la participation facultative c’est-à-dire de la complicité et de la
coaction, qui sont des modalités particulières de réalisation d’une infraction ». 263
Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, préc., p. 800. 264
Il est vrai que la circonstance aggravante de bande organisée relève d’une disposition générale (C. pén., art.
132-71). Cependant, en tant que circonstance aggravante, elle doit être prévue par des textes spécifiques relevant
du droit pénal spécial pour être réprimée, au contraire de la complicité et de la coaction. 265
V. supra n° 42.
62
C’est donc au sein des infractions commises collectivement qu’il faut rechercher le sens de la
coaction en tant que notion générique, propre au droit pénal général, et ainsi en tant que mode
spécifique de participation à l’infraction. Les notions de coaction et de complicité, et donc de
participation à l’infraction, prennent alors tout leur sens en présence d’infractions commises
collectivement. Paradoxe s’il en est, c’est donc à l’occasion d’infractions pour lesquelles la
participation n’est pas nécessaire que cette notion va pouvoir révéler son intérêt… Mais la
pluralité d’intervenants n’est pas la seule condition nécessaire à la caractérisation d’une
véritable participation, ni même d’une infraction collective : pour que celles-ci soient établies,
encore faut-il que les différents protagonistes soient liés entre eux. Or, c’est grâce à l’élément
moral de la participation que ce lien va se créer. La volonté de s’associer apparaît en effet
comme la condition caractéristique de la participation criminelle.
Section 2 – La volonté de s’associer, condition caractéristique de la
participation
53. Une fois la pluralité d’intervenants établie, il convient de montrer qu’il existe un
lien entre eux afin de pouvoir considérer qu’ils participent à un tout. A priori, un tel lien peut
s’établir de différentes façons : il peut ainsi être fondé matériellement (des individus sont
présents en même temps sur le théâtre d’une infraction), mais il peut également exister
psychologiquement (des individus s’entendent sur la commission d’une infraction par
exemple). Or, c’est précisément ce dernier type de lien qui semble réunir les participants à
l’infraction. En effet, l’existence d’une volonté de s’associer semble indispensable à la
caractérisation d’une participation, quel que soit le mode de participation en cause. Parce
qu’elle renvoie à l’élément moral de la participation, il est alors nécessaire de s’interroger sur
l’état d’esprit dans lequel cette participation est réalisée. Plus précisément, il convient de
s’intéresser au caractère intentionnel de la participation (§1), afin de déterminer quelles en
seront les conséquences (§2).
63
§1- Le caractère intentionnel de la participation
54. Définition de la participation. – Au sens du droit pénal, la participation criminelle
s’analyse comme un « comportement tendant à coopérer sciemment à la réalisation d’une
infraction, incriminé en droit français à titre d’action principale, de coaction, de complicité
ou parfois de délit distinct »266
. Quant à son élément moral, le terme « sciemment » montre
qu’elle implique la conscience et la volonté d’être plusieurs, ainsi que celles de s’associer à
une entreprise délictueuse. Ainsi, prendre part à une infraction ne peut être le fruit du hasard,
d’une coïncidence : la participation est nécessairement intentionnelle267
. C’est cette volonté de
s’associer au projet criminel qui caractérise l’intention. A défaut, même si une pluralité
d’intervenants est établie, aucune participation criminelle ne pourra être caractérisée.
55. Distinction avec les auteurs. – Cette condition permet de distinguer les différentes
formes de participation à l’infraction des simples modes de réalisation de l’infraction et donc
« des » auteurs. Ainsi, imaginons deux voleurs présents au même moment dans la même
maison afin de la cambrioler. S’ils ne projettent pas de travailler de concert, ne s’aident en
aucune façon, et a fortiori, si aucun d’entre eux ne connaît la présence de l’autre lorsqu’il
commet son forfait, ils ne pourront être considérés comme des participants. En effet, ils n’ont
alors pas conscience d’être plusieurs, ou du moins aucune volonté de s’associer. Leurs
infractions sont simplement juxtaposées car commises dans le même temps et le même lieu:
chacun réalise sa propre infraction, sans se soucier des autres agents présents.
En outre, si ces deux individus ne peuvent être considérés comme des participants,
c’est également dû au fait qu’ils ne réalisent pas alors une infraction unique268
. Chacun
ignorant la présence de l’autre – ignorance au sens propre : aucun ne sait que l’autre est
présent, et ignorance au sens figuré : chacun fait comme si l’autre n’était pas là – ils réalisent
leur propre infraction, de façon absolument indépendante, et aucunement une infraction
collective. Dès lors, la participation ne peut s’analyser comme un mode de réalisation
266 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 9
ème éd., PUF, 2011.
267 V. R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la participation criminelle, Rev. dr. pén. crim. 1952, p. 117, n° 3 :
« On peut dire qu’un acte de participation est, en principe, intentionnel ». 268
V. infra n° 88 et s.
64
indépendante de l’infraction, et l’auteur ne devrait pas être qualifié de participant à
l’infraction.
56. Caractère intentionnel de la complicité. – Le droit positif témoigne d’ailleurs de
l’exigence du caractère intentionnel de la participation en ce qui concerne la complicité.
L’article 121-7 alinéa 1er du code pénal dispose en effet qu’« est complice celui qui a
sciemment aidé ou assisté la commission de l’infraction ». Là encore, l’usage de l’adverbe
« sciemment » démontre la condition de connaissance du fait délictueux principal et de la
volonté d’y prendre part269
. La jurisprudence rappelle également de façon constante que l’aide
et l’assistance doivent avoir été apportées sciemment270
, et a contrario, la Chambre criminelle
invalide, pour insuffisance de motifs, les décisions de condamnation ne constatant pas que
l’intéressé a agi en connaissance de cause271
. Si cela vaut pour la complicité par aide et
assistance, il en va de même pour ce qui est de la complicité par instigation. L’alinéa second
du même article énonce ainsi qu’« est également complice la personne qui par don, promesse,
menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des
instructions pour la commettre ». L’emploi des termes « provoqué » et « pour la commettre »
met ici en lumière le caractère intentionnel de ce mode de complicité272
, et ce d’autant plus
que la provocation doit être circonstanciée273
, c’est-à-dire accompagnée de l’un des procédés
visés par l’article 121-7 que sont les « don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de
pouvoir », et qui impliquent un caractère intentionnel274
.
Surtout, évoquer une complicité involontaire ou par imprudence serait un non-sens.
Ainsi, une simple négligence ne peut être assimilée à une participation intentionnelle275
, que
cela soit au titre de la complicité ou de la coaction276
. Un individu qui communique à une
269 E. VERNY, Le membre d’un groupe en droit pénal, préc. n° 206 ; V. également G. ROYER, « Feu la règle la
« complicité de complicité ne vaut » ! », D. 2005, p. 2128 ; S. FOURNIER, « Complicité », Rép. pén. Dalloz, n°
113. 270
Cass. crim., 19 juin 2001, Bull. n° 148 ; Dr. pén. 2001, p. 111, obs. VERON; Gaz. Pal. 2002, I, 646, note
GUERDER ; Rev. sc. crim. 2002 p. 97, obs. B. BOULOC. 271
V. notamment Cass. crim., 9 oct. 1941, DA 1941.374 ; 29 nov. 1945, JCP G 1946, IV, 14 ; 21 juill. 1955,
JCP G 1955, IV, 129 ; 19 mars 1986, Bull. no 112 ; 28 juin 1995, Bull. n
o 241.
272 V. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 420.
273 S. FOURNIER, « Complicité », préc.
274 En effet, on ne promet par inattention pas exemple, ou encore, on ne formule pas une menace par
imprudence… 275
Cass. crim., 6 déc. 1989, Dr. pén. 1990, p. 117. 276
V. GARRAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal français,Tome III, p. 30 ; R. LEGROS, L’élément
intentionnel dans la participation criminelle, préc., n° 6.
65
personne des informations sur les habitudes d’un tiers sans savoir que ces renseignements
serviront à commettre une infraction n’est donc pas un participant à cette dernière. Pour
autant, la question a pu se poser à l’égard de certains professionnels et mérite attention. Plus
particulièrement, dans l’hypothèse où un banquier accorde une opération de trésorerie
ruineuse à une entreprise en crise, la Cour de cassation a retenu la complicité du banquier par
fourniture de moyens ruineux, car ce professionnel aurait dû savoir que la situation de
l’entreprise était irrémédiablement compromise277
. Certes, il est difficile d’affirmer que le
banquier avait ici l’intention de s’associer à la banqueroute de son client. Comme le fait
remarquer un auteur, « le banquier parie sur l’avenir, il prend le risque que le crédit s’avère
ruineux, participant ainsi à retarder l’ouverture de la procédure collective. Or, la complicité
requiert en principe une participation intentionnelle et ne devrait pas sanctionner le soutien
économique imprudent »278
. Toutefois, il est peut-être excessif de considérer que cette
hypothèse consacre la sanction d’une complicité par imprudence. En effet, en prenant un
risque, le banquier ne peut invoquer l’imprudence pure et simple, mais au mieux l’imprudence
consciente, faute à mi-chemin entre l’imprudence et l’intention, et dont on sait qu’elle est
parfois assimilée à la faute intentionnelle quant à sa répression279
. La sanction du banquier à
travers la complicité ne ferait donc que suivre un courant déjà établi par ailleurs280
. Mais au-
delà de cette question, il semble surtout nécessaire de s’interroger quant à savoir si la
complicité est réellement appropriée à ces hypothèses281
et si la responsabilité civile ne
277 Cass. com., 30 oct. 2000, D. 2001, p. 231. V. également Cass. crim., 8 mai 1976, D. 1976, p. 578, note C.
GAVALDA ; 3 janv. 1985, Bull. n° 2 ; 3 avril 1991, JCP E 1992, I, 154, n° 11, obs. C. GAVALDA et G. STOUFFLET.
V. également R. KOERING-JOULIN, « L’élément moral de la complicité par fourniture de moyens ruineux », D.
1980, chron., p. 231 ; Y. LETARTRE, Le banquier complice du délit de banqueroute, RD bancaire et bourse,
1988, p. 192. 278
M. BENEJAT, La responsabilité pénale professionnelle, Dalloz, Paris, 2011, n° 343, p. 300. 279
Sur ce point, v. notamment J. CEDRAS, Le dol éventuel : aux limites de l’intention, D. 1995, Chron. p. 18.
V. également l’article 322-10 du Code pénal qui assimile l’imprudence consciente à l’intention dans l’hypothèse
où une destruction, une dégradation ou une détérioration à l’aide d’un moyen dangereux pour les personnes a
entraîné accidentellement la mort d’une ou plusieurs personnes. 280
Cela est d’autant plus vrai que ce courant jurisprudentiel se retrouve particulièrement lorsque l’auteur de
l’infraction est un professionnel : en ce sens, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général,
préc., n° 391. 281
D’ailleurs, l’article L. 650-1 du Code de commerce dispose que « les créanciers ne peuvent être tenus pour
responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion
caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont
disproportionnées à ceux-ci », venant ainsi limiter la responsabilité civile des créanciers qui accordent leur
concours à une entreprise en difficulté, sauf en cas de fraude leur part. L’hypothèse envisagée ici du banquier est
donc prise en compte par ce texte, l’analyse de ce dernier combinée à la responsabilité pénale en tant que
complice pouvant conduire à deux réflexions : soit le banquier est considéré au sens civil comme non coupable
de fraude et il est alors fort paradoxal de pouvoir le poursuivre pour complicité de banqueroute alors même que
66
devrait pas être seule à pouvoir être mise en jeu car ce n’est qu’au prix d’une distorsion des
éléments constitutifs de la complicité que cette dernière est retenue282
. La complicité, et plus
généralement la participation, impliquent ainsi un caractère intentionnel que les juges se
doivent de respecter.
57. Participation à une infraction non intentionnelle. – Pour autant, ce n’est
évidemment pas dire que la participation à une infraction d’imprudence n’est pas possible.
Comme le soulignent certains auteurs283
, « si l’on ne saurait, évidemment, être complice du
résultat d’une imprudence – on ne peut vouloir participer à ce que l’on n’a pas prévu –, il est
possible, en revanche, de s’associer intentionnellement à l’acte qui engendrera ce résultat :
ainsi du passager d’un véhicule qui, en ordonnant au conducteur de dépasser la vitesse
autorisée, provoque, sans l’avoir souhaité, un accident mortel ». La jurisprudence a ainsi
admis ce raisonnement à plusieurs reprises284
, même s’il est vrai qu’elle oscille, dans des
espèces similaires, entre la qualification de coaction ou de complicité pour les mêmes faits285
.
58. Ainsi, il apparaît que l’élément moral de la participation est uniforme quel que soit
le mode de participation considéré puisque complicité et coaction sont toutes deux
intentionnelles. Si cette exigence d’une volonté de s’associer ne limite pas le domaine des
infractions susceptibles d’être commises en participation, il reste alors à se demander si elle
ne peut pas, en revanche, restreindre le nombre de leurs éventuels responsables. Il convient
alors de s’intéresser aux conséquences du caractère intentionnel de la participation sur les
participants à l’infraction.
§2 – Les conséquences du caractère intentionnel de la participation
59. Volonté de s’associer à un fait infractionnel et imputabilité. – Complicité et
coaction exigent toutes deux, il l’a été démontré, la volonté de prendre part à un fait
infractionnel. Dès lors, il semble pertinent de se demander si cette définition n’exclut pas
sa responsabilité civile ne pourra être retenue, soit il est considéré comme fraudeur et peut voir ses deux
responsabilités engagées. 282
Plus encore, il est possible de s’interroger sur la pertinence d’une sanction pénale dans une telle hypothèse. 283
V. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc. n° 420. 284
V. notamment Cass. crim., 14 déc. 1934, DP 1935, 1, 96. 285
V. infra n° 163.
67
certains sujets de droit pénal qui ne sont pas capables d’intention. Autrement dit, toute
personne susceptible de réaliser une infraction est-elle pour autant susceptible de commettre
une infraction en participation ? Si la réponse était négative, cela permettrait de circonscrire
quelque peu le domaine de la participation criminelle, et donc celui de la coaction. Or, le droit
distingue deux catégories principales de sujets : les personnes physiques et les personnes
morales. Ces dernières pouvant commettre toute infraction depuis la loi du 9 mars 2004286
,
reste alors à préciser si elles peuvent s’associer et donc être considérées comme des
participants à l’infraction. Mais auparavant, il faudra résoudre la même question concernant le
domaine initial du droit pénal, celui des personnes physiques. En la matière, ce sont alors les
causes affectant l’imputabilité287
de l’individu et celles conduisant à se représenter de façon
erronée la réalité qui invitent à douter de l’existence d’une volonté de s’associer à une
infraction chez la personne les caractérisant. L’imputabilité désignant en effet la « capacité de
comprendre et de vouloir » de l’agent288
, son absence pourrait exclure toute idée de
participation à l’infraction puisque celle-ci exige la volonté de s’associer, en connaissance de
cause, à un fait réprimé pénalement.
Fort de ces quelques remarques, il s’agit alors de s’intéresser plus précisément à la
possibilité d’une participation à l’infraction des personnes subjectivement irresponsables (A)
avant de s’interroger sur celle des personnes morales (B).
A- La participation des personnes subjectivement irresponsables
60. Difficultés relatives aux causes de non-culpabilité et de non-imputabilité. – Le
Code pénal n’emploie pas les termes «cause de non- imputabilité » et « cause de non-
culpabilité ». En effet, il ne distingue pas parmi les causes d’irresponsabilité pénale et y classe
pêle-mêle le trouble psychique289
, la contrainte290
, l’erreur291
, l’ordre ou l’autorisation de la
286 Loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JO 10 mars 2004, p.
4567. 287
L’imputabilité peut se définir comme le « caractère de ce qui peut être mis au compte d’une personne comme
une faute, en raison de ce que cette personne jouit d’une volonté libre et consciente (condition d’imputabilité de
la faute) ou, plus généralement, comme un fait à sa charge, en raison de ce que ce fait provient bien de sa part
non d’une cause étrangère » (G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc.). 288
R. BERNARDINI, Droit pénal général, Gualino, 2003, n° 401 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 393 ;
PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, 7ème éd., 2004, n° 352 ; R. MERLE et A.
VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal général, t.1, Cujas, 7ème
éd., 1997, n° 616 ; J. PRADEL, Droit pénal
général, préc., n° 464. 289
C. pén., art. 122-1.
68
loi292
, la légitime défense293
, l’état de nécessité294
et la minorité295
. La doctrine a néanmoins
formé différentes classifications entre celles-ci, selon que ces causes sont objectives ou
subjectives. Se distingueraient ainsi causes de non-responsabilité, causes de non-imputabilité
et causes de non-culpabilité. Cependant, les auteurs ne s’accordent pas quant à la place à
attribuer à ces différentes causes au sein de la responsabilité pénale ni quant à la qualification
à appliquer à certaines causes d’irresponsabilité pénale. Ainsi, alors que pour certains
l’imputabilité serait un véritable élément constitutif de l’infraction296
, elle lui serait extérieure
selon d’autres (et ne serait qu’un élément de la responsabilité pénale)297
. De même, alors que
certains évoquent le trouble mental et l’erreur en tant qu’obstacles à la constitution de
l’élément moral de l’infraction (et donc comme causes de non-culpabilité) 298
, nombre d’entre
eux considèrent ceux-ci, à l’instar de la minorité et de la contrainte, comme une cause de non-
imputabilité à l’agent, l’imputabilité étant entendue comme la capacité de vouloir et de
comprendre ses actes. La même controverse agite la doctrine s’agissant de l’erreur de droit et
l’erreur de fait299
.
290 C. pén., art. 122-2.
291 C. pén., art. 122-3.
292 C. pén., art. 122-4.
293 C. pén., art. 122-5.
294 C. pén., art. 122-7.
295 C. pén., art. 122-8.
296 PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 349 ; A.-CH. DANA, Essai sur la
notion d’infraction, LGDJ, 1982.; E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 737 et s ; R. GARRAUD, Traité
théorique et pratique du droit pénal français, t. 1 n° 134 et 267 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc.,
n° 451 ; Y. MAYAUD, La volonté à la lumière du nouveau Code pénal, Mélanges en l’honneur du Professeur J.
LARGUIER : droit pénal, procédure pénale, PUG, 1993, p. 203 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 302
et 312. 297
F. BONFILS, Le discernement en droit pénal, Mélanges offerts à Raymond Gassin : sciences pénales et
sciences criminologiques, PUAM, 2007, Aix-en-Provence, p. 97 ; J. LEROY, L’aliéné criminel, simplement
coupable ou pleinement responsable ?, Mélanges François Chabas, Bruylant, 2011, p. 533 ; C. MARGAINE, La
capacité pénale, thèse Bordeaux IV, n° 75 et s. et n° 238 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel –
Droit pénal général, préc., n° 616 et s ; X. PIN, L’irresponsabilité pénale (réflexions sur le sens des articles 122-
1, 112-2, 122-3 et 122-8 du Code pénal), La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale. Opinio
doctorum, dir. V. MALABAT, B. DE LAMY, et M. GIACOPELLI, Dalloz, 2009, p. 51; F. ROUSSEAU, L'unité des
fautes civile et pénale, Droit pénal : le temps des réformes. Actes du colloque des 7, 8 et 9 octobre 2009, à
l'Université Montesquieu Bordeaux IV, dir. V. MALABAT, B. DE LAMY, et M. GIACOPELLI, Litec, 2011, p. 119 ;
J.-CH. SAINT-PAU, La capacité pénale de l’enfant, Le droit et les droits de l’enfant, Centre d’Etudes et de
Recherche sur les Contentieux Université du Sud-Toulon Var/L’Harmattan, collection Champs Libres, 2005, p.
87. 298
V. notamment P. BOUZAT et J. PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, Dalloz, 2ème
éd., 1970,
n° 237 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 303 et s. 299
Pour une étude plus approfondie des divergences doctrinales en la matière, v. F. ROUSSEAU, L’imputation
dans la responsabilité pénale, préc., n° 16.
69
61. Importance de la question. – La réponse à ces questions revêt pourtant une
importance particulière tant elle pourrait avoir un impact conséquent sur la participation : par
exemple, si l’on considère que l’imputabilité est inhérente à l’infraction, l’existence d’une
cause de non-imputabilité devrait en empêcher la constitution, et aucune participation
criminelle ne devrait alors pouvoir être retenue. Cependant, cette dernière affirmation n’est
valable que si l’on raisonne sur la participation à une infraction. Or, rien n’exclut que l’on
raisonne sur la participation à un simple fait délictueux. C’est d’ailleurs ce que font les
auteurs qui considèrent que l’imputabilité relève du domaine de l’infraction300
. Dès lors, la
question de savoir si l’imputabilité appartient à l’infraction ou non n’est pas décisive à ce
stade du raisonnement. En revanche, par souci de clarté dans la démonstration et afin
d’asseoir le raisonnement futur, il semble important de déterminer ce qui, selon nous, relève
des causes de non-culpabilité et ce qui s’apparente à des causes de non-imputabilité301
. En
effet, à défaut de faute d’un individu (relevant donc de la culpabilité), comment lui reprocher
de s’associer à autrui ? Et inversement, comment reprocher à un individu de s’associer à un
acte non fautif ? A priori, les causes de non-culpabilité, parce qu’elles font disparaître la faute,
sembleraient avoir des conséquences limitées sur une éventuelle participation, mais cela doit
être vérifié.
62. Classification des causes de non-culpabilité et de non-imputabilité. – S’agissant
du trouble mental, la doctrine majoritaire le considère comme une cause de non-imputabilité.
Il semble que cette solution doive être préférée dans la mesure où ce facteur affecte
certainement la capacité de l’individu de vouloir un acte ainsi que celle de percevoir son
caractère illicite, correspondant en cela à une cause de non-imputabilité. Le même argument
permet de conclure que la minorité (s’agissant des infans évidemment) relève également des
causes de non-imputabilité. S’agissant de l’erreur, la doctrine est encore partagée. Or, à
nouveau, parce qu’elle conduit l’individu à ne pas percevoir le caractère répréhensible de son
acte, l’erreur de droit paraît s’apparenter à une cause de non-imputabilité. En revanche,
l’erreur de fait conduit l’agent à se méprendre sur la situation dans laquelle il se trouve. Elle
peut ainsi entraîner une disparition de l’élément intentionnel d’une infraction ou en
300 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 412 ; Y. MAYAUD,
Droit pénal général, préc., n° 384 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 302 et 312. 301
L’étude n’étant pas consacrée à ces notions, il s’agit simplement d’expliquer de façon sommaire la
classification retenue.
70
transformer l’élément moral. Partant, elle semble plutôt relever de la caractérisation de la
faute et donc de la culpabilité de l’individu302
. Enfin, s’agissant de la contrainte et de même
que l’erreur a conduit à distinguer erreur de droit et erreur de fait, il semble nécessaire de
distinguer contrainte physique et contrainte morale. Ainsi, il ne semble pas que cette dernière
fasse disparaître la faute de l’individu mais seulement sa liberté d’agir : en cela, elle
s’apparente à une cause de non-imputabilité, ce qui est généralement admis par la doctrine303
.
A contrario, la contrainte physique est souvent assimilée à la force majeure car elle empêche
l’individu d’exercer toute direction de sa volonté304
: faisant alors disparaître la faute de
l’individu, elle paraît relever des causes de non-culpabilité305
.
63. Ces précisions faites, il convient alors de s’intéresser plus précisément aux liens
unissant participation, non-culpabilité et non-imputabilité. Les rapports existant entre la
participation et les causes de non-imputabilité (1) ne suscitant pas de vifs débats doctrinaux,
ils seront étudiés avant de s’intéresser à ceux existant entre participation et causes de non-
culpabilité (2), soulevant davantage de difficultés.
302 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 392 et s. ; R. MERLE et
A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 581 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc.,
n° 255. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 196 et 260. 303
V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 364 et s. ; R. MERLE et
A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 618 et s. ; Y. MAYAUD, Droit pénal général,
préc., n° 451 et s. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 257 et s.; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 485
et s. 304
B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 459 ; P. BOUZAT et J. PINATEL, Traité de droit pénal et de
criminologie, préc., n° 262 ; M.-E. CARTIER, Contrainte et nécessité, Annales de l’Université des sciences
sociales de Toulouse, t. XXX, p. 28 ; J.-P. DOUCET, Les effets de la contrainte et de la force majeure en droit
pénal, Gaz. Pal., 1972, 1, doctr., p. 328 ; E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 702 ; C. MARGAINE, La
capacité pénale, préc., n° 157 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 452 ; F. ROUSSEAU, L’imputation
dans la responsabilité pénale, préc., n° 59 et s.
Contra M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 390. 305
Cependant, plus généralement, la doctrine considère contrainte physique et contrainte morale comme étant
toutes deux des causes de non-imputabilité : v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal
général, préc., n° 364 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 618 et
s. ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 451 et s. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 257 et s.; J.
PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 485 et s.
Plus généralement, sur ces différents points, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc.,
n° 58 et s.
71
1- Participation et causes de non-imputabilité
64. Comme il l’a été dit306
, il s’agit de s’intéresser ici au trouble mental, à la minorité, à
l’erreur de droit et à la contrainte morale. De façon générale, il apparaît que les rapports entre
participation et non-imputabilité doivent être appréhendés à travers deux versants : l’auteur de
l’infraction peut être non imputable alors que son associé l’est, ou alors c’est précisément cet
associé qui pourra apparaître comme bénéficiant d’une cause de non-imputabilité.
65. Participation d’autrui au fait infractionnel307
des personnes non imputables. –
En premier lieu, il convient ainsi de s’intéresser à l’hypothèse dans laquelle une personne
bénéficiant d’une cause de non-imputabilité serait auteur de l’infraction alors que le ou les
participants éventuels ne caractériseraient aucune de ces causes. Si l’on veut bien admettre
que les causes de non-imputabilité ne font pas disparaître l’infraction mais seulement la
responsabilité de ceux qui en témoignent308
, trouble mental, minorité, erreur de droit et
contrainte morale ne font en aucun cas disparaître l’infraction. Leur conséquence est
simplement de rompre le lien d’imputation et ainsi d’empêcher la responsabilité pénale de
leurs bénéficiaires309
. Rien ne fait alors obstacle à caractériser l’existence de participants à
l’infraction commise en tout ou partie par un non imputable. Et si l’on analyse les conditions
d’imputabilité comme un élément constitutif de l’infraction310
, la solution demeure la même
dès lors que l’on considère que le participant peut n’emprunter que la matérialité de son acte à
son coparticipant, sans qu’il soit nécessaire qu’il lui emprunte l’infraction dans sa globalité :
la participation s’analyse alors comme la participation à un fait délictueux plutôt que comme
la participation à une infraction. Quelle que soit son opinion quant à l’intégration des
conditions d’imputabilité au sein de l’infraction ou non, la doctrine est unanime sur ce
306 V. supra n°62.
307 La doctrine étant partagée sur l’existence d’une infraction en cas de cause de non-imputabilité, le terme « fait
infractionnel » sera ici préféré à celui d’infraction. 308
V. B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 392 et 393 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal
général, préc., n° 557 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 384 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit
criminel – Droit pénal général, préc., n° 546 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 430 ; J.-H. ROBERT,
Droit pénal général, préc., p. 288 ; comp. M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 302, p. 448. 309
V. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 30 et s. 310
PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 412 ; Y. MAYAUD, Droit pénal
général, préc., n° 384 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 356.
72
point311
, tout comme la jurisprudence. Ainsi cette dernière a-t-elle considéré que les actes
commis par une personne souffrant d’un trouble psychique au moment des faits demeuraient
délictueux, permettant alors la condamnation du complice sain d’esprit312
. Il est donc tout à
fait envisageable d’être complice ou coauteur de l’infraction commise par une personne non
imputable dès lors que ce participant avait, pour sa part, la capacité de vouloir et de
comprendre ses actes, ainsi que la conscience de leur illicéité313
.
66. Participation des personnes non imputables à l’infraction d’autrui. – En second
lieu, la question se pose de savoir si les personnes non imputables peuvent participer à
l’infraction commise par un auteur ne bénéficiant pas d’une cause de non-imputabilité314
. Il
faut alors se demander si elles peuvent avoir la conscience et la volonté de s’associer pour
commettre une infraction. Cette interrogation peut se subdiviser en deux : en premier lieu,
peut-on considérer que ces personnes témoignent d’une volonté, et, a fortiori, d’une volonté
de s’associer ? En second lieu, peut-on considérer qu’elles ont la volonté de prendre part à un
fait qu’elles savent être une infraction ? Il s’agit alors de s’interroger sur la volonté et la
conscience de ces personnes. Pour y répondre, il convient de s’inspirer des solutions retenues
en matière de réalisation de l’infraction par un agent unique, et de distinguer le cas de la
contrainte morale, seule à toucher à la liberté du consentement.
Quant à savoir si ces personnes témoignent d’une volonté, la question n’est pertinente
que dans les hypothèses des personnes souffrant d’un « trouble psychique ou
neuropsychique »315
ainsi que des jeunes enfants316
. Il est en effet indiscutable que la personne
311 V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 343 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit
pénal général, préc., n° 412 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 384 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal
général, préc., p. 357; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 356. 312
V. notamment Cass. crim., 20 oct. 1949, Bull. n° 291 ; v. également Cass. crim. 3 juil. 1909, DP 1911, 1, p.
290 ; 13 mars 1991, Bull. n° 125. 313
Une telle conclusion s’impose à ce stade du raisonnement. Cependant, si l’imputabilité est considérée comme
une composante de l’infraction, le participant ne se joint alors qu’à un fait délictueux, non à une infraction. Si
cette solution n’est pas contestable s’agissant de la complicité (v. infra n° 102 et s.), elle l’est en revanche en
matière de coaction. En effet, cette dernière s’analyse nécessairement comme la participation à une infraction (v.
infra n° 117 et s.). Partant, si l’imputabilité est considérée comme une composante de l’infraction, aucune
coaction entre un non imputable et un imputable ne devrait pouvoir être relevée, faute pour eux de participer à la
même infraction. 314
De prime abord, cette question pourrait apparaître sans intérêt dans la mesure où peu importerait que la
personne non imputable puisse être considérée comme un participant ou non puisque dès lors qu’il n’est pas
imputable, sa responsabilité ne pourra être retenue. Cependant, elle pourrait en trouver si l’on décidait qu’un
mode de participation exigeait, pour sa caractérisation, la participation d’un autre individu, c’est-à-dire une
participation réciproque, ce qui sera le cas pour la coaction : v. supra n° 20 et infra n° 91 et s. 315
C. pén., art. 122-1.
73
victime d’une erreur de droit disposait bien de sa capacité de vouloir et de comprendre. Or, il
serait bien excessif de croire que les agents précédemment évoqués ne jouissent pas
également de cette capacité317
. L’individu souffrant d’un trouble mental qui tire à bout portant
sur un autre a certainement pu vouloir tendre son bras et appuyer sur la détente. De même, il
peut tout à fait souhaiter s’associer à un autre, et ainsi participer à son action318
. En revanche,
ce qui lui fait défaut, c’est la conscience de la portée et du sens de ses actes. C’est pourquoi
trouble mental et minorité sont classés par nombre d’auteurs au sein des causes abolissant ou
obscurcissant le discernement des agents319
. Le discernement s’analyse en effet comme
l’aptitude à distinguer le bien du mal320
, et donc à percevoir le caractère infractionnel de l’acte
commis321
. C’est alors répondre en partie à la seconde question évoquée précédemment.
Ainsi, si les personnes non imputables peuvent avoir la volonté de prendre part à un
fait, elles n’ont certainement pas conscience du caractère répréhensible de l’acte auquel elles
s’associent. Une personne dont le discernement a été aboli ou n’existe pas ne pourra donc pas
être qualifiée de participant à l’infraction, et donc de complice ou coauteur de celle-ci.
La même conclusion doit s’imposer concernant les personnes victimes d’une erreur de
droit : certes, elles disposent à n’en pas douter de leur libre-arbitre et possèdent la capacité de
vouloir et comprendre leurs actes, mais il n’en demeure pas moins que le caractère inévitable
de leur erreur, condition de leur irresponsabilité, les empêche de cerner le caractère
316 L’article 122-8 du Code pénal dispose en effet que « les mineurs capables de discernement sont pénalement
responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées
par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation
dont ils peuvent faire l’objet ». On en déduit, a contrario, que le mineur non discernant n’est pas responsable
pénalement. 317
V. J. LEBRET, Essai sur la notion de l’intention criminelle, Rev. sc. crim. 1938, p. 438, spéc. p. 453 ; F.
ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 42. Contra J.-H. ROBERT, Droit pénal général,
préc., p. 290. 318
Cette conception suppose d’admettre que la volonté puisse exister sans la conscience, ce qui peut sembler
discutable. Cependant, il ne s’agit pas là de se référer à la conscience que l’on pourrait qualifier d’ « abstraite »,
entendue comme la conscience de soi et des autres, mais à la conscience du sens et de la portée de ses actes, ce
qui est différent. Compris de la sorte, il ne semble pas incompatible de considérer qu’un individu puisse
témoigner d’une volonté sans conscience. 319
V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 353 et s. ; Y. MAYAUD,
Droit pénal général, préc., n° 453 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général,
préc., n° 624 et s. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 246 et s. ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p.
289 et s. 320
PH. BONFILS, Le discernement en droit pénal, PUAM, 2007, spéc. n° 1 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU
CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 352 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 453 ; R. MERLE et A.
VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 616. 321
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 41.
74
répréhensible de leurs actes. Il n’est alors pas possible de leur imputer l’infraction, faute de
caractériser chez elle la conscience de violer la loi pénale.
Enfin, la contrainte morale pose la question sous un angle différent : dès lors que l’on
admet que les personnes souffrant d’un trouble mental et les infans témoignent d’une volonté,
l’existence de cette dernière chez une personne en état de contrainte morale ne fait aucun
doute. Mais ici, il est évident qu’une telle personne a conscience de violer la loi pénale, cette
conscience justifiant d’ailleurs son état de contrainte : sans une telle contrainte, jamais la
personne n’aurait commis l’infraction. Partant, si les individus placés dans une telle situation
ont conscience et même volonté de commettre une infraction, ils n’ont certainement pas la
volonté de s’associer à la personne leur faisant subir cette contrainte. Faute de liberté à
consentir, aucune participation ne devrait pouvoir être retenue à leur égard.
67. Ainsi, il semble possible de participer à l’infraction ou au fait délictueux d’une
personne non imputable mais celle-ci ne peut en revanche être considérée comme un
participant à ce même fait ou à cette infraction. Aucune participation réciproque ne peut donc
être caractérisée entre une personne revêtant une cause de non-imputabilité et une personne
n’en témoignant pas322
. Reste alors à voir ce qu’il en est s’agissant des relations unissant la
participation et les causes de non-culpabilité.
2- Participation et causes de non-culpabilité
68. Il s’agit ici de s’intéresser à l’erreur de fait et à la contrainte physique.
69. Définition de l’erreur de fait. – En premier lieu et s’agissant de l’erreur de fait,
celle-ci s’analyse comme une vision faussée des circonstances de commission de l’infraction.
Lorsque l’on envisage les rapports unissant la participation et l’erreur de fait, deux
versants doivent, là encore, être distingués selon le point de vue duquel on se place : le point
de vue de celui qui subit l’erreur de fait, et le point de vue de celui qui s’associe à une
personne subissant cette erreur de fait.
322 Sur l’importance de la réciprocité en matière de coaction, v. infra n° 91 et s.
75
70. Du point de vue de la victime de l’erreur de fait. – Du point de vue de la victime
de l’erreur de fait, il faut distinguer selon que cette erreur porte sur l’existence d’une
participation, sur le sujet de la participation ou encore sur l’objet de cette dernière. Quand
l’erreur porte sur l’existence même d’une participation, on ne peut évidemment caractériser
chez son auteur de volonté de s’associer, et donc aucune participation ne pourra être retenue à
son encontre. En revanche, les erreurs portant sur le sujet ou sur l’objet de la participation
sont plus intéressantes. Dans le premier cas, la participation sera en effet punissable, alors
qu’elle ne le sera pas dans le second. Deux exemples peuvent en convaincre : si le complice
ou le coauteur croient s’associer à un individu A et s’associent en réalité à B, ils possèdent
bien la conscience et la volonté de participer au fait infractionnel d’autrui. Dès lors, l’erreur
est indifférente sur leur répression : ils pourront être punissables323
. En revanche, si leur erreur
porte sur l’objet de leur participation, on ne peut les qualifier de participants puisqu’ils n’ont
même pas conscience de s’associer à un fait délictueux. Ainsi, celui qui fournit une arme à un
tiers en pensant qu’elle servira d’accessoire pour un film ne sera pas complice du meurtre
commis grâce à elle. En réalité, l’erreur de fait conduit alors à faire disparaître l’élément
moral de la participation324
et empêche donc sa caractérisation.
71. Du point de vue de l’individu souhaitant s’associer à la victime d’une erreur de
fait. – En ce qui concerne l’erreur de fait commise par un auteur de l’infraction alors que son
associé ne la subit pas, il faut là encore distinguer deux cas de figure : soit l’erreur fait
disparaître toute infraction car l’infraction intentionnelle en cause n’a pas de pendant en
matière non intentionnelle, soit elle en transforme la qualification en en changeant l’élément
moral.
Dans la première hypothèse, a priori, puisque l’élément moral n’est pas constitué,
aucune infraction ne peut être caractérisée ; il faudrait alors considérer qu’il ne peut y avoir de
participant à l’infraction, faute, précisément, d’infraction…325
En revanche, il serait
éventuellement possible d’envisager qu’un associé qui aurait provoqué l’erreur de fait soit
323 La solution n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle unanimement admise en matière de meurtre concernant
l’erreur commise sur l’identité de la victime : l’aberratio ictus n’empêche pas de caractériser l’intention de tuer,
seule composante de l’élément moral de l’infraction : v. notamment Cass. crim. 4 janv. 1978, Bull. n° 5 ; Rev. sc.
crim. 1978, p. 859, obs. G. LEVASSEUR. 324
V. supra n° 53 et s. 325
En ce sens, v. X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 196, note n° 2.
76
considéré comme un auteur de l’infraction via la théorie de l’auteur médiat326
. Celle-ci
suppose qu’un individu, l’auteur médiat, utilise un tiers, inconscient du stratagème, en tant
qu’instrument humain pour commettre une infraction. La jurisprudence n’a d’ailleurs pas
hésité à utiliser cette théorie, en matière de vol par exemple327
ou encore de violences328
.
Mais dans des hypothèses similaires, les juges ont parfois préféré retenir l’existence d’un
participant tandis qu’aucune infraction et donc aucun auteur ne pouvaient être établis. Ainsi,
en se fondant sur la théorie de l’emprunt de matérialité, la Cour de cassation a admis qu’était
complice d’exportation illégale de stupéfiants l’individu qui fait transporter de tels produits
par un tiers alors même que ce dernier ne connait pas l’existence de son chargement et ne
caractérise donc pas l’intention nécessaire à la constitution du délit329
.
Dans la seconde hypothèse, quand une infraction intentionnelle est disqualifiée en
infraction non intentionnelle en raison de l’erreur de fait commise par son auteur, la situation
est quelque peu différente : il existe bien une infraction sur laquelle pourrait se greffer une
participation, facilitant en cela la répression. Pour autant, la solution n’est pas si aisée. En
effet, si l’erreur de fait a été provoquée ou exploitée par le participant, il peut sembler
choquant de ne retenir que sa participation à une infraction non intentionnelle alors même que
lui avait une saine perception de la réalité et caractérisait bien une intention délictueuse.
L’exemple classiquement donné est celui du chasseur qui, voulant tuer un individu qu’il sait
caché dans les buissons, affirme à un autre chasseur la présence d’un animal dans ces fourrés
afin que celui-ci tire sur l’individu en question330
. C’est pourquoi la doctrine milite parfois
pour une application distributive de l’élément moral de chaque infraction : l’auteur serait
poursuivi du chef de l’infraction non intentionnelle alors que le participant le serait du chef de
l’infraction intentionnelle correspondante331
.
Ainsi, quoi qu’il en soit, l’erreur de fait d’un auteur n’empêche pas la sanction d’un
éventuel participant, même si la justification de cette sanction varie : qu’il soit qualifié
326 La solution pourrait d’ailleurs être étendue à celui qui exploite simplement l’erreur de fait d’autrui car un tel
comportement démontre tout de même la volonté de se servir d’autrui pour réaliser une infraction. En revanche,
du fait même de cette abstention, il semble beaucoup plus contestable d’admettre la complicité dans une telle
hypothèse (celle-ci exigeant en principe un acte positif : v. infra n° 207 et s.), ce qui devrait conduire à préférer
la théorie de l’auteur médiat. D’ailleurs, le fait de se servir d’autrui renvoie à l’idée d’instrument d’humain
généralement utilisée pour définir la théorie de l’auteur médiat. 327
V. notamment Cass. crim., 24 oct. 1972, Gaz. Pal. 1973, 1, 218. 328
Cass. crim., 17 juin 1992, Bull. n° 243. 329
Cass. crim., 8 janv. 2003, Bull. n° 5. V. infra n° 114. 330
Exemple emprunté à J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 26 et s. 331
V. infra n° 113.
77
d’auteur médiat ou de participant grâce à un emprunt de matérialité, il demeurera punissable.
Cependant, dans les deux hypothèses, la victime de l’erreur de fait ne peut être qualifiée de
participant, faute de vouloir s’associer à un fait infractionnel. A nouveau, aucune participation
réciproque ne peut donc être relevée.
72. Contrainte physique. – En second lieu et s’agissant de la contrainte physique,
celle-ci peut être d’origine externe (un fait de la nature par exemple) ou interne (un malaise
par exemple). La jurisprudence admet de caractériser ces deux types de contrainte dès lors
qu’elles ont été irrésistibles332
et non précédées d’une faute de celui qui l’invoque333
, revenant
ainsi à une appréciation sévère de cette cause de non-culpabilité, d’autant plus que
l’irrésistibilité est généralement entendue comme une impossibilité absolue334
. Quoi qu’il en
soit, lorsqu’elle est admise, il semble que la contrainte fasse disparaître la faute de l’agent.
A nouveau, pour envisager les rapports unissant participation et contrainte physique, il
semble nécessaire de distinguer selon que l’on se place du point de vue de celui qui subit la
contrainte physique, ou de celui qui s’associe à une personne subissant cette contrainte
physique.
73. Du point de vue de la victime de la contrainte physique. – Du point de vue de la
victime de la contrainte physique, toute idée de participation semble exclue puisque par
définition, la contrainte physique doit être imprévisible et irrésistible pour être admise. Dès
lors, comment imaginer une quelconque volonté de s’associer en cas de comportement
totalement imprévu ? En outre, ce constat est d’autant plus vrai si l’on considère, à l’instar
d’une grande partie de la doctrine, que la contrainte physique supprime la liberté de vouloir de
l’agent335
. Faute de volonté libre de s’associer à autrui, aucune participation ne pourra être
retenue à l’égard de la victime d’une contrainte physique.
74. Du point de vue de l’individu souhaitant s’associer à la victime d’une
contrainte physique. – Du point de vue de l’individu souhaitant s’associer à la victime d’une
332 En vertu de l’article 122-2 du Code pénal.
333 Cass. crim., 29 janv. 1921, S. 1922, 1, p. 185, note A. ROUX.
334 Cass. crim., 8 fév. 1936, DP 1936-1-44, note H. DONNEDIEU DE VABRES.
335 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 364 ; R. MERLE et A.
VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 618 et s.; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc.,
n° 451 et s.
78
contrainte physique, là encore, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité de la contrainte font croire,
de prime abord, à une impossibilité de témoigner d’une telle volonté. Cependant, il ne faut pas
oublier que la contrainte physique peut avoir comme origine externe le fait de l’homme, et les
caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité ne sont appréciés qu’à l’égard de celui qui subit
la contrainte. Par exemple, un individu peut tenir la main d’un autre afin de réaliser un
faux336
. Or, dans un tel cas, il semble bien que le premier veuille s’associer au second. Plus
encore, il veut certainement réaliser l’infraction grâce à lui et doit donc être punissable. En
revanche, cette volonté n’est certainement pas systématique. En effet, l’individu qui en
séquestre un autre n’a pas nécessairement la volonté de s’associer à ce dernier quand celui-ci
se rend alors coupable de désertion par exemple. Il faut alors se demander dans chaque cas si
l’existence d’une volonté de s’associer au fait délictueux réalisé par la personne contrainte
peut être caractérisée ou non mais, quoi qu’il en soit, aucune participation réciproque ne
pourra être relevée dans de telles hypothèses337
.
75. Bilan. – De façon générale, le participant non imputable et celui victime d’une
erreur de fait ou d’une contrainte physique ne seront pas responsables, à l’instar de tout auteur
quel qu’il soit. En revanche, celui qui ne connaît aucune cause de non-imputabilité ou de non-
culpabilité reste punissable dès lors qu’il avait bien la volonté de s’associer à un individu pour
commettre un acte délictueux. Le caractère intentionnel de la participation ne vient ainsi pas
restreindre le champ d’application de la coaction de ce point de vue. La même interrogation
pouvant se poser quant à la participation des personnes morales, il convient de voir si une
conclusion identique s’impose.
336 Exemple emprunté à B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 458.
337 Ce cas de figure se rapproche du reste de celui de l’auteur médiat (v. supra n° 71), sans pour autant se
confondre avec. En effet, alors que l’auteur médiat utilise un instrument humain parfaitement inconscient de son
rôle, tel n’est pas le cas en l’espèce : la personne contrainte a conscience de l’illicéité de son acte bien qu’elle
n’ait pas la volonté de le réaliser.
79
B- La participation des personnes morales
76. Application de la théorie de la réalité. – Admis par le nouveau Code pénal et
généralisé par la loi Perben II338
, le principe de la responsabilité des personnes morales a
longtemps été débattu. Un des principaux arguments évoqués à l’encontre de cette admission
était précisément de faire valoir qu’en tant que fiction juridique, la personne morale ne
pouvait manifester aucune volonté délictuelle, cette aptitude étant par essence réservée aux
personnes physiques339
. Mais avec l’éviction de la théorie de la fiction au profit de celle de la
réalité340
, ce reproche perdait en pertinence. De plus, en consacrant le principe d’une
responsabilité pénale des personnes morales, le législateur reconnaît indirectement la capacité
de ces groupements à revêtir l’élément moral d’une infraction, tout du moins à travers le
prisme de son organe ou représentant. Dès lors, la question n’est pas de savoir si les personnes
morales peuvent manifester une intention et donc, de ce point de vue, être des participants à
l’infraction, mais plutôt de déterminer si elles possèdent une volonté autonome ou si la
caractérisation de leur élément moral se confond avec celle des personnes physiques organes
et représentants agissant pour leur compte. La solution ne sera pas sans incidence en termes
de participation criminelle. Ainsi, si l’on considère que les organes et représentants de la
personne morale, dont on exige qu’ils aient commis l’infraction341
, sont la personne morale
elle-même, admettre que cette dernière puisse participer à l’infraction qu’ils commettent
338 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JO 10 mars
2004, p. 4567. 339
V. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc, n° 572. 340
En particulier depuis l’arrêt rendu par la chambre civile de la Cour de cassation le 28 janvier 1954 : D. 1954,
jur., p. 217 note G. LEVASSEUR ; JCP G 1954, II, 7978 concl. P. LEMOINE. V. également S. BROS, La quasi-
personnalité morale, in La personnalité morale, ouvrage collectif, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2010,
p. 49 et s. ; J.-CH. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales, réalité et fiction, in Le risque pénal
dans l’entreprise, Litec, 2003, p. 112 et 113 ; G. WICKER, Les fictions juridiques. Contribution à l’analyse de
l’acte juridique, LGDJ, 1997, n° 220 et s. ; G. WICKER, Rép. civ. Dalloz, v° Personnes morales, 1998, n° 11 et
s. ; G. WICKER, La théorie de la personnalité morale depuis la thèse de Bruno Oppetit, Etudes à la mémoire du
professeur Bruno Oppetit, LexisNexis, 2009, p. 691.
Sur la thèse de la réalité technique : L. MICHOUD, La théorie de la personnalité morale. Son application au droit
français, tome 1, réimpr., LGDJ, 1998, n° 45 et tome 2 ; J.-CH. PAGNUCCO, L’action sociale ut singuli et ut
universi en droit des groupements, LGDJ/Fondation Varenne, coll. des Thèses, 2006, n° 140 et s. ; J.
PAILLUSSEAU, Le droit moderne de la personnalité morale, RTD civ. 1993, p. 705; R. SALEILLES, De la
personnalité juridique, réimpr., Ed. La mémoire du droit, coll. Références, 2003, p. 567 et s. et 626 et s. ; G.
WICKER, Les fictions juridiques. Contribution à l’analyse de l’acte juridique, préc., n° 215. 341
L’article 121-2 du Code pénal prévoit en effet que les personnes morales sont pénalement responsables des
infractions commises « pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».
80
semble bien artificiel puisque leurs comportements se confondent342
. En revanche, si l’on
imagine que la personne morale possède une volonté autonome, indépendante de celle des
personnes physiques agissant pour son compte, l’idée d’une participation criminelle de la
personne morale est tout à fait concevable.
77. Recherche de la nature de la responsabilité des personnes morales. – Seulement,
le législateur n’a pas expliqué le fondement retenu pour reconnaître cette responsabilité. Les
auteurs se divisent alors pour l’expliquer343
: pour certains, ce serait une responsabilité
indirecte ou par ricochet344
, pour d’autres, une responsabilité par représentation345
, pour
d’autres encore, une responsabilité directe serait concevable346
. Il convient alors de déterminer
la nature de cette forme de responsabilité pour établir la possibilité d’une participation
criminelle ou non.
78. Exclusions : responsabilité du fait d’autrui et responsabilité « par ricochet » ou
indirecte. – L’article 121-2 du Code pénal dispose que « les personnes morales, à l'exclusion
de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des
infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Or, parce que
cet article fait suite à l’article 121-1 érigeant en principe la responsabilité du fait personnel et
qu’il n’y apporte aucune dérogation expresse, la doctrine majoritaire rejette généralement
l’idée d’une responsabilité du fait d’autrui de la personne morale347
. En outre, faute de créer
342 V. J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction, in Le risque pénal dans
l’entreprise, PH. CONTE, C. GIRAUD-VAN GRAVER, J.-H. ROBERT, J.-C. SAINT-PAU, Litec, 2003, p. 71 et s., n°
125, p. 82, pour qui « Si les organes ou représentants ne sont pas autrui, mais la personne morale elle-même, il
reste cependant que les personnes physiques qui composent les organes se distinguent de ceux-ci. C’est la raison
pour laquelle leur responsabilité peut être conjointement engagée avec celle de la personne morale (art. 121-2,
al. 3) alors qu’il est inconcevable d’envisager une coaction entre l’organe et la personne morale, le premier
étant le bras criminel de la seconde ». 343
Pour une présentation de ces différents courants, v. notamment J. TRICOT, Le droit pénal à l’épreuve de la
responsabilité des personnes morales : l’exemple français, Rev. sc. crim. 2012, p. 19. 344
V. notamment F. DESPORTES, J.-Cl. Pénal Code, Responsabilité pénale des personnes morales, art. 121-2,
2001, n° 105 et rapport sous Cass. crim. 2 déc. 1997 : JCP G 1998, II, 10023. 345
V. notamment J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction, préc. 346
V . notamment J.-Y. MARECHAL, J.-Cl. Pénal Code, art. 121-2, 2010. 347
V. notamment PH. CONTE, La responsabilité des personnes morales au regard de la philosophie pénale, in
La personne juridique dans la philosophie du droit pénal, LGDJ, 2003, p. 109 ; F. DESPORTES, , J.-Cl. Pénal
Code, préc., n° 196 ; J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction, préc., n° 124.
Contra B. BOULOC, Existe-t-il une responsabilité pénale du fait d’autrui, RCA, Hors-série nov. 2000, La
responsabilité du fait d’autrui. Actualité et évolutions, p. 36 ; J. POUYANNE, L’auteur moral de l’infraction,
PUAM, 2001, spéc. n° 478 et 481 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., p. 494 ; A. TEANI, La
responsabilité pénale du fait d’autrui, thèse Bordeaux IV, 2007 ; G. WICKER, « Personne morale », préc., n° 85.
81
un nouveau mode de participation à l’infraction348
, la responsabilité des personnes morales ne
peut également s’analyser comme une responsabilité indirecte.
79. Admission : conceptions autonomistes de la personne morale. – Deux
propositions retiennent alors l’attention, en ce qu’elles considèrent toutes deux la personne
morale comme autonome.
Selon une première conception, la responsabilité des personnes morales
s’apparenterait à une responsabilité par représentation. En effet, la personne morale ne serait
rien d’autre que l’organe ou le représentant, et sa responsabilité ne s’expliquerait que par une
technique d’imputation particulière. Fait des organes ou représentants et fait de la personne
morale ne feraient qu’un. On ne pourrait alors considérer que la personne morale se rend
complice des agissements commis par son organe ou représentant et inversement, puisque
précisément, leurs agissements ne font qu’un. Plus généralement, la personne morale ne
pourrait pas être considérée comme participant à l’infraction de son organe ou représentant.
Pour autant, cela n’empêche aucunement de caractériser une éventuelle participation, avec
une autre personne morale ou avec une personne physique qui ne serait pas un organe ou un
représentant, ou même avec une personne physique composant l’organe dès lors que l’on se
souvient qu’un organe peut être collectif. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles cette
solution est particulièrement séduisante, dans la mesure où elle ne confond pas pour autant
responsabilité de la personne morale et responsabilité des personnes physiques agissant pour
son compte. Les solutions relatives aux délibérations de conseils municipaux, organe collectif
composé de plusieurs personnes physiques, en témoignent. Ainsi la jurisprudence a-t-elle
considéré que des faits de discrimination résultant d’une délibération d’un conseil municipal
ne pouvaient être imputés aux élus ayant exprimé un vote favorable mais permettaient
d’engager la responsabilité de la commune349
. Cette solution semble ainsi démontrer que les
personnes morales peuvent avoir une volonté distincte de celle des personnes physiques qui
en composent l’organe ou le représentant ; elles peuvent ainsi avoir une volonté autonome de
348 V. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 360 et s.
349 Cass. crim., 11 mai 1999, Bull. n° 93: D. 2000, Somm. p. 113, obs. G. ROUJOU DE BOUBEE; Dr. pén. 1999,
com. n° 140, obs. M. VERON ; JCP 2000, I, 207, n° 1, obs. M. VERON ; Rev. sc. crim. 2000, p. 194, obs. B.
BOULOC, et p. 197, obs. Y. MAYAUD.
82
celles-ci et donc caractériser un élément moral à part entière350
. Partant, il est envisageable
qu’elles aient la volonté de s’associer à autrui, personne morale ou personne physique, voire à
une personne composant cet organe, même si la participation à l’infraction commise par
l’organe ou le représentant lui-même semble pour sa part difficilement envisageable. Une
décision, à cet égard, est significative : l’arrêt rendu par la Chambre criminelle le 17 décembre
2002351
. En l’espèce, la Cour de cassation a considéré qu’un maire et son adjoint pouvaient
être déclarés coupables de discrimination, parce qu’ils avaient « personnellement participé à
l’infraction », et ce « indépendamment du vote de la délibération du conseil municipal ».
Certes, les juges ne se prononcent pas sur le titre d’imputation en jeu ici (le maire et son
adjoint sont-ils complices ou coauteurs ?). Cependant, en admettant qu’une personne physique
membre de l’organe participe à l’infraction de la personne morale, on peut imaginer que la
proposition puisse être retournée dès lors que l’on a admis que la personne morale pouvait
disposer d’une volonté autonome. La personne morale peut ainsi avoir la volonté de
s’associer, même avec une personne physique membre de l’organe qui la représente et donc
caractériser un élément moral à part entière.
Mais alors, pourquoi ne pas aller plus loin et considérer que la responsabilité de la
personne morale doit s’analyser comme une responsabilité directe ? C’est là la seconde
conception autonomiste, plus audacieuse encore, de la responsabilité des personnes morales.
En ce sens, certains auteurs font valoir que la référence aux organes ou représentants ne serait
plus une condition de la répression352
. Il suffirait alors de constater une « faute diffuse » de la
personne morale353
. Une telle reconnaissance serait fort utile en ce qu’elle permettrait de lutter
efficacement contre la criminalité d’entreprise en particulier, dans ces hypothèses où
l’anonymat de l’auteur ou encore les dilutions des mécanismes de décision sont légion. Mais
en faisant expressément référence aux organes et représentants, l’article 121-2 du Code pénal
interdirait le recours à cette théorie354
. Cependant, certains auteurs font valoir que rien ne
350 Dans le même sens, V. Y. MAYAUD, obs. sous Cass. crim., 11 mai 1999, préc., qui considère que par cette
décision, « on ne peut mieux souligner l’autonomie des personnes morales résultant de leur volonté propre ». 351
Cass. crim., 17 déc. 2002, Bull. n° 227, Rev. sc. crim. 2003, p. 556, obs. Y. MAYAUD. 352
V. notamment J.-Y. MARECHAL, J.-Cl. Pénal Code, préc. 353
Cette théorie a d’ailleurs été consacrée dans d’autres matières telles que le droit civil ou encore le droit
administratif. En droit pénal, certains systèmes juridiques l’ont adoptée, tels que la Belgique, dont le Code pénal
dispose ainsi, dans son article 5, que « toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui
sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits
concrets démontrent qu'elles ont été commises pour son compte ». 354
V. notamment L. SAENKO, De l’imputation par amputation ou le mode allégé d’engagement de la
responsabilité pénale des personnes morales, Dr. pén. 2009, Etude 14, spéc. n° 13.
83
s’opposerait à envisager, outre sa responsabilité par représentation, la responsabilité par action
de la personne morale, fondée sur l’article 121-1 du Code pénal. « Il existerait deux règles de
fond : une responsabilité pénale du fait personnel par action fondée sur l’article 121-1 ; une
responsabilité pénale par représentation fondée sur l’article 121-2 »355
. Ainsi, la « faute
diffuse » relèverait de l’article 121-1 du Code pénal et n’aurait pas besoin du truchement de
l’organe ou du représentant pour que soit retenue la responsabilité de la personne morale (ce
qui limiterait, par essence, les infractions qu’elle serait susceptible de commettre au champ
des infractions relevant du droit pénal des affaires et du droit pénal technique356
) ; et, à côté de
cette responsabilité du fait personnel de la personne morale par action, coexisterait une
responsabilité du fait personnel par représentation fondée sur l’article 121-2 du Code pénal (et
dont le champ d’application ne serait pas réduit aux infractions d’affaire et techniques).
80. Reconnaissance d’une volonté autonome de la personne morale. – Malgré le fait
qu’elle n’ait jamais consacré cette théorie357
, la Cour de cassation avait pourtant paru
s’engager sur cette voie. En effet, elle a semblé reconnaître l’existence d’une volonté
autonome de la personne morale : elle a d’abord admis que l’infraction soit imputée à la
personne morale sans même que son organe ou représentant soit identifié, puis a accepté de
rechercher la faute de la personne morale elle-même, bien qu’elle passe toujours par
l’intermédiaire de ses organes ou représentants.
81. Identification de l’organe ou du représentant non nécessaire. – Initialement, les
juges exigeaient que soit caractérisé chez l’organe ou le représentant l’élément moral de
l’infraction. Ainsi la Cour de cassation, dans son arrêt du 2 décembre 1997358
, avait-elle
reproché à la Cour d’appel de Limoges de ne pas avoir recherché « si le directeur général de
la société, organe de la personne morale avait eu personnellement connaissance de
l'inexactitude des faits relatés dans les attestations et si l'élément intentionnel du délit était
355 J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction, préc., n° 151, note n° 64.
356 J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction, préc., n° 151.
357 Elle a même été expressément rejetée, v. notamment Cass. crim., 2 déc. 1997, préc. V. également Cass.crim.,
18 janv. 2000, D. 2000, p. 636, note J.-C. SAINT-PAU ; Les Petites affiches 2000, n° 241, p. 18, note C.
DUCOULOUX-FAVARD ; 7 mai 2002, JurisData n° 2002-013184. V. surtout, plus récemment, Cass. crim., 11
avril 2012, Bull. n° 94 et 2 octobre 2012, pourvoi n° 11-84415, envisagés infra n° 82-1. 358
Cass. crim., 2 déc. 1997, Bull. n° 408 ; JCP G 1998, IV, 1820 ; JCP G 1998, II, 10023, rapp. F. DESPORTES ;
JCP E 1998, p. 948, note PH. SALVAGE ; Rev. sc. crim. 1998, p. 536, note B. BOULOC.
84
ainsi caractérisé ». La caractérisation de l’infraction chez l’organe ou le représentant était
donc nécessaire à la répression de la personne morale.
Cependant, les juges du fond ont peu à peu atténué cette exigence, si bien que la
Chambre criminelle, dans un arrêt du 20 juin 2006, a approuvé la Cour d’appel de ne pas
avoir précisé l’identité de l’auteur d’un homicide involontaire « dès lors que cette infraction
n’a pu être commise, pour le compte de la société, que par ses organes ou représentants » 359
.
Cette présomption d’imputation de l’infraction aux organes ou représentants360
a par la suite
été confirmée puisqu’étendue aux infractions intentionnelles. Dans un arrêt du 25 juin 2008,
la Cour de cassation a en effet approuvé la condamnation de sociétés pour faux et complicité
de faux en écritures privées au motif que ces infractions « s’inscrivent dans le cadre de la
politique commerciale des sociétés en cause, et ne peuvent, dès lors, avoir été commises, pour
le compte des sociétés, que par leurs organes ou représentants »361
. Il n’est donc plus
nécessaire d’identifier l’organe ou le représentant de la personne morale pour imputer une
infraction à cette dernière dès lors que les faits impliquent leur réalisation par ces personnes
physiques362
. Il s’agit alors d’un premier pas vers la reconnaissance d’une volonté autonome
de la personne morale363
.
82. Recherche d’une faute commise par la personne morale par l’intermédiaire
d’un organe ou représentant. – Poursuivant cette évolution, la Cour de cassation a ensuite
recherché l’existence de la faute chez la personne morale elle-même en considérant que celle-
ci s’incarne en ses organes ou représentants. Ainsi, dans un arrêt du 25 avril 2006, la Chambre
criminelle a approuvé la condamnation pour blessures involontaires et infraction relative à la
359 Cass. crim., 20 juin 2006, Bull. n° 188, D. 2007, p. 617, note J.-C. SAINT-PAU ; JCP G 2006, II, 10199, note E.
DREYER ; Dr. pén. 2006, comm. 128, note M. VERON ; D. 2007, p. 1624, obs. C. MASCALA ; Rev. sc. crim. 2006,
p. 825, obs. Y. MAYAUD ; Rev. sociétés 2006, p. 895, obs. B. BOULOC ; RPDP 2007, p. 407, note B. DE LAMY. 360
Dans le même sens, v. notamment B. DE LAMY, note sous Cass. crim., 20 juin 2006, préc., RPDP 2007,
p. 407; E. DREYER, note sous Cass. crim., 20 juin 2006, préc., JCP G 2006, II, 10199 ; J.-C. SAINT-PAU, note
sous Cass. crim., 20 juin 2006, préc., D. 2007, p. 617. 361
Cass. crim., 25 juin 2008, Bull. n° 167 ; Dr. pén. 2008, comm. 140, note M. VERON ; RPDP 2008, p. 858, note
PH. BONFILS ; Rev. sociétés 2008, p. 873, note H. MATSOPOULOU ; Rev. sc. crim. 2009, p. 89, obs. E. FORTIS ;
JCP E 2009, p. 1308, note M.-C. SORDINO. 362
La Cour de cassation avait du reste refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de
constitutionnalité mettant en cause cette interprétation au regard du principe de précision de la loi pénale : Cass.
crim., 11 juin 2010, pourvoi n° 09-87884, D. 2010, p. 1712 ; D. 2010, p. 2732, obs. G. ROUJOU DE BOUBEE, T.
GARE et S. MIRABAIL ; D. 2011, p. 1859, obs. C. MASCALA ; Rev. sc. crim. 2011, p. 177, obs. B. DE LAMY ; Dr.
pén. 2010 comm. 111, obs. M. VERON ; JCP G 2010, p. 1030, obs. J.-H. ROBERT ; JCP G 2010, p. 1031, obs. H.
MATSOPOULOU. 363
PH. BONFILS, note sous Cass. crim., 25 juin 2008, préc., s’interroge d’ailleurs en ce sens en concluant son
commentaire de la sorte : « Le droit pénal se rallierait-il à la théorie de la réalité des personnes morales ? ».
85
sécurité des travailleurs d’un responsable de production ainsi que de son entreprise en relevant
que lui et sa société, « par ses organes ou représentants, ont commis des fautes entrant dans
les prévisions de l'article 121-3 du Code pénal »364
. La solution, et surtout sa formule, ont été
réitérées par la suite365
. Or, cette formule sous-entend que la personne morale, parce qu’elle
s’incarne dans ses organes et représentants, commet elle-même l’infraction366
. Comme le
montre un auteur, l’article 121-2 du Code pénal pourrait être réécrit de la sorte : « Les
personnes morales sont responsables des infractions qu’elles commettent au moyen de leurs
organes et représentants »367
. Certes, c’est toujours par le truchement de l’organe ou du
représentant que l’être moral réalisait l’infraction, mais il s’agisssait certainement là d’un pas
vers la consécration de la théorie de la faute diffuse.
82-1. Rejet par la Cour de cassation de la responsabilité directe des personnes
morales. – Cependant, en l’état du droit positif, la référence à un organe ou représentant de la
personne morale est toujours nécessaire. C’est pourquoi même si elle s’est engagée sur cette
voie, la Cour de cassation ne peut consacrer purement et simplement la responsabilité directe
des personnes morales. Dans un arrêt rendu le 11 avril 2012368
et confirmé le 2 octobre
2012369
, elle a ainsi explicitement rejeté ce fondement. En l’espèce, alors qu’une personne
morale était poursuivie pour homicide involontaire et manquement à une obligation de
sécurité, la Cour d’appel avait retenu la responsabilité de celle-ci au motif qu’elle n’avait pas
dispensé une formation pratique et appropriée, et avait ainsi « créé la situation ayant permis
la réalisation du dommage ou n’[avait] pas pris les mesures permettant de l’éviter ». Or, la
Chambre criminelle casse la décision, retenant qu’« en se prononçant ainsi, sans mieux
rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou
représentants de la société, et s’ils avaient été commis pour le compte de cette société, au
364 Cass. crim., 25 avr. 2006, pourvoi n° 05-83407 ; JurisData n° 2006-033669.
365 Cass. crim., 20 juin 2006, pourvoi n° 05-83551 ; JurisData n° 2006-034775. V. également Cass. crim. 12 juin
2007, pourvoi n° 06-86220; JurisData n° 2007-040033. 366
Cette solution met d’ailleurs à mal la thèse selon laquelle la responsabilité des personnes morales serait une
responsabilité indirecte ou par ricochet : v. supra n° 78. A contrario, elle semble reprendre les théories de
l’organe et de la représentation : pour une explication détaillée de ces théories, v. notamment N. STONESTREET,
La notion d’infraction pénale, thèse Bordeaux IV, 2009, n° 295 et s. 367
J.-H. ROBERT, note sous Cass. crim., 24 mai 2005, Dr. pén. 2005, comm. 151. V. également M.-L. RASSAT,
Droit pénal général, préc., n° 421. 368
Pourvoi n° 10-86.974, D. 2012, p. 1381, note J.-C. SAINT-PAU ; D. 2012, p. 1698, obs. C. MASCALA ; Rev. sc.
crim. 2012, p. 375, note Y. MAYAUD ; Rev. sc. crim. 2012, p. 377, note A. CERF-HOLLENDER. 369
Préc. La motivation est mot pour mot identique à celle du 11 avril 2012.
86
sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ». Cet arrêt
a été présenté comme l’aboutissement de l’arrêt rendu le 11 octobre 2011370
dans lequel la
Cour de cassation aurait renoncé à la présomption d’imputation qu’elle avait jusque là posée à
l’égard de la personne morale371
. Pourtant, la solution ne paraît pas aussi claire que cela est
suggéré. En effet, s’il est indéniable qu’elle rejette toute responsabilité directe de la personne
morale, il n’est pas certain qu’elle revienne sur la présomption d’imputation de l’infraction la
personne morale372
.
Quoi qu’il en soit, et pour ce qui intéresse la démonstration, il est ainsi indéniable que
la personne morale, parce qu’elle est un auteur à part entière, peut revêtir l’élément moral
d’une infraction, quelle qu’elle soit. Elle peut donc témoigner d’une intention.
83. Importance de la qualité de l’associé de la personne morale. – Dès lors, la
question relative à la capacité des personnes morales à manifester une volonté de s’associer à
un fait délictueux et donc à être un participant à ce dernier ne peut que trouver une réponse
positive. Le caractère intentionnel de la participation n’exclut donc pas une éventuelle
coaction entre la personne morale et autrui. Pour autant, rechercher la qualité de l’associé au
fait délictueux n’est pas sans importance. En effet, si une personne morale décide de
s’associer à une autre entité morale pour réaliser une infraction, la question présente peu
d’intérêt : il suffira de caractériser une infraction et un fait de participation à celle-ci, fait de
participation qui sera recherché en l’organe ou le représentant puisque celui-ci incarne la
personne morale.
En revanche, dès lors qu’il est question de la participation entre une personne physique
et une personne morale, il convient de s’interroger sur la qualité de la personne physique en
question. En effet, le Code pénal précise, certes, que « la responsabilité pénale des personnes
morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits »373
.
Cependant, cette disposition ne règle pas toutes les questions. Si la personne physique n’est ni
un organe, ni un représentant de la personne morale, aucune difficulté particulière ne semble à
déplorer : il s’agira simplement de caractériser un fait de participation de la personne
370 Cass. crim., 11 oct. 2012, pourvoi n° 10-87212, D. 2011, p. 2841, obs. B. BOMBLED, note N. RIAS ; AJ pén.
2012, p. 35, note B. BOULOC ; Rev. sociétés 2012, p. 52, note H. MATSOPOULOU ; Rev. sc. crim. 2011, p. 825,
obs. Y. MAYAUD ; RTD com. 2012, p. 201, obs. B. BOULOC. 371
N. RIAS, note sous Cass. crim., 11 oct. 2012, préc., D. 2011, p. 2841. 372
Sur ce point, v. infra n° 308. 373
C. pén., art. 121-2 al. 3.
87
physique à l’infraction commise par la personne morale grâce à son organe ou représentant.
Imaginons ainsi qu’une organisation extrémiste se rende coupable d’assassinat car son
dirigeant, afin de mettre en œuvre la doctrine de l’organisation, élimine ses opposants374
.
L’individu ayant fourni, en connaissance de cause, les armes utilisées, pourrait être poursuivi
pour complicité. En revanche, si la personne physique poursuivie en tant qu’auteur ou
complice de l’infraction est un organe ou représentant de la personne morale, il est alors
nécessaire, pour envisager la participation de la personne morale, de constater chez cet organe
ou représentant une volonté de réaliser l’infraction pour le compte de la société ainsi qu’une
volonté de s’y associer ou de la réaliser pour lui-même également. Or, a priori, ces deux
intentions semblent incompatibles. Cependant, un auteur a justement démontré que
l’incompatibilité n’était qu’apparente, « dès lors que les faits ne sont pas forcément commis
en même temps »375
. Il prend ainsi l’exemple d’une société ayant une activité commerciale qui
louerait des locaux à son dirigeant pour que celui-ci y exerce illégalement la profession
d’expert-comptable, sans aucun lien avec l’objet de la société. L’acte de complicité – la
fourniture de moyens – étant constitué avant la réalisation de l’infraction, il est possible de
caractériser « deux intentions distinctes »376
. La participation de la personne morale à
l’infraction réalisée par l’organe ou le représentant est alors concevable.
84. Conclusion de la section 2. – La volonté de s’associer apparaît ainsi comme une
condition caractéristique de la participation puisqu’elle en justifie la répression. C’est en effet
parce que le participant a conscience et volonté de s’associer à un fait qu’il sait être
infractionnel qu’il peut être sanctionné. Or, aussi fondamentale que soit cette exigence, elle ne
conduit cependant pas à restreindre outre mesure le champ d’application de la participation.
Quant aux personnes physiques d’abord, la participation pourra se fonder sur une
infraction commise par des personnes caractérisant des causes subjectives d’irresponsabilité,
même s’il est vrai que ces dernières ne sont pas susceptibles, pour leur part, d’être des
participants à l’infraction377
.
En revanche, cette dernière limitation ne se retrouve pas quant aux personnes morales
ensuite. En effet, dès lors que l’on admet que leur responsabilité pénale se fonde sur une
374 Exemple emprunté à F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 594.
375 J.-Y. MARECHAL, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 113.
376 Ibid.
377 Excluant dès lors la coaction, faute de réciprocité dans la volonté de s’associer : v. infra n° 92 et s.
88
responsabilité du fait personnel, il est parfaitement concevable de s’associer à l’infraction
commise de la sorte. Surtout, en vertu des conceptions autonomistes de la responsabilité
pénale des personnes morales, ces dernières caractérisent une véritable intention. Partant, elles
peuvent s’associer à l’infraction réalisée par autrui, que cet autrui soit une personne morale ou
une personne physique, voire un de ses organes ou représentants.
89
Conclusion du chapitre 1
85. Participation et pluralité d’intervenants. – En tant que mode de participation
criminelle, la coaction exige ainsi une pluralité d’intervenants au titre de son élément matériel.
Elle est alors susceptible de mettre en jeu deux types d’infractions : les infractions collectives
par nature, qui exigent une pluralité d’intervenants à titre d’élément constitutif, et les
infractions commises collectivement qui incriminent des comportements individuels que les
circonstances ont amené à réaliser à plusieurs. Or, l’analyse de ces différentes catégories a
démontré que c’est au sein de ces dernières que s’épanouit la coaction. Elles sont en effet les
seules à permettre une prise en compte de la spécificité de ce titre d’imputation, là où les
infractions collectives par nature brouillent les frontières entre action, complicité et coaction.
86. Participation et volonté de s’associer. – Mais surtout, parce qu’elle est un mode de
participation criminelle, la coaction impose de constater un lien étroit entre ses intervenants.
Or, ce lien est fondé sur l’élément moral de la participation : le coauteur doit témoigner d’une
volonté de s’associer. Pour autant, cette exigence ne conduit pas à restreindre outre mesure le
champ d’application de la coaction, puisque personnes physiques comme personnes morales
pourront être qualifiées de participants à l’infraction.
87. Si ces différents éléments s’induisent de la nature de mode de participation
criminelle de la coaction, encore faut-il réfléchir à l’objet de cette participation, qui pourrait
permettre d’identifier ce mode d’imputation particulier au sein de la participation criminelle.
Il s’agit alors de voir que la coaction s’analyse en un mode de participation à une infraction
unique.
91
Chapitre 2- Une participation à une infraction unique
88. Mode de participation criminelle et objet de la participation. – Si la coaction, à
l’instar de la complicité, s’apparente à un mode de participation criminelle, il apparaît
nécessaire de s’interroger sur l’objet de cette participation. Celle-ci s’entend-elle d’une
participation à un fait délictueux, un fait ayant « figure de délit »378
ou, plus généralement,
d’une participation à une infraction ? Cette dernière proposition suppose ainsi de répondre à
une autre question : que faut-il entendre par le terme « infraction » 379
? De façon générale,
cette notion désigne un « comportement actif ou passif prohibé par la loi »380
et s’appréhende
comme la réunion de deux éléments : un élément matériel et un élément moral381
. Comme il a
pu l’être évoqué précédemment382
, ce dernier aspect cristallise de nombreux débats doctrinaux
sur lesquels il ne sera pas nécessaire de revenir.
89. Mode de participation criminelle et participation à l’infraction. – Il est, a priori,
incontestable que les participants à une action criminelle partagent un certain comportement,
et donc la matérialité de leurs actes383
, ce dont témoigne la définition même du terme
« participation »384
. En revanche, cette conclusion est loin de s’imposer avec la même force si
l’on raisonne sur l’état d’esprit avec lequel les agents s’associent à cet acte. En effet, les
motivations de chacun sont souvent différentes385
. Surtout, s’il est nécessaire que tous aient eu
la volonté de s’associer à autrui pour être qualifiés de participants386
, il n’est aucunement
378 J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice selon l’article 59 du Code pénal, JCP
1952, I, 1034. 379
Sur cette question, très abondamment étudiée, v. notamment A.-CH. DANA, Essai sur la notion d’infraction
pénale, LGDJ, Bibliothèque de droit criminel, 1982; N. STONESTREET, La notion d’infraction pénale, thèse,
Bordeaux, 2009. V. également J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 103 et s. 380
G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc. 381
Quant à l’élément légal, il s’apparente à la définition de l’infraction. Son existence en tant qu’élément
constitutif à part entière de l’infraction a beaucoup été questionnée en doctrine, mais l’objet n’est pas ici de
revenir sur ces débats. Il sera seulement rappelé qu’il peut être compris comme englobant les éléments matériel
et moral. En ce sens, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 219. 382
V. supra n° 60. 383
Au moins en partie, v. infra n° 278 et s., spéc. n° 293. 384
V. supra n° 26. 385
Cependant, les mobiles sont par principe indifférents en matière pénale : v. par exemple Cass. crim., 11 déc.
1924, DP 1925.1.87 ; 8 déc. 1998, Bull. n° 336. 386
V. supra n° 53.
92
exigé que cet autrui ait eu la volonté ou même la conscience d’en faire de même. Ainsi,
participation n’implique pas conscience et volonté réciproques de s’associer. En définitive, ce
serait exclure là l’exigence d’une entente en matière de participation, et offrir la possibilité
d’une discordance entre les différentes conceptions que chacun des agents se fait de
l’infraction. Sachant que certaines incriminations ne se distinguent que par le contenu de leur
élément moral387
, l’importance de cette conclusion se fait alors jour : si tous les individus ne
partagent pas nécessairement à la fois l’élément matériel et l’élément moral de l’infraction,
c’est que tous n’y participent pas. A défaut, certains ne participeraient alors qu’à un « fait
délictueux ».
90. Participation à l’infraction et coaction. – Se dessine ainsi l’éventualité d’un
critère de distinction entre les différents modes de participation criminelle : certains
s’entendraient d’une véritable participation à une infraction alors que d’autres ne seraient que
des participations à des faits matériels délictueux. Or, parce qu’ils ont en commun l’élément
moral de l’infraction388
(ainsi que son élément matériel389
), il semble que les coauteurs
puissent s’analyser comme des participants à une infraction unique. La coaction nécessite, en
effet, une entente entre ses différents participants, gage du partage de cet élément
psychologique. L’entente agit alors comme un véritable révélateur de la participation
réciproque et de l’infraction unique, dont il convient d’étudier l’exigence (Section 1). En
outre, parce qu’elle est un critère distinctif de la coaction, ses caractères méritent d’être
étudiés afin de voir leur impact sur la notion de coaction (Section 2).
387 Il en va ainsi du meurtre et de l’homicide involontaire par exemple : le résultat de ces infractions est
identique, (la mort) ; l’élément matériel est également identique (le fait de donner la mort) ; seul l’élément moral
permet de distinguer ces deux infractions (intention de tuer pour la première contre absence de cette intention
dans la seconde). 388
V. infra n° 91 et s. 389
V. infra n° 280 et s., spéc. n° 291.
93
Section 1- L’exigence d’une entente entre coauteurs
91. Critère de distinction avec la complicité. – Dans le sens commun, l’entente
s’analyse comme le « fait de s’accorder » avec autrui390
. Or, l’existence d’un tel accord ne se
vérifie pas nécessairement en ce qui concerne les rapports unissant le complice et l’auteur
principal, et conduit donc à faire de l’entente un critère de distinction entre coaction et
complicité.
Envisagée comme un accord entre deux ou plusieurs individus, l’entente suppose alors
une réciprocité dans la conscience et la volonté de coopération391
. Et c’est cette réciprocité
dans la volonté de s’associer qui apparaît comme le propre de la coaction : chaque coauteur
est conscient de la participation de l’autre et souhaite coopérer à son action. De là vont se
nouer des liens étroits entre coauteurs, plus qu’entre complice et auteur principal. La
nécessaire réciprocité de la volonté de s’associer entre coauteurs (§1) conduira ainsi à une
inévitable identité de qualifications entre eux (§2).
§1- Une nécessaire réciprocité de la volonté de s’associer entre coauteurs
92. Comparaison entre complicité et coaction. – Si les coauteurs doivent
nécessairement avoir la conscience et la volonté de s’associer à autrui pour être considérés
comme tels, il n’en va pas de même en ce qui concerne l’auteur principal à l’égard de son ou
de ses éventuel(s) complice(s). En effet, alors que la complicité est indifférente à toute entente
(A), la coaction, elle, est soumise à sa caractérisation (B).
390 Le grand Robert de la langue française, dir. A. REY, t. 5, 2
e éd., 2001.
391 L’entente se définit également comme la « compréhension réciproque entre des êtres » : ibid. (site internet)
94
A- La complicité indifférente à une entente
93. Divergences doctrinales. – Il est communément admis que l’entente permet de
distinguer auteur et coauteur. En revanche, pour certains392
, elle ne serait pas un moyen de
différencier complice et coauteur, dans la mesure où la complicité, de même que la coaction,
impliquerait nécessairement une entente entre l’auteur principal et son complice393
. Pourtant,
la doctrine n’est pas unanime en la matière394
, c’est pourquoi il apparaît intéressant de
rechercher si la complicité doit nécessairement supposer un concert frauduleux avec l’auteur
de l’infraction ou non.
94. Complicité et infraction exigeant un dol spécial pour sa constitution. – La
solution retenue par la jurisprudence en matière de complicité d’infractions exigeant un dol
spécial pour leur constitution pourrait apporter des éléments de réponse. En effet, lorsqu’une
infraction exige un mobile particulier à titre d’élément constitutif, la Cour de cassation semble
considérer que ce mobile n’a pas à être partagé par le complice de cette infraction pour que
son acte puisse être réprimé. Il en va de la sorte en matière de crime contre l’humanité : dans
l’affaire qui lui a été soumise le 23 janvier 1997, la Chambre criminelle a ainsi affirmé que
« le dernier alinéa de l’article 6 du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg
n’exige pas que le complice de crimes contre l’humanité ait adhéré à la politique
d’hégémonie idéologique des auteurs principaux »395
. Certes, cette solution bénéficie d’un
argument textuel en sa faveur : l’alinéa relatif aux « dirigeants, organisateurs, provocateurs
ou complices » n’exige pas expressément la présence de mobiles particuliers en leur
personne396
. Il pourrait alors être rétorqué que cette solution ne vaut que pour cette infraction
particulière, et qu’en droit commun, auteur et complice doivent partager ce dol spécial397
.
Mais il semble que cela ne soit pas le cas. Ainsi, en matière de banqueroute, alors que la
392 V. notamment F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 225 et s.
393 C. GIRAULT, Le relâchement du lien de concertation entre l’auteur principal et le complice, D. 2008, chron.
n° 25, p. 1714 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 337 ; F. ROUSSEAU, L’imputation dans la
responsabilité pénale, préc., n° 225 et s. 394
Pour des auteurs considérant que l’entente n’est pas une condition de la complicité, v. notamment S.
FOURNIER, préc., n° 115 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 420. 395
Cass. crim., 23 janv. 1997, Bull. n° 32 ; D. 1997, jur. p. 147, note J. PRADEL; J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE,
La définition juridique de la complicité de crime contre l’humanité au lendemain de l’arrêt de la Chambre
criminelle du 23 janvier 1997, D. 1997, chron. p. 249 ; JCP G 1997, II, n° 22812, note J.-H. ROBERT. 396
V. J. PRADEL, note sous Cass. crim., 23 janv. 1997, préc., D. 1997, Jur. p. 147. 397
Ibid.
95
constitution de l’infraction implique notamment que le débiteur ait voulu éviter ou retarder
l’ouverture de la procédure, il n’est pas exigé que le complice partage cette volonté. Il suffira
qu’il ait connaissance du caractère ruineux du crédit, de l’état de cessation des paiements et de
la volonté du débiteur de retarder l’ouverture de la procédure398
, sans pour autant vouloir lui-
même retarder cette dernière. C’est l’hypothèse d’un banquier qui facilite le recours à des
moyens ruineux pour procurer des fonds à l’entreprise tout en connaissant les trois critères
précités399
.
Doit-on s’étonner de cette solution ? Les auteurs qui lui sont hostiles400
soutiennent
généralement que c’est là incriminer un simple dol éventuel, et non une intention, chez le
complice. Mais cette affirmation est contestable. La solution ne conduit pas toujours, en effet,
à incriminer une forme de complicité par imprudence. En réalité, dans les exemples précités,
même si le complice ne partage pas le mobile poursuivi par l’auteur, il ne peut nier qu’il sait
participer à une infraction401
. De fait, il revêt donc l’élément intentionnel de la complicité : il
possède bien la conscience et la volonté de s’associer à l’action criminelle d’autrui. Il n’est
ainsi pas nécessaire d’exiger qu’il partage le dol spécial poursuivi par l’auteur402
. En outre, le
second argument invoqué pour décrier cette solution revient à montrer que le complice
emprunte l’infraction commise par l’auteur principal, emprunt qui ne serait possible qu’à
condition que l’élément moral entre les deux agents soit identique, et donc que tous deux
partagent le dol spécial exigé pour la constitution de l’infraction. Mais là encore, l’argument
ne semble pas décisif puisque les textes relatifs à la complicité ne font aucun cas de cette
exigence. D’ailleurs, si l’on considère que le complice emprunte l’infraction réalisée par
l’auteur principal, c’est précisément parce qu’il ne réunit pas en sa personne tous les éléments
constitutifs de l’infraction, ce qui ferait de lui un auteur. Dès lors, pourquoi ne pas considérer
qu’il emprunte également le dol spécial de l’auteur et n’a pas donc pas à le posséder lui-
même403
?
398 CA Saint-Denis de la Réunion, 17 déc. 1998, D. 1999, p. 609, note D.R. MARTIN.
399 V. R. KOERING-JOULIN, L'élément moral de la complicité par fourniture de moyens ruineux, D. 1980, chron.
231 ; Cass. crim., 30 oct. 1989, Dr. pén. 1990.88. 400
J. PRADEL, note sous Cass. crim., 23 janv. 1997, préc. ; R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la
participation criminelle, Rev. dr. pén. crim. 1952, p.117, n° 22. 401
Cela est d’autant plus vrai qu’il connaît même la nature exacte de cette infraction, et ne se contente pas de
s’associer à une infraction quelle qu’elle soit. 402
Dans le même sens, PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 420. 403
D’autant plus que dans une telle hypothèse, il n’emprunte pas l’élément moral dans son ensemble : il
témoigne toujours du dol général et n’emprunte qu’une partie seulement de l’élément moral, le dol spécial.
96
Quoi qu’il en soit, il semble dès lors difficile de considérer qu’auteur et complice
doivent nécessairement s’être entendus sur la commission de l’infraction. Tout du moins
l’étendue du concert frauduleux est-elle quelque peu circonscrite : elle n’inclut pas les
mobiles. Cette analyse renseigne donc plus sur l’étendue de l’entente en matière de complicité
que sur son exigence.
95. L’entente, non nécessaire à la répression de la complicité de complicité. – C’est
alors vers les solutions en matière de complicité indirecte qu’il faut se tourner. En effet, la
jurisprudence n’exige nullement que l’auteur principal soit au courant d’une éventuelle aide
apportée par un individu à son complice. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire qu’il
connaisse l’existence du complice de son complice. Pour preuve, dans son arrêt du 15
décembre 2004, la Cour de Cassation considère que « l’aide ou l’assistance apportée en
connaissance de cause à l’auteur de l’escroquerie, même par l’intermédiaire d’un autre
complice, constitue la criminalité incriminée par l’article 121-7 du code pénal »404
. Il n’y a
donc pas obligatoirement une entente entre l’auteur principal et son complice, ou tout du
moins cette entente n’a-t-elle pas à être particulièrement précise.
96. L’entente, une condition non prévue par le Code pénal. – Mais surtout,
considérer que l’entente est nécessaire entre le complice et l’auteur principal revient à ajouter
une condition à la définition de la complicité retenue par le Code pénal. Si le complice doit
s’être associé « sciemment » à l’auteur, le texte ne dit rien de l’état d’esprit de ce dernier.
L’auteur peut même ne pas avoir conscience de l’existence de son auxiliaire : l’exemple
retenu par les défenseurs de ce point de vue est celui du malfaiteur qui pose une échelle pour
faciliter l’accomplissement d’un vol, alors même que le voleur croit « à un heureux
hasard »405
. La complicité pourra être retenue à l’égard de celui qui a mis en place l’échelle
dès lors qu’il a entendu, comme dans notre exemple, aider à la commission de cette infraction.
Evidemment, cette hypothèse pourrait être qualifiée de cas d’école, et il est vrai qu’elle se
rencontrera peu souvent en pratique : généralement, le complice et l’auteur principal se seront
mis d’accord sur la commission de leur forfait. Pour autant, cet argument ne doit pas
404 Cass. crim., 15 déc. 2004, Bull. n° 322; D. 2005, Jur. 2128; JCP G 2005, II, 10050, obs. Y. MARECHAL ; Rev.
sc. crim. 2005, p. 298, obs. G. VERMELLE. 405
PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 420.
97
convaincre d’ajouter à la loi en considérant que la complicité implique un concert frauduleux
avec l’auteur principal. L’entente est donc indéniablement un critère de distinction entre la
complicité et la coaction car cette dernière doit être, pour sa part, soumise à la caractérisation
d’une entente.
B- La coaction soumise à une entente
97. Exigence doctrinale. – La doctrine est unanime quant à la condition d’entente en
matière de coaction : celle-ci est nécessaire. Les coauteurs doivent ainsi avoir agi avec
« connivence »406
, ce mode de participation criminelle apparaissant comme une « coopération
passagère »407
. C’est même une exigence essentielle, GARRAUD allant jusqu’à dire qu’« il faut
aussi et surtout qu’ils aient agi de concert, d’un commun accord, qu’ils aient coopéré à la
perpétration du délit. Sans cela, le seul lien qui puisse être établi entre les délits distincts, qui
ont été commis, est celui de connexité et non celui de la coopération »408
.
98. Exigence jurisprudentielle. – La jurisprudence n’est pas en reste puisqu’elle prend
soin de relever que les coauteurs ont agi « ensemble et de concert »409
, « d’un commun
accord » ou « participé à une action concertée »410
. Là encore, les termes employés ne
manquent pas de renseigner sur l’idée de réciprocité précédemment évoquée. Et la Cour de
cassation relève d’ailleurs expressément cette exigence lorsqu’elle caractérise l’ « assistance
réciproque » entre les différents coauteurs411
: cette assistance réciproque doit bien sûr
s’entendre matériellement412
, mais aussi psychologiquement. En effet, l’aide, comme
l’assistance, comportent deux versants : elles ne se réduisent pas à un aspect matériel mais
comprennent une véritable dimension morale. Ces deux aspects se retrouvent ainsi dans
l’utilisation qui est faite de ces termes en matière juridique, la répression de ce qui est
406 Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, préc., spéc. p. 796.
407 Ibid.
408 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, Tome III, 3
ème éd., Paris, Sirey, 1916, n°
901. 409
V. Cass. crim., 5 oct. 1972, Bull. n° 269 ; v. également Cass. crim., 8 juil. 1813, S. Chr. ; 14 janv. 1921, S.
1922, I, p. 235. 410
Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195. 411
V. notamment Cass. crim., 8 juill. 1813, préc. ; 29 janv. 1829, Bull. n° 22. 412
V. infra n° 281 et s.
98
couramment dénommé l’aide morale en cas de complicité en témoignant413
. Or, si l’on
raisonne à partir du simple point de vue psychologique, en imposant la réciprocité de
l’assistance chez les coauteurs, la jurisprudence exige alors de caractériser une entente les
unissant.
99. Particularisme des personnes morales. – Dès lors que l’on considère que la
personne morale dispose d’une volonté autonome414
, la question de l’entente ne semble pas, a
priori, poser de difficultés particulières. Il est tout à fait concevable d’imaginer un accord
unissant deux personnes morales, ce qu’atteste la répression de l’entente pratiquée à des fins
anticoncurrentielles415
. Rien ne s’oppose alors, en principe, à caractériser une entente entre
elles en vue de la commission d’autres infractions, quelles qu’elles soient. Mais si l’on
s’interroge sur une éventuelle coaction entre une personne morale et une personne physique,
la question précédemment évoquée ressurgit : il convient de distinguer selon que la personne
physique en cause est un organe ou un représentant de la personne morale ou non. En effet, si
elle ne revêt pas cette qualité, la personne physique peut alors s’accorder avec la personne
morale, incarnée par son organe ou représentant pour commettre une infraction. En revanche,
si la personne physique dont on recherche la culpabilité s’analyse précisément comme un
organe ou représentant de la société, n’est-il pas bien artificiel de considérer qu’elle s’accorde
avec la personne morale qu’elle incarne ? La personne morale s’entendrait alors avec elle-
même…416
Certes, ce raisonnement peut sembler relever du truisme, mais si l’on considère
que la personne physique a besoin de la personne morale pour commettre l’infraction,
l’absurdité du mécanisme n’est peut-être qu’apparente. Il serait en effet possible de
413 V. infra n° 197 et s.
414 V. supra n° 76 et s.
415 C. com., art. L. 420-1. Celui-ci dispose que « Sont prohibées même par l’intermédiaire direct ou indirect
d’une société du groupe implantée hors de France lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet
d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées,
conventions, ententes expresses ou tacites ou coalition, notamment lorsqu’elles tendent à
1° Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ;
2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou
leur baisse ;
3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
4° Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ». 416
La question soulève alors de nombreuses interrogations sur la nature du lien existant entre la personne
physique organe ou représentant de la personne morale et cette personne morale. Cependant, il n’appartient pas
d’en traiter ici. Sur ce point, v. notamment G. WICKER, La théorie de la personnalité morale depuis la thèse de
Bruno Oppetit, Etudes à la mémoire du professeur Bruno Oppetit, préc. ; G. WICKER, Rép. civ. Dalloz, v°
Personne morale.
99
caractériser deux intentions différentes chez la personne physique : celle de réaliser
l’infraction, mais aussi celle de s’associer à la personne morale, certes représentée par elle-
même, pour commettre cette infraction. Quant à la réciprocité de cette intention, elle existerait
alors nécessairement puisque la personne morale s’incarne dans la personne physique en
cause.
100. Bilan. – Quoi qu’il en soit, l’entente n’est nécessaire qu’en matière de coaction.
Elle peut alors apparaître comme un critère de distinction avec la complicité, même si toutes
deux imposent une volonté de s’associer à autrui417
. Un auteur avait déjà entrevu cette
conclusion, en écrivant que « l’entente se distingue de la simple « conscience et volonté de
coopérer avec autrui » ; elle suppose plus ; il faut une véritable résolution d’agir arrêtée
ensemble »418
. Or, si elle « suppose plus », les liens que l’entente permet de tisser entre
coauteurs sont également plus étroits : elle entraîne inévitablement une identité de
qualifications entre eux.
§2- Une nécessaire identité de qualifications entre coauteurs
101. Démarche. – Là encore, il convient de s’intéresser en premier lieu à la théorie de
la complicité, plus abondamment étudiée, afin de déterminer si les conclusions en la matière
peuvent s’appliquer ou non à la coaction et donc apporter à la construction de sa notion.
Ainsi, de façon très générale, il est possible de considérer le complice comme celui qui facilite
l’action de l’auteur principal de l’infraction, en connaissance de cause, sans réaliser lui-même
les éléments constitutifs de l’incrimination. Il se crée alors un lien entre ces deux agents, que
la doctrine a tenté d’expliquer de différentes manières. Or, selon la théorie retenue,
l’éventualité d’une disparité de qualifications entre complice et auteur peut apparaître (A). En
revanche, les aspects expliquant cette possibilité ne se retrouvent pas en ce qui concerne la
417 Dans le même sens, v. R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la participation criminelle, préc., n° 23, pour
qui « D’une manière générale, l’intention doit être plus précise chez le coauteur que chez le complice. Pour le
coauteur, c’est plus que la simple volonté intentionnelle qui est requise. C’est le concert frauduleux, la
résolution criminelle concertée ». 418
Ch. DUPEYRON, L’infraction collective, Rev. sc. crim. 1973, p. 357, n° 9.
100
coaction. Ce constat n’est ainsi pas valable pour ce qui est de ce dernier mode d’imputation :
toute disparité de qualification entre coauteurs est impossible (B).
A- L’éventualité d’une disparité de qualifications entre complice et auteur principal
102. Théories en présence. – Un des points d’intérêts de la doctrine concernant la
complicité a été d’expliquer de quelle façon réprimer les actes du complice. En effet, ceux-ci
sont « généralement dépourvus de criminalité propre »419
. Comment alors les appréhender
pénalement ? Plusieurs théories ont été avancées à cette fin. Parmi elles, le Code pénal a
choisi d’appliquer la conception de l’emprunt de criminalité, qui ne permet aucunement
d’envisager une disparité entre les actes du complice et ceux de l’auteur principal (1). Mais
d’autres solutions sont envisageables, permettant une telle disparité (2).
1- Une disparité inenvisageable selon la théorie de l’emprunt de criminalité
103. Unité d’infraction. – La théorie de l’emprunt de criminalité se fonde sur le constat
selon lequel les actes du complice, pris isolément, ne sont pas constitutifs d’une infraction
pénale420
. Ainsi, renseigner une personne sur les habitudes d’autrui, par exemple, ne
419 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 1 : Cujas, 7
ème éd., 1997, n° 537.
420 V. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général, Gualino, 2003, n° 477 et s. ; B. BOULOC, préc., n° 336 et
s. ; P. BOUZAT et J. PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, t. 1, Dalloz, 2ème
éd. avec mise à jour 15
nov. 1975, n° 775 et s. ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, coll. U, 7ème
éd.,
2004, n° 405 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 550 et s. ; W. JEANDIDIER, Droit
pénal général, Montchrestien, 2ème
éd., 1991, n° 286 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 382 et s. ; R.
MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 1, préc., n° 536 et s. ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 425
et s. ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 368 et s. ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 351 et
361 ; PH. SALVAGE, Droit pénal général, PUG, 5ème
éd., 2001, n° 163 et s., J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 5 et s. ; S.
FOURNIER, Rép. pén. Dalloz, v° Complicité ; E. GARCON, Code pénal annoté, Sirey, éd. M Rousselet, M. Patin et
M. Ancel, 1959, art. 59 et 60 ; A. DECOCQ, Droit pénal général, A. Colin, 1971, p. 234 et s. ; R. VOUIN et J.
LEAUTE, Droit pénal et procédure pénale, PUF, 2ème
éd. 1965, p. 41 et s. ; J.-C. SOYER, Droit pénal et procédure
pénale, LGDJ, 21ème
éd., 2012, n° 168 et s. ; G. LEVASSEUR, A. CHAVANNE, J. MONTREUIL, B. BOULOC et H.
MATSOPOULOU, Droit pénal et procédure pénale, Sirey, 14ème
éd., n° 245 et s. ; J. BORRICAND, Droit pénal,
Masson 1973, p. 145 et s. ; R. GARRAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal français, t. 3, Sirey, 3ème
éd.
1913 à 1935, n° 884 et s. ; H. DONNEDIEU DE VABRES, Traité de droit criminel et de législation pénale
comparée, Sirey, 3ème
éd., 1947, n° 427 et s. ; G. VIDAL et J. MAGNOL, Cours de droit criminel et de science
pénitentiaire, Rousseau et Cie, t. 1, 2ème
éd., 1902, n° 394 et s. ; M. PUECH, Droit pénal général, Litec, 1988, n°
1010 et s. ; Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle, Cujas, 1976, n° 86 et s. ; J. PRADEL et A.
VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz, 4ème
éd., 1994, n° 33 et s. ; G. LEVASSEUR, Droit
pénal général complémentaire, Dalloz, 1960, p. 348 et s. ; B. ZLATARIC, La participation criminelle et les
101
correspond à aucune incrimination pénale. Ce n’est que par référence à l’infraction de l’auteur
principal que ces actes prennent une « coloration pénale »421
, infraction dont ils vont
emprunter la criminalité. Une seule infraction lierait donc les deux agents. Pour poursuivre
l’exemple, le fait de renseigner une personne sur les habitudes d’autrui en sachant que ces
informations vont servir à commettre un cambriolage tombe, en revanche, sous le coup de la
loi pénale.
Au sein de cette conception, quelques variantes existent, l’emprunt de criminalité
pouvant être absolu si le complice est soumis aux mêmes peines que l’auteur principal ou
relatif si sa pénalité est atténuée.
Il est communément admis que le Code pénal français retient la théorie de l’emprunt
absolu de criminalité422
, même si l’emprunt de pénalité n’est plus de mise depuis l’entrée en
vigueur du nouveau Code pénal423
. Ainsi l’article 121-6 dispose-t-il que « Sera puni comme
auteur [et non plus comme l’auteur] le complice de l’infraction au sens de l’article 121-7. »,
ce dernier le complétant de la sorte : « Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui
sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.
Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou
de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre ».
Mais cette théorie a dévoilé des limites, tant sur le plan conceptuel que fonctionnel.
104. Critiques conceptuelles. – En premier lieu, d’un point de vue conceptuel, un
auteur montre ainsi que c’est une sorte de « souillure »424
, permettant de faire « passer
magiquement »425
la criminalité de l’auteur principal au complice, qui expliquerait le système
d’emprunt de criminalité. Les termes employés témoignent du discrédit jeté sur
différentes formes de complicité, RID pén. 1967, p. 157 et s. ; P. SAVEY-CASARD, La réglementation de la
complicité dans la partie spéciale du Code pénal de 1810, Rev. sc. crim. 1970, p. 547 et s. 421
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 537. 422
V. B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 340 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 11 ; contra J.
CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice selon l’article 59 du Code pénal, préc., pour qui
l’ancien Code pénal consacrait plutôt l’emprunt de pénalité. 423
Ainsi, le complice encourt désormais les mêmes peines que s’il avait été l’auteur principal de l’infraction, et
non plus la peine à laquelle était exposé précisément l’auteur principal, en vertu de la nouvelle rédaction de
l’article 121-6 du Code pénal . V. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Présentation des dispositions du
nouveau Code pénal, loi n° 92-683 à 92-686 du 22 juillet 1992, JCP G 1992, 3615, n° 27; J. LARGUIER, Droit
pénal général, Dalloz, 21ème
éd., 2008, p. 85 et 86 ; J. PRADEL, Le nouveau Code pénal (partie générale) (loi n°
92-683 du 22 juillet 1992), ALD 1993, n° 31. 424
J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice selon l’article 59 du Code pénal, préc. 425
Ibid.
102
l’expression… En effet, selon lui, le Code pénal consacrerait plutôt un emprunt de pénalité.
Mais cette assertion n’est plus vraie depuis la nouvelle rédaction de l’article 121-6426
. C’est
pourquoi d’autres mettent en exergue le fait que, plus qu’un emprunt de criminalité, le droit
français consacrerait un emprunt de qualification427
: « Ce que le complice emprunte au
délinquant, c’est l’acte matériel et surtout la qualification pénale des faits ». En effet, l’acte
matériel du complice, pris isolément, ne pourrait recevoir de qualification pénale faute d’être
un élément constitutif à part entière de l’infraction. Ce n’est que l’acte de l’auteur, parce qu’il
réalise matériellement cette dernière, qui permettrait cette qualification, devenant commune
aux deux protagonistes. Dès lors, à suivre ce raisonnement, aucune distinction avec la
coaction ne serait envisageable de ce point de vue, les coauteurs répondant également à la
même qualification pénale428
.
Mais une autre critique est avancée. Selon celle-ci, le postulat fondant la théorie de
l’emprunt de criminalité serait erroné dans la mesure où il serait faux de considérer qu’il
existe une différence de nature entre les actes du complice (innocents) et ceux de l’auteur
principal (criminels) : « Il n’y a pas une action criminelle par nature qui infecte toutes les
autres, mais un ensemble d’actions, criminelles non pas à raison de leur nature intrinsèque,
mais à cause des circonstances dans lesquelles elles ont eu lieu et du préjudice qu’elles ont
ou auraient pu déterminer »429
. Une telle analyse semble assez convaincante tant il est vrai
que les actes du complice ne sont pas nécessairement innocents, loin de là : le fait de fournir
une arme à feu à autrui, par exemple, est-il réellement dénué de toute criminalité intrinsèque ?
Plus encore, l’individu qui offre une somme d’argent à un individu pour qu’il en assassine un
autre commet-il là un acte innocent ? Cette analyse semble d’autant plus pertinente que sur le
plan fonctionnel, certaines insuffisances de la théorie de l’emprunt de criminalité ont
également été mises en avant.
105. Critiques fonctionnelles. – Ainsi, en second lieu, d’un point de vue fonctionnel, le
système de l’unité d’infraction ne permettrait pas d’appréhender pénalement des
comportements pourtant moralement choquants et démontrant une dangerosité certaine. En
effet, même si la jurisprudence n’a jamais exigé la répression effective de l’auteur
426 V. supra n° 103.
427 A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 333.
428 V. infra n° 117 et s.
429 J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 9.
103
principal430
, elle impose la constatation d’une infraction principale punissable. Sans celle-ci,
le complice n’a aucune criminalité à emprunter et doit rester impuni. Les arrêts
emblématiques en témoignant sont ceux rendus par la chambre criminelle le 25 octobre 1962,
Lacour et Schieb431
. Les faits étaient globalement similaires : un individu (Lacour dans la
première espèce, Schieb dans la seconde) avait remis des sommes d’argent (et un pistolet pour
Schieb) à un autre afin que celui-ci assassine son épouse. Cependant, ayant été pris de
remords (Lacour) ou dénoncé trop tôt (Schieb), l’homme n’avait pas agi. A défaut d’acte
tendant directement et immédiatement à la consommation de l’infraction432
, la tentative ne
pouvait être retenue, et il n’existait alors aucun fait principal punissable sur lequel la
complicité aurait pu venir se greffer. La Cour de cassation a donc considéré qu’ « il n’est pas
possible de retenir […] le crime de complicité de tentative d’assassinat,[…], la complicité ne
se concevant que s’il y a eu un fait punissable ». Bien évidemment, aussi justifiée
juridiquement que puisse paraître la solution, l’impunité de cette simple tentative de
complicité a soulevé de vives critiques puisque ces individus avaient commis, pour leur part,
la totalité des actes devant conduire au crime et que leur répression ne dépendait plus alors
que de l’action d’autrui433
.
Même si aujourd’hui les sieurs Lacour et Schieb tomberaient sous le coup de l’article
221-5-1 du Code pénal incriminant le mandat criminel434
, il reste que cet article n’élimine pas
toute possibilité d’impunité dans des hypothèses voisines435
.
430 V. par exemple Cass. crim., 10 avril 1975, Bull. n° 89, « La culpabilité du complice est indépendante de celle
de l’auteur principal ; la condamnation est suffisamment justifiée à son égard, si la décision qui la prononce
constate l’existence du délit et en relève les éléments constitutifs, alors même que la condamnation de l’auteur
principal ne serait pas encore effective ». 431
Cass. crim., 25 oct. 1962, Bull. n° 292 et 293. V. notamment D. 1963.221, note P. BOUZAT ; JCP G 1963, II,
12985, note R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1963, p. 553, obs. A. LEGAL ; M. PUECH, Les grands arrêts de la
jurisprudence criminelle, préc., n° 88 ; J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, 6ème
éd., Paris, Dalloz, 2007, n° 33, p. 415. 432
Sur la définition de la tentative, v. notamment : B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 243 et s. ; PH.
CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 324 et s. ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC,
Droit pénal général, préc., n° 449 et s. ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 380 et s. 433
V. notamment R. COMBALDIEU, Le problème de la tentative de complicité ou le hasard peut-il être arbitre de
la répression ?, Rev. sc. crim. 1959, p. 454 et s. ; C. GERTHOFFER, La tentative et la complicité, Mélanges PATIN,
p. 153 et s. 434
Celui-ci, mis en place par la loi, dispose : « Le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de
lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette un assassinat ou un
empoisonnement est puni, lorsque ce crime n'a été ni commis ni tenté, de dix ans d'emprisonnement et de
150 000 Euros d'amende ». 435
V. A. PONSEILLE, L’incrimination du mandat criminel ou l’article 221-5-1 du Code pénal issu de la loi du 9
mars 2004, Dr. pén. 2004, chron. n° 10.
104
De plus, il a été démontré que la théorie de l’emprunt de criminalité se comprenait si
on l’appliquait à l’élément matériel de l’infraction, mais souffrait de lacunes certaines si l’on
raisonnait sur l’élément moral de l’infraction436
et que l’on imaginait une discordance entre
l’intention de l’auteur principal et celle de son complice437
. En effet, il est possible qu’un
même acte matériel réponde à des qualifications différentes selon l’état d’esprit de l’auteur.
Ainsi en va-t-il de l’acte homicide : si son auteur a voulu la mort de la victime, il s’agira d’un
meurtre ; si ce résultat n’était pas souhaité, il s’agira d’un homicide involontaire. Or, en cas de
participation, il est concevable que l’auteur n’ait pas voulu la mort de l’individu alors que son
complice la recherchait. Que faire alors ? « Sans meurtre, pas de complicité de meurtre »438
conclut alors le père de cet exemple pour montrer l’imperfection de la théorie de l’emprunt de
criminalité.
Devant ces insuffisances, d’autres solutions ont été mises en avant, permettant de
dissocier les qualifications retenues à l’égard du complice et de l’auteur principal.
2- Une disparité envisageable selon les autres conceptions de la complicité
106. Solutions alternatives à l’emprunt de criminalité. – En dissociant les
qualifications applicables au complice et à l’auteur principal, certaines insuffisances évoquées
sont évitées. C’est ainsi que le droit positif, de façon marginale, a mis en place des solutions
alternatives à l’application de l’emprunt de criminalité. La théorie de la complicité délit
distinct (a) ainsi que celle de l’emprunt de matérialité (b) ont donc été respectivement utilisées
par le législateur et la jurisprudence.
a) La théorie du délit distinct
107. Pluralité d’infractions. – En vertu de la théorie du délit distinct439
, la
responsabilité de chacun des participants doit être considérée séparément, de façon autonome,
sans qu’aucun lien ne soit fait avec la responsabilité ou l’action des autres agents. Chaque
436 J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 12 et s.
437 V. infra n° 111 et s.
438 J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 12.
439 V. notamment R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 1, préc., n° 539 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal
Code, Art. 121-6 et 121-7, 2005, n° 8 et s.
105
protagoniste est alors jugé pour une incrimination autonome : le complice pour son
« infraction de complicité », et l’auteur pour sa propre infraction. Plusieurs infractions seront
donc constituées440
, et la répression sera facilitée dans la mesure où il ne sera pas nécessaire
d’établir un quelconque lien entre elles.
108. Applications en droit positif. – Cette conception est parfois appliquée en droit
positif français. Ainsi le législateur consacre-t-il de nombreuses dispositions à la répression
autonome de certaines formes de complicité, notamment la provocation à certaines
infractions441
. Le plus souvent, ces incriminations particulières se sont révélées nécessaires
car permettant de saisir des comportements qui ne pourraient l’être en vertu du droit commun
de la complicité. Mais cette théorie n’a jamais été pleinement consacrée en raison d’une
insuffisance majeure.
109. Insuffisance. – La théorie de la « complicité délit distinct » a effectivement été
décriée car elle conduit nécessairement à nier l’idée même de complicité. Un auteur a ainsi pu
écrire « la notion d’une complicité entièrement détachée de l’action de l’auteur aurait
quelque chose de contradictoire en soi. On n’est pas complice de façon absolue ; on est
complice de quelqu’un ou de quelque chose. Une complicité sans relation avec un acte
principal serait un non-sens. »442
. C’est pourquoi une nuance a été apportée à cette théorie,
afin de considérer la complicité comme un délit certes distinct, mais surtout conditionné.
110. Délit conditionné. – La complicité apparaîtrait alors comme un « délit-cadre, apte
à venir encadrer tous les autres délits » qui exigerait la constatation d’un acte délictueux
préalable, à l’instar du recel par exemple. Mais cet acte délictueux n’aurait pas à réunir tous
440 La complicité ne pourra donc apparaître, en aucun cas, comme un mode de participation à une infraction.
441 V. notamment pour le Code pénal : la provocation à la commission d’un assassinat ou d’un empoisonnement,
art. 221-5-1 ; le fait de provoquer un mineur à faire usage de stupéfiants, à la consommation habituelle de
boissons alcoolisées, à la mendicité, à commettre des crimes ou des délits, art. 227-18 à 227-21 ; la provocation à
la trahison ou à l’espionnage, art. 411-11, la provocation à la rébellion, art. 433-10. En outre, d’autres codes
contiennent des dispositions similaires (v. notamment C. santé publ., art. L. 3633-3 pour la provocation à l’usage
de stimulants sportifs ; C. just. milit., art. 414 pour la provocation à la désertion) ainsi que des lois spéciales (v.
notamment L. 29 juil. 1881, art. 23 et 24 pour la provocation publique et collective par voie de presse ; L. 15 juil.
1845, art. 17 pour la provocation aux attentats contre la circulation de chemin de fer). 442
J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice selon l’article 59 du Code pénal, préc.
Dans le même sens, v. G. AUSCALER et W. WOLTER, De la participation criminelle, RID pén. 1957, p. 49 et s.,
spéc. p. 51 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc. n° 8.
106
les éléments constitutifs d’une infraction. Il suffirait qu’il ait « figure reconnaissable de
délit »443
. Bien que cette conception de CARBONNIER n’ait jamais été consacrée par le Code
pénal, cette dernière idée selon laquelle la constatation d’une infraction ne serait pas
nécessaire à la répression du complice n’est pas sans rappeler une autre conception de la
complicité, attachée au seul emprunt de la matérialité de l’acte de l’auteur principal, qui a pu
être retenue par la jurisprudence.
b) La théorie de l’emprunt de matérialité
111. Conception objective. – La théorie de l’emprunt de matérialité tend à considérer
que l’acte du complice ne se greffe pas sur l’infraction de l’auteur principal mais seulement
sur son acte matériel. Partant, il n’est pas nécessaire que le complice partage l’élément moral
de ce dernier pour être punissable, tant qu’il a accompli des actes de participation constitutifs
de la complicité (intention de s’associer et actes positifs d’aide ou d’assistance ou
d’instigation444
).
Cette conception a pu être utilisée pour justifier la sanction du complice en dépit du
trouble mental sous lequel l’auteur principal avait agi, ou de son état de contrainte morale445
.
Pourtant, si la solution est admise sans difficulté par la jurisprudence446
, la plupart des auteurs
ne la fondent pas de la sorte. En effet, dans de telles hypothèses, ce n’est pas en raison d’une
absence de constitution de l’élément moral, et donc de l’infraction, que l’auteur principal ne
serait pas punissable mais plutôt car une de ses conditions d’imputation lui ferait défaut447
.
Raisonner ainsi évite le détour de l’emprunt de matérialité : l’infraction principale existe bel
et bien, et le complice peut l’emprunter dans son ensemble.
112. Discordance entre les intentions du complice et de l’auteur principal. – C’est
alors dans une autre situation que cette théorie a révélé son utilité. En effet, un auteur a
montré que des discordances entre les intentions du complice et de l’auteur principal étaient
443 Cette dernière idée n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle qui sera développée par la conception objective de
la complicité : v. infra n° 111 et s. 444
Sur la définition en droit positif de la complicité, v. supra n° 56. 445
V. notamment E. GARCON, Code pénal annoté, Tome I, 2ème
éd. De M. ROUSSELET, M. PATIN et M. ANCEL,
Paris, Recueil Sirey, 1956, articles 59 et 60, n° 118, p. 162. 446
V. notamment Cass. crim., 27 nov. 1845, DP 1846, 5, 94. 447
Sur ce point, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 198.
107
envisageables448
, précisément car la complicité n’exige pas une entente entre les participants
quant au comportement délictueux.
Certaines hypothèses étaient évoquées depuis longtemps, comme celle du complice
ignorant à quoi servirait l’aide apportée à l’auteur principal, ou celle du complice pensant
participer à une infraction déterminée alors qu’une autre est commise par l’auteur principal, et
les solutions paraissaient établies : dans la première hypothèse, la complicité par imprudence
n’étant pas concevable, l’individu ne peut être qualifié de complice ; dans la seconde, il
convient de distinguer selon que l’infraction commise par l’auteur principal porte atteinte à la
même valeur protégée que celle envisagée par le complice ou non. Si l’intérêt protégé est
identique, le complice pourra être poursuivi. Dans le cas contraire, il devra être relaxé. Par
exemple, un individu, pensant s’associer à un vol, indique les horaires de présence de ses
voisins dans leur maison à un tiers. Or, ce dernier, afin de faciliter son vol, les assassine. Le
premier individu croyait participer à une atteinte à la propriété alors que c’est une atteinte à la
vie qui a eu lieu : sa complicité ne devrait pas être retenue à l’égard du meurtre corrélé avec le
vol449
. En revanche, si l’infraction projetée et celle réalisée protègent toutes deux la même
valeur, comme l’escroquerie et l’abus de confiance, le complice sera punissable450
.
Mais une autre hypothèse a été mise en exergue : celle dans laquelle « un des agents a
été animé d’une intention méchante tandis que l’autre se voit taxer seulement
d’imprudence »451
. L’utilité de la théorie de l’emprunt de matérialité prendrait alors tout son
sens.
113. Intention criminelle chez l’un, simple imprudence chez l’autre. – L’exemple
célèbre pris par cet auteur est celui d’un chasseur affirmant à un autre la présence d’un animal
dans un fourré, alors même qu’il sait que ce dernier cache en réalité une personne qu’il
souhaite tuer. Si, suivant les conseils de son compagnon, le chasseur tire et atteint
mortellement sa cible, il ne pourra être qualifié d’auteur de meurtre, à défaut d’intention de
tuer de sa part. Que devient alors l’instigateur du coup de feu mortel ? Il ne peut être complice
448 J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 26 et s.
449 Cependant, il serait envisageable de la retenir à l’égard du vol : v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la
responsabilité pénale, préc., n° 202 qui montre ainsi que « si le complice emprunte une infraction imputable aux
faits commis par l’auteur, il n’emprunte pas l’infraction imputée à ce dernier ». 450
V. E. GARCON, Le Code pénal annoté, préc., n° 294 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel –
Droit pénal général, préc., n° 483 ; J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 30. 451
J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, préc., n° 31.
108
de meurtre à suivre la théorie de l’emprunt de criminalité, faute de meurtre. C’est pourquoi
l’auteur évoqué suggère que le complice n’emprunte que l’élément matériel commis par
l’auteur principal et conserve son propre élément moral. Dans cette hypothèse, le chasseur
ayant tué l’individu pourrait se voir imputer un homicide involontaire alors que l’instigateur
serait poursuivi pour complicité de meurtre, son intention de tuer étant caractérisée.
C’est ce que d’autres auteurs452
ont expliqué différemment par le concept de
« dépendance limitée ». Ils ont ainsi démontré qu’il convenait, en vertu de cette théorie, de
distinguer entre le côté subjectif et le côté objectif de l’acte. Quant au premier, la participation
serait un délit distinct, alors que quant au second, le lien de dépendance existerait toujours. Ils
poursuivent : « De cette manière la participation à un délit d’autrui se transforme en
participation à un acte d’autrui ».
Or, depuis quelques années, la jurisprudence consacre parfois ce raisonnement.
114. Arrêt de la Chambre criminelle du 8 janvier 2003. – La théorie de l’emprunt de
matérialité a reçu une application remarquée dans un arrêt rendu par la Chambre criminelle le
8 janvier 2003453
. En l’espèce, un homme était poursuivi pour exportation illicite de
stupéfiants pour avoir transporté de la cocaïne dans la roue de secours de son véhicule, alors
qu’un autre l’était pour complicité de ce même délit pour avoir mis en relation cet individu
avec le fournisseur de stupéfiants et donné des instructions sur les modalités de la livraison.
La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir relaxé le premier pour défaut
d’intention coupable (preuve ayant été faite de son ignorance quant à la marchandise
transportée) et retenu la responsabilité du second (chez qui la connaissance de la nature des
marchandises transportées ne faisait pas de doute) en considérant que le fait principal
punissable, l’exportation illicite de stupéfiants, était caractérisé. Le motif de la Chambre
criminelle est en effet sans équivoque : « dès lors que l’existence d’un fait principal
punissable, soit l’exportation illicite de stupéfiants, a été souverainement constatée par la
cour d’appel, la relaxe en faveur de Y… n’exclut pas la culpabilité d’un complice ».
452 G. AUSCALER et W. WOLTER, De la participation criminelle, préc., p. 51 et 52.
453 Cass. crim., 8 janv. 2003, Bull. n° 5; Rev. sc. crim. 2003, p. 553, obs. B. BOULOC; D. 2003, Jur. p. 2661, note
E. GARCON; D. 2004, Somm. 310, obs. B. DE LAMY, JCP G 2003, II, 10159, note W. JEANDIDIER.
109
115. Appréciation critique de la solution. – Cette solution, qui témoigne certainement
de la volonté répressive de la Cour454
, a suscité de vives critiques d’une partie de la doctrine,
celle-ci allant jusqu’à la qualifier de « condamnation au mépris des règles de la
complicité »455
et déplorant la « dénaturation du droit de la complicité »456
. En effet, ces
auteurs reprochent à la Cour de cassation de mettre de côté l’élément moral de l’infraction,
alors même que l’exportation illicite de stupéfiants, en tant que délit, exige une intention
criminelle457
. Or, ce n’est pas là sa position habituelle : les magistrats considèrent
généralement que la complicité n’est établie « qu’autant qu’il y a un fait principal punissable
dont l’existence est établie en tous ses éléments constitutifs »458
, et qualifient le plus souvent
le complice d’auteur moral dans de telles hypothèses459
.
En outre, la conception objective poserait des difficultés en ce qui concerne les
infractions qui ne se différencient que par leur psychologie460
(par exemple homicide
volontaire, homicide involontaire et violences ayant entraîné la mort sans intention de la
donner). En effet, pour reprendre l’exemple précédemment évoqué des deux chasseurs, le fait
principal ne peut être le même selon que l’on se place du point de vue de l’auteur ou du
complice, mais reste quoi qu’il en soit punissable, à la différence de l’espèce ayant donné lieu
à l’arrêt du 8 janvier 2003 : même si l’auteur n’a pas voulu porter atteinte à l’intégrité
physique de la victime, il existe bien un fait principal punissable en soi, l’homicide
involontaire. Le problème tiendrait alors au fait que la culpabilité de l’auteur principal puisse
également être retenue. Cependant, cette critique mérite d’être relativisée, la difficulté n’étant
pas insurmontable. Comme il l’a été dit, il est ainsi tout à fait possible de distinguer entre les
intentions respectives de l’auteur principal et du complice et d’en faire une application
distributive afin de déterminer quelle qualification leur sera imputable : l’élément moral de
chacun servira à déterminer l’infraction retenue.
454 Il aurait en effet été particulièrement choquant que l’instigateur de la manœuvre échappe à toute répression
grâce à l’innocence de l’auteur principal. 455
E. GARCON, note sous Cass. crim., 8 janv. 2003, D. 2003, Jur. p. 2661. 456
W. JEANDIDIER, note sous Cass. crim., 8 janv. 2003, préc., D. 2003, Jur. p. 2661, n° 8. 457
En vertu de l’article 121-3 du Code pénal, « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le
commettre ». 458
Cass. crim., 4 mars 1998, Bull. n° 83. 459
Cependant, la pertinence de ce dernier argument est discutable car cette qualification d’auteur moral conduit
également à dénaturer la complicité telle qu’envisagée par le Code pénal : v. infra n° 232. 460
B. DE LAMY, note sous Cass. crim., 8 janv. 2003, préc., D. 2004, Somm. 310.
110
C’est pourquoi la critique la plus pertinente reste certainement celle tirée du non
respect du principe de légalité criminelle. En effet, le Code pénal exige expressément que la
complicité se greffe sur une infraction, et non sur un simple fait matériel. L’alinéa 1er
de
l’article 121-7 dispose ainsi qu’ « est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui… »,
son alinéa 2 poursuivant en précisant qu’est complice celui qui « aura provoqué à une
infraction ». Même si certains ont considéré que ces textes n’avaient pas une « signification
restreinte »461
, rien ne permet de l’affirmer avec certitude et il reste que les termes employés
s’y opposent.
Malgré ces critiques, la solution sera confirmée par un arrêt du 15 décembre 2004 dans
lequel la Chambre criminelle admet la responsabilité de l’instigateur d’une infraction fiscale
en dépit de la relaxe de l’auteur principal pour défaut d’intention462
. Pour autant, la Cour de
cassation n’a pas renoncé à appliquer la théorie de l’emprunt de criminalité, et il faut donc
considérer, à l’instar d’un auteur, que les deux conceptions coexistent, l’emprunt de
matérialité venant « suppléer la conception juridique lorsque celle-ci est défaillante »463
. Dès
lors, dans cette hypothèse, la complicité pourra s’analyser comme une participation à un fait
délictueux, et non à une infraction.
116. La complicité distincte d’un mode de participation à une infraction unique. –
Ainsi, ne pas exiger d’entente entre le complice et l’auteur principal, c’est permettre
d’envisager la complicité comme une participation à un fait délictueux et non à une infraction,
et laisser la place à une éventuelle discordance entre les qualifications qui seront reprochées
au complice et à l’auteur principal464
. La jurisprudence l’a du reste admis dans une autre
hypothèse, alors même que l’intention de commettre une infraction était présente tant chez le
complice que chez l’auteur principal. Elle a en effet réprimé un individu pour complicité de
faux et usage du sceau de l’Etat alors que l’auteur avait été, pour sa part, condamné du chef
461 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 897.
462 Cass. crim., 15 déc. 2004, JurisData n° 2004-027401 ; Dr. pén. 2005, Comm. 79, obs. J.-H. ROBERT.
463 A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 372.
464 Dans le même sens, v. S. FOURNIER, Le nouveau Code pénal et le droit de la complicité, préc., n° 15, selon
qui le nouvel article 121-6 du Code pénal « n’impose pas avec la même rigueur l’identité de qualification ».
L’auteur envisage ici l’exemple du chasseur en décidant un autre à tirer sur un individu alors que le provoqué
pense viser un animal pour considérer qu’ « il n’y a plus d’obstacle de principe à ce que le complice puisse, dans
certains cas, encourir les peines attachées à une qualification qui ne serait pas exactement identique à celle
applicable à l’auteur principal ».
111
d’escroquerie465
. Dans une telle hypothèse, plusieurs infractions étaient alors être constituées,
les unes à l’égard du complice, l’autre à l’égard de l’auteur principal. La complicité ne peut
donc s’analyser, de façon générale, comme un mode de participation à une infraction, et
encore moins comme un mode de participation à une infraction unique466
. Or, cet argument ne
se retrouve pas en ce qui concerne la coaction, ses participants ne pouvant subir une disparité
de qualifications.
B- L’impossibilité d’une disparité de qualifications entre coauteurs
117. Entente sur l’infraction. – Dès lors que l’on exige une entente entre les
participants, il serait tentant de croire que toute discordance entre les qualifications qu’ils
encourront est impossible. Pour autant, dans les exemples précités467
, il existait bien une
entente entre le complice et l’auteur principal, mais aucune identité de qualifications, car
l’accord ne portait que sur un comportement matériel. Or, en matière de coaction, il est
nécessaire que l’entente porte sur l’infraction dans son ensemble (ce qui inclut son élément
psychologique)468
: l’objet de l’entente nécessaire à la caractérisation d’une coaction est donc
plus large que celui éventuellement présent en matière de complicité. Cette exigence d’un
accord relatif à l’infraction n’a jamais été discutée en doctrine, et s’explique notamment par
les rapports d’égalité unissant les coauteurs469
. En revanche, il n’est évidemment pas exigé
que l’accord entre coauteurs porte également sur les mobiles de l’infraction lorsque ces
derniers ne sont pas nécessaires à sa caractérisation.
Partant, si l’entente porte sur l’infraction dans son ensemble, les discordances
éventuelles envisagées précédemment470
entre les intentions respectives des participants ne
peuvent plus apparaître, et il devrait nécessairement en découler une identité de qualifications
entre coauteurs471
.
465 Cass. crim., 28 févr. 1952, S. 1953, 1, p. 141.
466 Bien qu’elle puisse l’être : l’individu qui fournit une arme à autrui en sachant qu’elle est destinée à tuer autrui
participe, certes, au fait délictueux, mais plus largement, à l’infraction de l’auteur principal. 467
V. supra n° 113 et s. 468
Sur le fait de savoir si l’infraction doit s’entendre comme incluant les circonstances aggravantes ou non, v.
infra n° 347 et s. 469
V. infra n° 279 et s. 470
V. supra n° 112. 471
Il pourrait toutefois être objecté qu’il est concevable, en cas d’entente préalable et donc d’infraction
intentionnelle (v. infra n° 121), que l’infraction effectivement réalisée diffère de celle sur laquelle les
112
C’est d’ailleurs là l’intérêt de la coaction mis en exergue par un auteur, selon qui « si,
improbable hypothèse, la jurisprudence venait à abandonner l’unité de qualification des
infractions imputées à l’auteur et au complice, cette unité de répression établie entre les
coauteurs donnerait une nouvelle utilité à la notion de coaction »472
.
118. Conclusion de la section 1. – Dans la mesure où chaque coauteur, en tant que
participant à l’infraction, témoigne d’une volonté de s’associer, la rencontre de ces volontés
donne lieu à une véritable entente entre eux. Partant, aucune disparité de qualifications n’est
envisageable : les coauteurs participent à la même infraction. Ce caractère apparaît alors
comme un critère de distinction par rapport à la complicité : celle-ci ne supposant pas une
entente entre le complice et l’auteur principal, elle n’entraîne pas nécessairement une identité
de qualifications entre eux. Le complice pourra ainsi être poursuivi pour une infraction alors
que l’auteur principal sera paradoxalement répréhensible du chef d’une autre qualification.
L’entente apparaît donc comme une condition nécessaire de la coaction, véritable
critère distinctif de ce mode d’imputation. Il convient alors de s’interroger sur le fait de savoir
si l’objet de cette entente revêt une importance.
participants s’étaient initialement accordés. Mais il faut alors se rappeler que la coaction suppose une
concomitance (v. infra n° 283), limitant alors ces divergences.
En effet, si tous les coauteurs sont présents lors de la commission de l’infraction, ils peuvent choisir, en
connaissance de cause, de s’associer, ou non, à la réalisation de la nouvelle infraction. Il convient là encore de
distinguer deux cas de figure : le ou les autres participants ne s’émeuvent pas de la nouvelle infraction réalisée,
et il est possible de caractériser une entente de fait constitutive de coaction, ou alors, ce ou ces autres participants
témoignent positivement de leur refus de s’associer à cette infraction (en tentant de l’empêcher, ou en refusant de
poursuivre leurs méfaits), et on ne devrait pas pouvoir les considérer comme des coauteurs. Cette dernière
affirmation doit être nuancée selon que l’infraction effectivement réalisée était prévisible au regard de celle
projetée (distinguer selon la nature intentionnelle ou non de l’infraction reprochée) : si tel était le cas, les
participants devraient pouvoir en répondre en tant que coauteurs, dans les mêmes conditions que celles retenues
en matière de complicité dans des hypothèses similaires (V. infra n° 353 et s.).
Il est cependant vrai que la concomitance n’implique pas nécessairement une unité de lieu (V. infra
n° 284). Dans cette hypothèse, il faudrait alors raisonner de même : soit l’infraction effectivement commise porte
atteinte à la même valeur protégée que celle initialement envisagée, et les individus pourront être considérés
comme des coauteurs, soit c’est une valeur différente qui est en jeu, et la coaction ne devrait être retenue, les
deux individus s’analysant alors comme de simples auteurs juxtaposés. 472
J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 372.
113
Section 2- L’indifférence à l’objet de l’entente entre coauteurs
119. Entente et restriction apparente du champ d’application de la coaction. –
Exiger une entente en matière de coaction pourrait conduire à restreindre le champ
d’application de ce mode de participation à l’infraction : en imposant un accord entre ses
différents agents, la coaction pourrait sembler, de prime abord, ne concerner que les
infractions dont le résultat aurait été prévu par les participants. Seules certaines incriminations
seraient alors susceptibles de connaître des coauteurs. Mais c’est en réalité ajouter à la
définition de l’entente, son objet étant totalement indifférent à sa constatation.
120. Entente réfléchie ou instantanée. – De même, l’entente ne suppose qu’un accord
entre au moins deux personnes, rien de plus. Or, un accord peut tout aussi bien résulter
d’âpres négociations qu’être instantané. Et l’entente criminelle ne déroge pas au constat.
Ainsi, l’entente peut précéder la commission de l’infraction ; elle est donc réfléchie
(ou tout au moins quelque peu pensée), et résulte d’une concertation entre les divers
coauteurs. Mais elle peut également lui être concomitante ; l’entente est alors spontanée, quasi
instantanée, non réfléchie. L’entente s’entend en effet d’un accord de volontés, sans exiger
que celui-ci se soit exprimé formellement et préalablement à l’infraction. Il s’agit par exemple
de l'hypothèse dans laquelle deux individus, attirés par un objet dans une vitrine, décident
soudainement de s'en emparer. La question de la possibilité d’une entente non réfléchie a
d’ailleurs pu être posée, notamment quant à savoir si des coauteurs pouvaient commettre un
meurtre ou si ce dernier ne se transformait pas nécessairement en assassinat en raison de cette
exigence d’entente. A cet égard, un auteur473
cite un arrêt de la Cour de Cassation de
Belgique474
qui a admis la coexistence de complices et de coauteurs dans un meurtre simple.
La préméditation475
ne serait donc pas une condition de l’entente, ce qui se comprend
parfaitement. De façon plus générale, les caractères de l’entente sont alors indifférents et ne
viennent pas limiter le nombre d’infractions susceptibles d’être commises en coaction. Mais il
n’en va peut-être pas de même s’agissant de l’objet de l’entente. L’entente peut en effet porter
473 R. LEGROS, L’élément intentionnel dans la participation criminelle, préc., n° 23.
474 C. Cass., 29 sept. 1871.
475 V. infra n° 123.
114
sur différents objets, ce qui n’est pas sans influence sur les types d’infractions susceptibles de
connaître de la coaction. Il convient ainsi de traiter des objets possibles de l’entente (§1) avant
de montrer les conséquences de l’indifférence à l’objet de l’entente (§2).
§1- Les objets possibles de l’entente
121. Entente sur le résultat infractionnel et entente sur l’acte infractionnel. –
S’interroger sur les objets possibles de l’entente revient à se demander sur quoi celle-ci doit
porter pour pouvoir caractériser une coaction. Que faire, par exemple, si les conséquences de
l’action des participants dépassent ce qu’ils avaient prévu lors de l’entente ? Pourra-t-on
toujours les considérer comme des coauteurs de l’infraction effectivement réalisée ? Ces
questions rejoignent celle de l’élément moral de l’infraction et conduisent à se demander si les
coauteurs doivent avoir nécessairement voulu l’infraction effectivement réalisée, au-delà de
celle sur laquelle ils s’étaient entendus. Il s’agit alors de savoir si l’entente doit porter sur le
résultat infractionnel (A) ou s’il suffit qu’elle porte sur l’acte infractionnel (B) pour
caractériser la coaction.
A- L’entente sur le résultat infractionnel
122. Infractions en jeu. – Lorsque des individus s’accordent sur le résultat de
l’infraction, ils tendent leur volonté vers celui-ci, et s’entendent ainsi sur la réalisation d’une
infraction intentionnelle476
, que cette entente soit réfléchie ou spontanée. En revanche, le
résultat d’une infraction non intentionnelle étant par définition non recherché, il serait
inconcevable que la coaction porte sur de telles incriminations dès lors que l’on exigerait de
l’entente qu’elle porte exclusivement sur le résultat infractionnel.
Dans une telle hypothèse, le spectre de la coaction, bien qu’apparemment réduit aux
infractions intentionnelles, n’en demeurerait pas moins vaste pour autant, car aucune autre
limitation ne serait à déplorer. En effet, ce type d’infractions permet d’englober aussi bien les
comportements de commission, exigeant un acte positif en tant qu’élément constitutif, que
d’omission, se contentant d’une simple abstention de la part de ses participants. Or, s’il est
476 L’intention étant définie comme la volonté tendue vers le résultat pénal : v. notamment PH. CONTE et P.
MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 213.
115
tout à fait envisageable de s’entendre sur la réalisation d’une infraction de commission telle
que le meurtre par exemple, il l’est également en ce qui concerne les infractions d’omission.
Ces dernières imposant une obligation d'agir, si deux personnes tenues à cette obligation se
concertent et décident de s'abstenir d'intervenir, elles pourront être considérées comme des
participants à l'infraction en question. Ainsi, le fait pour deux individus de décider,
sciemment, de ne pas intervenir alors qu’ils aperçoivent une personne se noyer s’analyse bien
comme une abstention intentionnelle réprimée par l’article 223-6 du Code pénal, abstention
concertée. La jurisprudence a d’ailleurs affirmé depuis longtemps, et à maintes reprises, la
répression de la complicité d’infractions d’abstention477
, notamment dans le cas d'abstentions
dans la fonction, c'est-à-dire d'hypothèses dans lesquelles les individus étaient tenus d'agir en
vertu d'une obligation professionnelle478
, dans la mesure où une entente pouvait être constatée
entre eux. Par exemple, la Chambre criminelle a considéré que le fait, pour un expert
comptable d'omettre de vérifier et de redresser la comptabilité de son client était constitutif de
complicité de fraude fiscale479
. Dans ces différents cas de figure, l’entente n’a pas à être
matérialisée, extériorisée. Il s’agit d’une véritable collusion480
, « d’une entente à mi-mot,
d’une entente parfois muette, mais cependant très réelle et aux effets palpables, puisque
l’auteur sait qu’il peut compter sur le silence approbateur d’un tiers et qu’il a les mains
libres »481
.
En outre, dès lors que l’entente porte sur le résultat infractionnel, elle permet
d’appréhender le comportement de celui qui provoque un tiers ou lui donne des instructions
afin qu’il commette une infraction, c’est-à-dire le comportement de l’instigateur, envisagé par
le Code pénal comme un complice482
. L'instigateur, parfois qualifié d'auteur moral, se définit
comme celui qui donne des instructions à un individu, l'auteur matériel, ou le provoque par
divers moyens, afin qu'il réalise une infraction. L'exemple classique est celui de l'homme
offrant une somme d'argent à un tueur à gages dans le but qu'il exécute son épouse. Il existe
477 Certes, la complicité ne requiert pas nécessairement une entente (v. supra n° 93 et s.). Cependant, l’entente
n’est pas exclusive de la complicité, et il est alors possible de la constater entre un complice et un auteur
principal. 478
V. notamment pour des tapages nocturnes non contenus par les débitants de boissons : Cass. crim., 14 nov.
1924, D. 1925, I, 332 ; 15 janv. 1974, Bull. n° 22 ; 17 févr. 1988, Bull. n° 80. 479
Cass. crim., 15 janv. 1979, Bull. n° 21; RJ com., 1982, p. 293, note B. BOULOC. 480
Sur le concept de collusion, v. A. DECOCQ, Inaction, abstention et complicité par aide ou assistance, JCP G
1983, I, 3124. 481
A. VITU, obs. sous Cass. crim., 19 déc. 1989, Rev. sc. crim. 1990, p. 775. 482
C. pén., art. 121-7.
116
bien une concertation entre ces deux protagonistes. Pour autant, dire que la coaction permet
d’englober le comportement de l’auteur moral ne signifie pas nécessairement que ce dernier
doive être considéré comme un coauteur. Comme il l’a été vu483
, si la complicité n’exige pas
d’entente en tant qu’élément constitutif, cette dernière peut toutefois (et bien souvent) se
concevoir dans ce mode de participation. Dès lors, ce sont d’autres données qui permettront
de trancher quant à savoir si l’auteur moral doit être considéré comme un simple complice ou
comme un véritable coauteur484
.
123. Comparaison avec la préméditation. – Quoi qu'il en soit, dès lors que l'on
raisonne sur une entente relative au résultat de l’infraction, la parenté avec la préméditation
est évidente485
. Cette dernière constitue en effet une circonstance aggravante définie par
l’article 132-72 du Code pénal comme « le dessein formé avant l’action de commettre un
crime ou un délit déterminé ». Elle implique ainsi également une certaine préparation. Et dans
le cas où l’infraction projetée par les coauteurs connaît de la circonstance de préméditation,
l’établissement d’une entente préalable portant sur le résultat de l’infraction permettra de
prouver l’existence de cette circonstance.
Pour autant, la comparaison entre entente et préméditation doit s’arrêter là. En effet, la
préméditation n’est qu’une circonstance aggravante, ce qui n’est pas le cas de l’entente : la
préméditation doit donc être expressément prévue par un texte d’incrimination pour pouvoir
être réprimée. En revanche, l’entente n’est pas un mode particulier de commission de
l’infraction à proprement parler, mais permet simplement de révéler ce particularisme. Elle
n’est donc pas soumise au principe de légalité criminelle et peut alors, potentiellement,
concerner toute infraction.
De plus, il est admis que la préméditation n’a pas à être particulièrement soignée et
longue. Ainsi un auteur considère-t-il que « la préméditation est moins une affaire de temps
dans l'action que d'intensité dans l'intention »486
, exprimant par là que la préméditation, avant
d’être une question de temps consacré au projet criminel, est davantage une question de
maturation de ce dernier. Mais elle implique nécessairement un minimum de préparation. Or,
483 V. supra n° 93 et s.
484 En particulier la question de la dépendance matérielle et de la concomitance: v. infra n° 279 et s.
485 En ce sens, v. R. LEGROS, préc., n° 23, pour qui le concert frauduleux s’analyse comme « une sorte de
préméditation commune ». 486
Y. MAYAUD, Rép. pén. Dalloz, v° Le meurtre, 2006, n° 171.
117
cela n’est pas vrai de l’entente : celle-ci peut être contemporaine de la perpétration de
l’infraction487
.
Enfin, alors que la préméditation s’entend généralement de la prévision du résultat
infractionnel, l’entente peut ne porter que sur l’acte infractionnel.
B- L’entente sur l’acte infractionnel
124. Absence de prévision des conséquences de l’acte. – Il est concevable que des
individus s’accordent seulement sur l’acte ou les actes qu’ils entendent commettre, soit que
les conséquences de ces actes leur semblent indifférentes, soit qu’elles aient dépassé leurs
prévisions, ou encore qu’ils ne les aient même pas envisagées. Le résultat effectivement
réalisé n’a ainsi pas été décidé d’un commun accord par les participants, seuls leurs actes l’ont
été. L'entente sur l’acte infractionnel permet donc d'appréhender des hypothèses qui ne
pourraient l'être si l'on raisonnait simplement sur une entente sur le résultat infractionnel. Il a
ainsi été établi que cette dernière impliquait nécessairement la caractérisation d'infractions
intentionnelles. Or, l'entente sur l’acte infractionnel permet, pour sa part, d'englober aussi bien
les infractions intentionnelles que non intentionnelles. Il convient de distinguer ainsi deux
hypothèses, selon qu’aucun résultat pénal n’avait été voulu par les individus ou qu’un résultat
pénal avait été envisagé par ces derniers mais qu’il a dépassé leurs prévisions.
125. Entente sur un acte imprudent. – L’entente portant exclusivement sur l’acte à
effectuer laisse place à des comportements d'imprudence ou de négligence inenvisageables
lorsque l'entente porte sur le résultat infractionnel. Il est ainsi possible de partager un état
d'esprit imprudent, en particulier en ce qui concerne les imprudences conscientes. Celles-ci
désignent des infractions dont l'élément moral suppose un dol éventuel, c'est-à-dire qu'elles
n'exigent pas la volonté de causer le résultat dommageable, mais impliquent la conscience,
chez ses auteurs, de la possibilité de survenance de celui-ci. Un auteur488
prend ainsi
l'exemple du directeur d'une compagnie aérienne qui, sachant que l'appareil n'est pas en
parfait état, décide néanmoins de faire décoller l'avion. Il n'a évidemment pas l'intention de
causer la mort des passagers, mais sait que celle-ci est envisageable.
487 V. supra n° 120.
488 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 283.
118
Or, deux personnes pourraient partager cet état d'esprit, et la jurisprudence admet
classiquement que l'on puisse s'associer à la commission d'une imprudence consciente489
,
même si elle fluctue quant au mode d'imputation à retenir entre les différents agents490
:
coauteurs, complice par provocation et auteur matériel, auteurs direct et indirect.
126. Entente sur un acte intentionnel. – Mais alors que l’hypothèse précédente
concernait des individus n’ayant absolument pas voulu causer de résultat pénal, il est
concevable que certains aient recherché un résultat pénal mais que celui-ci ait dépassé leurs
prévisions. Pourraient-ils alors être considérés comme des participants à l’infraction
effectivement réalisée ?
Prenons deux exemples : des individus en frappent un autre qui décède alors que ce
n’était pas l’intention des participants aux violences ; deux individus placent une bombe dans
un bâtiment afin de le détruire et malgré toutes les précautions prises pour vérifier que le
bâtiment est vide, ils tuent un individu s’y trouvant. Dans la première situation, il semble
possible de considérer que l’objet de protection sociale effectivement atteint par les individus
est le même que celui qu’ils souhaitaient toucher (les personnes), justifiant là de les considérer
comme des coauteurs des violences mortelles491
. Surtout, l’infraction de violences mortelles
est précisément prévue pour les hypothèses dans lesquelles la mort de la victime est
intervenue alors que ce n’était pas le résultat recherché par ses agresseurs, et donc que le
résultat atteint a dépassé les prévisions de ces derniers. Dans la seconde situation, la valeur
sociale atteinte (la vie) est différente de celle envisagée par les malfaiteurs (l’intégrité des
biens) et la solution semble alors plus délicate. Doit-on ainsi considérer que deux infractions
ont été commises : une destruction de bien présentant un danger pour les personnes492
, et un
homicide involontaire493
? Ce dernier pourra-t-il être imputé aux deux individus en tant que
coauteurs dès lors qu’ils s’étaient entendus sur l’acte ayant conduit à la mort de la victime ? Il
n’y a, a priori, aucune raison de refuser cette solution, d’autant plus que l’homicide
involontaire a eu lieu par l’intermédiaire d’une infraction intentionnelle grave, dangereuse
489 V. infra n° 151 et s.
490 Sur cette question, v. infra n° 151 et s.
491 Comp. les solutions relatives à la communication des circonstances aggravantes : v. infra n° 345 et s.
492 C. pén., art. 322-6 qui dispose que « La destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant
à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger
pour les personnes est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150000 euros d'amende ». 493
C. pén., art. 221-6.
119
pour les personnes, commise en coaction, et que l’on pourrait ainsi rapprocher d’une
imprudence consciente. Mais le Code pénal répond à ces interrogations puisque l’article 322-
10 dispose que « L'infraction définie à l'article 322-6 est punie de la réclusion criminelle à
perpétuité et de 150000 euros d'amende lorsqu'elle a entraîné la mort d'autrui ». Il ne fait
ainsi aucune distinction selon que la mort a été recherchée ou non, et l’on ne voit donc pas
pourquoi rejeter la coaction dans une telle hypothèse dès lors qu’une entente portant sur la
réalisation de l’acte de l’infraction est relevée.
127. Preuve de l’entente. – Quoi qu’il en soit, l’entente sur l’acte infractionnel pourrait
ainsi suffire à caractériser une coaction. Certes, la preuve de l’entente pourra apparaître
délicate, en particulier lorsque cette dernière sera spontanée. Tout va déprendre, en réalité, de
savoir si elle a été extériorisée ou non.
128. Accord extériorisé. – Si l'accord entre les participants a été extériorisé, sa preuve
va être facilitée, y compris en matière d'infractions non intentionnelles. Cela pourra se
traduire par le fait que chacun réalise positivement le même acte d'imprudence, l'un suivant
l'exemple de l'autre (deux conducteurs se doublent tour à tour dans un virage, la compétition
entre eux valant une forme d’accord), mais on pourrait aussi concevoir l'hypothèse dans
laquelle, sans que les actes réalisés aient été identiques, l'accord a été succinctement
formalisé : la proposition émise verbalement par un agent est suivie d'effet. C'est le cas par
exemple du passager d'une voiture qui conseille au conducteur de brûler un feu rouge, celui-ci
s'exécutant. Le passage à l'acte du conducteur suite au conseil du second occupant de
l'automobile permet bien de caractériser une entente.
129. Accord tacite. – En revanche, si l'accord n'a pas été extériorisé de la sorte, le
simple fait de prendre part à l'infraction en connaissance de cause devrait permettre de
présumer l'entente entre les protagonistes car il la matérialise. Le fait de participer
spontanément et consciemment à l'infraction implique, en effet, une adhésion morale à celle-
ci et la volonté de s'y associer. Cela est d'autant plus vrai s'il est établi que les différents
participants se connaissaient mais cet élément n'est en rien nécessaire. Ainsi en est-il de
l'homme qui prendrait part spontanément à un « passage à tabac » : qu'il connaisse ou non les
120
agresseurs initiaux, dès lors que ceux-ci ne s'opposent pas à son intervention, une entente
tacite entre eux pourrait être caractérisée. De ce point de vue, les scènes uniques de violence
n’excluent donc pas la coaction494
.
130. N'exiger qu'une entente entre coauteurs, sans égard à son objet, produit ainsi des
conséquences importantes quant aux hypothèses dans lesquelles ce mode de participation est
susceptible d'être retenu.
§2- Les conséquences de l’indifférence à l’objet de l’entente
131. Unicité de l'infraction commise en coaction. – Il a été précédemment établi que
la coaction s'entendait d'une participation à une infraction, notamment en raison de l'entente
existant entre ses agents, et impliquait inévitablement une identité de qualifications entre eux.
Pour autant, identité de qualifications ne signifie pas que deux infractions, semblables, ne
puissent être constituées. Celles-ci seraient simplement juxtaposées495
. L’exemple peut être
ainsi pris de deux agents dérobant des objets dans un château496
: si chacun se trouve dans une
aile différente de la bâtisse, et ignore la présence de l’autre, ils pourront tous deux être
poursuivis pour vol. Cependant, il y a bien là deux vols, non un vol commun. En effet,
puisque la participation s'entend d'une participation à un ensemble497
, et que la coaction se
greffe nécessairement sur une infraction498
, ce mode d'imputation devrait alors s'analyser
comme une participation à une infraction unique. En outre, considérer que la coaction n'est
qu'une simple juxtaposition d'infractions ne permettrait pas de rendre compte du lien
indissociable unissant les coauteurs, et dont l'entente est l'un des éléments. D'ailleurs, cette
dernière est traditionnellement considérée comme un moyen, pour la jurisprudence, de réduire
494 En revanche, la réponse sera plus délicate quand il s’agira de s’intéresser à l’objet de l’entente : sur quoi doit-
elle porter ? Sur l’infraction projetée ? L’entente doit-elle aller jusqu’à s’accorder sur les mobiles de
l’infraction ? Sur ses conséquences imprévues ? Mais comment s’entendre sur ce qu’on ne peut prévoir… ? De
plus, quand l’entente est instantanée comme dans notre exemple, le contenu de l’accord est peut-être différent
selon chacun des protagonistes (l’un pense s’associer à un « avertissement » et l’homme est tué, volontairement
ou non … Devra-t-il en répondre, selon quels critères ?) Ces questions seront traitées ultérieurement : v. infra
n° 363 et s. 495
En ce sens, v. notamment Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime organisé, préc. 496
Exemple emprunté à F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 258. 497
V. supra n° 26. 498
V. supra n° 88 et s.
121
à l'unité ce qui apparaît à première vue comme pluralité. En effet, lorsque différentes actions
contribuent à un même dommage, les juges ont tendance à mêler les différentes actes afin de
les considérer globalement. Ce raisonnement ne fait alors que conforter l'idée selon laquelle la
coaction ne peut s'analyser comme une simple juxtaposition d'infractions.
132. L'entente, moyen de réduire la pluralité à l'unité. – En effet, dans l'hypothèse
d'un dommage causé en groupe, il est parfois délicat de déterminer la part de criminalité de
chacun des participants, « tant les actions se fondent les unes dans les autres »499
. C'est
particulièrement la question du lien de causalité qui engendre des difficultés : comment
caractériser celui-ci à l'égard de chaque protagoniste alors même qu'on ne sait qui a causé le
résultat infractionnel ? La jurisprudence a généralement recours à une technique, qualifiée de
finaliste par un auteur500
, afin de considérer que les différents agissements des intervenants ne
forment qu'une seule et unique infraction, dont le lien de causalité avec le dommage pourra
être établi avec certitude. Une « cause unique »501
émerge alors. Or, cette technique ne peut, a
fortiori, qu'être approuvée dès lors qu'une entente est établie entre les participants, cet accord
ne faisant que renforcer l'indivisibilité de cette cause502
.
Qui plus est, en se contentant d'une entente sur l’acte infractionnel, la coaction peut se
retrouver aussi bien en matière d’infractions intentionnelles que non intentionnelles503
. La
réduction de l'unité à la pluralité se fait alors dans deux grandes séries d'hypothèses,
fréquemment relevées en jurisprudence : lors de violences collectives (A), ainsi que lors de ce
qui est généralement appelé une imprudence commune (B).
499 Y. MAYAUD, Les systèmes pénaux à l'épreuve du crime organisé, préc., spéc. p. 794.
500 PH. SALVAGE, Les infractions commises au sein d'un groupe informel : l'établissement des responsabilités
et la méthode du droit, Dr. pén. 2005, chron. n° 8. Selon cet auteur, cette méthode selon laquelle « la fin
recherchée est davantage susceptible d'expliquer un phénomène que la cause efficiente de celui-ci », présente le
mérite d'éviter l'impunité d'individus dont le lien de causalité entre leurs agissements et le résultat infractionnel
ne pourrait être établi, au contraire de la méthode déterministe, exigeant que la causalité entre chaque participant
et le résultat infractionnel soit établie. 501
A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc.,
n° 704 et s. 502
Sur cette notion, v. infra n° 138 et s. 503
V. supra n° 121 et s.
122
A- La coaction envisageable en cas de violences collectives
133. Scène unique de violences et complicité corespective. – Dès lors que l'on parle
de violences collectives, c'est sur l'infraction de violences, commise par plusieurs participants,
que l’on raisonne. Elle est appréhendée par la circonstance aggravante de réunion aux articles
222-8 8° du Code pénal pour les violences mortelles, 222-12 8° du même code pour celles
ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours et 222-13 8° pour
celles ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou aucune
incapacité de travail. Ces violences peuvent aussi bien résulter d'une concertation préalable,
d'une certaine prévision entre les participants (ce sera par exemple l'hypothèse d'une
« expédition punitive » orchestrée par différents individus afin de venger un membre de leur
bande) ou d'une inspiration collective spontanée. Or, la coaction se contentant d'une entente
instantanée504
, elle est toujours envisageable dans ces différentes hypothèses. Cela est d'autant
plus vrai que la doctrine comme la jurisprudence considèrent les différents comportements
des protagonistes de façon globale, comme formant un tout indivisible, une « scène unique ».
Là encore, la coaction s'entendant d'une participation à une infraction unique505
, son
adéquation à ce cas de figure mérite d'être soulignée. Pourtant, en dépit de toute logique, c'est
souvent la complicité qui est retenue comme mode de participation dans ces hypothèses. La
jurisprudence, quand il est impossible de déterminer avec certitude quel participant a porté le
coup le plus grave à la victime, considère en effet que tous les auteurs des violences sont
complices les uns des autres et donc de celui qui a porté le coup le plus grave. Mais cette
théorie dite de la complicité corespective, loin d'emporter l'adhésion doctrinale sur le plan des
principes juridiques, ne peut être approuvée tant elle entraîne de difficultés. Surtout, c’est
uniquement de la notion de coaction que peut relever la participation à une scène unique de
violences (1), permettant ainsi de rejeter définitivement la complicité corespective (2).
1- La théorie de la scène unique de violences
134. Hypothèses. – Dans l'hypothèse où différents individus ont porté des coups à une
même victime, il est souvent délicat de déterminer avec certitude si les blessures – voire la
504 V. supra n° 120.
505 V. supra n° 88 et s.
123
mort – en résultant, sont le fruit d'une personne en particulier ou de l'action conjuguée des
différents agents. Ainsi en va-t-il de l’hypothèse dans laquelle plusieurs personnes en frappent
une autre sans qu’il soit possible de déterminer si la mort de la victime est dûe à l’un des
coups portés ou à leur ensemble. Il s’agit encore du cas dans lequel deux frères, munis de
couteaux, avaient participé à une rixe au cours de laquelle deux personnes ont été blessées par
arme blanche ; il a été prouvé que l’un d’entre eux avait porté les coups de couteau à un
individu, mais aucune certitude n’était établie quant à l’identité de l’auteur des blessures de la
seconde personne506
. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que les violences aient atteint
physiquement leur victime pour caractériser une telle scène, la participation à une manœuvre
collective d’intimidation suffisant à constituer l’infraction507
.
Dans ces différentes situations, plutôt que de dissocier les différents comportements, la
jurisprudence considère généralement qu’elle se trouve face à une scène unique, permettant de
considérer tous les protagonistes comme des coauteurs. Le raisonnement retenu alors mérite
d’être approfondi (a) afin de pouvoir établir le fondement de la solution (b).
a) Raisonnement retenu
135. Suffisance de la participation à une scène unique de violences. – En réalité,
dans les hypothèses envisagées, c’est la question du lien de causalité entre le comportement
en cause et le résultat infractionnel qui entraîne des difficultés. Pour reprendre l’un des
exemples précédents, un seul des projectiles, lancé par une seule personne donc, a provoqué
les blessures de la jeune femme. L’infraction n’est donc caractérisée qu’à l’égard d’un seul
époux, sans que l’on sache de qui il s’agit. Or, faute de pouvoir établir avec certitude le lien
de causalité unissant chaque protagoniste au résultat pénal, l'adage in dubio pro reo508
devrait
conduire à l'impunité des deux agents509
. Si cette solution a parfois été retenue en
506 Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195.
507 V. Cass. crim., 22 juin 2005, Bull. n° 192 ; Rev. sc. crim. 2006, p. 69, note Y. MAYAUD; D. 2005, p. 2986,
spéc. p. 2989. Dans le même sens, Cass. crim. 6 fév. 2002, D. 2002, p. 1510, note D. MAYER ; Dr. pén. 2002.69,
obs. M. VERON. 508
V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Procédure pénale, A. Colin, 4ème
éd., n° 40 et 41 ; J.
LARGUIER, Procédure pénale, Dalloz, 22ème
éd., 2010, p. 336 et 337 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit
criminel-Procédure pénale, Cujas, 5ème
éd., n° 142 et s. ; J. PRADEL, Procédure pénale, Cujas, 10ème
éd., n° 192 ;
G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, 18ème
éd., n° 123. 509
En ce sens, v. notamment PH. SALVAGE, Les infractions commises au sein d'un groupe informel :
l'établissement des responsabilités et la méthode du droit, préc., n° 5; Y. MAYAUD, « Violences volontaires »,
Rép. pén., Dalloz, 2008, n° 62.
124
jurisprudence510
, elle demeure cependant très rare. En effet, une méthode qualifiée parfois de
« finaliste »511
lui est préférée, consistant à considérer l'ensemble des comportements
délictueux comme un tout. A cet égard, la Cour de cassation retient classiquement que
« lorsque des blessures ont été faites volontairement par plusieurs prévenus au cours d'une
scène unique de violences, l'infraction peut être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit
nécessaire, pour les juges du fond, de préciser la nature des coups portés par chacun des
prévenus sur chacune des victimes »512
. Dès lors, le travail du juge est facilité : la preuve de la
participation à une scène unique de violences au cours de laquelle la victime a été blessée va
permettre d'établir la culpabilité du prévenu. C'est ainsi que, dans une espèce où un homme
avait été frappé à coups de hache et de couteau par ses deux neveux, et alors même que l'un
d'eux niait sa culpabilité, la Chambre criminelle a décidé que tous deux étaient coauteurs de
violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours, dès lors
que « la victime a été blessée au cours d'une scène unique de violences à laquelle [ils ont]
participé »513
.
136. Maintien de la responsabilité individuelle. – Il serait tentant de considérer qu'une
responsabilité collective est alors consacrée, contraire au principe retenu par le Code pénal
dans son article 121-1514
. Mais tel n'est pas le cas. Le raisonnement consiste, certes, à
considérer les différents comportements comme tellement mêlés qu'ils forment un ensemble
indivisible, mais s'intéresse surtout à la participation de chacun à ce tout. C'est parce que cette
participation individuelle peut être établie que chacun peut être puni, et ce n'est pas là
répondre du fait d'autrui mais bien de ses propres actions. La jurisprudence exige d’ailleurs
expressément une « participation active » à la scène515
. La somme des actions individuelles
forme une « scène unique », scène unique dont le lien de causalité avec le dommage est lui
510 V. par exemple CA Aix-en-Provence, 14 mars 2001, JurisData n° 2001-143774. Dans cette espèce, un
véhicule, pris dans une manifestation, avait été détérioré suite à des coups portés sur sa carrosserie par des
manifestants. Un individu identifié comme ayant posé sa main sur le toit du véhicule a été relaxé par la Cour, au
motif selon lequel il n’avait pu de ce fait et à lui seul causer les importants dommages qui lui étaient reprochés
initialement. 511
PH. SALVAGE, Les infractions commises au sein d'un groupe informel : l'établissement des responsabilités et
la méthode du droit, préc., n° 8 et s. 512
V. notamment Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195, D. 1972, somm. 202, Rev. sc. crim. 1973.879, obs. J.
LARGUIER ; Cass. crim., 10 avr. 1975, Bull. n° 90. 513
Cass. crim., 12 janv. 2010, inédit, pourvoi n° 09-82928, Gaz. pal. 2010, n° 84, p. 20, obs. S. DETRAZ. 514
Celui-ci dispose en effet que « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». 515
Cependant, cette participation active est parfois réduite à la simple présence des individus sur les lieux des
violences, la jurisprudence ayant condamné pour violences collectives de simples spectateurs de la scène.
125
bien plus aisé à établir516
. Ainsi, comme le soutient un auteur517
, la fusion des différentes
actions forme une nouvelle matérialité et « c'est par la causalité que la pluralité disparaît ».
Reste alors à distinguer le mécanisme permettant de fondre la pluralité des comportements en
une unité, de son fondement.
b) Fondement de la solution
137. S'il est indiscutable que la causalité explique la solution retenue, ce constat ne doit
pas masquer que cette action unique a pour socle la notion d'entente518
. Certes, la notion
d’indivisibilité a parfois été utilisée en jurisprudence dans de telles hypothèses et pourrait
permettre de définir et d’encadrer les hypothèses de scènes uniques de violences. Mais elle se
révèle en réalité insuffisante, des discordances entre les éléments moraux des différents
protagonistes pouvant parfois être caractérisées, alors même que leurs actions pourraient être
considérées comme indivisibles. Or, en cas d'absence d’entente en revanche, il semble bien
difficile, voire impossible, de caractériser une scène unique. Etablir l’insuffisance de
l’indivisibilité (α) ainsi que la nécessité d’une entente (β) permettra ainsi de montrer que seule
l’entente, combinée à une unité spatio-temporelle, permet de fonder les scènes uniques de
violence, et que les scènes uniques de violence relèvent donc de la coaction, non de la
complicité.
516 Sur la causalité et la coaction, v. infra n° 172 et s.
Comme le montre J.-CH. SAINT-PAU, Les causalités dans la théorie de l’infraction, Mélanges en l’honneur du
Professeur J.-H. ROBERT, LexisNexis, 2012, p. 679, n° 20, « La causalité est […] concrètement établie en deux
phases successives. Il est d’abord constaté rétrospectivement que l’ensemble des comportements fautifs formant
la scène criminelle (infraction globale) a été une condition nécessaire du résultat redouté : c’est la causalité
constitutive de l’infraction ; il est ensuite observé que chaque personne peut être reliée au groupe par un fait
personnel de participation (au sens de l’article 121-1 du code pénal) : c’est la causalité participative ». 517
Y. MAYAUD, « Violences volontaires », préc., n° 63. 518
Contra Y. MAYAUD, « Violences collectives », préc., n° 63, pour qui « La solution est indépendante de toute
entente ». Il cite à cet égard les observations de G. LEVASSEUR (Rev. sc. crim. 1975 p. 1016) commentant l'arrêt
rendu par la Chambre criminelle le 25 février 1975 (Bull. n° 65) qui relève que « Des violences exercées par
plusieurs personnes sur une ou plusieurs autres peuvent constituer un fait unique sans qu'il y ait eu
nécessairement préméditation ou concertation préalable ». Mais comme il l'a été démontré précédemment (v.
supra n° 120), la notion d'entente ne se limite pas à ces hypothèses de prévision et peut très bien être spontanée.
126
α) L’insuffisance de l’indivisibilité
138. L’indivisibilité comme critère de la scène unique. – La jurisprudence a déjà
envisagé de faire de l’indivisibilité un critère permettant de caractériser une scène unique de
violences. Ainsi, dans une espèce jugée par la Chambre criminelle le 28 juillet 1969519
, un
individu, G., s'était posté devant un camion pour lui barrer la route dans le but que ses
occupants lui règlent sa marchandise. Le chauffeur du véhicule, D., à la demande de son
passager, B., en était alors descendu et avait poussé violemment son créancier, qui tombait au
sol. Mais B., ayant pendant ce temps pris la place du conducteur, démarrait alors le camion et
blessait G. à la jambe. En première instance, D. fut condamné pour violences volontaires, et
B., le conducteur, pour coups et blessures volontaires. Mais la Cour d'appel d'Angers ne retint
contre ce dernier que le délit de blessures involontaires de l'article 320 de l'ancien Code pénal,
au motif selon lequel la précaution qu'il avait prise, faire descendre D. du camion afin qu'il
écarte G. du camion, était incompatible avec l'intention de porter atteinte à l'intégrité
corporelle de la victime. Elle ajoute, en outre, que B., lorsqu'il avait démarré le véhicule, «ne
savait pas que G., qu'il ne voyait plus, se trouvait sur son chemin ». Les poursuites à
l'encontre de chacun d’entre eux étaient donc dissociées. Cependant, la Cour de cassation
casse cette décision, lui reprochant d'avoir « arbitrairement dissocié l'événement final, d'une
série de faits dont il était la conclusion et dont elle établissait le caractère intentionnel ». De
plus, « les faits retenus à la charge de D. et ceux relevés à l'encontre de B. ayant été commis
dans le même trait de temps, dans le même lieu et ayant été déterminés par le même mobile,
les juges d'appel ne pouvaient attribuer aux premiers un caractère intentionnel et aux seconds
une cause involontaire ».
La Chambre criminelle considère ainsi les deux participants comme des coauteurs de
l'infraction intentionnelle, en se fondant sur l'indivisibilité de leurs actes. En effet, en se
référant aux faits commis « dans le même trait de temps, dans le même lieu et ayant été
déterminés par le même mobile », c'est une définition de cette dernière, issue de la procédure
pénale, qu'elle donne520
.
519 Bull. n° 239, préc.
520 Certes, l’indivisibilité n’est pas définie par le Code de procédure pénale (à la différence de la connexité,
prévue par l’article 203, et dont elle est souvent rapprochée car toutes deux entraînent une prorogation de
compétence des juridictions : v. infra n° 376 et s.), et c’est donc à la jurisprudence qu’est revenu le soin de
donner un contenu à la notion. Après avoir étudié de nombreuses décisions en la matière, un auteur (M. GOBERT,
127
139. Solution insatisfaisante. – Cependant, ce faisant, la Cour semble admettre que
l’indivisibilité entraîne nécessairement la caractérisation d’une coaction. L’indivisibilité a en
effet pu être envisagée comme un critère de distinction entre le complice et le coauteur521
.
Ainsi, lorsque l’indivisibilité entre différents faits réalisés par différents protagonistes serait
établie, il faudrait considérer ces derniers comme des coauteurs. En cas de simple connexité,
ils seraient de simples complices. Cependant, ce critère a rapidement montré ses limites522
,
pour deux raisons principales. En premier lieu, la notion d’indivisibilité suscite de grandes
difficultés de définition, et le problème de qualification de la coaction ne ferait alors que se
déplacer vers celui de la qualification de l’indivisibilité, sans que la réponse en soit plus aisée.
Pour preuve, il arrive que le recel soit qualifié en jurisprudence d’indivisible avec l’infraction
principale alors que l’article 203 du Code de procédure pénale le cite expressément comme un
cas de connexité. En second lieu, l’étude de la jurisprudence révèle que l’indivisibilité ne se
limite pas à la coaction et englobe en son sein des hypothèses de complicité523
. C’est ainsi par
exemple qu’ont pu être considérés comme indivisibles un abus de confiance et la complicité
du délit d’achat de vote au conseil d’administration et à l’assemblée générale d’une société
destinée à permettre sa commission524
.
De plus, une partie de la doctrine émet des réserves quant à cette solution525
,
considérant que l'indivisibilité ne doit pas nécessairement conduire à une unité de
qualification. Des différences entre individus peuvent subsister malgré la réunion des trois
unités, tant dans la matérialité de leurs comportements que dans la culpabilité des agents526
.
D'ailleurs, en jurisprudence, l'indivisibilité n'a jamais eu pour conséquence l'identité de
La connexité dans la procédure pénale française : JCP G 1961, I, 1607) a tenté de systématiser les solutions, et
montre ainsi que l’indivisibilité s’entend d’une unité spatio-temporelle à laquelle s’ajoute une unité de dessein ou
un lien de cause à effet entre les faits reprochés, c’est-à-dire que l’indivisibilité existerait lorsque les faits
commis sont liés par une relation encore plus étroite que celle résultant de la connexité.
Plus généralement, sur la connexité et l’indivisibilité, v. infra n° 374 et s. 521
V. notamment J.-P. DOUCET, note sous Cass. crim., 28 juill. 1969, Gaz. pal. 1969, 2, p. 364 ; G. LEVASSEUR,
Violences volontaires au cours d’une altercation volontairement provoquée, Rev. sc. crim. 1970, p. 96. 522
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 252. 523
B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 573 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Procédure pénale,
préc., n° 125 ; M. GOBERT, La connexité dans la procédure pénale française, préc.; J. PRADEL, Procédure
pénale, préc., n° 91 ; J.-CL. SOYER, Droit pénal et procédure pénale, préc, n° 903. 524
Cass. crim., 15 janv. 1990, Bull. n° 22. 525
V. Y. MAYAUD, Violences involontaires, préc., n° 68 ; A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre
infractions, Essai d'une théorie générale, préc., n° 546 et s. 526
V. Y. MAYAUD, Violences involontaires, préc.
128
qualification527
, en particulier car des faits commis par une seule personne peuvent tout à fait
être indivisibles et relever de plusieurs qualifications pénales. Ainsi, les délits de bris de
clôture et de coups volontaires commis par un individu afin de réaliser un vol sont
indivisibles528
.
Mais alors, à défaut d’entraîner une coaction, peut-on tout du moins considérer que
l’indivisibilité permettrait de caractériser une scène unique ? Là encore, cette conclusion est
contestable. Il est en effet nécessaire d’établir une entente minimale afin que les protagonistes
partagent l’élément moral de l’infraction.
β) La nécessité d’une entente
140. Entente quant à l’élément moral. – La décision précédemment évoquée peut
sembler étonnante et la caractérisation d'une scène unique de violences fort contestable. La
précaution prise par B. montre en effet une absence d'intention de commettre des violences,
ou du moins pas à un tel stade (rouler avec un camion sur autrui), ce qui est moins évident
pour D. Ils ne partagent donc pas le même élément moral, à savoir l’intention de commettre
des violences. Et c’est certainement là la clé pour définir la scène unique de violences. Cette
dernière ne devrait pas se contenter d’une indivisibilité, mais exiger en outre une entente
minimale, relativement à l’élément moral de l’infraction en cause. Ainsi, dès lors que
l’élément moral des différents participants réunis en un même temps et un même lieu est
identique (l’intention de commettre des violences), une scène unique de violences pourrait
être caractérisée. En revanche, si l’élément moral diffère (l’un a l’intention de porter des
coups tandis que l’autre non, comme dans l’exemple cité), les événements devraient alors
être dissociés, et ne pas relever d’une scène unique. C’est en réalité ce que semble admettre la
jurisprudence lorsqu’elle définit la scène unique de violences comme une « pluralité d’actes
matériels de même nature, accomplis en même temps par un ou plusieurs agents animés d’une
même détermination » 529
, cette « même détermination » devant se comprendre comme une
identité entre les éléments psychologiques de l’infraction, même spontanée et tacite, non
527 Ainsi, par exemple, sont « indivisibles » les faits constitutifs d’un recel de choses et ceux constitutifs de
l’infraction d’origine correspondante : Cass. crim. 15 mars 2006, Bull. 2006, n° 78. 528
Cass. crim., 15 nov. 1928, D.P. 1932, 1, 56. 529
Cass. crim., 14 déc. 1955, préc.
129
comme une identité de mobiles. Or, c’est ce qu’a semblé confondre la Cour dans l’affaire
étudiée : les deux individus voulaient certainement faire avancer leur camion, mais ils
n’avaient pas tous deux l’intention de commettre des violences pour y parvenir.
141. Absence d’identité absolue entre éléments moraux. – Pour autant, exiger un
partage de l’élément moral ne revient pas à exiger une entente absolue, une véritable adhésion
quant aux circonstances de l’infraction. Si tel était le cas, la scène unique serait quasiment
impossible à établir. C’est simplement l’intention de commettre des violences, c’est-à-dire le
dol général, qui doit être prise en compte, non la connaissance de circonstances plus précises
comme par exemple les moyens utilisés. Ainsi, dans l’hypothèse où de nombreux individus
passeraient à tabac un homme, à mains nues, et où l’un d’eux lui porterait un coup de couteau,
sans que l’on sache lequel, il ne faudrait pas considérer qu’à défaut d’entente sur l’usage
d’une arme entre les participants, la scène unique ne pourrait être caractérisée. L’intention de
commettre des violences est en effet bien présente chez tous les protagonistes, et la question
de l’usage de l’arme, et de la connaissance par les autres de cet usage, relève d’un autre
domaine, relatif aux circonstances aggravantes de l’infraction, non à la caractérisation d’une
scène unique.
142. Bilan. – Ainsi, pour compléter ce qui a été dit précédemment, non seulement
l'entente n'exclut pas la qualification de scène unique de violences, mais elle la fonde. Les
différents participants accomplissent donc en commun une même infraction, unique,
répondant en cela à la définition de la coaction. Pourtant, la jurisprudence en fait parfois de
simples complices, tentant par là, de façon malheureuse car non nécessaire530
, de contourner
les difficultés liées à l’absence de certitude quant à l’auteur du coup mortel par exemple. Cette
théorie de la complicité corespective doit ainsi être rejetée.
530 Il est en effet logique de considérer qu’en tant que coauteurs, ils empruntent la matérialité des actes accomplis
par chacun (v. infra n° 326 et s.), rendant alors inutile et fort artificiel le détour par la théorie de la complicité.
130
2- Le rejet de la complicité corespective
143. Définition. – La théorie de la complicité corespective531
a été développée au
XIXème siècle. Elle consiste à considérer tous les participants à une infraction comme
complices les uns des autres, afin de faciliter leur répression. La jurisprudence a ainsi établi
que « le coauteur d’un crime aide nécessairement l’autre coupable dans les faits qui
consomment l’action et devient, par la force des choses, légalement son complice »532
.
Cette théorie présentait un intérêt certain lorsque la répression était fondée sur le
système de l’emprunt de pénalité, puisque le coauteur encourait alors la même peine que celle
qui lui aurait été infligée s’il n’avait été que complice de l’infraction. Ainsi, si une
circonstance aggravante personnelle était encourue par un des participants, elle se
communiquait aux autres. De même, si un individu était gravement blessé ou décédait suite à
des violences collectives sans que l’on sache quel agent avait porté le coup le plus grave, tous
ses agresseurs étaient passibles de la peine la plus élevée.
144. Perte d’intérêt pour la notion. – Mais aujourd’hui, l’application de cette théorie
est de plus en plus rare. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal et la nouvelle
rédaction de l’article relatif à la complicité, elle a perdu en utilité, les hypothèses où elle
présente encore un intérêt se limitant aujourd’hui au domaine des violences collectives.
Néanmoins, cette évolution ne peut qu’être louée tant cette conception présentait
d’insuffisances et mériterait d’être menée à son terme, pour laisser place à une imputation
unique fondée sur la coaction. En effet, la complicité corespective s’analyse non seulement
comme une théorie dépassée (a), mais également comme une théorie contestable (b).
531 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 406 ; F. DESPORTES et
F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 566 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 274 ; J. PRADEL, Droit
pénal général, préc., n° 409 et 449. 532
Cass. crim., 9 juin 1848, arrêt Igneux, S. 1848, I, p. 527 ; M. PUECH, Les grands arrêts de la jurisprudence
criminelle, Cujas, 1976, n° 96 ; J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz,
7ème éd., 2009, n° 36 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, n° 87 ; Cass. crim., 15 juin 1860, S. 1861, I, p. 368 ;
Cass. crim., 10 janv. 1952, JCP G 1952, IV, p. 38.
131
a) Une théorie dépassée
145. Utilité. – Sous l’empire de l’ancien Code pénal, la théorie de la complicité
corespective a trouvé à s’appliquer, au-delà de l’hypothèse des violences collectives, afin de
permettre que se communiquent entre participants certaines aggravations propres à l’un
seulement d’entre eux. Considérant généralement les coauteurs comme des auteurs
d’infractions distinctes, une telle transmission de circonstances personnelles ne pouvait se
concevoir. Mais l’article 59 de l’ancien Code pénal, considéré comme le siège de l’emprunt
de pénalité, permettait quant à lui un tel mécanisme. Il disposait en effet que le complice
serait puni « comme l’auteur » de l’infraction. De là, la jurisprudence déduisait que le
complice encourait la même peine que celle dont était passible l’auteur principal. Assimiler le
coauteur à un complice permettait alors de le réprimer aussi sévèrement que son associé et de
consacrer une solidarité répressive533
.
146. Application en matière de parricide. – C’est ainsi que ce mécanisme a été utilisé
en particulier en matière de parricide. Alors que cette infraction tombait sous le coup de la
peine capitale534
, celui qui participait concomitamment et activement au crime en compagnie
du fils ou de la fille de la victime n’encourait que la réclusion criminelle à perpétuité, au titre
du meurtre commis en réunion535
. La jurisprudence, considérant cette solution injuste, faisait
alors de ce coauteur un complice, passible dès lors de la peine capitale536
.
147. Solution désuète. – Cependant, cette solution a perdu tout intérêt avec la loi du 9
octobre 1981 supprimant la peine capitale : qu’ils aient été coauteurs ou complices, les
participants à un parricide encouraient alors la réclusion perpétuelle. En outre, l’hypothèse
plus générale visant à faire supporter au coauteur l’aggravation tenant à la personne de son
associé en en faisant un complice est devenue inutile après la refonte du Code pénal. La
nouvelle rédaction de l’article 121-6 dispose ainsi que le complice sera puni « comme
auteur », et non plus « comme l’auteur ». Du fait de la modification du texte, la théorie de
533 V. D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 36.
534 C. pén. anc., art. 299 et 302 al. 1.
535 C. pén. anc., art. 304 al. 3.
536 Cass. crim., 20 avril 1827, Bull. n° 92 ; Cass. crim., 16 juill. 1835 : Bull. n° 292; Cass. crim., 19 juin 1848,
Bull. n° 178; Cass. crim., 24 mars 1853, Bull. n° 110 ; Cass. crim., 30 sept. 185, Bull. n° 490; Cass. crim., 11 mai
1866, Bull. n° 135 ; Cass. crim., 10 janv. 1952, préc.
132
l’emprunt de pénalité est définitivement abandonnée, et le complice n’encourt plus alors les
circonstances aggravantes personnelles de l’auteur de l’infraction537
. Pour poursuivre
l’exemple du parricide, le complice du fils de la victime devra être puni comme s’il avait été
auteur de l’infraction, c’est-à-dire comme s’il avait été auteur d’un meurtre, sans que
l’infraction puisse être aggravée par la circonstance d’ascendance538
. Il n’y aurait donc aucun
intérêt à malmener les notions et à le considérer comme un complice plutôt que comme un
coauteur, bien au contraire539
.
De ce point de vue, la théorie de la complicité corespective apparaît donc comme
dépassée540
. Mais quoi qu’il en soit, même si elle conserve une application en matière de
violences collectives, il est à souhaiter qu’elle disparaisse, tant elle semble contestable.
b) Une théorie contestable
148. De façon majoritaire541
, la doctrine semble aujourd’hui s’accorder pour montrer
que la théorie de la complicité corespective ne conserve qu’un intérêt résiduel, en matière de
violences collectives. Ainsi, dans l’hypothèse où un homme décède ou se trouve grièvement
blessé suite à un passage à tabac sans que l’on puisse établir l’auteur du coup décisif, ce
mécanisme permet d’imputer à tous les participants le résultat des violences, en occultant
toute question relative à la causalité542
. Le motif employé par la Cour de cassation est toujours
le même : « le coauteur d’un crime aide nécessairement l’autre coupable dans les faits qui
consomment l’action et devient, par la force des choses, légalement son complice »543
. Si du
point de vue juridique ce raisonnement est contesté par de nombreux auteurs, l’intérêt
répressif avancé pour justifier la solution suffit généralement à calmer les voix s’élevant
contre l’emploi de cette théorie. Pourtant, là encore, cet argument peut être balayé. En effet, la
537 En ce sens, v. C. DE JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, Dalloz, 2006,
n° 575. 538
C. pén., art. 221-4. 539
Restaurer la véritable qualification de coauteur à l’individu pourrait en effet permettre de lui faire emprunter
certaines circonstances personnelles de son associé, sous certaines conditions : v. infra n° 326 et s. 540
Elle serait même condamnée pour certains : v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général,
préc., n° 406. 541
Contra v. notamment X. PIN, Le consentement en matière pénale, préc., n° 153, pour qui « La construction est
acceptable car il ne s’agit jamais de décider du principe de la responsabilité pénale des participants, mais
seulement de la qualification pénale de leur geste : complicité ou coaction. ». 542
Dans le même sens, v. M. PUECH, Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle, préc., n° 96. 543
Cass. crim., 9 juill. 1848, préc.
133
théorie de la complicité corespective est contestable tant du point de vue de la technique
juridique (α) que de son intérêt répressif (supposé…) (β).
α) Critique technique de la théorie
149. Contradiction entre les qualifications de complice et d’auteur pour un même
fait. – D’un point de vue juridique, la théorie de la complicité corespective conduit bien
évidemment à brouiller les frontières entre les modes de participation criminelle, dans une
matière où les difficultés sont déjà légion544
. En outre, la compatibilité avec le principe de
personnalité des peines a pu être discutée545
. Mais surtout, il convient de rappeler, à l’instar
d’un auteur546
, qu’ « il est impossible qu’un individu soit à la fois coauteur et complice dans
une même infraction ». Or, en traitant les différents agents comme complices les uns des
autres, la jurisprudence les considère en même temps comme de potentiels auteurs, et leur fait
endosser les qualités d’auteur et de complice pour la même infraction. L’absurdité du
raisonnement est à son comble : comment un même comportement pourrait s’analyser à la
fois comme un acte de complicité et comme un acte d’action547
? En outre, l’auteur
précédemment évoqué548
démontre que certes, « la coopération directe entraîne sans doute, a
fortiori, l’assistance, mais elle est bien plus, et, par conséquent, autre chose que
l’assistance »549
. La théorie de la complicité corespective revient en réalité à incriminer la
participation à l’infraction en tant que telle, sans distinguer entre ses formes. Là encore, ce
constat ne peut qu’être décrié. Mais s’il l’a été, il a souvent été occulté par l’intérêt répressif
du raisonnement. Pourtant, à ce titre également, la solution est contestable.
544 En ce sens, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 406 ; S. FOURNIER,
« Complicité », préc., n° 25 ; C. DE JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes,
préc., n° 575. V. également supra n° 9 et 11. 545
V. J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, préc., p. 436; PH. SALVAGE, Les
infractions commises au sein d'un groupe informel : l'établissement des responsabilités et la méthode du droit,
préc., n° 14. 546
R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 904. 547
Comp. C. DE JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 578, selon qui
chaque coauteur réalisant sa propre infraction, « il n’y aurait, à cet égard, aucune incohérence à considérer que
chacun participe à sa propre infraction à titre principal et à celle des autres à titre accessoire ». En revanche,
l’auteur prône également le rejet de la théorie de la complicité corespective en raison de l’indivisibilité des actes
commis par les auteurs et complices dans une telle situation, indivisibilité devant conduire à appliquer les règles
du concours idéal. Or, la valeur protégée par les violences et la complicité de violences étant la même, les
qualités de coauteur et de complice ne devraient pouvoir être retenues cumulativement. 548
R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 904. 549
C’est nous qui soulignons.
134
β) Absence d’intérêt répressif de la théorie
150. Usage de la théorie de la complicité inutile. – Souvent justifiée par un intérêt
répressif550
, la solution ne résiste pas à l’analyse. Cet argument lui-même, qui voudrait que
l’opportunité et la nécessité de punir sévèrement des délinquants associés à une entreprise
délictueuse permettent de combler les lacunes techniques du raisonnement, ne tient pas. En
effet, il n’est pas nécessaire de passer par la théorie de la complicité corespective pour
imputer le résultat dommageable le plus grave à tous les participants : la coaction est
suffisante et a le mérite de ne pas déformer les concepts. Ainsi, parce qu’elle est un mode de
participation criminelle, la coaction permet d’emprunter des éléments constitutifs de
l’infraction à ses autres coauteurs551
, et donc de considérer que chacun emprunte le coup le
plus grave qui a été porté. Il n’est pas nécessaire que chaque coauteur ait accompli l’ensemble
des éléments constitutifs de l’infraction pour être punissable. Le détour par la théorie de la
complicité, en plus d’être fort contestable juridiquement, est donc inutile si on retient un
critère finaliste : la répression se suffirait tout à fait de la coaction.
Le même constat vaut en matière d’imprudence commune.
B- La coaction envisageable en cas d’imprudence commune
151. Hypothèses. – L’imprudence commune, c’est-à-dire la réalisation par plusieurs
personnes d’une infraction involontaire, peut s’analyser comme le pendant des violences
collectives, dans son versant non intentionnel. C’est ainsi l’hypothèse dans laquelle plusieurs
personnes, par des fautes non intentionnelles, concourent au dommage d’une victime sans que
l’on puisse déterminer précisément quelle faute a produit ce dommage. Les enjeux soulevés
sont identiques à ceux évoqués en matière de violences collectives : faute de pouvoir établir
avec certitude le lien de causalité unissant chaque faute pénale au résultat infractionnel, faut-il
relaxer tous les individus ou les punir ? La jurisprudence n’a pas longtemps hésité, et si elle a
550 D’ailleurs, quand elle pourrait jouer en faveur des agents, la jurisprudence ne la retient pas : v. M. PUECH, Les
grands arrêts de la jurisprudence criminelle, préc., n° 95. 551
V. infra n° 326 et s.
135
d’abord refusé de sanctionner les imprudents552
, elle a rapidement préféré tous les
condamner553
.
152. Fautes successives et fautes conjuguées. – Les situations dans lesquelles
plusieurs fautes d’imprudence contribuent à la production du même dommage sont très
nombreuses et reflètent des réalités distinctes. C’est ainsi que malgré le caractère involontaire
des infractions en cause, une entente peut parfois être caractérisée entre les différents fautifs,
laissant éventuellement place à la caractérisation d’une coaction. Pourtant, aucune
classification fondée sur un tel critère n’a été mise en place, l’entente relative aux infractions
involontaires étant une question très débattue554
. Pour tenter de clarifier les solutions en
matière d’imprudence commune, un auteur555
a mis en lumière une distinction entre deux
grandes séries d’hypothèses : soit les différentes fautes pénales à l’origine du résultat
dommageable peuvent être dissociées d’un point de vue spatio-temporel – il parle alors de
fautes concurrentes –, soit elles ne le peuvent – il parle alors de fautes conjuguées556
–. Bien
qu’elle ne soit pas fondée sur l’entente, cette distinction peut se révéler utile quant à la
coaction puisque le second cas de figure rappelle l’hypothèse des violences collectives
volontaires précédemment évoquées et pourrait alors en être le pendant en matière
involontaire. En revanche, lorsque les fautes pénales n’apparaissent pas comme étroitement
mêlées, on ne peut caractériser de scène unique, et considérer leurs auteurs comme des
participants à la même infraction semble bien artificiel. Il faut ainsi commencer par exclure
les fautes concurrentes du champ d’étude (1) pour mieux montrer que ce sont les fautes
552 Cass. crim., 22 mars 1966, JCP G 1967, II, 14970, note A. RIEG ; Rev. sc. crim. 1968, p. 67, obs. A. LEGAL :
en l’espèce, alors que quatre jeunes gens étaient poursuivis pour incendie involontaire après avoir fumé dans une
grange, la Cour de cassation refuse de caractériser l’infraction à leur égard, considérant qu’ « à défaut de
pouvoir établir une faute personnelle à la charge de l’un quelconque de prévenus, le doute devait bénéficier à
tous ». 553
Cass. crim., 7 mars 1968, Bull. n° 81; Rev. sc. crim. 1968, p. 628, obs. G. LEVASSEUR : en l’espèce, la
chambre criminelle a approuvé la condamnation de deux enfants ayant projeté des clous en direction d’un de
leurs camarades et l’ayant ainsi accidentellement blessé, alors même qu’il était établi qu’un seul de ces clous
avait effectivement atteint la victime. 554
V. supra n° 124 et s. 555
Y. MAYAUD, v. notamment Violences involontaires et responsabilité pénale, Coll. Dalloz Référence, Dalloz,
2003 ; Les fautes conjuguées, une notion originale aux effets limités, Rev. sc. crim. 1999, p. 323. V. également
Y. MAYAUD, Quelle certitude pour le lien de causalité dans la théorie de la responsabilité pénale ?, Une
certaine idée du droit, Mélanges offerts à A. Decocq, Litec, 2004, p. 475. 556
Mais toutes sont des fautes communes : « les fautes communes ne doivent pas être systématiquement
ramenées à des fautes conjuguées », Y. MAYAUD, Les fautes conjuguées, une notion originale aux effets limités,
Rev. sc. crim. 1999, p. 323.
136
conjuguées, parce qu’elles laissent parfois place à une entente, qui permettent d’envisager la
coaction (2).
1- Exclusion des fautes concurrentes
153. Les fautes concurrentes, également appelées fautes successives, ne permettent pas
de qualifier leurs auteurs de coauteurs. En effet, ceux-ci agissent indépendamment les uns des
autres, sans aucune entente (b). Mais pour justifier cette affirmation, encore faut-il, au
préalable, définir les comportements envisagés (a).
a) Définition
154. Fautes successives. – Les fautes concurrentes participent d’une approche
chronologique des faits ayant conduit au dommage. Elles s’analysent ainsi comme des fautes
successives, aisément identifiables car non commises dans un même cadre spatio-temporel.
Même s’il est possible que ce type de faute soit commis par un seul auteur557
, c’est
évidemment l’hypothèse dans laquelle ils sont plusieurs qui intéresse la coaction.
Il en va ainsi du cas où un piéton est blessé suite à un accident de la route provoqué
par un conducteur imprudent. Il est transporté en ambulance à l’hôpital, mais en chemin, le
véhicule médical subit également un choc. Enfin, une fois parvenu à l’hôpital, le blessé est
victime d’une faute médicale de la part du chirurgien l’opérant et décède. Se pose alors la
question de savoir à qui imputer ce décès : au chirurgien ? Au second conducteur ? Au
premier ? Il est sûr que chacun d’entre eux a commis une faute pénale, mais on ne peut
connaître le résultat précis de cette faute : sans le second choc ou la faute du médecin, il n’est
ainsi pas exclu que la victime ait survécu, ou soit malgré tout décédée558
. Cependant, une
certitude peut être établie : toutes ces fautes sont des antécédents nécessaires du résultat final,
557 A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 757
et s. 558
Pour des exemples jurisprudentiels, v. notamment, concernant des accidents du travail, Cass. crim., 14 déc.
1967, Bull. n° 326 ; 27 janv. 1971, Bull. n° 28 ; Rev. sc. crim. 1971, p. 942, obs. G. LEVASSEUR ; concernant des
opérations chirurgicales, Cass. crim., 14 janv. 1971, Bull. n° 13 ; ou encore dans le domaine maritime, Cass.
crim., 30 mai 1980, Bull. n° 166 ; Rev. sc. crim. 1981, obs. G. LEVASSEUR.
137
le décès. C’est là appliquer la théorie de l’équivalence des conditions559
pour établir le lien de
causalité entre chaque comportement et son résultat. Or, la jurisprudence admet de façon
constante que si la causalité doit être certaine, elle n’a pas pour autant à être directe et
exclusive560
.
155. Corrélation et absence de coaction. – Ces différentes fautes permettent ainsi
d’imputer à leurs auteurs respectifs l’infraction finale. Comme elles sont successives, ce n’est
pas la concomitance qui les unit, mais un lien de « corrélation »561
, permettant de « respecter
[l’] identité »562
de chaque faute. Pour l’auteur évoqué, c’est là reconnaître « l’hypothèse […]
classique de la coactivité, selon laquelle plusieurs personnes peuvent, par leurs fautes
respectives, contribuer à la production d’un même dommage »563
. Pour autant, si ce constat se
comprend lorsque l’on envisage la coaction comme une simple juxtaposition d’actions, il ne
peut être approuvé si l’on considère ce mode d’imputation comme une véritable participation
à l’infraction. En effet, à défaut d’entente entre les auteurs de chaque faute, on ne peut les
qualifier de coauteurs.
b) Absence d’entente
156. Incompatibilité entre l’entente et les situations évoquées. – Dans les hypothèses
évoquées, les événements s’enchaînent, le plus souvent sans même que les protagonistes ne se
connaissent. Aucune entente préalable à l’infraction ne peut donc être établie. En outre, le
constat est le même s’agissant d’une entente instantanée : comment concevoir une adhésion,
même muette et spontanée, à une suite d’événements non intentionnels ? S’il est certainement
559 Sur les différentes théories de la causalité, v. notamment A. DECOCQ, Droit pénal général, Paris, Coll. U,
Armand Colin, 1971, p. 186 ; M. NAGUIB HOSNI, Le lien de causalité en droit pénal, thèse, Imp. Université du
Caire, 1955 ; M. MAHDAVI SABET, Essai sur la notion de lien de causalité en droit pénal français, thèse, Paris II,
1987 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Tome I, 7ème
éd., Paris, Cujas, 1997, n° 565, p. 706. ; CH.
QUEZEL-AMBRUNAZ, Essai sur la causalité en droit de la responsabilité civile, Dalloz, NBT, 2010, n° 14 et s. 560
Cass. crim., 14 fév. 1996, Bull. n° 78, Rev. sc. crim. 1996, p. 856, obs. Y. MAYAUD. Certes, ces décisions sont
antérieures à la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, et
qui vient modifier les conditions d’engagement de la responsabilité des personnes physiques en cas de faute
d’imprudence. Cependant, même si cette loi distingue selon que la causalité est directe ou indirecte, elle
maintient l’exigence de l’établissement préalable d’un lien de causalité certain. Or, ce dernier pourra encore être
établi par l’application de la théorie de l’équivalence des conditions. 561
Y. MAYAUD, obs. sous Cass. crim., 14 fév. 1996, préc., Rev. sc. crim. 1996, p. 856. 562
Ibid. 563
Ibid.
138
concevable de constater une entente quant à un état d’esprit imprudent lorsque des faits
simultanés conduisent au dommage564
, cela n’est plus le cas quand ce sont différentes fautes,
s’étalant dans le temps, qui concourent à ce dernier. L’entente, même de fait, implique une
direction de la volonté (volonté de s’associer) et donc une connaissance, même erronée, du
rôle que tiendra son coparticipant, incompatibles avec les situations décrites ici. En effet,
comment l’auteur d’un accident de la route pourrait-il savoir que la personne qu’il vient de
percuter sera également victime d’une faute médicale de la part du chirurgien devant
l’opérer ? Et, a fortiori, comment pourrait-il décider de s’y associer ?
D’ailleurs, le terme même de « fautes concurrentes » témoigne de l’absence d’entente.
Si l’adjectif « concurrent » peut désigner le fait d’apporter son concours565
, il évoque
également une opposition d’intérêts en contradiction avec toute idée d’entente.
157. Simple juxtaposition d’actions. – Ainsi, même en raisonnant sur une simple
entente de fait, les fautes successives ne permettent pas d’envisager la coaction. Pour
reprendre l’exemple précédent, les différents conducteurs ainsi que le chirurgien sont chacun
auteurs de l’homicide involontaire, leurs actions successives sont juxtaposées, mais en aucun
cas ils ne peuvent être qualifiés de coauteurs de l’infraction.
En revanche, la réponse semble moins tranchée lorsque les fautes d’imprudence à
l’origine d’un dommage relèvent du même cadre spatio-temporel, et constituent ainsi des
fautes conjuguées.
2- Exigence de fautes conjuguées
158. A la différence des fautes concurrentes, les fautes conjuguées permettent
d’appréhender leurs auteurs comme des coauteurs car elles laissent place à la caractérisation
d’une entente. Pour autant, ce n’est pas parce qu’une entente est envisageable dans ces
hypothèses qu’elle est nécessairement présente. Il existe en réalité deux grands cas de figure,
selon que les fautes conjuguées sont unies par un lien plus ou moins fort. C’est pourquoi il
apparaît nécessaire de définir ce type de fautes (a), afin de montrer que ce n’est qu’à la
condition supplémentaire d’une entente que la coaction sera envisageable (b).
564 V. infra n° 159.
565 Dont il a déjà été démontré qu’il ne se confondait pas avec l’entente : v. supra n° 96.
139
a) Définition
159. Fautes simultanées. – Les fautes conjuguées, parfois également appelées fautes
simultanées, s’analysent comme une technique jurisprudentielle visant à établir un lien de
causalité entre différentes fautes non intentionnelles, proches d’un point de vue spatio-
temporel, et les dommages subis par la victime. Plus précisément, elles « s’entendent de la
participation commune de plusieurs personnes à une action dangereuse, et de la création
d’un risque grave pour les tiers du fait de cette action »566
. Elles se déroulent en un même lieu
et dans un même trait de temps, si bien qu’il apparaît impossible de déterminer laquelle a
effectivement causé le dommage567
.
C’est ainsi l’hypothèse de deux conducteurs imprudents qui heurtent une victime l’un
après l’autre sans que l’on ne sache lequel a causé le décès de celle-ci568
. C’est encore le cas
d’un groupe de chasseurs tirant sans visibilité dans la même direction et touchant un
promeneur, sans que l’on ne puisse déterminer l’auteur du coup de feu ayant atteint ce dernier.
Les exemples sont nombreux569
, et la jurisprudence reprend généralement le motif
suivant pour retenir la responsabilité de tous les participants : les agents « ont participé
ensemble à une action dangereuse et créé, par leur commune imprudence, un risque grave
dont un tiers a été la victime »570
.
160. Distinction avec les fautes « aux effets conjugués ». – Mais le vocabulaire utilisé
par la Cour de cassation peut être trompeur. Ainsi la jurisprudence a-t-elle plusieurs fois
retenu « les négligences et inobservations des règlements imputables à chacun des prévenus
et dont les effets conjugués ont été la cause directe de la mort de [la victime] »571
. Cette
référence aux « effets conjugués » des différentes fautes pourrait laisser croire que ces
566 Y. MAYAUD, Violences involontaires et responsabilité pénale, préc., n° 61.61, p. 191.
567 V. Y. MAYAUD, Les « fautes conjuguées », une notion originale aux effets limités, chron. sous Cass. crim., 4
nov. 1998, Rev. sc. crim. 1999, p. 323, selon qui les fautes conjuguées présentent entre elles « un lien
doublement unitaire, à la fois dans le temps et dans l’espace ». 568
Cass. crim., 12 avr. 1930, Bull. n° 214. 569
Par exemple, concernant un homicide involontaire par trafic de stupéfiants : CA Limoges, 4 juin 1997, Rev.
sc. crim. 1998, p. 549, chr. Y. MAYAUD ;concernant des imprudences lors de la pratique du bobsleigh : CA
Chambéry, 8 mars 1956, JCP G 1956, II, 9224, obs. R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1956, p. 532, obs. A. LEGAL. 570
Cass. crim., 23 juillet 1986, Bull. n° 243, JCP 1987, II, 20897, note J. BORRICAND; Gaz. pal. 1987, Jur. p.
104, note J.-P. DOUCET. 571
V. notamment : Cass. crim., 14 déc. 1967, Bull. n° 326 (concernant la mise en circulation de viande avariée ) ;
concernant des imprudences lors de travaux de construction : Cass. crim., 27 janv. 1971, Bull. n° 28 (concernant
des imprudences lors de travaux de construction ).
140
dernières s’apparentent à des fautes conjuguées. Pourtant, il n’en est rien. Ainsi, dans l’arrêt
rendu par la Chambre criminelle le 14 décembre 1967 relatif à la mise en circulation de
viande avariée, les juges reprennent ce motif. Or, en l’espèce, trois fautes distinctes et
successives avaient été commises par trois personnes différentes : l’une avait abattu le poulain
chez elle et non à l’abattoir, le vétérinaire, sachant l’animal malade, n’avait procédé à aucune
analyse, et enfin, la troisième n’avait pas déclaré en mairie que le poulain avait été abattu en
dehors de l’abattoir. Après avoir ingéré la viande, plusieurs personnes s’étaient trouvées
malades, et l’une d’entre elles était décédée.
Il est certain que ces différentes fautes, loin d’être simultanées, se succèdent dans le
temps. Elles sont d’ailleurs en parfaite adéquation avec la définition donnée précédemment
des fautes successives, qui, comme le relève un auteur, procèdent moins « d’une unité
d’action, que d’une complémentarité d’effets »572
. Elles ne devraient donc pas être qualifiées
de fautes conjuguées573
.
161. Conscience de s’associer non nécessaire. – Quoi qu’il en soit, face à de réelles
fautes conjuguées et comme en matière de violences collectives, la Cour de cassation fusionne
les comportements fautifs pour n’en retenir qu’un dont le lien de causalité avec le dommage
sera plus aisé à établir574
. En réalité, il semble donc que ce soit le fait d’avoir participé à une
action dangereuse que sanctionne la jurisprudence. Pourtant, si un tel raisonnement peut être
admis575
, il serait excessif de conclure à une nécessaire participation des différents agents à
l’infraction. En effet, il est certes concevable de s’associer à une imprudence et donc de
participer à une infraction non intentionnelle576
, mais les différentes hypothèses de fautes
conjuguées ne permettent pas toujours de caractériser cette volonté, ni même une simple
conscience de s’associer. Ainsi, dans le premier exemple relatif aux chocs successifs, le
second conducteur ne pouvait prévoir le heurt précédent, et ne pouvait donc vouloir y
participer. De ce fait, il ne peut s’analyser comme un coauteur de l’homicide involontaire,
mais simplement comme un de ses auteurs. A ce titre, il semble alors peut-être excessif et
trompeur de parler de « commune imprudence », l’imprudence se contentant parfois d’être
572 Y. MAYAUD, Les « fautes conjuguées »,une notion originale aux effets limités, préc.
573 Contra X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 159.
574 Sur la causalité, v. infra n° 177 et s.
575 V. A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n°
769 et s. 576
V. supra n° 57.
141
simultanée (ou quasi simultanée). Ainsi, si la coaction peut être envisagée dans le cadre des
fautes conjuguées, elle ne sera pas nécessairement caractérisée. Il faut pour ce faire constater
une entente nécessaire à l’établissement d’une véritable imprudence commune.
b) Exigence supplémentaire d’une entente
162. Entente spontanée. – Pour distinguer entre de simples fautes d’imprudence
simultanées et une véritable imprudence commune, c’est en réalité à l’existence ou à
l’absence d’une entente entre les différents agents qu’il convient de se référer. Bien
évidemment, comme il l’a été vu577
, il est question de la caractérisation d’une entente
spontanée. Dans le même sens, mais sans aller aussi loin, un auteur parle ainsi de « scène
unique [présente] psychologiquement »578
.
Si l’on reprend alors les exemples précédents relatifs aux chocs successifs entre une
victime et des véhicules ainsi qu’aux chasseurs blessant un promeneur, la différence entre les
deux situations apparaît : tandis que les conducteurs ne savent rien de l’imprudence commise
par l’autre, les chasseurs, eux, sont témoins de leurs fautes respectives et s’y associent
consciemment, même si la décision est prise en une fraction de seconde et non réfléchie.
Du reste, et de même qu’en matière intentionnelle concernant la participation à une
scène unique de violences579
, le fait que les différents protagonistes ne se connaissent pas
n’empêche aucunement de caractériser une entente spontanée. L’exemple des chasseurs en
témoigne : ils n’ont pas à appartenir au même groupe pour réaliser une imprudence commune.
De même, il est possible d’imaginer pareille situation en matière de collisions successives
également : ce sera par exemple le cas de deux conducteurs de voitures puissantes qui,
circulant sur l’autoroute, décident tacitement de se livrer à une course et heurtent un troisième
véhicule suite aux risques pris.
163. Sanction de l’excitation à l’imprudence. – Dans ces hypothèses d’entente
spontanée, c’est l’excitation mutuelle qui crée le risque et invite à l’imprudence qui est
sanctionnée. C’est d’ailleurs là, d’après un auteur, l’unique justification de la répression de
577 V. supra n° 124 et s.
578 J. LARGUIER , Homicide et blessures commis en groupe : crime impossible, et présomption de participation
ou de causalité , Rev. sc. crim. 1973, p. 882 et s., spéc. p. 884. 579
V. supra n° 134 et s.
142
ceux qui n’ont en réalité causé aucun dommage. Il considère ainsi qu’« une telle solution ne
peut se justifier rationnellement, semble-t-il, que dans des circonstances […] où les activités
dangereuses constituant des fautes joueraient en même temps le rôle d’excitation consciente à
l’égard des autres participants, poussant ceux-ci à agir de la même manière, ou à
continuer »580
.
L’exemple type de cette situation est celui du passager d’un véhicule encourageant le
conducteur à accélérer ou doubler une autre voiture sans visibilité ou encore à passer un feu
rouge. Les exemples jurisprudentiels sont nombreux581
. Or, dans ces hypothèses, les juges
fluctuent quant à la qualification à retenir à l’égard des deux agents : sont-ils coauteurs, auteur
et complice, auteurs direct et indirect582
, voire conducteur de droit et conducteur de fait583
?
Pour répondre à cette question, il conviendrait en premier lieu de caractériser l’entente
unissant le passager et le conducteur. Or, celle-ci est loin d’être obligatoire, en particulier si le
passager prend de lui-même les commandes du véhicule, ce dont témoigne l’arrêt rendu par la
Chambre criminelle le 22 juin 2005584
. En l’espèce, alors que la conductrice doublait un
camion sur une voie rapide, son passager a brusquement tiré le frein à main, provoquant un
accrochage avec le camion. Fort logiquement, la Cour le considéra comme un conducteur de
fait, et donc comme le seul auteur de l’infraction de mise en danger d’autrui de l’article 223-1
du Code pénal. Surtout, et en second lieu, il serait nécessaire de s’interroger sur l’existence
d’un fait unique puisque comme le montrent certains585
, auteurs direct et indirect ne
participent pas à la même infraction, mais réalisent chacun une infraction distincte,
respectivement d’imprudence simple et d’imprudence qualifiée. Ils ne pourront donc être
qualifiés de participants à la même infraction. Toutefois, si la faute qualifiée est considérée
non comme un élément constitutif de l’infraction mais comme une condition de son
imputation comme le montrent d’autres586
, il serait alors possible de caractériser un fait
580 J. LARGUIER , Homicide et blessures commis en groupe : crime impossible, et présomption de participation
ou de causalité , préc., spéc. p. 884. 581
V. notamment Cass. crim., 18 mars 2003, Bull. n° 70 ; Dr. pén. 2003, Comm. 95, obs. M. VERON ; CA Reims
7 juil. 2004, Dr. pén. 2005, comm. 142, obs. M. VERON. 582
Sur cette question, v. I. MOINE-DUPUIS, Complicité et contribution à une infraction non intentionnelle, un
choix trop libre, Rev. pénit. dr. pén. 2005, p. 277 ; F. ROUSSEAU, Complice ou auteur indirect d'une infraction
non intentionnelle ?, Dr. pénal 2007, Etude n° 11. 583
Cass. crim., 22 juin 2005, Bull. n° 192; Rev. sc. crim. 2006, Chron. p. 73, obs. J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE. 584
Préc. 585
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 328 et s. 586
J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des personnes morales, réalité et fiction, in Le risque pénal dans
l’entreprise, Litec, 2003, n° 177.
143
unique. Plus encore, « la distinction entre l’auteur direct et indirect, dans le domaine des
infractions non intentionnelles dommageables, ferait écho à la distinction, plus générale,
entre l’auteur et le complice »587
. Or, la première solution paraît préférable. En effet, en
considérant la faute qualifiée comme une condition d’imputation, il semble que l’on exige la
caractérisation d’une faute simple et donc l’existence d’un auteur direct au titre de la
constitution de l’infraction. Pourtant, il est possible de concevoir des exemples dans lesquels
aucune faute simple ne peut être retenue, ce dont la jurisprudence témoigne588
. Ainsi, la
chambre criminelle a considéré qu’étaient auteurs indirects des homicides et blessures non
intentionnels de plusieurs employés, intervenus suite à l’explosion d’une chaudière, un chef
d’entreprise et un inspecteur de l’APAVE alors même qu’aucune faute simple et donc
qu’aucun auteur direct n’avaient été retenus589
. Dès lors, il semble préférable de considérer
qu’auteurs direct et indirect réalisent chacun une infraction distincte, et ne peuvent, en
conséquence, être qualifiés de participants à une infraction commune590
.
164. Par conséquent, ce n’est que lorsqu’ils s’associent à un fait unique et ont la volonté
de le faire que les agents devraient être qualifiés de participants à l’infraction. Dans une telle
hypothèse, le passager ne devrait donc pas pouvoir être auteur de l’infraction (faute de réaliser
lui-même les éléments constitutifs de l’infraction), mais serait nécessairement coauteur ou
complice. Quant à savoir quelle qualification préférer entre les deux, cela relève d’autres
critères591
.
165. Conclusion de la section 2. – Ainsi, si les coauteurs sont soumis à l’exigence
d’une entente, l’objet de cette dernière est en revanche indifférent. Que l’entente porte sur le
résultat ou sur l’acte infractionnels, la coaction pourra être sanctionnée. Partant, ce titre
587 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 328, citant en ce sens J.-C. SAINT-PAU,
La responsabilité des personnes morales, réalité et fiction, préc., p. 112 et 113 et I. MOINE-DUPUIS, Complicité
et contribution à une infraction non intentionnelle, un choix trop libre, RPDP 2005, p. 277. 588
Dans le même sens, F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 329 et s. 589
Cass. crim., 13 févr. 2001, Bull. n° 41. 590
Dans le même sens, v. E. DREYER, La causalité directe de l’infraction, préc., selon qui « il aurait fallu
inventer un mode de participation nouveau » dans de telles hypothèses. V. également F. ROUSSEAU,
L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 329, selon qui « l’imputation de l’infraction à l’auteur
indirect ne constitue pas une imputation participative ». 591
V. infra Titre 2. (Tout dépendra en particulier des relations unissant les participants : si des liens de
subordination existent, les qualifications d’auteur principal et complice devraient être préférées à celle de
coauteurs : voir plus spécialement n° 237 et s.).
144
d’imputation peut concerner des infractions intentionnelles comme non intentionnelles. Il
permet alors la répression des violences collectives et des imprudences communes, sous
réserve qu’une entente soit caractérisée entre les différents protagonistes.
145
Conclusion du chapitre 2
166. L’exigence d’une entente entre coauteurs. – Parce qu’elle est nécessaire à la
coaction, l’entente apparaît donc comme un critère de définition de ce mode de participation.
Certes, elle n’est certainement pas un critère de distinction entre complicité et coaction
puisque complice et auteur principal peuvent avoir en commun une volonté de s’associer,
mais elle est au moins un critère d’exclusion : à défaut d’entente, aucune coaction ne sera
envisageable, tandis que la complicité reste concevable. Surtout, l’entente fonde l’objet de la
coaction, en montrant que ce dernier ne peut être qu’une même et unique infraction. En
participant à la même infraction, les coauteurs tombent alors nécessairement sous le coup de
la même qualification pénale. En revanche, cette conséquence ne se retrouve pas s’agissant de
la complicité, laissant entrevoir une autre différence entre ces deux titres d’imputation : parce
que l’entente n’est pas nécessaire à la complicité, elle permet que le complice ne participe
qu’au fait matériel délictueux réalisé par l’auteur principal, et non à l’infraction dans son
ensemble. L’unité de qualifications entre complice et auteur principal n’est ainsi pas
automatique, et l’absence d’exigence d’une entente entre ces deux agents laisse au contraire
place à une éventuelle disparité entre les qualifications qui leur seront reprochées.
167. L’indifférence à l’objet de l’entente entre coauteurs. – Exiger une entente entre
coauteurs ne conduit cependant pas à restreindre le champ d’application de ce mode de
participation criminelle. En effet, l’entente pouvant porter aussi bien sur le résultat que sur
l’acte infractionnels, elle n’empêche pas d’envisager une coaction à l’égard d’infractions
intentionnelles comme non intentionnelles. Plus encore, cette indifférence à l’objet de
l’entente permet non seulement de réprimer les violences collectives et imprudences
communes, mais aussi de justifier pleinement leur répression.
147
Conclusion du titre 1
168. Un mode de participation criminelle. – En tant que mode de participation
criminelle, la coaction se rapproche de la complicité. Comme cette dernière, elle s’épanouit au
sein des infractions commises collectivement. Surtout, toutes deux exigent une volonté de
s’associer, condition de leur qualification de modes de participation criminelle.
169. Un mode de participation à une infraction unique. – Pour autant, ces deux titres
d’imputation ne peuvent être assimilés. En effet, la coaction est soumise à la caractérisation
d’une entente entre coauteurs alors que la complicité n’impose pas une telle relation entre le
complice et l’auteur principal. Cette réciprocité dans la volonté de s’associer, propre à la
coaction, crée alors une véritable interdépendance entre coauteurs qui implique que la
coaction ne peut se concevoir qu’à l’égard d’une infraction unique. Mais cette infraction
unique possède un particularisme. En effet, chaque coauteur, pour être qualifié comme tel,
doit également démontrer des traits communs avec la qualification d’auteur de l’infraction. A
ce titre, il doit faire sienne l’infraction afin qu’elle puisse être considérée non comme
l’infraction d’autrui mais comme sa propre infraction. Dès lors, la coaction s’analyse non
seulement comme un mode de participation criminelle, mais surtout comme un mode de
participation à sa propre infraction.
149
Titre 2- Un mode de participation à sa propre infraction
170. Insuffisances d’un simple critère subjectif. – Dire que la coaction s’analyse
comme un mode de participation à sa propre infraction, c’est à première vue s’appuyer sur le
courant subjectiviste pour la définir. En effet, les chantres de ce dernier considèrent comme
auteur ou coauteur celui qui a agi animo auctoris, c’est-à-dire avec la volonté d’accomplir sa
propre infraction, par opposition à celui agissant animo socii, c’est-à-dire avec la volonté de
s’associer à l’infraction d’autrui, qui ne sera qu’un simple complice592
. ROUX énonçait ainsi
que « le coauteur est celui qui agit dans son intérêt propre et pour la satisfaction d’un intérêt
personnel ; il commet son crime ou son délit ; en un mot, il a l’âme d’un auteur (animus
auctoris). Le complice, au contraire, est celui qui n’intervient que dans l’intérêt et pour le
compte d’autrui, qui participe à un crime ou à un délit qui lui est étranger ; en d’autres
termes, il a l’esprit d’un auxiliaire (animus socii) »593
. Or, ce critère a été beaucoup décrié, à
juste titre d’ailleurs. Ainsi, comment connaître, de façon sûre, l’état d’esprit des différents
agents ? En outre, comme le font remarquer différents auteurs594
, il est souvent bien illusoire
de croire que l’agent lui-même se soit interrogé quant à savoir s’il ne faisait que s’associer à
l’infraction d’autrui, ou s’il commettait sa propre infraction. Dès lors, la mise en application
concrète d’un tel critère se révèlerait impossible. Pour autant, malgré la pertinence de ces
critiques, il ne faut peut-être pas l’évincer trop rapidement. En effet, plutôt que de choisir les
investigations dans les pensées des agents comme point de départ du raisonnement, peut-être
conviendrait-il d’en faire une conséquence. Il faudrait ainsi déduire l’état d’esprit de
l’individu à partir d’indices matériels qui, eux, permettraient de dire s’il a commis sa propre
infraction ou s’est associé à celle d’autrui. C’est d’ailleurs couramment ce que fait le juge afin
592 Sur la distinction entre complice et coauteur selon le courant subjectiviste, v. supra n° 7. V. également
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 554). 593
J.-A. ROUX, note sous Cass. crim., 24 juin 1922, S. 1923, I, 41. 594
V. notamment P. BOCKELMANN, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de
participation à l’infraction, RID pén. 1957, p. 175; L. JIMENEZ DE ASUA, L’orientation moderne des notions
d’auteur de l’infraction et de participation à l’infraction, RID pén. 1957, p.493 et s. ; R. MERLE et A. VITU,
préc., n° 554.
150
de retenir l’élément moral ayant prévalu à la commission d’une infraction : l’utilisation d’une
arme à feu, en fonction des circonstances, permet ainsi de déduire l’intention homicide d’un
agent par exemple. La jurisprudence n’hésite d’ailleurs pas à déclarer que « l’élément
intentionnel résulte de la nature même du délit et n’a pas besoin d’être affirmé par le
juge »595
. Plus précisément, ce sont les circonstances de fait, laissées à l’appréciation
souveraine des juges du fond, qui vont permettre de révéler la volonté du comportement ou
non. Par exemple, la Cour de cassation a admis que l’intensité du coup donné à la victime
pouvait faire présumer l’animus necandi de son auteur596
. Cette solution permet ainsi
d’affirmer que « le comportement est en quelque sorte la préfiguration du résultat, y compris
dans sa dimension psychologique et morale »597
. Dès lors, le même raisonnement peut être
appliqué à la question du titre d’imputation, afin de déterminer si un comportement doit être
analysé comme faisant état d’une participation à sa propre infraction ou à celle d’autrui.
171. Combinaison avec des critères objectifs. – Mais quid alors de ces indices
matériels pour dire qu’il y a participation à sa propre infraction et donc coaction ? Peut-être
convient-il de se tourner vers la définition de l’auteur, qui, lui, réalise sa propre infraction. Il
est ainsi celui qui, par ses actes matériels, produit le résultat infractionnel. L’infraction est
sienne car, par ses actes individuels, il la cause. Il détient donc un véritable pouvoir d’action
sur l’infraction. Mais plusieurs personnes peuvent disposer d’un tel pouvoir sur une même
infraction. Il semble alors parfaitement logique que cet aspect se retrouve dans la coaction, le
terme même de coaction invitant évidemment à utiliser le sens de celui d’action pour le
définir. Le coauteur serait donc également doté d’un pouvoir d’action sur l’infraction, à ceci
près qu’il le détient avec au moins un autre individu598
.
Reste alors à préciser ce qu’est ce pouvoir d’action. Avoir un pouvoir d’action, c’est
être capable d’influer sur le déroulement des événements. Appliqué à l’infraction, c’est alors
être en mesure de contrôler le déroulement de l’infraction, sa réalisation, et donc son résultat.
Raisonner en termes de pouvoir d’action renvoie donc au comportement du coauteur mais
aussi au lien de causalité existant entre ce comportement matériel et le résultat de l’infraction.
595 Cass. crim., 16 janv. 1947, Bull. n° 23.
596 Cass. crim., 9 janv. 1990, Bull. n° 15 ; Rev. sc. crim. 1990, p. 337, obs. G. LEVASSEUR.
597 Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 228, p. 247 in fine.
598 Cet exercice à plusieurs pourrait remettre en cause l’idée d’un véritable pouvoir d’action : celui-ci existe-il
réellement lorsqu’il est partagé ? La réponse est positive dès lors qu’il y a une égalité entre les différents
participants : v. infra n° 279 et s.
151
Or, chacun de ces aspects a déjà été envisagé par la doctrine en tant que critères objectifs de
définition du coauteur599
. Ainsi, qualifier la coaction de participation à sa propre infraction
revient à mêler des critères objectifs et subjectifs ou plus exactement, à traduire
matériellement le critère subjectif, pour la définir. Etre coauteur suppose alors, comme il vient
de l’être dit, d’être en mesure d’influer sur la façon de réaliser l’infraction, mais également sur
le résultat de celle-ci. Or, déterminer la nature exacte de l’influence du coauteur sur le résultat
de l’infraction permettra de généraliser quel type d’actes permet d’atteindre ce résultat. C’est
pourquoi il convient de s’intéresser en premier lieu à la participation du coauteur au résultat
infractionnel collectif (Chapitre 1), avant de voir sa participation au comportement
infractionnel collectif (Chapitre 2).
599 V. infra n° 3.
153
Chapitre 1- Une participation au résultat infractionnel collectif
172. Considérer que le coauteur participe à sa propre infraction, c’est exiger qu’il ait
une influence sur celle-ci. En effet, pour prendre part à l’infraction, encore faut-il qu’il
démontre son rôle sur cette dernière. Or, cette influence se traduit d’abord par une
participation au résultat de l’infraction collective. En d’autres termes, il convient de s’assurer
que le comportement du coauteur pourra être mis en relation avec le résultat de l’infraction
collective en tant que cause de celui-ci.
De prime abord, il semble assez évident, voire relever d’un truisme, de dire qu’il faut
que le coauteur soit une cause de l’infraction. En effet, à défaut, comment pourrait-on le lier à
cette dernière, de quoi serait-il coauteur, et pourquoi le punir ? Malgré l’évidence de cette
affirmation, elle mérite d’être approfondie. Il n’est ainsi pas suffisant d’énoncer que le
coauteur doit avoir causé l’infraction, ce constat doit être affiné. Suffit-il que le coauteur soit
une cause de l’infraction parmi d’autres ou doit-il être une cause précise, telle que
déterminante ou directe600
? Il convient alors de démontrer l’exigence d’une contribution
causale à l’infraction collective chez le coauteur (Section 1) pour mieux apprécier l’intensité
de cette contribution (Section 2).
Section 1- L’exigence d’une contribution causale à l’infraction
173. Considérer qu’un participant à une infraction doit s’analyser comme une cause de
celle-ci semble à première vue relever de l’évidence. En prenant part à celle-ci, il en est
nécessairement à l’origine, au moins de façon éloignée. Ainsi, celui qui donne des indications
sur les habitudes des occupants d’une maison contribue au vol commis dans cette dernière, en
le facilitant. Pourtant, certains auteurs et certaines décisions jurisprudentielles ont parfois pu
faire douter de cette nécessité d’un lien de cause à effet entre les actes du participant et
600 Sur le sens de ces différents termes, v. infra n° 229 et 230.
154
l’infraction effectivement commise, en particulier en matière de complicité. Dès lors, s’il était
avéré que cette dernière forme de participation était réellement moins exigeante que la
coaction quant à la certitude du lien de causalité l’unissant à l’infraction réalisée, cette
exigence d’une contribution causale à l’infraction pourrait apparaître comme un critère
distinctif entre complicité et coaction. Il convient donc de s’intéresser à cette condition à
l’égard de chacune des formes de participation, en recherchant d’abord l’exigence de causalité
en matière de coaction (§1), puis en matière de complicité (§2).
§1- L’exigence de causalité en matière de coaction
174. Pour certains, la coaction n’est rien de plus qu’une juxtaposition d’actions. Sans
adhérer à cette définition601
, il faut pourtant admettre que la coaction se rapproche
nécessairement de l’action. En effet, outre l’argument étymologique602
, tout comme cette
dernière, elle s’apparente à une cause de l’infraction. Ce caractère n’a jamais été discuté en
doctrine tant il semble évident, si bien que les auteurs ne s’interrogent généralement pas à son
sujet, préférant débattre de la nature ou encore des caractères pouvant définir le lien de
causalité unissant les actes du coauteur au résultat pénal. Or, bien que l’exigence de ce lien de
causalité ne soit pas discutée, il reste que sa caractérisation n’est pas aussi aisée qu’en cas
d’unique protagoniste. Si l’exigence d’une contribution causale en matière de coaction est
empruntée à l’action (A), elle n’en demeure pas moins adaptée à ce mode d’imputation (B).
A- Une exigence empruntée à l’action
175. L’auteur, cause du résultat infractionnel. – De façon générale, l’auteur d’une
infraction se définit comme celui qui l’accomplit, c’est-à-dire celui qui en réalise les éléments
constitutifs. En d’autres termes, c’est celui qui produit le résultat infractionnel. Il en est donc
la cause. D’ailleurs, le lien de causalité entre ses agissements et le résultat est une des
conditions de sa répression. Le législateur le prévoit parfois expressément. Ainsi considère-t-il
qu’en cas de faute d’imprudence, « les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le
601 V. supra n° 55.
602 V. supra n° 14.
155
dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du
dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables
pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une
obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit
commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité
qu'elles ne pouvaient ignorer »603
. Implicitement, ce texte démontre l’exigence de causalité en
distinguant entre le caractère direct ou indirect de celle-ci. Plus clairement encore, certains
textes incriminent le fait de « causer » la mort ou des blessures à autrui604
.
Du reste, la jurisprudence est particulièrement vigilante sur ce point : elle exige
expressément une causalité certaine605
et n’hésite pas à approuver la relaxe d’individus
poursuivis pour homicide involontaire lorsque le lien de causalité entre leurs agissements et le
décès n’est pas certain606
.
Condition essentielle de l’action, la causalité entre les actes de l’agent et le résultat de
l’infraction doit donc nécessairement se retrouver en matière de coaction. D’ailleurs, en droit
civil, la coaction se définit généralement comme l’action conjuguée de plusieurs personnes
ayant engendré un dommage607
. C’est donc principalement par son pouvoir causal qu’est
défini le coauteur, témoignant du rôle central de ce critère.
176. Suffisance d’une causalité concrète en matière d’action. – Mais dans
l’hypothèse où il n’y a qu’un seul protagoniste, et donc un auteur unique, la question de la
causalité pose généralement moins de difficultés que lorsque plusieurs individus sont
concernés. On raisonne en effet sur une causalité concrète, en s’interrogeant sur le fait de
603 C. pén., art. 121-3.
604 C. pén., art. 221-6, 222-19 et s.
605 V. notamment Cass. crim., 11 déc. 1957, Bull. n° 829, JCP 1958, II, 10423 : « les juges saisis d’une poursuite
pour homicide et blessures involontaires ne sauraient retenir cette infraction à la charge du prévenu qu’à la
condition que l’accident survenu se rattache de façon certaine, même indirectement, par une relation de cause à
effet avec la faute reprochée au prévenu » ; 24 oct. 1973, Bull. n° 378, D. 1973, IR 222 : la répression des
homicides et blessures non intentionnels, si elle n’exige pas un lien de causalité direct et immédiat entre
l’imprudence du prévenu et le décès ou les blessures de la victime, « encore faut-il que l’existence de ce lien soit
certaine » ; v. également Cass. crim., 5 oct. 2004, Bull. n° 230, D. 2005, Pan. 1525, obs. S. MIRABAIL, AJ pén.
2005, p. 25, obs. J. COSTE, Gaz. Pal. 2004, 2, 3831, concl. PH. COMMARET, Rev. sc. crim. 2005, p. 71, obs. Y.
MAYAUD ; 14 mai 2008, Bull. n° 112, D. 2009, Pan. 128, obs. T. GARE, AJ pén. 2008, p. 371, obs. C. DUPARC,
Dr. pén. 2008, Comm. 111, obs. M. VERON. 606
V. notamment Cass. crim., 25 avr. 1967, Bull. n° 129, Gaz. Pal. 1968, I, 343 ; 8 janv. 1985, Gaz. Pal. 1986, I,
Somm. 124 ; 10 janv. 1991, Dr. pén. 1991, p. 169, Rev. sc. crim. 1992, p. 77, obs. G. LEVASSEUR ; 22 mars
2005, Dr. pén. 2005, p. 103, obs. M. VERON. 607
V. notamment B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Obligations, T. 1, Responsabilité délictuelle, Litec, 5ème
éd., 1996.
156
savoir si le comportement de l’individu a effectivement engendré le résultat pénal en
question : sans son acte, ce résultat aurait-il eu lieu ? Si la réponse est positive, le lien de
causalité ne pourra être établi, si elle est négative, il le pourra. Ainsi, c’est le fait que
l’individu ait effectivement produit le résultat incriminé qui est pris en compte, peu importe
qu’il en ait été la cause adéquate608
.
Cependant, dès lors qu’il y a pluralité de participants, de nouvelles difficultés peuvent
s’ajouter aux précédentes : les comportements sont parfois tant entremêlés qu’ils rendent
impossible d’établir avec certitude le lien de causalité unissant chaque participant au résultat.
Cette exigence a donc dû être adaptée à la coaction.
B- Une exigence adaptée à la coaction
177. Caractérisation d’une cause unique. – Il a précédemment été établi que la
coaction se fondait sur une infraction unique. Pour autant, cela ne signifie pas qu’on ne puisse
décomposer cette dernière en différents comportements. On pourra par exemple identifier
deux actions dans un vol commis par deux coauteurs : l’un anéantit les systèmes de sécurité,
tandis que l’autre s’empare de l’objet convoité. Il conviendra alors d’établir un lien de
causalité entre chacun de ces comportements et le résultat légal de l’infraction, c’est-à-dire le
fait que le bien d’autrui ait été soustrait en l’espèce. La démarche est ainsi la même qu’en
matière d’action. A défaut d’établir cette contribution causale du participant à l’infraction,
celui-ci ne pourra être sanctionné, malgré la caractérisation d’une entente entre lui et son
associé. Cependant, et spécialement en matière de coaction, des hypothèses plus délicates se
présentent parfois, rendant impossible de distinguer entre les différents actes de chacun tant
ils sont entremêlés. Dès lors, si on ne peut établir quel acte a été commis par quel individu, il
sera a fortiori impossible de déterminer le lien de causalité unissant chaque comportement au
résultat de l’infraction.
Or, il a été vu que la jurisprudence, face à cette situation, « globalisait » les
comportements pour ne plus identifier qu’une seule infraction. La conséquence logique quant
au lien de causalité est alors la suivante : celui-ci sera établi par rapport au groupe dans son
ensemble, facilitant ainsi sa caractérisation. C’est ainsi que la doctrine parle parfois de
608 Sur ce point, v. infra n° 220 et s.
157
« l’émergence d’une cause unique »609
. En effet, « la fusion des agissements répréhensibles
permet de ne retenir qu’une cause unique, celle formée par le bloc unifié des infractions, pour
le résultat dommageable »610
. Cette méthode est utilisée aussi bien pour les infractions
intentionnelles que les imprudences communes.
178. Infractions intentionnelles. – Certes, en matière intentionnelle, on a parfois
reproché à ce raisonnement de créer de toutes pièces le lien de causalité, quand un seul des
protagonistes peut être à l’origine du résultat611
. C’est par exemple l’hypothèse dans laquelle
deux personnes jettent des pierres en direction d’une autre et qu’un seul projectile atteint la
victime612
, ou encore celle dans laquelle deux individus tirent chacun avec une arme à feu sur
un autre qui n’est touché mortellement que par une unique balle613
. Si l’on appliquait
strictement les principes de droit pénal général, il faudrait en réalité considérer dans de tels
cas qu’il existe une infraction consommée et une infraction tentée. Pourtant, ne pouvant
déterminer quel individu est à l’origine du dommage, la Cour de cassation les considère
comme coauteurs des violences ou du meurtre, venant ainsi créer de toutes pièces le lien
unissant le résultat de l’infraction et l’acte de l’individu dont la pierre ou la balle n’a pas
touché la victime. Il y aurait là un artifice contestable, qui viendrait en outre contredire
l’exigence d’une contribution causale du coauteur. Cependant, on peut considérer avec un
auteur que « l’une des actions est la cause effective de l’infraction, mais toutes deux sont les
causes de la création de cette situation collective dangereuse. C’est pourquoi, la fusion des
causes donne naissance à une cause unique reprochée aux deux individus »614
. De plus, il a
été vu que l’entente unissant les différents participants pourrait permettre de justifier une telle
solution615
. Mais le même auteur déplore ce mécanisme, considérant qu’il « porte atteinte aux
principes juridiques de la responsabilité pénale, en punissant un individu qui n’a pas commis
d’infraction pénale, par une utilisation trop extensive de la dépendance par la causalité »616
.
609 A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 704
et s. 610
A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 713. 611
PH. SALVAGE, Les infractions commises au sein d’un groupe informel : l’établissement des responsabilités et
la méthode du Droit, préc., n° 13. 612
Cass. crim., 14 déc. 1955, Bull. n° 566 ; 12 oct. 1961, Bull. n° 399, Rev. sc. crim. 1963, p. 103, obs. G.
LEVASSEUR. 613
Cass. crim., 5 oct. 1972, Bull. n° 269. 614
A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 724. 615
En faisant le parallèle avec la théorie de la scène unique de violences : v. supra n° 134 et s. 616
A. DARSONVILLE, Les situations de dépendance entre infractions, Essai d’une théorie générale, préc., n° 725.
158
Toutefois, cette critique pourrait être relativisée dans la mesure où ce raisonnement pourrait
ne relever que d’une règle de preuve, non d’une règle de fond. Serait ainsi établie une simple
présomption de causalité entre chaque individu et le résultat de l’infraction, présomption qui
devrait demeurer réfragable. Il serait alors possible pour un individu du groupe de prouver
qu’il n’a pu causer l’infraction en question. En outre, dans de tels cas, les comportements des
agents sont dirigés vers le même but, et surtout fondamentalement interchangeables617
. En
réalité, tous se représentent dans l’action618
, chacun acceptant implicitement de répondre des
actes de l’autre. Il est alors peut-être excessif de considérer que celui qui n’a pas atteint la
victime n’a pas commis d’infraction pénale. Ce n’est que le hasard qui fait que le résultat
pénal est atteint ou non. Enfin, face à une infraction intentionnelle, la solution se comprendrait
d’autant mieux que l’infraction manquée est généralement réprimée par le biais de la
tentative. Ainsi, l’individu qui n’a pas touché la victime a au moins commis une tentative, que
l’on pourrait envisager de punir619
, et ce de façon d’autant plus justifiée que la coaction
n’exige pas l’accomplissement de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction, mais
peut se contenter de l’accomplissement, par un des coauteurs, du commencement d’exécution
de l’infraction collective620
. Certes, les infractions de violences ne se prêtent
traditionnellement pas à la répression de leur tentative, mais ne peut-on pas du moins
l’envisager ? Un auteur propose ainsi « par dérogation à l’article 121-4 du Code pénal, une
répression différenciée de l’infraction tentée et de l’infraction consommée du fait de
l’impossibilité de connaître, pour ce types d’infractions, la gravité du dommage avant la
consommation de l’infraction »621
. Surtout, en raisonnant en termes de probabilités et par
référence à la nature abstraitement causale de l’acte en cause, une telle répression serait
envisageable622
. En effet, il faudrait alors se demander quel était, abstraitement, le potentiel
causal de l’acte, c’est-à-dire quelles conséquences l’acte de violence envisagé était susceptible
617 Sur l’interchangeabilité et la coaction, v. infra n° 282 et 488.
618 Sur l’idée de représentation dans l’action, v. supra n° 13.
619 Dans l’exemple précédent relatif au meurtre, il est ainsi indéniable que l’on peut au moins reprocher à
l’individu dont la balle n’aurait pas atteint sa cible une tentative de meurtre. 620
V. infra n° 292 et 293. 621
R. PARIZOT, L’incrimination du délit de participation à une bande ayant des visées violentes, un nouvel
exemple de méprise à l’égard des principes du droit pénal, D. 2009, chron., p. 2701 et s., spéc., p. 2702. 622
Même s’il est certain qu’elle serait fort délicate à mettre en œuvre. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit en aucun cas
ici de prôner la répression de la tentative de violences mais seulement de justifier davantage la répression
d’infractions par le biais de la coaction lorsque l’on se trouve dans l’impossibilité de déterminer quel individu a
concrètement causé le résultat redouté.
159
de produire sur un individu moyen placé dans les mêmes circonstances623
. La solution est
enfin confortée par l’analogie possible avec l’article 332-4 du Code pénal réprimant la
tentative de destruction, dégradation et détérioration alors même que cette dernière
incrimination s’analyse, à l’instar des violences, comme une infraction de résultat624
.
179. Infractions non intentionnelles. – En matière non intentionnelle, et plus
particulièrement concernant les imprudences conscientes, le raisonnement est identique : la
jurisprudence fusionne les différents comportements pour ne retenir qu’une cause unique625
.
Mais cette technique est ici encore moins contestable qu’en matière d’infractions
intentionnelles. En effet, c’est en réalité la participation à une action collective dangereuse
que sanctionne la jurisprudence. Ainsi, cette participation constitue une faute, et c’est par
rapport à cette faute antérieure que va pouvoir être établi le lien de causalité à l’égard du
risque d’atteinte aux tiers. Or, si ce risque se réalise, l’infraction pourra être imputée aux
différents participants précisément eu égard à leur faute commune d’imprudence, et au lien de
causalité ainsi révélé. Mais là encore, il importe que cette règle ne se transforme pas en règle
de fond afin de respecter l’exigence d’un lien de causalité réel entre le dommage et le
comportement fautif. Ainsi, parce que cette présomption de causalité sera réfragable, chaque
individu pourra prouver qu’il n’a pu commettre le résultat reproché, et donc qu’il ne peut en
être coauteur. Si cette présomption ne pouvait être renversée, il y aurait alors un risque que le
lien de causalité entre un individu et l’infraction soit créé de toutes pièces, ruinant l’exigence
de causalité pourtant nécessaire à l’établissement d’une participation.
180. Le constat d’un lien de causalité entre les actes de chaque participant et le résultat
de l’infraction est donc une exigence en matière de coaction. Reste à voir si tel est le cas en
matière de complicité.
623 Plus généralement, sur la nature abstraitement causale d’un acte, v. V. MALABAT, Appréciation in abstracto et
appréciation in concreto en droit pénal, préc., n° 35 et s. V. également, sur la distinction entre causalité concrète
et causalité abstraite, J.-CH. SAINT-PAU, Les causalités dans la théorie de l’infraction, préc., spéc. n° 17 et s. 624
C’est-à-dire une infraction dont la qualification légale est fonction de la gravité du résultat pénal
effectivement atteint : v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 321.
Plus généralement, sur les infractions de résultat, v. M.-A. RAYMOND, Les infractions de résultat, thèse
Bordeaux IV, 2010. 625
V. supra n°132 et s.
160
§2- L’exigence de causalité en matière de complicité
181. Exigence discutée. – Savoir si l’acte du complice doit nécessairement s’apparenter
à une cause de l’infraction pour être répréhensible est une question qui a été débattue. En
effet, que faire si une personne fournit une arme à un individu afin qu’il en exécute un autre et
que l’auteur principal décide de ne pas s’en servir ? L’arme apportée aura été totalement
inutile à la commission de l’assassinat, et on ne pourra alors qualifier sa fourniture de cause
de l’infraction. Doit-on pour autant ne pas inquiéter un individu qui a démontré sa dangerosité
en cherchant à s’associer, en connaissance de cause, à la commission d’un crime, alors même
que ce n’est pas de son propre fait qu’il n’a pu être effectivement une cause de ce dernier626
?
La doctrine est divisée quant à la réponse à y apporter. En effet, pour beaucoup627
, il faut
« établir que le fait imputé au participant accessoire a contribué de façon effective à la
réalisation de cette infraction »628
. Pourtant, d’éminents auteurs considèrent que cette
contribution causale effective n’est nullement nécessaire629
. Ainsi, « pour traditionnelle
qu’elle soit, la question semble n’avoir jamais été résolue »630
. Or, il semble que les principes
mêmes du droit pénal imposent que les actes du complice soient en relation de causalité avec
l’infraction réalisée par l’auteur principal, à tel point que cette condition a pu être qualifiée
d’ « exigence de bon sens »631
(A). Le droit positif lui-même semble du reste confirmer cet
impératif (B).
626 Les questions soulevées là sont importantes et reprennent en réalité le débat plus général de savoir où
commencer et où arrêter la répression, c’est-à-dire où fixer le seuil de l’illicite. En effet, le droit ne peut réprimer
les comportements trop éloignés de la commission de l’infraction sans risquer d’atteindre les libertés
individuelles, c’est pourquoi la réponse dépend généralement de la valeur sociale en cause et du degré de
protection qu’on souhaite lui conférer. Sur ce point, v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,
Droit pénal général, préc., n° 319. 627
V. notamment P. BOCKELMANN, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de
participation à l’infraction, RID pén. 1956, p. 168 ; R. GARRAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal
français, t. 3, 3ème
éd., n° 900 ; J. LARGUIER, Rev. sc. crim. 1979, p. 75. 628
A. LEGAL, Rev. sc. crim. 1959, p. 490. 629
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 1, préc., n° 549, selon qui « peu importe que le fait du
complice ait joué un rôle causal, ou qu’il ne l’ait pas joué, dans le résultat de l’infraction ». 630
PH. SALVAGE, Le lien de causalité en matière de complicité, Rev. sc. crim. 1981, p. 25. 631
A. NASRI, La place de la causalité dans la complicité : étude critique, RRJ 2006, n° 4, p. 2419, spéc. p. 2421.
161
A- Une exigence imposée par la cohérence du droit pénal
182. Causalité et responsabilité pénale du fait personnel. – L’exigence de causalité
entre les actes du complice et l’infraction réalisée ressort en premier lieu du principe de
responsabilité pénale du fait personnel632
. En garantissant que « nul n’est responsable
pénalement que de son propre fait » dès le premier article du Code pénal, le législateur
français rejette ici toute responsabilité pénale du fait d’autrui633
. Ce faisant, il impose que tout
individu soit puni pour les faits qu’il a lui-même commis ou tout du moins auxquels il a lui-
même participé. C’est alors une véritable exigence de causalité qui est posée entre les faits
reprochés à l’individu et l’infraction commise634
. Ainsi, « le principe même de la
responsabilité n’existe pas sans la causalité »635
.
183. Causalité et emprunt de criminalité. – En second lieu, l’exigence de causalité
entre les actes du complice et l’infraction réalisée par l’auteur principal s’explique par l’idée
même d’emprunt de criminalité. En ce sens, un auteur fait valoir que « si l’acte du complice
n’a en rien participé à la réalisation de l’infraction principale, en dépit de son activité
sciemment accomplie, aucun lien matériel n’existe entre les deux protagonistes et la
criminalité de l’un ne saurait se transmettre à l’autre »636
. Le lien entre criminalité d’emprunt
et causalité est ainsi fréquemment relevé par la doctrine637
.
632 Dans le même sens, v. P.-A. BON, Quelques réflexions sur la causalité en droit pénal, RPDP 2006, p. 291,
spéc. p. 293. V. également M.-H. GALMARD, L’incrimination de la pratique du « vidéolynchage » ou la rupture
du lien de causalité entre l’acte de complicité et l’infraction principale, RPDP 2007, p. 583, qui reproche à
l’incrimination du « vidéolynchage », ou « happy slapping » de ne pas exiger la démonstration d’un lien de
causalité entre l’acte du complice et l’infraction commise. Elle considère alors que « sont ainsi mis à mal, la
notion même de complicité et le principe de la personnalité des délits et des peines ». 633
Sur cette dernière, v. notamment B. BOULOC, La responsabilité pénale du fait d’autrui, Colloque Cedidac,
Lausanne 2001, p. 107 ; G. LEVASSEUR, La responsabilité pénale pour autrui, rapport à la société de législation
comparée, nov. 1975, C. rendu J. Sacotte, Rev. sc. crim. 1976, p. 1076 ; A. TEANI, La responsabilité pénale du
fait d’autrui, thèse Bordeaux IV, 2007. 634
Du reste, ce fondement justifie également l’exigence de causalité en matière de coaction. Il semblait
cependant important de le rappeler s’agissant de la complicité pour laquelle l’exigence de causalité a été plus
débattue qu’à l’égard de la coaction. 635
Y. MAYAUD, Quelle certitude pour le lien de causalité dans la théorie de la responsabilité pénale ?, Une
certaine idée du droit, Mélanges offerts à A. Decocq, Litec, 2004, p. 475. 636
P.-A. BON, La causalité en droit pénal, LGDJ, 2006, n° 235. 637
V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 337 in fine ; W. JEANDIDIER, Droit pénal général,
2ème
éd., Montchrestien, Domat droit privé, 1991, p. 312 ; PH. SALVAGE, Le lien de causalité en matière de
complicité, préc., p. 40.
162
184. Causalité et acte antérieur ou concomitant à l’infraction. – Enfin, si la
complicité se caractérise par des actes antérieurs ou concomitants à l’infraction638
, c’est
précisément parce que ce n’est qu’à cette condition que ces actes pourront être en lien de
causalité avec l’infraction639
. Cette caractéristique explique d’ailleurs que le recel ne puisse
être considéré comme un mode de participation à l’infraction. En effet, faute d’intervenir
avant ou pendant la réalisation de l’infraction, le receleur ne peut, par essence, prendre part à
cette dernière car il n’en est en aucune façon une cause quelconque640
.
185. Exigence de certitude du lien de causalité. – Si le complice doit nécessairement
s’inscrire dans une relation de causalité avec l’infraction commise, encore faut-il que cette
causalité soit certaine, exigence commune à toute preuve en droit pénal641
. Pour établir cette
certitude causale, différentes conceptions sont envisageables. Il est ainsi traditionnellement
distingué entre différentes théories, dont celles de la causalité adéquate et de l’équivalence des
conditions. En vertu de la première, il convient de ne retenir comme causes du dommage que
celles qui, selon le cours naturel des choses, étaient à même de produire le résultat considéré.
Cette théorie revient donc à se livrer à un « pronostic objectif rétrospectif »642
et à tenir
compte du « pouvoir abstraitement causal de l’acte »643
en raisonnant sur la prévisibilité du
résultat infractionnel. Quant à la seconde, elle invite à considérer comme des causes de
l’infraction tous les éléments qui en sont des conditions sine qua non, c’est-à-dire ceux sans
lesquels l’infraction n’aurait pas eu lieu644
. Cette dernière théorie permet alors de remonter
plus loin dans le processus causal. Surtout, elle démontre que l’absence d’exclusivité des
causes d’une infraction ne remet pas en question la certitude du lien causal. Autrement dit, la
638 En ce sens, v. l’ensemble des ouvrages de droit pénal général.
639 En ce sens, v. notamment T. GARE et C. GINESTET, Droit pénal – Procédure pénale, Dalloz, Hypercours, 5
ème
éd., 2008, n° 234. 640
Dans le même sens, v. X. PIN, Le consentement en matière pénale, LGDJ, 2002, n° 272, note 24 : « Par
définition, le receleur est un intervenant postérieur à l’infraction, il ne peut donc pas, du point de vue de la
causalité, être un participant ». Contra, car considérant que le recel a pu avoir un rôle causal du point de vue
criminologique, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 427. 641
En ce sens, v. F. DEFFERARD, La provocation, Rev. sc. crim. 2002, p. 233, spéc. p. 240. 642
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, préc., n° 569 citant M. RUMELIN. 643
V. MALABAT, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit pénal, préc. n° 35, p. 34. Plus
généralement, sur cette théorie, v. CH. QUEZEL-AMBRUNAZ, Essai sur la causalité en droit de la responsabilité
civile, préc., n° 80 et s. 644
Sur cette théorie, v. notamment J. CARBONNIER, Droit civil, tome IV, Les obligations, 21ème
éd., coll. Thémis
Droit privé, PUF, Paris, 1998, n° 216, p. 377 ; V. MALABAT, Appréciation in abstracto et appréciation in
concreto en droit pénal, préc., n° 34 ; CH. QUEZEL-AMBRUNAZ, Essai sur la causalité en droit de la
responsabilité civile, préc., n° 19 et s.
163
certitude du lien de causalité ne s’oppose pas à la caractérisation d’une pluralité de causes de
l’infraction.
Cette exigence de certitude du lien de causalité unissant les actes du complice à
l’infraction réalisée par l’auteur principal, induite des principes mêmes du droit pénal, est du
reste confirmée par le droit positif.
B- Une exigence confirmée en droit positif
186. L’exigence d’un lien de causalité unissant les actes du complice à l’infraction
réalisée par l’auteur principal est confirmée aussi bien par la loi (1) que par la jurisprudence
(2).
1- Une exigence légale
187. Exigence textuelle implicite. – Le Code pénal ne se prononce pas explicitement
sur la question de la causalité en matière de complicité dans la mesure où il n’emploie pas les
termes de « cause » ou d’ « origine de l’infraction » lorsqu’il traite de ce mode de
participation. Pourtant, les définitions qu’il donne du complice ne peuvent laisser de place au
doute quant à l’exigence d’un lien de causalité entre les actes du complice et l’infraction
réalisée, tant en ce qui concerne la complicité par aide et assistance (a) que la complicité par
instigation (b).
a) En matière de complicité par aide et assistance
188. En premier lieu, s’agissant de l’alinéa 1er
de l’article 121-7 visant la complicité par
aide et assistance, le législateur considère comme complice d'un crime ou d'un délit « la
personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la
consommation ». Or, le fait de faciliter s’analyse nécessairement en termes de causalité.
Faciliter, c’est permettre à quelqu’un d’agir en faisant moins d’efforts, de façon plus aisée.
Appliqué à la complicité, c’est donc permettre à l’auteur de réaliser plus aisément l’infraction,
164
ce qui exige un rôle causal à l’égard de cette dernière. D’ailleurs, un auteur645
montre que
sous l’ancien code pénal646
, la complicité s’entendait du fait d’avoir « procuré un moyen qui
aura servi à l’action », et non d’un moyen qui aurait pu y servir, témoignant là de la nécessité
de la causalité647
.
Le constat est le même en matière de complicité par instigation.
b) En matière de complicité par instigation
189. En second lieu, s’agissant de l’alinéa 2 de l’article 121-7 visant la complicité par
instigation, là encore le législateur n’est pas particulièrement explicite quant à l’exigence de
causalité. Il dispose simplement qu’ « est également complice la personne qui par don,
promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou
donné des instructions pour la commettre ».
190. Provocation à l’infraction. – Concernant la provocation, elle s’analyse comme un
comportement antérieur à l’infraction qu’elle veut susciter, elle a alors nécessairement un rôle
causal dans le déroulement de celle-ci648
. Cela est d’autant plus vrai que c’est précisément ce
rôle causal qui permet de distinguer la provocation à une infraction du simple conseil, non
punissable. En effet, ce dernier n’implique aucun pouvoir de persuasion, et n’est en aucun cas
un acte causal d’une infraction. En ce sens, un auteur montre qu’ « en son absence, les faits se
seraient normalement déroulés de façon identique »649
.
191. Fourniture d’instructions. – Quant à la fourniture d’instructions, le même auteur
fait remarquer avec justesse que le texte d’incrimination renseigne quelque peu sur l’exigence
de causalité en la matière. En effet selon lui, bien que « discrète », « l’allusion au rôle causal
645 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal français, t. 3, préc., n° 930.
646 C. pén. anc., art. 60 al. 2.
647 C’est nous qui soulignons.
648 Dans le même sens, v. notamment G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc., qui la définit comme un « fait
causal »; PH. SALVAGE, Le lien de causalité en matière de complicité, Rev. sc. crim. 1981, p. 25, n° 7, pour qui
« la provocation est un type d’action qui […]est censé avoir eu un rôle causal ». 649
PH. SALVAGE, Le lien de causalité en matière de complicité, préc., n° 9. Précédemment et dans le même sens,
il écrit que « le simple conseil n’est pas constitutif de responsabilité, car, du fait de sa nature, il ne se situe pas
sur le plan des moyens de parvenir à l’infraction et n’est donc pas susceptible d’avoir joué un rôle causal dans
la réalisation de celle-ci ».
165
[…] n’en est pas moins réelle »650
. Il se fonde ainsi sur le fait que le législateur évoque les
instructions données « pour commettre » l’infraction, imposant ainsi que celles-ci aient joué
un rôle dans la réalisation du fait délictueux. D’ailleurs, à l’instar de la distinction entre
provocation et conseil, c’est l’idée de causalité qui permet de différencier instructions et
simples renseignements : imprécis ou dénués d’utilité, ces derniers ne sont pas punissables651
.
En outre, il est possible de se demander si la fourniture d’instructions ne s’apparente pas à une
forme d’aide, imposant alors, à ce titre, une contribution causale à l’infraction. La délimitation
de ces deux cas de complicité652
se révèle en effet délicate. Or, la Cour de cassation n’éclaire
pas le sujet en faisant une interprétation extensive de la notion d’instructions pour des besoins
répressifs. Ainsi, dans un arrêt rendu le 7 septembre 2004653
, la Chambre criminelle considère
qu’en louant des motocyclettes et quads au public et en fournissant des instructions quant à
leur utilisation, l’exploitant du circuit non autorisé se rend complice par instigation de la
contravention de circulation de véhicules motorisés en dehors des voies de circulation. En
effet, sauf disposition contraire, la complicité par aide ou assistance n’est punissable que si
elle se rattache à un crime ou un délit, alors que l’instigation peut porter sur des
contraventions. Caractériser ce dernier mode de complicité était donc le seul moyen pour les
juges d’atteindre l’exploitant. Cependant, alors que la location du matériel pouvait plutôt
s’apparenter à une fourniture de moyens et donc à une forme d’aide, la Cour contribue ce
faisant à brouiller les frontières entre fourniture d’instructions et aide et assistance654
. Or,
selon un auteur, elle ne fait là que remplacer une confusion par une autre, puisque pour lui,
« cette évolution se substituera à la jurisprudence ancienne qui utilisait, dans le même
emploi, la coaction là où la complicité aurait dû avoir sa place »655
. Néanmoins, si la
650 Ibid.
651 Dans le même sens, v. notamment J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 346. Pour des exemples, v.
notamment Cass. crim., 24 déc. 1942, S. 1944, 1, p.7 (un individu conseillant à sa maîtresse d’avorter au moyen
« d’injections », sans autre précision) ; Cass. crim., 21 sept. 1994, Bull. n° 302 ; Dr. pén. 1995, comm. 2, obs. M.
VERON ; Rev. sc. crim. 1995, p. 343, obs. B. BOULOC. 652
Sur la distinction entre modes et cas de complicité, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal
général, préc., n° 416. 653
Cass. crim., 7 sept. 2004, JurisData n° 2004-025104, Dr. pén. 2004, comm. 174, note J.-H. ROBERT. 654
Dans le même sens, J.-H. ROBERT, préc., regrette que les juges ne se soient pas saisis « de l’occasion pourtant
belle d’expliquer la différence entre les instructions et l’aide et l’assistance ». 655
J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 346.
166
question est intéressante d’un point de vue notionnel656
, elle n’empêche pas, bien au contraire,
de considérer que les instructions doivent être une cause de l’infraction.
192. Exigence d’un effet. – Enfin, et concernant aussi bien la provocation que la
fourniture d’instructions, il ne faut pas oublier que, comme toute forme de complicité, elles
impliquent de pouvoir identifier un fait principal punissable. En d’autres termes, l’instigation
exige que la provocation ou les instructions aient été suivies d’effet, c’est-à-dire qu’elles aient
conduit à la consommation ou à la tentative de l’infraction envisagée657
. A défaut en effet, il
ne s’agirait que d’une tentative de complicité, non punissable658
. Dès lors, ce mode de
complicité impose une relation de causalité certaine avec l’infraction.
193. La jurisprudence ne manque d’ailleurs pas de relever l’existence de ce lien de
causalité, et exige qu’il soit démontré et expressément constaté.
2- Une exigence jurisprudentielle
194. La Cour de cassation veille à ce que le lien de causalité entre les actes du complice
et l’infraction réalisée soit établi. En attestent son refus de sanctionner la participation
inutilisée (a) et sa recherche de l’existence d’un encouragement moral à l’infraction dans les
actes du complice (b).
a) Le refus de sanctionner la participation inutilisée
195. Hypothèses. – La participation inutilisée correspond à l’éventualité dans laquelle
l’auteur principal décide délibérément de ne pas utiliser les moyens ou instructions fournis par
son associé, ou n’est pas en mesure de le faire, alors même qu’ils étaient efficaces ou
pertinents pour la réalisation de l’infraction. Le complice a ainsi entièrement réalisé ses actes
656 Et surtout, elle va revêtir une importance relativement à la question de l’instigateur : le provocateur a un rôle
causal bien plus fort que celui qui donne des instructions. Seul lui devrait être qualifié d’auteur moral,
l’instructeur se rapprochant davantage d’un simple complice du point de vue de l’intensité causale. Sur la
distinction entre complicité et coaction du point de vue de l’intensité causale, v. infra n° 172 et s. 657
Exception faite de certaines incriminations autonomes de provocations qui prévoient expressément que ces
dernières n’ont pas à être suivies d’effet pour être punissables. V. notamment les articles 411-11 (provocation à
la trahison et à l’espionnage) et 434-15 (subornation de témoin) du Code pénal. 658
V. supra n° 105.
167
d’exécution. Pour autant, peut-il être punissable alors même que ces actes n’ont pas été
profitables à l’infraction ? L’exigence d’un lien de causalité entre les actes du complice et
l’infraction semble, a priori, s’y opposer, ce que la jurisprudence confirme. La Cour de
cassation exige en effet l’utilisation effective du moyen remis par l’associé pour sanctionner
ce dernier au titre de la complicité.
196. Exigence jurisprudentielle de l’utilisation du moyen remis. – Pour preuve, elle
considère comme complice celui qui a fourni une arme, certes factice, « en vue de servir au
crime de vol commis par l’auteur principal et qui, effectivement, y a servi »659
. L’emphase
apportée au terme « effectivement » témoigne de l’importance accordée à la caractérisation du
rôle causal du complice. En effet, à défaut, les juges refusent de caractériser la complicité.
Ainsi ont-ils considéré que « la remise d’un objet non utilisé ne suffit pas à caractériser la
complicité du délit »660
.
Certes, d’autres décisions ont pu faire croire que cette solution n’était plus, en
particulier celle rendue par la Chambre criminelle le 13 mars 1963661
. En l’espèce, alors qu’il
était reproché à la décision de condamnation de ne pas avoir constaté l’utilisation effective
des documents fournis par le comparse, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Néanmoins, il
est important de noter que ce rejet est motivé par le fait qu’un autre acte caractéristique de la
complicité pouvait être retenu à l’encontre du demandeur : « il n’importe que ne soit pas
constatée l’utilisation faite […] des attestations à lui remises, […], dès lors que l’aide et
l’assistance apportées à Charbonnier, auteur principal, se trouvent suffisamment
caractérisées par la lettre adressée au notaire […] ». On ne peut donc en conclure que les
juges admettent la répression de la complicité lorsque l’aide apportée n’a pas été utilisée662
.
Cette solution témoigne alors de l’attachement de la jurisprudence à la causalité entre
les actes du complice et l’infraction réalisée : à défaut d’utilisation de l’aide apportée par un
individu, celui-ci ne démontre aucun impact sur l’infraction. Le lien de causalité entre les
659 Cass. crim., 27 mai 1963, Bull. n° 188.
660 Cass. crim., 13 janv. 1954, D. 1954, p. 128 ; Rev. sc. crim. 1954, p. 372, obs. J. HUGUENEY. Il s’agissait en
l’espèce d’une femme qui avait remis un tube en caoutchouc à une autre afin que cette dernière l’utilise pour
pratiquer un avortement sur elle-même. Cependant, le matériel n’avait pas servi. 661
Bull. n° 116. 662
Dans le même sens, v. J. LARGUIER, La complicité par agissements non indispensables à la commission du
fait principal, Rev. sc. crim. 1984, p. 489.
168
actes de l’agent et l’infraction commise n’étant alors pas établi, aucune participation ne peut
être retenue.
En outre, d’autres types de décisions attestent également de l’exigence
jurisprudentielle d’un lien de causalité en matière de complicité: celles recherchant la
caractérisation d’un encouragement moral à l’infraction de la part du complice.
b) La recherche d’un encouragement moral
197. Participation inefficace. – Dans certains cas, la jurisprudence sanctionne des
comportements au motif qu’ils ont constitué un encouragement moral pour l’auteur de
l’infraction. L’encouragement moral vient alors marquer la causalité unissant les actes du
complice à l’infraction dans des hypothèses où elle faisait matériellement défaut, et explique
la répression du complice. A travers cette justification, la Cour de cassation admet de
sanctionner des hypothèses de participation pourtant inefficace, en ce que le moyen fourni par
le complice n’a pas permis d’atteindre le résultat escompté ou que ses instructions étaient
erronées. Il s’agit par exemple du fait de procurer à l’auteur principal une arme défectueuse
ou une clé « doublement fausse »663
ne permettant pas de pénétrer dans le bâtiment à
cambrioler, ou encore des renseignements précis relatifs aux habitudes d’une future victime se
révélant inexacts. Par essence, ces actes n’ont pu causer matériellement l’infraction.
198. Tentative de complicité et complicité de tentative. – En réalité, deux possibilités
se présentent : soit l’inefficacité de la participation a été comblée par l’auteur principal (qui
aura utilisé un autre moyen par exemple) et l’infraction a pu être consommée, soit cette
inefficacité a empêché la réalisation de l’infraction, et l’infraction a été manquée. De prime
abord, ces deux hypothèses invitent alors à réfléchir à la tentative, mais en des termes
différents.
Quand l’infraction a pu être consommée, c’est parce que l’auteur, face à l’inefficacité
des moyens ou des instructions fournis, est parvenu de lui-même à pallier cette difficulté.
« L’aspirant complice » n’a aucunement facilité la consommation de l’infraction. Faute d’une
663 Expression empruntée à J. LARGUIER, La complicité par agissements non indispensables à la commission du
fait principal, Rev. sc. crim. 1984, p. 489.
169
participation causale, il ne devrait donc être qualifié de complice et demeurer simple
comparse, non punissable. En effet, son rôle se limite alors à une tentative de complicité664
.
En revanche, quand l’infraction aura été manquée, une tentative pourra être retenue à
l’encontre de l’auteur principal. Plus précisément, comme le souligne un auteur665
, c’est le
problème de la tentative d’infraction impossible qui se pose dans cette hypothèse. Si la
question de l’infraction impossible est fort débattue en doctrine666
, il reste que sa répression
est admise en jurisprudence667
, tout du moins en ce qui concerne le sujet qui nous intéresse,
les moyens inefficaces. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle approuvé la condamnation pour
tentative d’avortement d’une personne ayant administré à une femme enceinte des injections
incapables de provoquer l’avortement voulu668
. Dès lors, si l’utilisation de moyens
insusceptibles de produire le résultat escompté s’analyse en une tentative punissable, la
fourniture de ces mêmes moyens s’apparente nécessairement à la complicité de cette tentative,
et peut, à ce titre, être punie.
199. Encouragement moral. – Cependant, une telle distinction n’est pas pertinente car
elle laisse trop de place au hasard et à la débrouillardise de l’auteur alors que les actes commis
par son associé sont les mêmes dans les deux cas. C’est pourquoi la jurisprudence ne la retient
pas et raisonne sur l’encouragement moral. Elle considère en effet qu’alors même que la
participation à l’infraction a été inefficace d’un point de vue matériel, elle a pu être causale
dans la mesure où elle a constitué un encouragement moral pour l’auteur principal, en le
confortant dans sa résolution criminelle. Certes, cette solution a été décriée car l’aide morale
apportée par le complice serait difficile à mettre en lumière et ne démontrerait pas une
causalité marquée. La critique était d’autant plus aisée que la référence à l’encouragement
moral était déjà contestée s’agissant de la répression de la complicité par abstention669
.
664 V. infra n°482 et s.
665 J. LARGUIER, La complicité par agissements non indispensables à la commission du fait principal, préc.
666 V. notamment A. BESSON, Le délit impossible, Rev. critique 1929, p. 332 et s. ; A. PROTHAIS, Tentative et
attentat, LGDJ, Bibliothèque de sciences criminelles, 1985, passim ; A. VARINARD, La théorie de l’infraction
impossible : vers la disparition d’un mythe doctrinal, in Mélanges offerts à A. CHAVANNE, 1990, p. 165 et s. 667
Cass. crim., 16 janv. 1986, « Perdereau », Bull. n° 25, JCP G 1987, II, 20774, note G. ROUJOU DE BOUBEE ;
D. 1986, jur. p. 265, note D. MAYER et C. GAZOUNAUD ; Rev. sc. crim. 1986, p. 839, obs. A. VITU. V. également
Cass. crim., 23 juil. 1969, Bull. n° 234, D. 1970, jur. P. 361, note G. ROUJOU DE BOUBEE ; Rev. sc. crim. 1970, p.
656, obs. P. BOUZAT. 668
Cass. crim., 9 nov. 1928, D. 1929, 1, 97, note A. HENRY. 669
Mais d’ailleurs, là encore, la causalité peut expliquer les solutions retenues : v. PH. SALVAGE, Le lien de
causalité en matière de complicité, Rev. sc. crim. 1981, p. 25 et s., spéc. n° 11 et s. Pour cet auteur en effet, la
170
Cependant, il ne semble pas que les critiques puissent être aussi vives en l’espèce :
contrairement à l’hypothèse de la complicité par abstention qui se caractérise évidemment par
une absence de comportement matériel, le complice a ici extériorisé sa volonté criminelle. On
ne peut alors reprocher à la jurisprudence d’incriminer une simple intention. Néanmoins, une
limite a été mise en exergue : en considérant que l’aide apportée par le complice est un
encouragement moral, c’est moins une aide apportée à l’infraction qu’à l’auteur principal dont
il est question. Or, l’article 121-6 envisage l’assistance à l’infraction et non à l’auteur,
contrairement à l’article 60 de l’ancien Code pénal qui visait « ceux qui auront, avec
connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action, dans les faits qui l'auront
préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l'auront consommée ». Mais il semble que cet
argument puisse être relativisé : en aidant l’auteur, on facilite nécessairement l’infraction…
La participation inefficace pourrait donc toujours être considérée comme un encouragement
moral, causal de l’infraction670
.
200. Facilitation de la préparation de l’infraction. – En outre, sans même passer par
le détour de l’encouragement moral, il suffit de se référer au texte d’incrimination de la
complicité : celui-ci réprime le fait de faciliter la préparation de l’infraction ; les
comportements visés sont alors très larges et il est possible de considérer que le fait de fournir
un moyen ou des instructions, même inefficaces, entre dans ce champ d’application. Sans
aider à la consommation de l’infraction, ce comportement permet au moins de faciliter sa
préparation.
201. Comparaison avec la participation inutilisée. – Ainsi, la caractérisation de
l’existence d’un encouragement moral matérialisé à travers des actes inefficaces démontre la
recherche d’un lien de causalité entre les actes du complice et l’infraction réalisée.
L’argument pourrait d’ailleurs se retrouver s’agissant de la participation inutilisée et justifier
alors sa répression. Certes, comme le fait remarquer un auteur, « les deux situations […] ne
simple présence sur les lieux de l’infraction ne saurait suffire à constituer un cas de complicité. En revanche,
« est complice celui dont la présence paraît influencer la réalisation de l’infraction par l’auteur » alors que
« n’est pas complice celui dont la présence est considérée comme indifférente à la réalisation de l’infraction ». 670
Il faut tout de même noter que pour un auteur (J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 344), ce
raisonnement revient à transformer l’aide et l’assistance en provocation. Cependant, cette affirmation semble
quelque peu excessive dans la mesure où la provocation doit être matérialisée par des adminicules strictement
définis par la loi pour être sanctionnée (don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir). En outre,
le pouvoir causal déterminant la caractérisant fait défaut lors d’un simple encouragement moral : v. infra n° 232.
171
sont pas semblables. Dans le cas du moyen inefficace, l’auteur principal est allé jusqu’au
bout de ses possibilités, en s’appuyant sur le concours, qu’il espérait plus efficient, du
complice, alors que dans les autres hypothèses, l’auteur principal, changeant d’avis, a
renoncé à utiliser ce que lui avait procuré son compère »671
. Cependant, les arguments
exposés en matière de participation inefficace se retrouvent concernant la participation
inutilisée. Ainsi, là encore, une telle participation peut s’analyser comme un encouragement
moral à la réalisation de l’infraction672
. De même, elle facilite la préparation de l’infraction673
.
Surtout, exiger l’utilisation du moyen remis ou des instructions fournies revient à trop faire
dépendre la criminalité du complice des agissements de l’auteur principal. En effet, alors que
la contribution causale du complice est déjà dépendante de l’existence d’un fait principal
punissable674
, il serait excessif de la soumettre en outre à une décision de l’auteur principal
relative à l’utilisation des moyens fournis. La cohérence des solutions jurisprudentielles
semblerait ainsi imposer d’admettre la sanction de la participation inutilisée lorsque celle-ci
aura pu être considérée comme constitutive d’un encouragement moral pour l’auteur
principal.
202. Maintien de l’exigence d’un lien de causalité. – Quoi qu’il en soit, en s’appuyant
sur l’aide morale fournie à l’auteur principal, la jurisprudence témoigne de l’exigence de
causalité entre les actes du complice et l’infraction réalisée, même si la causalité constatée est
alors éloignée du résultat pénal. Certes, cette justification pourrait se retrouver pour de
nombreux comportements, mais elle n’est pas dénuée de contenu pour autant. Ainsi, il est des
hypothèses dans lesquelles on ne pourra la retenir, en particulier dans le cas où l’infraction
671 J. LARGUIER, La complicité par agissements non indispensables à la commission du fait principal, préc.
672 C’est d’ailleurs la justification parfois donnée à un arrêt souvent présenté comme admettant la répression de
la complicité dans l’hypothèse où l’aide apportée n’a pas été utilisée : Cass. crim., 17 mai 1962, Bull. n° 200, D.
1962, 473 ; Rev. sc. crim. 1962, p. 102, obs. A. LEGAL ; M. PUECH, Grands arrêts, t. 1, p. 442. Sur cette
justification, v. notamment J. LARGUIER, Rev. sc. crim. 1984, p. 489. 673
Dans le même sens, J. LARGUIER, préc. 674
En effet, dès lors que le complice a accompli tous les actes qu’il devait, si l’auteur renonce à commettre
l’infraction, le complice bénéficiera également de cet abandon. Il est ainsi classiquement enseigné que si le droit
pénal permet de réprimer la complicité de tentative, il n’en va pas de même pour la tentative de complicité.
Partant, si le complice se définit comme celui qui participe à l’infraction d’autrui, il est nécessairement
dépendant de l’existence de cette infraction d’autrui pour être considéré comme un participant à cette dernière :
faute d’infraction d’autrui, il ne participe à rien. Il n’a donc aucune influence autonome sur la réalisation
effective de l’infraction. Dans le même sens, v. R. COMBALDIEU, Le problème de la tentative de complicité ou le
hasard peut-il être arbitre de la répression ?, Rev. sc. crim. 1959, p. 455, pour qui « Comment admettre que la
répression de cette complicité puisse désormais dépendre d’un fait ou d’un événement entièrement extérieur à
lui, sur lequel il ne possède aucun pouvoir ? ».
172
effectivement réalisée n’a aucun lien avec celle projetée. C’est par exemple la situation d’un
individu offrant de l’argent à un autre afin qu’il dérobe un bijou dans une demeure ; or, une
fois à l’intérieur, le provoqué décide de tuer les propriétaires. Il n’est pas possible de dire que
la provocation au vol a facilité le meurtre ni même qu’elle a apporté une aide morale à
l’auteur puisque, précisément, l’infraction consommée est différente de celle prévue. C’est
aussi l’hypothèse dans laquelle des instructions ont été données afin de tuer quelqu’un en
particulier mais l’auteur décide, sans en informer son associé, de changer de victime. En ce
sens, un arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1977675
refuse de considérer une femme qui
avait donné des instructions à son amant afin qu’il assassine son époux complice de
l’homicide commis car ce dernier avait eu lieu à l’égard d’une autre victime. Là encore, en
raison de ce changement de victime, les instructions fournies par la femme n’avaient en aucun
cas pu faciliter l’accomplissement du meurtre effectivement réalisé puisque les informations
données concernaient son époux. Aucun lien de causalité ne pouvait ainsi être établi entre les
agissements du fournisseur d’instructions et l’infraction réalisée676
. Comme le constate un
auteur, « on doit considérer en réalité qu’à l’égard de la personne dont la mort avait été
d’abord décidée, il y a eu, de la part de cet auteur principal, désistement volontaire, et qu’il
n’y a donc plus de fait principal auquel puisse se rattacher la participation de celui qui avait
entendu être complice »677
.
203. Bilan. – Même si c’est parfois de façon éloignée avec le résultat pénal, la
contribution causale du participant à l’infraction est donc toujours exigée, tant en matière de
coaction que de complicité : il doit être une cause de l’infraction. Certes, ce constat ne permet
pas de distinguer entre ces deux titres d’imputation, mais il permet d’entrevoir un autre
éventuel critère de différenciation : celui de l’intensité de cette contribution causale.
675 Cass. crim., 10 mars 1977, Bull. n° 91, D. 1977, I.R., p. 237, note M. PUECH ; Complicité non punissable en
cas de changement de victime, Rev. sc. crim. 1979, p. 75, obs. J. LARGUIER. 676
Cet argument peut du reste justifier la solution au titre de la comparaison avec celle retenue à l’égard de
l’auteur du meurtre. Il peut en effet sembler paradoxal de ne pas punir le complice en cas de changement de
victime alors même que l’auteur d’un meurtre qui aura commis une erreur sur l’identité de la victime sera tout-
de-même poursuivi pour meurtre : seule l’absence de causalité entre les actes du complice et le meurtre semble
justifier un tel paradoxe. 677
J. LARGUIER, obs. sous Cass. crim., 10 mars 1977, préc., Rev. sc. crim. 1979, p. 75.
173
Section 2- L’intensité de la contribution causale à l’infraction
204. Dans la mesure où le coauteur participe à sa propre infraction, il semble être celui
qui possède un pouvoir d’action sur le résultat de celle-ci assez intense pour la faire sienne.
Au contraire, parce que le complice participe à l’infraction d’autrui, son pouvoir d’action sur
le résultat infractionnel, son rôle causal, peut se contenter d’être plus ténu. En réalité, ces
propos esquissent la distinction entre les participants principaux et les participants secondaires
à l’infraction, maintes fois évoquée en doctrine678
. L’intensité causale de la participation
pourrait alors apparaître comme un critère distinctif entre coaction et complicité. D’ailleurs,
certains auteurs défenseurs d’un critère objectif de différenciation, l’ont envisagé depuis
longtemps déjà679
. Il apparaît alors que le coauteur accomplit des actes qui portent en eux-
mêmes la potentialité du résultat redouté. C’est ainsi raisonner en termes de causalité
adéquate : l’acte du coauteur est celui qui, selon le cours naturel des choses, était à même
d’engendrer le résultat pénal. C’est pourquoi sa contribution causale à l’infraction peut être
qualifiée de déterminante : en ce sens, la coaction est conditionnée à l’intensité du lien causal
(§2). Mais ce n’est que mis en parallèle avec la complicité que ce constat prend toute son
importance puisque cette dernière apparaît en revanche satisfaite par une contribution causale
indirecte (§1).
§1- La complicité satisfaite par une contribution causale indirecte
205. Des textes d’incrimination larges. – Si l’exigence d’un rôle causal du complice
dans la réalisation de l’infraction est indiscutable, elle reste néanmoins souple. En effet, en
évoquant cette nécessité de façon simplement implicite680
, les textes d’incrimination relatifs à
la complicité ne posent pas de condition particulière en la matière. Il faut alors considérer que
la complicité se satisfait tout à fait d’une causalité lâche entre sa caractérisation et le fait
principal punissable. Ainsi, le fait de fournir une arme à l’auteur principal est certainement
678 V. supra n° 6.
679 Ibid.
680 V. supra n° 187 et s.
174
une cause permettant la réalisation d’un meurtre, mais n’en est pas la cause déterminante,
celle-ci s’apparentant au fait de réaliser l’acte homicide sur l’individu. En réalité, la
complicité s’analyserait alors en termes d’équivalence des conditions681
. En ne permettant pas
d’opérer un tri entre les différents comportements à l’origine du dommage, et plus
précisément ici, de l’infraction, cette théorie conduit à remonter très loin dans le processus
causal. Dès lors, de nombreux événements vont être susceptibles de sanction pénale s’ils
peuvent être rattachés à l’infraction commise, peu important qu’ils en soient éloignés. Pour
preuve, il est envisageable de réprimer à ce titre aussi bien l’encouragement moral (A) que la
complicité de complicité (B).
A- La répression du simple encouragement moral
206. Caractère non déterminant. – Comme il l’a été rappelé, un encouragement moral
peut s’analyser comme une forme d’aide682
, et en ce sens contribuer à l’infraction. Cependant,
cette intervention n’est certainement pas déterminante du passage à l’acte de l’auteur
principal : elle ne fait pas naître le projet criminel dans l’esprit du délinquant, ni ne lui apporte
une aide indispensable à l’exécution de son infraction (un objet utile à la commission de
l’infraction et dont il ne disposait pas par exemple). Elle vient plutôt renforcer la volonté de
l’individu. Sans elle, ce dernier serait passé à l’acte quoi qu’il en soit, mais peut-être plus
difficilement. Un lien de causalité peut alors être établi entre l’encouragement moral et l’acte
de l’auteur principal, mais il n’est certainement pas particulièrement déterminant. Or,
précisément parce que ce lien peut apparaître comme mince, il importe de veiller à ce qu’il
existe réellement.
207. Encouragement moral par un acte positif. – En effet, l’existence même de
l’encouragement moral peut parfois être contestée. Quand l’encouragement moral se
matérialise par un acte positif, sa réalité ne devrait pas être remise en cause. L’hypothèse de la
fourniture d’un moyen non utilisé par l’auteur principal en témoigne : certes, ce moyen, en
lui-même, n’aura pas facilité la réalisation de l’infraction, mais il aura certainement
renforcé l’auteur dans sa détermination, et en ce sens, l’individu aura contribué au résultat
681 V. supra n° 185.
682 V. supra n° 197 et s.
175
infractionnel683
. En revanche, quand l’encouragement moral n’est caractérisé par aucun acte
positif, sa contribution causale à l’infraction est encore plus ténue.
208. Encouragement moral par une abstention. – En toute logique, une abstention ne
cause rien684
. Il est ainsi classiquement enseigné que le témoin passif d’une noyade n’est pas
cause de la mort de l’individu puisqu’en son absence, la mort serait tout de même survenue685
.
Le même constat peut être appliqué à la complicité : une omission ne peut s’analyser en un
acte de complicité punissable (le truisme est d’ailleurs, à cet égard, fort évocateur…), et
doctrine686
comme jurisprudence687
sont d’ailleurs en ce sens.
Toutes deux s’accordent néanmoins pour distinguer deux hypothèses : celle dans
laquelle le spectateur de l’infraction a réellement adhéré au projet criminel, et celle dans
laquelle il se sera contenté de ne pas s’opposer à la réalisation de l’infraction, en toute
neutralité688
. Généralement, ces différents cas recoupent la distinction entre l’abstention dans
l’action, assimilable à un véritable acte positif, et l’abstention pure et simple, qui ne devrait
pouvoir caractériser un fait de complicité689
. Pourtant, la jurisprudence considère parfois de
véritables abstentions pures et simples comme des faits de complicité, au motif qu’elles
constitueraient un encouragement moral pour l’auteur principal.
209. Abstentions dans l’action. – Concernant les abstentions dans l’action, si un
individu ne s’oppose pas à la commission d’une infraction alors même qu’une obligation
légale ou un devoir professionnel lui imposerait d’agir, son abstention pourrait être assimilée
à un acte positif. Un douanier qui, en connaissance de cause, « ferme les yeux » sur les vols
683 V. supra n° 201.
684 En ce sens, v. notamment H. CAPITANT, in Beudant, Cours de droit civil français, 1
ère éd., Les contrats et les
obligations¸appendice, n° 1168 et s. ; contra v. par exemple, H. L. MAZEAUD et A. TUNC, Traité de la
responsabilité civile, t. 1, 6ème
éd., n° 527. 685
Exemple cité par PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 308. 686
V. notamment R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 551 ; PH. CONTE
et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 414 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc. n° 345. 687
V. notamment Cass. crim., 30 nov. 1810, Bull. n° 154 ; 15 janv. 1948, Bull. n° 10, JCP 1948, II, 4268, note R.
B. ; S. 1948, 1, 81, note A. LEGAL ; M. PUECH, Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle, Cujas, 1976, n°
92 ; Cass. crim., 21 oct. 1948, Bull. n° 242 ; 27 déc. 1960, Bull. n° 624 ; 14 fév. 1983, inédit, pourvoi n° 82-
11919. 688
V. notamment R. BERAUD, « L’omission punissable », S. J., 1944, I, n° 433. 689
Sur la distinction entre abstention dans l’action et abstention pure et simple, v. notamment D. REBUT,
L’omission en droit pénal – Pour une théorie de l’équivalence entre l’action et l’inaction, thèse Lyon III, 1993,
n° 110 et s. ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 308 et s. V. également, en
droit civil, PH. LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, n° 7207 ; G. VINEY et P. JOURDAIN,
Traité de droit civil – Les conditions de la responsabilité, n° 456.
176
des marchandises dont il avait la garde se rend donc complice de ces vols690
. De même, le
débitant de boissons qui n’intervient pas pour faire cesser le tapage causé par des tiers dans
son établissement se rend complice de ces tapages691
. Enfin, la complicité de présentation de
comptes annuels inexacts sera également retenue à l’encontre du comptable qui ne fait pas
figurer dans les comptes certaines sommes que son devoir lui impose pourtant de porter692
. Et
les exemples en la matière sont légion.
En réalité, ces hypothèses sanctionnent bien plus qu’un encouragement moral : loin de
s’analyser comme une simple attitude passive, l’abstention constitue ici un véritable concours
positif venant faciliter la réalisation de l’infraction. La Cour de cassation le souligne d’ailleurs
dans certaines de ses motivations, considérant que l’attitude du prévenu n’avait pas
consisté en une simple abstention mais en une véritable « action positive »693
. Un auteur a
ainsi systématisé ces solutions à travers la notion de collusion qui, pour être punissable, exige
le pouvoir de s’opposer effectivement à l’infraction (pouvoir d’origine légale ou
contractuelle) ainsi que la volonté de laisser l’auteur principal accomplir cette infraction694
,
cette collusion matérialisant l’aide apportée à la commission de l’infraction695
. Ainsi, pour cet
auteur, « est complice celui dont la présence paraît influencer la réalisation de l’infraction
par l’auteur. C’est en ce sens que l’on peut dire que le complice a joué un véritable rôle
positif. Et l’on peut ajouter que ce rôle sera plus facilement admis si le spectateur était un
professionnel dont la qualité était connue et dont l’influence s’est de ce fait trouvée
accrue »696
. Dès lors, le professionnel dispose d’une capacité d’influence abstraite car « ses
conseils ou son silence sont de nature à influencer le comportement de son client »697
. Ici
690 V. Cass.crim., 27 oct. 1971, Bull. n° 284, Gaz. Pal. 14-15 janv. 1972, Somm., note J.-P. D. ; Rev. sc. crim.
1972, p. 375, obs. A. LEGAL, et p. 385, obs. A. VITU. 691
Cass. crim., 14 nov. 1924, S. 1925, 1, p. 332 ; 8 juil. 1949, JCP 1949, II, p. 5128, note A. COLOMBINI, S.
1949, 1, p. 186, Rev. sc. crim. 1950 p. 50, obs. L. HUGUENEY ; 15 janv. 1974, Bull. n° 22 ; 17 fév. 1988, Bull.
n° 80. 692
Cass. crim., 9 nov. 1992, Dr. pén. 1993, p. 138, obs. J.-H. ROBERT ; Cass. crim., 18 mai 2001, inédit, pourvoi
n° 10-87.768, Rev. des sociétés 2011, p. 711, note T. GRANIER. 693
V. A. VITU, obs. sous Cass. crim., 27 oct. 1971, préc., Rev. sc. crim. 1972, p. 385. 694
A. DECOCQ, Inaction, abstention et complicité par aide ou assistance, JCP 1983, I, 3124. Sur la volonté de
laisser commettre l’infraction, l’auteur montre d’ailleurs que si la négligence peut constituer un élément de
preuve de l’intention criminelle, l’abstention d’un professionnel, à elle seule, ne devrait en aucun cas permettre
de déduire sa mauvaise foi. Sur ces éléments, v. supra n° 56. V. également M. BENEJAT, La responsabilité
pénale professionnelle, Dalloz, NBT, 2011, n° 340, qui regrette que « la règle de preuve [tende] à se transformer
en règle de fond ». 695
Du reste, il convient de ne pas oublier que l’aide ou l’assistance sont des termes suffisamment larges pour
englober aussi bien les actes positifs que les abstentions : v. supra n° 206 et s. 696
PH. SALVAGE, Le lien de causalité en matière de complicité, Rev. sc. crim. 1981, p. 25, n° 12. 697
M. BENEJAT, La responsabilité pénale professionnelle, préc., n° 340.
177
encore, à l’instar des solutions prônées en matière de collusion698
, la qualité de professionnel
n’est qu’un élément de preuve parmi d’autres du rôle actif du spectateur d’une infraction.
210. Abstentions pures et simples. – En revanche, lorsque l’abstention ne s’insère pas
dans une activité professionnelle, il est plus délicat de l’assimiler à un acte positif constitutif
d’aide morale. Parfois, le fait d’avoir simplement accompagné l’auteur principal sur le lieu de
commission de l’infraction pourra caractériser cet acte positif699
, ce que la doctrine ne manque
pas de relever. Un auteur considère ainsi qu’ « il peut se faire qu’à elle seule la présence sur
les lieux du prévenu […] ait eu pour résultat d’accroître l’audace des malfaiteurs ou
d’affaiblir la résistance de leur victime. Cette attitude physiquement passive comporte alors
une aide psychologique positive et efficace qui doit être prise en considération au même
titre »700
. La caractérisation d’un tel encouragement moral sera certainement perceptible
quand un individu en aura accompagné un autre sur le lieu de commission de l’infraction, tout
en connaissant le projet criminel de l’auteur principal. En réalité, dans cette hypothèse, il
serait même envisageable de considérer que le fait d’avoir accompagné autrui puisse
constituer l’acte positif exigé en matière de complicité. Cette solution a du reste été retenue
par la Cour de cassation dans un célèbre arrêt : elle a ainsi considéré que le fait pour un
homme d’avoir accompagné sa maîtresse chez une avorteuse constituait un acte de complicité
du délit d’avortement illégal, alors même que l’homme ne partageait pas le choix de sa
compagne701
. Plus encore, quand la présence sur les lieux est fortuite, ou du moins ne résulte
pas d’un choix conscient et délibéré, il serait d’autant plus discutable de déceler l’influence de
cette présence sur la réalisation de l’infraction. Ainsi, l’individu qui se contente de ne pas
s’opposer à la commission d’un vol ne peut être considéré comme un complice de ce vol702
.
Son intervention (ou plus exactement son absence d’intervention) n’a en effet en rien modifié
le cours des événements qui se déroulaient devant lui, il a été ce que la doctrine nomme
généralement « un spectateur neutre ». De même, la personne assistant à un passage à tabac,
même si elle n’esquisse aucun signe de réprobation ou de crainte, ne devrait pouvoir être
698 V. A. DECOCQ, Inaction, abstention et complicité par aide ou assistance, préc.
699 Pour des exemples, v. P. BOUZAT, note sous Cass. crim. 5 nov. 1941, S. 1942, I, p. 89.
700 A. LEGAL, Rev. sc. crim., 1972, p. 376.
701 Cass. crim., 5 nov. 1941, préc.
702 Cass. crim., 23 nov 1905, Bull. n° 514.
178
considérée comme témoignant une certaine approbation et donc un encouragement moral,
faute pour elle de démontrer positivement cette approbation703
.
211. Causalité indirecte. – Quoi qu’il en soit, si ces abstentions sont à l’origine du
résultat infractionnel, elles n’en sont certainement pas des causes déterminantes. Certes,
l’inaction des individus aura « donné [aux auteurs principaux] l’assurance de pouvoir [agir]
sans être inquiétés »704
, mais le lien de causalité entre cette inaction et l’infraction doit être
considéré comme éloigné. Certains auteurs montrent ainsi qu’elles mettent en jeu la théorie de
l’équivalence des conditions705
, non celle de la causalité adéquate.
Ces adhésions morales ne peuvent alors s’analyser comme des actes indispensables,
nécessaires à la commission de l’infraction. En matière d’abstention dans la fonction, les
individus ne font que créer une situation de tranquillité : les malfaiteurs auraient certainement
été moins sereins pour commettre l’infraction, mais ils l’auraient cependant réalisée. Leurs
actes s’analysent comme de simples actes de facilitation, sans influence déterminante sur la
commission de l’infraction. Et si l’on considère les omissions pures et simples, ce constat
n’est que plus juste : l’influence causale d’une telle abstention sur la réalisation de l’infraction
est particulièrement ténue.
Or, cette sanction d’une causalité éloignée du résultat pénal se retrouve dans la
répression de la complicité de complicité.
B- La répression de la complicité de complicité
212. Définition. – La complicité de complicité, également appelée complicité
successive ou en chaîne, ou encore complicité indirecte, peut se définir comme « un acte de
complicité [qui] se rattache à ce qui n’est en soi qu’un autre acte de complicité »706
. Elle
s’analyse donc comme une relation entre au moins trois individus707
: l’auteur principal, le
complice, et le complice de ce complice. Autrement dit, « le complice de second plan ne s’est
703 En revanche, il serait évidemment envisageable de lui reprocher l’infraction de non-obstacle à la commission
d’un crime ou d’un délit de l’article 223-6 du Code pénal, sous réserve que les conditions en soient remplies. 704
V. A. VITU, obs. sous Cass crim. 27 oct. 1971, préc. 705
P.-B. BON, La causalité en droit pénal, préc., n° 150 et s. ; J.-CH. SAINT-PAU, Les causalités dans la théorie
de l’infraction, préc., n° 14. 706
J. LARGUIER, La complicité de complicité, Rev. sc. crim. 1976, p. 708. 707
Mais peut évidemment compter plus d’intervenants.
179
pas associé à l’acte de l’auteur mais à l’acte du complice de premier plan »708
. Dès lors, cette
forme de complicité implique que l’auteur n’ait pas connaissance de l’intervention du
complice en bout de chaîne709
.
213. Divergences doctrinales. – La doctrine est divisée quant à savoir si cette forme de
complicité doit faire l’objet d’une répression pénale. Pour certains, le principe d’interprétation
stricte710
, voire littérale711
, de la loi pénale, commanderait son impunité. Cependant, il n’est
pas certain que cet argument soit utilisé à bon escient. En effet, la lecture du Code pénal
démontre que rien ne s’oppose à la sanction de la complicité en chaîne : parce que le
législateur n’a pas expressément envisagé cette hypothèse et parce qu’il reste muet quant à
l’intensité causale exigée en matière de complicité, la complicité de complicité n’a, en réalité,
qu’à répondre aux conditions classiques posées par les articles 121-6 et 121-7 du Code pénal
pour être réprimée. Faute de texte traitant de la complicité indirecte, le principe
d’interprétation stricte ne peut donc être invoqué en la matière, ni, a fortiori, celui de
l’interprétation littérale712
. C’est pourquoi, sur le même fondement, une autre partie de la
doctrine admet de sanctionner cette forme de complicité. Ainsi, selon GARRAUD, « il faut que
le complice ait volontairement provoqué à la perpétration de l’acte incriminé, qu’il l’ait aidé,
qu’il l’ait facilité. Mais cette condition est suffisante ; et il importe peu que l’instigation ou
l’assistance ait été directe, dans le sens de relation directe ou sans intermédiaire, entre
l’auteur et le complice »713
.
214. Solutions jurisprudentielles. – Du reste, bien que parfois considérée comme
fluctuante, la jurisprudence n’a pourtant jamais hésité à sanctionner les hypothèses de
complicité de complicité. Dès 1844, elle a ainsi affirmé que « celui qui, affectant de ne pas se
mettre en rapport direct avec l’auteur principal du crime, donne à un tiers les instructions
nécessaires pour commettre ce crime, afin qu’il les transmette à celui qui doit le commettre,
708 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 552.
709 En effet, dès lors que l’auteur principal a connaissance de l’intervention d’un individu, ce dernier devient
nécessairement son complice direct. 710
PH. SALVAGE, « Complicité, Art. 121-6 et 121-7 », J.-Cl. Pén. Code, 1998, n° 29. 711
E. GARCON, Code pénal annoté, Sirey, 1952, art. 60, n° 276. 712
Dans le même sens, v. P.-A. BON, La causalité en matière pénale, préc. 713
R. GARRAUD, Traité théorique et pratique de droit pénal français, T. II, 2ème
éd., Sirey, 1898, p. 664, n° 677.
180
est aussi coupable que s’il les donnait lui-même directement »714
. Des décisions ultérieures
ont pu laisser penser que la Cour de cassation était revenue sur cette position initiale715
, mais
en réalité, il n’en était rien. Ces arrêts étaient en effet, pour la plupart, des arrêts de cassation
pour insuffisance de motifs. La Chambre criminelle n’y a ainsi jamais posé de règle théorique
affirmant l’impunité de la complicité de complicité. Au contraire, elle n’a fait que reprocher
aux juridictions du fond de ne pas avoir suffisamment caractérisé l’ensemble des éléments
constitutifs de la complicité. Et lorsque les éléments de fait permettent de prouver l’existence
d’une complicité indirecte, la Cour n’hésite pas à réprimer cette dernière. Elle a ainsi affirmé
en 2004 que « l’aide ou l’assistance apportée en connaissance de cause à l’auteur […], même
par l’intermédiaire d’un autre complice, constitue la complicité incriminée par l’article 121-7
du Code pénal »716
.
215. Conception extensive du lien de causalité. – Dès lors, en admettant la répression
de la complicité en chaîne, le droit positif retient, à juste titre certainement, une conception
extensive du lien de causalité unissant complice et infraction principale. L’expression même
de complicité indirecte, du reste, en rend compte : la complicité est retenue alors même
qu’elle n’est pas, par essence, directement liée à l’infraction principale717
. Certes, il n’est pas
sûr que l’on puisse remonter indéfiniment la chaîne des causalités, ne serait-ce que dans un
souci de protection des libertés individuelles ; il a ainsi été démontré qu’il n’était pas
souhaitable de réprimer des comportements dont le lien de causalité avec la réalisation de
l’infraction était si ténu qu’il permettait en réalité de douter de son existence même718
. La
certitude de la causalité doit ainsi demeurer un rempart contre une répression excessive de
comportements ne traduisant pas une dangerosité avérée.
Il demeure cependant qu’en admettant que le lien de causalité entre l’acte du complice
et celui de l’auteur principal soit distendu, l’influence du complice sur l’infraction s’étiole
nécessairement. En effet, plus l’acte de celui-ci est éloigné de la consommation de
714 Crim. 23 mai 1884, Bull. n° 179.
715 V. notamment Cass. crim., 17 nov. 1944, Rev. sc. crim. 1946, p. 67, chron. L. HUGUENEY. Mais pour cet
auteur, la Cour de cassation choisit ici de consacrer l’impunité de la complicité de complicité. V. également
Cass. crim. 29 nov. 1946, Gaz. Pal. 1947, p. 25 ; Cass. crim. 1er
sept. 1987, Bull. n° 308, Rev. sc. crim. 1990, p.
325, note A. VITU. 716
Cass. crim., 15 déc. 2004, JCP 2005, II, 10050, note J.-Y. MARECHAL. 717
Sur le lien entre causalité directe et intensité causale, v. infra n° 229. 718
V. supra n° 214.
181
l’infraction, plus son pouvoir d’action sur cette dernière est soumis à des aléas et se trouve
alors limité.
216. Un pouvoir d’action sur l’infraction limité. – Quelle que soit la proximité
causale unissant les actes du complice à ceux de l’auteur principal et donc l’influence que
pourraient exercer les premiers sur la commission de l’infraction, il n’en demeure pas moins
qu’en ne réalisant pas lui-même les éléments constitutifs de cette dernière, le complice est
nécessairement soumis à l’intervention de l’auteur principal pour que le fait délictueux soit
commis. Sans cette intervention, et quelqu’abouti que soit le concours du complice,
l’infraction ne pourra voir le jour. Dès lors, la contribution causale du complice à l’infraction
dépend de l’existence d’un fait principal punissable, et le pouvoir d’action du complice sur le
résultat infractionnel est donc nécessairement limité719
. De ce point de vue, l’intensité causale
pourrait devenir un critère discriminant entre complicité et coaction.
§2- La coaction conditionnée à une contribution causale déterminante
217. En matière de coaction, le lien de causalité unissant les actes du participant au
résultat infractionnel ne peut se contenter d’être certain. Il doit, en outre, et nécessairement,
revêtir une certaine intensité, une certaine force. Si cette exigence a été systématisée par de
nombreux auteurs720
, encore faut-il la préciser. En effet, l’intensité causale est une notion
floue, qui impose d’être qualifiée afin de représenter un critère de définition fiable. Aussi
convient-il de s’intéresser à l’exigence d’une intensité causale (A) pour mieux définir quelle
est l’intensité causale exigée (B).
719 Ce pouvoir d’action limité s’explique d’ailleurs parce que la théorie de l’équivalence des conditions régit les
rapports unissant complice et auteur principal et que la tentative de complicité n’est pas punissable, faute
d’existence d’un fait principal punissable : v. infra n° 482 et s. 720
V. infra n° 218 et s.
182
A- L’exigence d’une intensité causale
218. Participation principale et participation secondaire. – Parce qu’elle est parente
de l’action, la coaction suppose non seulement un lien causal avec le résultat infractionnel,
mais surtout un lien causal intense. En effet, il est traditionnellement admis que si le complice
est une des causes de l’infraction en ce qu’il aide l’auteur principal, il n’en est pas LA cause au
sens scientifique du terme, dans la mesure où ce sont les actes de l’auteur qui produisent
concrètement le résultat infractionnel721
, non ceux du complice722
. Or, ce critère causal
comme moyen de distinguer complice et coauteur a été très tôt envisagé parmi les tenants
d’une conception objective de la coaction723
. Beaucoup d’auteurs distinguent ainsi entre les
participants principaux et les participants secondaires à l’infraction, revenant en cela à
appliquer un critère causal. En ce sens, JOUSSE et MUYART DE VOUGLANS montrent qu’au
XVIIIème siècle, la répression distinguait entre les participants de première zone et les
participants subalternes724
. De même, DONNEDIEU DE VABRES expose qu’ « il y a, tout
d’abord, ceux qui ont joué dans l’entreprise un rôle essentiel : ce sont les auteurs
principaux725
; il y a, d’autre part, ceux qui n’ont joué dans la commission de ce délit qu’un
rôle secondaire et accessoire : ce sont les complices »726
.
Mais aussi éminents que soient ses partisans, le courant causaliste n’emporte pas
l’adhésion de l’ensemble de la doctrine, la majorité des auteurs lui préférant un autre courant
se référant « à la structure juridico-matérielle des différents agissements individuels »727
. En
d’autres termes, pour ces derniers auteurs, alors que les coauteurs réaliseraient l’ensemble des
éléments constitutifs de l’infraction, ce ne serait pas le cas des complices. Pourtant, les
critiques relevées à l’encontre du courant causaliste peuvent paraître quelque peu excessives.
Il semble ainsi évident que celui qui fournit une arme ou indique les habitudes d’un
individu à autrui joue assurément un rôle causal moindre dans l’assassinat ou le vol qui
s’ensuivent que celui qui appuie sur la détente ou soustrait les objets de valeur en profitant de
721 Précisons que nous considérons ici que toutes les infractions ont un résultat, qu’il soit matériel ou juridique :
v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 312 et s. 722
Cela s’explique car en réalité, seul l’auteur réalise l’infraction. 723
V. supra n° 6. 724
Cités par D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 45. 725
Certes, l’auteur ne parle pas ici expressément de coauteurs mais comme il l’a été vu, les auteurs principaux
renvoient généralement aux coauteurs. 726
H. DONNEDIEU DE VABRES, Droit criminel, 1947, n° 425. 727
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, préc., n° 554.
183
l’absence de leur propriétaire728
. Dans ces hypothèses, il s’agit de déterminer celui dont les
actes ont eu un rôle de premier plan, et celui dont les actes sont apparus plus secondaires. Si
cette distinction entre des participations principales et des participations secondaires est ainsi
partagée par de nombreux auteurs, tous sont pourtant loin de s’accorder sur les critères et
définitions à donner de ces notions.
219. Imprécision des critères de définition. – Ainsi, les canonistes séparaient les
coopérateurs nécessaires de ceux dont la participation n’avait pas été déterminante de
l’infraction729
. Au XVIème siècle, les criminalistes italiens évoquaient les individus ayant été
la « cause prochaine » de l’infraction par opposition à ceux en ayant été la « cause
éloignée »730
. Quant à la doctrine française, au XVIIIème siècle, JOUSSE et MUYART DE
VOUGLANS tout en distinguant participation matérielle et participation intellectuelle, allaient,
s’agissant plus particulièrement de JOUSSE, jusqu’à évoquer le critère de la nécessité de l’acte
de coopération, le caractère irremplaçable de l’individu pour l’exécution de l’infraction pour
distinguer coopérateurs et complices731
. Pour GARRAUD encore, « il ne faut confondre ni les
causes avec les conditions, ni les causes déterminantes avec les causes occasionnelles »732
. Il
conviendrait alors de distinguer les actes de « participation directe » des actes de
« participation accessoire »733
, et plus précisément, en cas de participation concomitante à
l’infraction, les actes nécessaires à la commission de ceux ne l’étant pas734
.
Et les exemples en la matière pourraient être multipliés. On dénombre ainsi quasiment autant
de définitions des participants principaux et secondaires que d’auteurs s’étant intéressés à la
question. Or, il faut ici le concéder, bien souvent, aucune précision n’est donnée quant à
728 En ce sens, v. notamment A. CHAUVEAU et F. HELIE, n° 281 p. 443, pour qui « il est évident que, sur le refus
de cette assistance, les individus qui avaient résolu le crime se seraient procuré ailleurs d’autres armes […] ». 729
V. P. BISWANG, La distinction de coauteur et du complice, thèse Paris, 1963, p. 19 et s. 730
Plus précisément, leur système était le suivant : l’agent ayant élaboré l’acte (c’est-à-dire celui que nous
nommons aujourd’hui classiquement l’instigateur) était nécessairement qualifié d’auteur ; quant à celui qui avait
coopéré à l’action, c’est alors qu’il convenait d’opérer une distinction selon qu’il en avait été la cause prochaine
ou la cause éloignée. V. FARINACIUS , Praxis et theoria criminalis, et alia opera criminalia, éd. de Nuremberg,
S. D., quaestio 130, n° 42 et 54, cité par P. GULPHE, La distinction entre coauteurs et complices, préc., p. 669. V.
également P. BISWANG, La distinction de coauteur et du complice, préc., p. 19 et s. 731
Sur ces points, v. supra n° 6. V. également D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 45 et s., qui analyse
précisément les propos de ces auteurs et en tire les conclusions énoncées ici. 732
Préc., n° 882. 733
Ibid. n° 950 p. 125. 734
Ibid. n° 950 p. 126.
184
savoir à partir de quand l’acte est en lien direct avec l’infraction, nécessaire à celle-ci, ou en
est déterminant.
220. Effort de systématisation. – Cependant, quelles que soient les dénominations
employées, il semble possible de les regrouper en deux grandes catégories : certaines
semblent renvoyer à la théorie de la causa proxima ou cause prochaine735
alors que d’autres
paraissent renvoyer à celle de la causalité adéquate. En vertu de la première, seules les causes
proches, en relation directe et immédiate avec le dommage doivent être retenues. Or, c’est
évidemment ce à quoi semble renvoyer la distinction entre coauteurs et complices selon qu’ils
apparaissent comme des causes prochaines ou éloignées de l’infraction736
. En vertu de la
seconde, il convient de ne retenir comme causes du dommage que celles qui, selon le cours
naturel des choses, étaient à même de produire le résultat considéré. Or, dès lors que l’on
raisonne sur une cause nécessaire, déterminante ou encore prépondérante, il s’agit bien de se
demander quelle était celle qui renfermait, selon le cours normal des choses, la capacité
abstraite d’un tel résultat. Distinguer coauteur et complice selon l’intensité causale reviendrait
donc à appliquer les théories de la cause prochaine ou de la causalité adéquate, déjà fort
développées par la doctrine.
221. Insuffisance supposée de cette systématisation. – Pourtant, cet argument ne
suffit pas à convaincre de la pertinence de l’analyse. Effectivement, la théorie de la causa
proxima ne résoud pas la question de l’intensité causale : la cause immédiate de l’infraction
n’est pas nécessairement celle qui apparaît comme la cause prépondérante du résultat
infractionnel. Par exemple, lors d’une rixe, il est loin d’être certain que le dernier coup porté
avant que la victime ne décède soit celui qui a entraîné sa mort. En outre, et de façon
constante, la jurisprudence n’exige pas que le lien de causalité unissant un acte à son auteur
soit direct et immédiat pour le réprimer737
, ce qui empêcherait alors de retenir un tel critère738
.
735 V. R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, préc., n° 571, p. 714.
736 V. supra n° 219.
737 En effet, le législateur lui-même refuse d’appliquer la théorie de la causa proxima à la définition de l’auteur
dans la mesure où il sanctionne expressément l’auteur indirect d’une faute d’imprudence qualifiée à l’article 121-
3 du Code pénal. 738
P.-A. BON, La causalité en droit pénal, préc., n° 659.
185
Quant à la théorie de la causalité adéquate, parce que susceptible de différentes
conceptions739
, elle manquerait de fiabilité et soumettrait la qualification de coauteur ou
complice à l’arbitraire des juges. En outre, comment distinguer une cause déterminante de
l’infraction d’une cause qui ne le serait pas ? Toutes les causes ne sont-elles pas nécessaires
au résultat infractionnel ?
222. Absence évoquée de hiérarchie entre les causes en droit pénal. – C’est pourquoi
pour certains, cause et condition s’identifient en droit pénal, et « toutes les conditions du
résultat sont donc par suite de même valeur »740
. Il serait par conséquent impossible, et
d’ailleurs inopportun, de réaliser un tri parmi les différentes causes du résultat infractionnel.
Seul l’enchaînement causal serait à même d’expliquer ce dernier, sans qu’une cause puisse
apparaître comme plus nécessaire ou déterminante qu’une autre.
223. Possibilité de distinguer entre les différentes causes de l’infraction. –
Cependant, comme l’a fait remarquer un auteur, « il ne faut pas confondre l’équivalence des
conditions du point de vue causal avec le jugement de valeur que l’on porte sur chacune de
ces conditions. L’équivalence logique et abstraite de ces facteurs ne signifie nullement leur
équivalence objective et légale. Dans la réalité, il est possible de distinguer l’importance
objective des différents rôles que chaque facteur, donc chaque participant, a effectivement
joués dans la réalisation de l’infraction »741
. Ainsi, si la théorie de l’équivalence des
conditions permet de résoudre la question de la certitude du lien de causalité et avec elle celle
du cercle des personnes qualifiables de participants à l’infraction742
, elle n’interdit en rien de
considérer une cause comme prépondérante par rapport à une autre dans l’apparition du
résultat infractionnel.
739 V. P.-A. BON, La causalité en droit pénal, préc., n° 625, note n° 1040, qui évoque plutôt « les théories de la
causalité adéquate, puisqu’elle présente autant de visages que d’auteurs s’y étant intéressés ». 740
F. von LISZT, Traité de droit pénal allemand, traduit sur la 17ème
édition allemande (1908), Bibliothèque
internationale de droit privé et de droit criminel, Paris, 1911, §29, II, p. 186. Poursuivant son raisonnement,
l’auteur admet « [nier] la force réelle (reale Kraft) d’une cause se séparant des conditions, et produisant ainsi le
résultat (la causa efficiens en opposition avec la condition sine qua non) », §29 ,VI, 2°, p. 191. Dans le même
sens, v. von BURI, Zur Lehre von der Teilnahme an dem Verbrechen und der Begaenstigung, Berlin, 1860, cité
en note de bas de page par R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 881, p.
15. 741
K.-K. ABDULNOUR, La distinction entre co-activité et complicité, Etude de doctrine et de jurisprudence en
Suisse, en Allemagne et en France, thèse Genève, 1967, p. 37. 742
V. supra n° 185.
186
224. Absence évoquée d’adéquation par rapport à la notion d’auteur. – En outre,
d’aucuns font remarquer qu’il est des hypothèses dans lesquelles un individu est qualifié
d’auteur alors même qu’en raisonnant selon la théorie de la causalité adéquate, son acte ne
pouvait conduire au résultat effectivement provoqué. Les violences en sont l’illustration
parfaite : un individu en pousse légèrement un autre qui, déséquilibré, fait une mauvaise
chute, se cogne contre un coin de table, et décède. A suivre la théorie de la causalité adéquate,
le fait de pousser autrui ne peut, selon le cours normal des choses, entraîner sa mort. Pourtant,
l’auteur de cet acte sera bien considéré comme auteur de violences mortelles743
. Or, selon une
partie de la doctrine, « une même façon de causalité qui justifie la qualification d’une
personne comme auteur lorsqu’elle a agi toute seule ne peut pas en même temps conduire à la
complicité par le simple fait que cette personne a agi en concours avec d’autres »744
.
Cependant, cet argument peut être contesté à un double titre.
225. Hypothèses de définition de l’auteur par référence à la théorie de la causalité
adéquate. – En premier lieu, la théorie de la causalité adéquate est en réalité utilisée dans de
nombreuses hypothèses afin de définir l’auteur. Ainsi, le droit positif considère régulièrement
comme des auteurs ceux qui n’ont pas été les causes concrètes du résultat redouté, mais
avaient le potentiel causal pour l’être. Par exemple, en matière de tentative, c’est bien ce
potentiel causal de l’acte qui justifie la répression et la qualification d’auteur d’une tentative
alors même que ce dernier n’a pas concrètement causé le résultat redouté. Le raisonnement est
ici fondé sur la théorie de la causalité adéquate : parce que, selon le cours normal des choses,
l’acte de l’auteur devait produire le résultat infractionnel, il doit être réprimé sous la
qualification de tentative. La jurisprudence n’en dispose pas autrement lorsqu’elle définit le
commencement d’exécution comme l’acte qui tend directement à la réalisation de
l’infraction745
. Cet acte de commencement d’exécution doit donc logiquement s’entendre d’un
743 Ce qui est le propre des infractions de résultat : v. M.-A. RAYMOND, Les infractions de résultat, thèse
Bordeaux IV, 2010. 744
P. BOCKELMANN, L’orientation moderne des notions d’auteur de l’infraction et de participation à
l’infraction, RID pén. 1956, p. 167 et s., spéc. p. 174. Dans le même sens, R. MERLE et A. VITU, Traité de droit
criminel, préc., n° 554, p. 697 qui constatent que « ce critère n’est guère satisfaisant, car il se peut que la
relation de causalité adéquate ne se rencontre pas dans l’activité pénale d’un individu agissant seul, et pourtant,
l’on ne saurait raisonnablement refuser à un tel individu la qualité d’auteur ». 745
V. infra n° 292.
187
acte ayant le pouvoir causal d’entraîner le résultat redouté746
, et son auteur sera auteur d’une
tentative.
De même, l’incrimination des provocations non suivies d’effet poursuit une logique
identique : parce que l’acte du provocateur a le pouvoir causal abstrait d’engendrer un résultat
dommageable, il est érigé en infraction autonome avant même que la valeur à protéger ne soit
atteinte. Ainsi, par exemple, le législateur sanctionne la provocation à la trahison et à
l’espionnage même si elle n’a pas été suivie d’effet parce qu’un tel comportement porte en lui
le pouvoir causal de conduire à ces actes tant redoutés. C’est ainsi en raisonnant par rapport
au pouvoir causal abstrait de son acte que l’individu sera déclaré ou non auteur de l’infraction
de provocation à la trahison et à l’espionnage.
Enfin, en cas de violences commises en groupe ayant entraîné la mort d’un individu, il
a été vu que les différents actes sont analysés par la jurisprudence comme une scène unique
ayant produit le dommage, et ce même dans l’hypothèse où il est indéniable qu’un seul des
participants a pu donner le coup mortel. Peu importe alors de déterminer quel est l’auteur de
ce coup, seul le potentiel causal tiré du fait que plusieurs personnes frappent en même temps
autrui sera pris en compte. Or, lorsque plusieurs individus rouent de coups un autre, il est
prévisible que ce dernier subisse de graves blessures, voire décède.
Ainsi, dans ces différentes hypothèses, sont qualifiés d’auteurs des individus qui n’ont
pas concrètement causé le dommage, mais en étaient abstraitement des causes adéquates.
226. Absence d’adéquation entre la notion d’auteur et de coauteur. – En second lieu
et surtout, considérer que le coauteur ne peut se définir comme l’agent étant la cause adéquate
du résultat pénal parce que l’auteur n’est pas nécessairement une telle cause adéquate de
l’infraction procède en réalité d’une confusion entre la notion d’auteur et celle de coauteur. En
effet, puisque le coauteur est une notion autonome, indépendante et différente de celle
746 Cependant, la jurisprudence ne respecte pas toujours ce principe puisqu’elle admet la répression de certains
comportements par le biais de la tentative en cas d’impossibilité de fait, c’est-à-dire dans l’hypothèse où les
moyens utilisés pour réaliser l’infraction étaient inefficaces : v. par exemple Cass. crim. 5 nov. 1928 : DP 1929,
I, p. 97, note A. HENRY ; JCP G 1929, p. 239, note R. GARRAUD concernant la répression d’une tentative
d’avortement avec des procédés inefficaces. Pour une explication générale de cette solution, v. V. MALABAT,
Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit pénal, préc., n° 155, qui admet la répression dans
une telle hypothèse dès lors qu’un individu moyen placé dans les mêmes circonstances aurait cru également à
l’efficacité des moyens employés.
Plus généralement, sur la conception causaliste du commencement d’exécution, v. V. MALABAT, Appréciation n
abstracto et in concreto en droit pénal, préc., n° 139 et s.V. également infra n° 225.
188
d’auteur747
, on ne peut leur appliquer les mêmes critères de définition. Une conclusion
identique semble d’ailleurs pouvoir être retenue s’agissant de l’argument opposé à la théorie
de la causa proxima et visant à l’exclure au motif qu’un auteur n’est pas nécessairement la
cause directe et immédiate de l’infraction : le coauteur ne se résumant pas à un simple auteur
juxtaposé, les critères de définition de l’auteur n’ont pas à lui être appliqués.
227. Adéquation au sens commun de la distinction entre participation principale et
participation secondaire. – Enfin, distinguer coauteur et complice selon l’intensité de leur
participation causale a le mérite de se conformer à l’idée que se fait généralement tout un
chacun des rôles respectifs de l’auteur et du complice. En effet, le complice est classiquement
vu comme un agent subalterne, dont le rôle a simplement consisté à exécuter les ordres de
l’auteur, alors que ce dernier apparaît comme la véritable cause de l’infraction. Certes, il est
évident que ce dernier argument est loin d’être décisif. Cependant, à une époque où le
législateur se targue de vouloir simplifier le droit pour le rendre plus accessible aux
justiciables748
, une telle adaptation ne saurait être déplorée.
Plus généralement, aucun argument majeur ne semble donc s’opposer à utiliser le
critère causal comme distinctif des notions de coauteur et de complice. Mais comme il l’a été
rapidement évoqué, différentes conceptions de l’intensité causale exigée sont envisageables,
c’est pourquoi il convient à présent de définir précisément cette dernière. Or, si le coauteur se
rapproche de l’auteur en ce qu’il réalise sa propre infraction, les critères utilisés pour
distinguer complice et auteur devraient permettre de différencier coauteur et complice.
B- L’intensité causale exigée
228. Si l’on peut sans doute adhérer à certains des reproches adressés à la théorie de la
causa proxima749
, il a précédemment été souligné que les critiques formulées à l’encontre de
747 V. supra n° 55.
748 V. Loi n° 2007- 1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit et Loi n° 2009-526 du 12 mai
2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures. V. également Loi n° 2011-525
du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. 749
En particulier celui visant à considérer que la cause la plus proche du résultat infractionnel n’est pas
nécessairement celle qui a eu la plus grande importance dans la survenance de ce résultat : v. supra n° 229.
189
la causalité adéquate n’étaient pas nécessairement pertinentes750
. Pour autant, il importe de
préciser quelles causes doivent être considérées comme adéquates afin d’en faire un critère
exploitable par le juge751
.
229. Difficultés engendrées par la notion de cause directe. – La cause qui, selon le
cours normal des choses, était à même d’entraîner l’infraction peut tout d’abord s’entendre
comme la cause directe de celle-ci. Cependant, à nouveau, une question de définition se pose.
En effet, encore faut-il s’entendre sur le sens de l’adjectif « direct ». Or, ce dernier ne renvoie
pas aux mêmes idées selon qu’il est employé par le législateur ou la jurisprudence, et même,
selon les infractions auxquelles il se rapporte : alors que dans certaines hypothèses il semble
renvoyer à la théorie de la causalité adéquate, dans d’autres, il vise plutôt celle de la causa
proxima. Les exemples de la tentative et de la loi du 10 juillet 2000 pourront en convaincre.
Ainsi, en matière de tentative, le commencement d’exécution est traditionnellement
défini comme « l’acte qui tend directement et immédiatement à la consommation de
l’infraction »752
. L’adjectif « directement » semble ici renvoyer à une idée de proximité
causale et donc d’intensité causale. En effet, on peut aisément imaginer que les termes
« directement » et « immédiatement » renvoient à deux réalités différentes – soit une idée de
proximité causale et une idée de proximité temporelle753
– sauf à considérer que la
jurisprudence ne fait état ici que de redondances dont la pertinence serait éminemment
discutable. Pour donner du sens à ces deux termes, il faut alors considérer que le
commencement d’exécution se définit en réalité par une combinaison des théories de la causa
proxima et de la causalité adéquate : l’adjectif « immédiatement » renvoie à la première alors
que « directement » renvoie à la seconde.
750 V. supra n° 225 et 226.
751 Sur les principales différences entre les conceptions de la théorie de la causalité adéquate, v. notamment P.-A.
BON, La causalité en droit pénal, préc., n° 625 et s. ; CH. QUEZEL-AMBRUNAZ, , Essai sur la causalité en droit de
la responsabilité civile, Dalloz, NBT, 2010, n° 80 et s. 752
V. notamment Cass. crim., 3 mai 1974, Bull. n° 157, D. 1973, Somm. 20 ; 5 juin 1984, Bull. n° 212. 753
En ce sens, v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 333 ; D.
REBUT, Rép. pén., Dalloz, 2009, n° 22. V. également X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 167, pour qui
« directement » renverrait à une proximité dans l’espace alors que « immédiatement » renverrait à une proximité
dans le temps.
190
En revanche, l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal754
, pour sa part, semble faire
référence à la théorie de la causa proxima lorsqu’il vise la cause directe du dommage. En
disposant que « les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais
qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui
n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi
qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de
prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée
et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer »,
ce texte semble considérer que les personnes physiques seront regardées comme des causes
indirectes du dommage si une « situation » s’intercale entre eux et ce dernier. A contrario,
faute de « situation » venant s’intercaler, la causalité sera envisagée comme directe. C’est
donc ici considérer que la cause la plus proche du dommage en est la cause directe755
.
Pourtant, la jurisprudence elle-même s’écarte parfois de cette définition pour qualifier de
cause directe le « paramètre déterminant » du dommage, alors même qu’il n’est pas intervenu
en dernier dans le processus causal, revenant ainsi à une application de la théorie de la
causalité adéquate756
.
Ainsi, le terme « direct » renvoyant à différentes réalités en droit positif, son utilisation
afin de préciser la notion de cause adéquate de l’infraction semble, pour le moins, peu
pertinente. Il faut alors se tourner vers une autre définition de la cause adéquate.
230. Choix d’une cause déterminante. – Cette dernière peut ainsi s’entendre d’une
cause nécessaire de l’infraction. Cependant, une telle terminologie ne permet pas réellement
de faire un tri entre les différentes causes du dommage puisqu’elle revient simplement à
constater la certitude du lien de causalité, non son intensité. En effet, il a été vu que pour
établir la certitude de ce lien, il convient d’appliquer la théorie de l’équivalence des conditions
754 Mis en place par la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000. Sur cette loi, v. par exemple PH. CONTE, Le lampiste et
la mort, Dr. pén. 2001, chr. 2, p. 10 ; Y. MAYAUD, La causalité directe dans les violences involontaires, cause
première ou « paramètre déterminant » ?, Rev. sc. crim. 2002, p. 100. 755
V. V. MALABAT, Droit pénal spécial, préc., n° 184. V. également J. PRADEL, Droit pénal spécial, préc., n° 89. 756
V. Cass. crim., 25 sept. 2001, Bull. n° 188 : en l’espèce, suite à un accident de la route ayant entraîné le décès
d’un individu, le conducteur du véhicule poursuivi pour homicide involontaire soutenait que la cause directe de
l’accident était l’apparition d’un sanglier sur la chaussée, dernier élément à intervenir dans le processus causal.
Pourtant, la Cour de cassation a retenu que sa vitesse excessive était la cause directe de l’accident car elle l’avait
empêché de contrôler son véhicule dans de telles circonstances.
191
et de retenir comme causes de l’infraction tous les antécédents, précisément nécessaires, de
cette dernière. Il est alors possible de retenir comme causes adéquates les antécédents non
seulement nécessaires mais surtout déterminants de l’infraction. Certains auteurs ont
d’ailleurs envisagé un tel critère en considérant que l’individu ayant fourni une aide
« déterminante » à l’auteur devait être qualifié de coauteur alors que celui dont l’aide n’aurait
pas été « déterminante » devait être qualifié de complice757
. Or, il semble que l’utilisation
d’un tel terme puisse être approuvée dans la mesure où ce vocable n’est pas soumis à un aléa
d’interprétation comme peut l’être celui de « direct » ; il renvoie indiscutablement à une idée
de force causale. En effet, l’adjectif « déterminant » peut être défini comme ce qui
« détermine une action », ce qui est « décisif »758
. Du reste, un auteur a montré que la
jurisprudence a déjà utilisé un tel critère en qualifiant de coauteur d’exercice illégal de la
médecine l’individu qui avalisait les prescriptions médicales fournies par des personnes ne
disposant pas du titre de médecin au motif que son concours avait été « décisif »759
.
231. Cause déterminante et dommages causés en groupe. – Ainsi, le coauteur
s’analyse nécessairement comme une cause déterminante de l’infraction, au même titre
qu’une autre personne agissant avec lui. Les coauteurs seraient donc chacun des causes
déterminantes de l’infraction. Cette idée de cause déterminante de l’infraction peut d’ailleurs
fonder les solutions relatives aux violences collectives et à l’imprudence commune. En effet,
il est vrai que dans ces hypothèses, le comportement de chacun, envisagé de façon
individuelle, pourrait apparaître simplement comme une des causes, plus ou moins éloignées,
de l’infraction. Mais comme démontré précédemment760
, c’est sur leurs comportements
envisagés dans leur ensemble qu’il convient de raisonner, cet ensemble formant la cause
unique de l’infraction. Or, considérés dans leur ensemble, ces comportements sont bien la
cause déterminante du résultat pénal.
232. Le cas particulier de la provocation à l’infraction. – Mais alors, est-ce à dire
que dès lors que deux personnes agissant d’un commun accord sont des causes déterminantes
757 J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 446.
758 Le Petit Larousse, 2010.
759 D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 124, à propos de l’arrêt rendu par la Chambre criminelle le 17
décembre 1859 (Bull. n° 281). 760
V. supra n° 177 et s., et infra n° 421.
192
de l’infraction, elles sont nécessairement coauteurs de celle-ci ? En droit positif, la réponse
négative est de mise. A cet égard, l’exemple de la provocation à l’infraction est révélateur. En
effet, celle-ci est traditionnellement considérée par le législateur français comme un cas de
complicité761
. Or, ce qui caractérise la provocation, c’est certainement son pouvoir causal :
sanctionnée seulement si elle s’accompagne de certains procédés destinés à la rendre plus
efficace762
, elle est bien plus qu’une simple incitation à l’infraction. Le rôle du provocateur est
ainsi déterminant, si bien qu’à suivre notre raisonnement, provocateur et provoqué devraient
être considérés comme coauteurs. D’ailleurs, le provocateur est parfois considéré comme un
auteur à part entière tant par le législateur lui-même, que par la jurisprudence, et une partie de
la doctrine n’hésite pas à le qualifier d’auteur moral763
. En effet, de nombreuses
incriminations, telles que la provocation à la trahison ou à l’espionnage764
ou encore la
provocation de mineurs à un crime ou un délit765
, érigent le provocateur en auteur principal766
,
et la jurisprudence en fait parfois de même alors que la loi lui imposerait de le considérer
comme un simple complice, analysant alors le provocateur et le provoqué comme des
coauteurs. De nombreux arrêts en témoignent, et ce depuis fort longtemps767
, en particulier en
761 C. pén ., art. 121-7, qui dispose qu’ « Est également complice la personne qui par don, promesse, menace,
ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la
commettre ». 762
Les « don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir » sont expressément visés par l’article
121-7. 763
Sur cette notion, v. J. POUYANNE, L’auteur moral de l’infraction, PUAM, 2003. 764
C. pén., art. 411-11. 765
C. pén., art. 227-21. 766
Il s’agit ici d’exemples tirés du Code pénal, mais les provocations incriminées de façon autonome sont loin
d’être limitées à ce dernier. Ainsi, les codes de justice militaire, des impôts, de la consommation, de la sécurité
sociale ou encore de la santé publique en connaissent également, avec par exemple et respectivement, les
provocations à la désertion et à commettre des actes contraires à la discipline (C. just. mil., art. L 321-18), au
refus de l’impôt (C. gén. imp., art. 1747 al. 2), à l’emploi de choses dans un but de falsification (C. consom., art.
L 213-3 al. 1er
4°), à se soustraire à la législation en matière de sécurité sociale (C. séc. soc., art. L 652-7 al. 2) ou
encore à consommer des stupéfiants (C. santé pub., art. L 3421-4). En outre, des lois spéciales prévoient
également l’incrimination de certaines provocations, comme la loi du 1er
juin 1965 dans son article 2 qui
sanctionne la provocation au dopage dans le domaine sportif, et surtout la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de
la presse dans ses articles 23 et suivants qui sanctionnent différentes provocations à des infractions commises par
la voie d’un média. 767
V. par exemple Cass. crim., 8 juil. 1813, Bull. n° 150 ; Cass.crim., 12 fév. 1874, D. 1875, I, p. 482 : celui qui
fait fabriquer un faux est coauteur du crime de faux ; Cass. crim., 26 juin 1885, Bull. n° 186 (arrêt Diard) : celui
qui ordonne à ses conducteurs et cochers de transformer les roues de ses voitures pour les adapter aux rails de
chemin de fer afin de pouvoir emprunter ces derniers est auteur du délit contraventionnel d’utilisation de rails de
chemin de fer ; Cass. crim., 31 oct. 1889, Bull. n° 225 (arrêt Tissot) : est coauteur d’une violation de sépulture
perpétrée par les ouvriers qu’il employait l’individu qui a eu « la direction personnelle des travaux de la
tranchée ».
193
droit pénal des affaires768
. Parfois même, l’auteur matériel – le provoqué donc – est considéré
comme un simple complice, en particulier lorsqu’il s’agit d’un subordonné du provocateur,
les juges poussant là à son paroxysme leur interprétation contra legem. Par exemple,
l’individu ayant réalisé une fraude sur une quantité de denrées grâce à une balance faussée fut
considéré comme le complice de l’infraction alors que celui qui avait fourni ladite balance fut
qualifié d’auteur769
. Face à ces difficultés, une partie de la doctrine milite pour la suppression
de la provocation en tant que cas de complicité et son incrimination à titre autonome770
.
Cependant, quelle que soit l’opinion qu’on en ait de façon générale, il n’est pas certain que la
solution aujourd’hui retenue par le législateur soit à déplorer en ce qui concerne la coaction771
.
En effet, la provocation ne répond pas aux autres critères nécessaires pour retenir ce mode
d’imputation, en particulier parce qu’en lui-même, le provocateur ne porte pas atteinte à la
valeur protégée : pour que cette atteinte soit effective, il est entièrement dépendant du
comportement d’un autre individu. De ce point de vue, la provocation rejoint bien la
768 V. par exemple Cass.crim., 4 déc. 1974, Gaz. Pal. 1975, I, Som. 93 ; Cass. crim., 28 mars 1996, Dr. pén.
1996, comm. n° 223, obs. J.-H. ROBERT. 769
Cass. crim., 13 juin 1902, Bull. n° 220 (arrêt Gairaud ). En l’espèce, l’individu ayant fourni la balance était en
outre présent sur les lieux, ce qui aurait d’autant plus pu conduire à considérer les deux agents comme des
coauteurs. Cependant, en se fondant sur la théorie de la peine justifiée, l’arrêt a considéré que la distinction entre
le complice et le coauteur n’avait pas d’intérêt. 770
D’ailleurs, cette idée a tant fait son chemin que l’avant-projet de révision du Code pénal faisait de
l’instigation (et donc de la provocation, celle-ci étant un cas particulier d’instigation : v. PH. CONTE et P.
MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 416) un cas d’action. L’article 121-6 du projet soumis au
Sénat en première lecture était en effet ainsi rédigé : « Est instigateur la personne qui, par don, promesse, ruse,
menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir :
1° sciemment fait commettre par un tiers les faits incriminés.
2° provoque directement un tiers à commettre un crime, lors même qu’en raison de circonstances indépendantes
de la volonté de l’instigateur, la provocation n’est pas suivie d’effet.
L’instigateur de l’infraction est passible des mêmes peines que l’auteur de l’infraction. »
Cependant, bien que soutenu par la majorité de la doctrine ainsi que le gouvernement, ce projet ne vit jamais le
jour car il fut violemment rejeté par le Parlement. Ce dernier y voyait en effet un danger majeur, le risque de
dénonciation calomnieuse : une personne pourrait ainsi en accuser une autre de l’avoir provoquée à commettre
une infraction, sans rien risquer elle-même puisque l’infraction n’aurait pas été commise, et la plupart des
parlementaires considéraient ainsi ce texte comme trop attentatoire aux libertés publiques. Pourtant, cette
affirmation peut être remise en cause. En effet, non seulement une condamnation pour provocation non suivie
d’effet doit toujours se fonder sur des preuves, mais en outre, ce type de provocation est déjà incriminé et
sanctionné dans certains textes autonomes, sans que les risques envisagés par le Parlement soient avérés. Du
reste, des textes spécifiques réprimant de façon autonome la provocation non suivie d’effet n’ont cessé de se
multiplier depuis ce projet avorté (le plus marquant étant sans doute l’article 221-5-1 du Code pénal créé par la
loi du 9 mars 2004 et incriminant ce qu’il est convenu d’appeler le « mandat criminel ») sans que l’on dénote une
quelconque hausse du nombre de dénonciations calomnieuses, ce qui témoigne de l’absence de pertinence de
l’argument relatif à ce risque. 771
En revanche, l’incrimination autonome de l’instigation, en tant que mode d’imputation sui generis serait
certainement souhaitable.
194
définition de la complicité donnée précédemment772
. Ainsi, bien que cause déterminante de
l’infraction, le provocateur ne peut être qualifié de coauteur. Là encore, la causalité ne peut
apparaître comme un critère distinctif entre la complicité et la coaction, sauf à admettre que la
provocation ne devrait pas être considérée comme un cas de complicité mais plutôt comme un
mode d’imputation à part entière.
772 V. supra n° 216.
195
Conclusion du chapitre 1
233. L’exigence d’une contribution causale à l’infraction. – En tant que mode de
participation à l’infraction, la coaction implique que le coauteur dispose d’un véritable
pouvoir sur le résultat de l’infraction. Ce n’est en effet qu’à cette condition qu’il est possible
de considérer qu’il y a pris part. Mais dans la mesure où complices et coauteurs sont tous
deux des participants à l’infraction, chacun d’entre eux s’apparente nécessairement à une
cause de l’infraction. Cette exigence d’une contribution causale à l’infraction ne permet donc
pas de distinguer entre ces deux modes d’imputation.
234. L’intensité de la contribution causale à l’infraction. – Cependant, parce que le
coauteur s’analyse également comme un participant à sa propre infraction, il se rapproche
inévitablement de la définition de l’auteur. Dès lors, la coaction implique un rôle causal
important dans la réalisation de l’infraction. Plus précisément, la coaction est conditionnée à
l’existence d’une contribution causale déterminante dans la réalisation de l’infraction. Cet
impératif permet alors de distinguer ce titre d’imputation de la complicité puisque celle-ci se
satisfait pour sa part d’une contribution causale plus éloignée du résultat de l’infraction. Ainsi,
tandis que le complice prend part indirectement au résultat de l’infraction, le coauteur en est
une cause déterminante.
Cette différence devrait se traduire matériellement quant aux actes d’exécution. Or, il a
été relevé que le complice ne disposait pas de la faculté de s’assurer que les instructions ou les
moyens qu’il a remis allaient être utilisés, ce qui n’est pas le cas du coauteur (à défaut, il ne
serait pas une cause déterminante de l’infraction). En effet, si l’influence du coauteur sur le
résultat de l’infraction collective est aussi forte, c’est parce qu’il a nécessairement une
influence identique sur le comportement infractionnel.
197
Chapitre 2- Une participation au comportement infractionnel collectif
235. Le coauteur, maître de l’action. – Considérer que chaque coauteur doit participer
au comportement infractionnel collectif ne suffit certainement pas à faire de l’infraction leur
infraction : si la coaction s’analyse comme un mode de participation à sa propre infraction et
non à l’infraction d’autrui, il semble que la nature de cette influence ne puisse être
quelconque. En effet, en réalité, toute participation criminelle implique une influence sur le
comportement infractionnel. Plus encore, c’est cette influence qui justifie la répression des
participants. Il a ainsi été vu que tous les participants sont soumis à une exigence de causalité
unissant leur comportement à l’infraction commise. Sans cette relation, aucune participation à
l’infraction ne peut être retenue contre eux773
. Dès lors, pour que la participation s’analyse
comme une participation à sa propre infraction et non à l’infraction d’autrui, cette influence
doit traduire une certaine indépendance, une autonomie. Ce n’est qu’à cette condition que le
coauteur pourra être considéré comme le « maître de l’action ».
236. Autonomie et pluralité de participants. – Néanmoins, il pourrait être objecté que
l’autonomie n’est que toute relative dans la mesure où les « maîtres de l’action » sont
plusieurs. En réalité, ce serait là méconnaître le sens du terme « autonomie ». Ce dernier
pouvant se définir comme la « possibilité de décider, pour un organisme, un individu, sans en
référer à un pouvoir central, à une hiérarchie, une autorité »774
, il est envisageable que
plusieurs personnes disposent d’une telle possibilité. La garde collective en responsabilité
civile témoigne également de cette potentialité : alors que la garde implique un pouvoir
d’usage, de direction et de contrôle sur la chose, c’est-à-dire une indépendance dans
l’utilisation de celle-ci, la Cour de cassation a admis que plusieurs personnes puissent avoir la
qualité de cogardiens de la chose dès lors qu’elles disposaient d’un même pouvoir sur celle-ci
au moment de la production du dommage775
. Certes, les coauteurs, parce qu’ils doivent
773 V. supra n° 173 et s.
774 Le Petit Larousse, 2010.
775 V. notamment Civ. 2
ème, 25 nov. 1999, Bull. II, n° 181 pour l’abattage d’un arbre par plusieurs personnes. V.
également en matière d’accidents de chasse, Civ. 2ème
, 5 fév. 1960, D. 1960, p. 305, note H. ABERKANE ; Civ.
3ème
, 13 mars 1975, Bull. II, n° 88, RTD civ. 1975, p. 543, obs. G. DURRY.
198
nécessairement s’être entendus sur l’infraction776
, se concertent et donc réfèrent de leurs
décisions les uns aux autres. Cependant, un pouvoir de décision peut très bien s’exercer en
concertation. Partant de cette définition, l’influence du coauteur peut s’interpréter
négativement comme une absence de subordination à la volonté d’autrui. Dès lors, les actes
du coauteur se caractériseraient en ce qu’ils témoigneraient d’une véritable indépendance
morale. Reste alors à les définir de façon positive, c’est-à-dire à déterminer de quelle manière
l’influence du coauteur va se traduire matériellement. Or, l’indépendance morale des
coauteurs ne peut masquer les liens particuliers les unissant. En effet, même s’ils ne sont pas
soumis à la volonté d’autrui dans la réalisation de l’infraction, les coauteurs ont pour
spécificité de réaliser une infraction collectivement, ce qui transparaît nécessairement d’un
point de vue matériel. Cette réalisation collective de l’infraction implique alors une certaine
dépendance matérielle entre coauteurs. A l’indépendance morale entre coauteurs (Section 1)
répond donc une dépendance matérielle (Section 2).
Section 1- Une indépendance morale entre coauteurs
237. Justification de l’étude. – Considérer que l’influence du coauteur sur le
comportement réalisé lors de l’infraction collective impose son indépendance morale peut, a
priori, surprendre. Une telle affirmation fait en effet ressurgir des considérations
apparemment psychologiques lors de l’étude de ce qui apparaît a priori comme la matérialité
de la coaction. Cependant, le terme de « comportement » ne renvoie pas seulement aux actes
de l’infraction collective mais englobe également l’état d’esprit dans lequel ceux-ci sont
commis. En outre, comme il l’a précédemment été montré, les données psychologiques
doivent être déduites d’éléments de fait objectivement constatables pour être punissables777
.
776 V. supra n° 91 et s.
777 V. supra n° 170.
199
Or, l’indépendance morale du coauteur peut être constatée matériellement à travers son
absence de subordination à la volonté d’autrui.
238. Indépendance et absence de subordination. – En effet, l’indépendance peut se
définir de façon générale comme une absence de subordination à quelque chose778
ou
quelqu’un779
. Ainsi, en ce sens, l’escroquerie, par exemple, est subordonnée à l’existence de
procédés trompeurs : il s’agit ici de dire que sans ces procédés, l’infraction d’escroquerie ne
pourra être caractérisée. Mais comme il vient de l’être souligné, la subordination peut
également s’entendre d’une dépendance par rapport à autrui : d’ailleurs, dans le vocabulaire
juridique, la subordination renvoie généralement à un lien de dépendance juridique entre
l’employeur et le salarié dans la mesure où le lien de subordination est un des critères de
qualification du contrat de travail780
.
239. Coaction et absence de subordination à la volonté d’autrui. – Cette dualité
d’objets de la subordination peut se retrouver en matière de coaction. En effet, considérer que
la coaction se caractérise par une absence de subordination semble entraîner deux
conséquences majeures : non seulement elle n’est pas soumise à l’existence d’un fait principal
punissable, mais il semble également qu’elle ne puisse non plus se développer dans le cadre
d’une relation interpersonnelle. En réalité, si ces idées étaient avérées, la coaction impliquerait
alors une absence de subordination à la volonté d’autrui781
.
778 La subordination se définissant elle-même comme « la dépendance d’une chose par rapport à une autre » :
v. Le Petit Larousse, 2010. 779
La subordination pouvant également être définie comme « l’ordre établi entre les personnes et qui les rend
dépendantes des autres » : Ibid. 780
A. COEURET, B. GAURIAU, M. MINE, Droit du travail, Sirey, 2ème
éd., 2009, n° 264 ; A. MAZEAUD, Droit du
travail, Montchrestien, 8ème
éd., 2012, n° 536 et s. ; J. PELISSIER, G. AUZERO, E. DOCKES, Droit du travail,
Dalloz, 23ème
éd., 2011, n° 193 et s. 781
Il est en effet possible de considérer l’existence d’un fait principal punissable comme également soumise à la
volonté d’autrui dans la mesure où ce qui explique que ce fait principal existe ou non, c’est généralement la
volonté de son auteur : soit il décide de passer à l’action et il existe, soit il renonce au stade des actes
préparatoires et cet acte n’existe pas. Il serait également possible de penser à l’hypothèse où le fait principal
n’existe pas en raison de l’absence d’élément moral de son auteur : mais là encore, c’est bien justement car
l’intention (et donc la volonté du résultat) a fait défaut à l’auteur que ce fait principal n’est pas punissable. Là
encore, son existence est donc subordonnée à la volonté d’autrui. Néanmoins, cette subordination à l’existence
d’un fait principal punissable ayant été évoquée précédemment (v. supra n° 216), elle ne fera pas ici l’objet de
développements.
200
240. Subordination de fait et subordination juridique. – La subordination à la
volonté d’autrui peut alors s’entendre d’une subordination de fait ou d’une subordination
juridique.
La première renvoie à un lien de dépendance s’établissant entre deux individus en
dehors de tout lien hiérarchique. Il s’agit par exemple des liens pouvant s’établir au sein d’une
même famille ou d’un couple, ou de la dépendance pouvant unir les membres d’une secte à
leur gourou, ou encore de liens de dépendance économique entre plusieurs personnes. Il est
ainsi envisageable qu’un individu soit tellement sous l’influence d’autrui que celui-ci le
convainque de commettre une infraction, ou encore qu’un client pousse un entrepreneur au
bord de la faillite à en faire de même tant ce dernier avait besoin que ses stocks soient écoulés.
Quant à la seconde, la subordination juridique, elle est considérée de façon générale
comme le fait de devoir se référer à une autorité hiérarchique782
. Or, ces deux formes de
subordination laissent entrevoir la même interrogation : la personne placée sous la
dépendance morale d’une autre pourra-t-elle être considérée comme coauteur de celle-ci ou
cette dépendance, peu important qu’elle soit de fait ou juridique, devra-t-elle précisément
exclure ce titre d’imputation ? Pour y répondre, il paraît approprié de ne prendre pour
exemple de raisonnement que la subordination juridique, et plus spécifiquement les relations
au sein de l’entreprise. En effet, cet exemple est typique du lien de subordination pouvant
s’établir entre différents sujets de droit. En outre, il est certainement le plus pertinent tant les
hypothèses d’infractions commises au sein de l’entreprise sont fréquentes783
.
241. Relations au sein de l’entreprise. – La subordination juridique concerne en effet
principalement les relations au sein de l’entreprise. La question qui se pose ainsi est de savoir
qui va voir sa responsabilité pénale engagée en cas d’infraction commise au sein de
l’entreprise – le chef d’entreprise ? Ses préposés ? Des tiers (clients par exemple) ? – et à
quelles conditions. De façon plus spécifique et pour ce qui est de notre étude, il s’agit de
savoir si chef d’entreprise et préposés pourraient être regardés comme des coauteurs de
l’infraction ainsi réalisée ou si l’exigence d’une absence de subordination à la volonté d’autrui
les en empêcherait. Mais la question ne s’arrête pas là tant les notions d’entreprise et d’autrui
782 En ce sens, v. par exemple G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc., selon qui la subordination juridique se
définit comme une « situation de dépendance du travailleur placé sous l’autorité de celui pour lequel il effectue
une tâche et qui, par ex., lui donne des instructions […] ». 783
Mais les raisonnements qui suivront pourront être transposés aux hypothèses de subordination de fait.
201
peuvent être entendues de manière large. En effet, autrui, en renvoyant à toute personne autre
que soi, semble pouvoir être entendu comme faisant référence aux personnes physiques
comme morales. En outre, le droit communautaire, par l’intermédiaire de sa jurisprudence,
définit l’entreprise comme « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment
du statut juridique de cette entité et de son mode de financement »784
, permettant alors
d’envisager les relations unissant deux personnes morales au sein d’une même entreprise. Il
apparaît alors que la condition d’absence de subordination à la volonté d’autrui puisse
s’appliquer aux relations unissant les personnes morales comme les personnes physiques.
Quant aux relations se jouant entre les personnes physiques et morales, il semble nécessaire
de distinguer selon que l’on s’intéresse aux liens unissant les salariés à la personne morale ou
à ceux unissant plus spécialement les organes ou représentants de la personne morale à cette
dernière.
242. L’absence de subordination entre personnes physiques et personnes
morales. – S’agissant des rapports entretenus entre les salariés et la personne morale, il paraît
discutable de les placer sur le terrain de la subordination : certes, lorsque le Code du travail
vise « l’employeur », on considère généralement qu’il fait référence à la personne morale
plutôt qu’à la personne physique, du moins lorsque l’entreprise est exploitée par un
groupement pourvu de la personnalité juridique. Les salariés d’une société, parce que
contractuellement liés à elle, seraient donc placés dans une relation de subordination à son
égard. Cependant, ce n’est pas cette dernière qui donne directement les instructions aux
personnes physiques la composant, ou dispose d’une autorité sur eux (sauf à admettre une
personnification quelque peu excessive de la personne morale). Ce pouvoir passe
nécessairement par le truchement d’une personne physique785
. Dès lors, le lien de
subordination du personnel de la société se caractérise plutôt à l’égard de la personne
physique qui a autorité sur lui que de la personne morale en elle-même.
S’agissant plus spécialement des relations entre un organe ou un représentant de la
personne morale et cette même personne morale, la question peut être encore davantage
784 CJCE, 23 avr. 1991, aff. C-41/90, Klaus Höfner et Fritz Elser c/ Macrotron GmbH, Rec. CJCE 1991, I, p.
1979. 785
A rapprocher : G. AUZERO, Droit pénal du travail et groupes de sociétés, Actes du XXème colloque de
l’AFDP, à paraître, pour qui « si le salarié est contractuellement lié à la société, c’est le chef d’entreprise qui
exerce en son nom et pour son compte les droits contractuels et les pouvoirs dont elle est titulaire ».
202
discutée. Certains auteurs, adoptant une analyse contractuelle de la situation des dirigeants de
la personne morale, considèrent en effet ce dirigeant comme le mandataire de la personne
morale786
. Pour preuve, les dirigeants sont nommés et peuvent être révoqués par les
associés787
, ils répondent des fautes commises dans la gestion788
, ou encore, ils doivent rendre
compte de leur gestion aux associés789
. De plus, parce qu’il doit agir dans l’intérêt de la
personne morale790
, le dirigeant ne serait pas libre à son égard791
. Partant, plus généralement,
la personne morale exercerait une autorité sur ses organes et représentants792
. La
subordination, et donc l’absence d’égalité, caractérisant leurs relations devrait alors exclure
toute coaction entre eux. Cependant, cette approche n’est pas partagée par l’ensemble de la
doctrine. Il est ainsi remarqué que le dirigeant dispose d’une grande liberté dans ses choix de
gestion793
. En outre, il est contestable de considérer que la personne morale exerce une
véritable autorité sur le dirigeant. Il s’agit plutôt d’un simple contrôle, qui intervient qui plus
est a posteriori, et surtout, qui se distingue ainsi de la surveillance qu’exerce un commettant
sur ses préposés794
. C’est pourquoi « une personne physique ne peut être à la fois dirigeante
de la personne morale et subordonnée »795
. Partant, si une infraction est commise par le
dirigeant, dans la mesure où il n’est pas possible de considérer que la personne morale
disposait d’une véritable autorité sur lui, la coaction entre cette personne morale et l’organe
ou le représentant reste envisageable.
786 V. notamment F. DEBOISSY, Le contrat de société, in Travaux de l’Association H. Capitant, Le contrat,
Journées brésiliennes, t. LV, 2005, Société de législation comparée, 2008. 787
C. civ., art. 2003 et 2004. 788
C. civ., art. 1992. 789
C. civ., art. 1993. 790
A défaut, il est envisageable de retenir, par exemple, l’abus de biens sociaux à son égard. Quant au droit civil,
l’action ut singuli ou ut universi serait envisageable. Sur ces différents points, v. notamment M. COZIAN, A.
VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés, 24ème
éd., Litec, coll. Manuels, 2011, n° 287 et s., 301, 389 et s. ;
G. WICKER, Personne morale, Rép. civ. Dalloz, n° 79 et s. 791
En ce sens, v. notamment A. BORIES, La responsabilité civile des personnes morales, RRJ 2006, p. 1329 ; A.
TEANI, La responsabilité pénale du fait d’autrui, th. Bordeaux IV, 2007, n° 272 et s. 792
En ce sens, v. J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une théorie
générale de la responsabilité juridique, thèse Bordeaux IV, 2012, n° 512, selon qui l’autorité est alors
« fonctionnelle ». 793
V. notamment L. MICHOUD, La personnalité morale, t. 2, n° 189 ; B. STARCK, Essai d’une théorie générale
de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, L. Rodstein, Paris,
1947, p. 265 et s. ; V. WESTER-OUISSE, Critique d’une notion imprécise : la faute du dirigeant de société
séparable de ses fonctions, D. aff. 1999, p. 782, spéc. p. 786. 794
N. STONESTREET, La notion d’infraction, thèse Bordeaux IV, 2010, n° 331. 795
V. WESTER-OUISSE, Critique d’une notion imprécise : la faute du dirigeant de société séparable de ses
fonctions, préc.
203
Reste alors à s’intéresser plus spécifiquement aux relations de subordination pouvant
exister au sein de l’entreprise entre personnes physiques (§1) ainsi qu’à celles entre personnes
morales (§2).
§1- L’absence de subordination entre personnes physiques au sein de l’entreprise
243. S’agissant des relations de subordination entre personnes physiques, elles se
nouent généralement dans le cadre de l’entreprise entendue au sens du droit du travail, c’est-à-
dire comme la « réunion, sous l’autorité de l’employeur ou de ses préposés, de travailleurs
salariés poursuivant sous une forme juridique variable une activité commune, cadre dans
lequel le droit du travail contemporain a organisé la collectivité du personnel et aménagé ses
rapports avec le chef d’entreprise »796
. Ainsi, pour déterminer si le chef d’entreprise peut se
rendre coauteur d’une infraction en compagnie d’un de ses préposés, il semble important en
premier lieu de se pencher sur la détermination du chef d’entreprise (A). Ce n’est alors qu’en
second lieu qu’il faudra rechercher quel type d’infractions il est susceptible de commettre au
sein de l’entreprise en tant que coauteur, c’est-à-dire qu’il conviendra d’envisager la
détermination des infractions d’entreprise (B).
A- Détermination du chef d’entreprise
244. Réalisme du droit pénal. – Si le chef d’entreprise peut être considéré de façon
générale comme la personne placée à la tête de l’établissement797
, cette définition mérite
d’être affinée. En effet, celui qui apparaît à première vue comme le chef d’entreprise ne
dispose pas nécessairement d’un pouvoir effectif sur les individus présents dans
l’établissement. Or, en la matière, le droit positif est indiscutablement empreint de réalisme :
il considère ainsi qu’au chef d’entreprise peuvent être assimilés ceux qui exercent
effectivement un pouvoir de direction au sein de l’établissement s’agissant de la mise en
796 G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc., « Entreprise ».
797 Les termes de « chef d’entreprise » seront employés de façon générique pour désigner celui qui est à la tête de
l’établissement, même si d’autres terminologies seraient envisageables : v. par exemple celle de « décideur » :
M. DELMAS-MARTY, Le droit pénal, l’individu et l’entreprise : culpabilité « du fait d’autrui » ou du
« décideur » ?, JCP G 1985, I, 3218 ; v. également M. BENEJAT, La responsabilité pénale professionnelle, préc.
204
œuvre de la responsabilité pénale. Tel est le cas des dirigeants de fait798
ainsi que des préposés
délégataires.
245. Dirigeant de fait. – Le dirigeant de fait est défini par le Code du commerce
comme « toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercé la
direction, l’administration ou la gestion d’une société sous le couvert et au lieu et place de ses
représentants légaux »799
. Il est ainsi assimilé par le législateur lui-même au dirigeant de droit
à travers de nombreux textes800
, et est donc responsable dans les mêmes conditions. Par
conséquent, en cas d’infraction réalisée au sein de l’entreprise, dirigeant de droit et dirigeant
de fait pourraient être considérés comme des coauteurs si les conditions de ce mode de
participation sont réunies. En effet, dès lors que tous deux se sont entendus sur la commission
de l’infraction et qu’ils apparaissent comme la cause déterminante de cette dernière, rien ne
semble s’opposer à une imputation en tant que coauteurs. Cependant, peut-être la solution
mérite-t-elle que l’on s’y attarde davantage. Ainsi, dans l’hypothèse où l’infraction exigerait
au titre de ses éléments constitutifs la qualité de dirigeant, il est possible de s’interroger sur la
pertinence d’une telle solution : ne revêt-elle pas un caractère artificiel dans la mesure où le
dirigeant de fait, même s’il peut être qualifié de la sorte, n’a pas juridiquement la qualité
exigée par le texte d’incrimination (sauf dans les cas où la loi le prévoit expressément) ? Il
semble pourtant que considérer le dirigeant de fait comme un coauteur du dirigeant de droit
soit acceptable, au contraire, puisque justement, c’est le réalisme du droit pénal qui l’impose,
et qu’en tant que mode de participation, il est concevable que le coauteur emprunte une
qualité lui faisant défaut à son coauteur801
.
Il demeure néanmoins que dans l’hypothèse où le dirigeant de droit n’est qu’un prête-
nom, deux objections principales pourraient faire douter de la caractérisation d’une coaction.
798 Pourraient d’ailleurs être assimilés à ces derniers les administrateurs provisoires et judiciaires puisqu’ils
encourent, en vertu des articles L 622-1 III et L 631-12 du Code de commerce, la même responsabilité que le
dirigeant de l’entreprise qu’ils administrent, que l’infraction résulte de leur propre fait (Cass. crim., 28 nov.
1995, deux arrêts, Dr. pén. 1996 comm. n° 88 et n° 164, obs. J.-H. ROBERT ; 1er
déc. 1998, JurisData n° 005085)
ou de celui d’un préposé (Cass. crim. 3 mars 1998, Bull. n° 82). 799
C. com., art. L. 245-16 pour les sociétés par actions. V. également C. com., art. L. 241-9, L. 244-4, L. 245-16
et L. 246-2. 800
V. par exemple les articles 223-15-2 (abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse), 314-7
(organisation frauduleuse de l’insolvabilité) et 433-18 (usage irrégulier de qualité) du Code pénal, ou encore les
articles L 246-2 (émission illicite d’actions) et L. 653-1 (faillite personnelle) du Code de commerce. 801
V. infra n° 329 et s.
205
En premier lieu, dans la mesure où dans un tel cas, par définition, il ne prend aucune
part active dans les décisions de l’entreprise, le caractère déterminant de son rôle pourrait être
discuté. Cependant, il est généralement placé à un tel poste parce que le dirigeant de fait ne
pouvait revêtir officiellement cette qualité, en raison d’une interdiction d’exercer l’activité
professionnelle en cause à laquelle il aurait par exemple été condamné. Le rôle du dirigeant de
droit est alors déterminant dans une telle hypothèse puisque, sans lui, l’activité de l’entreprise
n’aurait pu exister.
En second lieu, il pourrait être fait valoir que la caractérisation d’une entente entre
dirigeant de droit et dirigeant de fait est fort artificielle. En effet, si le dirigeant n’est jamais
présent, ne s’occupe absolument pas des affaires de l’entreprise et même n’en a aucune
connaissance, comment imaginer une entente avec le dirigeant de fait qui apparaît alors
comme la seule personne à détenir un pouvoir de direction effectif ? Néanmoins, l’objection
n’est peut-être qu’apparente. Ainsi, quand le dirigeant de droit accepte sa fonction, il sait
pertinemment que son rôle se bornera à celui de prête-nom, et que le véritable pouvoir de
direction sera exercé par un autre individu, dirigeant de fait. Partant, il est possible de
considérer qu’il accepte par avance de s’associer aux décisions que celui-ci prendra, et
réciproquement : le dirigeant de fait sait qu’il associe à ses décisions le dirigeant de droit.
Dans cette perspective, une entente pourrait donc être caractérisée entre eux802
.
La jurisprudence ne s’y est pas trompée et a consacré depuis longtemps et de façon
constante cette solution, notamment dans des affaires relatives à la répression du travail
dissimulé803
, mais également en matière d’homicide involontaire en considérant que « les
gérants de droit ou de fait d’une même société peuvent être simultanément coupables
d’homicide involontaire en cas de décès d’un salarié causé par un manquement à la
réglementation relative à la sécurité des travailleurs »804
. Dirigeant de droit et dirigeant de
fait peuvent donc apparaître comme des coauteurs, mais surtout, les solutions relatives à une
802 Il faut tout de même préciser que cette idée voulant que le dirigeant de droit accepte par avance les décisions
prises par le dirigeant de fait doit être réservée aux décisions d’entreprise, c’est-à-dire à celles en lien avec
l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise. Ainsi, pour prendre un exemple quelque peu caricatural, si le
dirigeant de fait commettait un assassinat au sein de l’entreprise, on ne devrait pouvoir l’imputer au dirigeant de
droit. En outre, il est envisageable de considérer qu’une dépendance morale puisse exister entre dirigeant de droit
et dirigeant de fait (dans l’hypothèse d’une entreprise tenue par la mafia par exemple). 803
V. dernièrement : Cass. crim., 2 fév. 1999, JurisData n° 1999-001690 ; 3 juin 2008, Dr. pén. 2008, chron. 9,
spéc. n° 9, obs. M. SEGONDS ; 12 mai 2009, JurisData n° 2009-048280, Dr. pén. 2009, chron. 10, spéc. n° 9, obs.
M. SEGONDS (« en l’espèce, les prévenus, dirigeant de droit et dirigeante de fait, avaient employé un directeur
commercial sans s’être soumis à l’obligation de déclaration préalable à l’embauche »). 804
Cass. crim., 12 sept. 2000, Bull. n° 268 ; TPS 2001, n° 5 ; Rev. sc. crim. 2001, p. 159, obs. Y. MAYAUD.
206
éventuelle coaction entre le chef d’entreprise et un de ses préposés leur seront applicables à
tous deux.
246. Préposé délégataire. – En outre, une autre catégorie de personnes au sein de
l’entreprise pourra également se voir appliquer les solutions relatives à la coaction entre le
chef d’entreprise et ses préposés : les préposés délégataires805
. En effet, lorsque la délégation
de pouvoirs du chef d’entreprise à un de ses préposés est valable806
, elle a pour conséquence
de transférer la responsabilité du chef d’entreprise délégant sur ce préposé délégataire807
.
Leurs responsabilités sont alors alternatives808
, et le risque pénal pesant jusque-là sur le chef
d’entreprise est ainsi déplacé vers le préposé délégataire dont la responsabilité pénale pourra
être engagée dans les mêmes conditions que celle du chef d’entreprise809
. Ainsi, là encore, les
solutions applicables à une éventuelle coaction entre le chef d’entreprise et un de ses préposés
pourront être transposées aux relations unissant un préposé délégataire et un préposé
quelconque.
En conséquence, lorsque les développements suivants viseront le chef d’entreprise, il
faudra garder à l’esprit que pourraient lui être assimilés les dirigeants de fait et préposés
délégataires.
B- Détermination des infractions d’entreprise
247. Notion. – Pour poursuivre le raisonnement quant à savoir si chef d’entreprise et
préposé pourraient être qualifiés de coauteurs d’une infraction commise au sein de
l’entreprise, il paraît nécessaire d’étudier plus précisément les infractions susceptibles d’être
commises dans ce cadre. Or, il semble que l’infraction commise au sein de l’entreprise puisse
805 Sur la délégation de pouvoir du chef d’entreprise, v. notamment F. DOUCHEZ, B. DE LAMY et M. SEGONDS,
La délégation de pouvoir du chef d’entreprise : principes et actualités, Dr. pén. 2010, dossier n° 6 ; E. DREYER,
Les pouvoirs délégués afin d’exonérer pénalement le chef d’entreprise, D. 2004, p. 937. 806
Pour être valable, la délégation de pouvoirs est soumise à différentes conditions : le préposé doit ainsi être
pourvu de la compétence, des moyens ainsi que d’une autorité suffisante, avoir accepté cette mission, et la
délégation doit avoir un objet limité et posséder une certaine durée et stabilité. V. A. COEURET et E. FORTIS,
Droit pénal du travail, LexisNexis, 2012, n° 312 et s. 807
V. A. COEURET, La nouvelle donne en matière de responsabilité, Dr. soc. 1994, p. 627. 808
Cass. crim., 27 oct. 1976, Bull. n° 303. 809
Le même mécanisme pourra d’ailleurs être reproduit par le préposé délégataire, la subdélégation étant
admise , sans même que le chef d’entreprise ait à donner son autorisation : V. notamment Cass. crim., 8 fév.
1983, D. 1983, p. 639, note H. SEILLAN et Cass. crim., 30 oct. 1996, Bull. n° 389.
207
revêtir les caractères de toute infraction et relever en cela du droit pénal commun, mais
également qu’elle puisse concerner plus spécifiquement le domaine propre au droit pénal du
travail. En effet, cette branche du droit pénal vise précisément le chef d’entreprise en le
sanctionnant pour ce que certains nomment des « infractions de fonction », c’est-à-dire
qu’ « il est puni ès-qualités si des manquements ont été constatés alors qu’il était tenu de
veiller à l’application de la loi dans son entreprise. Peu importe que ces manquements n’aient
occasionné aucun dommage »810
. Ces infractions se retrouvent ainsi principalement en
matière d’hygiène et de sécurité en vertu de l’article L. 4741-1 du Code du travail mais pas
seulement811
. Or, ce qui révèle l’existence de telles infractions, c’est en réalité le fait des
préposés, c’est-à-dire l’action ou l’abstention d’autrui, d’où la possibilité de s’interroger sur
une éventuelle coaction entre ces préposés et le chef d’entreprise. Cependant, il semble que
cette question puisse être résolue si l’on se réfère à la rédaction des articles ici en cause. En
effet, les textes du Code du travail visent fréquemment « l’employeur », c’est-à-dire le
titulaire d’une certaine autorité dans l’entreprise812
. Dès lors, ils exigent cette qualité au titre
de leurs éléments constitutifs et le simple préposé ne la revêtant pas ne peut se voir imputer
une quelconque infraction. Il serait ainsi abusif de considérer que le chef d’entreprise
participe à l’infraction de son préposé, faute précisément d’une infraction de la part de ce
dernier813
. Il y a ainsi un unique auteur à l’infraction, le chef d’entreprise, sans aucun
participant. Partant, aucune coaction ne pourra être établie entre lui et son préposé.
En outre, lorsque l’infraction n’exige pas une qualité particulière pour sa constitution,
différents cas de figure sont envisageables selon par exemple la nature de l’infraction réalisée
(intentionnelle ou non intentionnelle) ou encore selon que le préposé a connaissance ou non
810 E. DREYER, L’imputation des infractions en droit pénal du travail, Rev. sc. crim. 2004, p. 813, n° 2.
811 V. C. MASCALA, La responsabilité pénale du chef d’entreprise, Les petites affiches, 19 juil. 1996, n° 87,
p. 16. 812
Certains auteurs lui préfèrent d’ailleurs l’ancienne rédaction qui visait, outre l’employeur, le chef
d’établissement, et permettait ainsi de montrer clairement la dualité envisageable de responsables entre
personnes physiques et personnes morales : v. A. COEURET et E. FORTIS, Droit pénal du travail, préc., n° 247. 813
Dans le même sens, v. E. DREYER, L’imputation des infractions en droit pénal du travail, préc., n° 10 : « le
fait d’autrui reste parfaitement neutre. Il n’apparaît pas délictueux : l’application du texte dont la violation est
dénoncée n’incombait pas au préposé mais au chef d’entreprise. Ce qui justifie sa responsabilité. Il n’y a donc
pas « emprunt » par le chef d’entreprise de la « criminalité » de son préposé. C’est sur sa tête que les
conséquences sont tirées de la violation constatée. Rien à voir avec une quelconque complicité par provocation
ou instruction. De même, la coaction ne saurait être retenue entre le chef d’entreprise (auteur moral) et son
préposé (auteur matériel). Outre le fait que cette dissociation semble bien hasardeuse, le chef d’entreprise est
responsable, à titre primaire, sans que l’on puisse lui reprocher un comportement de conséquence à l’égard de
son préposé ». Il pourrait cependant être relevé qu’à l’instar de la théorie de l’emprunt de matérialité, il serait
envisageable de considérer que le chef d’entreprise emprunte non l’infraction de son préposé mais son fait
délictueux. Cependant, les écueils de cette conception pourraient se retrouver en la matière : v. supra n° 115.
208
de ce qu’il est en train d’accomplir une infraction. Il semble que ces hypothèses se
cristallisent autour de deux questions qu’il faudra donc étudier successivement : l’infraction
ordonnée au préposé par le chef d’entreprise (1) et l’infraction permise au préposé par le chef
d’entreprise (2).
1- L'infraction ordonnée au préposé par le chef d’entreprise
248. Exigence de la conscience d’accomplir une infraction chez le préposé. – Dans
l’hypothèse où le chef d’entreprise ordonne à son préposé de commettre une infraction, deux
cas de figure peuvent se présenter : le préposé peut avoir conscience d’accomplir un acte
répréhensible ou n’en avoir aucune idée. Dans cette dernière situation, la question de la
coaction entre le chef d’entreprise et son préposé ne se pose pas puisque ce dernier ne peut
être qualifié de participant à l’infraction à défaut de conscience de s’associer à une
infraction814
. En revanche, la question présente un intérêt pour l’étude dès lors que le préposé
a conscience que l’ordre qui lui a été donné le conduit à accomplir une infraction.
249. Hypothèse classique de provocation à l’infraction en vertu du Code pénal. –
La solution semble clairement établie par le Code pénal. En effet, en définissant l’auteur
comme « la personne qui commet les faits incriminés »815
et le complice comme « celui qui,
par […] ordre […] aura provoqué à une infraction »816
, le législateur semble considérer que
le préposé sera auteur juridique de l’infraction ainsi commise et que le chef d’entreprise en
sera le complice, excluant ainsi toute coaction.
250. Iniquité de la solution. – Cependant, la pertinence d’une telle solution pourrait
être remise en cause. N’est-il pas en effet discutable d’assimiler la situation de celui qui aura
814 A fortiori, il n’aura pas la volonté de s’associer indispensable à la participation : v. supra n° 53 et s.
Cependant, la question de la réalisation de l’infraction à titre d’auteur pourra néanmoins être posée. En effet, s’il
est vrai que le préposé pourrait invoquer dans une telle hypothèse l’erreur de droit, il faut se souvenir que celle-ci
doit être inévitable pour empêcher la constitution de l’infraction et ainsi faire obstacle à la responsabilité pénale
de son auteur. Or, la jurisprudence apprécie de façon très sévère ce caractère inévitable, qui plus est lorsque celui
qui l’invoque est un professionnel, ce qui est le cas du préposé. Cependant, certains ont montré que la sévérité de
la jurisprudence en la matière pourrait être infléchie au regard de l’appréciation concrète de l’erreur de droit
devant être faite en vertu de l’article 122-3 du Code pénal : v. V. MALABAT, La responsabilité pénale du
subordonné, in Mélanges dédiés à B. Bouloc, Les droits et le Droit, Dalloz, 2007, p. 681 et s., spéc. p 687. 815
C. pén., art. 121-4. 816
C. pén., art. 121-7.
209
par exemple accepté une somme d’argent pour accomplir une infraction à celle de l’individu
qui aura accepté par peur de perdre son emploi817
? Certes, dans les deux hypothèses, les
individus ont conscience de s’associer à une infraction. Néanmoins, tous deux n’éprouvent
certainement pas le même enthousiasme à le faire, le second pouvant plutôt même éprouver
quelques réticences. Si juridiquement la solution paraît argumentée, elle peut ainsi sembler
plus contestable d’un point de vue moral.
251. Causes d’exclusions de la responsabilité du préposé envisageables. – Plusieurs
mécanismes peuvent alors être envisagés afin d’empêcher la responsabilité pénale du préposé
dans une telle situation818
.
Tout d’abord, le fait justificatif tiré du commandement de l’autorité légitime819
pourrait être invoqué. Cependant, l’autorité légitime s’entend d’une autorité publique820
et ne
peut donc concerner les relations unissant le chef d’entreprise à son préposé821
, excluant par là
toute justification de ce dernier.
Ensuite, un autre fait justificatif pourrait être invoqué, celui de l’état de nécessité822
.
En effet, puisque ce dernier exclut la responsabilité pénale de celui qui accomplit une
infraction rendue nécessaire afin de ne pas subir un péril, il serait envisageable de considérer
que le préposé, en état de dépendance économique823
par rapport à son employeur, commet
817 Cette dernière situation pourrait d’ailleurs être assimilée à celle de l’individu qui accepterait de commettre
une infraction sous la menace ou en raison d’un abus d’autorité ou de pouvoir d’autrui. Les développements
consacrés à l’infraction ordonnée au préposé par le chef d’entreprise pourraient donc leur être étendus. 818
Sur ces différents points, v. V. MALABAT, La responsabilité pénale du subordonné, préc., spéc. p. 687 et s. 819
C. pén., art. 122-4 al. 2. 820
Cass. crim., 27 janv. 1859, S. 1859, 1, p. 364; Cass. crim., 28 avril 1866, DP 1866, 1, 356 ; Cass. crim. 26
juin 2002, Bull. n° 148 ; D. 2003, somm. 172 ; obs. M. SEGONDS ; Dr. pén. 2002, comm. n° 133, obs. M.
VERON ; Rev. sc. crim. 2003, p. 93 ; obs. B. BOULOC ; RTD com. 2003, p. 177, obs. B. BOULOC ; Cass. crim., 8
mars 2005, Bull. n° 77. 821
Cass. crim., 13 mars 1997, Bull. n° 107, Rev. sc. crim. 1997, p. 828, obs. B. BOULOC ; Ass. Plén., 14 déc.
2001, Bull. n° 269, D. 2002, p. 1230, note J. JULIEN. 822
C. pén., art. 122-7. 823
Sur la notion de dépendance économique, v. la matière civile où la notion est parfois envisagée parmi les
vices du consentement : Civ. 1ère
, 30 mai 2000, D. 2000, jur. 879, note J.-P. CHAZAL ; JCP 2001, II, 10461, note
G. LOISEAU ; Contrats Conc. Consom. 2000, n° 142, obs. L. LEVENEUR ; RTD civ. 2000, p. 827, obs. J. MESTRE
et B. FAGES ; ibid., p. 863, obs. P.-Y. GAUTIER ; Civ. 1ère
, 3 avril 2002, D. 2002, jur. 1860, note J.-P. GRIDEL et
J.-P. CHAZAL ; RTD civ. 2002, p. 502, obs. J. MESTRE et B. FAGES ; RTD com. 2003, p. 86, obs. A. FRANCON ;
RTD com. 2004, p. 267, note F. POLLAUD-DULIAN. ; Les Petites affiches 2004, n° 120, p. 5, note M. BOIZARD ;
Les Petites affiches 2004, n° 213, p. 14, note G. KESSLER.
V. également les différents projets de réforme du droit des obligations : art. 1114-3 de l’avant-projet de réforme
du droit des obligations selon lequel il y a violence « lorsqu’une partie s’engage sous l’epire d’un état de
nécessité ou de dépendance, si l’autre partie exploite cette situation de faiblesse en retirant de la convention un
avantage excessif », art. 63 du projet gouvernemental qui invite à la même conclusion « lorsqu’une partie abuse
210
l’infraction afin de ne pas perdre son emploi. Cependant, les conditions d’admission de ce fait
justificatif sont strictes dans la mesure où le danger redouté doit être actuel ou imminent. Or,
il est certainement difficile d’établir de tels caractères s’agissant de la perte d’un emploi, et la
jurisprudence refuse ainsi généralement de considérer que des difficultés financières
constituent un danger actuel ou imminent824
.
Enfin, pourrait être soulevée la contrainte du préposé. Cette cause de non-
responsabilité pénale est généralement définie comme un événement supprimant la liberté de
l’agent825
, se rapprochant de la force majeure en droit civil : « le délinquant n’a pu faire
autrement que de commettre une infraction »826
. Cependant, là encore, ses conditions
d’admission sont très strictes. En particulier, la contrainte doit avoir été irrésistible pour
exclure la responsabilité d’un individu827
, et ici également, la jurisprudence se montre de
façon générale très exigeante quant à la caractérisation de cette condition828
. S’il est vrai
qu’elle a parfois admis, de façon contestable donc, que le préposé placé dans une telle
situation pouvait être déclaré irresponsable pénalement en raison de la contrainte ayant pesé
sur lui829
, elle considère traditionnellement que l’obéissance ne peut constituer une
contrainte830
.
de la situation de faiblesse de l’autre pour lui faire prendre, sious l’empire d’un état de nécessité ou de
dépendance, un engagement qu’elle n’aurait pas contracté en l’absence de cette contrainte » ; art. 66 du projet
de l’Académie des sciences morales et politiques selon lequel « lorsqu’un contractant, en exploitant l’état de
nécessité ou de déendance de l’autre partie, ou sa situation de vulnérabilit caractérisée, retire du contrat un
avantage manifestement excessif, la victime peut demander au juge de rétablir l’équilibre contractuel. Si ce
rétablissement s’avère impossible, le juge prononce la nullité du contrat » (la dépendance économique, dans ce
dernier projet, n’est d’ailleurs pas considérée comme un vice du consentement mais y est évoquée au titre de la
« lésion qualifiée »). 824
V. Poitiers, 11 avril 1997, D. 1997, jur. 512, note A. WAXIN, Rev. sc. crim. 1998, p. 110, obs. R. OTTENHOF. 825
B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 457 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal
général, préc., n° 364 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 661 ; J. PRADEL, Droit
pénal général, préc., n° 485. Plus généralement, v. supra n° 66. 826
J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 485. 827
Il s’agit là de l’exigence textuelle, l’article 122-2 visant « la force ou la contrainte à laquelle [la personne]
n’a pu résister », mais la jurisprudence n’hésite pas à la doubler, en s’employant parfois à établir également son
imprévisibilité : v. par exemple Cass. crim. 29 janv. 1921, S. 1922, 1, p. 185, note J.-A. ROUX s’agissant d’un
marin n’ayant pu invoquer la contrainte pour justifier qu’il n’ait pas regagné son navire car ivre, il avait été
conduit au poste de police. V. également J.-H. ROBERT, Les personnes physiques pénalement responsables des
infractions commises à l’occasion du fonctionnement des entreprises, JCP CI 1975, II, 11716. 828
Si bien qu’il est traditionnellement enseigné qu’elle refuse d’admettre la contrainte dans des hypothèses où
seul un héros aurait résisté : v. l’affaire Genty, Cass. crim., 20 avril 1934, S. 1935, 1, p. 398. Pour des exemples
moins caricaturaux mais tout aussi sévères, v. également : Cass. crim., 28 déc. 1900, DP 1901, 1, p. 81, note A.
LE POITTEVIN ; aff. Rozoff, Cass. crim., 8 févr. 1936, DP 1936, 1, p. 44, note H. DONNEDIEU DE VABRES. 829
Cass. crim., 15 et 28 juin 1917, S. 1920, 1, p. 329, note J.-A. ROUX. En outre, pour exclure la responsabilité
du préposé, elle a également parfois considéré que l’infraction ne profitait qu’à l’employeur, justifiant alors la
responsabilité exclusive de ce dernier : Cass. crim., 12 déc. 1956, Bull. n° 836. Cependant, là encore, la
211
Ainsi, il semble qu’aucune cause légale ne puisse exonérer le préposé de sa
responsabilité.
252. Position de la jurisprudence : interversion des modes d’imputation entre chef
d’entreprise et préposé. – Pour autant, la jurisprudence prend en compte la situation
particulière du préposé. En effet, bien souvent, elle considère que le chef d’entreprise est le
véritable auteur de l’infraction et que son préposé en est un simple complice831
, voire que ce
dernier n’encourt aucune sanction pénale832
.
253. Critique de la position jurisprudentielle. – Cependant, cette solution, qui semble
cantonnée au droit pénal des affaires833
, est clairement contra legem. Il faut alors se demander
si considérer le chef d’entreprise comme un auteur et son préposé comme un complice
pourrait se justifier d’un point de vue juridique. Si le préposé pouvait se voir imputer
l’infraction en tant que complice, il devrait revêtir les caractères d’un participant à
l’infraction834
, et notamment avoir la volonté de s’associer au chef d’entreprise. Or, cette
volonté peut être remise en cause. En effet, si le préposé accepte de se conformer à un ordre
qu’il sait illégal, c’est généralement par peur de la sanction qui pourrait accompagner son
refus. En conséquence, considérer qu’il s’est associé à l’infraction de façon libre835
est
certainement illusoire. En réalité, la dépendance qu’il entretient par rapport à son chef
d’entreprise empêche de le regarder comme témoignant d’une volonté libre dès lors qu’il
répond aux ordres de son supérieur hiérarchique. Il semble alors erroné de le considérer
comme un participant à l’infraction de ce dernier. D’ailleurs, la jurisprudence considère
pertinence de la solution peut être remise en cause, en particulier au regard du principe classique d’indifférence
des mobiles en droit pénal. 830
V. notamment Cass. crim., 20 sept. 1894, DP 1899, 1, 350 ; Cass. crim., 14 janv. 1980, Bull. n° 21. 831
V. notamment Cass. crim., 14 janv. 1980, préc. 832
V. notamment Cass. crim., 28 mars 1996, Dr. pén. 1996, comm. 223, note J.-H. ROBERT : en l’espèce, le délit
de colportage et de démarchage illicite avait été imputé à titre de complice au dirigeant de la personne morale qui
envoyait des individus se rendre chez d’éventuels souscripteurs par la Cour d’appel, alors que les auteurs
principaux – les individus se rendant physiquement chez les souscripteurs – avaient été relaxés pour défaut
d’intention frauduleuse. Mais la Cour de cassation, par une substitution de motifs, a considéré que le dirigeant
était en réalité l’auteur principal du délit reproché. 833
En ce sens, v. notamment P.-A. BON, La causalité en droit pénal, préc., n° 514. Or, ce cantonnement de la
solution au droit pénal des affaires sans que cela soit justifié d’une quelconque façon sur le plan juridique
témoigne certainement de la spécificité de la question de l’imputation en la matière et de la nécessité de lui
donner un contenu clair, en modifiant la répression de l’instigation ou en condamnant les solutions contra legem
de la jurisprudence. 834
Celui-ci étant nécessairement un participant en raison de sa volonté de s’associer : v. supra n° 53 et s. 835
Condition de caractérisation de la participation, v. supra n° 60 et s.
212
également que la participation implique une indépendance. Ainsi, dans une solution rendue
par la Cour de cassation le 3 juin 2008836
, la chambre criminelle a affirmé que « le prévenu
avait personnellement participé à l’infraction en accomplissant des actes de gestion en toute
indépendance et sous le couvert des organes statutaires de la société » au sujet d’un individu
s’étant livré à l’exécution d’un travail dissimulé. A contrario, cette motivation laisse penser
que la solution n’aurait pas été la même en cas de dépendance du prévenu à l’égard des
organes statutaires de l’entreprise et que sa participation à l’infraction serait discutable, voire
inexistante.
De plus, en matière de délégation de pouvoir, il est généralement admis que le
délégataire qui n’a pas d’indépendance à l’égard du chef d’entreprise ne pourra voir sa
responsabilité engagée en cas de faute d’un préposé, mais que seule la responsabilité du chef
d’entreprise pourra être recherchée837
. Cette solution, parce qu’elle permet de montrer que
l’exercice de l’autorité implique l’indépendance, semble témoigner, a contrario, de la
nécessaire dépendance de celui qui est soumis aux ordres.
254. Proposition : maintien de la solution légale. – Ainsi, la participation à
l’infraction semble bien soumise à une absence de subordination à autrui. Or, faute d’être un
participant à l’infraction, le préposé ne peut alors être un complice, ni même un coauteur. En
revanche, le chef d’entreprise peut toujours être un participant à l’infraction de son préposé,
sa volonté de s’associer à ce dernier étant indiscutable et surtout libre. Cependant, cette
volonté n’étant pas réciproque, le chef d’entreprise ne pourra s’analyser comme un coauteur
de l’infraction ainsi commise, mais seulement comme un complice. La solution prônée par
l’article 121-7 du Code pénal semble donc s’imposer : le préposé doit s’analyser comme un
auteur à part entière de l’infraction qu’il a acceptée de commettre, même par crainte d’une
sanction, et son chef d’entreprise en sera le complice par provocation. La solution peut
sembler sévère à l’égard du préposé mais rejeter sa responsabilité reviendrait à occulter le
libre-arbitre de l’individu. Certes, le préposé est en situation de dépendance par rapport au
chef d’entreprise ; néanmoins, il n’en perd pas toute capacité de résistance. Admettre une telle
solution conduirait en outre à traiter de la même façon celui qui a refusé d’obéir et celui qui a
836 Pourvoi n° 07-85.871, Dr. pén. 2008, chron. 9, n° 9.
837 Sur ce point, v. notamment A. COEURET et E. FORTIS, Droit pénal du travail, préc., n° 316 et s.
Pour un exemple en jurisprudence, v. notamment Cass. crim., 7 juin 2011, pourvoi n° 10-84283, A. COEURET, La
délégation de pouvoirs et les responsabilités pénales dans l’entreprise, RJS 01/12, chron. p. 5.
213
accepté sans rechigner. Cela revient alors à encourager l’obéissance irraisonnée. Du reste, il
ne faut pas oublier que qualifier un individu d’auteur d’une infraction ne conduit pas à lui
appliquer une peine plus sévère que si le mode d’imputation avait été différent. Le principe de
personnalisation des peines permettra de prendre en compte la situation particulière du
préposé ainsi que celle du chef d’entreprise et d’assurer l’équité. Enfin, il est même
envisageable que le Ministère public, en vertu du principe d’opportunité des poursuites838
, ne
poursuive pas le préposé placé dans une telle situation839
.
255. Bilan. – Quoi qu’il en soit, ces détours par l’étude de l’action du préposé et de la
complicité de son chef d’entreprise en cas d’infraction ordonnée par celui-ci à celui-là ont
permis de montrer que la subordination d’un individu empêchait, dans cette hypothèse, de le
considérer comme un participant à l’infraction et donc comme un coauteur de celle-ci. Reste à
voir si ce dernier constat se vérifie lorsque l’infraction est simplement permise au préposé par
la négligence du chef d’entreprise.
2- L’infraction permise au préposé par le chef d’entreprise
256. Par son manque de surveillance, son inattention ou sa négligence, le chef
d’entreprise peut donner l’occasion au préposé de commettre une infraction. La responsabilité
pénale de chacun d’entre eux pourra alors être engagée, laissant penser à l’existence d’une
coaction entre les deux agents (a). Pourtant, il ne s’agit que d’une apparence, la coaction du
chef d’entreprise et de son préposé dans une telle hypothèse étant en réalité impossible (b).
a) L’apparente coaction du chef d’entreprise et de son préposé
257. Hypothèses envisageables. – Si le chef d’entreprise n’exerce pas efficacement son
pouvoir de direction840
, le préposé, laissé à lui-même, peut être amené à commettre une
838 C. proc. pén., art. 40 al. 1
er.
839 En ce sens, v. M. DELMAS-MARTY, Le droit pénal, l’individu et l’entreprise : culpabilité « du fait d’autrui »
ou du « décideur » ?, JCP G 1985, I, 3218 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 528.
V. également J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 369. 840
Il est ici pris le parti selon lequel la responsabilité du dirigeant, parfois qualifiée de « responsabilité du fait
d’autrui », repose en réalité sur une faute personnelle de sa part : l’infraction du préposé a été permise par sa
faute de surveillance. En ce sens, v. R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 470 ; B. BOULOC, Droit pénal
214
infraction. Ce défaut de surveillance pourrait s’analyser comme une faute d’imprudence du
chef d’entreprise. Quant au préposé, deux situations sont envisageables : le manque de
direction du chef d’entreprise peut le conduire lui-même à relâcher sa vigilance et à causer
ainsi un dommage, mais peut également être l’occasion pour lui de commettre délibérément
une infraction. Or, les deux situations peuvent laisser place à une éventuelle coaction entre le
chef d’entreprise et le préposé. Il convient donc de s’intéresser successivement à l’hypothèse
où la négligence du chef d’entreprise a permis au préposé de commettre une infraction non
intentionnelle (α) puis à celle où cette négligence a été l’occasion de commettre une infraction
intentionnelle (β).
α) En cas d’infraction non intentionnelle du préposé
258. L’hypothèse est la suivante : un chef d’entreprise commet une faute de négligence,
donnant ainsi l’occasion à son préposé d’en commettre une autre, et un dommage en découle.
Pour la jurisprudence, le chef d’entreprise est responsable de ce dommage, tout comme son
préposé. A première vue, cette solution laisse croire que tous deux sont considérés comme
coauteurs de l’infraction réalisée. D’ailleurs, dès lors que tous deux ont commis une faute
d’imprudence, il ne semble pas y avoir de difficulté particulière pour leur imputer la même
infraction. Certes, des auteurs ont fait valoir que la solution ne se comprendrait que pour les
infractions dont la matérialité n’est pas précisément définie, telles que l’homicide ou les
violences non intentionnelles. Effectivement, selon eux, quand l’infraction exige un
comportement de commission pour sa constitution, un tel raisonnement pourrait conduire à
sanctionner le dirigeant pour un fait d’omission (la faute de négligence du chef d’entreprise
ayant permis celle de son préposé pouvant s’apparenter à une omission) et donc à réprimer
général, préc., n° 389 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 440 ; M.
DELMAS-MARTY et G. GUIDICELLI-DELAGE, Droit pénal des affaires, PUF, 2000, p. 57 ; F. DESPORTES et F. LE
GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 531; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 370 ; R. MERLE et A.
VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal général, préc., n° 528 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 292 ;
J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 415 et 422 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 380 ; F.
ROUSSEAU, La répartition des responsabilités dans l’entreprise, Rev. sc. crim. 2010, p. 805. V. également, dans
le même ordre d’idées, les auteurs pour qui le dirigeant répond en réalité du mauvais exercice de son pouvoir sur
le préposé : A. COEURET, Pouvoir et responsabilité en droit pénal social, Dr. soc. 1975, p. 396 ; PH. CONTE et P.
MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 435 ; M. DELMAS-MARTY et G. GUIDICELLI-DELAGE,
Droit pénal des affaires, préc., p. 59 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 370. Sur les différents
fondements de la responsabilité pénale du chef d’entreprise envisageables, v. par exemple F. ROUSSEAU,
L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 266 et s.
215
une commission par omission841
, pourtant rejetée en jurisprudence842
. Cependant, cet
argument peut être relativisé dans la mesure où l’omission du dirigeant dans cette hypothèse
est loin d’être pure et simple ; au contraire, elle s’inscrit dans le cadre de sa fonction de chef
d’entreprise et peut donc s’analyser comme une abstention dans la fonction, assimilable alors
à l’action843
.
Ainsi, parce que la jurisprudence leur impute la même infraction en raison de leur
faute personnelle, il serait envisageable que chef d’entreprise et préposé soient coauteurs de
l’infraction considérée. Le raisonnement est le même lorsque le préposé commet une
infraction intentionnelle.
β) En cas d’infraction intentionnelle du préposé
259. Solution jurisprudentielle. – Quand, par manque de surveillance, le chef
d’entreprise permet à son préposé de commettre une infraction intentionnelle, la jurisprudence
n’hésite parfois pas à le sanctionner pour cette même infraction intentionnelle. Par exemple,
elle a imputé le délit de vente de substances vénéneuses sans ordonnance à un pharmacien
alors que c’est son préposé qui était l’auteur juridique de l’infraction844
.
260. Contestation de la solution. – La solution pourrait ainsi laisser penser à une
coaction entre les deux agents, le préposé encourant lui aussi la sanction pénale en raison de
sa réalisation de l’infraction. Pourtant, elle ne manque pas de surprendre, car elle revient à
imputer une infraction intentionnelle au chef d’entreprise alors même qu’il n’a commis
841 V. M.-E. CARTIER, Notion et fondement de la responsabilité du chef d’entreprise, in La responsabilité du fait
de l’entreprise, Masson, 1977, p. 45 ; A. COERET, Pouvoir et responsabilité en droit pénal social, préc. ; M.
DELMAS-MARTY et G. GIUDICELLI-DELAGE, Doit pénal des affaires, préc., p. 58 ; J.-A. ROUX, obs. sous Cass.
crim., 1er
déc. 1923, S. 1924, 1, p. 281. 842
V. la célèbre affaire dite de la « Séquestrée de Poitiers » : CA Poitiers, 20 nov. 1901, D. 1902, p. 81, note G.
LE POITTEVIN ; v. également plus récemment Cass. crim. 1er
mars 2006, Bull. n° 58. D’ailleurs, dans sa grande
majorité, la doctrine approuve cette solution : v. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 335 ;
B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 227 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général,
préc., n° 311 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 436 ; Y. MAYAUD, Droit pénal
général, préc., n° 201 et 202 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal général, préc., n°
483 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 366 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 262 ; J.-H.
ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 205 et 206. 843
V. supra n° 209. 844
Cass. crim., 30 nov. 1944, D. 1945, jurispr. p. 162. Pour d’autres exemples, v. également Cass. crim. 6 oct.
1955, Bull. n° 388 (en matière de pollution de cours d’eau) ; Cass. crim., 17 oct. 1967, Bull. n° 250 (en matière
de fausse déclarations de recettes cinématographiques).
216
qu’une négligence. C’est pourquoi elle est particulièrement décriée en doctrine845
. En effet,
comment imaginer que le chef d’entreprise soit à même d’empêcher la commission d’une
infraction par son préposé dès lors que ce dernier est déterminé à passer à l’acte ? Même en
exerçant efficacement son pouvoir de direction, il est impossible de prévenir un tel acte. En
poursuivant le raisonnement, cela revient en réalité à justifier la responsabilité du chef
d’entreprise par un système de garantie846
. Certains auteurs font ainsi valoir que le dirigeant
« assume un devoir de garantie à l’égard des tiers, qu’il s’agisse de son personnel ou de sa
clientèle » : au regard de ce résultat qu’est le devoir de garantie, l’infraction serait alors
intentionnelle car faute d’exercer son pouvoir de prévention, le chef d’entreprise sait
nécessairement qu’il viole ce devoir de garantie847
. Cependant, le résultat de l’infraction est
alors déplacé, ce que ces auteurs admettent eux-mêmes848
. En outre, si en matière de
responsabilité civile un tel système est concevable, il n’en est pas de même en matière de
responsabilité pénale, fondée sur la faute du responsable.
Ces nombreuses critiques laissent alors entrevoir que, quelle que soit la nature de
l’infraction réalisée par le préposé, toute coaction entre ce dernier et le chef d’entreprise
semble impossible.
β) L’impossible coaction du chef d’entreprise et de son préposé
261. Arguments. – Deux arguments principaux semblent s’opposer à toute coaction
entre le chef d’entreprise et son préposé : l’absence d’infraction unique commise par eux,
ainsi que l’absence de volonté de s’associer à l’infraction chez le préposé.
262. Absence d’infraction unique. – En premier lieu, il semble le plus souvent
difficile de caractériser une infraction unique commune au chef d’entreprise et à son préposé.
845 R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 473 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 381 ; PH.
CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 440 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit
pénal général, préc., n° 527 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel - Droit pénal général, préc., n° 529 ;
J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 414 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 380 ; J.-H. ROBERT,
Droit pénal général, préc., p. 367 et 368 ; v. également PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 36 in fine ; A.
LEGAL, La responsabilité pénale du fait d’autrui et les infractions intentionnelles, Rev. sc. crim. 1968, p. 325. 846
En ce sens, v. PH. BRUN, Responsabilité civile extra-contractuelle, Litec, 2ème
éd., 2009, n° 437 ; M. FABRE-
MAGNAN, Droit des obligations. 2- Responsabilité civile et quasi-contrats, PUF, coll. Thémis, 2e éd., 2010,
n° 130. 847
PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 440. 848
Ibid.
217
Lorsque le préposé commet une infraction intentionnelle, le raisonnement a été amorcé
précédemment : la jurisprudence impute au chef d’entreprise une infraction intentionnelle
alors qu’il n’a commis qu’une faute non intentionnelle. Il semblerait alors moins contestable
de considérer qu’il a commis une infraction non intentionnelle dans l’hypothèse où sa faute
pourra s’analyser comme qualifiée (il a en réalité créé la situation ayant permis la réalisation
du dommage, ce qui n’est pas sans rappeler la définition de l’auteur indirect d’une infraction
non intentionnelle de l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal849
) et que son préposé, lui, a
commis une infraction intentionnelle. Dès lors, n’ayant pas commis la même infraction, leur
infraction ne peut être commune.
Lorsque le préposé commet une infraction non intentionnelle, il est, là encore, la
plupart du temps impossible de considérer que cette infraction est commune avec celle du
chef d’entreprise. Certes, ce dernier commet également une faute d’imprudence et il serait
alors possible d’envisager que cette imprudence est commune aux deux agents. Cependant, il
s’agit généralement ici de fautes d’imprudence distinctes, de fautes concurrentes850
. Par
exemple, imaginons le chef d’exploitation d’un domaine skiable qui ne respecte pas la
réglementation en vigueur et ne pose pas de barrières de sécurité le long des pistes. Or, un de
ses préposés, suite à une mauvaise manœuvre d’un chasse-neige, pénètre sur une piste en
raison de l’absence de barrières de sécurité, et percute un skieur qui décède. Tous deux ont
commis une faute non intentionnelle. Pour autant, il ne s’agit certainement pas de la même
faute. En réalité, l’un peut être qualifié d’auteur direct de l’homicide involontaire (le préposé),
alors que le chef d’exploitation sera qualifié d’auteur indirect de ce dernier et punissable
seulement en cas de faute qualifiée. A nouveau, ils n’ont pas commis la même infraction et
aucune imprudence commune ne peut donc être relevée à leur encontre851
. Certes, il serait
envisageable d’imaginer un autre cas de figure, laissant place à une imprudence commune.
Ainsi, prenons les mêmes faits, à ceci près que lors de la manœuvre du chasse-neige, le chef
d’exploitation est présent et enjoint à son préposé de reculer alors que faute de visibilité, il ne
peut savoir si la voie est libre. Dans une telle hypothèse, il semble que la même faute
849 Ce dernier dispose en effet que «les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais
qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les
mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon
manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le
règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité
qu'elles ne pouvaient ignorer ». 850
V. supra n° 153 et s. 851
V. supra n° 151 et s.
218
d’imprudence puisse être relevée à l’encontre des deux protagonistes qui plus est dans le
même espace-temps, laissant alors place à une coaction entre eux. Toutefois, il ne pourra en
être le cas car un autre caractère propre à la coaction vient à manquer dans ce cas de figure : la
volonté réciproque de s’associer.
263. Absence de volonté réciproque de s’associer. – Ainsi, en second lieu et surtout, il
est difficile de considérer que l’élément moral de la participation est constitué dans de telles
hypothèses. En effet, la participation est intentionnelle et implique une véritable volonté de
s’associer852
. Or, les rapports unissant le préposé et le chef d’entreprise font douter de
l’existence de cette dernière tant chez le premier que chez le second.
Quant à la volonté du préposé de s’associer à son dirigeant, il a été vu qu’en cas
d’infraction ordonnée par le second au premier, cette volonté était particulièrement discutable
en raison du manque d’indépendance du préposé. Le raisonnement est le même si l’ordre
donné par le chef d’entreprise ne visait pas la commission d’une infraction intentionnelle mais
a entraîné la réalisation d’un dommage en raison d’une faute non intentionnelle : le préposé,
soumis à l’autorité hiérarchique et au pouvoir de sanction du dirigeant, est dépourvu de
l’indépendance nécessaire à la caractérisation d’une volonté de s’associer853
. Enfin, si le chef
d’entreprise permet l’infraction du préposé par son manque de surveillance, justement parce
qu’il ne lui a donné aucune instruction pertinente, toute entente semble faire défaut, excluant
alors la coaction854
.
Quant à la volonté du dirigeant de s’associer à son préposé, elle est plus aisée à
envisager mais également contestable. Certes, il pourrait être fait valoir que lorsque le chef
d’entreprise embauche son préposé, il le choisit, et donc, dans une certaine mesure, accepte de
s’y associer. De par sa fonction, il sait qu’il prend ainsi le risque que ce préposé commette une
infraction dans le cadre de l’entreprise. Cependant, il est peut-être excessif de considérer qu’il
accepte alors de s’associer à n’importe quelle infraction commise par ce dernier. Cela est vrai
s’agissant de l’hypothèse dans laquelle le préposé commet une infraction non intentionnelle,
852 V. supra n° 53 et s.
853 Pour autant, ce constat ne doit pas remettre en cause l’admission de sa responsabilité à titre d’auteur. En effet,
le préposé témoigne indiscutablement d’une volonté (il a du reste été démontré qu’aucune contrainte ni fait
justificatif ne pouvaient être retenus à son égard : v. supra n° 251 ; de plus, nier cette volonté reviendrait à
occulter son libre-arbitre : v. supra n° 254). Cependant, c’est la volonté de s’associer qui lui fait ici défaut en
raison de son absence d’indépendance, empêchant dès lors de constater une coaction. 854
Sur l’exigence d’une entente en matière de coaction, v. supra n° 91 et s.
219
mais l’est encore plus dans le cas où il commettrait une infraction intentionnelle. Quel serait
en effet le fondement de sa responsabilité ? Son pouvoir de choisir le préposé ? Un tel
fondement ne semble pas envisageable d’un point de vue théorique comme pratique :
imaginer que chaque chef d’entreprise participe au choix de chacun de ses préposés est
utopique… Le risque créé par le chef d’entreprise ? L’incompatibilité de ce fondement avec
les principes de responsabilité pénale n’est plus à démontrer855
. Cette absence de fondement
solide à une telle responsabilité montre alors le défaut d’un tel raisonnement.
264. Contestation de l’existence d’une « imputation participative de
subordination ». – Ainsi, faute de volonté de s’associer entre le chef d’entreprise et le
préposé, aucune coaction ne peut être caractérisée à leur égard. Plus encore, c’est l’existence
d’une quelconque participation de l’un à l’infraction de l’autre qui peut être remise en cause.
Pourtant, certains auteurs considèrent que la responsabilité pénale du dirigeant pourrait
s’analyser comme « un nouveau mode de participation à l’infraction qui, à côté des modes
classiques que constituent la complicité et la coaction, aurait pour vocation spécifique de
s’appliquer au cadre collectif et hiérarchisé de l’entreprise pour la répression des infractions
qui sont liées à son fonctionnement »856
, une « imputation participative »857
à part entière.
Toutefois, dès lors que l’on considère que la participation implique nécessairement la volonté
de s’associer à autrui, il est difficile d’adhérer à une telle analyse, du moins dans les
hypothèses dans lesquelles le dirigeant laisse son préposé livré à lui-même en ne lui donnant
aucun ordre ou instruction.
265. L’absence d’égalité, cause de l’impossibilité d’une coaction. – Pour conclure et
revenir plus précisément à la coaction, dans les hypothèses laissant place à une participation,
aucune coaction n’a pu être retenue à l’encontre du chef d’entreprise et de son préposé en
raison de l’absence d’indépendance du second à l’égard du premier. Or, cette absence
d’indépendance s’explique par le lien de subordination les unissant, c’est-à-dire par leur
absence d’égalité au sens hiérarchique du terme. Cela est d’autant plus vrai qu’il est tout à fait
855 Pour une explication, v. notamment A. COEURET, Pouvoir et responsabilité en droit pénal social, Dr. soc.
1975, p. 396. 856
A. COEURET, La décentralisation du pouvoir dans l’entreprise et le droit du travail, préc., n° 345. 857
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 272 et s., et La répartition des
responsabilités dans l’entreprise, préc. Pour cet auteur, cette imputation participative particulière devrait se
nommer « subordination ».
220
envisageable que deux préposés, à égalité sur le plan hiérarchique, soient considérés comme
des coauteurs s’ils en réunissent les conditions : par exemple, deux préposés non délégataires
pourraient commettre une imprudence commune858
. En réalité, cette exigence d’égalité entre
les participants pour caractériser une coaction n’est pas propre aux relations hiérarchiques les
unissant, elle peut être étendue aux relations unissant les personnes morales au sein de
l’entreprise859
.
§2- L’absence de subordination entre personnes morales au sein de l’entreprise
266. Notion d’entreprise au sens large. – Si « l’entreprise n’est pas définie par le
droit »860
, le législateur utilise pourtant souvent ce terme, tant « l’entreprise est une réalité –
une entité – économique et sociale fondamentale »861
. Certes, elle ne jouit pas de la
personnalité morale, mais peut « comporter un ou plusieurs établissements »862
qui, pour leur
part, en bénéficieront. Le sens large de la notion d’entreprise permet alors d’envisager la
question des groupes de sociétés, et plus précisément les rapports unissant filiales et sociétés
mères, voire grands-mères863
.
267. Position du problème. – Quand les personnes morales sont absolument
indépendantes entre elles car elles n’appartiennent en aucun cas au même groupe, la question
de la subordination ne se pose pas. En revanche, elle présente un intérêt particulier s’agissant
des groupes de sociétés. En effet, le groupe, en tant que tel, n’a pas la personnalité juridique,
et les personnes morales qui le composent sont juridiquement indépendantes. Pourtant, on ne
peut nier l’existence de liens entre ces dernières, liens qui peuvent faire douter de leur
autonomie et permettent de s’interroger sur une éventuelle subordination des filiales aux
858 En revanche, la jurisprudence refuse d’admettre la co-délégation (Cass. crim., 2 oct. 1979, Bull. n° 198 ; Cass.
crim., 23 nov. 2004, D. 2005, p. 1521, note M. SEGONDS ; Rev. sc. crim. 2005, p. 321 ; Cass. crim., 12 déc. 2006,
inédit, pourvoi n° 05-87.125) alors qu’elle aussi aurait permis d’envisager une coaction entre co-délégataires. 859
Surtout, il ne faut pas oublier qu’elle peut également être étendue aux situations de subordination de fait (v.
supra n° 240) : pour les mêmes raisons, subordonnant et subordonné de fait ne pourront être qualifiés de
coauteurs. 860
J. PAILLUSSEAU, La notion de groupe de sociétés et d’entreprises en droit des activités économiques, D. 2003,
p. 2346, n° 12. 861
J. PAILLUSSEAU, La notion de groupe de sociétés et d’entreprises en droit des activités économiques, D. 2003,
p. 2346, n° 2. 862
G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc., « Entreprise ». 863
Pour une utilisation de cette expression, v. notamment G. DECOCQ, note sous CJUE, 20 janv. 2011, n° C-
90/09 P, Repsol Quimica SA et alii, Bull. Joly Sociétés 2011, n° 137.
221
sociétés mères. Appliquée à la matière pénale, la question revêt une importance significative
dans deux domaines spécifiques : le droit pénal du travail ainsi que les pratiques
anticoncurrentielles. En effet, il est possible d’imaginer qu’un salarié ait été victime d’un
accident au sein de l’entreprise, causé par une faute de négligence imputable à la filiale, faute
de négligence elle-même permise par une faute imputable à la société mère864
. De façon plus
évidente, peut-on, par exemple, imputer à une filiale et à sa société mère, au titre de la
coaction, l’infraction d’atteinte involontaire à l’intégrité physique commise sur un salarié de
ladite filiale en raison du non-respect de la législation applicable en matière de port des
équipements de sécurité sur un chantier, alors même que la violation de la législation avait été
exécutée en concertation entre les deux sociétés ? De même, une question similaire se pose
dans l’hypothèse où une société mère, aux côtés de sa filiale, participe à une entente illicite de
concert avec une troisième société, tierce aux rapports unissant le groupe. Les trois sociétés
pourront-elles alors être qualifiées de coauteurs de l’entente illicite ou les liens unissant la
société mère à sa filiale empêcheront-ils de caractériser entre elles l’égalité devant régir les
rapports entre coauteurs865
? Pour déterminer si une coaction est envisageable entre une
société mère et sa filiale, il appartient donc de s’intéresser plus précisément aux relations que
celles-ci entretiennent en matière de pratiques anticoncurrentielles (A) et de droit pénal du
travail (B).
A- En matière de pratiques anticoncurrentielles
268. Exemple des ententes illicites. – Les pratiques anticoncurrentielles sont
traditionnellement envisagées par les articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce
s’agissant du droit interne ainsi que des articles 81 et suivants du Traité instituant la
864 Peu important que ces différentes fautes soient directement imputables à la filiale ou à la société mère ou
qu’elles le soient par l’intermédiaire de leur organe ou représentant, selon la conception retenue de la
responsabilité des personnes morales : v. supra n° 79 et s. 865
Certes, en apparence, les pratiques anticoncurrentielles ne relèvent pas du domaine pénal, qui n’intervient
qu’ « à titre résiduel »865
en la matière. Les sanctions administratives et civiles lui sont préférées, et il appartient
aux juridictions commerciales et à l’Autorité de la concurrence865
en droit interne, ainsi qu’à la Commission des
Communautés européennes en droit communautaire de traiter de ces questions. Cependant, le droit de la
concurrence est généralement qualifié de droit quasi répressif, les sanctions qui y sont attachées sont souvent
désignées comme « para pénales », et le pouvoir de sanction détenu par les autorités administratives
indépendantes – dont fait partie l’Autorité de la concurrence – est considéré par la Cour européenne des Droits
de l’Homme comme appartenant à la matière pénale au sens de l’article 6 de la Convention. Dès lors, son étude
se justifie pleinement.
222
Communauté européenne866
s’agissant du droit communautaire. De façon générale, la
question sera traitée ici en prenant pour exemple la pratique des ententes dont l’objet ou
l’effet est de fausser ou de restreindre le jeu de la concurrence sur un marché, mais les
réflexions et conclusions énoncées pourraient être étendues à l’ensemble des pratiques
anticoncurrentielles867
, dans la mesure de leur pertinence à la situation en cause. En effet,
lorsqu’elles impliquent un groupe de sociétés, les ententes illicites mettent en lumière deux
aspects différents, ce que ne permettent pas de traiter toutes les pratiques anticoncurrentielles :
l’entente illicite peut ainsi avoir lieu entre des sociétés du groupe et une ou des sociétés
tierce(s)868
– il s’agit d’accords extérieurs au groupe –, mais elle peut également avoir lieu
entre les sociétés du groupe seulement – il s’agit alors d’accords intra-groupe –.
269. Accords intra-groupe. – En premier lieu, concernant les accords intra-groupe,
lorsque la filiale ne dispose pas d’une autonomie à l’égard de sa société mère, il est certain
qu’elle est alors dépendante des décisions de cette dernière. Dès lors, comment imaginer
qu’elle a eu un quelconque choix dans le fait de prendre part à l’entente mise en place par sa
société mère ? Dans une telle hypothèse, faute d’exercer une volonté autonome, la
subordination de la filiale devrait empêcher que l’on puisse la qualifier de coauteur de la
pratique anticoncurrentielle. La solution semble d’ailleurs acquise en droit positif. En effet,
droit communautaire et droit interne s’accordent, dans un tel cas, pour faire bénéficier la
filiale d’une immunité lorsqu’elle ne dispose d’aucune autonomie869
. Cette référence à
l’absence d’autonomie de la filiale démontre ainsi, a contrario, son exigence pour caractériser
une participation. En revanche, si la filiale dispose d’un pouvoir de décision autonome quant à
sa politique commerciale, rien ne devrait s’opposer à ce qu’elle puisse être qualifiée de
coauteur de la pratique anticoncurrentielle commise avec sa société mère. Ce constat ne fait
que se renforcer lorsque l’on étudie les accords extérieurs au groupe.
866 Devenus aujourd’hui les articles 101 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
depuis le Traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007. 867
Et notamment à l’abus de position dominante dans la mesure où il peut être réalisé par un groupe de sociétés. 868
Cette ou ces sociétés tierce(s) pourrai(en)t alors être qualifiée(s) de coauteur(s) de la filiale, de la société mère
ou des deux selon la solution qui sera retenue. 869
En droit communautaire, v. CJCE 24 oct. 1996, Viho Europe, Rec. 5482 ; TPICE 6 juil. 2000, Sté VW et Audi,
aff. T-62/98.
En droit interne, v. notamment Cass. com., 12 mars 1996, BOCC 22 oct. 1996 ; CA Paris, 25 janv. 1994, BOCC
9 fév. 1994, p. 60, Contrats, conc., consom. 1994, n° 51, obs. L. VOGEL ; CA Paris, 19 mai 1999, Contrats,
conc., consom. 1999, n° 160, obs. M. MALAURIE-VIGNAL.
223
270. Accords extérieurs au groupe. – En second lieu, concernant les accords
extérieurs au groupe, il est alors question de se demander à qui imputer la pratique
anticoncurrentielle commise par une société appartenant à un groupe. A la société mère ? A sa
filiale ? Aux deux ? A nouveau, en toute logique, il semble nécessaire de distinguer selon que
la filiale dispose d’une certaine autonomie ou non. En effet, si la société mère contrôle la
politique commerciale de sa filiale, comment imaginer une quelconque égalité entre les deux
personnes morales ? Comme précédemment, il conviendrait alors de distinguer selon que ces
dernières peuvent être considérées comme indépendantes ou non, et plus précisément, selon
que la politique commerciale de la filiale est subordonnée aux décisions de sa société mère ou
non. Faute d’autonomie, la subordination constatée devrait empêcher de caractériser une
égalité et donc une coaction. Or, précisément, le droit de la concurrence dispose de critères
permettant d’établir l’autonomie ou non de la filiale, utiles à cette fin.
271. Caractérisation de l’autonomie de la filiale au sens du droit de la
concurrence. – L’objet n’est pas ici d’étudier précisément les critères permettant d’établir
l’indépendance ou non d’une filiale à l’égard de sa société mère, mais simplement d’en
montrer les principaux éléments, afin d’établir leur objectivité matérielle. L’autonomie se
traduisant matériellement, son constat peut ainsi témoigner de l’objectivité du critère de
caractérisation de l’égalité nécessaire à la détermination de la coaction.
Ainsi, le constat de l’autonomie de la filiale se fait a contrario, par miroir de ce qui
caractérise l’absence d’autonomie. En effet, le droit communautaire a posé une présomption
de dépendance de la filiale lorsqu’elle est détenue à 100% par sa société mère870
, ou grand-
mère871
, présomption reprise par le droit interne mais appliquée de façon moins systématique,
en tenant compte d’autres éléments de fait872
. Quand cette présomption ne peut trouver à
s’appliquer car le capital n’est pas détenu à 100% mais dans une proportion moindre, d’autres
indices matériels pourront permettre de déterminer l’absence d’autonomie de la filiale, tels
870 CJCE, 25 oct. 1983, aff. C-107/82, Allgemeine Elektrizitäts-Gesellschaft AEG-Telefunken AG c/ Commission
CE, Rec. CJCE 1983, p. 03151. 871
TPICE, 18 déc. 2008, aff. T-85/06, General Quimica SA, Repsol SA, Repsol YPF SA c/ Commission CE, att.
n° 81 et 82. 872
V. par exemple Cons. conc., déc. n° 2000-D-6, 13 févr. 2001, Pratiques constatées dans le secteur de la vente
d’espaces publicitaires télévisuels : BOCC 2001, p. 166.
224
que par exemple l’obligation de reddition des comptes ou l’émission de directives par la
société mère873
.
272. Proposition. – Dès lors, grâce à ces critères, si une autonomie peut être constatée
entre la filiale et sa société mère, aucune difficulté particulière ne devrait être relevée : il suffit
de regarder si les autres conditions de la coaction sont réunies pour imputer une pratique
anticoncurrentielle à ces deux personnes morales au titre de la coaction, ainsi qu’à la ou aux
société(s) tiers.
En revanche, à défaut d’autonomie entre elles, la subordination de la filiale à sa société
mère devrait être constatée, empêchant alors l’imputation de l’infraction au titre de la coaction
aux sociétés du même groupe, mais non à la société mère et à la ou aux sociétés tiers.
273. Solutions en droit positif. – Du reste, il semble que la jurisprudence soit en ce
sens puisqu’elle considère de façon générale qu’en l’absence d’autonomie de sa filiale, seule
la société mère sera condamnée874
. En revanche, si une autonomie de la filiale peut être
démontrée, celle-ci sera sanctionnée ainsi que sa société mère si cette dernière a approuvé ou
participé à la pratique anticoncurrentielle875
. Dans cette dernière hypothèse, une coaction entre
les deux personnes morales peut alors être envisagée. De façon plus générale, l’Autorité de la
concurrence a pu énoncer, dans son rapport pour 2008, qu’ « au sein d’un groupe, une
pratique d’entente sera imputée, soit à une filiale en raison de son rôle effectif dans la
réalisation de la concertation, soit à la société mère, si la filiale ne fait qu’exécuter des
décisions prises par cette dernière »876
, ou aux deux si chacune a participé à la pratique. Les
solutions internes semblent donc devoir être approuvées.
En revanche, le droit communautaire ne semble pas faire une telle distinction et
impute l’infraction aux deux sociétés, peu important que la filiale ne puisse être considérée
comme autonome par rapport à sa société mère. En effet, la CJUE considère que dans le cas
où une société mère exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de sa
filiale, elle sera tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à cette dernière pour
873 V. F. CHAPUT, L’autonomie de la filiale en droit des pratiques anticoncurrentielles, Contrats, conc., consom.,
2010, Etude n° 1, en partic. n° 16 et s. 874
Ch. com., 8 déc. 1992, BRDA 1993/1 ; Paris, 24 juin 1993, BRDA 1993/13, p. 2. 875
Cons. conc. 5 nov. 1991, Secteur des granulats et du béton prêt à l’emploi, BOCC 3 janv. 1992. 876
Cité par F. CHAPUT, L’autonomie de la filiale en droit des pratiques anticoncurrentielles, Contrats, conc.,
consom., 2010, Etude n° 1.
225
pratique anticoncurrentielle877
. Un auteur commentant l’arrêt écrit ainsi que « la société mère
est considérée comme un coauteur responsable et non comme un tiers devant répondre des
faits d’autrui »878
. Plus encore, le TPICE a explicitement énoncé qu’une entreprise de conseil
pouvait être considérée comme coauteur d’une infraction lorsqu’elle contribue à la mise en
œuvre d’une entente, même de façon subordonnée, accessoire ou passive, en ne pouvant
ignorer le caractère anticoncurrentiel des comportements en cause879
. Or, une telle solution,
dont rien ne s’opposerait à ce qu’elle soit étendue aux relations unissant les sociétés d’un
groupe, ne peut qu’être décriée tant la coaction ne devrait pouvoir être retenue en cas de
subordination. Comme il l’a été vu, c’est l’existence même d’une participation quelle qu’elle
soit qui peut être remise en cause en cas de subordination parce qu’il est difficile de
caractériser la volonté du subordonné de s’associer au chef d’entreprise880
. Toutefois, il ne
s’agit pas pour autant de conclure à l’impossibilité de toute imputation à son égard puisqu’il
est envisageable par exemple, de même que pour ce qu’il en est s’agissant des liens entre
personnes physiques au sein de l’entreprise, que l’infraction puisse lui être imputée au titre de
l’action alors que le subordonnant – la société mère pour ce qui nous intéresse – se verra
qualifié de complice, voire d’auteur (il y aurait alors deux actions juxtaposées, celle de la
société mère, et celle de sa filiale).
Mais il n’y a pas qu’en droit de la concurrence que les rapports de subordination
unissant une filiale à sa société mère peuvent avoir un impact sur la caractérisation d’une
coaction entre elles.
B- En matière de droit pénal du travail
274. Intérêt de l’étude. – Comme précédemment, il s’agit ici de se demander dans
quelle mesure l’infraction commise par une filiale peut être imputée à sa société mère, et plus
particulièrement si toutes deux peuvent se voir qualifiées de coauteurs de l’infraction ainsi
réalisée. A priori, la question semble similaire à celle évoquée en matière de pratiques
anticoncurrentielles, et évoquer le droit pénal du travail ne serait donc que l’occasion de
877 CJUE, 20 janv. 2011, aff. n° C-90/09 P, Repsol Quimica SA et alii, Bull. Joly Sociétés, 2011, n° 137, note G.
DECOCQ. 878
G. DECOCQ, note sous CJUE, 20 janv. 2011, préc., Bull. Joly Sociétés, 2011, n° 137. 879
TPICE, 8 juil. 2008, aff. T-99/04, AC Treuhand AG : JOUE n° C 209, 15 sept. 2008, p. 49 ; Contrats, conc.,
consom., 2008, comm. 235, note G. DECOCQ. 880
V. supra n° 253.
226
traiter d’un exemple supplémentaire relatif à une éventuelle coaction entre deux personnes
morales appartenant au même groupe. Mais il s’agit ici de droit pénal au sens strict et non de
matière pénale, permettant alors de vérifier si les conséquences envisagées en droit de la
concurrence sont applicables en l’espèce. En outre, cette matière révèle une particularité en ce
que les infractions qu’elle réprime exigent parfois la qualité d’employeur pour pouvoir être
imputées à leur auteur881
. Ainsi, dès lors qu’une seule société peut être qualifiée d’employeur
– la filiale à laquelle les salariés sont liés contractuellement –, on ne voit pas comment une
quelconque coaction pourrait être caractérisée entre cette filiale et sa société mère, cette
dernière, par définition, ne pouvant être considérée comme employeur puisque les salariés ne
lui sont pas contractuellement liés.
275. Théorie des co-employeurs. – Un auteur a proposé d’appliquer la théorie des co-
employeurs, chère au droit du travail, au droit pénal, afin de permettre d’imputer l’infraction
aux deux sociétés au titre de la coaction882
. La Chambre sociale de la Cour de cassation a en
effet construit cette notion afin d’offrir aux salariés une pluralité de débiteurs lorsque leur
employeur nominal883
– celui avec lequel ils sont contractuellement liés – n’est plus en
mesure de remplir ses obligations en raison de difficultés économiques884
. Or, « s’il est
possible d’imputer à la société dominante devenue ce co-employeur les obligations qui pèsent
sur sa filiale, il est certainement possible de lui imputer également les infractions qui avaient
été, à première vue, commises pour le compte de la filiale »885
. Ainsi, appliquée à la matière
pénale, la théorie permettrait de voir des coauteurs d’une infraction là où l’existence de co-
employeurs serait admise886
. Evidemment, encore faudra-t-il satisfaire aux exigences relatives
à la responsabilité des personnes morales (et tout dépendra alors de savoir si on se contente
881 V. par exemple l’article L 2146-2 du Code du travail qui dispose que « Le fait pour l'employeur de
méconnaître les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-8, relatives à la discrimination syndicale, est puni
d'une amende de 3 750 euros. », ou encore son article L 4741-3 qui énonce que « Le fait pour l'employeur de ne
pas s'être conformé aux mesures prises par l'inspecteur du travail en application de l'article L. 4731-1 est puni
d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros. ». 882
G. AUZERO, Droit pénal du travail et groupes de sociétés, Actes du XXème Colloque de l’AFDP, à paraître. 883
Terminologie empruntée au Professeur AUZERO, Les co-employeurs, in Les concepts émergents en droit des
affaires, sous la direction d’E. LE DOLLEY, LGDJ, 2010, p. 43 et s. 884
Sur cette théorie, v. P.-H. ANTONMATTEI, Groupe de sociétés : la menace du co-employeur se confirme, Sem.
soc. Lamy 2011, n° 1484, p. 12 ; G. AUZERO, Les co-employeurs, préc. ; G. LOISEAU, Coemploi et groupes de
sociétés, JCP S 2011, 1528 ; P. MORVAN, Le licenciement des salariés d’une filiale (action Aspocomp). Entre
employeur et co-employeurs, JCP S 2010, 1407; E. PESKINE, Réseaux d’entreprises et Droit du travail, LGDJ,
Bibl. de Droit social, 2008. ; B. REYNES, Groupes de sociétés : la théorie du coemploi, JCP S 2012, 1292. 885
G. AUZERO, Droit pénal du travail et groupes de sociétés, préc. 886
L’auteur ne peut être plus clair : « Les co-employeurs seraient ainsi des co-auteurs ».
227
d’une faute diffuse887
ou si l’identification des organes ou représentants est nécessaire), mais
l’obstacle tenant à l’exigence de la qualité d’employeur serait ainsi contourné.
276. Contestation de la transposition de la théorie des co-employeurs à la coaction
pénale. – Pour autant, aussi séduisant que soit le raisonnement, il semble qu’il puisse être
contesté au regard de la définition donnée de la coaction. Effectivement, la situation de co-
emploi se déduit classiquement de l’effectivité de l’exercice du pouvoir de direction sur les
salariés. Il s’agit alors de prouver qu’un lien de subordination juridique unit les salariés non
seulement à la filiale employeur nominal, mais aussi à la société mère. Plus récemment, la
situation de co-emploi a également été retenue en vertu d’une approche plus économique, en
conséquence de la confusion entre deux sociétés du groupe888
. Or, dans ces hypothèses,
l’autonomie de la filiale peut être remise en cause. Les décisions soulignent ainsi
généralement la « confusion des intérêts, des activités et de la direction » des sociétés889
, et,
comme le relève un Conseiller à la Chambre sociale de la Cour de cassation, « cette confusion
établit que l’employeur avec lequel le salarié a conclu un contrat de travail ne dispose en
réalité d’aucune autonomie de décision et, par là, que l’autorité qu’il exerce sur son
personnel est partagée avec un autre, qui lui dicte sa conduite [… ] »890
. A première vue, ces
propos peuvent laisser croire que le pouvoir de direction, plus que partagé, est en réalité
exercé par la seule société mère, qui pourrait alors être qualifiée d’employeur de fait, alors
que la filiale serait l’employeur de droit, de même qu’il existe des dirigeants de droit et des
dirigeants de fait891
. Cependant, il semble tout de même qu’il y ait une différence entre les
deux situations : alors que le dirigeant de fait n’a aucun pouvoir sur le dirigeant de droit, que
ce soit un pouvoir économique ou autre, la société mère a bien un pouvoir sur sa filiale, celui
de s’immiscer dans sa gestion. De plus, l’instauration d’un dirigeant de droit et d’un dirigeant
de fait dans une société est établie à l’origine, ce qui n’est pas le cas concernant une société
887 Contra cette possibilité, G. AUZERO, Droit pénal du travail et groupes de sociétés, préc.
888 En ce sens, v. P. LAGESSE et N. LAURENT, Quelle responsabilité sociale pour les groupes de sociétés lors du
dépôt de bilan de leurs filiales ?, JCP G 2009, I, 101. V. également G. AUZERO, Les co-employeurs, préc., spéc.
n° 12. 889
V. notamment Cass. soc., 11 juil. 2000, pourvoi n° 98-40.196, TPS 2000, n° 348 ; 19 juin 2008, pourvoi
n° 07-42547. 890
P. BAILLY, Actualité des licenciements économiques, Sem. Soc. Lamy 2011, n° 1504, p. 6. Dans le même sens,
l’auteur relève plus loin que la société « détermine la politique économique et sociale d’une entreprise, en
prenant à sa place les décisions les plus graves en matière d’emploi ». 891
Sur les dirigeants de droit et de fait et la coaction, v. supra n° 245.
228
mère et une filiale, qui sont des personnes juridiques distinctes, dont l’une dispose de la
faculté d’intervenir dans la gestion de l’autre, mais dont le rôle n’est pas nécessairement prévu
originellement. Ce pouvoir d’immixtion dans la gestion d’une société devrait alors conduire à
rejeter l’analogie avec les dirigeants de fait et de droit et à privilégier le constat d’un rapport
de domination entre les deux sociétés. En effet, si la filiale ne dispose pas d’autonomie, si sa
conduite lui est dictée par une autre, c’est bien qu’elle est en état de subordination au sens
large par rapport à sa société mère, ou tout du moins, qu’aucune égalité ne peut être relevée
avec sa société mère quant à la gestion de ses salariés. Ainsi, si l’on veut bien admettre que la
coaction se caractérise par une indépendance morale entre les coauteurs892
, l’assimilation des
co-employeurs à des coauteurs apparaît particulièrement discutable893
.
277. Autre proposition. – La transposition de la théorie des co-employeurs en droit
pénal ne permettrait donc pas de contourner la difficulté relative à l’exigence de la qualité
d’employeur pour imputer l’infraction à une personne morale. Pour autant, il ne faudrait pas
nécessairement en conclure que toute imputation au titre de la coaction est impossible entre
une société mère et sa filiale dès lors que le texte d’incrimination vise l’employeur. En effet,
cet obstacle peut être contourné en acceptant que la caractérisation d’une coaction permette au
coauteur qui ne revêtirait pas la qualité exigée d’emprunter cette circonstance au coauteur qui
la possèderait894
. L’existence de la qualité d’employeur chez chacun des participants n’étant
alors pas une condition de caractérisation de la coaction, cette dernière pourrait être constatée
entre deux sociétés appartenant au même groupe. Les conclusions retenues en matière de
pratiques anticoncurrentielles peuvent alors être reprises895
: si l’autonomie de la filiale par
rapport à sa société mère est avérée, la coaction pourra être qualifiée (sous réserve que les
autres conditions en soient remplies) ; si tel n’est pas le cas, aucune coaction ne pourra être
retenue (mais là encore, l’imputation de l’infraction à chacune des sociétés au titre de l’action
sera envisageable).
892 V. supra n° 237 et s.
893 En outre, si l’imputation à la filiale ainsi qu’à sa société mère d’obligations pesant normalement sur celle-ci
peut s’expliquer par la logique indemnitaire de protection des salariés en droit du travail, la logique poursuivie
par le droit pénal n’est pas la même. Il ne faut pas en déduire pour autant qu’aucune imputation à la société mère
d’une infraction réalisée par sa filiale n’est possible, mais simplement qu’elle ne devra pas se faire au titre de la
coaction, dont les conséquences sont particulièrement lourdes (v. infra Partie 2), dès lors qu’une situation de co-
emploi sera établie. 894
V. infra n° 329 et s. 895
V. supra n° 272.
229
278. Conclusion de la section 1. – Il apparaît ainsi que l’influence du coauteur sur le
comportement infractionnel se définit négativement par l’indépendance morale dont il fait
preuve. Par conséquent, son rôle ne doit pas être dicté par l’autorité d’autrui, tant en ce qui
concerne les relations entre personnes physiques que celles entre personnes morales, et peu
important que cette autorité soit juridique ou de fait. L’exemple des relations au sein de
l’entreprise a ainsi permis d’en témoigner. Aucune coaction ne peut en effet être constatée
entre un chef d’entreprise et son préposé. Quant aux relations entre personnes morales
appartenant à un même groupe de sociétés, il importe de distinguer selon que ces différentes
personnes morales peuvent être considérées comme autonomes les unes par rapport aux autres
ou non. Si elles le peuvent, l’imputation au titre de la coaction sera envisageable, mais elle se
révèlera au contraire impossible en cas de domination de l’une des personnes morales sur
l’autre.
Les coauteurs se caractérisent ainsi par une égalité a priori, seule à même de leur
assurer l’interdépendance propre à la notion de coaction. En effet, une véritable
interdépendance entre deux individus ne peut exister que si ceux-ci sont unis par des liens de
dépendance réciproque et non à sens unique896
. Or, l’autorité dont dispose un individu sur un
autre, qu’elle soit juridique ou de fait, empêche de considérer qu’il existe une telle réciprocité
dans la dépendance, celui subissant l’autorité étant nécessairement dépendant de celui la
possédant.
Mais l’interdépendance entre coauteurs n’implique pas seulement leur indépendance
morale. En effet, parce qu’ils participent à une infraction collective, leurs comportements sont
alors mêlés au sein de cette dernière, renforçant ainsi l’interdépendance qui les caractérise
d’un point de vue matériel. Positivement, l’influence du coauteur sur le comportement
infractionnel devrait donc se traduire par une dépendance matérielle de sa part.
896 Le grand Robert de la langue française, dir. A. REY, t. 5, 2
e éd., 2001, définit en effet l’interdépendance
comme une « dépendance réciproque ».
230
Section 2- Une dépendance matérielle entre coauteurs
279. Dans la mesure où la coaction se rapproche de l’action en ce que le coauteur
participe à sa propre infraction, il a été vu que le coauteur ne devait pas être subordonné à la
volonté d’autrui afin que l’infraction demeure sienne. L’indépendance morale source d’égalité
entre coauteurs, en tant que donnée psychologique, doit alors se traduire matériellement.
Certes, l’exemple des relations de travail ne pose pas de difficulté majeure en la matière dès
lors qu’il y est question d’une subordination juridique. L’existence d’un contrat de travail, ou
du moins des différents indices permettant de le qualifier de la sorte, traduit matériellement la
dépendance morale existant entre un chef d’entreprise et son préposé. De même, s’agissant
des groupes de société, différents éléments de fait permettent de s’assurer de l’indépendance
de la filiale. Cependant, dans l’hypothèse où une simple subordination de fait serait
envisageable, l’établissement de son absence, nécessaire à la caractérisation d’une coaction,
se révèle plus délicat.
Or, une des façons d’assurer cette égalité serait que chacun ait besoin de l’autre pour la
réalisation de l’infraction, créant ainsi, de facto, l’égalité nécessaire à l’existence d’une
coaction. La dépendance matérielle entre coauteurs serait ainsi garante d’une influence égale
entre coauteurs sur les modalités d’exécution de l’infraction collective. Une telle affirmation
permet alors de proposer une définition des actes de coaction. Mais elle invite également à
réfléchir plus particulièrement au sort réservé aux personnes morales. En effet, la réalisation
matérielle de l’infraction passe nécessairement par le truchement d’une personne physique.
Partant, la question de l’articulation des responsabilités entre la personne morale et cette
personne physique, et spécialement celle de leur imputation de l’infraction au titre de la
coaction présente un intérêt majeur. Proposer une définition des actes de coaction (§1)
implique ainsi de réfléchir à la transposition de cette définition à la responsabilité des
personnes morales (§2).
231
§1- Définition des actes de coaction
280. L’infraction collective ne se réduisant pas à une somme d’infractions individuelles,
chaque coauteur lui apporte inévitablement des éléments. Dès lors, chacun a besoin de son
coparticipant afin de la réaliser. Ce besoin réciproque implique alors une mise en commun des
moyens de réaliser l’infraction, permettant que chacun œuvre pour l’infraction collective. La
coaction doit alors se caractériser par des actes d’assistance réciproque entre coauteurs (A).
En outre, afin qu’aucun ne prenne le pas sur les autres et que l’égalité se maintienne entre les
différents coauteurs, il semble nécessaire que chacun dispose de la même capacité
d’intervention dans la réalisation de l’infraction. Dès lors, la coaction semble imposer que les
actes des participants soient concomitants (B).
A- Des actes d’assistance réciproque
281. Solutions jurisprudentielles. – Il a été vu que dès l’instant où la dépendance entre
les participants était unilatérale, seule la complicité pouvait trouver à s’appliquer897
. A
contrario, la coaction impliquerait soit une indépendance totale entre les coauteurs dans la
matérialité de l’infraction, soit une dépendance accrue, à double sens, c’est-à-dire réciproque.
Or, puisque considérer les coauteurs comme des acteurs totalement indépendants pourrait être
compris comme une manière de nier les liens les unissant (en particulier l’entente et le fait
qu’ils réalisent une infraction unique898
), il serait alors possible d’envisager les coauteurs
comme des individus dépendants des autres participants : chacun aurait besoin d’autrui et cela
se traduirait matériellement par le fait qu’ainsi chacun se devrait d’aider son coparticipant.
Du reste, il semble que la jurisprudence soit en ce sens. Elle a ainsi pu relever
« l’assistance réciproque »899
existant entre les coauteurs et considérer que « tous les auteurs
d’une même infraction s’aidaient nécessairement et s’assistaient réciproquement »900
.
Cependant, la Cour de cassation en tire parfois pour conclusion que tous peuvent alors être
897 V. supra n° 237 et s.
898 V. supra n° 91 et s.
899 V. notamment Cass. crim., 31 juil. 1818, Jurispr. gén., Dalloz, V° Attentats aux mœurs n° 129 ; 29 janv.
1820, Jurispr. gén., Dalloz, V° Attentats aux mœurs n° 130 ; 29 janv. 1829, Bull. n° 22 ; 17 avril 1857, Bull. n°
155. 900
Cass. crim., 31 juil. 1818, préc.
232
considérés comme des complices901
. Or, il n’est certainement pas nécessaire de rappeler ici à
quel point les deux formes de participation ne doivent pas être confondues902
. La Chambre
criminelle l’admet d’ailleurs elle-même lorsqu’elle énonce, sous forme d’attendu de principe,
que « dans les actes de complicité, on a toujours distingué ceux qui, extrinsèques à l’acte,
tendent à en préparer, faciliter et réaliser la consommation, et ceux qui, par la simultanéité
d’action et l’assistance réciproque, constituent la perpétration même ; que lorsque ces
derniers ont été commis, il existe bien moins des complices que des coauteurs »903
.
282. « Participation plurale différenciée » et « participation plurale
indifférenciée ». – En réalité, il semble que cette assistance réciproque recouvre deux types
de situations, dans lesquelles chacun des participants a besoin de l’autre : soit chaque coauteur
a un rôle précis, déterminé, soit aucun n’a de rôle prédéterminé, les rôles étant
interchangeables au gré des circonstances904
. Or, ces deux hypothèses révèlent la forte
dépendance unissant leurs participants. En effet, quand chacun a un rôle distinct à tenir, la
répartition des tâches s’explique certainement par les qualités ou les aptitudes différentes de
chaque participant905
. Par exemple, l’abus de biens sociaux suppose la qualité de gérant
lorsqu’il est commis dans le cadre de sociétés à responsabilité limitée en vertu de l’article L
241-3 4° du Code de commerce906
; de même, il est possible d’imaginer une escroquerie
impliquant pour la manœuvre frauduleuse de parler la langue allemande, qu’un seul des
participants maîtrise. Par ailleurs, lorsque les rôles sont indifférenciés, il ne faudrait pas croire
à une dépendance moindre entre les coauteurs : même dans cette dernière hypothèse, tous ont
besoin les uns des autres afin de pouvoir se remplacer les uns les autres, et de garantir ainsi la
bonne marche de l’infraction (sa rapidité, son efficacité). Un auteur qualifie ces deux
situations de « participation plurale différenciée », et de « participation plurale
901 V. notamment Cass. crim., 8 juil. 1813, préc. ; 9 juin 1848, S. 1848, I, 527 ; 15 juin 1860, S. 1861, I, 398.
902 V. supra n° 17 et 19.
903 Cass. crim., 9 nov. 1860, Bull. n° 229.
904 Cette idée d’interchangeabilité des rôles est d’ailleurs un des critères justifiant que les coauteurs se
représentent dans l’action pour D. ALLIX (Essai sur la coaction, préc., n° 136 et s.). Cependant, outre le fait que
considérer que les rôles sont interchangeables lorsqu’ils sont minutieusement prédéfinis est discutable, il ne faut
pas oublier que la théorie de la représentation dans l’action témoigne de certains écueils en matière pénale : v.
supra n° 13. 905
Qualités et aptitudes qui peuvent être exigées pour la constitution de l’infraction ( une « qualité de droit »
pourrait-on dire) ou simplement utiles à la réalisation de celle-ci (une « qualité de fait »), ce dont témoignent
respectivement les exemples pris par la suite. 906
Sur la possibilité, pour un seul des coauteurs, de posséder la qualité exigée par le texte d’incrimination : v.
infra n° 329 et s.
233
indifférenciée »907
et semble considérer que cette assistance réciproque entre coauteurs
pourrait ainsi justifier certaines solutions jurisprudentielles ayant retenu des coauteurs dans
des espèces où chaque participant n’avait pas personnellement réalisé l’ensemble des
éléments constitutifs de l’infraction908
. Il apparaît que ce constat puisse être confirmé par
l’analyse du second caractère des actes de la coaction, la concomitance.
B- Des actes concomitants
283. Considérer que les actes de coaction doivent être concomitants peut entraîner des
confusions avec les actes de complicité dans la mesure où ceux-ci peuvent également
s’entendre d’actes concomitants909
, c’est pourquoi il convient de définir la concomitance (1)
avant de s’intéresser plus précisément à la distinction entre les actes de coaction et ceux de
complicité (2).
1- Définition de la concomitance
284. Définition négative. – Dans un sens général, la concomitance s’entend d’actes
commis dans le même temps, de façon simultanée910
. Dès lors, de façon négative, les actes
antérieurs à la réalisation de l’infraction et ceux qui lui sont postérieurs ne peuvent pas relever
du champ d’application de la coaction. Cette conclusion permet de conforter davantage
l’exclusion de la provocation à l’infraction du champ de la coaction dans la mesure où un tel
comportement est nécessairement préalable à la commission de l’infraction. En outre, elle
permet également de confirmer l’exclusion du recel et des cas d’agissements postérieurs à
l’infraction commis afin d’honorer une promesse effectuée antérieurement à cette
réalisation911
.
907 D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 114 et s.
908 Dans ces espèces, la jurisprudence prend alors le contrepied des solutions par lesquelles elle a considéré que
les coauteurs, parce qu’ils s’aidaient et s’assistaient de façon réciproque, pouvaient être considérés comme des
complices : v. supra n° 143 et s. 909
La complicité étant définie par l’article 121-7 du code pénal comme « la personne qui sciemment, par aide ou
assistance, en a facilité la préparation ou la consommation » (c’est nous qui soulignons). 910
Le Grand Robert de la langue française, dir. A. REY, t. 5, 2e éd., 2001, définit ainsi la concomitance comme
un « rapport de simultanéité ». 911
Comportement relevant de la complicité : v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal
général, préc., n° 415 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 386; J. PRADEL, Droit pénal général, préc.,
n° 440 et 441; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 347.
234
Enfin, la concomitance n’implique pas une unité de lieu912
, même s’il est vrai que la
plupart du temps, les coauteurs se trouveront au même moment sur le lieu de commission de
l’infraction. A cet égard, il est possible de prendre pour exemple une espèce ayant donné lieu
à un arrêt de la Chambre criminelle le 27 mai 2004. La Cour de cassation a ici considéré que
sont coauteurs du délit d’abus de faiblesse les individus ayant réalisé, certes chacun de leur
côté, mais de façon coordonnée, divers prélèvements bancaires aux dépens de la tante de l’un
d’eux, en état de vulnérabilité913
. En procédant chacun de leur côté à ces retraits de fonds,
aucune unité de lieu ne pouvait être établie. Pour autant, la décision met en exergue la
simultanéité d’action, en exécution d’un plan coordonné, qui vient justifier la qualification de
coaction. Les actes concomitants n’ont ainsi pas à se doubler d’une unité de lieu pour
caractériser ce mode de participation.
285. Définition positive. – Reste alors à définir de façon positive la concomitance. Il
apparaît ainsi que les actes concomitants à l’infraction sont ceux qui en accompagnent la
réalisation, et s’entendent alors d’une unité temporelle. De prime abord, la question ne fait pas
débat, aussi bien en doctrine qu’en jurisprudence. Les auteurs enseignent classiquement que
les coauteurs sont ceux qui ont exécuté leurs actions « de façon concomitante »914
. Quant à la
jurisprudence, il n’est ainsi pas rare pour les juges de relever la « simultanéité d’action »915
,
l’« aide concomitante » des coauteurs ou encore leur action « conjointe »916
.
286. Difficultés de mise en œuvre. – Pourtant, cette définition peut sembler
insuffisante si l’on se souvient que toutes les infractions ne se réalisent pas en un seul trait de
temps. En effet, la notion de concomitance doit nécessairement être mise en parallèle avec
l’infraction en cause : selon la matérialité exigée par le texte d’incrimination, la réalisation de
l’infraction sera susceptible d’être plus ou moins étalée dans le temps, et les actes
concomitants pourront ainsi apparaître plus ou moins nombreux. En cas d’infraction
instantanée, la notion de concomitance ne semble ainsi pas soulever de difficulté particulière :
912 Contra D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 151 qui écrit ceci : « Simultanéité d’action : seront réputés
coauteurs ceux qui sont présents au temps et au lieu de l’infraction […] ». 913
Cass. crim., 27 mai 2004, Bull. n° 141, Rev. sc. crim. 2004, p. 881, note Y. MAYAUD. 914
PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 403. 915
V. notamment Cass. crim., 29 janv. 1829, Bull. n° 22 ; 9 nov. 1860, Bull. n° 229. 916
V. notamment Cass. crim., 29 janv. 1829, préc.
235
l’infraction se réalisant en un seul trait de temps917
, il s’agit alors d’être présent à l’instant
précis de commission de l’infraction. En revanche, dès lors que l’infraction est continue,
c’est-à-dire que sa réalisation s’étale dans le temps918
, les actes susceptibles d’être considérés
comme concomitants sont bien plus nombreux. Par exemple, la séquestration arbitraire,
infraction continue, se distingue des violences légères, infraction instantanée, par la durée de
l’immobilisation de la personne919
. Mais il pourrait être envisageable de caractériser un acte
concomitant à la séquestration qui n’aurait été que très bref, et ne revêtirait pas la durée
exigée pour envisager une séquestration920
.
287. Concomitance et infraction complexe. – En outre, en cas d’infraction complexe,
une nouvelle difficulté peut être mise en exergue : ce type d’infraction imposant la
caractérisation d’au moins deux comportements distincts pour sa constitution921
, un acte
concomitant à l’infraction s’entend-il d’un acte concomitant à chacun des actes exigés par le
texte d’incrimination ou peut-on imaginer qu’il soit suffisant que cet acte soit commis en
même temps qu’un seul des actes nécessaires à la constitution de l’infraction ? Un exemple
concret permettra d’apprécier plus aisément les deux solutions. Ainsi, l’escroquerie est
classiquement considérée comme un modèle d’infraction complexe dans la mesure où elle
exige que soient caractérisés deux actes différents : des manœuvres frauduleuses ainsi qu’une
remise. La question est alors la suivante : si deux individus, X et Y, d’un commun accord,
décident de monter un plan afin de tromper d’autres individus et de les déterminer à leur
remettre de l’argent, dans l’hypothèse où X a commis des manœuvres frauduleuses avec
917 V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 230 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,
Droit pénal général, préc., n° 203 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 92 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal
général, préc., p. 208. 918
V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 231 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,
Droit pénal général, préc., n° 203 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 93 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal
général, préc., p. 209. 919
En ce sens, v. Cass. crim., 6 févr. 2002, D. 2002, p. 1510, note D. MAYER. 920
La coaction pourrait tout de même être caractérisée dans une telle hypothèse grâce à la possibilité pour le
coauteur d’emprunter certains éléments constitutifs absents chez lui, mais présents chez son coauteur : v. infra
n° 326 et s. 921
V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 237 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,
Droit pénal général, préc., n° 209 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 208. V. également L.
ROUSVOAL, L’infraction composite (Essai sur la complexité en droit pénal), thèse, Rennes, 2011, spéc. n° 384
et s.
236
l’aide de Y mais que seul X était présent lors de la remise des sommes d’argent, Y pourra-t-il
être considéré comme coauteur de l’escroquerie aux côtés de X922
?
Pour y répondre, il convient de montrer en premier lieu que la jurisprudence considère
généralement le tiers de mauvaise foi qui participe aux manœuvres comme un complice,
même s’il était présent au moment du mensonge de son associé. Pour autant, il n’est pas
certain que cette solution soit la plus pertinente. En effet, elle laisse entendre que l’auteur
principal a réalisé pour sa part l’ensemble des éléments constitutifs. Cependant, si la
manœuvre frauduleuse est considérée comme réalisée, c’est généralement et précisément
grâce à l’intervention du tiers. En effet, il est de jurisprudence constante que le simple
mensonge n’est pas constitutif d’une manœuvre frauduleuse, sauf à ce qu’il soit corroboré par
un fait extérieur lui donnant force et crédit923
, ce fait extérieur pouvant s’analyser comme
l’intervention d’un tiers, de bonne ou de mauvaise foi. Sans l’intervention du tiers, aucune
manœuvre ne pourra donc être caractérisée. Autrement dit, l’acte du soi-disant auteur
principal n’est pas criminel en lui-même (comme devrait l’être l’acte d’un auteur au sens de
l’analyse classique), il ne le devient qu’une fois associé à celui du tiers (de mauvaise foi pour
ce qui nous intéresse ici). En réalité, dans une telle hypothèse, il est possible de considérer
qu’il y a véritablement deux mensonges dont leurs auteurs se confortent mutuellement. Une
vraie interdépendance unit alors ces participants924
en ce que chacun a besoin de l’autre pour
réaliser l’infraction, interdépendance qui, alliée à la concomitance de leur aide, devrait plutôt
conduire à les considérer comme deux coauteurs.
Mais alors, et en second lieu, pourquoi ne pas aller plus loin et entendre la
concomitance de façon encore plus large ? Dès lors qu’un individu est présent lors de la
réalisation de l’un seulement des actes de l’infraction, l’infraction est toujours dans sa phase
d’exécution. Ainsi, il est envisageable de considérer qu’il a agi de façon simultanée avec
autrui, et la question évoquée précédemment devrait trouver une réponse positive. Si les
autres conditions en sont réunies, la coaction serait alors envisageable. Une telle conception
pourrait d’ailleurs être étendue aux infractions d’habitude.
922 L’interrogation est la même si on imagine que seul X réalise les manœuvres frauduleuses et que tous deux
sont présents lors de la remise de l’argent. 923
V. notamment Cass. crim., 20 juil. 1960, Bull. n° 382. 924
Dès lors que le tiers est de mauvaise foi, sa connaissance de l’infraction implique généralement qu’il ait la
volonté de s’y associer et donc qu’il soit un participant (v. supra n°53), mais pas nécessairement (s’il est
subordonné à son employeur par exemple : v. supra n° 243 et s.).
237
288. Concomitance et infractions d’habitude. – En effet, une infraction d’habitude est
un type d’infraction qui exige la répétition d’au moins deux actes identiques pour être
caractérisée925
. Il est alors possible d’envisager que la présence d’un individu lors d’un seul de
ces actes permette de caractériser une concomitance. Par exemple, la personne qui prendrait
part à l’établissement d’un diagnostic une unique fois tout en sachant que son associé a
commis un tel acte au moins deux fois pourrait alors encourir la sanction prévue par l’article
L. 4161-1 du Code de la santé publique.
289. Ainsi, dès lors que l’individu participe à la réalisation d’un des éléments
constitutifs de l’infraction, rien ne s’oppose à admettre la concomitance et donc à envisager la
coaction. Mais une conception aussi large de la concomitance brouille encore davantage les
frontières entre coaction et complicité dans la mesure où cette dernière peut également
correspondre à des faits concomitants. C’est pourquoi il convient maintenant de s’intéresser à
la distinction entre les deux formes de participation en cas de concomitance.
2- Distinction avec la complicité
290. Concomitance et cause déterminante. – Le complice étant défini par le
législateur comme la personne qui aide ou facilite la consommation de l’infraction, les
hypothèses de concomitance cristallisent toutes les difficultés de distinction entre la coaction
et la complicité. Pour tenter de les résoudre, il peut être utile de se servir des développements
précédents afin de voir si leur association peut permettre de dégager un critère précis de
distinction entre les deux formes de participation quant à leur matérialité. Différents éléments
permettant d’extérioriser l’état d’esprit de chacun des participants et de déterminer s’ils
revêtent l’animo auctori ou l’animo socii ont été vus jusqu’à présent. Ainsi, la complicité se
caractérisant par une certaine dépendance à l’égard de l’auteur principal, en cas d’actes
concomitants réalisés par un subordonné et son chef d’entreprise, seule la complicité devrait
pouvoir être retenue à l’égard du subordonné926
. Mais un tel constat ne résout pas la question
dans les hypothèses dans lesquelles aucun lien de subordination ne peut être trouvé, sauf à
925 V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 235 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit
pénal général, préc., n° 209 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 94 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général,
préc., p. 209. V. également C. CLAVERIE-ROUSSET, L’habitude en droit pénal, thèse Bordeaux IV, 2011, n° 13. 926
V. supra n° 243 et s.
238
considérer qu’elles relèveraient alors toutes de la coaction. Cependant, puisque le
comportement du coauteur s’analyse comme une cause déterminante de l’infraction927
, il
convient de coupler cette exigence au caractère de concomitance étudié. Or, il est loin d’être
certain que tous les faits concomitants puissent être considérés comme des causes
déterminantes de l’infraction. Seuls des actes particulièrement proches de l’infraction du point
de vue de leur intensité causale vont donc pouvoir relever de la coaction.
291. Actes constitutifs de l’infraction. – De façon évidente, les éléments matériels
constitutifs de l’infraction sont à la fois des causes déterminantes de celle-ci et lui sont
concomitants. Ainsi, si des individus réunissant les conditions jusqu’à présent évoquées
commettent chacun les actes matériels constitutifs de l’infraction, la coaction devra être
retenue. D’ailleurs, cette solution ne fait pas débat dans la doctrine française puisque celle-ci
définit classiquement le coauteur comme celui qui réunit en sa personne l’ensemble des
éléments constitutifs de l’infraction commise à plusieurs928
. Pour autant, il n’est pas certain
que l’on puisse se contenter de cette définition tant elle paraît réductrice929
. Etant donné que la
concomitance a été définie de façon large et peut alors englober les hypothèses dans
lesquelles l’acte a été concomitant à un seul des éléments constitutifs de l’infraction930
, il
semble envisageable de considérer comme un acte de coaction la réalisation d’un seul des
éléments matériels constitutifs de l’infraction, sans exiger la réunion de tous ces éléments
matériels en la personne de chaque coauteur. Ainsi, la réalisation de manœuvres frauduleuses
en matière d’escroquerie, même sans être accompagnée de la remise de fonds à l’auteur de ces
manœuvres, pourrait s’analyser comme un acte de coaction plutôt que comme un acte de
complicité. La réalisation d’un des actes matériels constitutifs de l’infraction relèverait ainsi
de la coaction.
292. Actes de commencement d’exécution. – Enfin, il semble qu’un autre type d’actes
puisse être considéré comme présentant les qualités de concomitance avec l’infraction et de
927 V. supra n° 217 et s.
928 V. supra n° 3.
929 V. supra n° 14.
930 V. supra n° 284 et s. Certes, en principe, les éléments constitutifs d’une infraction doivent être réunis en
même temps pour pouvoir caractériser la constitution de l’infraction, ce qui pourrait faire douter de l’affirmation.
Néanmoins, chaque coauteur pouvant emprunter des éléments constitutifs à l’autre (v. infra n° 326 et s.), et la
coaction impliquant une concomitance, il faut alors considérer que les éléments constitutifs de l’infraction
collective auront nécessairement été réunis au même moment.
239
cause déterminante de celle-ci : les actes relevant de l’élément matériel de la tentative, c’est-à-
dire de commencement d’exécution de l’infraction. En effet, le commencement d’exécution
est précisément défini comme « l’acte qui tend directement et immédiatement à la
consommation de l’infraction ». Or, les adverbes « directement » et « immédiatement »
renvoient respectivement aux idées d’intensité causale et de concomitance931
, révélant alors
des actes de coaction telle que définie jusqu’à présent. Un auteur considère ainsi que « les
actes qui qualifient la tentative punissable sont, dans leur essence, des actes de coauteur »932
.
Dans le même sens, un autre énonce que « le coauteur, contrairement au complice, doit
commettre une partie de l’infraction collective qui lui est imputée, cette parcelle d’infraction
pouvant se contenter d’une tentative punissable »933
. Face à des actes d’aide concomitante à
l’infraction, il conviendrait donc de se demander si ces actes peuvent être considérés comme
des actes de commencement d’exécution ou non. Dans l’affirmative, leur exécutant devrait
être qualifié de coauteur ; dans la négative, il serait un simple complice. Par exemple,
classiquement, le fait d’entrer par effraction dans un lieu peut être analysé comme une
tentative de vol. Dès lors, celui qui force la serrure d’une habitation afin de permettre à
d’autres individus d’y pénétrer et de dérober des objets, même s’il ne soustrait pas lui-même
lesdits objets, pourrait être qualifié de coauteur. Dans l’hypothèse où les actes en cause
s’apparenteraient à des actes préparatoires, seule la complicité pourrait en revanche être
envisagée934
.
293. Commencement d’exécution de l’infraction collective. – En outre, afin de
prendre en compte une des spécificités de la coaction – celle de se greffer sur une infraction
commise collectivement935
–, le commencement d’exécution devrait être apprécié au regard
de l’infraction collective. Ainsi, pour savoir si un acte correspond à un acte de coaction, il
faudrait se demander s’il peut s’analyser en un acte de commencement d’exécution de
l’infraction en cause, que celle-ci soit envisagée en tant qu’infraction simple ou surtout en tant
qu’infraction collective. Dès lors, certaines actions, bien que ne constituant pas l’amorce
931 V. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 333.
932 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, t. 3, n° 950, p. 125. Sur le lien entre
coaction et commencement d’exécution, v. également D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 172 et s. 933
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 256. 934
Il est vrai que la distinction entre commencement d’exécution et actes préparatoires de l’infraction est parfois
délicate à établir. Cependant, cette critique peut être relativisée : v. infra n° 295. 935
V. supra n° 30 et s.
240
matérielle de l’infraction, pourraient être sanctionnées à travers la coaction parce qu’elles
révèlent en réalité un commencement d’exécution d’infraction collective. Un arrêt de la
Chambre criminelle rendu le 4 août 1927 témoigne de ce raisonnement. En l’espèce, un
individu, Riegler, qui avait détourné l’attention d’un bijoutier a été considéré comme coauteur
d’une tentative de vol alors même qu’il n’avait esquissé aucun geste en direction des
bijoux936
. La Cour de cassation a en effet établi que « les manœuvres auxquelles il avait eu
recours avec l’intention de commettre le vol de concert avec Adolphe constituaient un
commencement d’exécution du vol » et a expressément refusé la complicité. En l’espèce,
Riegler n’avait certes émis aucun signe d’approche des atours, mais au regard de l’infraction
de vol prise en tant qu’infraction collective, c’est-à-dire en raisonnant sur le plan d’action des
individus937
, son acte était bien tendu directement et immédiatement vers la consommation de
l’infraction938
. L’individu était d’ailleurs allé au bout de ses actes d’exécution, ceux-ci devant
irrémédiablement conduire à l’infraction.
Du reste, lorsque la jurisprudence admet la répression de deux individus pour
violences commises avec arme alors qu’il n’est pas établi lequel d’entre eux a atteint la
victime, elle admet ce faisant que l’agent soit « considéré comme coauteur des coups qu’il n’a
peut-être pas portés lui-même »939
. Mais en réalité, la solution peut apparaître parfaitement
justifiée par le fait qu’en participant « à une action concertée en vue de porter des coups »940
,
l’individu, lui-même armé d’un couteau, et bien qu’il ne soit pas établi qu’il ait porté le coup
en cause, a au moins réalisé le commencement d’exécution de l’infraction collective de
violences avec arme.
294. Exclusion des abstentions en cas d’infraction de commission. – Pour autant, si
raisonner à l’égard du commencement d’exécution de l’infraction collective peut conduire à
une appréciation large des comportements retenus au titre de la coaction, il n’est pas
admissible de sanctionner grâce à cette conception large n’importe quel type de
936 Cass. crim., 4 août 1927, S. 1929, 1, 33, note J.-A. ROUX.
937 Pour des développements en ce sens, v. D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 172 et s. V. également X.
PIN, Le consentement en matière pénale, préc., n° 336. 938
Dans le même sens, v. D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 172, selon qui «Constituant la mise en œuvre
de ce dessein, les manœuvres de Riegler traduisaient un engagement irrévocable dans l’action délictueuse et
menaient à ce titre directement, sinon immédiatement, au délit ». 939
J. LARGUIER, Homicide et blessures commis en groupe : crime impossible, et présomption de participation ou
de causalité, préc. 940
Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195.
241
comportement, sans égard à la matérialité de l’infraction collective en cause. En particulier, il
ne devrait pas être possible de sanctionner des abstentions par ce biais dès lors que l’infraction
en question est une infraction de commission. Par exemple, la jurisprudence a déjà retenu le
délit d’entrave à la liberté du travail contre celui qui avait menacé autrui mais également
contre ceux qui étaient seulement présents lors des faits941
. Or, s’il est vrai que la solution
peut se comprendre au regard du plan d’action des malfaiteurs et de l’entente les unissant942
,
cette sanction de certaines abstentions participatives à travers la coaction, alors même que
l’infraction reprochée aux agents était une infraction de commission, est particulièrement
discutable. Elle revient en effet à sanctionner une commission par omission pourtant rejetée
par ailleurs943
. Même en raisonnant non pas sur l’élément constitutif de l’infraction en cause
mais sur son commencement d’exécution, il serait particulièrement contestable de considérer
qu’une abstention peut constituer le commencement d’exécution d’une infraction de
commission. Celui-ci doit au moins se traduire matériellement afin d’expliciter l’infraction
projetée et surtout tentée, ce que la doctrine, comme la jurisprudence, n’ont jamais contesté.
En effet, à défaut, comment savoir si l’abstention en cause caractérise le commencement
d’exécution d’une infraction contre les personnes, les biens ou encore l’Etat par exemple ? Du
reste, la Cour de cassation est revenue sur sa position puisqu’elle a considéré qu’ « en
l’absence de preuve d’un rôle actif joué dans la volonté d’empêcher les victimes de circuler
librement ou de les isoler du monde extérieur », des individus ayant participé à un
mouvement de grève pendant lequel les dirigeants d’une société avaient été séquestrés ne
pouvaient être qualifiés de coauteurs de séquestration944
. Ainsi, dans l’hypothèse où
l’infraction réalisée est une infraction de commission, aucune abstention ne devrait pouvoir
caractériser un acte de coaction945
.
295. Bilan. – S’il est vrai que le critère fondé sur le caractère déterminant de l’acte
pouvait faire l’objet de quelques réserves car parfois difficile à établir, il semble que couplé à
celui de celui de la concomitance et défini à travers l’élément matériel de la tentative, ces
941 Cass. crim., 14 janv. 1921, D. 1922, I, p. 235. V. également Cass. crim., 21 janv. 1962, Bull. n° 68.
942 Pour une étude approfondie de la décision et sa justification par l’existence d’un plan d’action unissant les
individus, v. D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 166 et s. V. également X. PIN, Le consentement en
matière pénale, préc., n° 301 et s. 943
V. en particulier l’affaire dite de la « séquestrée de Poitiers » : v. supra n° 258 note 839. 944
Cass. crim., 6 sept. 1989, Dr. pén. 1990, comm. n° 55. 945
En revanche, il serait envisageable de retenir la complicité dans de telles hypothèses dans la mesure où
certaines abstentions peuvent caractériser ce mode de participation : v. supra n° 208 et s.
242
critiques puissent être relativisées. En effet, une telle définition de l’acte de coaction ne crée
pas de nouvelles difficultés d’appréciation pour les juges et ne fait en réalité que se superposer
à celles déjà existantes en matière de tentative. Or, malgré les critiques adressées à la
définition du commencement d’exécution par la doctrine, il faut reconnaître que cela
n’empêche pas la jurisprudence de rendre des solutions cohérentes en la matière,
transposables dès lors à la coaction946
. Il appartient alors de voir si cette définition peut être
étendue à la responsabilité des personnes morales.
§2- Transposition à la responsabilité des personnes morales
296. La responsabilité des personnes morales suscite nécessairement des interrogations
dès lors qu’est en jeu la réalisation matérielle de l’infraction puisque celle-ci passe
inévitablement par le truchement d’au moins une personne physique, et ce quel que soit le
fondement envisagé de cette responsabilité. Effectivement, seul un être de chair et de sang est
à même de réaliser l’infraction, « tant il lui faut « un bras, une main », pour réaliser
matériellement une infraction »947
. Il s’agit alors de se demander si la ou les personne(s)
physique(s) en question ainsi que la personne morale pourront se voir imputer l’infraction
commise pour le compte de l’entité morale au titre de la coaction dès lors que l’on considère
que la coaction s’entend de la réalisation d’un élément constitutif ou du commencement
d’exécution de l’infraction collective. A cette fin, il convient de distinguer les deux
conceptions autonomistes précédemment évoquées948
, selon donc que l’on considère que la
personne morale réalise une infraction par représentation (A) ou directement (B).
946 De plus, un auteur à montré qu’une distinction entre actes préparatoires et commencement d’exécution serait
envisageable au regard de la causalité : J.-CH. SAINT-PAU, Les causalités dans la théorie de l’infraction, préc.,
n° 32. 947
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 370. Dans le même sens, v. C.
DUCOULOUX-FAVARD, Quatre années de sanctions pénales des personnes morales, D. 1998, chron. p. 395 ; F.
DESPORTES, Les conditions d’imputation d’une infraction à une personne morale, CJEG 2000, p. 426; D. DHOL,
Recherches sur un dédoublement de la personnalité en droit pénal (à propos d’une responsabilité pénale de la
personne morale qui n’exclut pas celle du dirigeant personne physique), in Mélanges B. Mercadal, F. Lefebvre,
2002, p. 373: J.-P. GRIDEL, La personne morale en droit français, RID comp. 1990, p. 495; R. MERLE et A.
VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 638 ; J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité des
personnes morales, réalité ou fiction, préc., n° 135 et 137. 948
V. supra n° 79 et s.
243
A- La responsabilité par représentation de la personne morale
297. Hypothèses envisageables. – Si l’on raisonne sur la responsabilité des personnes
morales en tant que responsabilité par représentation, différentes hypothèses dans lesquelles
une coaction entre l’entité morale et des personnes physiques est envisageable peuvent être
distinguées. En effet, dans la mesure où l’article 121-2 du Code pénal exige, pour retenir la
responsabilité d’une personne morale, que l’infraction soit commise pour son compte, par un
organe ou représentant, la personne physique ayant participé à l’infraction commise au sein de
l’entreprise est susceptible de revêtir trois statuts distincts : elle peut être membre d’un organe
collectif de la personne morale, elle peut n’être ni un organe, ni un représentant de la personne
morale, ou enfin, elle peut être qualifiée d’organe ou représentant de la personne morale949
.
298. Personne physique membre d’un organe collectif de la personne morale. –
Lorsqu’une personne physique membre d’un organe collectif de la personne morale participe
à une infraction imputable à cette dernière, la question de la coaction ne semble pas poser de
grande difficulté. En effet, elle se rapproche en réalité de l’hypothèse dans laquelle la
personne physique n’est pas un organe ou un représentant de la personne morale, puisque par
définition, l’organe collectif ne peut se réduire à une seule personne physique. En outre, il a
été vu que dans un tel cas, l’existence d’une volonté autonome de la personne morale ne
pouvait être discutée950
. Or, quant à la matérialité de l’infraction, il semble qu’il en aille de
même : c’est bien l’organe collectif qui réalise l’infraction pour le compte de la personne
morale. L’infraction ne peut être imputée à l’organe collectif s’il ne dispose pas de la
personnalité juridique, ni à chacun de ses membres en raison du caractère collégial et secret
du vote. En revanche, si une personne physique, même membre de l’organe en question,
remplit les conditions pour être qualifiée de coauteur de l’infraction ainsi commise, rien ne
devrait empêcher son imputation à ce titre. La jurisprudence fournit, du reste, une illustration
pouvant inviter à une telle réflexion. Ainsi, dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt de la
Chambre criminelle le 17 décembre 2002951
, un maire et son adjoint ont été déclarés
949 Cette dernière hypothèse est certes la plus évidente mais dans la mesure où elle cristallise de nombreuses
difficultés, elle sera étudiée en dernier lieu. Au contraire, celle concernant la personne physique membre d’un
organe collectif de la personne morale trouvant une réponse plus aisée sera étudiée en premier lieu. 950
V. supra n° 79. 951
Bull. n° 227, Rev. sc. crim. 2003, p. 556, obs. Y. MAYAUD.
244
coupables de discrimination aux côtés de la commune, représentée par son conseil municipal,
pour avoir « personnellement participé à l’infraction » sur le fondement des articles 225-1 et
225-2 du Code pénal. En l’espèce, la décision d’accorder une prime de naissance subordonnée
à ce que l’un des parents bénéficiaires soit de nationalité française ou ressortissant européen
avait été adoptée par le conseil municipal de Vitrolles. Si la seule présence au sein du conseil
municipal ne pouvait suffire à se voir imputer à titre personnel le délit de discrimination, des
agissements distincts, venant caractériser une participation individuelle au délit, le pouvaient.
Il est vrai que les juges ne se sont pas prononcés expressément sur le titre d’imputation en jeu,
mais la coaction aurait pu être retenue, tout au moins à l’égard de l’adjoint. Ainsi, en premier
lieu et quant à l’élément matériel de la coaction, il pouvait être relevé que les actes de
l’adjoint et du conseil municipal représentant la personne morale étaient susceptibles d’être
analysés comme des actes d’assistance réciproque, dans la mesure où chacun avait besoin de
l’autre (l’un car il était le seul à pouvoir engager la commune, l’autre car il fallait que
quelqu’un présentât le projet au vote). De plus, s’agissant du caractère concomitant de leurs
actes, l’adjoint était présent lors de la délibération du conseil municipal et, en tant que
rapporteur du projet et en le soumettant au vote, son acte pouvait alors être considéré comme
un commencement d’exécution de l’infraction de discrimination. En revanche, le maire avait
agi en amont de la consommation de l’infraction, car, bien qu’absent lors de la délibération du
conseil municipal, il avait affirmé être à l’origine du projet en cause. La qualification de
complice par instruction, retenue à son égard par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence952
, ou de
complice par provocation953
aurait donc été préférable. Enfin, sans l’ensemble de ces actes, la
discrimination n’aurait certainement pas eu lieu, ce qui démontre alors que les différents
acteurs en présence avaient un pouvoir d’action sur le résultat de l’infraction. En second lieu
et quant à l’élément moral de la coaction, l’existence d’une volonté autonome de la personne
morale permet de caractériser sa volonté de prendre part à l’infraction, volonté que l’on
retrouve inévitablement chez l’adjoint au maire dans la mesure où il a besoin de la personne
morale pour réaliser l’infraction de discrimination. La réciprocité irriguant les conditions
matérielles et psychologiques de la participation, il semble alors que la coaction pouvait être
retenue entre la personne morale et l’adjoint au maire. Cet exemple semble alors confirmer,
de façon plus générale, la possibilité d’une coaction entre une personne morale et une
952 CA Aix-en-Provence, 18 juin 2001, JurisData n° 2001-169339, JCP G 2002,IV, 2173.
953 Par abus d’autorité par exemple.
245
personne physique membre d’un organe collectif de la personne morale et ayant réalisé
l’infraction pour le compte de cette dernière. Cette solution suscite peu de difficultés puisque
l’autonomie de la personne morale à l’égard des personnes physiques susceptibles d’en être
les coauteurs est patente dans une telle hypothèse. Or, cette autonomie se retrouve lorsque la
personne physique susceptible d’être coauteur de la personne morale n’en est ni un organe, ni
un représentant.
299. Personne physique ni organe, ni représentant de la personne morale. – A
priori, rien ne s’oppose à ce qu’un cumul de responsabilités puisse exister entre une personne
morale et une personne physique qui n’en soit ni un organe, ni un représentant, comme un
préposé non délégataire par exemple. La combinaison des articles 121-1, 121-2 et 121-7 du
Code pénal permet ainsi d’envisager une telle solution, sans que cela soit discuté en
doctrine954
. Cependant, admettre un cumul des responsabilités pénales ne signifie pas pour
autant admettre l’existence d’une infraction commise en état de coaction : évidemment,
l’infraction peut avoir été le fait d’un auteur et d’un complice955
, mais surtout, le cumul de
responsabilités ne signifie pas l’existence d’une infraction unique. Il pourrait ainsi laisser
place au constat de deux actions indépendantes. Il faut alors se demander si, dans une telle
hypothèse, les conditions de la coaction sont nécessairement remplies.
Tout d’abord, il s’agit alors de savoir si l’on est en présence d’une infraction unique ou
non. Concernant les infractions non intentionnelles, et dans le cas d’un acte commis par un
organe ou représentant qui aurait indirectement causé le résultat infractionnel, la réponse peut
se révéler négative. Effectivement, alors que la personne morale devra répondre de sa faute
simple quel que soit le caractère du lien de causalité unissant l’acte commis par l’organe ou
représentant au résultat, la personne physique n’aura commis une infraction qu’à la condition
que sa faute soit qualifiée, si cette dernière ne présente qu’un lien de causalité indirect avec le
résultat956
. Dès lors, la personne morale ayant commis une imprudence simple et la personne
954 En ce sens, v. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 617. V. également
J.-CH. SAINT-PAU, La responsabilité pénale d’une personne agissant en qualité d’organe ou représentant d’une
personne morale, Les droits et le Droits : Mélanges dédiés à B. BOULOC, Dalloz, 2006, p. 1011 et s. 955
La personne morale pouvant être indifféremment l’un ou l’autre : en ce sens, v. supra n° 76 et s. 956
En vertu de l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal selon lequel, s’agissant des fautes non intentionnelles, « les
personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la
situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont
responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation
246
physique une imprudence qualifiée, deux infractions distinctes, et non une infraction unique,
peuvent être relevées957
.
Dans les autres cas, c’est-à-dire que l’infraction soit intentionnelle ou d’imprudence
simple, il conviendra de prouver qu’une entente unit la personne morale et la personne
physique. Or, grâce au mécanisme de représentation, une telle preuve semble possible : il
s’agira en réalité de démontrer la volonté de s’associer de la personne morale à travers celle
de son organe ou représentant. Si une entente peut être retenue entre ces derniers et le préposé
non délégataire (pour poursuivre sur cet exemple), une infraction unique pourrait être relevée.
Mais en raison de la technique de la représentation, cette question met inévitablement en jeu
une relation entre trois personnes : la personne morale, son organe ou représentant, et la
personne physique n’étant ni organe ni représentant. Dès lors, elle implique une nouvelle
interrogation : pourra-t-on imputer, au titre de la coaction, l’infraction ainsi commise, non
seulement au préposé non délégataire et à la personne morale, mais aussi à la personne
physique organe ou représentant grâce à laquelle l’imputation à la personne morale a été
possible ? Quant aux conditions matérielles de la coaction, elles mettent en lumière la même
difficulté : il convient toujours de se référer aux actes commis par l’organe ou le représentant,
et à nouveau, elles mettent en jeu une relation entre trois personnes juridiques. Pour y
répondre, il convient alors de voir, plus simplement, si une infraction peut être imputée au
titre de la coaction à une personne morale ainsi qu’à son organe ou représentant personne
physique ayant réalisé l’infraction pour son compte.
300. Personne physique organe ou représentant de la personne morale. – Si l’on
considère que l’organe ou le représentant est la personne morale, envisager l’existence d’une
coaction entre ces deux personnes juridiques paraît revenir à s’interroger sur une question
étonnante : la personne physique organe ou représentant peut-elle être coauteur d’elle-même ?
L’absurdité de la formule révèle ainsi l’embarras du juriste en la matière958
. En effet, alors que
la coaction exige une pluralité de participants, le mécanisme de la représentation le place dans
une étrange situation : l’organe ou représentant, en tant que représentant de la personne
particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et
qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ». 957
Sauf à considérer qu’une seule infraction existe mais qui peut être imputée différemment : v. supra n° 163. 958
Sans compter que la condition d’indépendance morale nécessaire à la caractérisation de la coaction (v. supra
n° 237) fera ainsi défaut.
247
morale, réalise l’infraction pour elle, et dans le même temps, il remplit généralement les
conditions pour en être lui-même qualifié d’auteur. Du reste, l’alinéa 3 de l’article 121-2 du
Code pénal disposant que « la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle
des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits […] » a précisément été
introduit afin d’assurer de la possibilité d’un cumul de responsabilités entre la personne
morale et son organe ou représentant. Néanmoins, comme il l’a été remarqué
précédemment959
, admettre un cumul de responsabilités ne signifie pas pour autant admettre la
caractérisation d’une coaction entre les agents dont les responsabilités s’additionnent. En
effet, le cumul de responsabilités pourrait laisser place au constat de deux actions
indépendantes. La question est alors la suivante : apprécier les conditions de la responsabilité
de la personne morale et de l’organe ou représentant sur la seule tête de ce dernier permet-il
de caractériser la réciprocité nécessaire à la coaction ?
301. Elément psychologique de la coaction. – L’élément psychologique de la coaction
semble poser moins de difficultés que son élément matériel. En effet, il implique de
déterminer si une entente unit l’organe ou représentant et la personne morale, c’est-à-dire,
finalement, si l’organe ou représentant s’est entendu avec lui-même pour réaliser l’infraction
en cause. Bien que l’interrogation puisse paraître ridicule de prime abord, une analogie avec
l’hypothèse dans laquelle la personne morale serait complice de son organe ou représentant
semble pourtant démontrer son intérêt. Effectivement, un auteur a imaginé le cas où la
personne morale fournirait à son organe ou représentant le moyen de réaliser une infraction960
.
Plus précisément, il prend l’exemple d’une société qui louerait un local à son dirigeant afin
que celui-ci y exerce illégalement la profession d’expert-comptable, parfaitement étrangère à
l’objet de la société. Or, les faits n’étant pas nécessairement commis dans le même temps,
l’auteur considère que deux intentions distinctes peuvent coexister chez la personne
physique : « celle de commettre le délit principal et celle, en tant qu’organe de la société,
d’être complice de ce délit principal », ce que la jurisprudence semble d’ailleurs admettre961
.
Transposée à la coaction, la solution impliquerait alors de montrer que deux intentions
cohabitent chez l’organe ou le représentant, dans le même temps. Mais la difficulté n’est peut-
959 V. supra n° 299.
960 J.-Y. MARECHAL, Responsabilité pénale des personnes morales, préc., n° 112 et s.
961 V. les exemples cités par , J.-Y. MARECHAL, Responsabilité pénale des personnes morales, préc., n° 114.
248
être pas insurmontable : pour caractériser chez l’organe ou représentant deux intentions
distinctes (celle qu’il revêt en tant que personne physique, et celle qu’il revêt en tant que
personne ayant la capacité d’engager la responsabilité de la personne morale), il est possible
de considérer que les fonctions de l’organe ou représentant impliquent sa conscience
d’engager la responsabilité pénale de la personne morale en cas d’infraction commise pour
son compte. De ce point de vue, la coaction entre la personne morale et son organe ou
représentant serait concevable.
302. Elément matériel de la coaction. – En revanche, quant à l’élément matériel de la
coaction, il faudrait apparemment pousser la fiction juridique à son paroxysme pour envisager
une coaction entre la personne morale et son organe ou représentant dans l’hypothèse où la
responsabilité pénale des personnes morales serait une responsabilité par représentation.
Effectivement, quelle que soit l’infraction en cause, la personne morale a nécessairement
besoin de son organe ou représentant pour réaliser matériellement l’infraction, pour en être le
bras armé, à moins de croire à ce que certains qualifient d’ « anthropomorphisme
absurde »962
. S’il est ainsi indiscutable que la personne physique aide et assiste la personne
morale dans l’exécution de l’infraction, la réciproque est plus difficile à concevoir : en quoi la
personne morale aide-t-elle son organe ou représentant dans la consommation de l’infraction ?
En outre, si elle agit par représentation de cet organe ou représentant, pourrait-on concevoir
qu’il s’aide lui-même ? Là encore, la dissociation de qualités chez la personne physique
suscite des difficultés, qu’une nouvelle analogie avec la complicité pourrait éclairer. A cet
égard, l’exemple précédemment utilisé963
est évocateur : en fournissant un local à son organe,
la personne morale aide bien son organe à consommer l’infraction. Appliquée à la coaction, la
solution impose alors de concevoir une aide concomitante de la personne morale. Or, là
encore, il est possible d’envisager un tel cas de figure. Imaginons par exemple que l’organe
utilise les moyens financiers de la société afin de réaliser une escroquerie massive qui
profiterait à la personne morale: le « prêt » de cette dernière pourrait bien caractériser l’aide
concomitante nécessaire au constat d’une coaction. La coaction entre la personne morale et
son organe ou représentant serait ainsi quasi automatique dès lors que ce dernier commettrait
une infraction pour le compte de la première, sauf à démontrer que l’acte de la personne
962 F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 600.
963 V. supra n° 301.
249
morale ou de la personne physique relèverait de la complicité. Sévère, la solution pourrait
pourtant se comprendre au regard des responsabilités pesant sur cette personne physique en
raison de ses fonctions. Surtout, elle n’impliquerait pas que les deux personnes soient
systématiquement poursuivies964
, mais seulement qu’elles le soient systématiquement sous la
qualification de coauteur965
.
303. Exclusion de la coaction. – Il faut cependant réserver l’hypothèse des infractions
non intentionnelles, qui n’impliquent pas nécessairement la caractérisation d’une infraction
unique entre la personne morale et son organe ou représentant. En effet, lorsque le lien de
causalité entre l’acte et le résultat infractionnels est indirect, seule une imprudence qualifiée
permettra d’engager la responsabilité de la personne physique, alors qu’une imprudence
simple engagera celle de la personne morale966
. Dans une telle hypothèse, personne morale et
organe ou représentant ne pourraient alors être qualifiés de coauteurs, mais respectivement
d’auteur d’une imprudence simple et d’auteur d’une imprudence qualifiée967
.
En outre, et plus généralement, il ne faut pas perdre de vue que la coaction exige un
pouvoir d’action autonome sur la réalisation de l’infraction. Or, la personne morale est, par
essence, totalement dépendante de la réalisation de l’infraction par son organe ou représentant
puisqu’il en est « le bras armé ». De ce point de vue, elle ne devrait donc s’analyser en un
coauteur.
Enfin, et même à considérer que cette dernière objection ne serait pas déterminante
dans la mesure où le principe même de responsabilité des personnes morales l’impliquerait, la
technique d’imputation entre les coauteurs ne serait pas la même. En effet, alors que l’un des
coauteurs se verrait imputer l’infraction via sa commission directe, l’autre se la verrait
imputer via la représentation. Or, faute d’égalité entre les éventuels participants dans la
964 En vertu de l’opportunité des poursuites par exemple.
965 De même qu’il n’est pas nécessaire que l’auteur principal soit effectivement poursuivi pour que son complice
soit qualifié comme tel : v. notamment PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 33 et s. 966
L’article 121-3 alinéa 4 dispose en effet qu’en cas de faute d’imprudence, « les personnes physiques qui n’ont
pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la
réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement
s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou
de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un
risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ». La distinction entre la causalité directe et
indirecte ne s’applique donc pas aux personnes morales. 967
Sauf à considérer qu’il existe une seule infraction mais qui serait imputée différemment pour les personnes
physiques et les personnes morales : comp. supra n° 163.
250
technique d’imputation, la caractérisation d’une coaction devient discutable. Pour cette même
raison, la coaction entre la personne morale et une personne physique qui n’en serait ni organe
ni représentant précédemment évoquée968
est également contestable, de même que celle entre
une personne morale et une personne physique quelle qu’elle soit.
En revanche, si l’on raisonne sur la responsabilité des personnes morales en tant que
responsabilité directe, il n’est pas certain que ces objections se retrouvent.
B- La responsabilité directe de la personne morale
304. Pour déterminer si la responsabilité directe des personnes morales permet
d’envisager une coaction entre celles-ci et des personnes physiques, il semble nécessaire de
revenir en premier lieu sur ce fondement de la responsabilité des personnes morales (1), avant
de s’intéresser à son éventuelle compatibilité avec la notion de coaction précédemment établie
(2).
1- Le fondement de la responsabilité directe des personnes morales
305. Infractions visant l’employeur en tant qu’auteur. – Comme il l’a été vu969
,
raisonner sur la responsabilité des personnes morales entendue comme une responsabilité
directe revient à considérer que l’entité commet une infraction sans représentation, de façon
autonome, sans nécessairement passer par le truchement d’une personne physique. De prime
abord, l’affirmation peut sembler étonnante puisque l’entité morale semble incapable, par
essence, d’accomplir une infraction970
. Pourtant, il a été justement remarqué que certaines
infractions permettaient d’envisager une telle solution. Ainsi, les infractions relatives à
l’hygiène et à la sécurité au travail971
, en ce qu’elles visent l’employeur en tant qu’auteur, sont
commises directement par la personne morale car elle seule peut être qualifiée d’employeur,
968 V. supra n° 299.
969 V. supra n° 79 et s.
970 V. supra n° 296.
971 C. trav., art. L. 4741-1 et s.
251
et ne peuvent passer par l’imputation à un organe ou représentant personne physique qui ne
pourrait être qualifié de la sorte972
.
306. Faute diffuse. – De même, la dilution des acteurs dans une entreprise peut
conduire à une impossibilité d’attribuer la faute pénale en cause à un organe ou représentant
déterminé. Pourtant, l’existence d’une infraction pénale dans un tel cas ne fait aucun doute et
l’on pourrait alors regretter que l’opacité régnant dans la prise de décision empêche sa
répression. C’est pourquoi certains auteurs ont pu plaider en faveur de la sanction de la « faute
diffuse » de la personne morale, c’est-à-dire de la « faute imputable à l’entreprise mais dont il
n’est pas établi qu’elle ait été commise par un organe ou un représentant identifié »973
. Cette
faute permettrait ainsi d’imputer directement à la personne morale, sur le fondement de
l’article 121-1 du Code pénal, les infractions dues à sa structure ou à son organisation
défectueuse. Plus encore, elle se retrouverait chaque fois que l’infraction exige au titre de ses
éléments constitutifs la violation d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la
loi ou le règlement : la personne morale étant celle qui, en dernier lieu, dispose de l’aptitude à
faire respecter une telle obligation, son inaction impliquerait nécessairement sa
responsabilité974
.
307. Apparente admission progressive par la Cour de cassation. – Alors qu’elle l’a
longtemps rejetée975
, la Cour de cassation a paru s’engager depuis peu sur la voie de
l’admission de la responsabilité directe des personnes morales. Effectivement, dans un
premier temps, elle a considéré que l’imputation à la personne morale pouvait être présumée
lorsque l’infraction n’avait pu être commise que par un organe ou un représentant976
, ce qui
peut se comprendre tant la solution s’apparente en réalité à une règle de preuve classique977
:
972 J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité pénale des personnes morales sans représentation, Gaz. Pal. 30-31 mars
2011, note sous Cass. crim. 22 févr. 2011. 973
J.-C. SAINT-PAU, La faute diffuse de la personne morale, obs. sous Cass. crim., 29 avr. 2003, D. 2004, p. 167. 974
J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité pénale des personnes morales sans représentation, préc., spéc. p. 10. 975
V. par exemple Cass. crim., 29 avr. 2003 et la note précitée. V. également supra n° 80 note 357. 976
V. supra n° 81. 977
J.-C. SAINT-PAU, La responsabilité pénale des personnes morales sans représentation, préc., spéc. p. 9 ; J.-C.
SAINT-PAU, note sous Cass. crim., 11 avril 2012, D. 2012, p. 1381.
V. également B. DE LAMY et M. SEGONDS, Responsabilité pénale des personnes morales, J.-Cl. Pénal des
affaires. Notions fondamentales, fasc. 7, 2011, n° 43, qui doutent de la pertinence de la solution en raison de
l’absence de précision entourant l’établissement de cette présomption ainsi que de sa non-conformité avec le
principe de légalité criminelle. S’agissant de ce premier argument, il n’est peut-être pas déterminant tant il paraît
252
dès lors que cette présomption de fait demeure réfragable, il semble délicat de la contester.
Mais la Chambre criminelle a ensuite affirmé que « la prévenue n’a pas veillé à la véracité du
message publicitaire »978
ou encore que « la prévenue ne pouvait ignorer compte tenu de sa
spécificité professionnelle »979
la tromperie qu’elle avait commise, la prévenue étant en
l’espèce une personne morale. Dans ces deux affaires, les magistrats semblent réellement
personnifier l’être moral en raisonnant à son égard comme ils le feraient pour une personne
physique, ce dont témoigne la présomption de mauvaise foi due à sa qualité de professionnel
posée à son encontre980
. Certes, la référence aux organes et représentants est toujours présente
puisque la Cour de cassation relève par exemple que « si l’arrêt [de la Cour d’appel] ne
précise pas son identité, l’auteur du manquement à l’obligation de vérifier la conformité du
produit mis en vente ne peut être qu’un organe ou un représentant de la société »981
.
Cependant, si certains craignent que les juges ne fassent bientôt plus aucune référence à la
commission de l’infraction par un organe ou représentant982
, d’autres auteurs, souhaitant aller
au terme de l’évolution ainsi amorcée, appellent le législateur de leurs vœux et prônent la
suppression pure et simple de cette condition983
.
308. Rejet jurisprudentiel de la responsabilité directe des personnes morales. –
Pourtant, logiquement au regard des conditions posées par l’article 121-2 du Code pénal, la
Chambre criminelle a explicitement rejeté ce fondement dans un arrêt du 11 avril 2012
confirmé le 2 octobre 2012984
. Néanmoins, il n’est pas certain que cette décision remette en
cause la présomption d’imputation d’une infraction à une personne morale985
. En effet, la
Cour de cassation ne se prononce pas sur cette dernière. Il peut ainsi être avancé qu’elle n’a
envisageable que la Cour de cassation soit amenée à préciser des critères permettant d’établir la présomption, et
surtout, tant que cette dernière peut être renversée. Quant au second, il est également contestable dans la mesure
où cette présomption ne constitue, précisément, qu’une règle de preuve, admise à ce titre par la jurisprudence
nationale comme européenne. 978
Cass. crim., 24 mars 2009, pourvoi n° 08-82691 ; JurisData n° 2009-049707 ; Dr. pén. 2009, comm. 84, obs.
J.-H. ROBERT. 979
Cass. crim., 1er
déc. 2009, pourvoi n° 09-82140 ; JurisData n° 2009-050985 ; Dr. pén. 2010, comm. 74, obs.
M. VERON ; D. 2010, p. 1163, note C. MASCALA ; JCP G 2010, n° 25, 689, J.-H. ROBERT. 980
En ce sens, v. B. DE LAMY et M. SEGONDS, Responsabilité pénale des personnes morales, J.-Cl. Pénal des
affaires, Notions fondamentales, fasc. 7, 2011, n° 44. 981
Cass. crim., 1er
déc. 2009, préc. 982
V. notamment L. SAENKO, De l’imputation par amputation ou le mode allégé d’engagement de la
responsabilité pénale des personnes morales, Dr. pén. 2009, Etude 14, spéc. n° 13. 983
J.-Y. MARECHAL, Plaidoyer pour une responsabilité pénale directe des personnes morales, JCP G 2009,
n° 38, 249. 984
V. supra n° 82-1. 985
En ce sens, v. J.-C. SAINT-PAU, note sous Cass. crim., 11 avr. 2012, préc.
253
fait que rappeler que cette présomption devait se fonder sur des éléments tangibles démontrant
que la faute n’avait pu être le fait que d’un organe ou d’un représentant. Surtout, il s’agit
d’une simple présomption de fait, au sujet de laquelle il est difficile de concevoir une
opposition des juges. En réalité, il paraît possible de considérer que la Cour serait devenue
« plus exigeante au regard de la motivation des juges du fond »986
.
Quoi qu’il en soit, ce rejet de la responsabilité directe des personnes morales invite à
prôner avec plus de force une modification législative consacrant ce fondement, ou du moins
à l’admettre en vertu de l’article 121-1 du Code pénal987
. En effet, cette dernière solution
permettrait certainement d’envisager la caractérisation d’une coaction entre une personne
morale et une personne physique.
2- Compatibilité avec la notion de coaction
309. Egalité dans la technique d’imputation. – De façon évidente, raisonner sur une
responsabilité directe, c’est-à-dire par commission, des personnes morales permet de rejeter
l’objection précédemment établie quant à la possibilité d’une coaction entre une personne
morale et une personne physique, objection tenant à l’absence d’égalité dans la technique
d’imputation de l’infraction.
310. Autonomie de la personne morale par rapport à la personne physique. –
Surtout, considérer que la responsabilité pénale des personnes morales s’analyse comme une
responsabilité directe revient à regarder l’entité morale comme commettant elle-même
l’infraction. Dès lors, elle ne s’incarne pas dans la personne physique mais s’en émancipe, ce
dont témoigne la faute diffuse. En effet, dans une telle hypothèse, une faute peut être retenue à
l’égard de la personne morale alors même qu’aucune ne peut l’être à l’encontre d’une
personne physique déterminée qui aurait réalisé l’infraction pour son compte. Véritablement
personnifiée comme si elle s’apparentait à un être de chair et de sang, la personne morale
démontre ainsi une indépendance manifeste à l’égard des personnes physiques qui la
représentent. Partant, l’existence d’une autonomie a priori entre la personne morale et les
personnes physiques la représentant devrait permettre de retenir une coaction entre elles.
986 C. MASCALA, note sous Cass. crim., 11 avr. 2012, préc., D. 2012, p. 1698.
987 V. supra n° 79.
254
S’agissant d’une personne physique qui ne serait ni un organe, ni un représentant de la
personne morale, ou qui serait simplement membre d’un organe collectif de cette dernière,
aucune difficulté majeure ne semble exister quant à caractériser une coaction avec la personne
morale. Il faudra simplement vérifier que les critères précédemment établis sont vérifiés988
.
En revanche, la coaction entre un organe ou un représentant et la personne morale
paraît, paradoxalement, plus délicate à établir. Indubitablement, l’autonomie de la personne
physique à l’égard de la personne morale devrait faciliter l’imputation à ce titre. Cependant, il
ne faut pas oublier que la responsabilité directe de la personne morale est invoquée pour
imputer à celle-ci des fautes tenant à sa structure ou à son organisation, en particulier lorsqu’il
est difficile d’identifier un organe ou un représentant qui aurait commis une telle faute.
Certes, du point de vue de la responsabilité de la personne morale, l’argument n’est pas
déterminant puisque l’on pourrait imaginer que la personne morale soit poursuivie en tant que
coauteur de l’infraction commise alors même que son coparticipant ne serait pas identifié, de
même qu’un complice peut être poursuivi alors même que l’auteur principal de l’infraction
n’aurait pas été identifié989
. Toutefois, même si l’on considère dans une telle hypothèse que
c’est la personne morale elle-même qui a commis l’infraction, il faut bien avouer que cette
réalisation passe nécessairement par une personne physique. Or, si l’on parvient à identifier
cette dernière et si elle est donc celle qui a commis l’infraction pour le compte de la personne
morale, on pourrait douter de la pertinence de l’imputation au titre de la coaction :
l’autonomie de la personne morale impliquée par ce fondement serait mise à mal. Plus encore,
la présomption d’imputation de l’infraction aux organes et représentants de l’entreprise
pourrait conduire, à terme, à présumer ceux-ci coauteurs de l’infraction réalisée par la
personne morale990
.
311. Autonomie matérielle et autonomie juridique entre coauteurs. – Pour résoudre
ces apparentes contradictions, il semble alors nécessaire de préciser l’autonomie exigée par la
coaction. En effet, la solution ne sera pas la même selon que l’autonomie requise entre les
coauteurs est matérielle ou juridique.
988 En particulier l’entente, le caractère déterminant de la participation et l’indépendance morale entre coauteurs :
v. supra n° 91 et s. 989
V. infra n° 303 note 965. 990
Contra L. SAENKO, De l’imputation par amputation ou le mode allégé d’engagement de la responsabilité
pénale des personnes morales, pour qui l’anonymat de l’organe implique de renoncer à possibilité de le
poursuivre en tant que coauteur ou complice, n° 10.
255
L’autonomie nécessaire à la caractérisation d’une coaction peut d’abord s’entendre
comme une autonomie matérielle. Dès lors, elle implique que deux personnes distinctes aient
physiquement pris part à l’infraction. Pour savoir si l’autonomie ainsi conçue permet
d’envisager une coaction entre la personne morale et une personne physique qui en serait un
organe ou un représentant, il paraît alors nécessaire de distinguer deux hypothèses selon que
la personne physique qui a commis l’infraction pour le compte de la personne morale est
identifiée ou non. Dans ce dernier cas, c’est-à-dire si la personne physique n’est pas identifiée,
la question de la coaction ne se pose apparemment pas. Néanmoins, cette conclusion n’est
qu’apparente dans la mesure où, de même qu’il n’est pas nécessaire que l’auteur principal soit
identifié pour que la complicité soit punissable, il est parfaitement envisageable de poursuivre
une personne au titre de la coaction alors même que son coauteur ne serait pas identifié. Ainsi,
bien que la personne physique ayant agi pour le compte de la personne morale ne soit pas
identifiée, retenir la responsabilité de cette dernière au titre de la coaction serait concevable.
Cependant, la responsabilité de la personne morale étant, de fait, inévitablement passée par le
truchement de la personne physique, aucune autonomie matérielle ne pourra être constatée
entre ces deux personnes. Partant, la coaction devrait être exclue. Pour la même raison, même
si la personne physique est identifiée, aucune coaction ne devrait être retenue entre elle et la
personne morale, faute d’autonomie matérielle.
Mais l’autonomie nécessaire à la caractérisation d’une coaction peut aussi s’entendre
comme une autonomie juridique, c’est-à-dire qu’elle impliquerait simplement que deux
personnes juridiques aient pris part à l’infraction sans exiger qu’elles soient physiquement
distinctes. En vertu de cette conception, la coaction entre la personne morale et la personne
physique serait par conséquent concevable. En effet, si le truchement de la personne physique
est alors, de fait, nécessaire à la commission de l’infraction, juridiquement, son intervention
n’est absolument pas exigée pour retenir la responsabilité de la personne morale991
. Partant,
une autonomie juridique pouvant être constatée entre la personne morale et la personne
physique, toutes deux pourraient être qualifiées de coauteurs, sous réserve de remplir les
autres conditions propres à cette qualification992
.
991 S’agissant toujours de l’hypothèse, non consacrée par le législateur et même contra legem, selon laquelle la
responsabilité pénale des personnes morales serait une responsabilité directe. 992
En particulier l’entente, le caractère déterminant de la participation et l’indépendance morale entre coauteurs :
v. supra n° 91 et s.
256
312. Choix de l’autonomie juridique. – En retenant la conception matérielle de
l’autonomie, la responsabilité directe de la personne morale ne présenterait qu’un intérêt
limité : elle ne servirait en réalité qu’à pallier des difficultés probatoires. En effet, elle
permettrait simplement d’imputer à la personne morale une infraction commise pour son
compte sans nécessairement rechercher la personne physique l’ayant matériellement
commise, hypothèse il est vrai particulièrement utile lorsqu’il serait précisément impossible
de déterminer quelle personne physique était en cause. Cependant, la présomption
d’imputation précédemment envisagée993
satisfait pleinement cette fonction en autorisant à
considérer, en fonction des circonstances, que certaines infractions n’ont pu être commises
que par un organe ou un représentant. Dans le cadre d’une consécration de la responsabilité
directe des personnes morales, il serait ainsi envisageable de transposer cette solution en
présumant, par exemple, que certaines infractions n’ont pu être commises que pour le compte
de la personne morale994
.
En revanche, raisonner sur une autonomie juridique pour caractériser la coaction
donnerait certainement un véritable intérêt à faire de la responsabilité pénale des personnes
morales une responsabilité directe. En effet, l’autonomie juridique permet de retenir ce mode
d’imputation entre une personne morale et une personne physique et ainsi, les conséquences
tirées de la caractérisation d’une coaction pourront être appliquées aux relations les unissant,
en permettant une répression accrue995
. En outre, toute personne physique, sans égard à sa
qualité, c’est-à-dire peu important qu’elle soit organe ou représentant de la personne morale
ou non, pourra être déclarée coauteur d’une personne morale dès lors qu’elle aura commis
l’infraction pour le compte de cette dernière. Certes, admettre le principe d’une responsabilité
pénale directe des personnes morales pourrait être vu comme une humanisation excessive de
la personne morale, poussant l’artifice à son paroxysme. Toutefois, dans la mesure où le
principe même de la responsabilité pénale des personnes morales relève déjà de l’artifice pour
beaucoup996
, il est difficile de justifier de ne pas l’exploiter au maximum une fois acquis, au
993 V. supra n° 81 et 307.
994 En effet, consacrer la responsabilité directe des personnes morales ne revient pas pour autant à supprimer
toute condition à cette responsabilité, à défaut de quoi la responsabilité deviendrait objective. Il faudrait alors
conserver l’exigence d’une infraction commise pour le compte de la personne morale, gage de la vertu
sanctionnatrice et non indemnitaire du droit pénal. 995
Le régime de la coaction apparaissant en effet comme répressif : v. infra Partie 2. 996
V. PH. CONTE, La responsabilité pénale des personnes morales au regard de la philosophie du droit pénal,
La personne juridique dans la philosophie du droit pénal, dir. J.-H. ROBERT et S. TZITZIS, LGDJ, coll. Panthéon-
Assas, 2003, p. 109 ; J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une théorie
257
contraire. Admettre la responsabilité pénale directe des personnes morales permettrait ainsi
d’envisager la coaction entre une personne morale et une personne physique, à condition que
l’autonomie nécessaire à ce mode de participation soit envisagée comme une autonomie
juridique.
générale de la responsabilité juridique, préc., spéc. n° 533 ; V. WESTER-OUISSE, Dérives anthropomorphiques
de la personnalité morale : ascendances et influences, JCP G 2009, I, 137.
259
Conclusion du chapitre 2
313. Si la coaction implique une influence du coauteur sur le comportement mis en
œuvre lors de l’infraction collective, elle exige surtout que cette influence soit équivalente à
celle témoignée par son coauteur afin que chacun puisse considérer l’infraction collective
comme sienne, et non comme celle d’autrui. L’influence du coauteur sur le comportement de
l’infraction collective doit alors démontrer son autonomie. Deux conséquences ont ainsi
découlé de cette affirmation.
314. Indépendance morale du coauteur. – D’abord, l’autonomie du coauteur dans le
comportement infractionnel a été défini négativement comme son absence de subordination à
la volonté d’autrui. Le coauteur doit ainsi faire preuve d’une véritable indépendance morale à
l’égard de ses coparticipants pour pouvoir être qualifié comme tel et donc ne pas être
subordonné à l’autorité d’autrui. L’exemple des relations au sein de l’entreprise, typique des
relations d’autorité, a permis d’en témoigner. Entre personnes physiques, l’exigence
d’indépendance morale du coauteur exclut ainsi toute coaction entre un chef d’entreprise et
son préposé dès lors que l’infraction est réalisée dans le cadre de l’entreprise. Entre personnes
morales, elle implique alors de s’interroger sur l’existence d’une véritable indépendance entre
elles, question particulièrement sensible en matière de groupes de sociétés. Plus généralement,
rien ne s’oppose à étendre cet exemple à toute relation d’autorité entre individus, que cette
autorité soit juridique ou simplement de fait.
315. Dépendance matérielle du coauteur. – Ensuite, l’autonomie du coauteur dans le
comportement infractionnel s’analyse comme un facteur d’égalité entre ces différents
participants. En effet, elle crée une interdépendance entre eux dans la matérialité de
l’infraction, chacun ayant besoin de l’autre pour la réaliser. Cette dépendance matérielle du
coauteur permet alors de définir les actes constitutifs de la coaction, gages de cette égalité,
comme des actes d’assistance réciproque, concomitants, et pouvant ainsi s’entendre des actes
constitutifs de l’infraction en cause et, partant, de l’infraction collective, mais aussi d’actes
qui en constitueraient le commencement d’exécution. Il n’est donc pas nécessaire que le
coauteur accomplisse l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction collective pour être
260
qualifié comme tel, il suffit qu’il la commette en partie, en en réalisant, par exemple, le
commencement d’exécution. Cette définition tenant à la matérialité de la coaction pouvait
faire douter de sa transposition à la responsabilité pénale des personnes morales et, plus
particulièrement, de la compatibilité de cette dernière avec l’exigence d’une autonomie entre
les coauteurs dans la réalisation de l’infraction. En effet, dans la mesure où toute action ou
abstention de la personne morale passe nécessairement par le truchement d’une personne
physique, l’autonomie de la personne morale et donc son éventuelle qualification de coauteur,
semblait mise à mal. Pourtant, en raisonnant sur une autonomie juridique et non matérielle
entre coauteurs, c’est-à-dire en considérant que la coaction imposerait que deux personnes
juridiques prennent part à l’infraction mais sans exiger qu’elles soient distinctes
physiquement, l’autonomie de la personne morale indispensable à la caractérisation de la
coaction devient envisageable. Enfin, pour parfaire la condition d’égalité entre coauteurs, il
paraissait souhaitable que personnes morales et personnes physiques se voient imputer
l’infraction grâce à la même technique. A cette fin, il est apparu que seul le fondement de la
responsabilité pénale directe des personnes morales permettait une telle solution. Bien que
non consacré par le législateur comme la jurisprudence, il serait le seul à autoriser une
imputation d’une infraction au titre de la coaction entre personnes morales et personnes
physiques.
261
Conclusion du titre 2
316. Distinction de la complicité - rapprochement de l’action. – Considérer que le
coauteur participe à sa propre infraction permet de mettre en exergue le particularisme de ce
titre d’imputation, marqué par l’interdépendance entre les participants. En effet, le coauteur se
rapproche de l’auteur en ce qu’il exige une influence sur le résultat de l’infraction collective
mais également sur le comportement infractionnel, et de facto, il assoit ses différences avec la
complicité. Mais surtout, les relations qu’il noue avec ses coparticipants sont toujours
déterminantes de sa qualification en ce qu’elles révèlent des liens étroits, empreints de
réciprocité.
317. Une participation au résultat infractionnel collectif. – En premier lieu, la
coaction implique ainsi d’avoir participé au résultat infractionnel collectif et donc d’avoir
apporté sa contribution causale à l’infraction. Certes, l’affirmation est également valable pour
la complicité et ne permet donc pas de distinguer ces deux modes de participation criminelle.
Cependant, alors que la complicité se contente d’une contribution causale indirecte l’unissant
à l’infraction, la coaction exige une contribution causale déterminante. Cette condition la
rapproche alors de l’action, sans pour autant adhérer parfaitement à la définition donnée de la
causalité pour cette dernière. En effet, tandis que l’action s’attache généralement à
caractériser une causalité concrète entre l’auteur et le résultat de l’infraction, la coaction se
satisfait d’une causalité plus abstraite, revenant à se demander si le coauteur a été une des
causes déterminantes de l’infraction, même s’il est impossible de prouver qu’il en a été la
cause concrète. Cette situation se retrouve notamment dans l’hypothèse des dommages causés
en groupe, lorsqu’il est illusoire de déterminer quel acte précis a entraîné le résultat
infractionnel. Par exemple, en matière de violences collectives, il est généralement impossible
d’établir quel coup a concrètement causé la mort de la victime (si tant est qu’il y en ait
uniquement un). Pourtant, il est permis de considérer que l’ensemble des acteurs des violences
a été la cause déterminante de la mort de la victime. Dès lors, le lien de causalité entre les
différents comportements ayant conduit au résultat infractionnel peut être globalisé en matière
de coaction, ce qui se justifie pleinement au regard de l’interdépendance unissant les
comportements des coauteurs.
262
318. Une participation au comportement infractionnel collectif. – En second lieu, la
coaction implique, au même titre que l’action, de participer au comportement infractionnel
collectif. A cette fin, le coauteur doit disposer d’une autonomie par rapport à ses
coparticipants afin que l’influence de chacun puisse être considérée comme équivalente. Deux
considérations apparemment paradoxales permettent alors de s’en assurer : le coauteur doit
témoigner d’une indépendance morale à l’égard de ses coparticipants, tout en caractérisant
une dépendance matérielle à leur égard. Ce n’est qu’à ces deux conditions qu’une véritable
interdépendance entre coauteurs, spécificité de ce mode d’imputation, pourra être constatée.
263
Conclusion de la partie 1
319. Mode de participation à une infraction. – L’objectif de l’étude de la notion de
coaction était de montrer sa spécificité et son autonomie par rapport à l’action et à la
complicité. En tant que mode de participation à sa propre infraction, la coaction emprunterait,
certes, des caractères à chacune d’entre elles, mais pour mieux apparaître comme un mode
d’imputation sui generis, aux caractères propres, et dont l’interdépendance de ses participants
serait le socle. Regardée à l’aune de cette définition, la coaction implique en premier lieu de
participer à une infraction. La pluralité de participants, inhérente à l’exigence d’une
participation, doit donc se doubler d’une entente unissant ces participants. En effet, ce n’est
qu’à cette condition que tous prennent part à la même infraction, unique, gage encore plus fort
du lien les rassemblant.
320. Mode de participation à sa propre infraction. – En second lieu, la coaction
implique de participer à sa propre infraction. Pour être utilisable, cette affirmation a priori
tournée vers la psychologie du participant doit se traduire matériellement. Ainsi, le coauteur
participe au résultat infractionnel collectif en ce qu’il en apparaît comme une cause
déterminante, mais également au comportement infractionnel collectif. Ce dernier témoigne
en effet de l’interdépendance existant entre les coauteurs puisque loin de se satisfaire d’une
subordination lors de l’infraction, il exige au contraire une indépendance morale couplée à
une dépendance matérielle entre les coauteurs afin que l’aide apportée par chacun dans la
réalisation de l’infraction ne soit pas à sens unique mais bien réciproque.
La notion de coaction a donc vocation à affirmer son autonomie en insistant sur
l’interdépendance unissant ses participants. Reste alors à voir si le particularisme de la notion
pourrait se retrouver dans son régime.
265
Partie 2- LE REGIME DE LA COACTION
321. Intérêt répressif de la coaction en tant que notion autonome. – Du fait de la
définition donnée de la coaction, il est envisageable que son régime soit plus répressif que
celui de l’action et de la complicité et en révèle ainsi l’intérêt principal. En effet, la pluralité
de participants ainsi que le rôle déterminant du coauteur dans la réalisation et le résultat de
l’infraction pourraient laisser croire à une dangerosité accrue de celui-ci, imposant une
répression plus contraignante que pour d’autres modes de participation à l’infraction.
D’ailleurs, l’intérêt répressif de la coaction par rapport à la complicité est généralement mis
en avant par la doctrine et pourrait même justifier les solutions jurisprudentielles ayant
malmené la distinction traditionnelle entre ces deux modes d’imputation997
. Pourtant, de tels
détours jurisprudentiels ne sont pas nécessaires si l’on veut bien déduire le régime de la notion
de coaction précédemment établie. En effet, la force du lien unissant les coauteurs pourrait
entraîner une répression plus sévère de ces derniers, sans besoin de dévoyer la notion ainsi
posée. Or, ce lien se traduit par deux caractères principaux de la coaction : l’interdépendance
entre les coauteurs et le fait qu’ils participent à une infraction unique, collective. En
conséquence, ces éléments devraient logiquement affecter le régime de ce mode d’imputation.
Il appartient alors de s’intéresser à l’influence de l’interdépendance entre coauteurs (Titre 1)
et de la participation à une infraction collective (Titre 2) sur le régime de la coaction.
997 V. supra n° 9.
267
Titre 1- L’influence de l’interdépendance entre coauteurs
sur le régime de la coaction
322. L’interdépendance entre coauteurs constatée au stade de la définition de ce mode
de participation devrait, en toute logique, se retrouver dans les règles gouvernant le régime de
ce dernier.
Sur le plan substantiel, il est possible d’imaginer par exemple que certains éléments de
la responsabilité du coauteur puissent se transmettre entre coauteurs. L’interdépendance entre
coauteurs impliquerait donc la possibilité d’une véritable communication entre eux.
Sur le plan procédural, l’étroitesse des liens unissant les coauteurs devrait conduire à
lier leur sort. En effet, seul un tel mécanisme serait susceptible d’assurer une communauté de
sort entre les coauteurs. Partant, l’interdépendance entre coauteurs supposerait une véritable
solidarité procédurale entre eux, la solidarité étant ici entendue comme la « communauté de
sort entre certains droits, [la]corrélation de mécanismes »998
.
Il convient alors d’étudier la pertinence d’une telle hypothèse en s’intéressant à la
responsabilité soumise à la communication pénale entre coauteurs (Chapitre 1), puis à la
procédure soumise à la solidarité pénale entre coauteurs (Chapitre 2).
998 G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc., « Solidarité », 5°.
269
Chapitre 1- Une responsabilité soumise à la communication pénale
323. L’idée d’emprunt entre coauteurs. – L’interdépendance entre coauteurs,
indispensable à leur caractérisation, devrait nécessairement produire des conséquences
s’agissant de leur répression. Plus encore, la notion de coaction a été caractérisée par les
relations de réciprocité et d’interdépendance unissant les différents coauteurs. Or, il a été vu
que l’acte de coaction d’une infraction consommée pouvait se contenter d’être un acte de
commencement d’exécution de l’infraction collective999
. Mais cela n’est vrai que si un autre
ou d’autres coauteurs, pour leur part, vont au bout des actes d’exécution de l’infraction, à
défaut de quoi seule une tentative de coaction pourrait être caractérisée1000
. Partant, il faut
alors considérer que le coauteur qui n’a accompli que le commencement d’exécution de
l’infraction collective emprunte à ses coparticipants l’élément matériel consommé de cette
même infraction collective1001
.
324. Distinction envisageable avec l’emprunt caractéristique de la complicité. –
L’idée d’emprunt pourrait faire penser à la complicité, le complice empruntant, selon les
conceptions retenues, la criminalité, la pénalité, voire la matérialité de l’infraction à l’auteur
principal1002
, et l’autonomie de la coaction serait mise à mal quant à son régime. Cependant, il
n’en est rien. En effet, en matière de complicité, l’emprunt devrait se dérouler d’une façon
déterminée, immuable : le complice emprunte la criminalité, la pénalité, ou la matérialité de
l’infraction à l’auteur de l’infraction. En revanche, l’inverse n’est pas vrai : l’auteur principal
ne devrait pouvoir emprunter quoi que ce soit à son complice, son acte étant punissable en
tant que tel. L’emprunt doit ainsi avoir lieu à sens unique, le complice empruntant
nécessairement à l’auteur principal. Mais la coaction, caractérisée par une interdépendance
entre coauteurs et des relations à double sens les unissant, ne répond pas à la même logique.
999 V. supra n° 292 et s.
1000 V. infra n° 481 et s.
1001 Dans le même sens, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, Dalloz, Paris, 2009, n° 243
et s. 1002
V. supra n° 102 et s.
270
Ainsi, l’emprunt lui-même devrait être à double sens et, donc, réciproque. En réalité, plus
qu’un emprunt, il s’agit alors d’une communication.
325. La communication pénale entre coauteurs. – L’étroitesse des liens unissant les
coauteurs a pour conséquence que les actes commis par chacun d’entre eux, leur criminalité,
irriguent l’infraction collective. L’idée d’une communication pénale semble alors plus juste
pour décrire les liens unissant les coauteurs au stade de la constitution de l’infraction
collective. Chacun, pris dans son individualité, apporte à l’infraction sa propre criminalité, qui
va se mêler à celle des autres pour s’y fondre et réaliser un tout unique, l’infraction
collective1003
. Dès lors, si les coauteurs peuvent se communiquer leur propre criminalité, ils
« contaminent » nécessairement les autres. Les circonstances afférentes à l’un se
communiqueront ainsi à l’autre. La sévérité du régime de la coaction apparaît à nouveau :
chaque coauteur peut transmettre sa criminalité à l’autre et ainsi lui faire craindre une
répression plus sévère. Par exemple, si l’un des coauteurs est chargé d’une mission de service
public, cette circonstance, à supposer qu’elle soit envisagée par le législateur, devrait avoir
des conséquences non seulement sur sa propre répression, mais également sur celle des autres.
Or, cette qualité peut être envisagée comme un élément constitutif de l’infraction, il s’agira
par exemple de l’article 432-4 du Code pénal qui incrimine « le fait, par une personne
dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans
l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner ou
d’accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle ». Mais elle peut
également être érigée en circonstance aggravante de l’infraction : c’est notamment le cas des
violences, pour lesquelles l’article 222-8 7° du Code pénal prévoit une aggravation
lorsqu’elles sont commises « par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée
d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions
ou de sa mission ». Cette distinction selon que la qualité en cause est un élément constitutif ou
une circonstance aggravante de l’infraction devra-t-elle alors avoir un impact sur la
1003 La communication pénale entre coauteurs aurait ainsi pu être considérée comme une conséquence de la
participation à une infraction collective. Cependant, même s’il est vrai que l’entente est liée à la fois à
l’interdépendance entre coauteurs et au fait qu’ils participent à une seule et même infraction, elle est avant tout le
socle de l’interdépendance qui, à son tour, justifie la caractérisation d’une infraction unique, collective. Il faut
alors considérer, en réalité, que l’infraction collective résulte de l’interdépendance entre coauteurs et donc que la
communication pénale est d’abord une conséquence de l’interdépendance entre coauteurs avant d’être une
conséquence de la participation à une infraction collective.
271
communication pénale entre coauteurs1004
? Plus généralement, il appartient ainsi de se
demander si la communication pénale entre coauteurs pourra avoir lieu quel que soit l’objet
sur lequel elle porte, et quelle que soit la nature de ce dernier. L’étude de la communication
des éléments constitutifs de l’infraction collective (Section 1) sera, par conséquent, le
préalable à celle de la communication des circonstances aggravantes de l’infraction collective
(Section 2).
1004 Il est vrai que cette distinction pourrait être remise en cause dans la mesure où certains auteurs considèrent
que la circonstance aggravante devient un véritable élément constitutif de l’infraction aggravée . Cependant,
cette conception peut être rejetée : v. infra n° 348.
273
Section 1- La communication des éléments constitutifs de l’infraction
collective
326. Exclusion de la communication de l’élément moral. – Pour déterminer si les
coauteurs peuvent se communiquer des éléments constitutifs de l’infraction collective, il
semble nécessaire de s’interroger sur l’élément matériel de cette dernière. En effet, l’élément
psychologique de l’infraction doit être recherché en chacun et il est difficile d’imaginer que
l’intention ou l’imprudence de l’un puisse « contaminer » l’autre. Deux remarques doivent
alors être faites.
327. Entente et condition de la communication pénale. – En premier lieu, il a été
relevé que l’exigence d’une entente entre coauteurs empêchait une divergence entre les
éléments moraux de chacun des coauteurs1005
. En conséquence, cette condition de
caractérisation de la coaction constitue, indirectement, une condition de la communication
entre coauteurs1006
: à défaut d’entente sur les éléments constitutifs de l’infraction, aucune
coaction ne pourra être constatée et ainsi, aucune communication pénale ne devra avoir lieu.
Par exemple, si l’un des éventuels coauteurs ignorait la qualité d’un autre alors même que
cette qualité était un élément constitutif de l’infraction collective commise (s’agissant d’une
infraction de violation d’un secret professionnel par exemple), il faudrait en réalité rejeter la
qualification de coauteur. En effet, la coaction exige une entente sur un résultat ou un acte
infractionnels. Or, si un individu ignore précisément la qualité revêtue par un de ses
coparticipants alors que cette qualité justifie et fonde l’infraction, la connaissance même de
l’existence d’une infraction peut être remise en cause. A défaut d’avoir su qu’il participait à
une infraction, l’individu ne pourra alors pas être qualifié de coauteur. Plus précisément,
quand un individu viole un secret professionnel, c’est l’atteinte à ce secret ainsi qu’à la
confiance qui pouvait être placée dans la profession qui est réprimée. Or, si un individu
1005 V. supra n° 117.
1006 A la différence de l’entente sur les circonstances aggravantes qui, pour sa part, apparaît comme une limite à
la communication pénale des circonstances aggravantes puisque la caractérisation d’une coaction n’implique en
aucun cas une entente sur ces circonstances : v. infra n° 358.
274
participe à cette violation en contribuant à révéler l’information en cause mais qu’il ignore
parfaitement que son associé est tenu au secret, il n’a aucune conscience de violer la loi
pénale. Partant, on ne pourra considérer qu’il a participé à l’infraction de violation du secret
professionnel, et il ne pourra pas, a fortiori, en être qualifié de coauteur. La communication
pénale ne se justifie qu’en raison de l’existence d’une coaction et donc d’une entente sur les
éléments constitutifs de l’infraction commise.
328. Communication pénale et infractions à l’élément matériel complexe. – En
second lieu, la communication pénale ne peut concerner que les éléments constitutifs relatifs à
l’élément matériel de l’infraction collective. C’est alors s’agissant des infractions pour
lesquelles ce dernier est complexe que la question révèle tout son intérêt. En effet, lorsque
l’élément matériel exige la réunion de plusieurs conditions – comme une pluralité d’actes ou
une qualité particulière associée à un certain comportement –, la communication pénale
pourrait permettre d’alléger les conditions de répression des coauteurs en admettant que
chacun d’entre eux n’ait pas à réunir en sa personne toutes ces conditions. Autrement dit,
chaque coauteur n’aurait pas à réaliser lui-même l’ensemble de ces conditions dès lors que
l’absence d’une de ces conditions serait palliée par sa présence chez un autre des coauteurs.
Deux types d’infractions mettant en jeu un élément matériel composé doivent alors être
étudiés1007
: les infractions attitrées (§1) et les infractions complexes (§2).
§1- Les infractions attitrées
329. Définition : qualité personnelle érigée en élément constitutif de l’infraction. –
Certaines infractions, parfois appelées infractions attitrées1008
, exigent au nombre de leurs
éléments constitutifs la présence d’une qualité particulière chez leur auteur. Par exemple,
l’abus de biens sociaux prévu par l’article L. 241-3 4° du Code de commerce implique d’avoir
été commis par un dirigeant de la société afin de pouvoir être retenu. De même, la violation
1007 Comp. L. ROUSVOAL, L’infraction composite, thèse Rennes, 2011.
1008 Pour une utilisation de cette expression, v. notamment H. MATSOPOULOU, Responsabilité pénale des
personnes morales et infractions du droit pénal des affaires, in Dépénalisation de la vie des affaires et
responsabilité pénale des personnes morales, M. DAURY-FAUVEAU, M. BENILLOUCHE, PUF, coll. CEPRISCA,
2010, p. 81 ; J.-H. ROBERT, note sous Cass. crim., 31 mai 2012, Dr. pén. 2012, comm. 132.
275
du secret professionnel envisagée par l’article 226-13 du Code pénal impose d’avoir été
commise par une personne dépositaire d’un secret. Enfin, les infractions prévues par le
chapitre II du titre III du livre IV du Code pénal ne peuvent avoir été commises que par une
personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Ainsi,
pour qu’une telle infraction puisse être reprochée à des coauteurs, il faut alors se demander
s’il est nécessaire que chacun d’entre eux revête la qualité exigée ou s’il suffit que seul l’un
d’entre eux en fasse état.
330. Position doctrinale classique : exigence de la qualité requise chez chaque
coauteur. – En vertu de la conception classique de la coaction, chaque coauteur devant réunir
sur sa tête l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction, la réponse devrait
nécessairement être positive. Pour pouvoir être qualifié de coauteur, chaque individu devrait
donc revêtir la qualité exigée par le texte d’incrimination à titre d’élément constitutif.
D’ailleurs, la question est si peu débattue qu’elle n’est généralement pas envisagée par la
doctrine. S’agissant de l’abus de biens sociaux par exemple, certains considèrent ainsi que
« les personnes, autres que les dirigeants, qui ont sciemment apporté une aide ou une
assistance à l’auteur des abus ne peuvent être retenues que dans les liens de la complicité,
sauf, bien entendu, si une gestion de fait est caractérisée à leur égard »1009
.
331. Proposition : suffisance de la qualité requise chez un seul des coauteurs. –
Pourtant, si l’on considère la coaction non comme une simple juxtaposition d’actions mais
comme un mode de participation à sa propre infraction1010
, cette position n’est pas immuable.
En effet, en tant que participant à l’infraction, le coauteur n’a pas nécessairement à réaliser
lui-même l’ensemble de l’infraction, il doit simplement y prendre part. Dès lors, et sous
réserve de respecter les conditions relatives à la caractérisation d’une coaction1011
, il est
envisageable qu’il puisse emprunter la qualité lui faisant défaut à son coparticipant1012
. Cette
solution est d’autant plus justifiée lorsque l’individu qui ne revêt pas la qualité nécessaire à la
constitution de l’infraction s’entoure sciemment d’un individu la possédant, précisément afin
1009 A. LEPAGE, P. MAISTRE DU CHAMBON et R. SALOMON, Droit pénal des affaires, Litec, 2
ème éd., 2010, n° 779.
1010 V. supra Partie 1.
1011 C’est-à-dire l’entente, la participation déterminante au résultat de l’infraction collective ainsi que la
participation autonome au comportement infractionnel collectif : v. supra n° 97 et s., n° 230 et n° 235 et s. 1012
Contra PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 403.
276
de pouvoir réaliser l’infraction en question. Les infractions exigeant une qualité
professionnelle particulière au titre de leurs éléments constitutifs en fournissent une
illustration topique1013
. Par exemple, l’article 432-15 du Code pénal réprime « le fait, par une
personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, un
comptable public, un dépositaire public ou l'un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou
soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en
tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa
mission ». Il est alors possible d’imaginer qu’un individu s’allie à un notaire pour détruire un
acte sous-seing privé remis à ce dernier à raison de ses fonctions car il lui serait défavorable.
Classiquement, le notaire étant seul dépositaire public, il est l’unique personne à pouvoir
répondre de ce délit. Quant au second individu, faute de revêtir la qualité exigée, il ne pourrait
qu’être qualifié de complice, ce dernier mode d’imputation n’exigeant pas de caractériser la
qualité professionnelle requise par le texte d’incrimination. Mais si l’on considère que le
coauteur peut emprunter la qualité professionnelle au notaire, il devrait pouvoir être réprimé
au titre de la coaction si les conditions en sont remplies1014
, ce qui semble le cas ici.
De prime abord, il pourrait être relevé que cette conclusion contrevient à la règle selon
laquelle l’intention ne peut suppléer l’absence d’élément matériel de l’infraction. Pourtant,
l’objection doit être nuancée. En effet, la caractérisation d’une entente entre coauteurs,
justification de la communication pénale, se fonde nécessairement sur des éléments
matériels1015
. Partant, ce n’est pas seulement l’existence de l’élément psychologique qui
justifie cette solution mais bien sa matérialisation. Surtout, la communication pénale des
éléments constitutifs de l’infraction collective ne s’explique pas seulement par le constat
1013 Dans le même sens, M. BENEJAT, La responsabilité pénale professionnelle, thèse Bordeaux, 2010, n° 129,
qui s’interroge de la sorte : « Pourquoi […] ne pas appliquer la qualification professionnelle à celui qui agit
précisément en raison d’une qualité professionnelle ? ». 1014
En effet, en l’espèce, il semble bien que l’on puisse constater une entente entre les deux individus, et donc
une infraction unique. En outre, si aucune autorité juridique ou de fait n’est relevée entre eux et si tous deux ont
participé de façon concomitante à la destruction de l’acte sous-seing privé et en sont des causes déterminantes, la
coaction sera établie. Sur ces différentes conditions, v. supra n° 97 et s., n° 230 et n° 235 et s. 1015
V. supra n° 127 et s. et 170.
Du reste, la répression de l’encouragement moral en matière de complicité témoigne du fait que l’élément moral
(considéré ici comme la volonté de s’associer) peut pallier l’absence de causalité matérielle dès l’instant où il
s’est matérialisé (à travers une abstention dans la fonction ou parce que des actes de participation, bien
qu’inefficaces, ont été commis : v. supra n° 209 et 197). Pourquoi alors ne pas considérer que l’entente peut
pallier l’absence d’un élément matériel dès lors qu’elle s’est matérialisée ?
277
d’une entente entre coparticipants1016
, mais plus généralement par l’établissement d’une
coaction. Or, cet établissement est soumis à la caractérisation de conditions supplémentaires à
celle de l’existence d’une entente, conditions objectives telles que la participation
déterminante des coauteurs au résultat infractionnel collectif ou encore leur participation
autonome au comportement infractionnel collectif1017
.
332. Position jurisprudentielle : exigence de la qualité requise chez un seul des
coauteurs. – Considérer que le coauteur peut emprunter la qualité requise par le texte
d’incrimination est d’ailleurs une solution qui a été retenue en jurisprudence. En effet, la Cour
de cassation a admis d’imputer le délit de publicité de nature à induire en erreur à celui qui,
bien que n’ayant pas la qualité d’annonceur requise par le texte d’incrimination, a toutefois
accompli une partie des actes constitutifs de l’infraction avec des individus revêtant cette
qualité1018
. Sa position est particulièrement claire puisqu’après avoir approuvé la Cour d’appel
d’avoir considéré le prévenu comme « coauteur de l’infraction », elle a justifié sa solution en
estimant que « si l’article 44 de la loi du 27 décembre 1973, inséré aux articles L. 121-1 à L.
121-7 du Code de la consommation, prévoit, en matière de publicité de nature à induire en
erreur, la responsabilité des dirigeants de la personne morale ayant la qualité d’annonceur,
il ne fait pas obstacle à ce que soit aussi retenue la responsabilité de ceux qui ont, avec ces
dirigeants, accompli les actes matériels constitutifs de l’infraction ».
333. Parallèle avec les dommages causés en groupe. – Du reste, lorsqu’elle utilise la
théorie de la scène unique de violence ou celle des fautes conjuguées, c’est en réalité le même
mécanisme que la jurisprudence utilise. En effet, lorsqu’un dommage est le fait de plusieurs
individus, et bien qu’il soit établi que seul l’un des comportements a pu causer
scientifiquement le dommage, elle n’hésite pourtant pas à imputer l’infraction en cause à
l’ensemble des participants1019
. Plus encore, la solution est d’autant plus remarquable qu’elle
ne vise pas nécessairement à résoudre des difficultés relatives à la causalité, c’est-à-dire à
imputer l’infraction à l’ensemble des participants faute de pouvoir déterminer lequel est à
1016 Sinon elle devrait être appliquée dès lors qu’existe une telle entente entre participants, ce que la complicité
n’exclut pas : elle y est simplement indifférente (v. supra n° 93 et s.). 1017
V. en particulier supra n° 230 et n° 235 et s.. 1018
Cass. crim., 18 mai 1994, Bull. n° 195, D. 1994, IR 179 ; Contrats, conc., consom. 1994, p. 180, obs.
RAYMOND. 1019
V. supra n° 131 et s. et 177 et s.
278
l’origine du dommage1020
. Pour preuve, la Chambre criminelle a par exemple imputé au titre
de la coaction le délit de violences ayant entraîné une incapacité de plus de vingt jours en
raison d’un coup de bâton à deux individus alors qu’il était établi que l’un d’entre eux l’avait
simplement giflé tandis que le second lui assénait le coup de bâton, et que leurs rôles
respectifs étaient parfaitement identifiés1021
. La Cour de cassation admet ici de considérer
celui qui n’a fait que gifler la victime comme coauteur du coup de bâton ; partant, elle
considère implicitement qu’il emprunte cet acte à son coauteur1022
. Certes, dans une telle
hypothèse, il n’est pas question d’une qualité particulière nécessaire à la constitution de
l’infraction et présente chez l’un seulement des coauteurs. Pourtant, le parallèle peut être fait :
dès lors qu’un coauteur peut emprunter une certaine matérialité à son coparticipant, rien ne
justifie qu’il ne puisse lui emprunter tout élément constitutif de l’infraction. Si la qualité de
l’auteur de l’infraction en est un, elle doit alors pouvoir être empruntée.
334. Rapprochement avec la complicité. – La question de la parenté avec la
complicité est alors inévitable. En effet, cette forme de participation à l’infraction permet
également d’emprunter certains éléments à l’auteur principal. Plus encore, le terme d’emprunt
est caractéristique de la complicité, que l’on considère que le complice emprunte la
criminalité, la pénalité, ou la matérialité de l’infraction à l’auteur principal1023
. La possibilité
d’imputer au complice une infraction qu’il ne pourrait réaliser à titre d’auteur principal faute
de revêtir la qualité nécessaire à la constitution de l’infraction a ainsi été largement débattue.
Pour certains, admettre une telle imputation serait impossible dès lors que le Code pénal punit
le complice « comme auteur » et non plus « comme l’auteur » : s’il avait été auteur, il n’aurait
pu être puni, et ne doit donc pas l’être en tant que complice. Cet argument est ainsi soulevé en
matière d’abus de biens sociaux afin de refuser la répression de l’individu, non dirigeant
1020 Dans le même sens, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 243.
1021 Cass. crim., 22 mai 1957, Bull. n° 436.
1022 Il serait possible de se demander pourquoi l’emprunt joue ici dans le sens le plus grave. La réponse tient
certainement à deux éléments. En premier lieu, la spécificité des infractions de résultat implique d’imputer le
résultat effectivement produit, peu important que ce résultat ait été prévu ou voulu par ses auteurs, coauteurs ou
complices. Si l’emprunt entre coauteurs se faisait dans un sens leur étant favorable, le résultat effectivement
produit ne pourrait être imputé, ce qui est inenvisageable : la réalisation de violences en groupe ne doit pas
conduire à éluder la responsabilité pénale de ses participants (v. supra n° 135). En second lieu, un souci de
politique criminelle peut expliquer la répression de celui qui participe en connaissance de cause à des violences
graves même si lui ne réalise pas matériellement un acte de violence aussi grave : sa participation à travers la
gifle matérialisait ici son approbation au coup de bâton porté. 1023
V. supra n° 102 et s.
279
social, qui aiderait un tel dirigeant à commettre cette infraction1024
. Il faudrait alors que
chaque participant à l’infraction caractérise en sa personne la qualité requise par le texte
d’incrimination. Cependant, outre le fait que l’article 121-6 du Code pénal fait certainement
davantage référence à la peine encourue par le complice qu’aux conditions de sa
responsabilité1025
, une telle conception ne fait que peu de cas de l’idée de participation.
Effectivement, le fait de participer à une infraction se distingue du fait de la réaliser, et
n’exige donc pas de réunir l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction1026
. C’est
précisément là toute la spécificité et l’intérêt de la notion de participation à l’infraction. Ainsi,
pour poursuivre sur l’exemple de l’abus de biens sociaux, d’autres auteurs considèrent que sa
complicité peut être le fruit de tout individu, peu important qu’il ne soit pas dirigeant
social1027
, et que « là réside le principal intérêt de la complicité, lequel permet de retenir dans
la prévention des individus qui ne pourraient pas être poursuivis comme auteurs à défaut
d’exercer en droit ou en fait les fonctions exigées à ce titre »1028
. Quant à la jurisprudence,
elle a très tôt admis que « si la qualité personnelle de l’auteur d’une infraction est un élément
constitutif et nécessaire de celle-ci, cette circonstance n’exclut en rien la complicité de tiers
dans les termes de l’article 60 du Code pénal »1029
. En outre, de même que sous l’ancien
Code pénal1030
, elle déclare complice d’abus de biens sociaux l’individu qui ne revêt pourtant
pas la qualité de dirigeant social1031
. La solution est également la même en matière de
violation du secret professionnel1032
. Dès lors, si le complice n’a pas à revêtir la qualité exigée
1024 C. DE JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 594.
1025 V. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal génral, préc., n° 488 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n°
360 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 424 ; F. DESPORTES et F.
LEGUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 564 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 389 ; R. MERLE et
A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal géneral, préc., n° 545 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n°
454 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 370 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 356. La
nouvelle rédaction de l’article 121-6 aurait en effet eu pour but de prendre en compte la responsabilité pénale des
personnes morales en dissociant le sort du complice et de l’auteur : il n’y aurait en effet aucun sens à condamner
une personne physique à la dissolution ou une personne morale à de l’emprisonnement. 1026
Dans le même sens, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 424. V.
également F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 196. 1027
V. notamment D. REBUT, « Abus de biens sociaux », Rép. Pén. Dalloz, 2010, n° 219. 1028
Ibid. Dans le même sens, v. également PH. BONFILS, RPDP 2006, Chr. III, p. 123 pour qui une telle solution
est « souhaitable ». 1029
Cass. crim., 13 mars 1936, DH 1936, p. 254 ; Rev. sc. crim. 1936, p. 410, obs. J. MAGNOL. 1030
Cass. crim., 5 sept. 1988, Rev. Sociétés 1989, p. 76, note W. JEANDIDIER. 1031
Cass. crim., 20 mars 1997, Dr. pén. 1997, comm. n° 131, obs. J.-H. ROBERT ; JCP E 1997, II, 1033, note J.-
H. ROBERT. 1032
Cass. crim., 25 janv. 1968, Bull. n° 25; D. 1968, jurispr. p. 153, JCP G 1969, II, 15425; Gaz. Pal. 1968, 1,
jurispr. p. 164; Rev. sc. crim. 1968, p. 344. Les juges relèvent que « le journaliste qui fournit à l’auteur d’une
280
par le texte d’imputation pour être punissable, la solution semble, à première vue, semblable à
celle précédemment admise en matière de coaction. Pourtant, il n’en est rien, et les
développements précédents permettent de mieux rendre compte de la différence opposant les
deux modes d’imputation.
335. Distinction avec la complicité. – En effet, dans chacun des exemples cités, il
s’agissait pour le complice d’emprunter une qualité lui faisant défaut à l’auteur principal. Cet
emprunt se justifie ainsi par le fait que le complice est un participant à l’infraction, et que dès
lors qu’il s’associe intentionnellement à autrui, il doit en supporter les conséquences1033
. En
revanche, il n’a jamais été question qu’une qualité présente chez lui supplée son absence chez
l’auteur principal. En d’autres termes, considérer que l’absence de la qualité requise pour la
constitution de l’infraction chez le complice n’empêche pas sa répression dès lors que l’auteur
principal dispose de cette qualité ne signifie nullement que la réciproque soit vraie : le fait que
le complice revête la qualité nécessaire à la constitution de l’infraction ne permettra pas de
pallier l’absence de cette qualité chez l’auteur principal. En effet, aucun fait principal
punissable ne pourra être retenu, et donc aucune complicité ne pourra s’y greffer1034
. Cette
solution est parfaitement en adéquation avec l’idée selon laquelle l’auteur principal, n’est pas,
par définition, un participant à l’infraction. Il ne peut donc emprunter un quelconque élément
à autrui et doit alors réunir lui-même l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction. La
jurisprudence ne s’y est pas trompée puisqu’elle refuse de retenir la responsabilité de l’auteur
d’un transfert de fonds provenant de l’étranger, sans déclaration, en raison de sa nationalité
allemande puisque cette obligation de déclaration ne s’impose qu’aux ressortissants français
et alors même qu’un individu français aurait pu être qualifié de complice à son égard dans la
mesure où il avait facilité ledit transfert1035
. Ainsi, seul le complice peut emprunter à l’auteur
principal, et la réciproque n’est pas vraie. L’auteur principal est le seul à avoir un pouvoir
d’action direct sur l’infraction et son résultat et donc seul à pouvoir transmettre cette
coloration pénale à son complice : la transmission a lieu à sens unique.
violation du secret professionnel (juré) les moyens de révéler au public les faits secrets dont il est dépositaire se
rend complice par fourniture de moyens ». 1033
V. infra n° 84. 1034
V. notamment S. FOURNIER, « Complicité », Rép. pén., Dalloz, 2001, n° 50. 1035
Cass. crim., 25 juin 1998, Dr. pén. 1998, comm. n° 145, obs. J.-H. ROBERT.
281
Or, le mécanisme est nécessairement tout autre en matière de coaction car il implique
une transmission à double sens : chaque coauteur peut transmettre à l’autre la qualité (ou plus
généralement l’élément constitutif) lui faisant défaut. En outre, cette idée peut
paradoxalement justifier d’imputer une infraction à un individu alors même que sa qualité
devrait l’empêcher de se la voir reprocher. Un arrêt du XIXème siècle, et dont les faits
pourraient être repris aujourd’hui, en fait état. En l’espèce, il s’agissait de trois individus qui,
alors qu’ils ne possédaient aucun diplôme en la matière, établissaient des diagnostics et
prescrivaient des remèdes. Or, un officier de santé avalisait ces prescriptions en les
transcrivant sur ses propres ordonnances. Tous furent poursuivis pour exercice illégal de la
médecine, mais une question délicate se posait : la qualité d’officier de santé de l’un des
individus n’empêchait-elle pas de le condamner pour cette infraction ? En première instance,
il fut condamné au titre de la complicité. Mais la Cour d’appel fit valoir que l’infraction
n’étant à l’époque qu’une contravention, sa complicité ne pouvait être réprimée faute de
disposition en ce sens. L’officier de santé fut donc relaxé. Toutefois, la Chambre criminelle de
la Cour de cassation, dans son arrêt du 17 décembre 18591036
, considéra ce dernier non
comme un simple complice mais comme un coauteur de l’infraction en ces termes : « S’il ne
juge, ni ne prescrit… s’il abdique complètement, si sa présence n’est plus qu’un artifice, et
s’il se borne à couvrir de son nom et de sa signature la pratique illégale d’un tiers, il devient
par une participation solidaire le coopérateur de celui-ci et l’un des auteurs de la violation de
la loi ». Comme il l’a été remarqué, en relevant la « participation solidaire » du prévenu à
l’infraction, la Cour de cassation « souligne le caractère indivisible de leur action.
L’infraction commise solidairement était leur œuvre à tous » 1037
. L’idée d’une
communication pénale entre coauteurs est alors prégnante. En effet, non seulement les
relations de réciprocité propres à la définition de la coaction doivent nécessairement se
retrouver s’agissant de son régime, mais les rapports d’égalité unissant les coauteurs
commandent aussi une telle solution. C’est là le particularisme du régime de la coaction :
chaque coauteur apporte à l’infraction et est ainsi susceptible de la faire évoluer1038
, ce qui se
communiquera à l’ensemble des coauteurs. Cette solution, loin d’être cantonnée à l’hypothèse
1036 Bull. n° 281.
1037 D. ALLIX, Essai sur la coaction, préc., n° 124.
1038 D’autant plus que la coaction exige une concomitance : v. supra n° 283 et s.
282
des infractions attitrées, se révèle également particulièrement utile en matière d’infractions
complexes.
§2- Les infractions complexes
336. Les infractions complexes sont dénommées de la sorte en ce qu’elles imposent la
caractérisation d’au moins deux comportements pour leur constitution1039
. Parmi elles peuvent
être distinguées celles qui supposent deux comportements distincts et celles qui nécessitent la
répétition de deux actes identiques. C’est alors distinguer entre les infractions complexes
stricto sensu (A) et les infractions d’habitude (B)1040
.
A- Les infractions complexes stricto sensu
337. L’exemple de l’escroquerie. – Il a précédemment été vu que l’infraction
complexe permettait d’apprécier largement la condition de concomitance et pouvait ainsi
laisser place à la caractérisation d’une coaction1041
. Mais elle permet en outre de mettre son
intérêt répressif en exergue. En effet, dans l’exemple précédemment imaginé où deux
individus corroborent chacun le mensonge de l’autre afin de déterminer leur victime à leur
remettre des fonds1042
, ce n’est que la combinaison des comportements des deux agents qui
permet de retenir l’infraction d’escroquerie : pris isolément, aucun de leur comportement n’est
punissable. En se confortant mutuellement dans leur mensonge, ils témoignent ainsi non
seulement des rapports d’interdépendance les unissant, mais également de la communication
pénale propre à la coaction : chacun emprunte à l’autre une part de crédibilité, c’est-à-dire le
moyen de donner force et crédit à son mensonge. La réciprocité de l’emprunt entre coauteurs,
et donc la communication pénale, est ici frappante. Mais ce mécanisme pourrait se révéler
utile pour d’autres infractions complexes.
1039 V. supra n° 287.
1040 Sur cette distinction, v. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 237, qui met en parallèle
infraction d’habitude et infraction complexe « proprement dite ». 1041
Ibid. 1042
Ibid.
283
338. Application aux appels téléphoniques malveillants et au harcèlement moral. –
Ainsi, l’infraction relative aux appels téléphoniques malveillants prévue par l’article 222-16
du Code pénal exige que ceux-ci soient destinés à troubler la tranquillité d’autrui, mais surtout
réitérés1043
. Si l’on considère que deux appels suffisent à remplir la condition de
réitération1044
, il est alors possible de caractériser l’existence de coauteurs dans l’hypothèse où
un individu, désirant nuire à autrui, passe un tel appel, et s’entend avec un autre pour qu’il en
fasse de même, dans le même but. Certes, dans une telle hypothèse, chacun d’entre eux n’aura
passé qu’un appel malveillant et la condition de réitération pourrait alors faire défaut.
Cependant, en raison de l’entente unissant les protagonistes, les deux comportements peuvent
être réduits à l’unité et une infraction unique, collective, se fait alors jour. Partant, il est
possible de raisonner sur l’ensemble des appels téléphoniques, et de considérer ainsi que
chaque coauteur emprunte à son coparticipant le second appel téléphonique malveillant. Les
deux individus pourront ainsi se voir imputer le délit d’appels téléphoniques malveillants bien
qu’ils n’aient chacun passé qu’un unique appel.
Un raisonnement parfaitement identique pourrait également être tenu en matière de
harcèlement moral. Cette infraction exige en effet des agissements répétés pour être
constituée1045
. Si la répétition devrait théoriquement se suffire de deux actes, il est vrai qu’une
telle hypothèse est rare en pratique : généralement, le harcèlement moral s’entend d’une
succession d’actes répétés1046
. Dès lors, en se fondant sur la communication pénale entre
coauteurs, il serait possible d’imaginer qu’un individu ayant émis par deux fois des reproches
injustifiés à un salarié, actes à eux seuls difficilement qualifiables de harcèlement moral, soit
qualifié de coauteur de l’individu qui aurait, par exemple, affecté régulièrement la victime à
des tâches pour lesquelles elle est surqualifiée, sous réserve que les conditions relatives à la
caractérisation d’une coaction soient remplies. Certes, une telle solution élargit
considérablement le champ d’application de la coaction au détriment de celui de la
1043 L’article 222-16 est en effet rédigé de la sorte : « Les appels téléphoniques malveillants réitérés ou les
agressions sonores en vue de troubler la tranquillité d'autrui, sont punis d'un an d'emprisonnement et de 15000
euros d'amende ». 1044
E. DREYER, Droit pénal spécial, Ellipses, coll. Cours magistral, 2ème
éd., 2012, n° 473 ; V. MALABAT, Droit
pénal spécial, préc., n° 443. 1045
L’article 222-33-2 du Code pénal dispose en effet que « Le fait de harceler autrui par des agissements
répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à
ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel,
est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ». 1046
P. MISTRETTA, « Harcèlement », Rép. pén., Dalloz, 2007, n° 50.
284
complicité. Ce dernier apparaît ainsi résiduel dans la mesure où seules les hypothèses
d’absence d’entente entre participants et de fourniture d’instructions peuvent s’y retrouver1047
,
les cas de fourniture de moyens étant difficilement envisageables pour cette infraction1048
.
Cependant, même sans retenir une telle conception de la coaction, les cas de complicité de
harcèlement moral sont déjà particulièrement rares, ce dont témoigne le silence de la doctrine
comme de la jurisprudence en la matière.
Ainsi, ces quelques exemples mettent en lumière l’intérêt répressif de la coaction dès
lors qu’elle est conçue comme un mode de participation à sa propre infraction1049
. Mais ils
laissent également entrevoir l’intérêt qu’elle pourrait représenter s’agissant des infractions
d’habitude tant l’exigence d’actes répétés peut faire penser à ce dernier type d’infraction.
B- Les infractions d’habitude
339. Définition. – Les infractions d’habitude s’apparentent à des infractions complexes
en ce qu’elles exigent au moins deux actes matériels pour être constituées1050
. Elles en sont
d’ailleurs une forme particulière dans la mesure où elles supposent une condition
supplémentaire : l’acte répété doit être identique1051
. Par exemple, le fait de célébrer un
mariage religieux avant un mariage civil est réprimé lorsqu’il est commis « de manière
1047 Ce sera par exemple le cas d’un individu qui donne des renseignements personnels précis sur la victime à
l’auteur principal afin de l’aider à mener à bien son travail de sape. 1048
Il serait également possible d’imaginer une complicité par abstention de la part des collègues qui se taisent
face à cette situation. Cependant, cette qualification ne devrait pas être retenue dès lors que leur silence ne
démontre aucune adhésion ni aucun encouragement moral à l’infraction : v. supra n° 210. 1049
La solution peut du reste être rapprochée de celle évoquée par VON LISZT, Lehrbuch des Deutschen
Strafrechts, Trad. Franç., t. I, § 50, selon qui « dans les crimes dits composés, est co-auteur qui a commis même
un seul des actes d’exécution composant le crime ». 1050
V. supra n° 288. 1051
Il est vrai que la qualification du harcèlement moral précédemment étudiée, de ce point de vue, a été débattue
en doctrine. Certains auteurs considèrent ainsi qu’il est une infraction d’habitude exigeant « au moins le
renouvellement d’un acte identique au premier » (P. MISTRETTA, « Harcèlement », Rép. pén., préc., n° 48. V.
également les auteurs cités et notamment J. PRADEL et M. DANTI-JUAN, Droit pénal spécial, Cujas, 5ème
éd.,
2010, n° 454) alors que d’autres l’admettent en cas de conjonction d’actes de nature différente (V. notamment R.
OLLARD et F. ROUSSEAU, Droit pénal spécial, Bréal, 2011, p. 187). Cependant, sans réfuter l’existence de
l’infraction en cas de répétition d’actes identiques, il semble que la lecture du texte puisse permettre de retenir la
seconde solution (V. MALABAT, A la recherche du sens du droit pénal du harcèlement, Dr. soc. 2003, p. 493, n°
14) et donc de qualifier le harcèlement moral d’infraction complexe au sens strict.
285
habituelle »1052
. De même, de nombreuses infractions visant à protéger l’exercice d’une
profession exigent que l’acte incriminé soit répété pour être constituées1053
.
340. Exigence classique de la répétition de l’acte chez chaque coauteur. – En vertu
de la conception classique de la coaction, la répétition de l’acte incriminé devrait être
caractérisée sur la tête de chaque coauteur afin de pouvoir lui imputer une telle infraction.
Ainsi, pour que des individus soient par exemple déclarés coauteurs de l’infraction d’exercice
illégal de la profession de médecin, il faudrait constater que chacun d’entre eux a réalisé au
moins deux fois une consultation médicale1054
. Au XIXème siècle, la jurisprudence exigeait
ainsi que l’habitude soit caractérisée chez chacun des coauteurs pour retenir une telle
infraction1055
.
341. Punissabilité du complice en cas de réalisation d’un seul acte d’assistance. –
S’agissant du complice, la jurisprudence a fluctué au cours du XIXème siècle. Elle a d’abord
considéré qu’il devait s’être associé à chacun des actes pour être qualifié comme tel1056
, avant
de revenir sur sa position et d’énoncer que « l’habitude nécessaire pour caractériser le délit
d’excitation à la débauche n’est pas exigée par l’article 60 pour constituer la complicité et
que lorsque le délit est légalement caractérisé à l’égard du proxénète, le séducteur qui a
provoqué, même par une seule remise d’argent, l’intervention du tiers, peut et doit être
déclaré complice »1057
. Enfin, toujours en matière d’excitation habituelle de mineurs à la
débauche1058
, elle a établi que « si l’habitude de l’excitation est nécessaire […] pour
constituer la culpabilité de l’auteur principal, elle n’est pas moins nécessaire pour constituer
celle de l’individu prévenu de s’être rendu son complice »1059
, ce que la doctrine semblait
1052 C. pén., art. 433-21.
1053 V. notamment l’exercice illégal de la profession de médecin (C. santé pub., art. L. 4161-1 1°) ou encore
l’exercice illégal de la profession de banquier (C. mon. fin., art. L. 511-5 al. 1). 1054
Sur l’exigence de deux actes en matière d’infractions d’habitude, v. C. CLAVERIE-ROUSSET, L’habitude en
droit pénal, thèse Bordeaux IV , 2011. 1055
V. Cass. crim., 8 juil. 1897, D. 1897, 1, p. 623 ; 17 mai 1851, D. 1851, 1, p. 303. 1056
Cass. crim., 28 avr. 1842, S. 1842, 1, p. 504. 1057
Cass. crim., 10 nov. 1860, Bull. n° 231. 1058
Alors réprimée par l’article 334 du Code pénal. 1059
Cass. crim., 20 août 1875, Bull. n° 275.
286
approuver1060
. Cependant, au milieu du XXème siècle, la Cour de cassation a une nouvelle
fois modifié sa position et a retenu la complicité d’une infraction d’habitude bien que ledit
complice n’ait apporté son aide qu’à l’un seulement des faits constitutifs de l’infraction
d’habitude1061
. La solution est aujourd’hui établie et la Chambre criminelle n’hésite pas à
énoncer, sous des allures de motif de principe, que « pour être punissable, la complicité d’une
infraction d’habitude n’exige pas l’aide ou l’assistance du prévenu à au moins deux actes de
l’infraction principale »1062
.
Cette position se comprend aisément dès lors que la complicité est conçue comme un
mode de participation à l’infraction, et la doctrine l’approuve aujourd’hui largement1063
. En
effet, si le complice emprunte sa criminalité à l’auteur principal, cela signifie, a contrario,
qu’il n’a pas nécessairement à avoir une criminalité propre, et donc qu’il n’a pas à commettre
lui-même des actes répétés pour être qualifié de complice d’une infraction d’habitude. En
réalité, la justification est la même que celle donnée s’agissant de la question relative à
l’exigence ou non de la qualité constitutive de l’infraction chez ce participant1064
, et impose
donc des solutions similaires.
342. Proposition : admission de la commission d’un seul acte par le coauteur. –
Mises en parallèle, ces deux solutions relatives à la coaction et à la complicité ont pour
principal défaut de réserver un sort plus favorable au coauteur qu’au complice, ce que la
doctrine ne manque pas de relever1065
. Pourtant, il n’en serait rien si l’on admettait que la
coaction s’entend également d’un mode de participation à l’infraction. En effet, là encore, le
coauteur pourrait alors emprunter à son coparticipant l’acte faisant défaut à la caractérisation
de l’infraction sur sa tête. Ainsi, si un individu participe par un fait unique à une infraction
1060 E. GARCON, Code pénal annoté, nouvelle édition refondue et mise à jour par MM. Rousselet, Patin et Ancel,
t. 1, Sirey, 1952, art. 60, n° 85, p. 160, col. 1, énonçait ainsi que « dans les délits d’habitude, la loi ne punissant
pas un fait isolé, celui qui n’a coopéré qu’à un seul fait, ne peut être considéré comme complice ». 1061
Cass. crim., 29 janv. 1965, D. 1965, jurispr. p. 288, note R. COMBALDIEU ; Rev. sc. crim. 1965, p. 655, n° 2,
obs. L. HUGUENEY ; M. PUECH, Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle, Cujas, 1976, p. 326. 1062
Cass. crim., 19 mars 2008, pourvoi n° 07-85.054, JurisData n° 2008-043610, Dr. pén. 2008, comm. 89, par
J.-H. ROBERT ; D. 2008, p. 1665, note J. LASSERRE-CAPDEVILLE ; Rev. dr. banc. fin. 2008, comm. 129, note F.
CREDOT et T. SAMIN. V. également la même solution, mais qui ne rappelle pas le principe énoncé : Cass. crim.,
23 mars 2011, n° de pourvoi n° 10-84.314. 1063
En outre, comme le montre C. CLAVERIE, L’habitude en droit pénal, préc., n° 353, la solution témoigne
également de l’ « unité juridique de l’habitude ». Cette dernière forme en effet un ensemble indivisible qui
nécessite, pour y participer, d’avoir pris part à un des éléments de l’ensemble. 1064
V. supra n° 329 et s. 1065
V. notamment J. LASSERRE-CAPDEVILLE, note sous Cass. crim., 19 mars 2008, préc., D. 2008, p. 1665, n° 1.
287
d’habitude tout en pouvant être qualifié de coauteur au regard des conditions précédemment
établies1066
, l’absence de répétition de son acte ne devrait pas empêcher de le réprimer en tant
que coauteur de l’infraction ainsi commise1067
. En effet, la réalisation d’un acte unique
pourrait être considérée comme le commencement d’exécution de l’infraction d’habitude
collective. Imaginons par exemple qu’un individu A participe à établir un diagnostic avec un
autre, B, coutumier d’une telle pratique, alors qu’aucun d’entre eux ne revêt le titre de
médecin. Sous réserve de respecter les conditions relatives à l’élément psychologique de
l’infraction, A pourra alors être qualifié de coauteur de l’infraction d’exercice illégal de la
profession de médecin puisqu’il emprunte la répétition de l’acte à B. Plus encore, il emprunte
en réalité le second acte à B, second acte constitutif de l’habitude. Dès lors, il est envisageable
d’aller plus loin : si A et B s’entendent pour réaliser l’infraction d’exercice illégal de la
médecine, et que chacun commet un seul acte médical, l’infraction pourrait leur être
reprochée au titre de la coaction. En effet, chacun a commis le commencement d’exécution de
l’infraction collective et peut ainsi emprunter un élément constitutif de l’infraction
consommée à son coauteur.
343. Distinction de la complicité. – La sévérité de la caractérisation d’une coaction par
rapport à l’action est ici particulièrement vive : elle permet d’imputer une infraction à des
individus au titre de la coaction alors qu’elle ne pourrait l’être au titre de l’action. Mais la
solution est également distincte de celle retenue en matière de complicité. En effet, à nouveau,
la communication pénale propre à la coaction justifie l’inutilité de caractériser la réitération de
l’acte ne serait-ce que chez un des coauteurs. En revanche, faute de communication pénale à
double sens entre le complice et l’auteur principal, seul le premier peut emprunter un élément
au second. La réciproque n’est absolument pas vraie : l’habitude constatée chez le complice
de participer à de telles infractions ne peut permettre de punir l’auteur principal qui n’aurait
commis que le premier acte nécessaire à l’habitude1068
. L’auteur principal devra donc avoir
réalisé l’habitude en sa personne pour que le complice puisse la lui emprunter. Or, la coaction
n’impose même pas une telle exigence : la communication pénale entre coauteurs permet de
1066 C’est-à-dire l’entente, la participation déterminante au résultat de l’infraction collective ainsi que la
participation autonome au comportement infractionnel collectif : v. supra n° 97 et s., n° 230 et n° 235 et s. 1067
Contra C. CLAVERIE-ROUSSET, L’habitude en droit pénal, préc., n° 344. 1068
S. FOURNIER, « Complicité », préc., n° 51.
288
ne pas avoir à caractériser l’habitude en la personne de chaque coauteur dès lors qu’elle peut
être constatée de façon collective.
344. Bilan. – La communication des éléments constitutifs de l’infraction entre
coauteurs, en plus d’être justifiée par l’interdépendance les unissant, a le mérite de ne pas leur
réserver un sort plus favorable qu’aux complices, critique souvent formulée lorsqu’on exige la
réunion des éléments constitutifs sur la tête de chaque coauteur1069
. Reste alors à apprécier si
ce constat se vérifie s’agissant de la communication des circonstances aggravantes de
l’infraction collective.
1069 V. notamment M. DALLOZ, « Circonstances aggravantes », Rép. pén., préc., n° 76.
289
Section 2- La communication des circonstances aggravantes de l’infraction
collective
345. Rejet de l’analyse classique des rapports entre coaction et circonstances
aggravantes. – Lorsque l’on raisonne selon la conception classique de la coaction qui exige
que chacun des coauteurs réunisse l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction sur sa
tête, la question des circonstances aggravantes devrait répondre à la même logique : pour
pouvoir imputer une circonstance aggravante à un coauteur, il faudrait pouvoir constater son
existence en sa personne. En ce sens, certains auteurs prônent l’indépendance des coactions,
imposant que chaque coauteur soit « jugé en fonction de son comportement propre, sans
considération pour celui des autres »1070
. Partant, la circonstance aggravante qui serait
caractérisée à l’encontre d’un coauteur ne peut être étendue à celui pour lequel elle n’est pas
constituée, et ce quelle que soit la nature de la circonstance aggravante1071
.
Cependant, il a été démontré que la coaction est loin de postuler une indépendance
entre coauteurs. Une telle considération procède en réalité d’une confusion entre les notions
d’auteur et de coauteur et ne donne aucune autonomie à la coaction. Au contraire, ce titre
d’imputation se caractérise par l’interdépendance unissant les coauteurs et s’analyse comme
un mode de participation à part entière1072
. Dès lors, ce dernier constat autorise à imaginer que
le coauteur puisse emprunter certains éléments à son coparticipant, et la communication des
circonstances aggravantes de l’infraction entre coauteurs est alors envisageable. Pour autant, il
n’est pas certain que cette communication, bien que possible, soit souhaitable quelles qu’en
soient les conditions. La communication pénale devra alors être encadrée. Certes, il pourrait
sembler surprenant d’étudier les conditions de la communication des circonstances
aggravantes de l’infraction collective entre coauteurs dans la mesure où un tel encadrement
n’a pas formellement eu lieu s’agissant de la communication des éléments constitutifs de
1070 C. DE JACOBET DE NOMBEL, Essai d’une théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 566. V.
également PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 403. 1071
C. DE JACOBET DE NOMBEL, Essai d’une théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 566 et s.
Sur la possibilité de distinguer les solutions en fonction de la nature de la circonstance aggravante, v. infra n°
354 et s. 1072
Sur ces différents éléments, v. supra Partie 1.
290
l’infraction collective. Cependant, il convient de noter que les deux situations se distinguent
nettement dès lors que l’on refuse de faire de la circonstance aggravante un élément
constitutif de l’infraction collective1073
. En effet, lorsque l’on raisonne sur la communication
des éléments constitutifs de l’infraction collective, une entente a déjà été caractérisée entre les
coauteurs, justifiant en partie la qualification de coaction1074
et donc la communication pénale.
Plus qu’une condition de la communication, l’entente en justifie pour partie l’existence et
l’encadre par là-même. En revanche, les circonstances aggravantes sont extérieures à
l’infraction collective. Partant, la caractérisation d’une coaction, qui exige simplement une
entente sur l’infraction collective, n’implique pas, a priori, qu’une telle entente ait eu lieu sur
ces circonstances aggravantes : il n’y a donc pas d’encadrement a priori de la communication.
Il paraît ainsi nécessaire de s’interroger sur ces conditions de la communication, étant entendu
que leur nature n’est alors pas cantonnée à l’entente.
Ainsi, si le principe d’une communication pénale des circonstances aggravantes de
l’infraction entre coauteurs peut être admis (§1), encore faut-il qu’il réponde à certaines
conditions (§2).
§1- Le principe de communication pénale entre coauteurs
346. L’affirmation selon laquelle la communication des circonstances aggravantes de
l’infraction collective est envisageable peut être étayée par le fait que la complicité, autre
mode de participation à l’infraction, permet également de concevoir une transmission des
circonstances aggravantes entre auteur principal et complice1075
. Pourtant, à l’instar de ce qui
a été écrit à propos des éléments constitutifs de l’infraction, la communication des
circonstances aggravantes entre coauteurs devrait se distinguer, dans son principe même, de
leur transmission entre auteur principal et complice, et assurer ainsi une véritable autonomie
au régime de la coaction. Il faut donc s’intéresser au mécanisme de communication des
1073 V. infra n° 348.
1074 En partie seulement, car la coaction exige la réunion d’autres conditions : en particulier la participation
déterminante au résultat de l’infraction collective ainsi que la participation autonome au comportement
infractionnel collectif (v. supra n° 230 et n° 235 et s.). 1075
V. infra n° 350.
291
circonstances aggravantes entre coauteurs (A) avant de démontrer en quoi elle se distingue de
la complicité (B).
A- Le mécanisme de la communication
347. La circonstance aggravante en tant qu’élément constitutif de l’infraction
aggravée. – Considérer la circonstance aggravante comme un élément constitutif à part
entière de l’infraction permet d’envisager une communication de celle-ci entre coauteurs. En
effet, traditionnellement, la circonstance aggravante est considérée comme distincte des
éléments constitutifs de l’infraction, ce que le législateur semble confirmer en exigeant qu’elle
fasse l’objet d’une question séparée1076
. Elle ne jouerait ainsi que sur la sanction des
individus1077
. Cependant, certains auteurs ont montré qu’elle pouvait être perçue comme
« l’élément d’une nouvelle infraction, […], l’infraction aggravée »1078
. Or, dès lors qu’il a été
admis que les coauteurs pouvaient se communiquer les éléments constitutifs de l’infraction,
cette théorie devrait conduire à considérer qu’en tant qu’élément constitutif de l’infraction
aggravée, la circonstance aggravante devrait également pouvoir se communiquer entre
coauteurs.
348. Inapplicabilité à la coaction. – Toutefois, faire de la circonstance aggravante
l’élément d’une nouvelle infraction conduit nécessairement à modifier les éléments de
l’infraction simple, et donc son acte et son résultat, voire son élément psychologique (en lui
adjoignant un dol spécial par exemple). Or l’entente sur l’acte ou le résultat infractionnel étant
le fondement de la coaction, il faudrait alors qu’elle porte sur un nouvel acte ou sur un
nouveau résultat pour que ce titre d’imputation soit caractérisé. Par exemple, le vol simple
suppose un acte de soustraction et le fait que la chose ait été soustraite comme résultat de
l’infraction. Mais cette infraction est aggravée notamment lorsqu’elle est précédée,
1076 C. pr. pén., art. 349.
1077 V. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 889 et s. ; PH. CONTE et P.
MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 503 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel –
Droit pénal général, préc., n° 823 et s. ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 714 et s. ; J. PRADEL, Droit
pénal général, préc., n° 679. 1078
C. DE JACOBET DE NOMBEL, Essai d’une théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 24. Dans
le même sens, v. notamment M. DALLOZ, Les circonstances aggravantes légales en droit criminel français, thèse
Nice, 2001, n° 48.
292
accompagnée ou suivie de violences sur autrui1079
. L’infraction exige alors, outre l’acte de
soustraction, un acte de violence, ainsi qu’une incapacité totale de travail déterminée1080
en
supplément du fait que la chose ait été soustraite.
Caractériser une entente aussi précise se révèle alors particulièrement délicat : si
déterminer une entente sur la soustraction est envisageable, il est nécessairement plus difficile
d’en caractériser une portant sur une soustraction accompagnée de violences ayant entraîné
une incapacité totale de travail déterminée. Outre sa difficulté de mise en œuvre, cette
conception réduirait considérablement le champ d’application de la coaction : faute de
pouvoir constater une entente sur l’infraction aggravée et non plus simple, aucune coaction ne
pourrait être relevée en cas d’infraction réalisée avec une circonstance aggravante. La
coaction serait ainsi souvent cantonnée aux infractions simples.
349. Fondement classique de la communication et comparaison avec la
complicité. – Pourtant, si une telle conception se révèle difficilement praticable une fois
appliquée à la coaction, cela ne signifie pas pour autant que toute communication des
circonstances aggravantes entre coauteurs est impossible. Il faut simplement l’expliquer par
un autre fondement. D’ailleurs, la transmission de certaines circonstances aggravantes de
l’auteur vers le complice a toujours été admise, sous réserve de certaines conditions, en se
fondant sur l’emprunt de criminalité. La conception traditionnelle des circonstances
aggravantes peut donc laisser place à leur transmission. Or, en considérant que la circonstance
aggravante est indépendante de l’infraction simple, l’emprunt de la circonstance aggravante
reste envisageable, toujours en raison de l’interdépendance entre coauteurs, et de leur pouvoir
d’action déterminant sur l’infraction. Cependant, de même que s’agissant des éléments
constitutifs de l’infraction, la transmission des circonstances aggravantes entre coauteurs doit
se distinguer de celle entre auteur principal et complice.
1079 C. pén., art. 311-4, 311-5, 311-6 et 311-7.
1080 Selon que l’on raisonne sur l’article 311-4, 311-5, 311-6 ou 311-7 du Code pénal.
293
B- La distinction avec la complicité
350. Communication à sens unique chez le complice. – Comme il l’a été montré
quant aux éléments constitutifs de l’infraction, la communication en matière de complicité ne
doit avoir lieu qu’à sens unique : seul l’auteur principal peut transmettre certaines
circonstances au complice. La proposition ne peut absolument pas être renversée. En effet, les
circonstances aggravantes réelles et mixtes1081
présentes chez l’auteur principal affectent
l’infraction que le complice emprunte. Ainsi, d’une part, le complice pourra se voir reprocher
ces circonstances aggravantes. Par exemple, l’usage d’une arme lors d’un vol devrait pouvoir
être imputé au complice dans la mesure où le fait sur lequel se greffe la complicité est alors un
fait de vol avec arme. De même, la circonstance relative à la qualité de l’auteur pourrait être
reprochée au complice, même s’il ne la caractérise pas lui-même1082
. La jurisprudence
traditionnelle1083
, comme plus récente1084
, est du reste en ce sens.
En revanche, et d’autre part, la réciproque ne devrait pas se vérifier : présentes
simplement chez le complice, ces circonstances ne colorent en aucun cas l’infraction et ne
peuvent donc être étendues à l’auteur principal, en aurait-il connaissance1085
. Ainsi, le fils qui
fournit une arme à autrui afin que ce dernier tue son père ne peut transmettre la circonstance
d’ascendance à l’auteur principal qui ne la caractérise pas. La solution a ainsi pu surprendre,
qui veut que le fils aidant à tuer son père encoure une peine moins sévère que celui qui aide
un fils à tuer son père. Elle n’était cependant pas discutée sous l’ancien Code pénal dans la
mesure où ce dernier consacrait l’emprunt de pénalité, mais avait conduit, en vertu de
considérations criminologiques et morales, à utiliser les théories contestables de la coactivité
et de la complicité corespectives1086
. Avec l’avènement du nouveau Code pénal, elle a été
remise en cause par une partie de la doctrine considérant que l’article 121-6 du Code pénal, en
disposant que le complice sera puni « comme auteur » et non « comme l’auteur », permettait
1081 Sur ces notions, v. infra n° 354 et s.
1082 En ce sens, v. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 563.
1083 V. notamment, Cass. crim., 25 oct. 1811, Bull. n° 141; 11 mai 1866, S. 1867, 1, 143 ; 23 avr. 1959, D. 1959,
jurispr. p. 338 ; 4 sept. 1976, Bull. n° 272 ; 2 févr. 1194, Bull. n° 50. 1084
Cass. crim., 7 sept. 2005, Bull. n° 219 ; D. 2006, Jur., p. 835, note E. DREYER. Cette décision a ainsi
expressément posé que « sont applicables au complice les circonstances liées à la qualité de l’auteur
principal ». 1085
Sur l’exigence de connaissance de la circonstance aggravante chez le complice : v. infra n° 366. Il faut en
outre remarquer que la simple connaissance de la circonstance n’implique pas nécessairement une entente à son
sujet, d’autant plus que l’auteur principal peut ignorer la participation du complice (v. supra n° 93 et s.). 1086
V. supra n° 9. V. également, sur la complicité corespective, supra n° 133.
294
d’appliquer au complice la circonstance mixte qui aurait sa source en sa propre personne et
non en celle de l’auteur principal (la circonstance d’ascendance en l’espèce)1087
. Néanmoins,
si surprenante soit-elle au regard de considérations morales, la solution traditionnelle doit
prévaloir1088
eu égard aux règles gouvernant la participation à l’infraction1089
: parce que le
complice est un participant à l’infraction d’autrui, il ne peut qu’emprunter les circonstances
colorant cette infraction, et sa répression doit en dépendre. Cette dernière ne peut être
parfaitement autonome, dénuée de référence à la répression de l’infraction principale, sous
peine de nier toute idée de participation. En outre, la solution traditionnelle permet d’assurer
une cohérence avec celles retenues en matière de communication d’une qualité élément
constitutif de l’infraction1090
. Enfin, il ne faut pas oublier que la peine encourue n’est pas la
peine effectivement prononcée et que l’individualisation de la sanction pourra permettre de
moduler les solutions.
351. Communication à double sens chez le coauteur. – En revanche, en matière de
coaction, la communication des circonstances aggravantes doit s’effectuer à double sens,
puisque chaque coauteur nourrit l’infraction. Cette réciprocité dans la communication des
circonstances aggravantes, justifiée ainsi par le fait que chaque coauteur a un pouvoir d’action
sur la réalisation de l’infraction, apparaît en outre comme le pendant de l’interdépendance
entre coauteurs au stade de leur caractérisation. Comme le montre un auteur, « l’infraction
principale étant collective, tout coauteur peut faire évoluer la qualification globale des faits
Au contraire, le complice, lui, ne participe nullement à l’élaboration de cette qualification et
se contente de l’emprunter » 1091
. La distinction entre complices et coauteurs est alors patente.
En réalité, il est possible de considérer que seuls les coauteurs peuvent se voir appliquer une
véritable communication, impliquant une idée de réciprocité de la transmission des
circonstances aggravantes, alors qu’il serait préférable de parler de simple transmission des
1087 V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 367 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc.,
n° 390, p. 415. 1088
En ce sens, v. PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 425 ; M.-L. RASSAT,
Droit pénal général, préc., n° 371 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 361. 1089
V. également F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 564-2, selon qui « d’une part,
toutes les aggravations de peine encourues par l’auteur se communiquent au complice et, à l’inverse, les causes
d’aggravation propres au complice ne peuvent être prises en compte. Il serait arbitraire d’appliquer une
proposition sans l’autre ». 1090
En effet, lorsque la qualité de l’auteur est un élément constitutif de l’infraction, la Cour de cassation
condamne le complice alors même qu’il ne revêtirait pas la qualité exigée : v. supra n° 334. 1091
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 249.
295
circonstances entre l’auteur principal et le complice, terme évoquant pour sa part l’idée
d’absence de réciprocité.
Quoi qu’il en soit, si le principe d’une communication pénale des circonstances
aggravantes de l’infraction collective est admis, cela ne signifie pas pour autant que cette
communication devra nécessairement avoir lieu. Il faut alors étudier les conditions dans
lesquelles ces éléments seront communicables entre coauteurs.
§2- Les conditions de la communication pénale entre coauteurs
352. Différents critères encadrant la communication pénale des circonstances
aggravantes sont envisageables (A), mais un seul peut être retenu (B).
A- Les critères envisageables
353. En matière de circonstances aggravantes, doctrine et jurisprudence distinguent
traditionnellement entre circonstances réelles et personnelles. L’étude de cette distinction en
tant que critère de communication entre coauteurs pourrait se révéler utile tant elle pourrait
justifier que le coauteur emprunte à son coparticipant certaines circonstances plutôt que
d’autres (1). Cependant, au regard de la notion de coaction précédemment établie, ce critère
souffre de certaines lacunes. Ainsi, il peut laisser place à une nouvelle proposition afin de
distinguer les circonstances communicables de celles qui ne le seraient pas, proposition
fondée sur l’étendue de l’entente entre coauteurs (2).
1- La distinction entre circonstances réelles et personnelles
354. Non-communication des circonstances personnelles. – La jurisprudence
distingue traditionnellement les circonstances « morales et personnelles » des circonstances
« matérielles » ou « réelles ». Les premières tiennent à la personne de l’agent, et ne
s’appliquent qu’au coauteur les revêtant. A cet égard, elles doivent faire l’objet d’une question
296
distincte à l’égard de chaque coauteur en cour d’assises1092
. Il s’agit par exemple de la
circonstance de récidive, parfois qualifiée par la doctrine de circonstance « purement
personnelle »1093
.
Les auteurs approuvent généralement la solution1094
, d’autant plus qu’il a été observé
que ces circonstances affectent la responsabilité de l’agent, non l’infraction1095
. En retenant
cette dernière conception, il est logique que les conditions relatives à la responsabilité des
agents leur demeurent personnelles alors que celles relatives à l’infraction, parce qu’elle leur
est commune, puissent leur être étendues.
355. Communication des circonstances réelles. – Quant aux circonstances réelles ou
matérielles, elles tiennent aux faits entourant la commission de l’infraction simple1096
, et
s’étendent à tous, même ceux ne les ayant pas personnellement réalisées. S’agissant de ces
dernières, la Chambre criminelle dispose en effet qu’ « [elles] ne peuvent exister à l’égard de
l’un des auteurs sans exister à l’égard de l’autre »1097
. Dès lors, une fois relevées, elles
s’appliquent à tous les coauteurs, y compris ceux à l’égard desquels elles ne sont pas
personnellement caractérisées. Par exemple, la circonstance de port d’arme sera retenue à
l’encontre de tous les coauteurs d’un vol, y compris à l’encontre de celui n’ayant pas détenu
cette arme1098
, de même que la circonstance d’escalade1099
. Dès lors, une question unique,
commune à l’ensemble des coauteurs, peut être posée en cour d’assises à l’égard de ces
circonstances1100
.
356. Difficultés de mise en œuvre : les circonstances mixtes. – Cependant, cette
distinction est délicate à mettre en œuvre. Effectivement, la doctrine a mis en avant
1092 Cass. crim., 5 mars 1981, Bull. n° 83 ; 14 avr. 1999, D. 1999, somm. p. 323.
1093 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 5443 ; A. DECOCQ, Droit
pénal général, préc., p. 243 et 244 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 104. 1094
V. notamment C. JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 564. 1095
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 249. 1096
Elles sont « inhérentes au fait même qui est un » : Cass. crim., 2 avr. 1898, Bull. n° 144 ; 8 mars 1972, Bull.
n° 89 ; 5 janv. 1973, Bull. n° 8 ; 15 nov. 1989, Bull. n° 421 ; 28 oct. 1992, Bull. n° 347. 1097
Cass. crim., 2 avr. 1898, préc. ; 22 déc. 1905, Bull. n° 570. 1098
Cass. crim., 4 janv. 1985, Bull. n° 9. Le motif de la Cour de cassation est d’ailleurs éloquent puisqu’elle y
considère que « la circonstance aggravante prévue par le second alinéa de l’article 384 du Code pénal est réelle
et inhérente au vol, et […] il suffit, pour qu’elle soit caractérisée qu’un seul des coauteurs de la soustraction
frauduleuse, ne fut-il pas l’un des accusés, ait été porteur d’une arme au moment de l’action ». 1099
Cass. crim., 26 mars 1957, Bull. n° 288. 1100
Cass. crim.,11 janv. 1917, Bull. n° 7 ; 12 mars 1968, Bull. n° 83.
297
l’existence d’une troisième catégorie de circonstances aggravantes, à mi-chemin entre les
circonstances personnelles et les circonstances réelles : les circonstances mixtes. Trouvant
leur source dans la personnalité de l’agent, elles affectent cependant l’infraction. Il s’agit par
exemple de la préméditation ou de la qualité d’ascendant. Cette catégorie de circonstances
aggravantes suscite deux difficultés principales.
En premier lieu, s’agissant des participants à l’infraction, la jurisprudence refuse
d’étendre au coauteur qui ne la revêtirait pas une telle circonstance, alors même que son
coparticipant en ferait état1101
, calquant ainsi son régime sur celui des circonstances
personnelles. En revanche, en matière de complicité, la jurisprudence applique généralement
le régime des circonstances réelles aux circonstances mixtes. Ainsi, sont par exemple
communiquées au complice la circonstance de préméditation1102
et celles tenant à une qualité
particulière de l’auteur1103
. La doctrine justifie généralement cette solution par l’emprunt de
criminalité : le complice empruntant la criminalité de l’auteur principal, tous les éléments qui
affectent l’infraction doivent lui être étendus. Toutefois, dans la mesure où complicité et
coaction sont toutes deux des modes de participation à l’infraction, une telle différence de
traitement ne se justifie pas, tout du moins s’agissant de la question de l’emprunt.
Effectivement, le caractère participatif de la coaction autorise également un tel emprunt et
devrait donc conduire à appliquer le régime des circonstances réelles aux circonstances mixtes
en matière de coaction également. Du reste, certains auteurs considèrent que ces
circonstances, parce qu’elles affectent l’infraction, doivent nécessairement pouvoir être
étendues à l’ensemble des coauteurs, y compris à ceux ne les caractérisant pas1104
. Une telle
solution permet enfin d’éviter l’utilisation particulièrement inopportune de la théorie de la
complicité corespective1105
. En effet, celle-ci est développée par la jurisprudence dans un but
répressif, afin d’éviter que la situation du coauteur ne soit plus favorable que celle du
complice : par exemple, si des individus commettent des violences sur une personne dont l’un
1101 V. notamment, s’agissant de la préméditation : Cass. crim., 3 janv. 1959, Bull. n° 16 ; 30 oct. 1996, Bull. n°
384, D. 1996, somm. 147, obs. J. PRADEL; 14 avr. 1999, pourvoi n° 98-84.081, D. 1999, somm. 323, obs. J.
PRADEL. V. encore, s’agissant de ses liens avec la victime : Cass. crim., 28 oct. 1975, Bull. n° 227. 1102
Cass. crim., 30 mai 1879, S. 1880, 1, p. 481 ; 5 juin 1956, Bull. n° 427 ; 2 fév. 1994, Bull. n° 50 ; 11 oct.
2000, JurisData n° 2000-006700. 1103
Cass. crim., 15 juin 1860, S. 1860, 1, p. 600. 1104
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 249. Il faut cependant remarquer que
l’auteur justifie cette solution en considérant que la circonstance mixte devient alors un élément constitutif de
l’infraction aggravée, ce que nous avons rejeté. 1105
V. supra n° 143 et s.
298
des agresseurs est le conjoint, la jurisprudence classique devrait conduire à ne reprocher la
circonstance tenant à la qualité de conjoint de la victime qu’au coauteur la caractérisant. Les
juges retiennent donc généralement que tous les agresseurs sont complices les uns des autres
afin de pouvoir leur imputer à chacun cette circonstance. Mais si l’on considère que les
circonstances mixtes peuvent être reprochées à l’ensemble des coauteurs, la situation de ces
derniers ne sera pas plus enviable que celle des complices et ne nécessitera donc pas le
recours à cette théorie.
En second lieu, et de façon plus générale, la nature de certaines de ces circonstances
est controversée. Par exemple, certains estiment que la préméditation devrait s’analyser
comme une circonstance personnelle1106
. De même en est-il de la circonstance tenant aux
qualités d’ascendant, de descendant ou de conjoint1107
. Il est alors particulièrement délicat de
déterminer quel régime leur appliquer et donc de savoir si elles peuvent être étendues aux
participants à l’infraction ou non, solution qui ne peut satisfaire. Cependant, les décisions
rendues en matière de complicité laissent penser que pour la jurisprudence, la seule
circonstance personnelle quant à ses effets est la circonstance de récidive1108
. Toutes les autres
devraient donc se voir appliquer le régime des circonstances réelles.
357. Contestation de l’automaticité des solutions. – Surtout, et quelle que soit la
position retenue s’agissant des circonstances mixtes, beaucoup contestent l’automaticité de
ces solutions, aussi bien s’agissant de la complicité que de la coaction. En effet, il ne faudrait
pas conclure que dès lors que la communication des circonstances aggravantes est possible,
elle doit avoir lieu1109
. A cet égard, la doctrine déplore souvent que certaines circonstances,
même réelles, soient communiquées au complice alors que rien ne prouve qu’il en ait eu
connaissance s’il ne les réalise pas personnellement1110
. L’analyse doit être la même
s’agissant des coauteurs. A fortiori, si le coauteur n’a pas eu connaissance de cette
circonstance, les coparticipants ne peuvent s’être entendus à son sujet. Mais dès lors que la
1106 C. JACOBET DE NOMBEL, Théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 593.
1107 Ibid. V. également S. FOURNIER, Le nouveau Code pénal et le droit de la complicité, préc., n° 21.
1108 M. DALLOZ, « Circonstances aggravantes », Rép. pén., n° 78.
1109 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 249.
1110 V. notamment F. DESPORTES et F. LEGUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 564-3; E. DREYER,
« Sanctionner le complice à raison d’une infraction qu’il ne peut commettre à titre principal ? », note sous Cass.
crim., 7 sept. 2005, préc., D. 2006, p. 835, n° 8.
299
communication pénale entre coauteurs se justifie par leur interdépendance1111
, et alors même
que l’interdépendance entre coauteurs est pour partie fondée sur l’entente1112
, l’absence de
cette dernière devrait impliquer l’impossibilité de communiquer les circonstances aggravantes
de l’infraction. En outre, et s’agissant des circonstances mixtes voire personnelles selon la
conception retenue, si des individus s’entendent, par exemple, pour tuer le père de l’un d’entre
eux, cette entente pourrait justifier que l’on impute la circonstance tenant à la qualité de
descendant à l’ensemble des coauteurs, y compris à celui n’étant pas le fils de la victime. Dès
lors, au-delà de la distinction fondée sur la nature des circonstances aggravantes, il semble
envisageable de fonder la communication de ces circonstances entre coauteurs sur l’existence
d’une entente à leur sujet.
2- L’étendue de l’entente
358. Distinction de l’entente en tant qu’élément constitutif de la coaction. – De
prime abord, il peut sembler étonnant de voir ressurgir la question de l’entente alors qu’elle
est apparue comme un des fondements de la coaction1113
. Pourtant, il n’y a aucune redondance
puisqu’elle est en réalité utile à deux stades distincts : elle sert en premier lieu à caractériser
l’existence d’une coaction, et apparaît donc d’abord comme un élément constitutif de cette
dernière, puis, en second lieu, c’est-à-dire une fois la coaction établie, elle permet de justifier
la communication des circonstances aggravantes. Cela est d’autant plus envisageable que
l’objet de l’entente n’est pas le même à chacune de ces étapes : alors qu’il s’agit de
caractériser une entente sur l’acte ou le résultat de l’infraction simple au stade de la
constatation d’une coaction, il s’agit ici de caractériser une entente sur un accessoire de cette
infraction simple.
359. Mécanisme. – Une fois ce principe admis, il faudrait donc considérer que toute
circonstance aggravante peut être communiquée entre coauteurs, dès lors qu’ils ont
connaissance de son existence. La circonstance relative au port d’arme lors d’un vol devrait
être communiquée à l’ensemble des coauteurs à condition que chacun ait été au courant de
1111 V. supra n° 323 et s.
1112 V. supra n° 91 et s.
1113 V. supra n° 91 et s.
300
cette utilisation. De même, la circonstance de récidive devrait être imputée à tout coauteur,
bien qu’il ne la caractérise pas lui-même, dès lors qu’il a connaissance que son coauteur est
placé dans une telle situation. Cette solution aurait ainsi pour mérite d’éviter toute question
relative à la nature de la circonstance aggravante en cause.
360. Inapplication par la jurisprudence. – Pourtant, la jurisprudence ne l’applique
pas. Elle utilise simplement la distinction entre circonstances réelles et personnelles sans
accorder une quelconque importance à la connaissance ou non de la circonstance chez
l’ensemble des coauteurs. Ainsi, la circonstance de concomitance1114
, réelle, s’étend au
coauteur même s’il n’en a pas eu connaissance1115
, ce que dénoncent certains auteurs1116
.
361. Sévérité de la solution s’agissant des circonstances personnelles. – Pourtant, il
faut reconnaître que raisonner simplement sur l’existence d’une entente entre coauteurs sur la
circonstance aggravante, sans égard pour la nature de cette dernière, suscite des difficultés
s’agissant de certaines circonstances. L’exemple de la récidive permet de s’en convaincre. En
effet, la communication de la circonstance de récidive, même connue par chacun des
coauteurs, peut être discutée. Doit-on faire supporter à un coauteur la circonstance de récidive
caractérisée chez son coparticipant alors même que lui ne peut se la voir reprocher ? Parce
qu’elle est considérée comme une circonstance « purement personnelle », doctrine et
jurisprudence refusent une telle solution. Pourtant, il pourrait être fait valoir que l’individu
s’associant à une personne qu’il sait récidiviste la choisit en connaissance de cause, afin de
profiter de son expérience, et donc d’accroître ses chances de réussite. Dès lors, la dangerosité
des deux individus étant renforcée, elle pourrait d’autant plus justifier une communication de
la circonstance de récidive1117
. Enfin, la sévérité d’un tel régime pourrait avoir un effet
dissuasif sur les individus souhaitant s’associer à un récidiviste. Cependant, un auteur a
1114 Elle consiste en le fait d’accomplir concomitamment plusieurs infractions par une même personne. Par
exemple, en vertu de l’article 221-2 alinéa 1er du Code pénal, le meurtre est aggravé lorsqu’il est précédé,
accompagné ou suivi d’un autre crime. 1115
Cass. crim., 23 oct. 1946, Bull. n° 185 ; 16 oct. 1963, Bull. n° 284; 5 janv. 1973, Bull. n° 8; 15 nov. 1989,
Bull. n° 421. 1116
V. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 564-3, pour qui « la véritable
question est en réalité moins de savoir si telle ou telle circonstance aggravante doit, compte tenu de sa nature,
être appliquée ou non au complice, que de déterminer si le complice en connaissait l’existence ». 1117
Dans le même sens, v. E. DREYER, « Sanctionner le complice à raison d’une infraction qu’il ne peut
commettre à titre principal ? », note sous Cass. crim., 7 sept. 2005, préc., n° 8.
301
montré que raisonner sur l’effet de la circonstance aggravante sur l’acte imposerait de vérifier
que celle-ci a concrètement eu un effet causal sur la réalisation de l’infraction, ce qui paraît
délicat1118
. En outre, étendre la circonstance de récidive aux coauteurs s’ils en avaient
connaissance se révèlerait certainement illusoire en pratique. Effectivement, les conditions
nécessaires à la caractérisation de cette circonstance sont complexes et il semble ainsi
particulièrement délicat de parvenir à prouver la conscience chez un des coauteurs de l’état de
récidive de son coparticipant1119
.
362. Opportunité de la solution. – Quoi qu’il en soit, si la solution est envisageable
d’un point de vue technique, il n’est peut-être pas certain qu’elle soit souhaitable des points de
vue criminologique et politique. Criminologiquement en effet, il peut sembler
particulièrement paradoxal de reprocher à deux individus d’être coauteurs de meurtre en état
de récidive alors même que l’un d’entre eux n’est pas, à titre personnel, en état de récidive.
Or, les différentes notions de participants établies avaient notamment pour intérêt de
correspondre aux représentations que s’en fait la criminologie1120
. Il serait donc inopportun de
réduire cet intérêt à néant lors de l’étude de leurs régimes respectifs. En outre, politiquement,
faire encourir la peine résultant de l’aggravation tenant à la récidive à un individu ne la
caractérisant pas semble peut-être excessif tant la sévérité de la loi est justifiée, dans une telle
hypothèse, par la personne même du délinquant. C’est parce que l’avertissement solennel de
la justice n’a pas eu d’effet sur lui qu’il doit encourir une peine plus sévère. En revanche, son
coparticipant n’a pas subi un tel avertissement, ce qui empêche de justifier une aggravation de
sa sanction.
De façon plus générale, ces remarques valent pour l’ensemble des circonstances
personnelles, dans la mesure où elles s’expliquent par des raisons tenant à la personnalité de
leur auteur et propres à chaque individu. Il semble alors particulièrement discutable de les
imputer à un coparticipant ne les revêtant pas, même s’il en a connaissance. Partant, si la
1118 C. DE JACOBET DE NOMBEL, Essai d’une théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 593. Une
remarque similaire pourrait être faite s’agissant de la circonstance d’habitude, dont la nature de circonstance
personnelle a été contestée pour les raisons évoquées : en ce sens, v. S. FOURNIER, Le nouveau Code pénal et le
droit de la complicité, préc., n° 19, pour qui l’habitude est une circonstance mixte. 1119
Sur les conditions de la récidive, v. notamment E. GARCON et V. PELTIER, Droit de la peine, Litec, 2010, n°
408 et s. Comp. E. DREYER, « Sanctionner le complice à raison d’une infraction qu’il ne peut commettre à titre
principal ? », note sous Cass. crim., 7 sept. 2005, préc., n° 8 pour qui la présomption d’ignorance de la
circonstance de récidive « évite une délicate question de preuve mais n’est guère justifiée au fond ». 1120
V. supra n° 227.
302
communication des circonstances aggravantes fondée exclusivement sur l’existence d’une
entente entre coauteurs est également contestable, il semble alors préférable de retenir un
critère combinant à la fois la distinction entre circonstances réelles et personnelles et la
question de l’entente sur la circonstance aggravante en cause.
B- Le critère retenu
363. Combinaison des critères précédents. – Etant donné qu’il est reproché au
premier critère envisagé de ne pas faire cas de la question de l’entente entre coauteurs sur la
circonstance aggravante que l’on prétend leur communiquer, et au second de faire fi de la
distinction fondée sur la nature des circonstances, il est possible d’envisager de les mêler.
Ainsi, les circonstances personnelles, même connues de l’ensemble des coauteurs, ne
pourraient jamais leur être communiquées alors que les circonstances réelles et mixtes
pourraient être communiquées entre coauteurs, mais à la condition qu’ils en aient eu
connaissance. Cette conception est d’ailleurs retenue par une partie de la doctrine1121
.
364. Preuve de l’entente. – Il est vrai qu’un tel critère nécessite de « sonder les cœurs
et les esprits » afin de découvrir l’objet précis de l’entente. Pourtant, relevant d’une question
de preuve, il peut se satisfaire de présomptions. Ainsi, il est possible d’admettre l’existence
d’une entente sur une circonstance aggravante lorsque celle-ci était prévisible au regard de
l’infraction projetée1122
. Par exemple, l’effraction est une circonstance prévisible en matière
de vol. De même en est-il pour la préméditation s’agissant d’un meurtre projeté sur un
individu déterminé. En revanche, il est difficile d’admettre que des actes d’atteinte aux
personnes soient prévisibles lorsqu’un vol simple est envisagé. Ainsi, la solution qui
considère par exemple que la circonstance aggravante tenant à l’emploi de tortures ou d’actes
de barbarie doit être étendue à l’ensemble des coauteurs d’un assassinat et de vol qualifié1123
,
sans même rechercher si cette circonstance était connue de l’ensemble des coauteurs, doit être
contestée. Pour déterminer si une circonstance était prévisible pour le coauteur, il est possible
de s’appuyer, notamment, sur les solutions proposées en matière de complicité. En effet,
1121 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 226 et s.
1122 Dans le même sens, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 261.
1123 Cass. crim., 8 nov. 1989, Bull. n° 407.
303
certains auteurs considèrent que ne peuvent être retenues contre le complice que les
circonstances qui portent atteinte à la même valeur que celle protégée par l’infraction
simple1124
. Dès lors, il serait possible de poser une présomption considérant que les
circonstances aggravantes portant atteinte à la même valeur que celle protégée par l’infraction
simple sont prévisibles et donc que les coauteurs se sont entendus dessus. Plus généralement,
il conviendrait ainsi de se demander si la circonstance était prévisible pour un individu moyen
placé dans les mêmes circonstances, c’est-à-dire de porter une appréciation in abstracto1125
sur la prévisibilité de la circonstance. En cas de réponse positive, il existerait une présomption
d’entente entre coauteurs à son sujet. Mais cette présomption pourrait être renversée, en
prouvant que la circonstance n’était pas prévisible pour des raisons objectives ou subjectives.
Les coauteurs pourraient ainsi prouver que la circonstance, malgré sa prévisibilité in
abstracto, n’a pas été prévue : il s’agit par exemple de l’hypothèse dans laquelle des individus
projettent de cambrioler une entreprise gardée par des vigiles mais en prenant soin de s’y
rendre lors de la relève afin que personne ne soit présent ; or, les horaires changent et les
vigiles étant sur les lieux, des violences sont commises à leur égard. Abstraitement prévisible,
la circonstance de violences n’avait pourtant pas été prévue. Mais ils pourraient également
démontrer qu’aucune entente n’a eu lieu à l’égard de cette circonstance précisément parce
qu’ils s’étaient promis de ne pas la réaliser : c’est notamment le cas d’une promesse faite
entre les participants de ne pas utiliser d’arme pour effrayer autrui lors d’un vol.
En outre, certaines circonstances impliquent nécessairement que chacun des coauteurs
les connaisse car la coaction exige une concomitance : les circonstances tenant au lieu1126
ou
aux modalités de réalisation1127
de l’action et plus largement celles qui affectent de manière
nécessairement perceptible la réalisation de l’infraction sont ainsi nécessairement connues de
l’ensemble des coauteurs1128
.
1124 V. infra n° 366.
1125 Sur l’appréciation in abstracto, v. V. MALABAT, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en
droit pénal, thèse Bordeaux, 1999. 1126
Par exemple la circonstance d’habitation ou de lieu utilisé ou destiné à l’entrepôt de fonds, valeurs,
marchandises ou matériels (v. notamment C. pén., art. 311-4 6°) ou encore celle de commission dans un véhicule
affecté au transport de voyageurs (v. notamment C. pén., art. 311-4 7°). 1127
Par exemple la circonstance de dissimulation du visage afin de ne pas être identifié (v. notamment C. pén.,
art. 222-12 15°). 1128
V. C. DE JACOBET DE NOMBEL, Essai d’une théorie générale des circonstances aggravantes, préc., n° 572 ;
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 261 ; A. LEGAL, Circonstances aggravantes
et participation criminelle, Rev. sc. crim. 1954, p. 756.
304
365. Cohérence avec la complicité. – La solution ainsi retenue aurait en outre pour
mérite d’être cohérente avec les réponses apportées à la transmission au complice des
circonstances aggravantes de l’infraction, même si cette transmission ne peut avoir lieu qu’à
sens unique. En effet, doctrine et jurisprudence sont unanimes pour considérer que les
circonstances aggravantes personnelles demeurent propres à l’auteur principal et ne peuvent
donc être communiquées au complice1129
. Cette conclusion ne peut qu’être approuvée tant les
raisons ayant présidé à son adoption en matière de coaction se retrouvent ici1130
. En revanche,
le complice devrait pouvoir supporter toutes les circonstances aggravantes réelles de
l’infraction. En effet, dès lors que de telles circonstances affectent l’infraction, elles affectent
nécessairement le complice en vertu de l’emprunt de criminalité. Doctrine1131
et
jurisprudence1132
l’admettent là encore sans difficulté. Ainsi, la circonstance tenant à
l’escalade peut être étendue au complice d’un vol1133
, tout comme celle d’usage d’une
arme1134
. Quant aux circonstances mixtes, la solution est plus discutée. Dans la mesure où
elles affectent l’infraction1135
, elles devraient être transmises au complice en raison de
l’emprunt de criminalité. Si cette conclusion n’était pas débattue sous l’empire de l’ancien
Code pénal, certains auteurs la contestent aujourd’hui en se fondant sur une interprétation
littérale de l’article 121-6 du Code pénal. En effet, en disposant que le complice sera puni
« comme auteur » de l’infraction, ce dernier imposerait au juge de le sanctionner comme s’il
avait été lui-même l’auteur de l’infraction. Partant, les circonstances aggravantes mixtes,
parce qu’elles naissent en la personne de l’auteur principal de l’infraction, ne pourraient être
appliquées au complice s’il ne les caractérise pas1136
. Néanmoins, une telle interprétation est
1129 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 506 ; F. DESPORTES et
F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 559 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal
général, préc., n° 546 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 291 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc.,
n° 456 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 371; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 358. 1130
V. supra n° 361. 1131
R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 488 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 366 ; PH.
CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 425 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit
pénal général, préc., n° 564 ; S. FOURNIER, Rép. pén., préc., n° 140 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n°
390, p. 415 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel- Droit pénal général, préc., n° 546 ; J. PRADEL, Droit
pénal général, préc., n° 457 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 371 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal
général, préc., p. 358 ; PH. SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 105. 1132
Cass. crim., 26 janv. 1952, Bull. n° 32 ; 8 janv. 1981, Bull. n° 7. 1133
Cass. crim., 26 mars 1957, Bull. n° 288. 1134
Cass. crim., 21 mai 1996, Bull. n° 206, Dr. pén. 1996, comm. n° 216, obs. M. VERON. 1135
V. supra n° 356. 1136
B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 367 ; F. DESPORTES et F. LEGUNEHEC, Droit pénal général, préc.,
n° 562 ; S. FOURNIER, Le nouveau code pénal et le droit de la complicité, Rev. sc. crim. 1995, p. 475 ; J.
305
contestable. En effet, la modification terminologique intervenue avec le nouveau Code pénal
s’explique principalement afin de permettre d’envisager la responsabilité pénale des
personnes morales, et aucune modification quant au régime des circonstances aggravantes
n’avait été souhaitée ou envisagée. En outre, une telle conception perd de vue que la
complicité est avant tout un mode de participation à l’infraction, qui implique donc, à ce titre,
de prendre une part de l’infraction, et ainsi de lui emprunter des éléments. Le complice prend
part à une infraction, il ne la réalise pas, à la différence d’un auteur, et l’on ne peut pas, en
conséquence, faire comme s’il avait été auteur de l’infraction lors de l’étude de son régime.
Cela reviendrait à confondre la répression de l’auteur et du complice, et peut-être, à terme
leurs notions1137
. Il semble alors nécessaire de considérer que le complice peut emprunter les
circonstances mixtes à l’auteur principal de l’infraction.
366. Exigence de connaissance de la circonstance aggravante par le complice. –
Cependant, de même qu’en matière de coaction, possibilité de communication ne signifie pas
automaticité de la communication. Ainsi, seules les circonstances connues du complice
devraient pouvoir lui être communiquées1138
. Pourtant, la jurisprudence ne partage pas cet
avis puisqu’elle considère que les circonstances réelles de l’infraction peuvent être
communiquées au complice même s’il les a ignorées1139
. Elle considère en effet qu’il « devait
prévoir toutes les qualifications dont le fait était susceptible, toutes les circonstances dont il
pouvait être accompagné »1140
. La solution est la même, malgré l’opposition d’une partie de
la doctrine1141
, s’agissant des circonstances mixtes puisque la Cour de cassation considère que
la préméditation peut être transmise au complice alors même qu’il n’en avait pas
connaissance1142
. Pour d’autres auteurs, la communication des circonstances aggravantes au
PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 458. Contra PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal
général, préc., n° 425 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 336. 1137
Le sort réservé à la coaction en témoigne : la confusion entre son régime et celui de la complicité a conduit à
ne plus s’interroger sur la pertinence des qualifications de coauteur ou de complice en vertu de la théorie de la
peine justifiée, v. supra n° 9 et 506 et s. 1138
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité, préc., n° 228. 1139
Pour le complice d’un vol qu’il croit simple mais qui en réalité se révèle aggravé par le port d’une arme :
Cass. crim., 9 juin 1982, Bull. n° 155. 1140
Cass. crim., 31 déc. 1947, Bull. n° 270. 1141
V. notamment F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 564-3 ; M.-L. RASSAT, Droit
pénal général, préc., n° 371. V. également E. DREYER, Sanctionner le complice à raison d’une infraction qu’il
ne peut commettre à titre principal ?, note sous Cass. crim., 7 sept. 2005, D. 2006, p. 835. 1142
Cass. crim., 21 août 2002, inédit, pourvoi n° 02-83872, cité par J.-L. FIRON, La préméditation – Les
évolutions nécessaires d’une circonstance aggravante ancienne, Rev. pénit. 2005, p. 325. Plus généralement, la
306
complice se justifierait seulement dans l’hypothèse où l’infraction aggravée commise par
l’auteur principal protège la même valeur sociale que celle protégée dans l’infraction
imaginée par le complice1143
. En réalité, de même qu’en matière de coaction, il semble que la
communication se justifie lorsque la circonstance ne pouvait être ignorée par le complice1144
car il était présent lors de sa réalisation, ou parce que cette circonstance était prévisible in
abstracto, c’est-à-dire par un individu moyen placé dans les mêmes circonstances1145
. Ce
critère permet ainsi une cohérence avec les solutions retenues en matière de complicité.
367. Conclusion de la section 2. – Ainsi, la communication pénale des circonstances
aggravantes de l’infraction collective entre coauteurs doit être admise, sous réserve qu’elle
remplisse certaines conditions. Elle ne peut avoir lieu qu’à l’égard des circonstances réelles et
mixtes, et seulement dans l’hypothèse où le coauteur avait connaissance de l’existence d’une
telle circonstance. Là encore, même si elle se rapproche de la complicité tant dans son
principe que dans ses conditions de mise en œuvre, cette communication s’en distingue. En
effet, la réciprocité de cette communication, conséquence de l’interdépendance entre
coauteurs, est propre à la coaction et lui confère une véritable autonomie dans son régime.
Cour de cassation considère ainsi que « le complice encourt la responsabilité de toutes les circonstances qui
qualifient l’acte poursuivi, sans qu’il soit nécessaire que celles-ci aient été connues de lui » : Cass. crim., 21 mai
1996, Dr. pén. 1996, n° 213, obs. M. VERON. 1143
J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 451 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 350. 1144
Sur l’exigence d’une approche subjective de la communication des circonstances aggravantes, v. E. DREYER,
note sous Cass. crim., 7 sept. 2005, D. 2006, p. 835. 1145
Sur la preuve de la prévisibilité, voir les arguments développés s’agissant de la coaction : v. supra n° 364.
307
Conclusion du chapitre 1
368. Le principe d’une communication pénale entre coauteurs. – L’interdépendance
entre coauteurs conduit à ce que chacun colore l’infraction et influe sur la qualification des
faits. Dès lors, elle justifie que s’établisse entre eux une véritable communication pénale, tant
s’agissant des éléments constitutifs de l’infraction que de ses circonstances aggravantes. La
solution peut sembler sévère de prime abord, mais lorsqu’un individu s’associe à quelqu’un
qui dispose d’un vrai pouvoir d’action sur l’infraction, comme l’est un coauteur, il doit savoir
que cet individu peut modifier la qualification pénale des faits. Il prend ainsi un risque qu’il
doit assumer et qui justifie une sévérité accrue dans sa répression.
369. La communication des éléments constitutifs de l’infraction collective. – Ainsi,
puisque l’interdépendance entre coauteurs justifie que tous n’aient pas à accomplir l’ensemble
des éléments constitutifs de l’infraction collective, ces éléments constitutifs peuvent se
communiquer entre coauteurs. Une telle solution conduit alors à élargir le champ de la
répression s’agissant des infractions attitrées et complexes. En effet, l’individu ne possédant
pas la qualité exigée par le texte d’incrimination pourra néanmoins être poursuivi de ce chef
dès lors qu’il a pu être qualifié de coauteur et que son coauteur revêtait ladite qualité. De
même, s’agissant des infractions complexes, des coauteurs seront punissables même si chacun
n’a réalisé que l’un des éléments matériels exigés par le texte d’incrimination dans la mesure
où une fois réunis, leurs comportements permettent de caractériser l’infraction collective en
cause.
370. La communication des circonstances aggravantes de l’infraction collective. –
Mais l’interdépendance entre coauteurs permet également d’envisager une communication des
circonstances aggravantes de l’infraction collective entre coauteurs. Pour autant, parce que les
circonstances aggravantes apparaissent comme un accessoire de l’infraction collective et non
comme un de ses éléments constitutifs, l’entente nécessaire à la caractérisation de l’infraction
collective ne les concerne pas. Il fallait alors préciser les conditions dans lesquelles cette
communication pouvait avoir lieu. Si plusieurs critères pouvaient être envisagés, seule une
308
combinaison de ceux-ci a pu être retenue : la communication des circonstances aggravantes ne
doit concerner que les circonstances réelles et mixtes, uniquement si le coauteur en avait
connaissance. La solution permet ainsi de garantir une cohérence avec la complicité, tout en
assurant une véritable autonomie de la coaction. En effet, alors qu’entre un complice et un
auteur principal, seul ce dernier a une influence directe sur l’infraction commise, chacun des
coauteurs peut influer sur l’infraction. La communication pénale est donc ici nécessairement
réciproque.
Mais là n’est pas l’unique conséquence de l’étroitesse des liens unissant les coauteurs.
L’interdépendance les caractérisant devrait ainsi conduire à les traiter ensemble sur le plan
procédural. A la solidarité caractéristique de leurs relations répondrait ainsi une véritable
solidarité procédurale.
309
Chapitre 2- Une procédure soumise à la solidarité entre coauteurs
371. Solidarité et indivisibilité. – Puisqu’il existe une véritable solidarité entre les
coauteurs lors de la réalisation de l’infraction, la logique voudrait que cette solidarité se
retrouve dans la procédure qui leur est appliquée. Dès lors, et pour s’assurer que
l’interdépendance propre à la notion de coaction produise des conséquences sur son régime
procédural, il semble nécessaire que les coauteurs soient jugés ensemble. Mais si plusieurs
mécanismes sont ainsi susceptibles de permettre une telle solution, seul celui relatif à
l’indivisibilité semble réellement répondre aux impératifs de la notion de coaction.
372. Solidarité et autorité de la chose jugée. – Cependant, si l’indivisibilité
procédurale doit être une conséquence nécessaire de la coaction, il demeure quelques
hypothèses dans lesquelles cette indivisibilité sera matériellement impossible à mettre en
œuvre. En conséquence, il appartient de s’interroger sur les solutions envisageables lorsque
cette indivisibilité n’aura pu être mise en place ab initio : que faire par exemple lorsque l’un
des coauteurs n’aura pu être jugé avec les autres car il n’avait pas été retrouvé à l’époque ? La
solution retenue à l’égard de ses coparticipants pourra-t-elle lui être appliquée ? Pourra-t-il la
contester ? Plus généralement, c’est ainsi à l’autorité de la chose jugée entre coauteurs qu’il
convient de s’intéresser.
373. L’indivisibilité entre coauteurs (Section 1) permettra ainsi de mieux appréhender
l’autorité de chose jugée entre coauteurs (Section 2).
311
Section 1- L’indivisibilité entre coauteurs
374. L’indivisibilité est souvent présentée comme une notion floue1146
, aux contours
méconnus1147
. En effet, si le Code de procédure pénale utilise ce terme dans son article
3821148
, il ne le définit jamais, au contraire de celui de « connexité » dont il est pourtant
souvent rapproché1149
. Pourtant, malgré ces difficultés de définition, il ne fait aucun doute que
l’indivisibilité s’appliquerait parfaitement à la coaction. Il faut ainsi s’attacher à la nécessité
d’une indivisibilité entre coauteurs (§1) pour mieux apprécier quels seront les effets de cette
indivisibilité sur les coauteurs (§2).
§1- La nécessité d’une indivisibilité entre coauteurs
375. Dans la mesure où l’indivisibilité est souvent rapprochée de la connexité, il
apparaît important de comparer les deux notions afin de démontrer en quoi la première est
préférable à la seconde. En effet, connexité et indivisibilité sont généralement rapprochées en
doctrine car toutes deux ont des effets sensiblement identiques, en permettant notamment de
proroger la compétence des juridictions1150
, et fondés sur une même justification : la bonne
administration de la justice. Cependant, ces effets ne sont qu’une faculté pour le juge en cas
de connexité alors qu’ils sont obligatoires en cas d’indivisibilité, c’est pourquoi il apparaît
nécessaire de distinguer les deux notions. Surtout, la définition donnée de ces deux notions
permet d’affirmer que si la connexité est envisageable entre coauteurs (A), l’indivisibilité lui
est préférable (B).
1146 J. PRADEL, L’instruction préparatoire, Cujas, Paris, 1990, p. 156.
1147 V. notamment S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, LexisNexis, 8
ème éd., 2012, n° 1306.
1148 Al. 4 : « la compétence du tribunal correctionnel s’étend aux délits et contraventions qui forment avec
l’infraction déférée au tribunal un ensemble indivisible ». 1149
Les deux notions sont effectivement étudiées ensemble dans la plupart des manuels de procédure et des
analyses doctrinales leur étant consacrées : v. notamment H. ANGEVIN, J.-Cl. Proc. pén., « Chambre de
l’instruction, Connexité et indivisibilité », art. 191 à 230, fasc. 50 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, coll.
Précis, 23ème
éd., 2012, n° 571 et s. ; J. PRADEL, Procédure pénale, Cujas, 16ème
éd., 2011, n° 91 et s. 1150
Pour la connexité : en vertu des articles 210, 387 et 285 du Code de procédure pénale, la jonction des
procédures peut être ordonnée, ce qui est susceptible d’entraîner une prorogation de compétence lorsque les
affaires relèvent en principe de juridictions différentes. Pour l’indivisibilité, v. infra n° 388.
312
A- La connexité envisageable
376. Définition. – Présente dans de nombreux articles du Code de procédure pénale1151
,
la connexité est définie à l’article 203 du même code. Ce dernier dispose en effet que « Les
infractions sont connexes soit lorsqu'elles ont été commises en même temps par plusieurs
personnes réunies, soit lorsqu'elles ont été commises par différentes personnes, même en
différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles,
soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les
autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité, soit
lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ont été,
en tout ou partie, recelées ». Il y aurait donc connexité entre infractions en cas d’unité de
temps et de lieu, d’unité de dessein, de relation de cause à effet entre elles ou lorsque l’une
d’entre elles a permis un recel de choses. En outre, la jurisprudence considère que ces quatre
hypothèses ne sont pas limitatives et a ainsi retenu la connexité « lorsqu’il [existait] entre les
faits des rapports étroits analogues à ceux que la loi a spécialement prévus »1152
.
377. Lien avec la coaction. – La coaction répond ainsi à plusieurs de ces hypothèses.
En effet, celle visant la commission d’infractions « en même temps par plusieurs personnes
réunies » peut s’y appliquer puisque la coaction s’entend de la réalisation d’actes
concomitants pouvant avoir été commis sur un même lieu. De plus, le second cas de
connexité, correspondant à ce qui est couramment appelé la connexité « par unité de
dessein », peut également relever de la coaction dans la mesure où celle-ci exige une entente
entre les participants sur l’infraction commise, et ce d’autant plus que la condition de
concomitance propre à la coaction doit être entendue de façon extensive1153
. Ainsi la Chambre
criminelle a-t-elle retenu la connexité dans l’hypothèse de violences « commises en réunion
par plusieurs personnes, procédant d’une action concertée, déterminées par la même cause et
1151 V. notamment articles 285 et 286 relatifs à la cour d’assises, articles 382 alinéa 3, 387 et 467 relatifs aux
juridictions correctionnelles, 521 alinéa 4 relatif au tribunal et à la juridiction de proximité, 663 relatif au
dessaisissement du juge d’instruction ou encore 706-75 alinéa 2 relatif à la criminalité et à la délinquance
organisées. 1152
Cass. crim., 1er
mars 1907, Bull. n° 101 ; 12 juin 1954, Bull. n° 210 ; 6 janv. 1970, Bull. n° 11 ; 12 nov. 1981,
Bull. n° 302 ; 26 juil. 1988, Bull. n° 305 ; 28 mai 2003, Bull. n° 103 ; 7 juil. 2005, Bull. n° 206; 15 mars 2011,
inédit, pourvoi n° 10-81983. 1153
V. supra n° 283 et s.
313
tendant au même but »1154
, c’est-à-dire dans une hypothèse de violences collectives. Or, ces
dernières devant être imputées à leurs auteurs au titre de la coaction1155
, la jurisprudence
témoignerait du lien entre coaction et connexité. Plus explicitement encore, elle a admis la
connexité dans une hypothèse de violences commises en réunion par des coauteurs1156
. Il faut
ainsi admettre que la coaction répond aux critères de la connexité. Partant, lorsque ce titre
d’imputation serait relevé, la connexité devrait nécessairement être retenue à l’égard de ses
participants.
378. Réserve. – Cependant, une réserve doit être apportée à ce constat. En effet,
l’article 203 du Code de procédure pénale vise la connexité entre plusieurs « infractions ». Or,
la coaction ne permet pas de caractériser plusieurs infractions mais intéresse la participation à
une seule infraction, collective1157
. Le fait de prendre part à une infraction au titre de la
coaction ne devrait donc pas, au sens strict, pouvoir être qualifié d’hypothèse de connexité
entre infractions comme le prévoit le texte, mais au mieux de connexité entre faits. Certes,
cette nuance n’est pas déterminante puisqu’il serait envisageable de modifier le texte en
considérant que les « faits » sont connexes dans les hypothèses visées. Néanmoins, elle
suggère que la connexité n’est peut-être pas la qualification procédurale la plus adaptée aux
coauteurs.
B- L’indivisibilité préférable
379. Définition jurisprudentielle. – Bien que le législateur évoque la notion
d’indivisibilité à l’article 382 du Code de procédure pénale1158
, il n’en donne aucune
définition. C’est donc à la jurisprudence qu’il est revenu de le faire. La Chambre criminelle a
ainsi très tôt affirmé que « l’indivisibilité entre les éléments d’une prévention suppose qu’ils
sont dans un rapport mutuel de dépendance, et rattachés entre eux par un lien tellement
1154 Cass. crim., 22 oct. 1997, Bull. n° 345.
1155 V. supra n° 133 et s.
1156 Cass. crim., 22 fév. 2012, inédit, pourvoi n° 11-80858.
1157 V. supra n° 88 et s.
1158 Son alinéa 3 dispose en effet que « La compétence du tribunal correctionnel s'étend aux délits et
contraventions qui forment avec l'infraction déférée au tribunal un ensemble indivisible ».
314
intime, que l’existence des uns ne se comprendrait pas sans l’existence des autres »1159
.
D’autres décisions considèrent qu’il y a indivisibilité « lorsque les faits sont de nature à se
succéder naturellement »1160
, « lorsque les faits sont si intimement liés entre eux que l’une des
infractions est la suite nécessaire de l’autre »1161
, ou encore « lorsque les faits ont été commis
dans le même trait de temps, dans le même lieu, qu’ils ont été déterminés par le même mobile,
qu’ils procèdent de la même cause »1162
.
380. Difficultés de distinction avec la connexité. – Ces définitions rappellent ainsi
celle donnée de la connexité, ce que la doctrine ne manque pas de relever1163
. En outre, les
applications jurisprudentielles de l’indivisibilité participent également à l’incertitude quant à
la distinction entre les deux notions. En effet, des faits de violences réciproques volontaires
par exemple ont pu être considérés par la Cour de cassation comme indivisibles1164
alors
qu’elle les aura qualifiés de connexes dans une autre espèce1165
. De même, ont été jugés
connexes le délit d’association de malfaiteurs et les infractions commises en exécution de
l’entente établie entre les membres de cette association1166
alors qu’ont été considérés comme
indivisibles l’association de malfaiteurs commise en France et un crime commis à l’étranger
qu’elle visait à préparer1167
. Ces quelques illustrations témoignent ainsi du flou entourant la
définition de l’indivisibilité et son critère de distinction avec la connexité. Certes, les auteurs
sont unanimes pour considérer que l’indivisibilité implique un lien plus étroit entre les faits
que la connexité1168
. Cependant, cette affirmation ne résout pas les difficultés évoquées. C’est
pourquoi la doctrine s’est essayée à clarifier la situation en définissant elle-même la notion
d’indivisibilité afin de la délimiter par rapport à celle de connexité. Or, les différentes
solutions proposées permettent chacune d’envisager la pertinence de l’exigence d’une
indivisibilité procédurale entre coauteurs dès lors que la coaction est conçue comme un mode
1159 Cass. crim., 29 juil. 1875, Bull. n° 239. V. également Cass. crim., 28 mars 1914, Bull. n° 173 ; 18 juin 1947,
Bull. n° 159 ; 13 juin 1968, Bull. n° 196 ; 18 août 1987, D. 1988, somm. p. 194. 1160
Cass. crim., 8 fév. 1895, Bull. n° 239. 1161
Cass. crim., 15 nov. 1928, DP 1932, 1, p. 56. 1162
Cass. crim., 15 oct. 1959, Bull. n° 435. 1163
V. notamment H. ANGEVIN, Chambre de l’instruction, Connexité et indivisibilité, préc., n° 52. 1164
Cass. crim., 13 fév. 1926, Bull. n° 64. 1165
Cass. crim., 17 janv. 1973, Bull. n° 24. 1166
Cass. crim., 27 nov. 1958, Bull. n° 699. 1167
Cass. crim., 20 fév. 1990, Bull. n° 84, D. 1991, jurispr. p. 395, note A. FOURNIER. 1168
V. notamment B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 573 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,
Procédure pénale, Armand Colin, 4ème
éd., 2002, n° 125 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 91.
315
de participation à sa propre infraction. Si cette pertinence était avérée, l’exigence d’une
indivisibilité entre coauteurs devrait être admise. Il faut alors vérifier l’adéquation de la
coaction aux définitions classiques de l’indivisibilité (1) puis son adéquation aux définitions
plus modernes de cette dernière (2).
1- L’adéquation de la coaction aux définitions classiques de l’indivisibilité
381. Indivisibilité et unité d’infraction. – Pour certains auteurs, l’indivisibilité
suppose nécessairement l’unité d’infraction. Ainsi Garraud considère-t-il qu’elle « implique
toujours qu’un seul délit a été commis »1169
. De même, Hélie explique qu’elle suppose un seul
délit commis par plusieurs personnes1170
. Ce constat permettrait d’ailleurs de distinguer entre
indivisibilité et connexité, cette dernière supposant pour sa part une pluralité d’infractions
qu’elle viendrait lier. Du reste, cette conception peut être appuyée par un argument
sémantique dans la mesure où la jurisprudence vise généralement une indivisibilité entre des
faits là où la loi envisage une connexité entre des infractions1171
. Ainsi, la coaction, en ce
qu’elle suppose également une unité d’infraction1172
et une pluralité de faits, devrait entraîner
une indivisibilité, ce que ces auteurs admettent sans difficulté.
Cependant, d’autres auteurs ont montré que l’indivisibilité ne pouvait être réduite aux
hypothèses d’unité d’infraction, mais recouvrait également les situations dans lesquelles
plusieurs infractions pouvaient être relevées1173
. Ainsi, la doctrine explique classiquement que
si l’indivisibilité peut être le fruit de l’unité d’infraction, elle peut également résulter d’une
unité d’agent, ce dernier ayant commis plusieurs infractions1174
. D’autres définitions de
l’indivisibilité ont ainsi pu être proposées.
1169 Traité théorique et pratique d’instruction criminelle et de procédure pénale, Sirey, 1909, tome 2, p. 422. V.
également p. 397 : « l’indivisibilité implique l’unité de délit » et p. 409 « l’indivisibilité suppose l’unité de délit ;
elle en est le résultat ». 1170
Traité de l’instruction criminelle, 2ème
éd., n° 2359 p. 539. 1171
V. supra n° 378. 1172
V. supra n° 88 et s. 1173
V. notamment M. GOBERT, La connexité dans la procédure pénale française, préc., spéc. n° 7. 1174
V. notamment B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 573 ; S. GINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale,
préc., n° 1306 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 91.
316
382. Indivisibilité et condition sine qua non. – Il a par exemple été montré que
l’intensité du lien causal unissant les faits permet de distinguer indivisibilité et connexité1175
.
En vertu de cette conception, lorsque l’un des faits a été la condition sine qua non de la
réalisation de l’autre, tous deux devraient être considérés comme indivisibles sur le plan
procédural. Pour preuve, la jurisprudence considère que l’indivisibilité des faits suppose « un
lien tellement intime que l’existence des uns ne se comprendrait pas sans celle des
autres »1176
. A contrario, quand le fait n’aura pas été une condition sine qua non de la
réalisation de l’autre fait, mais simplement utile à cette dernière, la connexité pourrait être
retenue1177
. Or, dans la mesure où le coauteur a été défini comme un individu au pouvoir
causal déterminant, c’est-à-dire comme une condition sine qua non du résultat
infractionnel1178
, la coaction devrait, là encore, impliquer une indivisibilité procédurale telle
que définie ici. En revanche, parce que la complicité suppose une intensité causale indirecte
unissant le complice au résultat infractionnel, celle-ci pourrait n’entraîner qu’une connexité
entre les faits.
Toutefois, ce critère de distinction entre connexité et indivisibilité a également été
décrié en ce que la jurisprudence ne l’appliquait pas nécessairement, ou ne s’en contentait
pas1179
. En outre, sa difficulté de mise en œuvre a également été relevée : comment apprécier
qu’une infraction ne se comprenne sans l’autre1180
? C’est pourquoi certains auteurs ont tenté
de donner de nouvelles définitions à la notion d’indivisibilité.
1175 O. DECIMA, L’identité des faits en matière pénale, Dalloz, Nouvelle bibliothèque des thèses, 2008, n° 771.
1176 Cass. crim., 8 fév. 1895, Bull. n° 54.
1177 Dans le même sens, O. DECIMA, L’identité des faits en matière pénale, préc., n° 771. Poursuivant le
raisonnement, cet auteur considère qu’alors que l’indivisibilité implique une idée de nécessité dans la jonction
des poursuites, la connexité répond pour sa part à une idée d’utilité dans la jonction des poursuites (v. n° 774). 1178
V. supra n° 228 et s. 1179
O. DECIMA, L’identité des faits en matière pénale, préc., n° 772. 1180
A cet égard, il pourrait tout de même être objecté qu’une infraction pourrait être considérée comme ne
pouvant se comprendre sans l’autre dans l’hypothèse où sa poursuite à titre autonome ne pourrait être envisagée
sans qu’il soit nécessaire de se référer à d’autres faits. En ce sens, v. O. DECIMA, L’identité des faits en matière
pénale, préc., n° 774, qui pose la question de la sorte : « L’appréciation isolée d’un des faits qui composent
l’action criminelle est-elle possible ? Si la réponse est positive, les faits doivent être considérés comme
connexes. Si elle est négative, les faits sont indivisibles ».
317
2- L’adéquation de la coaction aux définitions modernes de l’indivisibilité
383. Nombre de liens entre les faits. – Tentant de systématiser les solutions
jurisprudentielles, un auteur a proposé une nouvelle définition de l’indivisibilité1181
. Selon lui,
l’indivisibilité devrait s’entendre de la réunion de deux critères de la connexité. Plus
précisément, il y aurait indivisibilité dans l’hypothèse où l’unité de temps et de lieu étant
réalisée, on constaterait en outre une unité de dessein ou une relation de cause à effet1182
. Il
s’agit alors de retenir plusieurs liens d’unité entre les faits1183
. Or, sans y adhérer parfaitement,
la notion de coaction établie pourrait relever de cette dernière définition si celle-ci était
comprise dans un sens large. En effet, bien que la coaction n’exige pas une unité de lieu, il a
été constaté qu’elle supposait une concomitance entre les actes du coauteur, concomitance
entendue largement1184
. L’unité de temps est donc respectée. En outre, dans la plupart des
hypothèses, une unité de lieu pourra également être constatée. Enfin, sans aller jusqu’à exiger
une unité de mobile, la coaction suppose une entente entre les coauteurs. Partant, en
considérant que l’unité de dessein nécessaire à la caractérisation de l’indivisibilité pourrait
s’entendre comme une entente sur l’acte ou le résultat infractionnel, sans imposer également
une identité de mobile, l’unité de dessein pourrait également être relevée entre coauteurs. Dès
lors, deux, voire trois liens d’unité pouvant être relevés entre les coauteurs, l’indivisibilité
telle que définie ici devrait être retenue à leur égard.
384. Critère fonctionnel. – Un dernier critère de distinction entre indivisibilité et
connexité doit être cité, qui témoigne, là encore, de son adéquation avec la notion de coaction.
Un auteur a en effet montré que l’indivisibilité permettait « de soumettre des faits distincts au
régime de faits identiques »1185
, et ainsi de réduire à une cause unique des causes de poursuite
multiples. Dès lors, il est concevable de considérer l’effet de l’indivisibilité comme un critère
de définition de celle-ci, c’est-à-dire d’utiliser un critère fonctionnel. Or, envisagée de la
sorte, la notion de coaction pourrait à nouveau témoigner de son adéquation avec
l’indivisibilité. Effectivement, il a été établi que la coaction pouvait conduire à réduire une
1181 M. GOBERT, La connexité dans la procédure pénale française, préc.
1182 V. spéc. n° 12.
1183 O. DECIMA, L’identité des faits en matière pénale, préc., n° 765 et 766.
1184 V. supra n° 283 et s.
1185 O. DECIMA, L’identité des faits en matière pénale, préc., n° 776.
318
pluralité de causes à l’unité. Plus précisément, en matière de dommages causés en groupe,
l’entente s’analyse comme le moyen de faire émerger une cause unique lorsqu’il est
impossible de démêler les différents actes ayant conduit au résultat infractionnel, et donc les
différents liens de causalité unissant chaque individu à ce dernier, et permet ainsi de retenir
une coaction1186
. Ce sont donc des logiques semblables qui animent la coaction ainsi que
l’indivisibilité1187
, expliquant ainsi que la coaction doive entraîner une indivisibilité de la
procédure applicable aux coauteurs.
385. Fondement du lien entre coaction et indivisibilité : l’interdépendance entre
coauteurs. – Les principales définitions de l’indivisibilité convergent ainsi pour considérer
que la coaction doit entraîner l’indivisibilité. D’ailleurs, la doctrine acquiesce généralement à
cette affirmation1188
. Cependant, selon l’acception retenue de l’indivisibilité, la justification
d’un tel constat diffère. Or, s’il semble bien, par exemple, que l’on ne puisse nier les liens
existant entre unité d’infraction, et donc coaction, et indivisibilité, il n’est pas certain que
l’indivisibilité doive nécessairement s’analyser comme la conséquence de l’unité d’infraction.
Plus que cela, elle est certainement avant tout la conséquence de l’interdépendance entre les
comportements en cause. Un auteur relève en ce sens que « si ces infractions sont
juridiquement indivisibles, c’est parce qu’elles le sont d’abord au sens courant du terme »1189
,
c’est-à-dire qu’il est quasi impossible de dissocier les différents comportements en cause. En
réalité, c’est parce que les faits sont indivisibles qu’il convient de les traiter ensemble d’un
point de vue procédural1190
. Dès lors, la notion de coaction se caractérisant par
l’interdépendance unissant les coauteurs, une fois constatée, elle ne pourrait entraîner qu’une
indivisibilité. L’idée d’interdépendance pour expliquer l’indivisibilité procédurale n’est
d’ailleurs pas étrangère à la jurisprudence. Dans son célèbre arrêt de 1875 définissant cette
1186 V. supra n° 132 et n° 177 et s.
1187 Même s’il est vrai que le terme de cause n’est pas entendu dans le même sens dans les deux cas (alors qu’il
renvoie à la cause au sens de l’action en justice dans le premier, il évoque la cause au sens de la causalité dans le
second), le mécanisme de réduction de la pluralité à l’unité permet ce parallèle. 1188
V. notamment B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 573 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,
Procédure pénale, Armand Colin, 4ème
éd., n° 125 ; M.-L. RASSAT, Traité de procédure pénale, PUF, 2001,
n° 108. Comp. R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Procédure pénale, préc., n° 709, qui distinguent
l’hypothèse d’indivisibilité de celle d’unité de fait délictueux, seule à concerner les participants à l’infraction. 1189
M. GOBERT, La connexité dans la procédure pénale française, JCP G 1961, I, 1607. 1190
Il convient d’ailleurs de noter que considérer que l’indivisibilité des faits doit entraîner une indivisibilité de
la procédure ne signifie nullement que l’indivisibilité de la procédure ne peut avoir lieu qu’à cette condition.
L’indivisibilité des faits n’est en effet pas la seule hypothèse dans laquelle il existe des liens si étroits entre les
faits que l’existence des uns ne pourrait se comprendre sans celle des autres .
319
notion1191
, la Cour de cassation a en effet énoncé que l’indivisibilité entre des faits devait être
retenue lorsqu’ils sont « dans un rapport mutuel de dépendance ». Or, un rapport mutuel de
dépendance n’est rien d’autre qu’une façon différente de nommer une interdépendance.
Partant, c’est bien l’interdépendance entre coauteurs qui implique une indivisibilité
procédurale entre eux1192
.
386. Distinction avec la complicité. – Au contraire, bien que certains auteurs
considèrent la complicité comme indivisible du fait auquel elle se rapporte1193
, il est possible
de remarquer que l’on ne retrouve pas nécessairement une telle interdépendance en présence
d’un auteur principal et de son complice. La dépendance a en effet lieu à sens unique1194
. Il
serait alors envisageable que la complicité n’entraîne pas nécessairement une indivisibilité,
faute d’interdépendance, mais peut-être simplement une connexité. Du reste, les différentes
définitions de l’indivisibilité ne s’adaptent pas nécessairement à la notion de complicité. Par
exemple, tel sera le cas si l’on considère que l’indivisibilité impose de se greffer sur une
infraction unique. En effet, il a été vu que complice et auteur principal ne participaient pas
nécessairement à la même infraction1195
. De plus, les comportements du complice et de
l’auteur principal ne sont pas véritablement étroitement mêlés : les actes du complice sont
parfaitement autonomes de ceux de l’auteur principal, la complicité disposant d’ailleurs
d’éléments constitutifs propres. Les faits n’étant ainsi pas indivisibles, ils ne devraient pas
conduire à une indivisibilité procédurale. Mais une telle restriction de cette dernière en
matière de participation à la coaction est certainement appréciable tant ses effets sont
contraignants.
1191 Cass. crim., 29 juil. 1875, préc.
1192 Du reste, le droit civil rapproche également les notions d’indivisibilité et d’interdépendance en matière
d’ensembles contractuels afin d’exprimer le lien unissant deux contrats : v. notamment M. BACACHE,
« Indivisibilité », Rép. civ., Dalloz, 2009, n° 76 et les références citées. 1193
B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 573 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Procédure pénale,
préc., n° 125 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 91 ; J.-C. SOYER, Droit pénal et procédure pénale, préc.,
n° 903. 1194
V. supra n° 202, 335 et 343. 1195
V. supra n° 102 et s.
320
§2- Les effets de l’indivisibilité entre coauteurs
387. L’indivisibilité est généralement invoquée afin que différents faits soient instruits
et jugés ensemble, donc en même temps et par les mêmes juges, permettant ainsi une bonne
administration de la justice. Elle a alors pour effet principal d’entraîner une jonction des
procédures (A). Mais d’autres effets peuvent lui être attachés, qui auront également un impact
sur les coauteurs (B).
A- Effet principal de l’indivisibilité entre coauteurs
388. Jonction des procédures obligatoire. – Traditionnellement, l’indivisibilité a pour
principal effet d’entraîner une jonction des procédures. Cette jonction est obligatoire1196
,
expliquant que la chambre de l’instruction ne puisse ordonner le renvoi de prévenus
d’infractions indivisibles devant des juridictions différentes1197
. Partant, une telle jonction sera
obligatoire en présence de coauteurs. Cette solution est évidemment particulièrement
appréciable puisque tous participent à la même infraction et que leurs comportements sont
étroitement mêlés. Il serait donc difficilement concevable de les juger séparément. Dès lors,
cette jonction de procédures pourra entraîner une prorogation de compétence, faisant ainsi
échec aux règles classiques d’attribution de compétence1198
. Certes, l’article 383 du Code de
procédure pénale énonce que la compétence du Tribunal correctionnel à l’égard d’un prévenu
« s’étend à tous coauteurs et complices », pouvant ainsi laisser penser que le constat d’une
jonction de procédures fondée sur l’indivisibilité entre coauteurs ne présente que peu
d’intérêt. Cependant, ce texte n’est en réalité qu’une application particulière du principe
d’indivisibilité1199
et ne concerne que la compétence territoriale du Tribunal correctionnel1200
.
Il ne dispose d’aucun équivalent s’agissant de la Cour d’assises ou du Tribunal de police, tout
1196 Contrairement à ce qu’il en est s’agissant de la connexité, pour laquelle le jonction est simplement facultative
(v. notamment Cass. crim., 19 sept. 1861, Bull. n° 213 ; 4 janv. 1957, Bull. n° 8 ; 13 fév. 1974, Bull. n° 64 ; 23
mars 1982, Bull. n° 85). 1197
Cass. crim., 21 oct. 1940, Bull. n° 240 ; 15 oct. 1959, Bull. n° 435. 1198
Dans la mesure où une telle prorogation sera envisagée par la loi : v. par exemple, s’agissant de la
compétence matérielle, les articles 181 et 214 (cour d’assises), 382 alinéa 3 (tribunal correctionnel) et 521 alinéa
4 (tribunal de police) du Code de procédure pénale. 1199
En ce sens, v. M. ROYO, « Point trop n’en « faux »… sur le banc des accusés ! », D. 2006, p. 352, note sous
CA Toulouse, 14 avr. 2005. 1200
A. MARON, « Tribunal correctionnel, Compétence et saisine », J.-Cl. Proc. pén., art. 381 à 392-1, Fasc. 15,
n° 84.
321
comme des juridictions d’instruction, et ne règle pas les difficultés relatives aux prorogations
des autres types de compétence (personnelle et matérielle). Les principes applicables en
matière d’indivisibilité vont alors permettre de résoudre ces questions, que ce soit s’agissant
du conflit existant entre une juridiction de droit commun et une juridiction d’exception (1), ou
de celui pouvant surgir entre deux juridictions de droit commun (2).
1- Le conflit entre une juridiction de droit commun et une juridiction
d’exception
389. Principe. – En premier lieu, si une juridiction de droit commun et une juridiction
d’exception sont compétentes, la prorogation s’effectue classiquement à l’égard de la
juridiction de droit commun. En effet, cette dernière dispose d’une plénitude de juridiction1201
.
390. Le cas particulier des juridictions pour mineurs. – Cependant, ce principe est
mis à mal en cas d’infractions commises à la fois par des majeurs et des mineurs. Ainsi, si un
majeur s’entoure d’un coauteur mineur pour commettre une infraction, ce dernier devra
nécessairement être jugé par une juridiction pour mineurs. Quant à son coauteur majeur, il
devra être renvoyé devant la juridiction de droit commun, mais pourra également être jugé par
la cour d’assises des mineurs, qui verra donc sa compétence prorogée, dans l’hypothèse où le
mineur accusé aura 16 ans ou plus. En revanche, face à un délit, les majeurs ne peuvent être
jugés par le Tribunal pour enfants en vertu de l’article 9 alinéa 3 de l’ordonnance de 1945. Il y
a ainsi nécessairement une disjonction des poursuites. Cependant, la loi du 10 août 20111202
instituant un Tribunal correctionnel pour mineurs1203
, prévoit pour sa part la compétence de ce
dernier pour juger des majeurs complices et coauteurs de mineurs1204
, évitant ainsi cette
disjonction des poursuites. Sans juger de l’opportunité de la mise en place d’une telle
juridiction, beaucoup décriée en doctrine1205
, il faut néanmoins reconnaître que cette solution
1201 En ce sens, v. notamment M. GOBERT, La connexité dans la procédure pénale française, préc., n° 21.
1202 Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le
jugement des mineurs, JO n° 0185 du 11 août 2011. 1203
Ce Tribunal correctionnel pour mineurs aura en charge les mineurs récidivistes âgés de seize à dix-huit ans
au moment des faits et poursuivis pour avoir commis des délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement :
Ord. 2 févr. 1945, art. 24-1 al. 1. 1204
Ord. 2 févr. 1945, art. 24-1 al. 3. 1205
V. notamment « Adapter la justice pénale des mineurs : entre modifications raisonnables et innovations
fondamentales, 70 propositions », Rapport remis au garde des Sceaux, La Doc. fr., 2009, p. 138 et 139.
322
a pour mérite de permettre une jonction des procédures applicables aux majeurs et aux
mineurs. Du reste, les travaux de la commission Varinard ayant inspiré la réforme avaient
précisément relevé l’intérêt de ce tribunal afin d’éviter une disjonction des poursuites dans
une telle hypothèse1206
.
Il demeure pourtant que, considéré dans sa globalité, le système alors mis en place,
s’agissant de la jonction de procédures tout du moins, confine au non-sens : si le mineur ayant
agi en état de coaction avec un majeur relève de la Cour d’assises, cette dernière pourra
connaître des deux individus ; la solution sera la même si le mineur relève du Tribunal
correctionnel pour mineurs ; en revanche, s’il relève du Tribunal pour enfants, les procédures
devront être disjointes. Or, aucun critère objectif ne justifie une telle différence de traitement.
391. Proposition : prorogation de compétence de la juridiction pour mineurs
obligatoire. – Il est évidemment parfaitement logique que les mineurs ne puissent être jugés
par une juridiction pour majeurs dans la mesure où leur privilège de juridiction a été consacré
par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental reconnu par les lois de la
République1207
, ainsi que par différents textes internationaux1208
. Cependant, permettre une
disjonction de procédures peut conduire à des solutions peu conciliables, voire
contradictoires. Dès lors, imposer une jonction des procédures et confier l’affaire à la même
juridiction, spéciale lorsque des mineurs sont impliqués, permettrait de limiter ce risque. Du
reste, la doctrine relève, s’agissant du crime commis conjointement par un majeur et des
mineurs, qu’ « en pratique, pour éviter des verdicts peut-être inconciliables, l’habitude est
d’éviter la disjonction et de choisir la seconde solution [c’est-à-dire celle consistant à
renvoyer le majeur devant la cour d’assises des mineurs], plus simple à tous les égards »1209
.
La jurisprudence a en outre admis que la juridiction pour mineurs restait compétente à l’égard
des majeurs qui comparaissent devant elle, peu important que le mineur justifiant la
compétence de cette juridiction disparaisse de la procédure avant l’audience (la cour ayant par
1206 PH. BONFILS, La réforme du droit des mineurs par la loi du 10 août 2011, D. 2011, p. 2286, spéc. n° 7.
1207 Cons. const., 29 août 2002, JO 10 sept. 2002, p. 14953, Gaz. Pal. 4-5 sept. 2002, p. 3, note J.-E. SCHOETTL.
1208 V. PH. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, Dalloz, coll. Précis, 1
ère éd., 2008, n° 1245.
1209 A. VITU, Juridiction compétente pour juger, en cas de crime, un mineur et des coaccusés majeurs, Rev. sc.
crim. 1990, p. 59. V. également, s’agissant du Tribunal correctionnel pour mineurs, PH. BONFILS, La réforme du
droit des mineurs par la loi du 10 août 2011, préc., n° 12 : « Sur ce point, cette juridiction permettra d’éviter la
disjonction des procédures, qui, en pratique, se révèle souvent très gênante pour la compréhension des faits et
l’identification des responsabilités au sein d’un groupe d’individus ».
323
exemple ordonné une disjonction pour des raisons procédurales)1210
. Admettre une
prorogation de compétence pourrait, et devrait, ainsi être non plus une simple faculté mais une
véritable obligation en présence de coauteurs majeurs et mineurs, et ce quelle que soit la
juridiction dont relèvent ces derniers1211
. Cette proposition assurerait une cohérence des
solutions à leur égard et répondrait à l’interdépendance les unissant.
392. Le cas particulier des juridictions militaires. – De même, une difficulté similaire
se pose au sujet des juridictions militaires. En effet, l’article L. 121-8 du Code de justice
militaire dispose que « la compétence du tribunal aux armées s’étend à tous auteurs ou
complices lorsque l’un d’eux est justiciable de ces juridictions ». Bien qu’il n’envisage pas
une hypothèse d’indivisibilité ou de connexité, il mentionne une prorogation de compétence
applicable aux coauteurs1212
, que l’interdépendance les unissant justifie pleinement. En effet,
pour les mêmes raisons que celles évoquées s’agissant des coauteurs majeurs et mineurs, la
solution doit être approuvée en ce qu’elle rend obligatoire la prorogation de compétence de la
juridiction spéciale.
En réalité, il existe ainsi de nombreuses exceptions au principe de plénitude de
juridiction des juridictions de droit commun, à tel point que certains auteurs s’interrogent
quant à savoir si ces exceptions n’auraient pas vidé le principe de son sens1213
.
Certes, la compétence spéciale des juridictions est généralement fondée sur la
personne (mineur ou militaire ici), et la proposition vise à l’étendre à des faits. Cependant,
cette extension est alors fondée sur la qualité particulière de l’un des coauteurs qui imposait
de le soumettre à une juridiction spéciale. Or, les faits commis par cette personne étant
indivisibles de ceux commis par ses coauteurs, c’est finalement d’une extension quant aux
personnes dont il s’agit. Il serait du reste envisageable que dans un tel cas de figure, la
composition des juridictions spéciales soit quelque peu adaptée afin de prendre en compte
1210 Cass. crim., 4 juil. 1989, Cheraa, inédit, cité par A. VITU, Juridiction compétente pour juger, en cas de
crime, un mineur et des coaccusés majeurs, préc. 1211
Il est vrai que la composition du Tribunal pour enfants pourrait se révéler être un inconvénient à cette
prorogation dans la mesure où elle met en jeu des acteurs dévoués aux questions de l’enfance. Cependant, il
serait envisageable de l’adapter en cas de coaction avec des majeurs. 1212
Il faut d’ailleurs noter que contrairement à de nombreux textes du Code de procédure pénale qui visent les
« auteurs, coauteurs ou complices » d’une infraction, ce texte ne mentionne pas expressément les coauteurs.
Cependant, les coauteurs étant assimilés à des auteurs en vertu de leur définition classique, il peut être admis que
le texte les vise implicitement. 1213
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Procédure pénale, préc., n° 710.
324
plus efficacement les personnes ne relevant traditionnellement pas de la compétence de ces
juridictions.
393. En second lieu, traditionnellement, l’indivisibilité et la prorogation de compétence
posent la question de savoir quelle juridiction privilégier lorsque deux juridictions de droit
commun sont susceptibles d’être compétentes.
2- Le conflit entre deux juridictions de droit commun
394. Lorsque deux juridictions de droit commun sont en conflit en raison de
l’indivisibilité unissant les coauteurs, il est possible de distinguer selon que ce conflit
s’explique en raison de leur compétence matérielle ou de leur compétence territoriale.
395. Conflit entre deux juridictions de droit commun et compétence matérielle. –
S’agissant de la compétence matérielle des juridictions, l’interrogation pourrait paraître, a
priori, manquer de pertinence lorsqu’elle est appliquée à la coaction. En effet, fondée sur la
nature de l’infraction, la compétence matérielle n’a généralement pas à être prorogée en
présence de coauteurs : parce que la division tripartite des infractions détermine la
compétence des juridictions d’instruction et de jugement1214
, les coauteurs devraient
nécessairement être soumis au même juge. En effet, ils réalisent la même infraction, et donc la
même contravention, le même délit, ou le même crime. Cependant, une hypothèse de
prorogation de la compétence matérielle en présence de coauteurs pourrait être envisagée.
Ainsi, si une circonstance aggravante faisant changer l’infraction de nature était caractérisée à
l’égard de l’un des coauteurs mais pas des autres, le lien d’indivisibilité unissant les différents
comportements devrait conduire à proroger la compétence de l’une des juridictions. Par
exemple, si un vol est commis par des individus agissant en qualité de coauteurs et que l’un
d’entre eux commet en outre des tortures et actes de barbarie sur la victime sans que les autres
en aient connaissance, les coauteurs du vol ne pourront être qualifiés de coauteurs du vol
1214 En vertu de l’article 79 du Code de procédure pénale pour les juridictions d’instruction, et des articles 231
pour la Cour d’assises, 381 pour le Tribunal correctionnel et 521 pour le Tribunal de police du même code.
325
accompagné de tortures et actes de barbarie. Or, cette dernière infraction étant un crime1215
,
elle relève de la compétence de la Cour d’assises alors que le vol, même commis en réunion,
relève du Tribunal correctionnel1216
. Dès lors, dans la mesure où les faits de vol commis en
coaction ainsi que les tortures et actes de barbarie sont étroitement mêlés, l’indivisibilité
devrait être retenue et conduire à une jonction de procédures. Dans une telle hypothèse, il
faudra alors appliquer les solutions classiques : quand deux juridictions de droit commun de
degré différent sont susceptibles d’être compétentes, la prorogation a lieu au profit de la plus
élevée. Pour poursuivre l’exemple, ce sera alors la Cour d’assises qui sera compétente.
396. Conflit entre deux juridictions de droit commun et compétence territoriale. –
En outre, une prorogation de la compétence territoriale d’une juridiction serait envisageable
en présence de coauteurs, ce que confirme d’ailleurs l’article 383 du Code de procédure
pénale1217
. En effet, classiquement, la compétence territoriale d’une juridiction est déterminée
à raison « du lieu de l’infraction, [de] celui de la résidence de l’une des personnes
soupçonnées d’avoir participé à l’infraction, [de] celui du lieu d’arrestation d’une de ces
personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée par une autre cause et [de] celui du
lieu de détention d’une de ces personnes, même lorsque cette détention est effectuée pour une
autre cause »1218
. Le juge compétent sera ainsi généralement celui du lieu de l’infraction. Or,
celui-ci peut être déterminé de différentes façons, et s’entendre du lieu du résultat1219
de
l’infraction comme de celui de réalisation d’un des actes constitutifs de l’infraction. Ainsi, en
matière de coaction, et dans la mesure où il n’est pas nécessaire que chacun des coauteurs
accomplisse l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction collective, il est possible
d’imaginer que chacun d’entre eux réalise un élément constitutif dans des lieux différents,
relevant de deux ressorts de juridiction distincts. De même, le résultat peut se produire dans
un ressort de juridiction encore différent. Par exemple, il a été vu que le fait, pour deux
personnes, d’effectuer des prélèvements coordonnés sur le compte d’une personne vulnérable
pouvait être qualifié d’abus de faiblesse réalisé en coaction, bien que ces prélèvements aient
1215 En vertu de l’article 311-10 du Code pénal qui punit de réclusion criminelle à perpétuité le vol précédé,
accompagné ou suivi soit de violences ayant entraîné la mort, soit de tortures ou d’actes de barbarie. 1216
Celui-ci étant effectivement un délit en vertu de l’article 311-4 du Code pénal qui punit de cinq ans
d’emprisonnement le vol commis en réunion. 1217
V. supra n° 388. 1218
C. proc. pén., art. 52 s’agissant des juridictions d’instruction, et art. 382 s’agissant du tribunal correctionnel.
Le principe est quelque peu différent pour le tribunal de police : V. art. 522 al. 1 et 2. 1219
V. notamment Cass. crim., 3 mars 1976, Bull. n° 80.
326
eu lieu en des endroits différents1220
. Or, il est envisageable que ces retraits se soient déroulés
depuis des endroits relevant de deux ressorts de juridiction distincts, et que le résultat de
l’infraction ait eu lieu dans un ressort encore différent. Partant, deux, voire trois juridictions
seraient susceptibles d’être territorialement compétentes. Dans une telle situation, une des
juridictions devra donc se dessaisir au profit de l’autre1221
.
Quant à l’éventuel conflit de compétence pouvant surgir entre une juridiction française
et une juridiction étrangère, il impose de s’interroger sur la localisation de l’infraction. Si
celle-ci ne suscite pas de discussion particulière lorsque l’infraction a été intégralement
réalisée en France, des difficultés surgissent lorsqu’elle a été commise en partie seulement en
France et pour le reste sur le territoire d’un ou d’autres Etat(s), hypothèse pouvant notamment
se présenter en cas d’infraction complexe1222
. L’article 113-2 du Code pénal répond à cette
question en disposant que « l’infraction est réputée commise sur le territoire de la République
dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ». Partant, la coaction ne
semble pas poser de difficulté particulière s’agissant de cette localisation de l’infraction. En
effet, le fait que les juridictions françaises puissent connaître des infractions dont un seul des
éléments constitutifs se serait réalisé en France justifie alors qu’elles puissent attraire le
contentieux relatif aux infractions réalisées en coaction dès lors que l’un des éléments
constitutifs de l’infraction collective se serait réalisé en France. Il n’est alors pas nécessaire
d’exiger que ce coauteur ait accompli l’ensemble des éléments constitutifs de cette infraction
sur le territoire français. La technique contestable de la jurisprudence consistant jusqu’alors à
assimiler le coauteur à un complice1223
afin d’étendre la compétence territoriale des
juridictions françaises n’a ainsi plus lieu d’être1224
.
1220 V. supra n° 284.
1221 L’affaire pourra ainsi être portée devant la juridiction la plus à même de traiter efficacement l’affaire, parce
que le rassemblement des preuves sera plus aisé par exemple (V. notamment J. PRADEL, Procédure pénale, préc.,
n° 93).
En principe, un tel conflit de compétence devrait donner lieu à la procédure de règlement des juges (C. proc. pén.
art. 657 à 661). Cependant, en pratique, un des juges se dessaisit généralement au profit de l’autre : v.
notamment B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 551 ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, préc.,
n° 1323 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 144 et s. 1222
Sur cette notion, v. supra n° 287. 1223
Cass. crim., 16 déc. 1926, S. 1928, I, 155. 1224
En effet, l’acte de complicité accompli à l’étranger, même par un étranger, relève traditionnellement de la
compétence des juridictions françaises s’il est l’accessoire d’un fait principal commis en France (V. A. HUET et
R. KOERING-JOULIN, Droit pénal international, PUF, coll. Thémis, Paris, 2005, n° 129). De plus, en vertu de
l’article 113-5 du Code pénal, « La loi pénale française est applicable à quiconque s'est rendu coupable sur le
territoire de la République, comme complice, d'un crime ou d'un délit commis à l'étranger si le crime ou le délit
327
397. Impossibilité pour le juge d’être saisi par des individus s’auto-désignant
coauteurs. – L’indivisibilité procédurale entre coauteurs devra donc conduire à certaines
prorogations de compétence. Pour autant, elle ne doit pas mettre à mal les principes classiques
de procédure, et permettre une prorogation quelles qu’en soient les formes. Ainsi, elle ne peut
justifier que le juge se saisisse lui-même ou soit saisi par des personnes se désignant elles-
mêmes comme coauteurs de l’infraction.
La seconde question a en effet été soulevée devant les juges du fond à l’occasion de
faits de « fauchage volontaire »1225
. En l’espèce, quelques personnes étaient poursuivies pour
avoir détruit volontairement des champs de maïs génétiquement modifié. Le jour de
l’audience devant le Tribunal correctionnel, 222 autres individus ont alors demandé à être
jugés en même temps que ces dernières, pour avoir commis avec elles les faits reprochés. Il
appartenait ainsi aux juges de déterminer si les poursuites pouvaient être étendues à ces
coauteurs auto-désignés. En première instance, ceux-là avaient admis une telle solution en se
fondant sur l’article 383 du Code de procédure pénale disposant que la compétence du
tribunal correctionnel « s’étend à tous les coauteurs et complices ». Cependant, les juges
d’appel, pour leur part, ont considéré qu’ils ne pouvaient être saisis par des individus se
désignant eux-mêmes comme responsables.
398. Justification de la solution. – En effet, traditionnellement, il est admis que la
juridiction de jugement est saisie in rem mais aussi in personam1226
. Partant, la comparution
volontaire d’un prévenu « est impuissante à mettre en mouvement l’action publique »1227
. La
solution est classique, la Cour de cassation ayant par le passé refusé qu’un individu se
constitue « prévenu volontaire »1228
. Plus généralement, elle se justifie au regard de deux
grandes séries de considérations.
est puni à la fois par la loi française et par la loi étrangère et s'il a été constaté par une décision définitive de la
juridiction étrangère ». 1225
V. notamment CA Toulouse (3ème
ch. appels correctionnels), 14 avr. 2005, préc. 1226
V. notamment C. AMBROISE-CASTEROT et PH. BONFILS, Procédure pénale, PUF, 2011, n° 542 ; B. BOULOC,
Procédure pénale, préc., n° 840 et 841 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 834. 1227
CA Toulouse, 14 avr. 2005, préc. 1228
Cass. crim., 19 mars 1997, JCP G 1998, I, 105, obs. A. MARON.
328
En premier lieu, en faisant un parallèle avec la procédure civile, il pourrait être relevé
que ces coauteurs auto-désignés ne disposent ni de la qualité, ni de l’intérêt à agir1229
. En
effet, en vertu de l’article 1er
du Code de procédure pénale, l’action publique ne peut être mise
en mouvement que par le Ministère Public ou la partie lésée, et seul le premier peut
l’exercer1230
. Cette action est donc attitrée1231
, et ne peut ainsi être mise en mouvement ou
exercée par d’autres personnes que celles prévues par la loi. Partant, des individus qui s’auto-
désignent comme auteurs de l’infraction, parce qu’ils ne relèvent pas des personnes visées par
la loi, ne peuvent mettre en mouvement l’action publique. En outre, s’agissant de l’action
civile, elle « appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement
causé par l'infraction » selon l’article 2 du même code. A nouveau, dans la mesure où les
auteurs de l’infraction ne sont pas, par définition, ceux qui ont personnellement souffert du
dommage qu’ils ont causé, ils ne peuvent également mettre en mouvement l’action civile. Les
personnes se désignant comme auteurs ou coauteurs de l’infraction ne disposent ainsi pas de
la qualité pour agir devant le juge pénal. Mais quoi qu’il en soit, et pour poursuivre la
comparaison avec la procédure civile, aucun intérêt à agir n’aurait pu être relevé.
Effectivement, traditionnellement défini comme l’avantage ou l’utilité qu’un plaideur peut
retirer de l’action1232
, l’intérêt à agir ne peut exister en l’espèce dès l’instant où la personne
poursuivie ne peut retirer aucun avantage d’une condamnation pénale.
En second lieu, la solution doit également être approuvée puisqu’un texte de
compétence ne peut conduire à attribuer le pouvoir juridictionnel1233
. C’est pourtant ce
qu’avaient conclu les juges de première instance. En effet, au nom de l’article 383 du Code de
procédure pénale, ils avaient estimé que la compétence du tribunal correctionnel pouvait être
1229 C. proc. civ., art. 31. Ce texte de nature réglementaire ne s’applique toutefois pas en procédure pénale.
1230 Celui-ci dispose en effet que :
« L'action publique pour l'application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les
fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi.
Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le
présent code. » 1231
Sur la distinction entre actions attitrées et actions banales, v. notamment L. CADIET et E. JEULAND, Droit
judiciaire privé, Lexis-Nexis, 7ème
éd., 2011, n° 368 et 369. 1232
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, préc., n° 356. V. également H. CAPITANT, Vocabulaire
juridique, V° Intérêt ; R. MOREL, Traité élémentaire de procédure civile, Sirey, 2ème
éd., 1949, n° 27 ; H. SOLUS
et R. PERROT, Droit judiciaire privé, t. III : Procédure de première instance, Sirey, 1991, n° 266. 1233
Sur la distinction entre compétence et pouvoir juridictionnel, v. notamment L. CADIET et E. JEULAND, Droit
judiciaire privé, préc., n° 106, qui montrent que « La notion de compétence ne se confond pas avec la notion de
pouvoir juridictionnel. Le pouvoir juridictionnel est l’aptitude d’une juridiction, considérée en elle-même, à
trancher un litige par application des règles de droit ; elle n’implique aucune comparaison entre l’aptitude
respective de deux ou plusieurs juridictions ».
329
étendue à l’ensemble des coauteurs et justifiait ainsi que le juge se saisisse à l’égard des
coauteurs auto-désignés. Cependant, ce texte ne vise qu’à étendre la compétence territoriale
de cette juridiction, et ne permet en aucun cas au juge pénal de se saisir lui-même ou d’être
saisi par qui que ce soit d’autre que le Ministère public ou la victime de l’infraction. Partant,
la solution de la Cour d’appel de Toulouse doit être approuvée. Plus généralement, la
prorogation de compétence induite par l’indivisibilité procédurale entre coauteurs ne peut
ainsi justifier que le juge pénal puisse se saisir lui-même ou être saisi par des individus se
prétendant coauteurs d’une infraction.
Mais si la jonction de procédures et la prorogation de compétence susceptible de
l’accompagner est l’effet principal de l’indivisibilité procédurale, elle en possède d’autres qui
pourront également avoir un impact important sur les coauteurs.
B- Effets secondaires de l’indivisibilité entre coauteurs
399. Hormis le fait que la jonction de procédures est obligatoire lorsqu’une indivisibilité
est constatée, il est classiquement admis que cette dernière emporte les mêmes effets que la
connexité1234
. Elle est donc susceptible d’avoir des effets notamment sur l’appel ou sur
l’amnistie de certains faits1235
. Cependant, l’étude impose ici de se limiter aux conséquences
que peut produire l’indivisibilité intéressant les coauteurs. Ainsi, dans la mesure où les
coauteurs participent à la même infraction, et donc à la même contravention ou au même délit,
l’article 467 du Code de procédure pénale disposant que le tribunal statuera « à charge
d’appel sur le tout » en cas de contravention connexe à un délit ne trouve à s’appliquer en cas
de coaction. Un constat identique peut être fait s’agissant de l’amnistie : ainsi, en cas de
connexité entre deux infractions et lorsque l’une d’entre elles est amnistiée, le bénéfice de
l’amnistie profitera à celui qui répond à ses conditions. Mais cette hypothèse ne peut se
présenter s’agissant des coauteurs puisque tous participent à la même infraction.
En revanche, les effets relatifs à la prescription de l’action publique (1) et à la
solidarité (2) présentent un intérêt quant à la coaction qu’il convient alors de mettre en
exergue.
1234 H. ANGEVIN, Chambre de l’instruction, Connexité et indivisibilité, préc., n° 62 ; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, préc., n° 1306. 1235
H. ANGEVIN, Chambre de l’instruction, Connexité et indivisibilité, préc., n° 49 et 50.
330
1- La prescription de l’action publique
400. Point de départ du délai. – Constater une indivisibilité entre différents faits
permet de repousser le point de départ du délai de prescription de l’infraction. En effet, celui-
ci courra à partir du dernier acte indivisible constaté. La jurisprudence a d’ailleurs, semble-t-
il, appliqué une telle solution en matière de coaction puisqu’elle a considéré que les recels
successifs d’un même objet, « réitérés par des individus différents en exécution de la même
résolution criminelle pour atteindre le même but [devait] les faire considérer comme les
éléments d’une seule infraction, dont le caractère continu fait apparaître chacun des
receleurs successifs, non pas comme auteur d’un délit distinct, mais comme coauteur d’un
même délit »1236
.
Certes, la solution est explicitement fondée sur la qualité de coauteurs. Mais elle
pourrait peut-être masquer un raccourci : c’est parce que les faits sont indivisibles qu’une
coaction a pu être relevée. Celle-ci conduisant à une indivisibilité procédurale dont l’un des
effets est de permettre de repousser le point de départ du délai de prescription au dernier fait
indivisible, il fallait alors considérer que ce point de départ était en l’espèce repoussé au jour
où le dernier receleur s’était dessaisi de l’objet (envers un individu de bonne foi).
Cependant, à s’y intéresser plus attentivement, la solution pourrait être remise en
cause. En effet, il semble particulièrement délicat de constater une entente entre les divers
receleurs en l’espèce, parce que les recels successifs ont ici formé une véritable chaîne. Si un
concert frauduleux pourrait être établi entre deux maillons de celle-ci dès l’instant où l’un des
receleurs a transmis à l’autre l’objet en question, il est difficile de considérer qu’une telle
entente existe entre deux receleurs n’ayant eu aucun contact entre eux. Cette preuve devient
de plus en plus difficile lorsque l’on multiplie les receleurs impliqués et que l’on raisonne sur
les individus en bout de chaîne. L’entente est alors absolument impalpable et qualifier les
différents receleurs de coauteurs devrait être impossible. L’existence d’une interdépendance
entre les comportements, comme celle d’une infraction collective, ne peuvent ainsi être
relevées. Il y aurait en réalité plusieurs recels1237
. La justification de la solution1238
est de ce
1236 CA Nancy, 24 mai 1950, Gaz. Pal. 1950, 2, p. 236.
1237 V. cependant Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 380 pour qui « la solution consiste à réduire à
l’unité ce qui s’inscrit dans la pluralité et dans la durée, avec ce qu’elle permet de répression plus utile. […]
331
fait contestable et conduit alors à s’interroger : existe-t-il vraiment un intérêt pour les
coauteurs à constater que l’indivisibilité peut permettre de repousser le point de départ du
délai de prescription de l’infraction ? Une réponse négative semble s’imposer. Effectivement,
et comme l’analyse de l’arrêt le suggère, parce que les coauteurs participent à une infraction
unique, le point de départ du délai de prescription est nécessairement déterminé en référence à
la consommation de l’infraction ou encore au jour où l’infraction a pu être découverte, jour
qui sera commun à l’ensemble d’entre eux1239
.
401. Interruption du délai. – En revanche, l’indivisibilité procédurale propre aux
coauteurs pourrait présenter un intérêt en ce qu’elle permet d’interrompre le délai de
prescription à l’égard de chacun d’entre eux. L’acte interruptif de prescription fait en effet
courir un nouveau délai de prescription1240
. On distingue ainsi classiquement l’effet que
produit cet acte sur les personnes de celui qu’il produit à l’égard de l’infraction1241
.
Quant à l’effet sur les personnes, il est absolu et impersonnel. Ainsi l’article 7 alinéa 2
du Code de procédure pénale dispose-t-il que l’action publique en matière de crime se prescrit
après dix années révolues à compter du dernier acte interruptif d’instance et qu’ « il en est
ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction
ou de poursuite »1242
. La jurisprudence admet alors qu’il produit ses effets à l’égard des
auteurs comme des coauteurs et complices1243
. Mais si cette précision se comprend s’agissant
Par la coactivité le lien est assuré entre les différents auteurs, qui sortent de leur isolement matériel pour rentrer
dans une solidarité de répression, tout comme sont effacées les distances entre le passé et le présent, les
infractions n’étant plus poursuivies dans leur individualité, mais dans ce qu’elles représentent d’unité de l’une à
l’autre.». Cette analyse peut être partagée mais à condition qu’une véritable coaction puisse être caractérisée : si
une entente entre les trois individus pouvait être établie (en particulier entre le premier et le troisième maillon),
l’existence d’une coaction pourrait être envisagée dans la mesure où il n’y aurait alors qu’un seul délit, collectif,
qui aurait pour point de départ de son délai de prescription le jour où le recel prend fin. 1238
Justification seulement car la solution peut se comprendre en considérant que le recel est un délit continu
dont la prescription ne commence à courir qu’au jour où le délit a pris fin. Or, il faut se rappeler que la
jurisprudence est particulièrement sévère à cet égard et conduit à en faire un délit quasi imprescriptible… En ce
sens, v. notamment C. AMBROISE-CASTEROT et PH. BONFILS, Procédure pénale, n° 187 ; v. également A.
LEPAGE, P. MAISTRE DU CHAMBON et R. SALOMON, Droit pénal des affaires, préc., n° 398 et s. 1239
V. infra n° 471. 1240
V. notamment C. AMBROISE-CASTEROT et PH. BONFILS, Procédure pénale, préc., n° 184 ; B. BOULOC,
Procédure pénale, préc., n° 218 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 243. 1241
V. notamment A. GIUDICELLI, « Prescription de l’action publique », note sous Cass. crim., 22 sept. 1998,
Rev. sc. crim. 1999, p. 344. V. également R. GARRAUD, Traité théorique et pratique d’instruction criminelle et
de procédure pénale, t. II, n° 536 et s. 1242
La solution est la même s’agissant des délits et contraventions puisque les articles 8 et 9 du même code qui
leur sont consacrés renvoient à l’article 7. 1243
Ch. réun., 27 fév. 1865, DP 1867, 1, 93 ; Cass. crim., 5 juil. 1993, Bull. n° 239.
332
des complices puisque la complicité ne doit pas nécessairement entraîner une indivisibilité
procédurale1244
, elle n’était peut-être pas utile s’agissant des coauteurs. En effet, cet effet
absolu de l’acte interruptif à l’égard des personnes pourrait simplement être fondé sur
l’indivisibilité nécessaire à la coaction : dans la mesure où la jonction de procédures est
obligatoire entre coauteurs, il semble logique que les actes interruptifs affectant l’un des
coauteurs affectent les autres.
Quant à l’effet sur l’infraction, il est spécial : il est ainsi limité au fait visé dans l’acte
de poursuite ou d’instruction. En réalité, cet effet n’intéresse ainsi pas, à proprement parler, la
coaction dans la mesure où celle-ci s’entend de la participation à une infraction unique1245
.
Partant, peu importe cette restriction. Surtout, cette spécialité s’efface en cas d’infractions
connexes ou de faits indivisibles1246
. Dès lors, en cas de coaction, les faits étant
nécessairement indivisibles1247
, l’acte interruptif d’instance pourra étendre ses effets à tous les
faits de coaction.
Au fond, il n’est donc pas nécessaire de passer par cette distinction entre les effets de
l’acte interruptif quant aux personnes et quant à l’infraction s’agissant de l’indivisibilité : il
suffit de considérer qu’en cas d’indivisibilité, l’effet interruptif de l’acte s’étend à l’égard de
tous les faits indivisibles, et donc aux coauteurs1248
. Mais ce n’est pas là le seul effet de
l’indivisibilité puisque celle-ci pourrait également conduire à une solidarité entre coauteurs.
2- La solidarité entre coauteurs
402. Lien entre indivisibilité, solidarité et coaction. – La solidarité, qui veut que
plusieurs débiteurs soient obligés de payer une même dette, est traditionnellement considérée
comme un effet de l’indivisibilité unissant plusieurs faits ou infractions1249
. Ainsi,
l’indivisibilité s’analysant comme une conséquence de la coaction, cette dernière devrait
également entraîner une solidarité. Or, sans même passer par le détour de l’indivisibilité, le
Code de procédure pénale envisage une telle conséquence s’agissant des coauteurs. En effet, il
dispose que les personnes condamnées pour un même crime, un même délit, ou une même
1244 V. supra n° 386.
1245 V. supra n° 88 et s.
1246 V. A. GIUDICELLI, « Prescription de l’action publique », préc.
1247 V. supra n° 138.
1248 En ce sens, v. Cass. crim., 11 janv. 2006, pourvoi n° 05-82.055, Dr. pén. 2006, comm. 76, note A. MARON.
1249 V. notamment H. ANGEVIN, Chambre de l’instruction, Connexité et indivisibilité, préc., n° 62.
333
contravention de cinquième classe sont tenues solidairement des restitutions et des
dommages-intérêts, et ajoute que le tribunal ou la cour d’assises peut, par décision spéciale et
motivée, ordonner que le prévenu qui s’est entouré de coauteurs ou de complices insolvables
sera tenu solidairement des amendes et des frais1250
. Mais de même qu’en matière
d’interruption du délai de prescription1251
, cette solidarité pourrait ainsi simplement être
fondée sur l’indivisibilité unissant les coauteurs.
Quoi qu’il en soit, si cette solidarité peut se comprendre lorsqu’elle est relative aux
dommages et intérêts, elle doit être remise en cause lorsqu’elle touche aux amendes pénales.
403. Solidarité des dommages et intérêts. – En prévoyant que les personnes
condamnées pour une même infraction1252
sont tenues solidairement des dommages et
intérêts, le législateur a instauré une véritable garantie d’indemnisation au profit des
victimes1253
. Ces dernières auront ainsi de meilleures chances de trouver un débiteur solvable
pour réparer leur préjudice. Du reste, cette solution montre tout son intérêt lorsque la coaction
constatée met en jeu une ou plusieurs personnes morales. En effet, en cas de coaction entre
une personne morale et une personne physique1254
, celle-là disposera généralement de
davantage de fonds que celle-ci. De même, et à l’instar des solutions retenues entre personnes
physiques, en cas de coaction entre deux personnes morales1255
, si l’une d’entre elles est
insolvable, l’autre pourra répondre de l’intégralité des dommages et intérêts dus. La solution
peut ainsi se comprendre par faveur pour la victime, et n’a d’ailleurs jamais été remise en
question par la doctrine si ce n’est pour s’interroger quant à savoir si l’application du droit
commun de la responsabilité civile ne serait pas préférable dans une telle hypothèse1256
.
1250 C. proc. pén., art. 375-2 s’agissant des crimes, 480-1 s’agissant des délits et 543 s’agissant des
contraventions de cinquième classe. 1251
V. supra n° 401. 1252
A l’exclusion des contraventions des quatre premières classes. 1253
Dans le même sens, v. notamment L. BORE, « Tribunal correctionnel, Solidarité », J.-Cl. Proc. pén., art. 478
à 484, fasc. 20, 1999, n° 46. 1254
Pour des exemples, v. supra n° 296 et s. 1255
Pour des exemples, v. supra n° 266 et s. 1256
H. MATSOPOULOU, « Réparation intégrale du préjudice causé par un abus de biens sociaux et condamnation
solidaire des auteurs et complices aux dommages-intérêts », D. 2004, p. 1447. L’interrogation se justifiait ici par
le fait que l’arrêt commenté avait appliqué la solidarité à des auteurs et complices d’infractions distinctes, dont le
lien de connexité pouvait être discuté.
334
Toutefois, la Cour de cassation, au visa de l’article 464 du Code de procédure pénale1257
,
refuse que le juge pénal règle la question de la contribution à la dette entre coauteurs1258
. Une
nouvelle procédure devra alors être engagée devant les juridictions civiles, conduisant à un
alourdissement procédural regrettable1259
.
En dépit de cette critique, la solidarité entre coauteurs pour le paiement des dommages
et intérêts peut ainsi se comprendre, et ne remet en aucun cas en cause le principe de
responsabilité individuelle1260
. La solution se révèle, en revanche, beaucoup plus contestable
lorsqu’elle s’applique à l’égard des amendes pénales.
404. Remise en cause de la solidarité des amendes pénales. – Certes, le législateur a
limité les hypothèses de solidarité entre coauteurs s’agissant du paiement de l’amende avec la
loi du 11 juillet 19751261
. En effet, alors qu’avant celle-ci, leur condamnation solidaire était
obligatoire, elle est depuis une simple faculté, ouverte seulement lorsque les autres
participants sont insolvables, et qui doit être justifiée par une « décision spéciale et
motivée »1262
. Cependant, même en tant que simple faculté, il demeure que cette solution viole
le principe de personnalité des peines pourtant consacré par la loi1263
, voire par le bloc de
constitutionnalité1264
. En effet, la solidarité des amendes pénales autorise le Trésor Public à
1257 Celui-ci fixant la compétence du juge pénal statuant sur les intérêts civils, la Cour de cassation semble
estimer que les questions qu’il ne règle pas expressément sont par définition exclues de ce champ de
compétence. 1258
La solution est classique : v. notamment Cass. crim., 22 juil. 1932, Bull. n° 184 ; 22 juin 1960, Bull. n° 330 ;
12 févr. 1985, Bull. n° 68 ; 22 janv. 2003, inédit, pourvoi n° 01-88.157; 16 oct. 2007, Bull. n° 244, AJ pén. 2007,
p. 542, obs. S. LAVRIC ; 7 avr. 2009, Bull. n° 65, AJ pén. 2009, p. 316, obs. C. DUPARC. La Cour a même refusé
de considérer que la décision par laquelle le juge pénal aurait malgré tout opéré un tel partage emportait autorité
de la chose jugée entre prévenus : Cass. crim., 22 juin 1960, Bull. n° 330 ; 22 déc. 1960, Bull. n° 607. 1259
Dans le même sens, v. L. BORE, J.-Cl. Proc. pén., art. 478 à 484, fasc. 20, 1999, n° 67 selon qui « Il serait
plus pratique d’admettre que le juge pénal peut se prononcer sur les éléments accessoires à l’action civile, et
notamment sur le partage de responsabilité entre les codébiteurs, afin de trancher toutes ces questions au cours
d’une seule et même procédure ». Il est vrai cependant que la solution présente un avantage lorsque tous les
coauteurs n’ont pas été poursuivis pénalement : « celui qui a payé à la victime l’intégralité du préjudice par elle
subi peut se retourner non seulement contre les autres débiteurs condamnés avec lui à réparation, mais
également contre les co-auteurs du dommage laissés en dehors des poursuites pénales » (PH. BONFILS, L’action
civile, Essai sur la nature juridique d’une institution, PUAM, 2000, n° 183). 1260
En ce sens, v. la motivation de la Cour de cassation pour refuser de renvoyer devant le Conseil
constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 480-1 du Code de procédure
pénale : Cass. crim., 6 avr. 2011, inédit, pourvoi n° 10-85.470. 1261
L. n° 75-624. 1262
En revanche, ces restrictions ne se retrouvent pas s’agissant des régimes spéciaux instituant une solidarité : v.
par exemple C. for., art. L. 134-3 ou encore C. rur., art. L. 228-42. 1263
En effet, en vertu de l’article 121-1 du Code pénal, « nul n’est responsable que de son propre fait ». 1264
S. FROSSARD, Quelques réflexions relatives au principe de la personnalité des peines, Rev. sc. crim. 1998,
p. 703. V. également F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Le nouveau droit pénal, éd. Economica, 1996, n° 273.
335
réclamer la totalité des amendes prononcées à l’encontre de chacun des coauteurs à un seul
d’entre eux. Le principe d’une action récursoire, consacré à l’égard des dommages et
intérêts1265
, pourrait peut-être permettre de limiter cette atteinte. Cependant, comme le montre
un auteur, « le solvens risque de se heurter à l’insolvabilité d’un ou plusieurs de ses coobligés
solidaires, et la charge de l’amende prononcée pèsera alors définitivement sur lui »1266
.
Surtout, c’est en réalité ce que suppose même le législateur dans la mesure où il dispose, de
façon maladroite1267
, que sera tenu solidairement des amendes l’individu qui se sera entouré
de coauteurs ou de complices précisément insolvables.
En outre, bien que la doctrine ait tenté de justifier cette solution par le caractère
pécuniaire de l’amende qui expliquerait que la solidarité apparaisse comme une garantie à
l’égard du Trésor1268
, il ne faut pas oublier que l’amende est une peine à part entière, et que
ces considérations ne peuvent donc être prises en compte à son égard. Plus encore, la
solidarité devient alors une véritable peine complémentaire1269
, un « indiscutable supplément
de peine »1270
pour les coauteurs. Il est vrai que la Cour de cassation censure généralement les
décisions ayant prononcé une telle solidarité pour insuffisance de motifs1271
, si bien que la
solution serait tombée en désuétude1272
, mais cette attitude ne fait que confirmer
l’inopportunité de la solution. Il conviendrait ainsi de supprimer purement et simplement cette
solidarité. L’indivisibilité entre coauteurs entraînerait ainsi une solidarité à leur égard pour le
paiement des dommages et intérêts mais non pour celui des amendes, conformément au
principe de personnalité des peines.
405. L’interdépendance procédurale devant traduire l’interdépendance substantielle qui
unit les coauteurs implique ainsi une indivisibilité de l’action exercée à leur encontre.
Plusieurs conséquences en découlent alors, dont le point commun est d’entraîner une véritable
solidarité entre coauteurs. Cependant, il est des hypothèses dans lesquelles cette solidarité va
1265 Cass. crim., 14 nov. 1898, DP 1899, 1, p. 65, concl. L. SARRUT ; 2
ème civ., 29 févr. 1956, JCP G 1956, II,
9384 ; 21 janv. 1976, D. 1976, somm. p. 39. 1266
L. BORÉ, « Tribunal correctionnel, Solidarité », préc., n° 55. Dans le même sens, v. S. FROSSARD, Quelques
réflexions relatives au principe de la personnalité des peines, préc. 1267
Plus généralement, sur la rédaction absconse de ces textes, v. J. LARGUIER, Rev. sc. crim. 1983, « Le domaine
de la solidarité pour le paiement des amendes pénales » , p. 649 et s. 1268
P. PETEL, De quelques atteintes au principe de la personnalité des peines, JCP G 1960, I, 1583. 1269
L. BORE, « Tribunal correctionnel, Solidarité », préc., spéc. n° 3 et 7. 1270
A. VITU, « Solidarité pénale et connexité », Rev. sc. crim. 1989, p. 723. 1271
V. notamment Cass. crim., 12 nov. 1981, Bull. n° 302 ; Rev. sc. crim. 1983, p. 649, obs. J. LARGUIER. 1272
L. BORE, « Tribunal correctionnel, Solidarité », préc., n° 54.
336
être mise à mal car il sera matériellement impossible de juger les coauteurs ensemble. Il faut
alors se demander si les faits établis à l’encontre d’un individu pourront être opposés à son
coauteur lors d’une seconde instance. Plus généralement, il convient ainsi de s’intéresser à
l’autorité de chose jugée entre coauteurs.
337
Section 2- L’autorité de chose jugée entre coauteurs
406. L’interdépendance unissant les coauteurs devrait conduire à apprécier leur
culpabilité au cours d’une même instance, c’est pourquoi cette interdépendance doit se
traduire au stade procédural par une véritable indivisibilité. Cependant, il est des hypothèses
dans lesquelles cette réunion lors d’une même instance ne sera pas possible, parce que l’un
des coauteurs sera inconnu ou en fuite par exemple. L’efficacité même de la justice
commande alors que l’indivisibilité prônée ne conduise pas à ce que le cours de la justice soit
ralenti, voire immobilisé, jusqu’à ce que tous les coauteurs soient en état d’être jugés. Des
poursuites successives pour une même infraction, contre différents coauteurs, sont alors
susceptibles d’être engagées. Mais elles soulèvent inévitablement de nombreuses questions :
la décision rendue à l’égard des coauteurs déjà jugés aura-t-elle une influence sur celle que le
juge prononcera à l’égard du coauteur face à lui ? Ce dernier pourra-t-il contester les faits
établis lors de l’instance précédente ? Pourra-t-il contester sa participation même ? Plus
généralement, il s’agit ainsi de s’interroger sur l’autorité de la chose jugée au pénal sur le
pénal à l’égard des coauteurs (§1). Mais ce n’est alors envisager qu’un seul des aspects de
l’autorité de chose jugée. Effectivement, dans la mesure où l’action publique est indépendante
de l’action civile, il convient également de s’interroger sur les conséquences que pourrait
avoir la caractérisation d’une coaction pénale à l’égard d’une décision civile concernant des
coauteurs (§2).
§1- L’autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal
407. Principe d’autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal. – Consacré dans
notre droit depuis plusieurs siècles1273
et issu de l’adage Non bis in idem, le principe d’autorité
de chose jugée au pénal sur le pénal répond à un besoin de sécurité juridique1274
. Il impose
1273 Déjà présent dans l’ancien Droit, il est expressément affirmé par les constitutions de 1791 et de l’an III, par
les Codes de 1791, de 1808, et aujourd’hui par l’article 6 du Code de procédure pénale (ainsi que par son article
368 s’agissant de la cour d’assises). Il est également consacré par l’article 4 du Protocole n° 7 additionnel à la
Conv. E.D.H., l’article 14 § 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou encore les articles 54
à 58 de la Convention d’application des Accords de Schengen. 1274
J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 1024.
338
que l’individu ayant fait l’objet d’une décision ne puisse être poursuivi à nouveau pour les
mêmes faits. Pourtant, comme il l’a été remarqué, l’existence de coauteurs est susceptible de
poser des difficultés : une même infraction étant susceptible de donner lieu à des poursuites
successives à l’égard de coauteurs différents, la décision rendue en second pourrait remettre
en cause celle rendue en premier à l’égard d’un autre individu.
408. Limites à l’obligation de jonction de procédures et autorité de chose jugée. –
Cette éventualité est d’autant plus fréquente que l’on peut imaginer que certains coauteurs ne
soient pas découverts lors de la première instance. De plus, même si leur existence ne fait
aucun doute et qu’ils sont connus, la jurisprudence refuse que le juge sursoie à statuer sur les
faits dont il est saisi en attendant une décision sur une constitution de partie civile1275
ou
l’extradition d’un des participants1276
, bien que les faits en question soient indivisibles. La
Cour de cassation considère en effet que l’indivisibilité des poursuites en cas de pluralité de
délinquants ne peut s’appliquer qu’à des personnes en état d’être jugées1277
. Les cas dans
lesquels des coauteurs seraient amenés à être jugés au cours de deux instances distinctes sont
donc loin d’être des hypothèses d’école1278
et invitent nécessairement à réfléchir aux liens qui
vont pouvoir être établis entre eux, plus encore qu’en matière de complicité. En effet, la
coaction doit nécessairement entraîner une indivisibilité procédurale et donc une jonction de
procédures, censée limiter le risque de contrariété entre décisions. Devra-t-on alors considérer
que la décision prise à l’égard de l’un des coauteurs s’impose au juge lorsqu’il devra trancher,
postérieurement à cela, sur la participation d’un autre coauteur à l’infraction ? Ou au contraire
ce dernier sera-t-il libre de rejuger entièrement l’affaire, quitte à « déjuger » les premiers
magistrats et à s’exposer à des décisions contradictoires ?
Pour y répondre, il semble indispensable de se tourner vers les principes classiques de
procédure pénale en matière d’autorité de la chose jugée. Or, cette dernière est acquise
lorsqu’une triple identité peut être retenue.
1275 Cass. crim., 14 mars 1974, Bull. n° 115.
1276 Cass. crim., 29 juin 1976, Bull. n° 235. A. MARON (Dr. pén. 2006, Comm. 146) y voit d’ailleurs la
prévalence du principe de saisine in rem des juridictions correctionnelles sur le principe d’indivisibilité. 1277
Cass. crim., 29 juin 1976, préc. 1278
Dans le même sens, v. M. R. M. P., D. 1956, p. 501, note sous Cass. Crim., 9 févr. 1956, pour qui
« d’ailleurs, même si, à l’origine, les poursuites ont été simultanées, elles se séparent fréquemment, en cours de
procédure, notamment par le jeu des voies de recours, prennent des orientations différentes, et souvent se
terminent définitivement à l’égard des uns, tandis qu’elles continuent à l’égard des autres ».
339
409. Autorité de chose jugée et triple identité. – Pour que l’autorité de chose jugée
puisse être invoquée en tant que fin de non-recevoir, l’affaire doit en effet présenter une triple
identité : identité d’objet, de cause et de parties1279
. Or, des coauteurs qui n’auraient pas été
jugés lors d’une première instance ayant réglé le sort d’un autre coauteur de l’infraction qui
leur est reprochée ne peuvent apparemment pas se prévaloir d’une telle identité. Certes,
l’affaire présentera une identité d’objet dès l’instant où l’objet de l’action pénale est toujours
l’application d’une peine en vertu de l’article 1er
du Code de procédure pénale. En outre,
l’identité de cause pourrait également être relevée dans la mesure où le cas évoqué est ici
celui dans lequel la décision relative à la coaction d’un individu serait susceptible d’avoir des
conséquences sur la caractérisation de la coaction d’un autre individu : le raisonnement
concerne ainsi, a priori, des faits indivisibles et la même infraction, et donc la même cause de
l’action1280
. En revanche, l’identité de parties fait certainement défaut dans une telle
hypothèse puisque les personnes poursuivies sont différentes. Mais il est alors envisageable
que les deux décisions successives soient contradictoires. Dans une telle hypothèse, les
premiers coauteurs jugés disposeraient-ils d’un recours afin que leur culpabilité soit
réexaminée ? L’absence d’identité de parties en cas de poursuites successives (A) est ainsi
susceptible d’entraîner un recours en révision de la part des premiers coauteurs jugés (B).
A- L’absence d’identité de parties en cas de poursuites successives
410. Relativité de la chose jugée. – Doctrine et jurisprudence sont unanimes pour
considérer que peut être poursuivie pour les mêmes faits une personne autre que celle déjà
jugée1281
. En effet, l’autorité de chose jugée ne saurait justifier de brider le second juge dans
son pouvoir d’appréciation des faits. En outre, refuser cette solution reviendrait à mettre à mal
1279 Il s’agit là de la transposition de l’article 1351 du Code civil relatif à l’autorité de chose jugée en matière
civile, que la Cour de cassation ne manque pas de rappeler : v. notamment Cass. crim., 12 mai 2009, Di
Guiseppe, pourvoi n° 08-85.744. 1280
Il pourrait cependant être objecté que le fait d’avoir rejeté l’existence d’une coaction au cours d’une instance
pourrait permettre précisément de poursuivre à nouveau l’individu relaxé de ce chef sur un autre fondement,
celui de la complicité notamment. Mais la question est quelque peu différente car ce n’est alors pas la
caractérisation d’une coaction qui serait susceptible d’avoir des conséquences sur une instance ultérieure, mais
bien son absence, et les faits en cause ne seraient pas alors les mêmes. En outre, la juridiction de jugement avait
l’obligation de requalifier les faits, limitant ainsi ces cas de figure. 1281
V. notamment, pour la doctrine : B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 975 ; F. DESPORTES et L.
LAZERGES-COUSQUIER, Traité de procédure pénale, Economica, 2ème
éd., 2012, n° 1094 ; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, préc., n° 2657 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 1031.
Pour la jurisprudence : Cass. crim., 7 mars 1839, Bull. n° 83 ; 5 févr. 1985, Bull. n° 59 ; 15 janv. 2008, Bull. n° 8.
340
le principe du contradictoire. Effectivement, comment admettre qu’un individu se voie
opposer des affirmations qu’il n’a pu contester puisque précisément, il était absent du premier
procès1282
? Ce principe, en tant que garantie des droits de la défense1283
, ne saurait souffrir
qu’une telle atteinte lui soit infligée.
411. Débat quant à la limitation in favorem du principe d’autorité de chose jugée. –
Néanmoins, la doctrine est divisée quant à la portée à donner au principe d’autorité de chose
jugée au pénal sur le pénal. En effet, selon certains, il serait acceptable de limiter l’autorité de
la chose jugée dès lors que cette restriction serait favorable à l’individu poursuivi en
second1284
. Ainsi, lorsqu’un moyen objectif aurait fait obstacle à la condamnation de l’un des
participants à l’infraction (absence de fait délictueux ou acquisition de la prescription par
exemple), celui-ci devrait lier la décision de la juridiction ayant à connaître de ses
coparticipants lors de secondes poursuites et leur profiter. En revanche, les moyens personnels
tels que l’absence d’intention délictueuse par exemple ne pourraient leur profiter. Cependant,
comme le montrent certains auteurs, « la distinction est arbitraire » car ce serait ajouter à la
loi que d’admettre une telle solution1285
. C’est pourquoi une autre partie de la doctrine
considère que les poursuites successives doivent être absolument indépendantes les unes des
autres, sans distinguer selon que la décision précédente était favorable à l’individu poursuivi
en second ou non1286
.
412. Solution de la Cour de cassation : indépendance des poursuites successives. –
La Cour de cassation retient précisément cette solution. Elle juge ainsi que la relaxe de l’un
des coauteurs de l’infraction ne fait pas obstacle à la poursuite de son coauteur ou
1282 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Procédure pénale, n° 892. V. également D. CARON, J.-Cl.
Proc. pén., Art. 6, fasc. 20, 2003, n° 55 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 1031. 1283
V. notamment M. HEBRAUD, obs. sous CA Paris, 26 nov. 1955, RTD civ. 1956, p. 388. 1284
V. notamment C. GAVALDA, Aspects actuels du problème de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le
criminel, JCP G 1957, I, 1372, n° 41 et s. ; J.-A. ROUX, Cours de droit criminel français, t. II, p. 215 ; G. VIDAL
et J. MAGNOL, Cours de droit pénal et de science pénitentiaire, II, n° 674. 1285
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Procédure pénale, préc. 1286
B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 975 ; P. BOUZAT et J. PINATEL, II, n° 1537 ; R. GARRAUD, Traité
d’instruction criminelle, VI, n° 2297 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Procédure pénale, n°
892 ; J. ORTOLAN, Eléments de droit pénal, II, n° 1809 ; M.-L. RASSAT, Procédure pénale, n° 517 ; PH.
SALVAGE, J.-Cl. Pénal Code, art. 121-6 et 121-7, n° 124 et s.
341
complice1287
. De même, elle admet que soit retenue à l’égard d’un complice « qui a fait
l’objet de la seconde poursuite, une circonstance aggravante du fait principal qui n’a pas été
retenue à l’égard des autres complices poursuivis pour la première fois »1288
ou encore que
soit retenue à l’encontre de l’auteur principal une circonstance aggravante qui n’a pourtant pas
été caractérisée à l’égard de ses complices précédemment condamnés par une décision
devenue définitive1289
. Il s’agissait dans ces espèces de la circonstance de port d’arme et de
celle de préméditation, circonstances respectivement réelle et mixte, dont il a été vu qu’elles
pouvaient se transmettre de l’auteur vers ses complices1290
. La solution pourrait alors
parfaitement être transposée aux coauteurs : il devrait être possible de retenir une circonstance
aggravante réelle ou mixte à l’égard d’un coauteur jugé lors de secondes poursuites alors
même que cette circonstance n’aurait pas été reprochée à son coauteur jugé lors d’un premier
procès1291
.
413. Risque de contradiction. – Quoi qu’il en soit, l’absence d’identité de parties
empêche de considérer qu’il y a autorité de chose jugée en cas de poursuites successives de
différents coauteurs d’une même infraction. Dès lors, les décisions prises lors des secondes
poursuites recèlent un risque de contradiction avec celles prises lors des premières.
Néanmoins, la Cour de cassation considère que dans une telle hypothèse, la contradiction des
1287 Cass. crim., 19 nov. 1958, Bull. n° 680, D. 1959, somm. p. 67. V. également, plus récemment, en matière de
complicité : Cass. crim., 15 janv. 2008, Bull. n° 8, AJ pén. 2008, p. 195, obs. C. SAAS, qui dispose que
l’acquittement d’un individu n’empêche pas la poursuite ultérieure d’un complice du même fait. 1288
Cass. crim., 8 août 1960, Bull. n° 405. 1289
Cass. crim., 18 mars 1998, Bull. n° 104, JCP G 1998, IV, 2633. 1290
V. supra n° 365. 1291
Cette indépendance entre les poursuites pourrait toutefois être relativisée s’agissant de l’autorité de la chose
jugée au pénal sur le civil. En effet, s’agissant de la solidarité applicable au paiement des dommages et intérêts,
la Chambre criminelle considère que les coauteurs poursuivis dans le cadre de la seconde procédure devront être
condamnés solidairement au paiement des condamnations prononcées contre les premiers (Cass. crim., 25 mars
1875, Bull. n° 102 ; 7 mars 1925, Bull. n° 86 ; 16 avr. 1970, Bull. n° 135). En effet, la solidarité s’applique de
plein droit en cas de silence de la juridiction (Cass. crim., 25 mars 1875, préc.). Mais, faute d’identité de parties
et donc d’autorité de chose jugée, « le second juge pourra évaluer le montant des dommages-intérêts à une
somme différente de celle fixée par le premier juge, et alourdir ainsi, par le biais de la solidarité l’obligation des
premiers condamnés » (L. BORE, « Tribunal correctionnel, Solidarité », J.-Cl. Procéd. pén., préc., n° 16). Du
point de vue de la condamnation aux dommages et intérêts, l’autorité de chose jugée sera ainsi remise en cause.
Partant, cette solution jurisprudentielle est particulièrement contestable. Elle devrait d’autant plus disparaître que
le législateur a aujourd’hui supprimé l’automaticité des peines accessoires. L’article 132-17 du Code pénal
dispose en effet qu’ «Aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l'a expressément prononcée ».
Dans le même sens, v. L. BORE, « Tribunal correctionnel, Solidarité », préc., n° 16. (La disparition des peines
accessoires doit cependant être nuancée : v. E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 1335. Mais quoi qu’il en
soit, l’auteur condamne vivement leur maintien).
342
réponses données en cour d’assises « ne présente aucune violation de la loi »1292
. Surtout, le
caractère inconciliable de deux condamnations, tant pour un crime que pour un délit, est
précisément l’un des cas d’ouverture à révision1293
.
B- La possibilité d’un recours en révision
414. La révision pour décisions de condamnation inconciliables. – L’article 622 du
Code de procédure pénale offre la possibilité d’un recours en révision en cas de condamnation
pénale1294
dans quatre hypothèses1295
. La deuxième vise celle d’une contradiction entre deux
décisions et pourrait ainsi s’appliquer au cas de deux jugements ou arrêts ayant eu à juger du
sort de prétendus coauteurs de la même infraction. Mais la contradiction devant avoir eu lieu
entre deux décisions de condamnations, une telle hypothèse est a priori difficilement
envisageable en cas de coaction : comment imaginer une incompatibilité entre deux décisions
ayant chacune condamné un individu en tant que coauteur de la même infraction ? La
jurisprudence offre pourtant des exemples de telles situations. Ainsi, une première décision
avait condamné un individu pour vol en tant que coauteur de ce dernier, en relevant que ce vol
avait été commis par deux auteurs. Par la suite, deux autres individus ont reconnu être
coupables des mêmes faits et la décision fondant leur condamnation n’a jamais remis en cause
le fait que deux individus seulement aient participé à l’infraction. Si deux individus avaient
participé au vol, il ne pouvait à l’évidence y avoir trois coauteurs. Leurs condamnations
étaient donc inconciliables et la Chambre criminelle a ainsi admis la révision de l’arrêt ayant
1292 Cass. crim., 8 août 1960, Bull. n° 405.
1293 J. JEANDIDIER et J. BELOT, Les grandes décisions de la procédure pénale, PUF, coll. Thémis 1986, p. 231.
1294 Contrairement à certains systèmes étrangers tels qu’en Allemagne, Autriche ou encore en Norvège, le
législateur français (de même que les législateurs canadien, espagnol ou italien par exemple) n’admet pas la
révision in defavorem, c’est-à-dire à l’égard de décisions d’acquittement : v. J. PRADEL, La révision pour erreur
judiciaire (en droit comparé), R.P.D.P. 2001, p. 667 et s. 1295
Il dispose ainsi : « La révision d'une décision pénale définitive peut être demandée au bénéfice de toute
personne reconnue coupable d'un crime ou d'un délit lorsque :
1° Après une condamnation pour homicide, sont représentées des pièces propres à faire naître de suffisants
indices sur l'existence de la prétendue victime de l'homicide ;
2° Après une condamnation pour crime ou délit, un nouvel arrêt ou jugement a condamné pour le même fait un
autre accusé ou prévenu et que, les deux condamnations ne pouvant se concilier, leur contradiction est la preuve
de l'innocence de l'un ou de l'autre condamné ;
3° Un des témoins entendus a été, postérieurement à la condamnation, poursuivi et condamné pour faux
témoignage contre l'accusé ou le prévenu ; le témoin ainsi condamné ne peut pas être entendu dans les nouveaux
débats ;
4° Après une condamnation, vient à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la
juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. »
343
condamné le premier prévenu, en précisant d’ailleurs « qu’aucune coopération ou aucun
concert » n’avait été relevé entre le premier et les deux derniers prévenus1296
. En revanche,
elle a logiquement refusé la révision dans l’hypothèse où une cour d’assises ayant condamné
deux individus pour vol qualifié, une autre cour d’assises, à l’occasion de poursuites
successives, avait condamné un troisième individu du chef de ce même vol, au motif qu’il
n’était pas établi que le vol n’ait été commis que par deux personnes, d’autant plus que le jury
avait déclaré les accusés coupables d’un vol commis par « deux ou plusieurs personnes »1297
.
L’admission de ce cas de révision en matière de coaction recouvre ainsi des
hypothèses spécifiques et par définition assez rares. Mais un autre cas de révision peut être
invoqué utilement par des individus qualifiés de coauteurs.
415. La révision pour fait nouveau. – Le 4° de l’article 622 du Code de procédure
pénale offre en effet un cas de révision lorsque « après une condamnation, vient à se produire
ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de
nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné ». Ajouté aux trois autres par
une loi du 8 juin 18951298
, ce quatrième cas d’ouverture à révision est interprété de façon
extensive par la jurisprudence, en faisant ainsi le cas d’ouverture privilégié des
demandeurs1299
. Il permet en effet de prendre en compte de nombreuses situations. Parmi elles
peuvent être relevées des décisions ayant considéré comme un fait nouveau la décision de
relaxe ou d’acquittement d’un participant à l’infraction1300
. Ainsi, la Cour de cassation a
considéré que la découverte de l’absence de fait principal punissable lors de la poursuite de
l’auteur principal justifiait la demande en révision de la condamnation de son complice1301
.
Transposé à la coaction, il s’agirait ainsi de la situation dans laquelle un individu
aurait été condamné pour une infraction au titre de la coaction alors que son prétendu coauteur
1296 Cass. crim., 5 nov. 1989, Bull. n° 392, Rev. sc. crim. 1988, p. 550, obs. A. BRAUNSCHWEIG. V. également
Cass. crim., 11 juin 1869, Bull. n° 138, S. 1870, 1, p. 190 ; 2 févr. 1919, Bull. n° 33. 1297
V. notamment Cass. crim., 15 janv. 1902, Bull. n° 23, DP 1902, 1, p. 113, concl. M. BAUDOUIN. 1298
Elle-même modifiée par la loi n° 89-431 du 23 juin 1989 relative à la révision des condamnations pénales. 1299
H. ANGEVIN, J.-Cl. Proc. pén., « Demandes en révision », Art. 622 à 626, fasc. 20, 2010, n° 70. 1300
V. notamment Cass. crim., 20 juin 1994, Bull. n° 246 ; 17 juin 1998, Bull. n° 197. L’hypothèse se rapproche
alors de celle visée par le 2° de l’article 622 puisque les deux décisions sont alors inconciliables mais elle en
diffère en ce qu’il s’agit ici non de deux condamnations mais d’une condamnation et d’une relaxe ou d’un
acquittement. 1301
Cass. crim., 14 nov. 1985, Bull. n° 357, Rev. sc. crim. 1986, p. 647, obs. A. BRAUNSCHWEIG ; 26 juin 1991,
Bull. n° 282 : 20 juin 1994, préc. ; 19 juin 2002, pourvoi n° 01-88.256, JurisData n° 2002-015351. V. également
Cass. crim., 24 mai 2006, Bull. n° 152, AJ pén. 2006, p. 316, obs. C. GIRAULT ; AJ pén. 2006, p. 369, obs. G.
ROYER. En dernière date, v. Cass. crim., 17 janv. 2007, Bull. n° 11.
344
aurait pour sa part été relaxé de ce chef lors de poursuites différentes (successives ou même
disjointes, un seul d’entre eux choisissant d’utiliser les voies de recours par exemple).
Evidemment, pour que la révision soit envisageable, il est nécessaire que cette relaxe n’ait pas
été fondée sur des motifs personnels, mais qu’elle soit justifiée par une cause pouvant être
étendue aux coauteurs1302
(l’infraction est justifiée, ou prescrite par exemple1303
).
416. Bilan. – Deux cas d’ouverture à révision sont ainsi envisageables à l’égard
d’individus qualifiés de coauteurs et dont les poursuites auraient été successives ou disjointes.
La demande de révision, formulée par des personnes limitativement énumérées par le Code de
procédure pénale1304
, sera adressée à la commission de révision près la Cour de cassation, qui
décidera alors, s’il y a lieu, de saisir la chambre criminelle statuant comme Cour de
révision1305
. L’autorité de la chose jugée ne doit en effet pas conduire à ce que demeurent des
décisions inconciliables, au simple motif que l’un des auteurs présumés n’aurait pas été
retrouvé lors des premières poursuites ou qu’il aurait choisi de ne pas exercer les voies de
recours1306
. Il est donc inenvisageable que l’un des supposés coauteurs ne soit pas mis en
mesure de contester sa participation à l’infraction alors même qu’il était absent lors des
premiers débats l’ayant qualifié de la sorte. En d’autres termes, tout supposé coauteur devrait
pouvoir contester sa participation à l’infraction, même s’il n’était pas présent lors des
premiers débats ayant retenu cette qualification à son égard. Il faut alors voir s’il en est de
même s’agissant de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.
1302 Dans le même sens, v. C. GUILLEMAIN, Révision et criminalité dépendante, La portée des décisions de
justice inconciliables, JCP G 2001, I, 295, spéc. n° 7, selon qui « pour que la révision soit valable, l’infraction
doit disparaître ». Cependant, cet auteur explique également que prononcer une relaxe ou un acquittement à
l’égard d’un seul individu n’est absolument pas contradictoire en matière de coaction car le sort des coauteurs est
parfaitement indépendant. 1303
V. infra n° 437 et s. et 462 et s. 1304
L’article 623 dispose en effet que : « La révision peut être demandée :
1° Par le ministre de la justice ;
2° Par le condamné ou, en cas d'incapacité, par son représentant légal ;
3° Après la mort ou l'absence déclarée du condamné, par son conjoint, ses enfants, ses parents, ses légataires
universels ou à titre universel ou par ceux qui en ont reçu de lui la mission expresse. » 1305
V. C. proc. pén., art. 623 et s. 1306
V. C. GUILLEMAIN, Révision et criminalité dépendante, La portée des décisions de justice inconciliables,
préc., n° 11.
345
§2- L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil
417. Principe d’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. – Le principe selon
lequel la chose jugée au pénal a autorité sur celle jugée au civil date du XIXème siècle.
Consacré de façon définitive par la jurisprudence dans l’arrêt Quertier rendu par la Chambre
civile de la Cour de cassation le 7 mars 18551307
, il est depuis constamment rappelé par la
jurisprudence1308
. Bien que son fondement soit discuté et son principe contesté1309
, il demeure,
en particulier s’agissant de la qualification des faits et de la déclaration de culpabilité ou de
non-culpabilité d’un individu.
Dès lors, le fait d’avoir établi une coaction pénale pourrait avoir un impact en matière
civile si des coauteurs venaient à être jugés par une juridiction civile : cette dernière ne
pouvant remettre en cause la participation à l’infraction ainsi établie, elle devrait en tirer les
conséquences sur le plan civil, notamment quant à la réparation du préjudice de la victime.
Cependant, le principe d’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil a un effet relatif,
c’est-à-dire qu’il ne peut s’imposer à l’égard des personnes qui n’étaient pas parties à
l’instance pénale1310
. Il faut alors s’intéresser aux hypothèses d’absence d’autorité de la chose
jugée au pénal sur le civil alors qu’une coaction pénale a été établie (A) avant de voir
l’exigence d’une telle autorité dans cette situation (B).
A- L’absence d’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil
418. L’hypothèse d’absence d’identité entre les défendeurs. – Des mêmes faits
pouvant être le fruit de l’action conjuguée de différents coauteurs, il est possible d’imaginer
que certains fassent l’objet de poursuites civiles alors qu’ils n’ont pas été inquiétés par les
juridictions pénales pourtant saisies de l’affaire mais à l’égard d’autres participants.
Ainsi, imaginons qu’en vertu de l’opportunité des poursuites, le Ministère Public n’ait
pas souhaité poursuivre un individu B alors même que son coauteur A l’aurait été et aurait, en
1307 Bull. civ. n° 31 ; D. 1855, 1, p. 81; S. 1855, 1, p. 439.
1308 V. notamment Cass. 1
ère civ., 25 mars 1997, Bull. civ., I, n° 104 ; Cass. 2
ème civ., 25 mars 1998, Bull. civ., II,
n° 99 ; JCP G 1998, IV, 02156 ; Cass. soc., 13 juin 2001, pourvoi n° 99-41.105, JurisData n° 2001-010272. 1309
La formule est empruntée à D. CARON, « Autorité de la chose jugée, Autorité de la chose jugée au pénal sur
le civil », J.-Cl. Procéd. Pén. Code, App. art. 6, fasc. 20, 2011. 1310
V. notamment B. BOULOC, Procédure pénale, préc., n° 983 ; J. PRADEL, Procédure pénale, préc., n° 1039.
346
outre, été condamné au titre de la coaction. Le juge civil amené ultérieurement à examiner la
même affaire ne pourrait nier la participation de A à l’infraction en vertu de l’autorité de la
chose jugée au pénal sur le civil ; mais il pourrait en revanche imputer ces mêmes faits à
B1311
. En effet, si les défendeurs lors des litiges pénal et civil ne sont pas les mêmes, l’autorité
de la chose jugée au pénal n’existe pas car alors « le juge civil ne statue pas sur le même
problème d’imputation que le juge pénal »1312
. Or, une telle hypothèse, bien que rare, serait
susceptible d’exister en matière de coaction.
Elle est en réalité d’autant plus envisageable que la coaction peut concerner des
affaires où un grand nombre de protagonistes seraient condamnables en tant que coauteurs
mais où le Ministère Public aura préféré n’en poursuivre que certains, à titre d’exemple. Il
faut se rappeler ici de l’affaire des faucheurs volontaires précédemment évoquée : en l’espèce,
plus de 400 personnes avaient participé à l’infraction de destruction du bien d’autrui ;
cependant seules certaines d’entre elles avaient été poursuivies1313
. La solution serait
d’ailleurs identique si le juge pénal avait refusé de caractériser la participation de l’individu
A : le juge civil pourrait alors caractériser la participation de B ou C1314
.
En revanche, dès l’instant où les faits ainsi que les défendeurs à l’action sont les
mêmes lors des litiges pénal et civil, le principe d’autorité de la chose jugée au criminel sur le
civil aura vocation à s’appliquer.
B- L’exigence d’une autorité de la chose jugée au pénal sur le civil
419. L’imputation collective d’un dommage causé par le membre indéterminé d’un
groupe. – Exiger que la chose jugée au pénal s’impose sur celle jugée au civil suppose surtout
une identité de faits entre ces choses jugées. Or, l’un des points d’intersection qui se
retrouvent fréquemment entre les matières civile et pénale lorsque plusieurs défendeurs sont
en cause est certainement celui des dommages causés en groupe1315
. Ainsi, dans l’hypothèse
où un dommage a été causé en groupe sans que l’on puisse déterminer quel membre en était à
1311 Il serait d’ailleurs possible de considérer ici que la cause même de l’action est différente en ce que la
participation de B est un fait différent de celle de A. 1312
A. BOTTON, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, LGDJ, 2010, n° 377. 1313
V. supra n° 397. 1314
A. BOTTON, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, préc., n° 377. V.
également N. VALTICOS, L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Thèse Paris, Sirey, 1953, n° 359. 1315
V. notamment J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une théorie
générale de la responsabilité juridique, thèse Bordeaux IV, 2012, n° 310 et s.
347
l’origine, la jurisprudence a recours à une présomption de causalité afin de relier les différents
membres de ce groupe au dommage. Or, dès lors qu’une coaction entre les membres d’un tel
groupe est établie, elle pourrait justifier l’établissement de cette présomption de causalité en
matière pénale (1), dont les conséquences seraient particulièrement prégnantes en matière
civile (2).
1- L’établissement d’une présomption de causalité en matière pénale
420. Hypothèses. – En cas de dommage causé par le membre indéterminé d’un groupe,
il a précédemment été énoncé que, dès lors que la participation d’un individu à une activité
dangereuse ainsi que la preuve que l’activité dangereuse en question avait causé le dommage
(de façon intentionnelle ou non) étaient constatées, une présomption de participation de
l’individu au dommage et donc de causalité avec celui-ci pouvait être établie. En effet, plutôt
qu’établir un lien de causalité entre chaque membre du groupe et le dommage, la
jurisprudence considère l’ensemble des comportements comme un tout, une scène unique,
dont le lien de causalité avec le dommage sera beaucoup plus aisé à établir1316
. En matière
intentionnelle, il s’agit par exemple de l’hypothèse dans laquelle deux personnes jettent des
pierres sur un individu, sans que l’on puisse déterminer quel projectile a atteint la victime. En
matière non intentionnelle, il s’agit par exemple du groupe de chasseurs tirant dans une même
direction et blessant un promeneur, sans que, là encore, on ne puisse déterminer qui est
l’auteur du coup de feu ayant touché l’individu.
421. Coaction et cause concrète du résultat pénal. – Cette présomption est parfois
présentée comme une règle de preuve1317
, dans la mesure où il est toujours envisageable de
démontrer que l’individu n’a pas été la cause concrète du dommage et, donc, qu’il n’encourt
pas de sanction pénale. Cependant, cette affirmation pourrait ne pas convaincre si l’on retient
une participation au titre de la coaction. En effet, raisonner sur une coaction et donc sur une
infraction collective implique nécessairement de globaliser les comportements en cause, et de
faire émerger une « cause unique », fusion des causes individuelles, qui devra être
1316 V. supra n° 177 et s.
1317 F. ROUSSEAU, De quelques réflexions sur la responsabilité collective, Aspects de droit civil et de droit pénal,
D. 2011, p. 1983, n° 11.
348
déterminante du résultat pénal envisagé. Or, démontrer qu’un individu n’a pas été la cause
concrète du dommage ne signifie pas pour autant qu’il ne peut en être qualifié de coauteur. Il
pourra l’être si les comportements des coauteurs, pris dans leur ensemble, s’entendent d’une
cause déterminante du résultat pénal1318
. Cela est d’autant plus vrai qu’il n’est pas nécessaire
que l’ensemble des coauteurs d’une infraction accomplissent chacun tous les éléments
constitutifs de l’infraction collective : celui qui n’en aura commis que le commencement
d’exécution pourra être qualifié de coauteur1319
. Or, par hypothèse, ce dernier n’aura pas, pris
individuellement, causé concrètement le résultat infractionnel. Aussi, si l’on admettait que le
coauteur d’une infraction puisse s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a pu,
concrètement, causer le dommage, la définition ainsi posée de la coaction perdrait toute
pertinence. Il faut alors considérer qu’en cas de dommage causé par le membre indéterminé
d’un groupe, si une coaction est établie entre les différents protagonistes du groupe, la
présomption de causalité entre le comportement de chacun des membres du groupe et le
dommage devient une règle de fond, et le résultat infractionnel doit leur être imputé à tous. La
sévérité de la solution se justifie tant en matière intentionnelle que non intentionnelle dans la
mesure où l’entente, propre à la coaction, qu’elle porte sur un acte ou sur un résultat
infractionnels1320
, entraîne une dangerosité accrue qui ne peut laisser indifférent, et surtout,
implique l’existence d’une infraction unique, collective.
422. Maintien de la règle de preuve en l’absence de coaction. – Pour autant, il ne
faudrait pas en conclure que tout membre d’un groupe se verra nécessairement imputer le
dommage causé par un de ses membres indéterminé, sans pouvoir renverser cette
présomption. Si aucune coaction ne peut être relevée entre les membres du groupe, faute
d’entente par exemple, la présomption doit demeurer une simple règle de preuve. A cet égard,
il est possible d’imaginer l’hypothèse dans laquelle deux chasseurs n’ayant pas prévu de
chasser ensemble se retrouvent par hasard à tirer sans visibilité dans la même direction, sans
aucune concertation. Si l’un de leurs tirs blesse un individu, les chasseurs ne pourront être
qualifiés de coauteurs car leur imprudence n’est pas commune ici, leurs fautes sont
1318 V. supra n° 217 et s., spéc. n° 230.
1319 V. supra n° 292 et 293.
1320 V. supra n° 121 et s.
349
simplement concurrentes et non conjuguées1321
. Dès lors, là encore, la présomption de
causalité entre leurs comportements et le dommage devra pouvoir être renversée et demeurer
une simple règle de preuve.
423. Bien que cantonnée aux hypothèses dans lesquelles une coaction aura été retenue,
la solution témoigne d’une sévérité particulière à l’égard de ce mode de participation, d’autant
plus que cette transformation de la présomption de causalité en cas de dommage causé par le
membre indéterminé d’un groupe en règle de fond pourrait avoir des conséquences
intéressantes en matière civile, renforçant davantage la sévérité de la coaction.
2- Les conséquences en matière civile
424. Présomption de causalité en droit civil. – La matière civile connaît également la
question des dommages causés par le membre d’un groupe sans qu’il soit possible de
déterminer l’auteur de ce dommage, en particulier s’agissant des accidents de chasse ou des
jeux d’enfants ayant occasionné un dommage à autrui. Comme en matière pénale, après avoir
d’abord rejeté la responsabilité des membres du groupe faute de pouvoir établir avec certitude
le lien de causalité unissant chaque individu au dommage1322
, doctrine et jurisprudence ont
élaboré différentes théories afin de justifier l’imputation du dommage à l’ensemble du groupe,
en se fondant sur les articles 1382 et 1384 alinéa 1er
du Code civil. Il a ainsi été envisagé de
retenir la faute collective des membres du groupe1323
ou encore de considérer que ceux-ci
avaient la garde commune de la chose à l’origine du dommage (le ou les plombs en matière
d’accidents de chasse, le ballon par exemple en matière de jeux d’enfants)1324
. Mais, quel que
soit le fondement envisagé pour retenir la responsabilité de l’ensemble des membres du
groupe, la doctrine considère parfois que le rapport de causalité ainsi établi n’est qu’une règle
1321 Sur ces notions, v. supra n° 152 et s.
1322 Pour la doctrine, v. notamment G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de droit civil, Les conditions de la
responsabilité, LGDJ, 3ème
éd., 2006, n° 375. Pour la jurisprudence, v. notamment Cass. 2ème
civ., 4 janv. 1957,
D. 1957, 264 ; Cass. 2ème
civ., 9 oct. 1957, D. 1957, 708. 1323
Cass. 2ème
civ., 5 juin 1957, D. 1957, 493, note SAVATIER ; JCP G 1957, 10205, note ESMEIN ; Cass. 2ème
civ.,
6 mars 1968, Bull. civ. II, n° 76 ; Cass. 2ème
civ., 19 mai 1976, JCP G 1978, 18773, note N. DEJEAN DE LA BATIE,
1ère
esp. ; Bull. civ. II, n° 163 ; Cass. 2ème
civ., 2 avr. 1997, D. 1997, IR 105, Bull. civ. II, n° 112. 1324
V. notamment D. MAYER, La « garde » en commun, RTD Civ. 1975, p. 197. V. également Cass. 2ème
civ., 9
oct. 1957, D. 1957, 708; Cass. 2ème
civ., 15 déc. 1980, Bull. civ. II, n° 269; Cass. 2ème
civ., 1er avr. 1981, Bull.
civ. I, n° 24.
350
de preuve. Cette présomption de causalité1325
doit alors rester simple et permettre à chacun de
s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a pu causer le dommage1326
. La
jurisprudence retient d’ailleurs cette solution puisqu’elle admet d’écarter la responsabilité
d’un chasseur ayant prouvé que son tir n’avait pu être la cause des blessures de la victime1327
.
La parenté avec les solutions retenues en matière pénale permet alors de penser que la
transformation, en matière pénale, de la présomption de causalité en règle de fond pourrait
avoir des conséquences en matière civile.
425. Etablissement de la causalité civile. – En effet, la Cour de cassation considère
que le jugement de relaxe fondé sur l’absence de lien de causalité entre l’accident et les
blessures ne peut être contredit, tant sur le fondement de l’article 1382 du Code civil que sur
celui de son article 1384 alinéa 1er1328
. Dès lors, la réciproque devrait également s’appliquer :
si le juge pénal considère le lien de causalité entre un comportement et un dommage établi, le
juge civil devrait en faire de même. C’est précisément ce que retient la Cour de cassation : le
lien de causalité établi par le juge pénal ne peut être remis en cause par le juge civil1329
.
Certes, les conceptions civiliste et pénaliste de la causalité auraient pu laisser entrevoir des
divergences quant à l’établissement du lien causal, mais refuser une telle distinction est
certainement justifié en ce que l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil « contribue à
garantir la paix sociale comme la crédibilité de la justice »1330
.
Quoi qu’il en soit, l’autorité de chose jugée au criminel sur le civil va permettre de
transposer en matière civile la causalité établie en matière pénale alors même que les règles en
matière civile auraient pu être différentes, et ce d’autant plus que le juge civil n’établit pas
nécessairement la causalité de la même façon que le juge pénal. La causalité civile sera ainsi
établie de façon irréfragable. La conclusion se rapproche d’ailleurs de celle proposée par un
1325 V. PH. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 2
ème éd., 2009, n° 261 ; G. VINEY et P.
JOURDAIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, préc., n° 378. 1326
PH. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle, préc., n° 361 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX,
Les obligations, Le fait juridique, t. 2, A. Colin, 13ème
éd., 2009, n° 165; G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de
droit civil, Les conditions de la responsabilité, préc., n° 380 ; F. ROUSSEAU, De quelques réflexions sur la
responsabilité collective, Aspects de droit civil et de droit pénal, préc. , n° 10. 1327
Cass. 2ème
civ., 9 mai 1976, 3ème
arrêt, JCP G 1978. II. 18773, note N. DEJEAN DE LA BATIE. 1328
Cass. 2ème
civ., 12 juin 1975, Bull. civ. II, n° 176 ; RTD civ. 1997, p. 334, note G. DURRY ; Cass. 2ème
civ., 21
oct. 1976, D. 1977, I. R., p. 14 ; Cass. 2ème
civ., 5 janv. 1978, D. 1978, I. R., p. 201, obs. C. LARROUMET ; Cass.
2ème
civ., 22 avr. 1992, Bull. civ., II, n° 127 ; D. 1992, jurispr. p. 353, note PH. BURGELIN ; Cass. 2ème civ., 31
mars 1993, Bull. civ., II, n° 130. 1329
Cass. 3ème
civ., 11 mai 2000, Bull. civ. III, n° 108. 1330
A. BOTTON, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, préc., n° 387.
351
auteur en matière civile, qui avait envisagé de faire de la responsabilité collective des
membres du groupe une règle de fond dès lors qu’une entente unissait ses membres1331
.
Certains voient dans une telle solution une forme de sanction des individus ayant participé à
une action collective dangereuse1332
, dont la finalité serait en accord avec un certain
renouveau de l’idée de punition en droit civil1333
. Cependant, outre le fait qu’il peut sembler
particulièrement contestable de dévoyer ainsi les fonctions traditionnelles des responsabilités
civile et pénale1334
, la solution n’a pas besoin d’une telle justification : elle s’explique ici par
le souci de cohérence entre les matières civile et pénale, allié à l’autorité de la chose jugée au
criminel sur le civil.
De plus, transposer en matière civile la causalité établie en matière pénale éviterait
toute question relative aux recours entre coauteurs au stade de la contribution à la dette. En
effet, leur faute pénale commune justifie non seulement que tous soient obligés à la dette,
mais aussi que tous y contribuent : aucune distinction selon la gravité des fautes, critère
traditionnellement utilisé pour régler cette difficulté, n’aurait à être mise en place puisqu’une
1331 H. ABERKANE, Du dommage causé par une personne indéterminée dans un groupe déterminé de personnes,
RTD civ. 1958, p. 516, spéc. n° 29 et s. Sur la responsabilité collective comme règle de fond, v. également G.
DURRY, note sous Civ. 2ème
, 9 mai 1976, RTD civ. 1977, 129 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, préc.,
n° 165.
En outre, le projet de réforme du droit de la responsabilité civile de l’Académie des sciences morales et
politiques se fonde également sur l’idée d’entente pour justifier l’imputation collective du dommage causé par le
membre indéterminé d’un groupe, même s’il considère la présomption de causalité ainsi établie comme une
simple règle de preuve. Il envisage en effet un article 12 rédigé comme suit : « Lorsqu’un dommage est causé
par un membre indéterminé d’un groupe de personnes agissant de concert, chacune en répond pour le tout, sauf
à démontrer qu’elle ne peut l’avoir causé ». Sans empêcher pour autant la création jurisprudentielle d’autres
présomptions de causalité fondées sur d’autres éléments (V. J.-S. BORGHETTI, « De la causalité », in Pour une
réforme du droit de la responsabilité civile, Sous la direction de F. TERRE, Dalloz, Coll. Thèmes et
Commentaires, 2011, p. 143 et s.), ce texte démontre ainsi que l’entente peut s’analyser comme un critère
efficace d’établissement d’une présomption de droit. Transformer la règle de preuve en règle de fond dès lors
qu’une coaction pénale, fondée sur une entente alliée à d’autres critères, serait caractérisée pourrait alors être
d’autant plus envisageable. 1332
En ce sens, V. G. DURRY, note sous Civ. 2ème
, 9 mai 1976, RTD civ. 1977, 129 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et
E. SAVAUX, préc., n° 165. 1333
V. notamment S. CARVAL, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, LGDJ, 1995. V.
également F. ROUSSEAU, De quelques réflexions sur la responsabilité collective, préc., n° 20, qui parle à cet
égard de « responsabilité normative ». 1334
V. notamment J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une théorie
générale de la responsabilité juridique, thèse Bordeaux IV, 2012, spéc. Partie 2.
En outre, F. ROUSSEAU, De quelques réflexions sur la responsabilité collective, Aspects de droit civil et de droit
pénal, préc., n° 20 montre également que la solution nécessiterait de vérifier la capacité de discernement de
chaque individu du groupe et d’exiger un minimum de concertation. Mais l’auteur raisonne ici sur la
transformation de la responsabilité collective en règle de fond de façon générale ; dès lors que la solution est
cantonnée à la question de la coaction, qui vérifie ces deux aspects (pour l’imputabilité, v. supra n° 60 et s.; pour
l’entente, v. supra n° 91 et s.), cette objection disparaît.
352
seule infraction pénale, commune, peut être relevée. Il conviendrait alors de partager la dette
par parts viriles.
426. Cantonnement de la solution à la coaction pénale. – Néanmoins, là encore, il
faut se garder d’étendre à l’excès cette solution : elle doit demeurer cantonnée aux hypothèses
dans lesquelles une coaction au sens pénal du terme aura été établie entre les membres du
groupe. Ainsi, si aucune coaction n’est caractérisée entre les membres du groupe, la
présomption de causalité établie par les juges répressifs, déjà simple règle de preuve en
matière pénale, devra demeurer une règle de preuve en matière civile également. Le courant
jurisprudentiel actuel relatif aux dommages survenus en matière médicale, représenté par
exemple par les solutions rendues à l’occasion de l’affaire du Distilbène1335
doit donc
s’attacher à ce que la présomption de causalité qui y est mise en œuvre reste une simple règle
de preuve.
1335 V. Cass. 1
ère civ., 24 sept. 2009, UCB Pharma et Novartis Santé Familiale, pourvois n° 08-10.081 et n° 08-
16.305, RTD civ. 2010, p. 111, note P. JOURDAIN ; D. 2010, p. 50, note P. BRUN, et 2672, note I. GELBARD-LE
DAUPHIN ; RDSS 2009, p. 1161, note J. PEIGNE ; RTD com. 2010, p. 415, note B. BOULOC ; JCP G 2009, n° 44,
381, note S. HOCQUET-BERG ; RCA 2009, étude 15, par C. RADE. V. également Cass. 1ère
civ., 28 janv. 2010, n°
08-18.837, RCA 2010, n° 80 ; D. 2010, p.2671, obs. I. GELBARD-LE DAUPHIN, et 2011, p. 39, obs. P. BRUN ;
RTD com. 2010, p. 776, obs. B. BOULOC.
353
Conclusion du chapitre 2
427. L’indivisibilité entre coauteurs. – L’interdépendance liant les coauteurs se traduit
nécessairement sur le plan procédural en les soumettant à une véritable solidarité. En effet, les
comportements des coauteurs étant étroitement mêlés, la définition même de la coaction ne
peut se satisfaire d’une simple connexité et impose une indivisibilité entre coauteurs dans la
mesure où celle-ci suppose également un rapport mutuel de dépendance. L’indivisibilité
entraînera ainsi une jonction obligatoire des procédures les concernant, permettant que tous
soient jugés par les mêmes magistrats, et participant de la sorte à une meilleure administration
de la justice. En outre, l’indivisibilité justifie que l’acte interruptif de prescription adressé à
l’un des coauteurs étende ses effets aux autres et interrompe ainsi le délai de prescription à
leur égard également. Enfin, elle impose une solidarité entre coauteurs pour le paiement des
dommages et intérêts, solidarité qui ne peut toutefois être justifiée quant au paiement des
amendes pénales.
L’indivisibilité engendre ainsi des conséquences qui peuvent susciter des difficultés de
mise en œuvre et expliquent qu’on ne puisse l’imposer que dans peu d’hypothèses. De ce fait,
et parce que les définitions de l’indivisibilité et de la complicité ne convergent pas
nécessairement, il est logique de ne pas rendre obligatoire l’indivisibilité en matière de
complicité qui, pour sa part, ne se caractérise pas par une interdépendance des
comportements. Surtout, l’indivisibilité reflète une sévérité particulière à l’égard de la
coaction. En effet, en permettant que l’acte interruptif d’instance pris à l’égard de l’un étende
ses effets aux autres, elle place les coauteurs dans une solidarité de répression qui leur est
défavorable puisque le délai de prescription sera reconduit pour tous, y compris pour ceux
n’ayant pas été visés par l’acte interruptif. De même, la solidarité dans le paiement des
dommages et intérêts peut être considérée comme une forme de sanction civile des coauteurs,
s’ajoutant à leur condamnation pénale.
428. L’autorité de chose jugée entre coauteurs. – Toutefois, cette solidarité
procédurale est susceptible de connaître des limites. En effet, malgré l’indivisibilité
procédurale unissant les coauteurs, il peut arriver que ces derniers ne puissent être jugés
354
ensemble, parce que l’un aura exercé des voies de recours alors que l’autre y aura renoncé, ou
encore parce que l’un d’entre eux sera en fuite. Le principe d’autorité de chose jugée sera
alors mis en balance face à celui du contradictoire notamment. Aussi, le principe d’autorité de
chose jugée ne peut conduire à ce qu’un individu qualifié de coauteur alors qu’il était absent
lors des débats ne puisse contester sa participation à l’infraction. Partant, l’absence d’identité
de parties lors de poursuites successives autorise à ce que les faits, bien qu’identiques, soient
jugés lors d’une nouvelle instance. Mieux encore, l’éventuelle contradiction de décisions qui
pourrait en résulter ouvre la possibilité d’un recours en révision. Le principe d’autorité de la
chose jugée au pénal sur le pénal impose donc des aménagements en matière de coaction afin
qu’un coauteur absent des premiers débats soit mis en mesure de se défendre et que ne
demeurent pas des décisions inconciliables.
En outre, le principe d’autorité de chose jugée au pénal sur le pénal se double d’un
principe d’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil. Dès lors, la caractérisation d’une
coaction pénale a nécessairement des incidences sur les affaires civiles mettant en cause des
individus qualifiés de coauteurs par les juridictions pénales. Ce constat est particulièrement
vrai en matière de dommages causés en groupe, que leur commission ait été intentionnelle ou
non : dès l’instant où un dommage aura été considéré comme l’œuvre de coauteurs au sens
pénal, le juge civil ne pourra nier leur participation au dommage et devra considérer comme
établie la causalité entre leurs comportements et le dommage.
355
Conclusion du Titre 1
429. Une responsabilité soumise à la communication pénale entre coauteurs. –
L’interdépendance constatée entre coauteurs commande ainsi une sévérité particulière dans
leur régime. D’une part, en imposant une communication pénale entre eux des éléments
constitutifs de l’infraction collective, elle élargit le champ de leur répression. De plus, la
possibilité de leur imputer certaines circonstances aggravantes de l’infraction collective
participe également de cette sévérité accrue : bien que soumise à conditions, cette éventuelle
communication se fait à double sens, chaque coauteur étant susceptible de colorer l’infraction.
La distinction avec la complicité prend alors tout son sens dans la mesure où, si cette dernière
forme de participation permet au complice d’emprunter certaines circonstances pourtant
réalisées par l’auteur principal, la réciproque n’est pas nécessairement vérifiée. La solution
permet alors de ménager une cohérence dans la répression des modes de participation tout en
assurant l’autonomie de la coaction.
430. Une procédure soumise à la solidarité entre coauteurs. –D’autre part,
l’interdépendance entre coauteurs se retrouve également quant à la procédure à laquelle ils
sont soumis, qui témoigne ainsi d’une véritable solidarité entre eux. Or, là encore, cette
solidarité procédurale entraîne une sévérité particulière à l’égard des coauteurs.
Effectivement, parce que la définition de la coaction dicte une indivisibilité entre ses acteurs,
les effets de celle-ci vont s’étendre à tous ces derniers, conduisant alors à interrompre le délai
de prescription pour tous ou encore à leur imposer, notamment, une solidarité en matière de
paiement de l’amende. A la communication d’éléments de fond répond ainsi une
communication procédurale entre coauteurs, qui s’impose dans un souci de bonne
administration de la justice. Toutefois, cette solidarité procédurale connaît des limitations
lorsqu’il est impossible de juger tous les coauteurs en même temps. Le principe d’autorité de
la chose jugée ne peut alors mettre à mal les principes essentiels de procédure, en particulier
les droits de la défense. Le coauteur absent lors des premiers débats pourra ainsi remettre en
cause sa participation lors d’une nouvelle instance, ce qui sera susceptible d’ouvrir un recours
en révision au premier jugé dans l’hypothèse où les décisions seraient inconciliables. En
revanche, si le principe d’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil permet au juge
356
civil de connaître d’une affaire déjà examinée par le juge pénal, il exige que la coaction
établie par ce dernier ne puisse être niée et emporte établissement du lien de causalité entre les
coauteurs et le dommage : à nouveau, la solidarité procédurale témoigne de la sévérité des
conséquences qu’implique l’interdépendance entre coauteurs.
Mais l’interdépendance entre coauteurs n’est pas la seule spécificité reconnue à la
coaction. Effectivement, cette dernière a avant tout été définie comme un mode de
participation à une infraction collective, ce qui n’est pas sans susciter de nouvelles
conséquences sur son régime.
357
Titre 2- L’influence de la participation à une infraction
collective sur le régime de la coaction
431. Lien entre infraction collective et entente. – La coaction a été définie comme un
mode de participation criminelle dont l’objet serait nécessairement une infraction
collective1336
. Partant, cet objet particulier devrait entraîner des conséquences spécifiques sur
ce titre d’imputation1337
. Or, là encore, il semble que cet impact traduise une sévérité
particulière à l’égard de ce mode de participation à l’infraction.
432. Infraction collective et participation à une infraction unique. – L’infraction
collective est ainsi, et avant tout, une infraction unique. Partant, tout élément qui affecte cette
infraction va nécessairement avoir des conséquences sur l’ensemble de ses participants et
donc sur ses coauteurs. Par exemple, si un élément constaté à l’égard d’un coauteur fait
disparaître l’infraction, parce que celle-ci est commune aux coauteurs, elle devra disparaître à
l’égard de tous.
Assurément, la même conclusion pourrait a priori être tirée s’agissant de la
complicité. Néanmoins, cette dernière ne se greffe pas nécessairement sur une infraction
collective ou unique1338
. De plus, même si tel est le cas, ce constat ne remettrait pas
obligatoirement en cause la sévérité particulière de la coaction : pour reprendre le même
exemple, en admettant que la disparition de l’infraction à l’égard de l’auteur principal
bénéficie également au complice, la coaction ne serait pas nécessairement plus favorable que
la complicité. En effet, pour aboutir à une telle conclusion, il faut nécessairement se référer
1336 Même s’il est vrai que la justification de cette infraction collective est fondée sur un élément subjectif,
l’entente : v. supra n° 91 et s. 1337
Certes, l’existence de cette infraction collective est fondée sur l’entente unissant les coauteurs, de même que
cette dernière justifiait l’existence d’une interdépendance entre eux. Il serait alors possible d’invoquer le
caractère artificiel de la distinction selon laquelle certains éléments du régime seraient déterminés par
l’interdépendance entre coauteurs alors que d’autres le seraient par la participation à une infraction collective.
Cependant, l’entente crée ici un élément parfaitement objectif puisqu’elle permet de caractériser l’existence
d’une seule et même infraction, élément objectif dont les caractères devraient nécessairement avoir un impact sur
le régime applicable aux coauteurs. 1338
V. supra n° 102 et s.
358
aux autres caractères déduits de la participation des coauteurs à une infraction collective : si
ceux-ci entraînent pour leur part une sévérité accrue de la coaction, il est alors possible de
retenir une sévérité globale de l’influence de la participation à une infraction collective sur le
régime de la coaction.
433. Infraction collective et participation à sa propre infraction. – En outre,
l’infraction collective en jeu n’est pas n’importe quelle infraction collective : parce que la
coaction se définit comme une mode de participation à sa propre infraction, l’infraction
collective est d’abord l’infraction collective des coauteurs, et non celle d’autrui, la
rapprochant en cela de l’infraction commise par un auteur. Dès lors, ce constat devrait
emporter des conséquences quant à la répression de la coaction dans la mesure où l’action est
réprimée plus largement que la complicité par exemple.
434. Il convient alors de préciser ces incidences en étudiant l’influence de la
participation à une infraction unique (Chapitre 1) puis de la participation à sa propre
infraction (Chapitre 2) sur le régime de la coaction.
359
Chapitre 1- L’influence de la participation à une infraction unique sur le
régime de la coaction
435. Exclusion des causes d’aggravation de responsabilité. – Il a été montré qu’en
participant à une infraction collective, les coauteurs participent avant tout à une infraction
unique, qui leur est commune. Ainsi, les causes qui vont affecter cette infraction devraient
nécessairement se répercuter sur l’ensemble de ses participants, et donc sur ses coauteurs. Or,
différentes circonstances sont susceptibles de toucher l’infraction, en l’aggravant ou en la
faisant disparaître, et donc d’être communes aux coauteurs. Parmi elles, il serait possible
d’envisager notamment les circonstances aggravantes puisque, comme il l’a été dégagé, elles
viennent colorer l’infraction lorsqu’elles sont réelles ou mixtes1339
. Cependant, outre le fait
que la communication de ces circonstances s’explique par l’interdépendance entre
coauteurs1340
, leur caractérisation ne conduit pas à constater l’existence d’une infraction
unique. En effet, il a été vu que la théorie selon laquelle la circonstance aggravante permettrait
de caractériser une nouvelle infraction pouvait être discutée1341
. Considérée comme un simple
accessoire de l’infraction, elle ne l’affecte ainsi pas directement et ne peut s’étendre
automatiquement à tous les coauteurs.
436. Distinction entre les causes de neutralisation de l’infraction. – Reste alors la
question des causes susceptibles d’entraîner la disparition de l’infraction. Dès l’instant où
elles s’attachent à l’infraction et non à la personne de l’un des participants, les auteurs y
classent traditionnellement les faits justificatifs tels que la légitime défense ou l’autorisation
de la loi1342
. Mais d’autres causes sont susceptibles d’avoir un effet objectif sur la
responsabilité des participants parce qu’elles sont extérieures à la personnalité de ces derniers
et jouent sur l’infraction elle-même. Par exemple, l’amnistie de certains faits, en ce qu’elle
empêche de les considérer comme délictueux, s’attache à première vue à l’infraction et non à
1339 V. supra n° 355 et 356.
1340 V. supra n° 322 et s.
1341 V. supra n° 348.
1342 V. infra n° 437.
360
chacun de ses participants, pris individuellement. Plus généralement, ces causes semblent
pouvoir être distinguées selon qu’elles entraînent une justification de l’infraction ou son oubli.
Or, quel que soit leur fondement, toutes devraient se communiquer entre coauteurs dès lors
qu’elles jouent sur l’infraction. Il convient alors de vérifier cette hypothèse en s’intéressant à
la justification commune de l’infraction entre coauteurs (Section 1) ainsi qu’à son oubli
commun (Section 2).
361
Section 1- La justification commune de l’infraction
437. Définition des faits justificatifs. – Les faits justificatifs sont traditionnellement
définis comme des circonstances de réalisation d’un acte ou d’une omission entraînant
l’irresponsabilité de leur auteur alors que la commission de cet acte ou de cette omission, hors
ces circonstances, serait traditionnellement répréhensible. Il est classiquement distingué entre
les faits justificatifs généraux et les faits justificatifs spéciaux. Les premiers sont dits généraux
en ce qu’ils sont susceptibles de s’appliquer à toute infraction. Il s’agit ainsi de l’ordre de la
loi ou du commandement de l’autorité légitime1343
, de la légitime défense1344
et de l’état de
nécessité1345
. Quant aux seconds, ils ne s’appliquent qu’à une incrimination particulière. Par
exemple, l’exceptio veritatis ou exception de vérité peut justifier le délit de diffamation1346
.
438. Divisions doctrinales. – La doctrine ne s’accorde toutefois pas sur le fondement et
sur l’effet de ces causes d’irresponsabilité. Alors que pour certains, les faits justificatifs, qu’ils
soient généraux ou spéciaux, s’apparenteraient à des causes subjectives d’irresponsabilité, la
majorité des auteurs les considère comme des causes objectives d’irresponsabilité. Les
conséquences de l’adoption de l’une ou l’autre de ces conceptions sont importantes en matière
de participation à l’infraction, et plus particulièrement de coaction. En effet, si le fait
justificatif est considéré comme une cause subjective d’irresponsabilité, son existence devra
être appréciée individuellement, en chaque participant. En revanche, s’il est considéré comme
une cause objective d’irresponsabilité, son effet pourrait se produire erga omnes, c’est-à-dire
à l’égard de tous les participants à l’infraction1347
. En réalité, il semble que la justification de
l’infraction commise par les coauteurs soit nécessairement commune dans la mesure où il
convient de rejeter les conceptions subjectives des faits justificatifs (§1) pour adhérer aux
conceptions objectives de ceux-ci (§2).
1343 C. pén., art. 122-4.
1344 C. pén., art. 122-5 et 122-6.
1345 C. pén., art. 122-7.
1346 L. 29 juil. 1881, art. 35.
1347 Sur ces différents points, v. infra n° 451 et 460.
362
§1- Le rejet des conceptions subjectives des faits justificatifs
439. Causes de disparition ou de non-imputation de l’infraction. – Différentes
conceptions peuvent être relevées au sein même de l’approche subjective des faits justificatifs.
Alors que pour certains, ces derniers joueraient sur la constitution de l’infraction en
empêchant la constatation de son élément moral, selon d’autres, ils empêcheraient son
imputation.
440. Faits justificatifs et contrainte. – Ainsi, une partie de la doctrine rapproche les
faits justificatifs de la notion de contrainte morale1348
. En vertu de cette analyse, l’agent ayant
agi sous l’empire d’un fait justificatif aurait été contraint de faire face à un péril imminent,
comme poussé par une force irrésistible. Dès lors, l’existence d’un fait justificatif devrait être
recherchée dans la personne de chacun des participants et aucune communication ne pourrait
avoir lieu à leur égard entre coauteurs. Les faits justificatifs auraient ainsi nécessairement un
effet in personam.
441. Rejet de l’assimilation des faits justificatifs à la contrainte. – Cependant, une
telle conception ne peut être approuvée. En effet, comme l’ont montré certains auteurs, les
faits justificatifs laissent demeurer la liberté de l’agent et ne peuvent donc être assimilés à la
contrainte1349
. Ainsi, l’autorisation de la loi offre précisément une faculté à l’individu : il est
autorisé à commettre une infraction mais n’en a aucunement l’obligation1350
. De même,
l’individu agissant en état de légitime défense n’est nullement obligé à le faire par une force
irrésistible. Enfin, comme il l’a été remarqué1351
, les conditions de proportionnalité et de
1348 A.-C. DANA, Essai sur la notion d’infraction, LGDJ, 1982, p. 144 et s. Rappr. du droit civil où certains
auteurs assimilent les faits justificatifs à la force majeure : v. PH. LE TOURNEAU et alii, Droit de la responsabilité
et des contrats, Dalloz, coll. Action, 8e éd., 2010/2011, n° 1973.
1349 V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 283 ; G. ROUJOU DE
BOUBEE, Essai d’une théorie générale de la justification, Ann. Fac. Toulouse 1982, spéc. p. 19. S’agissant plus
précisément de la légitime défense, v. C. MASCALA, J.-Cl. Pénal Code, art. 122-5 et 122-6, 2002, n° 10. 1350
Dans le même sens, v. J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une
théorie générale de la responsabilité juridique, préc., n° 585, qui considéère du reste que « la plupart, sinon tous
les faits justificatifs, peuvent être analysés comme des formes d’autorisation de la loi ». 1351
G. RABUT, Plaidoyer en faveur de l’élément injuste, Pour l’intégration du concept d’antijuridicité dans la
théorie française de l’infraction, Travaux de l’Institut de sciences criminelles et de la justice, n° 1, Cujas, p. 63,
spéc. n° 12 ; F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 164.
363
nécessité propres à de nombreux faits justificatifs1352
démontrent que l’agent placé dans une
telle situation doit précisément disposer de sa capacité à maîtriser son acte, c’est-à-dire de sa
liberté d’agir. Cela est d’ailleurs d’autant plus vrai que l’état de nécessité est généralement
présenté comme se distinguant de la contrainte en ce qu’il laisse celui qui l’invoque libre de
faire un choix1353
. Assimiler les faits justificatifs à la contrainte morale doit donc être rejeté.
442. Faits justificatifs et mobile légitime : disparition de l’élément intentionnel. –
D’autres auteurs ont alors proposé d’associer les faits justificatifs à la notion de mobile
légitime1354
. L’existence d’un fait justificatif devrait ainsi être considérée comme témoignant
d’un mobile louable, honorable, qui ferait disparaître l’élément intentionnel de l’infraction, et
donc cette dernière. La Cour d’appel d’Amiens s’était d’ailleurs appuyée sur cette analyse
afin d’exonérer de sa responsabilité la femme ayant volé du pain pour nourrir son enfant dans
l’affaire Ménard1355
.
443. Faits justificatifs et mobile légitime : cause de non-imputation. – Tout en se
fondant sur l’idée de mobile légitime, un autre auteur considère que ce dernier, loin de
supprimer l’élément intentionnel de l’infraction justifiée, devrait être considéré comme une
cause extérieure à l’infraction, c’est-à-dire comme une cause autonome de non-imputation à
l’agent1356
. Ainsi, c’est l’existence d’une « conscience justificative » chez l’individu qui
permettrait de l’exonérer de sa responsabilité, mais l’infraction serait néanmoins constituée.
1352 Ces conditions sont expressément prévues s’agissant de la légitime défense et de l’état de nécessité, mais
pourraient être généralisées à l’ensemble des faits justificatifs : v. M. LACAZE, La réprobation objective en droit
pénal – Apport de la notion à la théorie de l’infraction et perspectives civilistes, in Travaux de l’Institut de
sciences criminelles et de la justice, Vol. 1, Cujas, 2011, p. 257 ; X. PIN, L’infraction juste, Mélanges en
l’honneur du Professeur J.-H. ROBERT, LexisNexis, Paris, 2012, p. 585 ; M.-C. SORDINO, De la proportionnalité
en droit pénal, Mélanges en l’honneur du Professeur J.-H. ROBERT, préc., p. 711.
V. également E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 1135 et s. ; R. MERLE, Droit pénal général
complémentaire, PUF, Paris, 1957, p. 114 et s. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 231 et s. ; J. PRADEL,
Droit pénal général, préc., n° 309 ; F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 127 et s. 1353
V. notamment R. BERNARDINI, L’intention coupable en droit pénal, th. Nice, 1976, n° 419 ; B. BOULOC,
Droit pénal général, préc., n° 428 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 273 ;
Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 458 ; R. MERLE, Droir pénal général complémentaire, préc., p. 121 ;
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 467 ; G. VIDAL et J. MAGNOL,
Cours de droit criminel et de science pénitentiaire, t. 1, Rousseau, Paris, 1947, n° 185. 1354
V. notamment J.-P. GAGNIEUR, Du motif légitime comme fait justificatif, thèse Paris, 1941 ; P.-E. TROUSSE,
Le mobile justificatif, RD pén. crim. 1962-1963, p. 418 ; A. YOTOPOULOS MARANGOPOULOS, Les mobiles du
délit, LGDJ, 1979, p. 230 et s. Sur cette théorie, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale,
Nouvelle Bibliothèque des thèses, Dalloz, 2009, n° 132 et s. 1355
Amiens, 22 avr. 1899, S. 1899, 2, 1, note A. ROUX ; DP 1899, 2, p. 329, note L. JOSSERAND. 1356
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale , préc., n° 132 et s.
364
444. Conséquences potentielles sur les coauteurs. – Le mobile légitime est, par
essence, propre à chaque individu. Partant, assimiler les faits justificatifs à un tel mobile
imposerait de vérifier sa présence chez chacun des participants, et donc chez chacun des
coauteurs. Il ne pourrait alors y avoir de communication pénale des faits justificatifs entre ces
derniers. En effet, aucune communication pénale entre coauteurs ne pouvant avoir lieu
s’agissant des circonstances aggravantes relatives au mobile ayant inspiré l’infraction1357
, la
réciproque commanderait logiquement qu’aucune communication pénale n’ait alors lieu
s’agissant des faits justificatifs de l’infraction dès lors qu’ils sont également fondés sur un
mobile particulier1358
.
De même, envisagés comme des causes de non-imputation à l’agent, les faits
justificatifs ne jouent en rien sur le caractère délictueux du fait et devraient donc, là encore,
opérer in personam. C’est du reste ce que l’auteur évoqué propose, en considérant que
« chaque participant à l’infraction doit invoquer son propre fait justificatif, indépendamment
de celui éventuellement retenu au bénéfice de l’auteur »1359
. Il conviendrait alors de vérifier
en la personne de chaque coauteur s’il caractérise un fait justificatif ou non, sans que le
constat de son existence chez l’un préjuge de son existence chez l’autre.
Toutefois, cet effet in personam des faits justificatifs peut être remis en cause dans la
mesure où l’assimilation de ces derniers au mobile légitime est contestable, et ce, que le
mobile légitime soit considéré comme une composante de l’élément intentionnel de
l’infraction ou comme une cause de sa non-imputation à l’agent.
445. Rejet de l’assimilation des faits justificatifs au mobile légitime entendu comme
une composante de l’élément moral. – Le mobile est par principe indifférent en droit pénal.
Même légitime, il est ainsi loin de faire disparaître l’intention, cette dernière existant toujours
et laissant donc subsister l’infraction, aussi légitime que soit le motif l’ayant inspirée1360
. Par
ailleurs, un tel fondement pourrait conduire à exclure les infractions non intentionnelles du
1357 Dans la mesure où ces circonstances sont personnelles : v. supra n° 345 et s., spéc. n° 363 et s.
1358 Il pourrait cependant être objecté que la communication pénale jouerait alors in favorem, ce qui la justifierait.
1359 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 168.
1360 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 274 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal
général, préc., n° 383 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 477 ; Y. MAYAUD, Droit
pénal général, préc., n° 221 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n°
591 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 505 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 286 ; J.-H.
ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 321.
365
champ des infractions susceptibles d’être justifiées. Or, les infractions d’imprudence
consciente, c’est-à-dire celles dont l’élément moral implique d’avoir envisagé le résultat
dommageable sans pour autant l’avoir voulu1361
, devraient pouvoir être justifiées1362
. Par
exemple, les violences mortelles prévues par l’article 222-7 du Code pénal exigent
précisément que la mort de la victime n’ait pas été intentionnelle. Mais que faire alors si elles
ont été commises en état de légitime défense ? Fonder la légitime défense sur l’existence d’un
mobile légitime n’impliquerait-il pas que la mort de l’assaillant ait été voulue ? En réalité,
cette objection pourrait être contournée en considérant qu’il suffit que l’acte de riposte ait été
volontaire, et donc que les faits justificatifs valent pour toutes les infractions volontaires,
qu’elles soient intentionnelles ou non, ce que la Cour de cassation a admis s’agissant de l’état
de nécessité par exemple1363
. Surtout, la référence à un mobile légitime mettrait à mal
l’exigence de proportionnalité de la riposte en matière de légitime défense ou d’état de
nécessité en justifiant a priori tous les excès dès lors qu’ils ont été commis sous l’empire d’un
mobile noble, ce que les auteurs ne manquent pas de souligner1364
. Les faits justificatifs ne
peuvent donc être assimilés à un mobile légitime faisant disparaître l’infraction.
446. Rejet de l’assimilation des faits justificatifs au mobile légitime entendu comme
une cause de non-imputation. – En outre, même lorsque le mobile légitime est considéré
comme une cause de non-imputation à l’agent, il ne peut fonder les faits justificatifs. En effet,
sa caractérisation impose de sonder les esprits, et la rend dès lors bien plus difficile et
aléatoire qu’une conception proposant de caractériser les faits justificatifs en fonction de
données extérieures à l’agent et objectives1365
. Mais la difficulté de mise en œuvre de cette
conception ne peut justifier à elle seule son rejet. Ainsi, des considérations relatives à
l’essence même des faits justificatifs l’expliquent. En effet, ces derniers jouent certainement
1361 V. supra n° 56.
1362 La jurisprudence admet d’ailleurs cette solution (v. par exemple, pour l’autorisation de la loi, Cass. crim., 5
janv. 2000, Bull. n° 3, D. 2000, p. 780, note B. DE LAMY ; Rev. sc. crim. 2000, p. 606 obs. Y. MAYAUD et p. 817,
obs. B. BOULOC), excepté s’agissant de la légitime défense (Cass. crim., 16 fév. 1967 « Couzinet », JCP1967, II,
n° 15034, note R. COMBALDIEU) .
Plus généralement, sur l’admission de la justification des imprudences : v. notamment E. DREYER, Droit pénal
général, préc., n° 1134 ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 429. 1363
V. notamment Cass. crim., 5 janv. 2000, D. 2000, jurispr. p. 780, note B. DE LAMY. Mais elle le refuse
s’agissant de la légitime défense : Cass. crim., 16 févr. 1967, arrêt dit Couzinet, JCP G 1967, II, n° 15034, note
R. COMBALDIEU. 1364
R. BERNARDINI, L’intention coupable en droit pénal, préc., n° 400 et s. ; « Légitime défense », Rép. pén.,
Dalloz, 2007, n° 16. 1365
Dans le même sens, v. J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 309, p. 275.
366
davantage sur les circonstances de la commission de l’infraction, communes aux participants,
que sur le mobile de chacun. D’ailleurs, la conscience justificative est définie comme la
« conscience, au moment des faits, des circonstances entourant la commission de l’infraction
et propres à constituer [le fait justificatif] »1366
. Cette référence aux circonstances de
commission de l’infraction témoigne du glissement nécessaire vers une conception objective
des faits justificatifs. De plus, pour juger de la légitimité du mobile, l’auteur propose de se
référer à deux critères matériels – la proportion et la nécessité1367
–, critères là encore
objectifs. Partant, n’est-ce pas admettre implicitement que, plus que le mobile, ce sont les
circonstances objectives entourant la commission de l’infraction qui expliquent la justification
de cette dernière ? Il serait ainsi préférable de raisonner sur une conception objective des faits
justificatifs.
§2- L’adhésion aux conceptions objectives des faits justificatifs
447. Disparition de l’infraction. – Pour avoir rejeté les conceptions subjectives, et à
suivre la doctrine majoritaire, la justification relèverait plutôt d’une conception objective1368
,
ce que confirmait d’ailleurs l’ancien code pénal en considérant que le fait justificatif faisait
disparaître l’infraction1369
. A priori, les faits justificatifs, en s’attachant aux faits délictueux en
eux-mêmes et non à la personnalité de leur auteur, devraient alors se communiquer à
l’ensemble des participants à ces faits. Ils devraient ainsi opérer in rem. Or, dans la mesure où
les coauteurs participent à la même infraction, si l’infraction disparaît, tous deviennent, par la
force des choses, irresponsables. Toutefois, même si la doctrine reconnaît généralement les
faits justificatifs comme des causes objectives d’irresponsabilité, tous les auteurs ne
s’accordent pas sur le mécanisme expliquant cette irresponsabilité objective. Ainsi, parmi les
théories objectives postulant la disparition de l’infraction justifiée, certaines considèrent que
le fait justificatif va avoir un impact sur l’élément légal de l’infraction alors que d’autres
1366 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 144.
1367 F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 157.
1368 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 399 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal
général, préc., n° 240 et s. ; E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 1129 et 1144 ; E. LE POINTE, De
l’impunité à la non-punissabilité. A propos d’une tentative de destruction de la théorie des faits justificatifs, D.
1978, chron. p. 225 ; Justifié, donc irresponsable. Contribution à la théorie darwinienne de la variation des
espèces, D. 1996, chron. p. 247 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n°
438 ; X. PIN, L’infraction juste, préc. ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 309 et s. 1369
C. pén. anc., art. 327 et 328.
367
démontrent qu’il joue plutôt sur son élément injuste. Il faut alors voir si la justification de
l’infraction sera commune aux coauteurs quel que soit le fondement retenu, en s’intéressant à
la disparition de l’infraction expliquée par la neutralisation de son élément légal (A) ou de son
élément injuste (B).
A- La neutralisation de l’élément légal
448. Explication. – Pour certains auteurs1370
, les faits justificatifs se rattachent à
l’élément légal de l’infraction en ce qu’ils le suppriment1371
: le législateur, dans certaines
circonstances particulières, admet ainsi des dérogations à la loi pénale. En réalité, il s’agit
alors de la résolution d’un conflit de normes : une règle légale générale proscrit un certain
comportement alors qu’une autre l’admet dans certaines hypothèses. En vertu de la règle
specialia generalibus derogant, la seconde devra alors prévaloir sur la première, et
l’infraction sera justifiée1372
. Par exemple, s’il est en principe prohibé de commettre des
violences sur autrui en vertu des articles 222-7 et suivants du Code pénal, cet acte perd son
caractère délictueux lorsqu’il répond à l’attaque illégitime d’un individu, parce que l’article
122-5 du même code autorise une telle action lorsqu’elle remplit des conditions particulières.
La société n’a en effet aucun intérêt à punir un acte que la loi admet par ailleurs, d’autant plus
que cet acte se sera révélé utile ou au moins indifférent pour elle1373
.
449. Exigence d’un support légal. – Toutefois, fondée sur le principe de la légalité
criminelle, une telle conception recèle nécessairement une difficulté : en imposant une
neutralisation d’un texte légal par un autre texte spécial, elle impose que tout fait justificatif
1370 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 399 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal
général, préc., n° 241 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 438. 1371
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 431. 1372
E. LE POINTE, Le diagnostic judiciaire des faits justificatifs, Rev. sc. crim., 1969, p. 547 ; De l’impunité à la
non-punissabilité. A propos d’une tentative de destruction de la théorie des faits justificatifs, D. 1978, chron. p.
225 ; Justifié, donc irresponsable. Contribution à la théorie darwinienne de la variation des espèces, D. 1996,
chron. p. 247 ; G. ROUJOU DE BOUBEE, Essai d’une théorie générale de la justification, Annales de l’Université
des sciences sociales de Toulouse, t. XXX, 1982, p. 11. 1373
V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 241 ; E. DREYER,
Droit pénal général, préc., n° 1129 et s. ; Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 398 et s.; R. MERLE et A.
VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 431 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., p.
370 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 249 et s. V. également M. LACAZE, Réflexions sur le concept
de bien juridique protégé par le droit pénal, LGDJ, Coll. Fondation Varenne, Paris, 2009, n° 552 et s.
Sur l’utilité ou l’indifférence pour la société de l’infraction justifiée, v. plus spécialement infra n° 457.
368
soit prévu par la loi1374
. Or, l’expérience démontre que la création de faits justificatifs par la
jurisprudence a parfois été nécessaire. Ainsi le « bon juge Magnaud » avait-t-il relaxé la
femme qui avait volé du pain pour nourrir son enfant1375
en faisant référence à la contrainte
morale, et des décisions postérieures avaient évoqué l’absence d’intention coupable pour
admettre une relaxe dans des hypothèses similaires1376
. Cependant, ces fondements n’étaient
pas satisfaisants pour les raisons évoquées précédemment, c’est pourquoi la Cour de cassation
a été amenée à créer un fait justificatif autonome, celui de l’état de nécessité1377
. Ce n’est que
le nouveau Code pénal qui consacrera légalement ce nouveau fait justificatif. Or, la
jurisprudence a aujourd’hui tendance à admettre de nouveaux faits justificatifs pourtant non
prévus par le législateur. Par exemple, la Chambre criminelle a admis l’existence d’un fait
justificatif tiré de l’exercice des droits de la défense, en matière de violation du secret de
l’instruction1378
, ou encore, plus récemment, en matière de vol dans l’hypothèse où un salarié
produisait en justice des documents qu’il avait soustraits à son employeur afin de se défendre
dans un litige l’opposant à celui-ci1379
. Les juges ont alors créé de toutes pièces les faits
justificatifs en question1380
, alors même que le fondement supposé de cette justification serait
celui d’une neutralisation de l’incrimination par un texte légal : faute de support légal au fait
justificatif, le texte d’incrimination ne devrait pouvoir être neutralisé1381
.
1374 PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 244.
1375 T. Corr. Château-Thierry, 4 mars 1899, S. 1899, II, 1, note J.-A. ROUX.
1376 V. notamment Amiens, 22 avr. 1898, S. 1898, 2, note J.-A. ROUX ; T. Corr. Cherbourg, 6 fév. 1945, S. 1945,
2, p. 81. 1377
Cass. crim., 28 juin 1958, D. 1958, p. 693, note M.R.M.P. ; JCP G 1959, II, 10941, note J. LARGUIER ; Rev.
sc. crim. 1959, p. 111, obs. A. LEGAL. 1378
Cass. crim., 11 juin 2002, Rev. sc. crim. 2002, p. 619, obs. J. FRANCILLON ; Rev. sc. crim. 2002, p. 881, obs.
J.-F. RENUCCI ; Rev. sc. crim. 2003, p. 93, obs. B. BOULOC ; D. 2004, p. 317, obs. B. DE LAMY ; JCP G 2002, 2,
10161, note E. DREYER ; Dr. pén. 2002, com. 135, obs. M. VERON ; Gaz. Pal. 2002, p. 1745, note Y. MONNET. 1379
Cass. crim., 11 mai 2004, Bull. n° 117, D. 2004, jurispr. 2327, note H. K. GABA; Rev. sc. crim. 2004, p. 866,
obs. G. VERMELLE ; Rev. pénit. dr. pén. 2004, p. 875, note J.-C. SAINT-PAU. 1380
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, n° 126. On notera toutefois que le législateur
limite parfois le champ d’application de certaines infractions par les droits de la défense. Il s’agit notamment du
cas de la violation du secret de l’instruction (C. proc. pén., art. 11) et de la révélation d’informations issues
d’une information en cours (C. pén., art. 434-7-2). Dans ces hypothèses, les droits de la défense s’analysent
comme un fait justificatif spécial (Y. CAPDEPON, Essai d’une théorie générale des droits de la défense, thèse
Bordeaux IV, 2011, n° 657 et s.). 1381
Sauf à considérer que ce fait justificatif est tiré d’une norme générale de défense, auquel cas il s’agirait alors
d’une hypothèse particulière d’autorisation de la loi (Y. CAPDEPON, Essai d’une théorie générale des droits de la
défense, préc., n° 698. Comp. J.-CH. SAINT-PAU, Droit au respect de la vie privée et droit pénal, Dr. pén. 2011,
Etude 20, p. 34, n° 25. Adde Y. MAYAUD, Les droits de la défense, cause d’irresponsabilité pénale, Mélanges
Gassin, PUAM 2007, p. 293 et s.).
369
450. Admission de la création jurisprudentielle en vertu de l’interprétation in
favorem des faits justificatifs. – Quoi qu’il en soit, cette objection peut être relativisée. En
effet, dans la mesure où le fait justificatif joue in favorem, c’est-à-dire en faveur des intérêts
de la personne poursuivie, sa création par la jurisprudence doit être admise1382
. Permettant
alors la disparition de l’élément légal, l’infraction n’existe plus. Le fait justificatif produit
ainsi un effet in rem, par opposition à l’effet in personam des causes subjectives
d’irresponsabilité.
451. Application à la coaction : effet erga omnes. – L’effet in rem des faits
justificatifs est unanimement admis par les partisans de la neutralisation de l’élément légal de
l’infraction1383
. Ils en déduisent alors que le fait justificatif profite à tous les participants à
l’infraction. En réalité, il produit un effet erga omnes. Cette conséquence est parfaitement
logique dès lors que le mode de participation s’appuie sur une infraction unique : dans la
mesure où des individus prennent part à la même infraction, si celle-ci est neutralisée par un
texte de loi ou une interprétation jurisprudentielle favorable, leur comportement n’a alors plus
de socle sur lequel fonder leur répression. Ainsi, dès l’instant où les coauteurs participent à la
même infraction, en vertu de cette conception, le fait justificatif produira ses effets à l’égard
de tous. Pourtant, certains auteurs doutent de cet effet erga omnes en faisant valoir le
caractère mixte des faits justificatifs. Il concèdent ainsi que l’origine du fait justificatif est
bien extérieure à l’individu, mais qu’il suppose tout de même « une certaine attitude de la
part de celui-ci, attitude qui, dans des hypothèses il est vrai exceptionnelles, peut ne pas avoir
existé chez un complice ou un coauteur, dont la responsabilité pénale sera alors
engagée »1384
. Ils prennent ainsi l’exemple d’un individu qui en vise deux autres d’une arme
factice. Si ces derniers lui tirent dessus alors que l’un d’entre eux ignorait que l’arme était
factice mais que l’autre le savait, seul le premier devrait bénéficier de la légitime défense. Les
sorts des coauteurs seraient ainsi dissociés, remettant en cause l’effet erga omnes des faits
justificatifs. Toutefois, cette hypothèse peut faire douter de l’existence d’une véritable
coaction entre les deux individus. En effet, il n’est pas certain qu’ils participent à une
1382 R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 173.
1383V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 288 ; R. MERLE et A.
VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 438 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p.
356. 1384
F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 693.
370
infraction unique. Pour que cela soit le cas, il est nécessaire d’établir une entente entre eux.
Or, bien que celle-ci puisse être spontanée et non réfléchie1385
, il est particulièrement
discutable d’en caractériser une dans le cas présent. Le fait de tirer sur autrui en état de
légitime défense relève plutôt d’une réaction instinctive, tandis que celui qui tire sur autrui en
sachant que l’arme qui le vise est factice a nécessairement davantage réfléchi à son action, si
bien que la circonstance de préméditation serait même envisageable à son égard. Ainsi,
l’existence d’une participation à une infraction unique, et donc d’une coaction, est
particulièrement contestable dans une telle hypothèse, et ne remet pas en cause l’effet
commun des faits justificatifs à l’égard des coauteurs dès lors qu’une infraction unique ne
peut être constatée.
452. Absence de distinction avec la complicité. – Pourrait alors être envisagée une
distinction avec la complicité. En effet, comme il l’a été remarqué1386
, celle-ci ne se greffe pas
nécessairement sur une infraction. Il suffit parfois qu’elle se fonde sur un fait infractionnel :
un individu pourrait ainsi être complice d’un homicide intentionnel alors que l’auteur
principal ne pourrait être poursuivi que pour homicide non intentionnel. Les sorts du complice
et de l’auteur principal étant de la sorte dissociés, un effet in personam des faits justificatifs
serait envisageable. Cependant, quand la complicité se greffe sur un fait infractionnel, ce qui
empêche de caractériser l’existence d’une infraction unique, c’est la divergence entre les
éléments moraux de l’auteur principal et du complice, comme dans l’exemple précédent. Il est
également possible de penser aux faits ayant donné lieu à la décision de la Chambre
criminelle du 8 janvier 2003 dans laquelle un individu avait été condamné pour complicité
d’exportation illicite de stupéfiants alors que l’auteur principal n’avait pu être inquiété faute
d’élément moral1387
. Mais dans ces différentes hypothèses, l’existence de l’élément légal de
l’infraction ne pose pas de difficulté, au contraire : c’est précisément parce que le fait
témoigne d’une apparence infractionnelle que la complicité est punissable. Partant, la
neutralisation de ce fait ne devrait à son tour pas poser de difficulté. Ainsi, à défaut de fait
infractionnel, la complicité ne pourra être répréhensible. Considérer que le fait justificatif
1385 V. supra n° 120.
1386 V. supra n° 103 et s.
1387 V. supra n° 114.
371
neutralise l’élément légal de l’infraction permet donc qu’il produise ses effets erga omnes,
peu important le mode de participation à l’infraction justifiée en cause.
453. Mais les auteurs considérant que le fait justificatif fait disparaître l’infraction ne
l’expliquent pas tous par la neutralisation de l’élément légal. En effet, l’existence même d’un
tel élément constitutif de l’infraction est contestée par beaucoup au motif, notamment, qu’il se
confondrait avec le principe de la légalité criminelle1388
. Ainsi, pour certains, si l’infraction
justifiée perd son caractère infractionnel, c’est en raison de l’absence d’élément injuste. Il faut
alors voir si ce fondement permet de communiquer le fait justificatif à l’ensemble des
coauteurs.
B- La neutralisation de l’élément injuste
454. L’élément injuste en tant qu’élément constitutif de l’infraction. – S’appuyant
sur la doctrine allemande, certains auteurs ont fait valoir que les faits justificatifs faisaient
disparaître l’élément injuste de l’infraction1389
. En vertu de cette conception, une infraction
n’est punissable que si elle revêt un caractère injuste, élément constitutif à part entière de
l’infraction. L’infraction serait ainsi constituée d’un élément matériel, s’analysant comme le
comportement envisagé par le texte, d’un élément moral, correspondant à l’élément
psychologique exigé par le texte, et enfin de cet élément injuste, compris comme la violation
de l’intérêt juridiquement protégé1390
. Or, bien que cette définition témoigne d’un contenu
positif de l’élément injuste1391
, ce dernier est généralement présenté de façon négative comme
l’absence de fait justificatif. Ainsi, dans l’hypothèse où un fait justificatif est caractérisé,
l’intérêt légitime ayant présidé à sa commission empêche de caractériser un des éléments
1388 V. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 331 ; A.-C. DANA, Essai sur la notion
d’infraction pénale, préc., n° 14 et 57 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 430 ;
M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., n° 86 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 104 ; N.
STONESTREET, La notion d’infraction pénale, thèse Bordeaux IV, 2010, n° 8. Plus généralement, sur la
contestation de la neutralisation de l’élément légal par les faits justificatifs, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans
la responsabilité pénale, préc., n° 99. 1389
R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français, préc., n° 433 ; X. PIN, Droit pénal
général, préc., n° 201 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal général, préc., p. 370 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général,
préc., p. 250. 1390
X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 201 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 250. 1391
Il s’agit alors de l’atteinte à un intérêt juridiquement protégé : v. X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 201 ;
J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 250.
372
constitutifs de l’infraction et donc cette dernière. Parce qu’elle s’explique alors par
l’accomplissement d’un droit ou d’un devoir, l’infraction perd son caractère injuste. Par
exemple, le législateur autorise les individus à se défendre contre des attaques illégitimes à
travers la légitime défense ou encore à sauver une vie face à un péril grave et imminent à
travers l’état de nécessité (il s’agit alors de l’exercice d’un droit), et impose parfois d’agir ou
de s’abstenir dans certaines situations à travers l’ordre de la loi (il s’agit alors de l’exercice
d’un devoir)1392
.
455. Effet in rem. – Ainsi, si l’exercice d’un droit ou d’un devoir peut faire perdre son
caractère injuste à l’infraction, celle-ci n’est pas constituée. L’absence d’élément injuste
produit donc un effet in rem en faisant disparaître l’infraction. Celle-ci étant commune aux
coauteurs, elle disparaît donc à l’égard de tous les coauteurs. Il est en effet difficile d’imaginer
que la loi impose le devoir d’agir ou de s’abstenir à un individu ou lui octroie un tel droit alors
qu’elle ne le ferait pas pour un autre individu placé dans les mêmes circonstances. Cela est
d’autant plus vrai que la coaction se caractérise par une entente et une concomitance qui,
même entendues de façon large1393
, impliquent toutes deux que les circonstances ayant
présidé à la commission de l’infraction pour l’un des coauteurs se retrouvent nécessairement
pour l’autre. L’absence d’élément injuste joue donc erga omnes.
456. Contestations doctrinales de la référence à l’élément injuste. – Cependant, cette
théorie ne rencontre que peu de partisans, beaucoup d’auteurs contestant l’existence d’un tel
élément constitutif1394
. L’élément injuste se confondrait ainsi avec l’élément légal ou
l’élément moral de l’infraction1395
. En effet, selon certains, seule la légalité de l’acte, c’est-à-
1392 R. MERLE, Droit pénal général complémentaire, préc., p. 112 et s. ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit
criminel – Droit pénal général, préc., n° 443 et s. ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 212. Pour une critique,
v. E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 1143 ; J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit
privé, Eléments pour une théorie générale de la responsabilité juridique, préc., n° 587. 1393
V. supra n° 121 et s. et 283 et s. 1394
V. notamment R. BERNARDINI, Droit pénal général, préc., n° 332 ; B. BOULOC, Droit pénal général, préc.,
n° 223 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 241 ; A. DECOCQ , Droit pénal
général, Armand Colin, coll. « U », 1971, p. 150 ; W. JEANDIDIER, Droit pénal général, Montchrestien, coll.
Précis Domat Droit privé, 1991, n° 210 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général,
préc., n° 435. 1395
R. VOUIN et J. LEAUTE, Droit pénal général et criminologie, coll. Thémis, p. 147 et 148. V. également PH.
CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 241 ; A. DECOCQ , Droit pénal général, préc.,
p. 149 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 430 ; W. JEANDIDIER, Droit pénal
général, préc., n° 210.
373
dire le fait qu’il ait été prévu par la loi, permettrait de juger du caractère juste ou injuste de
l’acte1396
. De plus, pour d’autres, réfléchir au caractère juste ou injuste de l’acte reviendrait à
s’interroger sur l’existence d’un mobile légitime dans la commission de l’infraction. En effet,
si l’infraction était commise sous l’empire d’un mobile louable, son élément intentionnel
disparaîtrait. Toutefois, cette dernière critique n’est certainement pas décisive puisque comme
il l’a été remarqué, les faits justificatifs ne peuvent être considérés comme des causes de
disparition de l’élément intentionnel de l’infraction1397
. Même réduit à un contenu négatif,
l’élément injuste ne peut donc être confondu avec l’élément moral de l’infraction. Quant à son
assimilation à l’élément légal de l’infraction, elle est également contestable puisque
l’existence même de l’élément légal en tant qu’élément constitutif de l’infraction est elle aussi
discutée1398
. D’autres enfin font valoir que le régime probatoire des faits justificatifs s’oppose
à la consécration de l’élément injuste puisque la preuve du fait justificatif incombe
généralement au prévenu1399
alors qu’ « en tant qu’élément constitutif de l’infraction, sa
preuve devrait être rapportée par le ministère public, à qui il incombe de démontrer la réalité
de l’infraction »1400
. Pourtant, cet argument peut être relativisé : des considérations pratiques
telles que le caractère exceptionnel des faits justificatifs ainsi que la difficulté qu’aurait le
ministère public à rapporter des preuves négatives expliquent le régime probatoire de la
justification. Or, il apparaît délicat de faire douter de la réalité d’une notion en raison de la
simple adaptation de son régime aux difficultés qu’elle serait susceptible d’entraîner.
Mais quoi qu’il en soit, qu’ils adhèrent ou non à l’existence d’un élément injuste
comme constitutif de l’infraction, la majorité des auteurs considérant les faits justificatifs
comme des causes objectives d’irresponsabilité pénale expliquent la justification par une mise
en balance des intérêts en jeu.
1396 B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 223 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal
général, préc., n° 241. 1397
V. supra n° 445. 1398
V. supra n° 453. Dans le même sens, v. F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n°
121; G. RABUT, Plaidoyer en faveur de l’élément injuste, Pour l’intégration du concept d’antijuridicité dans la
théorie française de l’infraction, préc., n° 13. 1399
V. notamment Cass. crim., 6 janv. 1966, Gaz. Pal. 1966, 1, p. 209. La doctrine majoritaire est d’ailleurs en
ce sens : v. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 245 ; F.
DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 739 ; E. DREYER, Droit pénal général, préc., n°
1139 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Droit pénal général, préc., n° 462. 1400
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 121.
374
457. Mise en balance des intérêts. – Ainsi, au-delà du mécanisme permettant la
justification de l’infraction, ce qui explique l’impunité de l’infraction, c’est l’absence d’intérêt
à la réprimer pour la société1401
. En effet, les hypothèses dans lesquelles les infractions sont
justifiées témoignent d’une véritable utilité de l’infraction ainsi commise, ou du moins de sa
neutralité. Il s’agit en réalité d’effectuer une « pesée des intérêts en présence »1402
pour
déterminer si l’infraction est utile ou neutre pour la société, selon que l’intérêt sacrifié est
inférieur ou équivalent à celui protégé. Par exemple, la femme volant du pain pour nourrir son
enfant commet, certes, une atteinte à la propriété. Cependant, elle évite de la sorte un péril
plus grand, celui de l’atteinte à la vie de son enfant. Partant, la vie étant un intérêt supérieur à
la propriété, son acte s’est révélé utile à la société. Dans le même ordre d’idées, un auteur
énonce que « Considérer […] que des violences restent impunies lorsqu’elles sont exercées
dans un contexte de défense légitime, c’est intégrer le fait qu’elles sont plus utiles à la société
que la non-violence »1403
. Le raisonnement est le même lorsque deux valeurs semblables sont
en concours : la société n’a pas intérêt, ainsi, à privilégier la vie d’un individu innocent par
exemple au détriment de celle d’un autre tout aussi innocent1404
.
458. Nécessité de l’infraction justifiée. – Plus encore que cette idée de neutralité ou
d’utilité sociale, certains ont ainsi considéré que l’acte de riposte en matière de légitime
défense était une véritable « nécessité sociale »1405
. Du reste, un auteur a également montré
que l’idée de nécessité propre à l’accomplissement d’un fait justificatif en constituait une
véritable condition puisque l’infraction justifiable s’entend, en réalité, d’une infraction
strictement et évidemment nécessaire1406
. Par conséquent, elle doit présenter un caractère
exceptionnel et relever de l’évidence.
459. Discussion quant à l’effet erga omnes. – A nouveau, il convient alors de retenir
un effet erga omnes des faits justificatifs : comment, en effet, concevoir qu’une infraction
1401 Sans compter que la peine qui serait infligée à un individu caractérisant un fait justificatif ne pourrait remplir
aucune de ses fonctions traditionnelles : C. MASCALA, « Etat de nécessité », J.-Cl. Pénal Code, art. 122-7, n° 17. 1402
X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 212. 1403
Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 399. 1404
La précision relative à l’innocence des deux individus est importante car la légitime défense par exemple
permet de privilégier la vie de celui qui se défend. 1405
V. R. BERNARDINI, J.-Cl. Pénal Code, préc., n° 18, citant la doctrine étrangère, et notamment J. BENTHAM,
Theory of Legislation, trad. E. Dumont, Londres, 1931, p. 269 et s. 1406
X. PIN, L’infraction juste, préc.
375
témoigne d’une neutralité ou d’une nécessité sociales pour un individu alors que ce ne serait
pas le cas pour un autre ayant participé avec lui à la même infraction ?
Certains exemples soulevés par des auteurs proposant tant une conception objective
qu’une conception subjective de la justification pourraient cependant en faire douter. Ainsi,
dans l’hypothèse où des individus se joindraient à une bagarre en ignorant que l’un de ses
acteurs est en état de légitime défense, ils ne devraient pas bénéficier de ce fait justificatif,
faute d’avoir agi en connaissance de cette situation1407
, et donc faute de « conscience
justificative »1408
. De même, d’autres auteurs1409
envisagent le cas dans lequel deux personnes
commettraient un vol alors que seule l’une d’entre elles le ferait en état de nécessité, pour
nourrir ses enfants par exemple. Le bénéfice du fait justificatif devrait, selon eux, être refusé à
celui n’ayant pas agi en état de nécessité. Enfin, un dernier exemple peut être cité : celui de
l’individu donnant un ordre qu’il sait illégal, et appliqué par l’un de ses subordonnés qui, lui,
ignore ce caractère illégal1410
. Ce dernier pourrait bénéficier du fait justificatif du
commandement de l’autorité légitime dès lors que l’ordre n’était pas manifestement illégal, en
vertu de l’alinéa 2 de l’article 122-4 du Code pénal. Mais si le fait justificatif joue erga
omnes, il devrait alors, a priori, bénéficier à tous les participants à l’infraction, et donc au
donneur d’ordre. Pourtant, ne serait-il pas étonnant, voire particulièrement discutable, d’en
faire bénéficier l’individu qui est précisément à l’origine de la violation de la loi ?
460. Admission de l’effet erga omnes. – Ces différentes situations font alors douter du
bien-fondé de l’effet erga omnes des faits justificatifs et feraient plutôt souhaiter leur effet in
personam. Cependant, le dernier exemple envisagé ne met pas en jeu des coauteurs, faute
d’infraction unique, dans la mesure où les deux protagonistes n’ont pu, par principe,
s’entendre sur la commission d’une infraction puisque le subordonné ignorait pour sa part
qu’il violait la loi pénale. La situation s’apparente plus à celle d’un complice, le donneur
d’ordre en l’espèce, qui emprunterait la matérialité de son acte à l’auteur principal, le
subordonné, et devrait ainsi pouvoir être considéré comme complice de l’infraction
matériellement commise par le subordonné, bien que celle-ci ne puisse être retenue à
1407 J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 266 ; F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale,
préc., n° 167. 1408
La notion est empruntée à F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 144 et s. 1409
F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 750. 1410
F. ROUSSEAU, L’imputation dans la responsabilité pénale, préc., n° 167.
376
l’encontre de ce dernier en tant qu’auteur principal1411
, ou à celle d’un auteur médiat1412
.
L’effet erga omnes des faits justificatifs ne doit ainsi pouvoir être caractérisé qu’autant qu’il
existe une infraction unique, collective, ce qui est toujours le cas en matière de coaction.
En outre, s’agissant des deux autres hypothèses évoquées, la préférence pour un effet
in personam des faits justificatifs n’est certainement pas si tranchée si l’on raisonne en termes
d’utilité ou de neutralité sociales de l’infraction envisagée comme une infraction unique et
collective. A priori, l’utilité ou la neutralité de l’infraction quand l’un seulement des coauteurs
est en état de nécessité ou de légitime défense semble discutable : peut-on considérer qu’une
infraction peut être utile ou neutre pour l’un, mais pas pour l’autre ? En réalité, il semble que
raisonner de la sorte oblige à dissocier une infraction qui n’est qu’une : les coauteurs, dans
une telle hypothèse, se sont bien entendus sur le résultat de l’infraction1413
. Partant, et en
application du principe de faveur, ne devrait-on pas considérer que l’infraction est utile ou
neutre, dans sa globalité ? En effet, les individus se joignant à une bagarre et aidant sans le
savoir un individu en situation de légitime défense, en augmentant les forces en présence, ont
certainement contribué à mettre en fuite l’assaillant. Leur infraction s’est donc finalement
révélée utile. De même, en commettant le vol à plusieurs, celui-ci avait probablement plus de
chances de succès. Dès lors, en permettant la réussite de l’infraction commise en état de
nécessité, le coauteur ne pouvant à première vue se prévaloir de cette situation a contribué,
dans une certaine mesure, à l’utilité sociale. Ainsi, en s’attachant à raisonner sur la
justification de l’infraction envisagée globalement, il est possible de caractériser l’utilité ou la
neutralité sociales de celle-ci alors même que la justification ne pourrait être établie à l’égard
de chacun des coauteurs. Ce raisonnement est d’ailleurs parfaitement en accord avec une
conception objective des faits justificatifs en démontrant que plus qu’un mobile légitime ou
qu’une certaine attitude psychologique de l’individu, la justification est d’abord affaire de
circonstances objectives. Il faut ainsi envisager l’infraction des coauteurs dans sa spécificité,
c’est-à-dire en tant qu’infraction unique et collective, pour se demander si elle était
1411 Sur cette situation et l’emprunt de matérialité, v. supra n° 111 et s. Cet exemple confirme du reste qu’il serait
préférable de créer un statut à part entière de l’instigateur, qui, dès lors, ne bénéficierait pas nécessairement de
l’effet in rem des faits justificatifs. Il faudrait pour cela qu’il participe à la même infraction que l’individu qu’il
aura provoqué, ce qui ne sera pas toujours le cas comme le démontre l’exemple en question en l’espèce. 1412
V. supra n° 71. Il n’y a alors pas d’infraction collective dans cette hypothèse, l’infraction étant fictivement
réalisée par le seul auteur médiat. 1413
Certes, pour considérer que l’infraction est unique, il faudrait concevoir l’élément injuste comme extérieur à
l’infraction puisque ces différents exemples démontrent précisément l’absence d’entente sur cet élément. Mais
rien n’empêche de le considérer comme une cause de non-imputation objective de l’infraction.
377
objectivement utile ou neutre, sans égard à son utilité ou sa neutralité considérée par rapport à
chacun des coauteurs1414
.
461. Conclusion de la section 1. – Ainsi, quel que soit le fondement objectif des faits
justificatifs retenu, qu’ils soient envisagés comme une cause de disparition de l’élément légal
ou de l’élément injuste, ils doivent étendre leurs effets à l’ensemble des coauteurs. Mais plutôt
qu’une communication, il s’agit en réalité ici de la conséquence du fondement objectif des
faits justificatifs, alliée à l’unicité de l’infraction réalisée en coaction. En effet, dès l’instant où
un individu participe à une infraction qui se trouve justifiée, cette circonstance objective de
justification existe en elle-même, indépendamment du nombre d’individus y ayant pris part, et
devra donc produire ses effets à l’égard de ce participant. Or, dans la mesure où les coauteurs
participent nécessairement à une unique infraction, qui leur est commune, l’infraction justifiée
le sera à l’égard de tous.
En participant à une infraction unique, les coauteurs sont donc soumis à une
justification commune de l’infraction. Pour les mêmes raisons, d’autres causes affectant
l’infraction sont alors susceptibles d’être communes aux coauteurs : celles relatives à l’oubli
de l’infraction.
1414 Il est vrai que la solution peut sembler sévère, et même injuste, pour les victimes de l’infraction justifiée, en
particulier lorsque l’un des coauteurs de cette dernière ne caractérisait pas en sa personne le fait justificatif
retenu. Celles-ci ont bien subi un préjudice. Cependant, elles ne se trouvent pas pour autant privées de toute
réparation puisque l’irresponsabilité pénale ne préjuge en rien de l’irresponsabilité civile. Les quasi-contrats tels
que la gestion d’affaire ou l’enrichissement sans cause, ou encore les régimes de responsabilité sans faute
pourraient ainsi permettre une indemnisation. Toutefois, la Cour de cassation a refusé cette dernière possibilité
s’agissant de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil : Civ. 2ème
, 22 avr. 1992, Bull. civ. II n° 127, D. 1992, p. 353,
note J.-F. BURGELIN ; Dr. pén. 1992, chr. n° 226. Pour la prise en charge des infractions socialement utiles par
un fonds d’indemnisation, v. J. LAGOUTTE, Les conditions de la responsabilité en droit privé, Eléments pour une
théorie générale de la responsabilité juridique, préc., n° 626 et s.
379
Section 2- L’oubli commun de l’infraction
462. Absence de caractère délictueux des faits. – Outre les faits justificatifs, d’autres
causes sont susceptibles de faire disparaître la responsabilité d’un individu pour un fait qui
avait pourtant l’apparence d’une infraction. Ainsi, dans certaines hypothèses, l’acte ou
l’omission en cause est considéré, non pas comme justifié en raison des circonstances
objectives ayant présidé à sa commission lors de sa commission, mais comme n’ayant
précisément jamais été délictueux.
463. Amnistie. – En premier lieu et de façon exceptionnelle, le législateur estime par
exemple que certains faits ne méritent pas d’être sanctionnés car ils s’expliquent par des
considérations particulières tenant à des périodes de trouble (infractions commises pendant
l’Occupation1415
, liées à la guerre d’Algérie1416
, ou aux événements en Nouvelle-Calédonie1417
notamment). Il souhaite ainsi restaurer la paix sociale et exprimer « une forme de
pardon »1418
, en les amnistiant. De même, jusqu’en 2007, chaque élection présidentielle
donnait lieu à l’amnistie de certains faits limitativement énumérés1419
. De la sorte, le
législateur exprime une véritable « amnésie institutionnelle»1420
, ce dont témoigne
l’étymologie même du terme amnistie1421
.
464. Prescription de l’action publique. – En second lieu, le temps écoulé depuis la
commission d’une infraction peut également expliquer que cette dernière perde son caractère
délictueux. La Cour de cassation énonce ainsi que « la prescription de l’action publique ôte
aux faits poursuivis tout caractère délictueux »1422
. Le législateur a en effet institué un
mécanisme de prescription de l’action publique, qui empêche toute poursuite passé un certain
1415 V. notamment L. n° 47-1504 du 16 août 1947 et L. n° 51-18 du 5 janvier 1951.
1416 L. n° 68-697 du 31 juillet 1968.
1417 L. n° 85-1467 du 31 décembre 1985, L. n° 88-1028 du 9 novembre 1988 et L. n° 90-33 du 10 janvier 1990.
1418 B. PY, « Amnistie », Rép. pén., 2003, n° 274.
1419 V. la dernière en date : L. n° 2002-1062 du 6 août 2002.
1420 P. RICOEUR, « Sanction, réhabilitation, pardon », in Le Juste, éd. Esprit, 1995, p. 205. Plus généralement, sur
les liens entre prescription, amnistie et oubli, v. C. HARDOUIN-LE GOFF, L’oubli de l’infraction, LGDJ, 2008. 1421
Celui-ci vient en effet du grec a privatif, et mnaomai « je me souviens ». 1422
Cass. crim., 27 oct. 1993, Bull. n° 320 ; 30 oct. 2002, Bull. n° 224.
380
délai d’inaction1423
. La prescription s’expliquerait ainsi par une forme de droit à l’oubli1424
, la
rapprochant en cela de l’amnistie.
465. Démarche. – Certes, certains auteurs voient la prescription comme une exception
d’impunité « sans rapport avec le fond du droit »1425
, et cette institution est généralement
étudiée dans les manuels au titre de la procédure pénale, non du droit pénal général, en ce
qu’elle éteint l’action publique1426
. D’ailleurs, cette question a été envisagée comme une
conséquence de l’indivisibilité procédurale unissant les coauteurs1427
. Toutefois, d’autres lui
reconnaissent un caractère véritablement substantiel, puisqu’elle entraînerait une
irresponsabilité par rétroactivité en effaçant le caractère délictueux des faits1428
. Or, si cette
vision substantielle permettait de conclure également à une nécessaire communauté des
mécanismes relatifs à la prescription entre coauteurs, la solution en serait assurément
renforcée.
Si amnistie et prescription font donc véritablement disparaître l’infraction, il semble
que, de prime abord et à l’instar des solutions retenues s’agissant des faits justificatifs, ces
institutions doivent profiter à l’ensemble des coauteurs de l’infraction. Il convient alors de
s’en assurer en s’intéressant à l’amnistie de l’infraction (§1) ainsi qu’à sa prescription (§2).
§1- L’amnistie commune de l’infraction
466. Définition. – L’amnistie s’analyse traditionnellement comme un mécanisme
permettant d’ôter à des faits apparemment infractionnels leur caractère délictueux en
neutralisant l’élément légal de l’infraction1429
. Elle se distingue ainsi de l’abrogation en ce
1423 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions en vertu respectivement des
articles 9, 8 et 7 du Code de procédure pénale. 1424
F. DESPORTES et L. LAZERGES-COUSQUER, Traité de procédure pénale, préc., n° 970 ; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, préc., n° 1366 ; J. PRADEL, Procédure pénale, Cujas, 16ème
éd., 2011, n° 236. 1425
A. DECOCQ, Droit pénal général, préc., p. 295. 1426
V. notamment S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, préc., n° 1365 et s. ; J. PRADEL, Procédure
pénale, préc., n° 235 et s. 1427
V. supra n° 400 et s. 1428
Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 394 et s. 1429
V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 896 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,
Droit pénal général, préc., n° 290 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 1094 ; Y.
381
qu’elle ne joue que sur des événements passés et nécessairement limités dans le temps, alors
que cette dernière agit seulement sur l’avenir en supprimant purement et simplement
l’incrimination. Mais l’amnistie ne renvoie pas à une unique réalité, à tel point qu’il faudrait
désormais parler des amnisties selon certains1430
.
467. Amnistie réelle et amnistie personnelle1431
. – Certes, l’amnistie est toujours le
fait du législateur, ce qui se comprend en ce qu’elle neutralise l’élément légal de
l’infraction1432
. Cependant, elle peut prendre plusieurs formes. Ainsi, alors qu’elle est
classiquement une mesure réelle puisqu’elle prive certains faits de leur caractère délictueux et
s’applique donc automatiquement1433
, elle présente de plus en plus fréquemment un caractère
personnel. Dans cette dernière hypothèse, le législateur ne s’attache, en effet, non plus aux
faits en cause mais à leur auteur. Par exemple, l’amnistie pourra être subordonnée à la qualité
d’ancien combattant1434
ou au fait de s’être distingué d’une manière exceptionnelle dans les
domaines culturel, scientifique ou sportif1435
.
De même, le législateur autorise parfois les pouvoirs exécutif et judiciaire à désigner
les bénéficiaires d’une amnistie. Dans le premier cas, il s’agit ainsi de la grâce amnistiante, ou
amnistie par mesure individuelle, par laquelle le législateur réserve le bénéfice de l’amnistie
aux personnes ayant obtenu un décret de grâce. Dans le second, il s’agit des amnisties
judiciaires, qui sont subordonnées à la peine prononcée. Par exemple, la loi du 6 août 2002
dispose que « les délits punis […] de peines d’emprisonnement inférieures ou égales à trois
mois sans sursis » sont amnistiés lorsqu’ils ont été commis avant le 17 mai 20021436
, en visant
les délits effectivement punis d’une telle peine, c’est-à-dire qu’il est fait référence à la peine
MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 174, p. 190 ; X. PIN, Droit pénal général, préc., n° 237 ; J. PRADEL,
Droit pénal général, préc., n° 354 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 175. 1430
V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 290 ; E. DREYER,
Droit pénal général, préc., n° 1631. V. également B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 896 et s. et X. PIN,
Droit pénal général, préc., n° 241 et s., qui évoquent « les lois d’amnistie ». 1431
Ces détours théoriques sont nécessaires afin de montrer que seule l’amnistie réelle est une véritable
hypothèse d’oubli de l’infraction, qui justifie alors d’évoquer un oubli commun de l’infraction à l’égard des
coauteurs. 1432
Les arguments sont ici les mêmes que s’agissant de la neutralisation de l’élément légal par les faits
justificatifs : v. supra n° 448 et s. 1433
En vertu de la nature ou de la gravité de l’infraction commise. 1434
V. notamment la loi du 16 août 1947, préc. 1435
Loi du 6 août 2002, préc. 1436
Art. 6.
382
prononcée, non à la peine encourue. Or, la peine prononcée est nécessairement liée à la
personne condamnée.
Toutefois, ces diverses références à la personne du délinquant plutôt qu’aux faits
commis dévoient nécessairement l’institution de l’amnistie. En effet, celle-ci se rapproche
alors de la notion d’immunité1437
, cause d’irresponsabilité affectant la sanction et non
l’incrimination, et brouille donc les frontières entre les deux institutions. De plus, l’amnistie
personnelle ne peut être commune aux coauteurs. En effet, elle s’explique par des données
purement personnelles au délinquant et produit ainsi nécessairement un effet in personam. Les
raisons ayant présidé à son adoption sont ainsi propres à une qualité de l’individu et rien ne
justifierait une communication de cette amnistie à des individus ne présentant pas cette
qualité1438
. Enfin, comme l’a montré un auteur1439
, le fondement même de l’amnistie qu’est
classiquement l’oubli est également malmené : l’amnistie personnelle s’apparente plus à une
forme de pardon, nécessairement personnel, qu’à un oubli, par essence neutre et objectif1440
.
L’amnistie dont il sera question dans ces développements sera donc l’amnistie au sens
classique du terme, c’est-à-dire l’amnistie réelle1441
.
468. Effet in rem de l’amnistie réelle. – Si elle fait perdre aux faits leur caractère
délictueux, l’amnistie a alors, par nature, un effet in rem1442
. La doctrine est du reste
unanime1443
et y voit même le fondement de l’institution1444
. L’effet à l’égard des coauteurs
1437 PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 290.
1438 Ces arguments peuvent d’ailleurs être repris pour exclure toute communication relative aux immunités dont
un coauteur pourrait être l’objet. En outre, un argument supplémentaire s’y ajoute : si une immunité familiale par
exemple pouvait être communiquée à un coauteur n’en bénéficiant en principe pas, cette conclusion pourrait
entraîner un effet pervers. En effet, dans la mesure où les immunités sont prévues par la loi, il serait alors
profitable aux délinquants de s’associer en connaissance de cause à un individu bénéficiant d’une telle immunité
afin de ne pas être inquiété pénalement. Plus généralement, il faut ainsi considérer que les causes purement
personnelles à l’agent ne peuvent se communiquer entre coauteurs. 1439
C. HARDOUIN-LE GOFF, L’oubli de l’infraction, préc., n° 43 et s. 1440
Pardon et oubli seraient ainsi deux notions antithétiques : C. HARDOUIN-LE GOFF, L’oubli de l’infraction,
préc., n° 26. 1441
Au demeurant, selon PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 293, « il s’agit
de la seule véritable amnistie ». 1442
Parler d’effet in rem de l’amnistie réelle confine d’ailleurs au pléonasme. 1443
V. notamment PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, préc., n° 293 ; Y. MAYAUD,
Droit pénal général, préc., n° 383 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel – Procédure pénale, préc., n°
946. 1444
C. HARDOUIN-LE GOFF, L’oubli de l’infraction, préc., n° 43, qui, évoquant le caractère objectif de l’oubli à la
différence du caractère subjectif et distributif du pardon considère que « le fondement de l’amnistie ne semble
pas devoir être trouvé a priori et seulement dans le contexte ou les circonstances d’élaboration de la mesure
383
est alors indéniable : ceux-ci participant à la même infraction, si cette dernière disparaît, leur
participation s’éteint également1445
. L’article 133-9 du Code pénal confirme d’ailleurs
implicitement cette solution puisqu’il dispose que « L’amnistie efface les condamnations
prononcées, elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les
peines. Elle rétablit l’auteur ou le complice de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait
pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure ». En visant à la fois l’auteur et le
complice de l’infraction, le texte semble ainsi témoigner de l’effet in rem de l’amnistie. Or,
dans la mesure où la complicité ne se greffe pas nécessairement sur une infraction unique1446
,
la solution devrait valoir, a fortiori, en matière de coaction.
469. Parce qu’ils participent à une seule et même infraction, les coauteurs bénéficient
ainsi d’une amnistie commune de l’infraction. La même conclusion devrait alors s’appliquer
s’agissant de la prescription de l’infraction.
§2- La prescription commune de l’infraction
470. Prescription de l’action publique et prescription de la peine. – La prescription
de l’action publique se définit classiquement comme un « mode d’extinction de l’action en
justice résultant du non-exercice de celle-ci avant l’expiration du délai fixé par la loi »1447
. Sa
durée est fixée par le Code pénal à un an pour les contraventions, trois ans pour les délits et
dix ans pour les crimes. Elle est donc fondée sur la classification tripartite des infractions et
parfaitement indifférente à la personnalité de l’auteur. Ainsi, dès l’instant où les coauteurs
participent à une seule et même infraction, le délai de prescription de cette dernière est
nécessairement le même pour chacun d’entre eux. Il faut toutefois veiller à distinguer cette
hypothèse de celle de la prescription de la peine, qui vise pour sa part l’hypothèse dans
mais bien aussi dans sa technicité et dans ses critères d’application dès lors que ces critères évoquent
précisément ceux du pardon ou, au contraire, ceux de l’oubli véritable… ». 1445
En revanche, l’amnistie personnelle ne pourra évidemment profiter aux participants à l’infraction, ce que ne
remet pas en cause la jurisprudence : v., s’agissant du complice, Cass. crim., 10 fév. 1949, JCP G 1949, II, 4857,
note COSTE ; Rev. sc. crim. 1949, p. 338, obs. J. MAGNOL. 1446
V. supra n° 102 et s. 1447
G. CORNU, Vocabulaire juridique, préc.
384
laquelle le délai écoulé depuis le prononcé de la sanction fait obstacle à son exécution1448
.
Attachée à la peine et non à l’infraction, elle est alors nécessairement individuelle et ne peut
donc profiter à l’ensemble des coauteurs. Mais la participation des coauteurs à une infraction
unique n’a pas pour seule conséquence de permettre un délai de prescription commun.
471. Point de départ du délai. – En outre, cette caractéristique de la notion de coaction
produit immanquablement des conséquences sur le point de départ de ce délai de prescription.
En effet, celui-ci est fixé par rapport au moment de consommation de l’infraction1449
. Or, cette
dernière étant collective et unique pour les coauteurs, le moment de sa consommation leur est
nécessairement commun. La jurisprudence retient du reste une telle solution, tant à l’égard de
la complicité que de la coaction. La Cour de cassation énonce ainsi que « la prescription, en
matière pénale, ne constitue pas un bénéfice personnel, mais s’applique au fait lui-même ;
lorsqu’elle est acquise, elle éteint l’action définitivement, et à l’égard de tous auteurs,
coauteurs ou complices […] »1450
. C’est d’ailleurs de la sorte que doit être comprise la
décision de la Cour d’appel de Nancy du 24 mai 1950 relative aux recels successifs1451
. En
l’espèce, les juges avaient considéré que les recels successifs d’un même objet, « réitérés par
des individus différents en exécution de la même résolution criminelle pour atteindre le même
but [devait] les faire considérer comme les éléments d’une seule infraction, dont le caractère
continu fait apparaître chacun des receleurs successifs, non pas comme auteur d’un délit
distinct, mais comme coauteur d’un même délit ». La caractérisation d’une coaction y est
souvent présentée comme un moyen pour les juges de repousser le point de départ du délai de
prescription du recel1452
. Mais cette solution se comprend tout à fait dès lors qu’une véritable
coaction pouvait être constatée entre les différents receleurs1453
. A partir du moment où
l’infraction est collective et unique, le point de départ du délai de prescription est
nécessairement le même pour chacun des coauteurs1454
.
1448 C. pén., art. 133-1 et s.
1449 L’article 7 alinéa 1 du Code de procédure pénale dispose en effet que l’action publique se prescrit « à
compter du jour où le crime a été commis » et les articles 8 alinéa 1 et 9 du même code affirment une solution
identique s’agissant des délits et des contraventions. 1450
Cass. crim., 4 déc. 1952, Bull. n° 294. V. également Cass. crim., 23 nov. 1954, Bull. n° 343. 1451
CA Nancy, 24 mai 1950, Gaz. Pal. 1950, 2, p. 236. 1452
V. notamment Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 380, p. 397. 1453
Sur ce point, v. supra n° 400. 1454
En outre, la solution se justifie également au regard du caractère continu de l’infraction de recel. En effet, en
cas d’infraction continue, la prescription court à compter du jour où l’état délictueux a pris fin « dans ses actes
constitutifs et dans ses effets » (v. notamment Cass. crim., 30 sept. 1992, Bull. n° 300), c’est-à-dire, s’agissant du
385
Plus encore, les distinctions relatives à la nature de l’infraction pour déterminer ce
point de départ sont indifférentes : peu importe que l’infraction soit instantanée, continue ou
d’habitude, le point de départ du délai de prescription sera le même pour l’ensemble des
coauteurs.
En revanche, la solution ne devrait pas nécessairement être la même pour la
complicité. Certes, il serait envisageable que le sort du complice soit traité en considération de
l’infraction principale et donc que le point de départ du délai de prescription de cette dernière
soit également celui de sa propre participation. La jurisprudence retient du reste cette solution.
Elle considère en effet que la prescription de la complicité doit être appréciée par rapport à
celle de l’infraction principale1455
, non à compter de l’acte de complicité1456
. Cependant, si
cette solution se comprend au regard de la dépendance du complice à l’égard de l’infraction
principale, elle nie également la criminalité propre de la complicité : les actes du complice,
distincts de ceux de l’infraction principale, ne sont pas innocents en eux-mêmes et peuvent
permettre de distinguer la participation à l’infraction du complice de sa réalisation par
l’auteur. De plus, complice et auteur principal ne participent pas nécessairement à une seule et
même infraction1457
, argument qui justifie le point de départ commun du délai de prescription
s’agissant des coauteurs. Partant, il est possible d’imaginer que le délai de prescription
commence à courir à partir de la réalisation des actes de participation par le complice et non
de l’infraction principale. La solution est d’autant plus intéressante que la complicité peut se
traduire par des actes antérieurs à l’infraction principale, permettant de faire courir le délai
plus tôt que pour cette dernière. Les sorts du complice et de l’auteur principal seraient alors
dissociés. S’agissant des coauteurs, leur participation étant nécessairement concomitante à la
réalisation de l’infraction collective1458
, le point de départ du délai sera nécessairement
commun, renforçant de fait la spécificité du régime de ce titre d’imputation.
recel, au lendemain du jour où la détention de l’objet volé a cessé, alors même qu’à cette date l’infraction ayant
procuré la chose était déjà prescrite (v. notamment Cass. crim., 17 mai 1983, Bull. n° 48). Ainsi, si l’existence de
différents coauteurs est établie, tant que l’un d’entre eux détiendra la chose objet du vol, le point de départ du
délai de prescription ne pourra pas commencer à courir, même à l’égard de ceux s’étant personnellement
dessaisis de la chose. 1455
Cass. crim., 15 déc. 1929, Bull. n° 342. 1456
Cass. crim., 8 janv. 1991, Bull. n° 15. 1457
V. supra n° 102 et s. 1458
V. supra n° 283 et s.
386
472. Interruption du délai de prescription de l’action publique. – Enfin, toujours
parce que les coauteurs participent à une infraction unique, l’acte interruptif de prescription
devra produire ses effets à l’égard de chacun des coauteurs. En effet, la prescription est
interrompue à l’égard de l’infraction, et non à l’égard des participants, ce que la jurisprudence
ne manque pas de relever. Dans l’arrêt précédemment évoqué1459
, après avoir énoncé que la
prescription s’applique au fait lui-même, la Cour de cassation en déduit alors que « […] si elle
est valablement interrompue, les effets de l’interruption sont opposables à tous ». La solution
n’a d’ailleurs jamais été remise en cause1460
. A nouveau, parce que les coauteurs participent à
la même infraction, l’interruption du délai de prescription profite nécessairement à tous.
473. Ainsi, du fait de leur participation à une unique infraction, collective, les coauteurs
sont soumis à une prescription commune de l’infraction, tant s’agissant de la durée que du
point de départ ou encore de l’interruption de ce délai. La conclusion est alors identique à
celle tirée de l’indivisibilité procédurale entre coauteurs1461
, la confirmant davantage.
474. Conclusion de la section 2. – Parce que les coauteurs participent à une infraction
unique, toute cause affectant l’infraction aura nécessairement des conséquences sur chacun
d’entre eux. Partant, les causes entraînant un oubli de l’infraction, en ce qu’elles s’attachent
au fait et non à leur auteur, profitent à chacun des participants à l’infraction. Ainsi, dans la
mesure où l’amnistie vise l’infraction et non son auteur, elle sera nécessairement commune
aux coauteurs. Pour les mêmes raisons, une conclusion semblable s’impose s’agissant de la
prescription de l’infraction.
1459 Cass. crim., 4 déc. 1952, préc.
1460 V. notamment Cass. crim., 3 fév. 1955, JCP G 1955, II, 8663, note P. CHAMBON; 20 fév. 1985, Bull. n° 83 ;
5 juil. 1995, Bull. n° 239. 1461
V. supra n° 400 et 401.
387
Conclusion du chapitre 1
475. En participant à une infraction collective, les coauteurs réalisent une seule et même
infraction. Dès lors, si une cause objective affecte cette dernière, elle devra profiter à tous. Il
fallait alors montrer quelles causes sont susceptibles d’avoir un impact sur l’infraction
collective. Si les causes d’aggravation de l’infraction devaient être exclues1462
, il restait alors à
s’intéresser aux causes de disparition de celle-ci. Or, un fait peut perdre son caractère
délictueux pour deux raisons principales : soit il est justifié, soit il est oublié.
476. Justification commune de l’infraction. – La doctrine présente traditionnellement
les faits justificatifs comme des causes objectives d’irresponsabilité dont les effets devraient
se communiquer erga omnes, et donc aux coauteurs. Il convenait alors de vérifier cette
affirmation pour mieux conclure à la nécessaire justification commune de l’infraction. Or,
dans la mesure où aucune conception subjective des faits justificatifs n’a pu être retenue, il
fallait nécessairement se tourner vers les conceptions objectives. Il est alors apparu que quelle
que soit la théorie retenue, et qu’elle considère le fait justificatif comme une cause de
disparition de l’élément légal ou de l’élément injuste de l’infraction, cette cause
d’irresponsabilité devait nécessairement produire ses effets à l’égard de l’ensemble des
coauteurs.
477. Oubli commun de l’infraction. – Une démarche identique devait alors être menée
s’agissant des causes susceptibles d’entraîner la disparition de l’infraction en occasionnant
son oubli. Il s’agissait alors de vérifier que l’amnistie comme la prescription s’expliquaient
bien par des considérations touchant au fait en lui-même et non à son auteur. Dans la mesure
où une réponse positive a pu être apportée à cette interrogation, et parce que les coauteurs
participent à une seule et même infraction, l’oubli de l’infraction commise par des coauteurs
devait inévitablement être qualifié de commun.
1462 V. supra n° 435.
388
478. Mais l’infraction collective réalisée par les coauteurs n’est pas simplement une
infraction unique, elle est également leur propre infraction, ce qui doit nécessairement
produire des conséquences quant au régime de la coaction.
389
Chapitre 2- L’influence de la participation à sa propre infraction sur le
régime de la coaction
479. Parenté avec l’action. – Le fait que les coauteurs commettent leur propre
infraction joue sur la définition même de la notion de coaction et, plus particulièrement, sur le
lien de causalité devant unir les différents coauteurs au résultat pénal ainsi que sur le
comportement exigé en matière de coaction1463
. En toute logique, cette influence devrait
également se retrouver à propos de la répression de cette forme de participation à l’infraction.
Or, en raison de sa parenté avec l’action1464
, il semble que la coaction permette de sanctionner
certains comportements qui ne pourraient pas nécessairement l’être s’ils étaient commis par
un complice alors qu’ils le sont dès l’instant qu’ils sont commis par un auteur. Le domaine
matériel de la coaction serait alors plus large que celui de la complicité, renforçant l’intérêt
répressif de la coaction, ce qu’il convient de vérifier (Section 1). Il appartiendra ensuite de se
demander si les spécificités du régime de la coaction impliquent d’envisager des peines
propres à ce mode de participation à l’infraction (Section 2).
1463 V. supra n° 170 et s.
1464 V. supra n° 21.
391
Section 1- Le domaine matériel de la coaction
480. Parce qu’elle emprunte certains caractères à l’action, la coaction présente un
domaine matériel qui s’en approche. Elle permet ainsi de réprimer davantage de
comportements que la complicité. En particulier, elle permet de sanctionner la tentative de
coaction (§1) ainsi que les coauteurs d’une contravention (§2).
§1- La tentative de coaction
481. Tentative de coaction et tentative réalisée en coaction. – S’agissant de la
tentative, la distinction entre la complicité et la coaction se fait lorsque l’on raisonne sur une
tentative de participation à l’infraction et non sur une participation à une infraction tentée.
Effectivement, en ce qui concerne cette dernière, il semble que les solutions soient les mêmes,
quel que soit le mode d’imputation envisagé.
La répression de la complicité de tentative n’a en effet jamais été discutée, la tentative de
crime ou délit, dès lors qu’elle est incriminée, apparaissant comme le fait principal punissable
nécessaire à la complicité1465
. Quant à la répression de la tentative réalisée en coaction, elle ne
pose a priori pas de difficulté particulière : il s’agirait, pour des coauteurs, de commettre des
actes assimilables au commencement d’exécution de l’infraction en cause. Pourtant, eu égard
à la notion proposée de l’acte de coaction1466
, la question mérite quelque attention. Celui-ci a
en effet été défini comme un acte constitutif ou un commencement d’exécution de l’infraction
collective, c’est-à-dire en référence à la tentative. Le fait de forcer la serrure d’une habitation
avait ainsi pu être considéré comme un acte de coaction du vol ainsi commis1467
. Dès lors, la
tentative exigeant elle-même un commencement d’exécution, une conclusion trop rapide
pourrait amener à considérer que sanctionner une tentative réalisée en coaction pourrait
1465 Cette solution a effectivement été admise en jurisprudence dès le XIXème siècle (v. notamment Cass. crim.,
29 mars 1827, Bull. n° 66 ; Cass. crim., 2 juin 1832, Bull. n° 200 ; Cass. crim., 23 août 1877, Bull. n° 201) et est
maintenue depuis (v. notamment Cass. crim., 3 mars 1954, JCP G 1954, IV, 53 ; Cass. crim., 4 juin 1998,
JurisData n° 1998-003410, Dr. pén. 1998, comm. 142, obs. M. VERON ; Cass. crim., 6 sept. 2000, JurisData
n° 2000-006055 ; Cass. crim., 12 janv. 2011, pourvoi n° 10-83180). 1466
V. supra n° 280 et s. 1467
V. supra n° 292.
392
conduire à réprimer un commencement d’exécution d’un commencement d’exécution
d’infraction collective, soit des actes seulement préparatoires de l’infraction collective. Ainsi,
le fait de se rendre à plusieurs à proximité d’une habitation appartenant à autrui ou d’acheter
un instrument susceptible d’être utilisé pour forcer une serrure pourrait caractériser un tel
commencement d’exécution de coaction. Les écueils d’une telle conception sont alors
évidents.
Toutefois, l’objection n’est en réalité qu’apparente. En effet, le commencement
d’exécution de l’infraction collective n’est pas en lui-même suffisant à caractériser un acte de
coaction. Pour que ce dernier soit établi, il faut qu’un autre coauteur consomme l’élément
matériel de l’infraction collective. Ce n’est qu’à cette condition qu’il pourra communiquer
l’acte consommé de l’infraction collective au coauteur qui en aura seulement réalisé le
commencement d’exécution. Le commencement d’exécution de l’infraction collective ne
pourra donc être constitutif d’un acte de coaction que si les autres coauteurs réalisent des actes
permettant de conclure à la consommation de l’infraction collective. Ainsi, ce n’est que parce
que d’autres individus ont soustrait des objets que le fait de forcer la serrure a pu être
considéré comme un acte de coaction du vol consommé. Il n’est alors pas possible d’imaginer
retenir une infraction consommée en état de coaction si seulement des actes de
commencement d’exécution de l’infraction collective étaient réalisés et donc, par exemple, si
les individus avaient respectivement forcé une serrure et posé leurs mains sur les objets à
dérober. En revanche, cette hypothèse pourrait certainement constituer une tentative
d’infraction réalisée en état de coaction, sans pour autant réprimer des actes préparatoires.
Partant, les participants à une tentative, qu’ils soient complices ou coauteurs, peuvent tous
être sanctionnés. En revanche, cette identité de répression ne se retrouve pas si l’on raisonne
sur la tentative de participation à l’infraction : alors que la tentative de complicité ne peut être
sanctionnée (A), celle de coaction le peut (B).
A- L’absence de répression de la tentative de complicité
482. Une absence de répression classique. – Il est traditionnellement enseigné
qu’alors que la complicité de tentative est punissable, la tentative de complicité ne l’est pas.
393
Doctrines classique1468
et moderne1469
s’accordent sur ce point, tout comme la jurisprudence,
puisque déjà sous l’empire du Code pénal de 1791, le Tribunal de cassation considérait que
« dans tout le contexte de nos lois criminelles on n’aperçoit aucune peine applicable à la
tentative de complicité de crime, mais que tant le Code pénal que la loi du 22 prairial an IV
ne contiennent des dispositions pénales que contre la tentative du crime même, tentative qui
se rapporte à l’auteur et non au complice du crime, et n’en prononcent aucune contre la
tentative de complicité »1470
. Depuis, la solution est demeurée1471
, malgré les nombreuses
controverses qu’elle a pu susciter.
483. Une absence de répression compréhensible. – Effectivement, l’opinion publique
s’est émue de l’impunité de celui qui avait offert une somme d’argent à un homme de main
afin qu’il exécute un individu lorsque celui-ci s’était désisté. Certains ont même vu dans cette
solution le hasard devenu « arbitre de la répression »1472
. Pourtant, elle semble justifiée tant
les enjeux au regard des libertés individuelles sont importants1473
. Surtout, l’absence de
répression de la tentative de complicité n’apparaît que comme une conséquence, sur le plan du
régime, de la définition de la complicité. Cette dernière s’analysant comme la participation à
l’infraction d’autrui, faute d’infraction d’autrui, il semble délicat d’imaginer une répression de
ce qui n’est en réalité qu’une complicité de rien... Cette solution semble d’ailleurs s’imposer
que l’on raisonne selon le système de l’emprunt de criminalité ou celui de l’emprunt de
matérialité1474
: pour que le complice emprunte quelque chose, encore faut-il qu’il ait quelque
1468 V. notamment H. DONNEDIEU DE VABRES, Traité élémentaire de droit criminel et de législation comparée,
Sirey, 2ème
éd., Paris, 1943, n° 428 ; E. GARCON, Code pénal annoté, préc., art. 59 et 60, n° 344. 1469
V. notamment B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 346; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,
Droit pénal général, préc., n° 411 ; F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 553 ; X. PIN,
Droit pénal général, préc., n° 279 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 429 ; M.-L. RASSAT, Droit pénal
général, Ellipses, coll. Cours magistral, 2006, n° 354 p. 408 ; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc., p. 352.
Pour une contestation de cette solution, v. notamment E. DREYER, Droit pénal général, préc., n° 1047. 1470
Trib. Cass., 23 vendémiaire an VIII, Bull. n° 48, cité par C. GERTHOFFER, La tentative et la complicité,
Mélanges Patin, Cujas, 1966, p. 153 et s., spéc. p. 162. 1471
V. par exemple Cass. crim., 16 juin 1955, JCP 1955.8851, note R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1956 p. 99, obs. A.
LEGAL ; et surtout Cass. crim., 25 oct. 1962 (LACOUR et SCHIEB-BENAMAR) ; J.C.P. 1963, II, 12985, note R.
VOUIN, D. 1963, 221, note P. BOUZAT. ; Rev. sc. crim. 1963, p. 533, obs. A. LEGAL ; M. PUECH, Les grands
arrêts de la jurisprudence criminelle, n° 88 ; J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal
général, n° 32. 1472
R. COMBALDIEU, Le problème de la tentative de complicité ou le hasard peut-il être arbitre de la
répression ?, Rev. sc. crim., 1959, p. 454. 1473
"Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent" écrivait déjà Voltaire en 1747
(Zadig ou la destinée). 1474
Sur ces théories, v. supra n° 102 et s.
394
chose à emprunter. Ce n’est qu’en se tournant vers le système de la « complicité délit-
distinct »1475
que la répression de la tentative de complicité serait réellement envisageable :
auteur d’une infraction autonome, le complice serait susceptible de voir sa responsabilité
pénale engagée au titre de la tentative sans que surgissent de difficultés particulières autres
que celles liées à la caractérisation du commencement d’exécution1476
. Or, il l’a été dit, une
telle solution semble inopportune dans la mesure où elle ne respecte pas la véritable nature de
« délit conditionné »1477
de la complicité.
484. Mise en place de palliatifs. – En outre, dans ces hypothèses, la jurisprudence a
parfois retenu l’infraction d’association de malfaiteurs1478
. Enfin, ponctuellement et dans les
hypothèses où l’impunité de celui qui a accompli tous ses actes de participation sans que
l’auteur principal ne commette un quelconque acte coupable aurait pu ou a pu apparaître
particulièrement choquante, le législateur est intervenu afin de prévoir spécialement la
répression de la tentative de complicité d’assassinat ou d’empoisonnement commise par des
offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques1479
. Ainsi, il est vrai que même si
la tentative de complicité n’est pas réprimée, des palliatifs sont envisageables dans les
hypothèses où l’impunité de son auteur serait particulièrement choquante. Cependant, cette
technique demeure peu satisfaisante1480
et il faut alors se réjouir que la coaction ne la
nécessite pas dans la mesure où sa tentative pourrait être réprimée de façon générale.
B- La répression envisageable de la tentative de coaction
485. Hypothèse. – L’hypothèse est la suivante : deux individus, X et Y, décident de
commettre un vol et, avant que l’infraction soit entrée dans sa phase d’exécution, l’un d’eux,
1475 V. supra n° 107 et s.
1476 Sur cette question, v. supra n° 295.
1477 J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable aux complices, préc.
1478 Cass.crim. 30 avr. 1996, JurisData n° 1996-003834 ; Bull. n° 176; Rev. sc. crim. 1997, p.113, obs. J.-P.
DELMAS SAINT-HILAIRE. Cass. crim. 26 mai 1999, JurisData n° 1999-002800 ; Bull. n° 103 ; Rev. sc. crim.
2000, p. 621, obs. J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE. 1479
V. en particulier l’article 221-5-1 du Code pénal mis en place par la loi du 9 mars 2004 afin de répondre aux
critiques suscitées par les arrêts Lacour et Schieb. De façon plus générale, l’incrimination de provocations non
suivies d’effet poursuit ce but (par exemple la provocation non suivie d’effet à la trahison et l’espionnage, C.
pén., art. 411-1). 1480
Car créer des incriminations au cas par cas suppose nécessairement d’avoir constaté une lacune de la
répression et car l’association de malfaiteurs est enfermée dans des conditions strictes (crime ou délit puni d’au
moins cinq ans d’emprisonnement) : v. supra n° 34.
395
X, renonce. Deux solutions se présentent alors à Y : soit il choisit de se désister également,
soit il décide de poursuivre et de réaliser tout de même l’infraction.
Si Y renonce lui aussi, aucune répression ne pourra intervenir puisqu’aucun
commencement d’exécution ne sera caractérisé. En revanche, si Y persiste et consomme ou
tente l’infraction, il pourra être poursuivi pour vol ou tentative de vol.
486. Systématisation. – Ainsi, l’individu qui était déterminé à agir en coaction et a tout
fait pour y parvenir, mais dont « l’aspirant coauteur » s’est désisté, pourra être poursuivi
pénalement au titre de l’action. En effet, contrairement au complice, il n’est pas lié par le
caractère punissable d’un acte extérieur à lui puisque, à la façon d’un auteur, il réalise lui-
même l’acte répréhensible. En réalité, la tentative de coaction serait donc punissable pour
celui des coauteurs qui aura poursuivi son dessein, mais simplement au titre de l’action. En
revanche, celui qui n’a commis aucun commencement d’exécution d’infraction, alors même
qu’il projetait de commettre cette dernière en état de coaction, n’encourra aucune sanction. La
coaction étant un mode de participation à une infraction et non une infraction à part entière, le
simple fait de s’être entendu avec autrui pour réaliser une infraction ne peut, en effet, être
punissable si l’infraction n’a pas été au moins tentée. Il semble d’ailleurs que la solution soit
révélatrice de la définition donnée de la coaction : elle est un titre d’imputation à mi-chemin
entre l’action et la complicité1481
. Dès lors, il est logique que les solutions la concernant
s’approchent de celles concernant l’action et la complicité. Plus encore, en l’espèce, elles
révèlent le caractère « hybride »1482
de la coaction : les solutions relatives au coauteur s’étant
désisté rejoignent celles relatives à la tentative de complicité, et celles relatives au coauteur
ayant poursuivi son action s’apparentent à celles relatives à l’action.
Ainsi, la tentative de coaction n’est peut-être pas répréhensible en tant que telle, c’est-
à-dire sous cette terminologie, mais il reste qu’un tel comportement est susceptible d’être
sanctionné, à la différence des solutions applicables à la complicité. Une différence similaire
entre ces deux modes d’imputation se retrouve s’agissant des personnes susceptibles de
commettre une contravention.
1481 V. supra n° 21.
1482 Ibid.
396
§2- La contravention réalisée en coaction
487. Non-incrimination de la complicité de contravention sous l’ancien Code pénal
et utilisation répressive de la coaction. – Sous l’empire de l’ancien Code pénal, l’article 59
relatif à la complicité ne visait que la complicité de crime ou délit1483
. Partant, la complicité
de contravention n’était pas punissable, ce que la jurisprudence ne manquait pas de
relever1484
, sauf en cas de prévision contraire de la loi. La jurisprudence a alors parfois utilisé
la notion de coaction afin de réprimer des individus qui, en vertu des définitions classiques de
ces notions, auraient dû être qualifiés de complices1485
. Une espèce est ainsi fréquemment
citée pour en témoigner : l’arrêt rendu par la Chambre criminelle le 24 juin 19221486
. Il
s’agissait d’individus ayant défilé au sein d’un cortège en tête duquel l’un d’eux portait un
drapeau portant l’inscription « Jeunesse Communiste ». Tous furent condamnés pour
contravention de port de drapeau prohibé, alors même qu’un seul avait effectivement porté le
drapeau en cause. Si pour le Tribunal de Police de Valenciennes, ceux qui avaient simplement
participé au défilé n’étaient que de simples complices, la Chambre criminelle les considéra
comme des coauteurs, au motif que le défilé s’apparentait à une « manifestation commune et
simultanée constituant une même contravention ».
488. Justification de la solution au regard de la notion de coaction établie. –
Certains auteurs font valoir que malgré l’intérêt répressif de telles solutions, elles demeurent
« éminemment contestables en ce qu’elles portent atteinte au principe de légalité des crimes
et délits »1487
. La pertinence de cette objection ne peut être remise en question au regard du
droit positif ; cependant, la notion de coaction établie précédemment permettrait de la faire
tomber. En effet, puisque la coaction ne nécessite pas l’accomplissement de l’ensemble des
éléments constitutifs de l’infraction par chaque coauteur et que l’interchangeabilité des rôles
1483 Il disposait en effet que disposait que « Les complices d'un crime ou d'un délit seront punis de la même peine
que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit, sauf les cas où la loi en aurait disposé autrement ». 1484
V. notamment Cass. crim., 26 déc. 1857, Bull. n° 412 ; DP 1858, 1, p. 143 ; Cass. crim., 6 mars 1862, DP
1862, 1, p. 77 ; Cass. crim., 3 mai 1966, Bull. n° 127 ; Cass. crim., 4 juin 1986, Lorly, cité in J.-Cl. Pénal Code,
Complicité, art. 121-6 et 121-7, P. SALVAGE, 2005. 1485
En effet, la définition du coauteur étant traditionnellement calquée sur celle de l’auteur, la coaction ne
distingue pas selon que l’infraction commise est un crime, un délit ou une contravention. 1486
S. 1923, 1, 41, note J.-A. ROUX. 1487
F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 567, p. 518.
397
entre différents participants révèle l’égalité propre à ce titre d’imputation1488
, la solution se
trouve alors justifiée. Dans l’espèce commentée, il semble bien que la personnalité du porteur
du drapeau était indifférente et qu’à tout moment, l’un des manifestants était prêt à le relayer.
Plus encore, et dans le même sens, un auteur y voit une manifestation de la représentation
dans l’action propre à la coaction selon lui1489
. Par conséquent, la notion établie de coaction
permettrait de justifier ces solutions, sans pour autant malmener les principes du droit pénal.
489. Non-incrimination de la complicité par aide et assistance de contravention
depuis le nouveau Code pénal et maintien de l’intérêt répressif de la coaction. – Depuis le
nouveau Code pénal, il convient de distinguer entre la complicité par instigation et la
complicité par aide et assistance. En effet, l’alinéa 1er
de l’article 121-7, relatif à ce dernier
mode de complicité, vise seulement le complice d’un crime ou d’un délit alors que l’alinéa
second, relatif à la complicité par instigation, ne fournit pas une telle précision. Il faut alors en
déduire qu’il permet la répression de la complicité par provocation ou instructions quelle que
soit la nature de l’infraction en jeu, et donc de la complicité par instigation d’une
contravention, ce que confirme l’article R. 610-2. Ce dernier dispose en effet que « Le
complice d'une contravention au sens du second alinéa de l'article 121-7 est puni
conformément à l'article 121-6 ». Certes, l’intérêt de la coaction en la matière est alors plus
limité que sous l’ancien Code pénal, d’autant plus que le législateur a maintenu l’admission
d’exceptions au refus de la complicité de contravention s’agissant de l’aide et de
l’assistance1490
. Toutefois, il demeure1491
. Par exemple, l’article R. 645-2 du Code pénal
incrimine « le fait, dans une zone d'interdiction fixée par l'autorité militaire et faisant l'objet
d'une signalisation particulière, d'effectuer, sans l'autorisation de cette autorité, des dessins,
levés ou des enregistrements d'images, de sons ou de signaux de toute nature ». Dans
l’hypothèse où deux individus filmeraient un terrain militaire dans de telles conditions, et en
application stricte des principes du droit positif, seul celui tenant la caméra devrait encourir la
1488 V. supra n° 235 et s.
1489 D. ALLIX, Essai sur la coaction, Contribution à la genèse d’une notion prétorienne, LGDJ, 1976, n° 130.
1490 V. notamment C. pén., art. R. 624-1 relatif aux violences n’ayant occasionné aucune incapacité totale de
travail, R. 625-1 relatif aux violences ayant occasionné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou
égale à huit jours, et R. 635-1 relatif aux destructions, dégradations et détériorations ayant occasionné un
dommage léger. 1491
En ce sens, v. B. BOULOC, Droit pénal général, préc., n° 338 ; PH. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON,
Droit pénal général, A. Colin, 7ème
éd., 2004, n° 406 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel - Droit
pénal général, t.1, Cujas, 7ème
éd., 1997, n° 553 ; J. PRADEL, Droit pénal général, préc., n° 448.
398
contravention visée puisqu’il est le seul à enregistrer des images. Le second individu,
complice par aide et assistance, ne le pourrait, sauf à malmener le principe de légalité
criminelle. Mais si l’on admet que la coaction peut être caractérisée par une interchangeabilité
des rôles entre coauteurs, sans exiger que chacun accomplisse dès lors l’ensemble des
éléments constitutifs de l’infraction, la qualification de coauteurs pour les deux individus se
trouve justifiée, sans pour autant dévoyer les sens de la complicité et de la coaction.
490. En partageant des caractères avec l’action, la coaction fait ainsi preuve d’une
autonomie qui sert sa répression puisqu’elle n’est pas soumise à la nature de l’infraction
commise pour être sanctionnée, ni à la caractérisation d’un fait principal punissable. Pour
parfaire cette autonomie dans sa répression, il apparaît alors important de se demander si elle
nécessite d’envisager des peines particulières.
399
Section 2- Les peines de la coaction
491. Identité des peines encourues en droit positif. – En droit positif, le législateur ne
prévoyant pas d’incrimination autonome de la coaction, cette dernière n’est évidemment pas
soumise à des peines spécifiques. Le coauteur, envisagé comme un simple auteur, encourt
alors les mêmes peines que ce dernier. Il en va de même pour le complice, l’article 121-7 du
Code pénal disposant que « le complice encourt les peines prévues… ». Mais dans la mesure
où la coaction a été envisagée comme un mode de participation à l’infraction, témoignant
d’une dangerosité accrue, il est possible de s’interroger sur le bien-fondé de cette solution.
Echelonner les peines entre auteur, coauteur et complice ne serait-il pas préférable ?
492. Insuffisance de la circonstance de réunion. – Certes, le législateur fait de la
pluralité de participants une circonstance aggravante de l’infraction, et prend donc en compte
la coaction à ce titre s’agissant de la pénalité. Mais cette circonstance de réunion vise aussi
bien les complices que les coauteurs. Elle ne met donc pas en lumière la spécificité de la
coaction. De plus, comme il l’a été vu, la circonstance de réunion n’est pas prévue pour toutes
les infractions, parmi lesquelles des infractions particulièrement graves telles que le meurtre.
Or, ne devrait-on pas regretter que l’existence d’une coaction n’ait aucune incidence
particulière en cas de meurtre par exemple1492
?
493. Démarche. – Partant, eu égard à la spécificité établie de la notion de coaction, il
semble important de se demander s’il ne serait pas souhaitable de mettre en place des peines
propres à ce mode de participation. Si la réponse à cette question semble négative, il ne
faudrait pas pour autant en déduire qu’il est indifférent de qualifier un individu d’auteur, de
coauteur ou de complice d’une infraction car tous encourent la même peine. Ne pas
s’interroger précisément sur la qualification d’un participant ou changer sa qualification ne
peut être justifié par le seul fait que les différents participants encourent une peine identique.
1492 Si ce n’est au stade de l’individualisation de la sanction puisque le juge pourra prendre en compte cette
circonstance mais, quoi qu’il en soit, la peine encourue ne sera pas aggravée, et le coauteur ne pourra encourir
plus que le maximum légal prévu pour l’infraction simple (sauf s’il caractérise d’autres circonstances
aggravantes).
400
Ainsi, constater l’inutilité de peines autonomes en matière de coaction (§1) ne doit pas
remettre en cause l’inanité de la théorie de la peine justifiée (§2).
§1- L’inutilité de peines autonomes
494. Pour asseoir la sévérité du régime de la coaction, il est possible d’imaginer des
peines spécifiques pour cette dernière. Il serait ainsi envisageable d’augmenter le quantum de
la peine d’un tiers ou d’un quart par exemple en cas de réalisation de l’infraction en état de
coaction, ou encore de prévoir des peines à la nature spécifique. Pourtant, il apparaît que cette
technique semblerait en réalité non seulement inadaptée à la coaction (A) mais également
superflue (B).
A- Le caractère inadapté des peines autonomes à la coaction
495. Pour s’assurer de la pertinence qu’il y aurait à envisager des peines autonomes à la
coaction, il semble opportun de se tourner vers d’autres systèmes afin de voir les solutions
qu’ils ont retenues et d’éventuellement s’en inspirer. Cette démarche est d’autant plus
appropriée que certains systèmes étrangers se rapprochent des propositions ici émises.
Cependant, l’étude du droit comparé démontre que la coaction n’y fait pas l’objet de peines
propres (1). La solution se comprend du reste parfaitement au regard du droit français tant le
risque de confondre coaction et criminalité organisée serait alors important (2).
1- L’absence de peines propres à la coaction dans les systèmes étrangers
496. Comme il l’a été vu1493
, les systèmes étrangers n’utilisent pas, à notre
connaissance, d’équivalent aux termes de « coauteur » ou de « coaction » dans leur
législation. La coaction y est pourtant envisagée, à travers une définition large de la notion
d’auteur. Cependant, dans la mesure où aucun d’entre eux ne définit de façon autonome la
coaction, pas un n’envisage une peine supérieure à celle de l’auteur en cas de coaction. Deux
exemples en témoignent, celui de la Belgique et de l’Espagne.
1493 V. supra n° 12.
401
497. L’exemple belge. – En vertu de l’article 66 du Code pénal belge, « Seront punis
comme auteurs d’un crime ou d’un délit :
Ceux qui l’auront exécuté ou qui auront coopéré directement à son exécution ;
Ceux qui, par un fait quelconque, auront prêté pour l’exécution une aide telle que, sans leur
assistance, le crime ou le délit n’eût pu être commis ;
Ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou
artifices coupables, auront directement provoqué à ce crime ou délit ;
Ceux qui, soit par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, soit par des
écrits, des imprimés, des images ou emblèmes quelconques, qui auront été affichés, distribués
ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, auront provoqué directement à le
commettre, sans préjudice des peines portées par la loi contre les auteurs de provocations à
des crimes ou à des délits, même dans le cas où ces provocations n’ont pas été suivies
d’effet ». L’auteur n’y est ainsi pas seulement défini comme l’individu qui réalise l’infraction,
mais aussi comme celui qui y participe. Selon l’alinéa premier, est auteur celui qui prend
« directement » part à l’infraction, ce qui n’est pas sans rappeler l’exigence de causalité
précédemment évoquée pour caractériser la coaction1494
. La doctrine considère ainsi que
« celui qui lie les bras de la personne à qui l’on veut donner la mort, ou qui la bâillonne, est
l’auteur de l’assassinat à l’égal de celui qui l’égorge »1495
. Quant aux alinéas suivants, ils
définissent selon la doctrine1496
les coauteurs comme ceux qui ont apporté une aide nécessaire
à l’infraction ou qui y ont directement provoqué. Si la provocation ne peut, à notre sens, être
qualifiée d’acte de coaction, l’idée d’une aide nécessaire rappelle à nouveau la notion de
coaction établie. Quant aux complices, ils sont définis par les articles 67 et 68 comme ceux
ayant fourni des instructions ou des instruments pour commettre l’infraction, ayant procuré
une aide « accessoire »1497
dans l’exécution ou la préparation de l’infraction ou ayant recelé
de façon habituelle certains malfaiteurs. En réalité, on retrouve alors la distinction entre
participants principaux et accessoires. Le législateur belge envisage ainsi une échelle des
1494 V. supra n° 217 et s.
1495 J. J. HAUS, Principes généraux de droit pénal belge, 3
ème éd., 1879, n° 509.
1496 V. C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruylant, 2003, n° 299, qui distinguent au sein des
participants à l’infraction les coauteurs, définis par les alinéas 2, 3 et 4 de l’article 66, et les complices définis par
les articles 67 et 68 du Code pénal. Cependant, le « coopérateur direct » visé par l’alinéa premier devrait
également être qualifié de coauteur à notre sens. 1497
C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, préc., n° 300.
402
peines entre les auteurs et complices, en considérant que « Les complices d’un crime seront
punis de la peine immédiatement inférieure à celle qu’ils encourraient s’ils étaient auteurs de
ce crime […].
La peine prononcée contre les complices d’un délit n’excèdera pas les deux tiers de celle qui
leur serait appliquée s’ils étaient auteurs de ce délit ».
Cependant, aucune distinction entre les pénalités n’est prévue entre l’auteur et le
coauteur. Ce dernier, parce qu’il est défini comme un auteur, est soumis au même régime que
lui et n’encourt pas de peine supérieure.
Du reste, le droit pénal belge ne fait que rarement cas de la pluralité de participants
pour aggraver la peine encourue, et lorsqu’il le fait, il ne distingue pas selon que les
participants ont agi au titre de la coaction ou de la complicité. Par exemple, l’article 377 du
Code pénal aggrave la peine encourue pour viol « si le coupable, quel qu’il soit, a été aidé,
dans l’exécution du crime ou du délit, par une ou plusieurs personnes ». De même, l’article
471 aggrave la peine du vol commis à l’aide de violences ou menaces « si l’infraction a été
commise par deux ou plusieurs personnes ». Ce n’est donc qu’en tant que circonstance
aggravante que la qualité de coauteur peut éventuellement entraîner une peine plus sévère que
celle d’auteur, mais de même que le ferait celle de complice. En outre, ainsi qu’en droit positif
français, cette circonstance n’est pas générale, et se trouve ainsi soumise à sa prévision par le
législateur. La coaction n’entraîne donc pas, de façon générale, de peine plus sévère que
l’action.
498. L’exemple espagnol. – Ces solutions peuvent également être rapprochées du droit
espagnol. En la matière, le législateur distingue les autores des cόmplices1498
. Les premiers
sont « ceux qui prennent part directement à l’exécution du fait, ceux qui le réalisent
conjointement ou qui utilisent un tiers comme instrument, ceux qui forcent ou poussent
directement autrui à l’exécution, ceux qui coopèrent à l’exécution du fait par un acte sans
1498 Ainsi que les encubridores qui se rapprochent de nos receleurs puisqu’ils sont définis comme « ceux qui
ayant connaissance d’une infraction sans y avoir participé comme auteur ou complice interviennent après sa
réalisation, en aidant le délinquant à tirer profit de l’infraction sans esprit d’un bénéfice personnel, en effaçant
ou en altérant les traces de l’infraction pour empêcher sa découverte ou en aidant les présumés responsables
d’un délit à se soustraire aux investigations des autorités ou encore en facilitant la fuite du délinquant » (C. pén.
espagnol, art. 298 et 451). Les différentes traductions sont empruntées à J. PRADEL, Droit pénal comparé, préc.,
n° 90.
403
lequel ce dernier ne se serait pas réalisé »1499
alors que les seconds sont « ceux qui coopèrent
à l’exécution du fait par des actes qui lui sont antérieurs ou simultanés »1500
. Ainsi, de même
que dans la conception proposée, la participation nécessaire est considérée comme de la
coaction, même si les actes réalisés ne s’apparentent pas à la réalisation de l’ensemble des
éléments constitutifs de l’infraction1501
. En outre, là encore, il existe une véritable distinction
entre les participants principaux et les participants secondaires. En effet, pour que la
distinction avec la coaction soit assurée, les complices qui agissent par des actes simultanés à
la réalisation de l’infraction commettent inévitablement des actes qui ne peuvent être qualifiés
de nécessaires, à défaut de quoi ils seraient considérés comme des coauteurs. La distinction
entre participants principaux et secondaires se retrouve du reste quant aux peines encourues.
En effet, la peine des complices est réduite en vertu des articles 62 à 70 du Code pénal et peut
descendre jusqu’à la moitié de la peine encourue. Par exemple, la peine encourue pour
complicité de meurtre est de 5 à 10 ans d’emprisonnement alors qu’elle est de 10 à 15 ans
pour l’auteur ou le coauteur de l’homicide1502
. En revanche, la coaction, en tant que telle,
n’est pas réprimée plus sévèrement que l’action. Seule la pluralité de participants l’est, sans
égard pour le titre d’imputation en jeu. Pour preuve, l’article 22 du Code espagnol prévoit des
circonstances aggravantes générales, c’est-à-dire applicables à toute infraction, parmi
lesquelles le fait d’exécuter les faits en profitant de l’aide d’autres personnes qui affaiblissent
la défense de la victime. En outre, d’autres articles envisagent la pluralité de participants en
tant que circonstance aggravante spéciale afin d’augmenter le quantum de la peine qui serait
encourue en vertu de la circonstance générale de pluralité de participants et, même alors, ils
ne distinguent pas selon le mode de participation en cause. Par exemple, l’article 180 1°
alinéa 2 prévoit que le viol sera aggravé en cas d’action conjointe de deux personnes ou plus,
sans faire état d’une quelconque distinction selon que ces personnes seraient complices ou
coauteurs. Certes, dans une telle hypothèse, il sera certainement question de coauteurs car les
termes d’action conjointe impliquent une idée de concomitance. Or, il est difficile d’imaginer
une action conjointe en cas de viol par des actes qui ne pourraient être nécessaires à la
1499 C. pén. espagnol, art. 28.
1500 C. pén. espagnol, art. 29.
1501 Cependant, la coaction est envisagée de façon plus large dans la mesure où l’instigation est considérée
comme de la coaction. 1502
C. pén. espagnol, art. 138.
404
réalisation de l’infraction. Ainsi, le fait de maintenir la victime pour ne pas qu’elle s’échappe
s’analyse certainement comme un acte de coaction plus que comme un acte de complicité.
Mais quoi qu’il en soit, la qualité de coauteur n’emporte pas en tant que telle une aggravation
de peine par rapport à celle d’auteur.
Ainsi, dans ces deux exemples, la coaction est assimilée à l’action et se trouve, à ce
titre, punie plus sévèrement que la complicité. En revanche, aucun statut autonome ne lui est
conféré et, alors même qu’elle est entendue plus largement qu’en droit français, elle n’est pas
réprimée plus sévèrement que l’action. Cette solution semble devoir être approuvée, au risque
de confondre coaction et criminalité organisée.
2- Le risque de confusion avec la criminalité organisée
499. Inopportunité de créer une catégorie intermédiaire. – Prévoir un système de
pénalités autonomes à l’égard de la coaction ne semble pas pertinent s’agissant de la
distinction des différentes formes collectives de délinquance. En effet, en raisonnant de façon
négative, si l’on imaginait des peines spécifiques à la coaction, il existerait certainement un
risque de confusion de ce titre d’imputation avec d’autres formes de participation plus
sévèrement punies, en particulier avec la criminalité organisée. En effet, cette dernière étant
elle-même punie plus sévèrement que la participation classique, mais s’en distinguant par ses
caractères, prévoir de façon générale une peine supérieure à celle de l’action en cas de
coaction pourrait laisser croire à la création d’une catégorie intermédiaire, à la frontière de la
criminalité organisée. Or, créer de trop nombreuses distinctions se révèlerait certainement trop
complexe, et pourrait entraîner une perte de sens et d’intérêt de la notion de coaction.
Prévoir des peines propres à la coaction se révèlerait ainsi certainement inadapté. En
outre, une telle solution présenterait surtout un caractère superflu.
B- Le caractère superflu des peines autonomes
500. Parce que le régime de la coaction apparaît intrinsèquement répressif (1), il semble
suffire à assurer la sévérité de la coaction, sans pour autant qu’il soit nécessaire d’imaginer
des peines plus sévères en matière de coaction que d’action. Seules des peines adaptées à la
complicité pourraient être envisagées (2).
405
1- Le régime intrinsèquement répressif de la coaction
501. Sévérité du régime de la coaction. – La coaction se caractérise par un régime
suffisamment sévère pour marquer sa distinction avec l’action et la complicité. En effet,
comme il l’a été montré, différents éléments qu’il convient de rappeler en assurent une
répression accrue. Ainsi, la solidarité procédurale unissant les coauteurs justifie notamment
que l’acte interruptif de prescription émis à l’égard de l’un d’entre eux produise ses effets à
l’égard de tous et reconduise un nouveau délai de prescription pour chacun d’entre eux. De
même, le caractère large du domaine matériel de la coaction implique que davantage d’actes
soient punissables au titre de la coaction que de la complicité. Tentative et contravention sont
ainsi punissables en matière de coaction alors qu’elles ne le sont pas s’agissant de la
complicité.
Mais là ne sont pas les seules marques de la sévérité du régime de la coaction. La
communication pénale, en permettant un emprunt réciproque des éléments constitutifs et des
circonstances aggravantes de l’infraction, permet de réprimer un grand nombre de
comportements et ce, quelle que soit la nature de l’infraction collective commise. La
répression est alors plus sévère que celle de la complicité puisque chaque coauteur peut
influer sur la qualification pénale alors que le complice ne le peut pas. Elle est même plus
sévère que celle de l’action car il n’est pas nécessaire que le coauteur réunisse l’ensemble des
éléments constitutifs sur sa tête pour être punissable. Par exemple, un individu pourra être
convaincu de coaction pour une infraction d’habitude alors même qu’il n’aura réalisé qu’un
acte et non la répétition nécessaire à la constitution de l’habitude. La solution sera la même
s’agissant d’une infraction complexe : même si l’individu n’a pas accompli la totalité des
actes exigés pour retenir l’infraction, il pourra être punissable dès l’instant où son coauteur
aura accompli les actes lui faisant défaut. En revanche, le complice ne doit pas pouvoir être
inquiété pour une infraction d’habitude si l’auteur principal n’a pas lui-même caractérisé la
répétition. Peu importe qu’il soit coutumier pour le complice de s’associer à des actes pouvant
être qualifiés d’infraction d’habitude s’ils étaient répétés, l’habitude constatée en sa personne
de participer à de telles infractions ne peut permettre de punir l’auteur principal qui n’aurait
commis que le premier acte nécessaire à l’habitude1503
.
1503 V. supra n° 343.
406
Intrinsèquement, le régime de la coaction est donc plus sévère que celui de la
complicité et de l’action. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir de façon générale une peine
plus sévère en matière de coaction que d’action. En revanche, prévoir des peines adaptées à la
complicité pourrait se révéler opportun.
2- L’éventualité de peines adaptées à la complicité
502. Caractère résiduel de la complicité. – En élargissant le domaine de la coaction, la
notion précédemment établie conduit nécessairement à restreindre le champ d’application de
la complicité. Ce constat est d’autant plus vrai s’il est prévu un statut autonome à
l’instigation1504
. En effet, la complicité se trouve alors réduite à des actes d’aide et
d’assistance antérieurs à la réalisation de l’infraction ou concomitants à celle-ci mais qui n’en
sont pas des causes directes, ainsi qu’à des actes de fourniture d’instruction. Le pouvoir causal
de ces actes étant ainsi moindre que celui des actes de coaction, il serait alors envisageable de
les punir moins sévèrement que des actes démontrant un véritable pouvoir d’action sur
l’infraction. A l’instar des exemples belge et espagnol, il faudrait alors prévoir une échelle des
peines entre auteurs principaux et participants secondaires à l’infraction, les premiers
encourant une peine supérieure aux seconds.
503. Proposition d’un texte autonome à la coaction. – En revanche, et à la différence
des exemples précités, il semblerait préférable de prévoir un texte autonome s’intéressant à la
coaction, dont les peines seraient néanmoins calquées sur celles de l’action, et en aucun cas
plus sévères. En effet, ne pas traiter des auteurs et des coauteurs dans un même article aurait
le mérite de mettre en lumière que ces deux modes d’imputation sont deux choses différentes :
les auteurs s’analysent comme de véritables réalisateurs de l’infraction, devant réunir
l’ensemble des éléments constitutifs sur leur tête1505
, alors que les coauteurs sont des
participants. Action et participation seraient ainsi bien délimitées. Un article 121-4-1 rédigé
de la sorte pourrait ainsi suivre celui relatif à la définition de l’auteur : « Est coauteur de
1504 V. supra n° 232 note 771 et 254 note 833.
1505 Il est toutefois vrai que cette réunion se fera parfois par le recours à une fiction : il en va ainsi de l’hypothèse
de l’auteur médiat, dans laquelle un individu est considéré comme auteur de l’infraction lorsqu’il fait commettre
celle-ci par un tiers inconscient. Ce dernier étant considéré comme son bras armé, l’agent est alors réputé avoir
accompli lui-même l’élément matériel de l’infraction. Ajouté à l’élément moral dont il témoigne nécessairement,
il a ainsi réalisé l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction et doit donc être qualifié d’auteur de celle-ci.
407
l’infraction la personne qui, s’entendant avec une ou plusieurs autres, mais sans qu’un lien
d’autorité existe entre elles, réalise au moins partiellement cette infraction. Le coauteur est
puni comme l’auteur ».
504. Eventuel cantonnement de la circonstance aggravante de réunion à la
coaction. – Par principe, la sanction encourue en cas de coaction ne serait donc pas plus
sévère que celle encourue en matière d’action. Mais de même qu’en droit positif, la
circonstance de réunion, prévue au cas par cas, pourrait demeurer et aggraver l’infraction. Il
serait même envisageable de la cantonner à la coaction dans la mesure où la complicité peut
être considérée comme moins dangereuse, son pouvoir causal étant plus éloigné du résultat de
l’infraction. La solution rappelle alors celle retenue sous l’ancien Code pénal, solution
pourtant décriée car ayant conduit les juges à malmener la définition classique de la coaction
afin de retenir la circonstance aggravante dans des hypothèses relevant logiquement de la
complicité1506
. Cependant, il n’est pas certain que les mêmes écueils se retrouvent aujourd’hui
si la nouvelle définition de la coaction implique un élargissement de son domaine. Il
n’apparaîtrait alors pas nécessaire de dévoyer la définition de la coaction pour considérer
comme des coauteurs des individus qui devraient légalement être qualifiés de complices.
Surtout, cette solution permettrait de prévoir une aggravation au cas pas cas et donc seulement
pour les infractions choisies par le législateur. La sévérité de la coaction quant à la peine
encourue serait donc ponctuelle.
505. En admettant une échelle des peines entre coauteurs et complices, ils
n’encourraient pas la même sanction. Partant, la théorie de la peine justifiée ne pourrait leur
être appliquée. Celle-ci était en effet utilisée par les juges afin de ne pas remettre en cause une
décision de justice lorsque la qualification du titre d’imputation était discutée, dans la mesure
où la peine encourue au titre de la coaction ou de la complicité était identique. Mais même en
maintenant l’identité de peines encourues entre complice et coauteur, et parce que coauteurs
et auteurs encourent précisément la même sanction, il convient de démontrer l’inanité de cette
théorie tant les définitions de ces différents modes d’imputation imposent de les distinguer.
1506 V. supra n° 9 et 143 et s.
408
§2- L’inanité de la théorie de la peine justifiée
506. La théorie de la peine justifiée, création prétorienne fondée sur l’article 598 du
Code de procédure pénale, a parfois été utilisée par les magistrats afin de « sauver » la
condamnation d’un individu qualifié de complice là où les juges du fond auraient dû voir un
coauteur, et inversement. A la lumière des développements précédents, il serait alors possible
d’imaginer la reconduire dans l’hypothèse où un individu serait par exemple qualifié à tort
d’auteur de l’infraction alors qu’il en serait coauteur. Pourtant, cette solution doit absolument
être rejetée au regard des insuffisances de la théorie (A). Seule une requalification des faits
devra avoir lieu dans une telle hypothèse (B).
A- Les insuffisances de la théorie
507. Explication et fondement. – Pour mieux apprécier les insuffisances de la théorie
de la peine justifiée, il appartient de revenir brièvement sur son fondement et sa genèse. En
vertu de l’article 598 du Code de procédure pénale1507
, « lorsque la peine prononcée est la
même que celle portée par la loi qui s’applique à l’infraction, nul ne peut demander
l’annulation de l’arrêt sous le prétexte qu’il y aurait erreur dans la citation de la loi ». Ce
texte vise ainsi l’erreur matérielle de citation, c’est-à-dire la simple « coquille », qui ne peut
ouvrir droit à un pourvoi en cassation. Pourtant, la Cour de cassation l’a peu à peu étendu à
d’autres types d’erreurs, touchant au « raisonnement juridique de la décision attaquée »1508
.
Par exemple, sous l’ancien Code pénal, lorsque l’abus de confiance supposait le constat d’un
contrat particulier, peu importait que les juges aient commis une erreur sur la qualification de
celui-ci dès l’instant que les constatations de l’arrêt permettaient de montrer l’existence d’un
autre des six contrats exigés par le texte d’incrimination1509
. De même, l’erreur de
qualification n’entraîne pas de cassation de l’arrêt si la qualification véritable faisait encourir
à l’individu la même peine que celle encourue pour l’infraction retenue à tort. Dans ces
différentes hypothèses, la cassation n’était pas encourue car la peine était considérée comme
justifiée.
1507 Autrefois article 411 du Code d’instruction criminelle.
1508 L. BORE, Feu la peine justifiée ?, D. 2011, p. 251., n° 3.
1509 Cass. crim., 29 nov. 1866, S. 1867, 1, 188.
409
508. Applications jurisprudentielles en matière de participation à l’infraction. – En
matière de participation criminelle, et dans la mesure où complice et auteur de l’infraction
encourent une peine identique, cette théorie a alors connu de nombreuses applications. Ainsi,
l’arrêt déclarant à tort un individu coauteur d’escroquerie n’encourt pas la cassation dès lors
que cet agent était en réalité complice de cette infraction. La Chambre criminelle se fonde du
reste explicitement sur l’article 598 du Code de procédure pénale puisqu’elle dispose
que lorsqu’un arrêt a déclaré à tort coauteur d’une infraction un individu qui n’en était que
complice, « [il] ne saurait cependant être censuré de ce chef, aux termes mêmes de l’article
598 du Code de procédure pénale, la peine prévue par la loi étant la même pour le complice
que pour l’auteur principal d’une escroquerie »1510
.
509. Critique. – La solution appliquée à la participation criminelle était
particulièrement contestable sous l’empire de l’ancien Code pénal dans la mesure où
complices et coauteurs d’une infraction n’encouraient pas nécessairement la même peine, ce
qui expliquait précisément que la jurisprudence déforme le concept de coaction1511
. Certains
auteurs estiment ainsi que « les dispositions du nouveau Code pénal la rendent plus fondée
que par le passé »1512
et louent « la souplesse […]bienvenue »1513
de cette solution. Il est en
outre indéniable que la solution permet de limiter sensiblement le nombre de pourvois en
cassation1514
. Pour autant, ces considérations pratiques ne doivent pas masquer les réserves
qu’il convient d’apporter à cette théorie1515
. En effet, il existe toujours un intérêt moral pour le
délinquant à établir sa véritable qualification pénale1516
, d’autant plus que toutes les
qualifications pénales n’impliquent pas la même réprobation sociale1517
. Ce même argument
se retrouve à l’égard des victimes de l’infraction pénale, afin « que soit reconnue la réalité
1510 Cass. crim., 7 mars 1972, Bull. n° 84. V. également Cass. crim., 19 juil. 1895, D. P. 1900, I, 567 ; 30 janv.
1979, Bull. n° 44, D. 1979, I. R. p. 301. 1511
V. supra n° 9. 1512
F. DESPORTES et F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, préc., n° 568. 1513
Ibid. 1514
Dans le même sens, v. Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 135. 1515
Sur ces réserves, v. en particulier J. AUDIER, Le biais de la peine justifiée, Rev. sc. crim. 1978, p. 553. 1516
J. AUDIER, Le biais de la peine justifiée, préc., n° 16. V. également R. et P. GARRAUD, Traité théorique et
pratique d’instruction criminelle et de procédure pénale, t. V, Sirey, 1928, n° 1836, p. 382 ; R. MERLE et A.
VITU, Traité de droit criminel – Procédure pénale, préc., n° 1479. 1517
H. FENAUX, note sous Cass. crim., 5 oct. 1984, D. 1984, jurispr. p. 383.
410
des atteintes qu’elles ont subies »1518
. De plus, l’intérêt pour le délinquant est également
juridique, dans la mesure où établir sa véritable qualification pénale lui permettra de discuter
les éléments de cette qualification. En outre, un auteur a montré que la théorie de la peine
justifiée venait contrarier le principe d’individualisation de la peine, le juge ayant fondé son
raisonnement sur des clés de raisonnement erronées1519
. Surtout, il paraît très surprenant que
la Cour de cassation, pourtant gardienne de la légalité, absolve de telles erreurs alors même
qu’elle est chargée de les condamner1520
. La solution est d’autant plus inacceptable que la
coaction ne se réduit pas à une juxtaposition d’actions et se caractérise par des éléments
constitutifs ainsi qu’un régime autonomes. Ces différentes critiques expliquent que la théorie
de la peine justifiée ait donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité.
510. Question prioritaire de constitutionnalité. – Cette dernière faisait valoir que les
dispositions de l’article 598 du Code de procédure pénale, qui fondent la théorie de la « peine
justifiée », portent atteinte aux droits de la défense tels que garantis par les principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République et l’article 16 de la Déclaration des
droits de l’Homme et du citoyen, comme au principe d’individualisation des peines issu de
l’article 8 de cette même Déclaration. Cependant, la Cour de cassation a refusé de transmettre
cette question au Conseil constitutionnel au motif qu’elle n’était pas nouvelle, et ne présentait
pas un caractère sérieux. S’agissant de ce dernier point, elle justifie sa solution par le fait que
la question « critique non pas l’article 598 du code de procédure pénale mais la « théorie de
la peine justifiée », élaborée à partir de cette disposition législative »1521
. De la sorte, elle
reprend des décisions du même jour qui refusent d’admettre le caractère sérieux d’une
question prioritaire de constitutionnalité dès lors qu’elle tend à critiquer l’interprétation que
fait la Cour de cassation d’une disposition législative1522
. La Chambre criminelle distingue
1518 Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 135.
1519 J. AUDIER, Le biais de la peine justifiée, Rev. sc. crim. 1978, p. 553, n° 19.
1520 Dans le même sens, v. Y. MAYAUD, Droit pénal général, préc., n° 135. V. également J. AUDIER, « Le biais
de la peine justifiée », préc., n° 18, selon qui « le « biais » de la peine justifiée doit nécessairement être appliqué
avec parcimonie car il établit une exception à cet autre principe qui veut que toute violation de la loi de fond
ouvre le pourvoi en cassation ». H. FENAUX, note préc., va encore plus loin en considérant qu’une telle solution
tend « à faire du droit pénal une matière abstraite, voire peu juridique si l’on n’en sanctionne pas les fausses
applications ». 1521
Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-87.651. 1522
Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-82.582, D. 2010, p. 1352 ; D. 2010, p. 2236, point de vue H. NICO ;
RTD civ. 2010, p. 508, note P. DEUMIER ; pourvoi n° 09-83.328, D. 2010, p. 1351 ; D. 2010, p. 2236, point de
vue H. NICO ; et pourvoi n° 09-87.307, D. 2010, p. 2236, point de vue H. NICO.
411
donc selon que la question touche à la loi ou à l’interprétation qui en est donnée. Or, si la
solution est celle-ci lorsqu’une interprétation jurisprudentielle est en cause, elle est a fortiori
la même lorsqu’il s’agit d’une véritable théorie prétorienne.
Mais cette position se révélait contestable1523
. Effectivement, il est particulièrement
discutable de distinguer la loi et l’interprétation qui en est faite tant toutes deux sont
indissociablement liées, ce que la doctrine n’a pas manqué de relever1524
. Le Conseil d’Etat
admet d’ailleurs, pour cette raison, que l’interprétation de la loi soit contestée devant le
Conseil constitutionnel1525
. En outre, la Cour européenne des droits de l’Homme considère
que « dans un domaine couvert par le droit écrit, la « loi » est le texte en vigueur tel que les
juridictions l’ont interprété »1526
. Quant au Conseil constitutionnel, il a lui-même considéré
par la suite que « tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée
effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition »1527
.
C’est pourquoi la Chambre criminelle est revenue sur sa position. En acceptant de transmettre
au Conseil une question prioritaire de constitutionnalité visant à contester l’absence de
motivation des arrêts d’assises1528
, elle lui a en effet indirectement adressé une question
portant sur l’interprétation jurisprudentielle qu’elle donne d’une disposition législative1529
. En
vertu de cette nouvelle solution, il est ainsi envisageable que la Cour de cassation transmette
désormais au Conseil constitutionnel une question qui porterait sur la constitutionnalité de la
théorie de la peine justifiée.
1523 V. J. PRADEL, D. 2011, p. 2231 et s., spéc. p. 2232.
1524 V. notamment P. DEUMIER, note sous Cass. crim., 19 mai 2010, préc., RTD civ. 2010, p. 508. V. également
PH. THERY, De la question prioritaire de constitutionnalité comme révélateur des mentalités : la Cour de
cassation demeure et ne se rend pas…, RTD civ. 2010, p. 810. 1525
CE, 16 juil. 2010, SCI La Saulaie, AJDA 2010, p. 1453 ; RFDA 2010, 1257, chron. A. ROBLOT-TROIZIER et
T. RAMBAUD. 1526
Cour EDH, 24 avr. 1990, Kruslin, n° 11801/85, D. 1990, p. 353, note J. PRADEL ; D. 1990, p. 187, chron. R.
KOERING-JOULIN ; Rev. sc. crim. 1990, p. 615, obs. L.-E. PETTITI ; RTD civ. 1991, p. 292, obs. J. HAUSER. 1527
Cons. Constit., déc. n° 2010-39 QPC du 6 oct. 2010, D. 2010, p. 2744, obs. I. GALLMEISTER, note F.
CHENEDE ; D. 2011, p. 529, chron. N. MAZIAU ; AJ famille 2010, p. 487, obs. F. CHENEDE ; AJ famille 2010, p.
489, obs. C. MECARY ; Constitutions 2011, p. 75, obs. P. CHEVALIER ; RTD civ. 2010, p. 776, obs. J. HAUSER ;
RTD civ. 2011, p. 90, obs. P. DEUMIER. 1528
Cass. crim., 19 janv. 2011, pourvois n° 10-85305 et 10-85159, D. 2011, p. 447, obs. S. LAVRIC ; D. 2011,
p. 800, note J.-B. PERRIER. 1529
En ce sens, v. J.-B. PERRIER, note sous Cass. crim., 19 janv. 2011, préc., D. 2011, p. 800. Le revirement est
d’autant plus net que, de même que s’agissant de l’un des arrêts du 19 mai 2010, la question portait sur la
motivation des arrêts d’assises.
412
511. Quoi qu’il en soit, et peut-être en raison de ces réserves, la théorie de la peine
justifiée tombe peu à peu en désuétude1530
. L’exigence de respect des droits de la défense en
cas de requalification laisse même croire à son abandon.
B- L’exigence d’une requalification
512. Saisine in rem et requalification. – Dans l’hypothèse où un individu aura été
qualifié à tort d’auteur de l’infraction alors qu’il en était coauteur, la requalification devrait
être obligatoire, peu important que les pénalités encourues soient les mêmes en cas d’action et
de coaction. Certes, les juges du fond ont le devoir de percevoir toutes les qualifications
envisageables tout en respectant le principe de la saisine in rem des juridictions de jugement.
Ils ne peuvent ainsi connaître que des faits visés dans l’acte de saisine, sans y ajouter1531
.
Cependant, il ne semble pas que ce soit ajouter aux faits que de considérer qu’ils ont été
commis à plusieurs. Dès lors, les juges doivent respecter les règles générales de la
requalification1532
. En conséquence, ils sont tenus de redonner aux faits leur véritable
qualification, qualification qui comprend les modifications relatives aux modes d’imputation
en cause.
513. Arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 25 mars 1999. – Les
hypothèses de requalification d’auteur en complice – et inversement – ne sont d’ailleurs pas
rares en jurisprudence1533
. La jurisprudence européenne elle-même l’a d’ailleurs admis
s’agissant de la requalification de faits de banqueroute en complicité de banqueroute1534
. Elle
a ainsi considéré que « le principe d’interprétation stricte du droit pénal interdit d’éluder les
1530 Sur ce point, v. l’article précité de L. BORE au titre évocateur : Feu la peine justifiée ?.
1531 Sur la saisine in rem et la requalification, v. notamment : S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale,
préc., n° 2478. 1532
Sur cette question, v. C. GUERY, Du cap à la péninsule… (la requalification par une juridiction pénale), Dr.
pén. 2012, Etude 12. 1533
V. notamment Cass. crim., 12 sept. 2011, Bull. n° 177 pour la requalification du délit d’entrave aux
vérifications et aux contrôles du commissaire aux comptes en complicité de ce délit ; Cass. crim., 21 oct. 2009,
inédit, pourvoi n° 08-87.474, (Dr. pén. 2010, comm. 14, note A. MARON et M. HAAS) pour la requalification
d’une escroquerie en complicité de ce délit ; Cass. crim., 29 juin 2005, Bull. n° 201 (Rev. sc. crim. 2005, p.
8669 ; obs. D.-N. COMMARET, Rev. sc. crim. 2006, p. 619, obs. H. MATSOPOULOU ; RTD com. 2006, p. 227,
obs. B. BOULOC) pour la requalification de complicité d’abus de bien social en abus de bien social. 1534
Cour EDH, 25 mars 1999, Pélissier et Sassi contre France, D. 2000, p. 357, note D. ROETS ; RTDH 2000,
p. 281, note T. MASSIS et G. FLECHEUX.
413
éléments spécifiques de la complicité »1535
, après avoir rappelé que « la complicité nécessite
[…] la présence d’un élément matériel, c’est-à-dire la commission d’un acte spécifique tel
que prévu part l’art. 60 c. pén., et d’un élément intentionnel, à savoir la conscience de l’aide
apportée à la commission de l’infraction »1536
. Comme il l’a été remarqué1537
, la Cour
observe ici « qu’il n’y a pas seulement différence de degré mais de nature entre le complice et
l’auteur principal ». En outre, la Cour a surtout soumis cette solution aux exigences de
l’article 6§1 et §3 alinéas a) et b) de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de
l’Homme et des Libertés fondamentales, relatifs respectivement au droit à un procès équitable
et au respect des droits de la défense. En effet, elle a reproché aux juges français d’avoir
requalifié les faits sans avoir respecté ces droits en ce que cette requalification ne leur avait
pas été communiquée. La solution a du reste été reprise par la Chambre criminelle, dans une
affaire ayant requalifié l’auteur de vols et tentative de vols en complicité de ces délits. La
Cour de cassation vise désormais les articles 388 du Code de procédure pénale, 6§1 de la
Convention européenne des droits de l’Homme et l’article préliminaire du Code de procédure
pénale pour considérer que « s’il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils
sont saisis leur véritable qualification, c’est à la condition que le prévenu ait été en mesure de
se défendre sur la nouvelle qualification envisagée »1538
.
514. Transposition à la coaction. – Or, cette solution pourrait parfaitement être
appliquée à une hypothèse de requalification d’un auteur en coauteur par exemple, ou encore
d’un complice en coauteur1539
. En effet, la coaction, à l’instar de l’argument envisagé par la
Cour européenne s’agissant de la complicité, se caractérise également par des éléments
constitutifs propres ainsi qu’un régime autonome. La requalification est alors pleinement
justifiée et doit s’imposer, tout en respectant les droits de la défense de celui qui y est soumis.
La solution est d’autant plus fondée que la coaction témoigne d’un régime particulièrement
répressif.
1535 Ibid., § 60.
1536 Ibid., § 58.
1537 T. MASSIS et G. FLECHEUX, note sous Cour EDH, 25 mars 1999, RTDH 2000, p. 281.
1538 Cass. crim., 16 mars 2004, inédit, pourvoi n° 03-82.803, Dr. pén. 2004, comm. 138, obs. A. MARON. V.
également C. GUERY, Du cap à la péninsule… (la requalification par une juridiction pénale), préc., spéc. n° 24. 1539
Et même a fortiori dans cette dernière hypothèse puisque la théorie de la peine justifiée ne pourrait être
avancée, coauteur et complice n’encourant pas la même sanction : v. supra n° 502 (s’agissant de la pénalité
adaptée à la complicité) et n°507 (s’agissant de la peine justifiée).
414
515. Conclusion de la section 2. – La coaction pourrait ainsi disposer de peines
spécifiques sans pour autant être autonomes de celles prévues pour l’action. Les exemples
étrangers sont en ce sens puisqu’aucun, à notre connaissance, ne prévoit de pénalités
parfaitement propres à la coaction, c’est-à-dire qui ne soient pas calquées sur celles réservées
à l’action. La sévérité du régime répressif de la coaction suffit du reste à lui assurer une
répression autonome, accrue par rapport à celle de l’action. Pour autant, afin d’asseoir sa
distinction avec celle-ci, il semblerait préférable de lui consacrer un texte de définition
autonome, pouvant être rédigé de la sorte : « Est coauteur de l’infraction la personne qui,
s’entendant avec une ou plusieurs autres, mais sans qu’un lien d’autorité existe entre elles,
réalise au moins partiellement cette infraction. Le coauteur est puni comme l’auteur ». En
revanche, parce que coaction et action impliquent un pouvoir causal direct sur l’infraction, il
semble possible de les regrouper sous la qualification de participations principales et de
distinguer alors entre participants principaux et secondaires à l’infraction. Une véritable
échelle des peines pourrait alors être mise en place, les premiers encourant une peine
supérieure aux seconds.
Dans une telle hypothèse, si complices et coauteurs ne risquent pas la même peine, la
théorie de la peine justifiée appliquée jusqu’alors en jurisprudence n’aurait plus de raison
d’être. Toutefois, il importait de démontrer ses insuffisances dès lors que coauteurs et auteurs
encourent pour leur part des pénalités identiques. Il aurait en effet été envisageable de leur
appliquer cette théorie prétorienne. Cependant, parce qu’action et coaction se distinguent par
leurs éléments constitutifs comme par leur régime, une telle solution eut été particulièrement
contestable. La requalification s’impose alors face à ces situations.
415
Conclusion du chapitre 2
516. Le domaine matériel de la coaction. – La participation des coauteurs à leur
propre infraction est une caractéristique de la coaction qui se retrouve nécessairement au stade
de l’étude du régime de ce mode d’imputation. Aussi, parce que l’infraction est leur, les
coauteurs empruntent certaines spécificités aux auteurs. Ce constat se retrouve s’agissant de
l’éventail des comportements qu’il est possible de leur imputer. Il a ainsi été démontré que le
domaine matériel de la coaction est large car il admet de sanctionner la tentative de coaction
ainsi que les coauteurs d’une contravention. Partant, la coaction permet d’incriminer
davantage de comportements que la complicité, précisément parce que l’infraction à laquelle
ils participent n’est pas l’infraction d’autrui mais bien la leur.
517. Les peines de la coaction. – En outre, l’autonomie de la coaction amenait à
s’interroger sur la possibilité de prévoir des peines particulières à son encontre. Or, si des
pénalités parfaitement autonomes de celles envisagées à l’égard de la complicité ou de
l’action ne paraissent pas souhaitables, il demeure néanmoins qu’une échelle des peines entre
participants principaux et secondaires à l’infraction pourrait être envisageable. Toutefois, pour
asseoir sa distinction avec l’action et témoigner de ce qu’elle s’analyse comme un mode de
participation autonome à l’infraction, la coaction pourrait être réprimée à travers un texte de
définition distinct, calquant ses peines sur celles de l’action. Le texte pourrait être rédigé de la
sorte : « Est coauteur de l’infraction la personne qui, s’entendant avec une ou plusieurs
autres, mais sans qu’un lien d’autorité existe entre elles, réalise au moins partiellement cette
infraction. Le coauteur est puni comme l’auteur ». Les complices, en tant que participants
secondaires à l’infraction, encourraient une peine moins sévère.
417
Conclusion du titre 2
518. L’influence de la participation à une infraction unique sur le régime de la
coaction. – La participation du coauteur à une infraction collective détermine ainsi le régime
de ce titre d’imputation. Or, l’infraction collective des coauteurs est d’abord une infraction
unique. Partant, les causes traditionnellement considérées comme affectant cette dernière
devaient a priori témoigner d’un impact sur l’ensemble d’entre eux. Ce sentiment s’est trouvé
confirmé tant s’agissant des causes touchant à la justification de l’infraction que de celles
touchant à son oubli. En effet, concernant les causes de justification de l’infraction, seules les
conceptions objectives ont été retenues : la justification s’analyse comme un élément affectant
l’infraction et non la personne la réalisant ou y participant. De fait, parce que les coauteurs
participent à la même infraction, la justification leur bénéficie à tous, elle leur est donc
commune. Concernant les causes entraînant un oubli de l’infraction, c’est-à-dire l’amnistie et
la prescription, elles touchent elles aussi à l’infraction et non à l’individu. Elles doivent alors,
pour les mêmes raisons, être considérées comme communes aux coauteurs.
519. L’influence de la participation à sa propre infraction sur le régime de la
coaction. – L’infraction collective réalisée par les coauteurs est ensuite leur propre infraction,
les rapprochant en cela des auteurs. En conséquence, le domaine matériel de la coaction est
plus large que celui de la complicité, et permet de réprimer des comportements qui ne
pourraient l’être s’ils étaient commis par des complices. La coaction implique alors de lui
consacrer un texte d’incrimination autonome, sans pour autant lui prévoir des pénalités
indépendantes de celles de l’action. En effet, le régime répressif de la coaction suffit à assurer
la sévérité de mode de participation à l’infraction.
Ainsi, le régime déterminé par la participation à sa propre infraction témoigne lui aussi
de la sévérité de ce titre d’imputation, du moins par rapport à la complicité. En effet, même si
justification et oubli communs de l’infraction ne traduisent pas une répression accrue de la
coaction par rapport à la complicité, alliés à un domaine matériel plus large que cette dernière,
ils sont nécessairement plus répressifs que celle-ci. Cela est d’autant plus marqué qu’une
distinction doit alors être établie entre participants principaux et secondaires à l’infraction.
419
Conclusion de la seconde partie
520. Originalité du régime de la coaction. – En conclusion, il apparaît que le régime
de la coaction révèle le particularisme de cette notion. En effet, les caractères distinctifs de la
coaction emportent des conséquences sur sa répression lui assurant une véritable originalité.
Le régime répressif de la coaction est ainsi plus sévère que celui de la complicité et de
l’action, tant en raison de l’interdépendance unissant les coauteurs que parce qu’ils participent
à une infraction unique.
521. L’influence de l’interdépendance entre coauteurs sur le régime de la
coaction. – L’interdépendance constatée entre les coauteurs au stade de la définition de ce
titre d’imputation crée ainsi une véritable solidarité entre eux.
Cette solidarité se retrouve d’abord dans les conditions de leur responsabilité.
L’interdépendance, ou dépendance réciproque, unissant les coauteurs explique ainsi que
s’établisse une véritable communication pénale entre eux, c’est-à-dire qu’ils puissent se
transmettre certains éléments relatifs à leur responsabilité. En effet, en tant que mode de
participation à l’infraction, la coaction autorise un emprunt des éléments constitutifs comme
des circonstances aggravantes de l’infraction collective chez chacun des coauteurs.
L’interdépendance établie entre ces derniers révèle alors tout son intérêt : le lien de réciprocité
caractéristique de la notion de coaction impose que l’emprunt soit également réciproque. En
d’autres termes, chaque coauteur peut emprunter des éléments constitutifs à son coauteur,
mais chacun peut également se voir emprunter ces mêmes éléments. Cette solution justifie
ainsi que le coauteur qui n’aurait pas accompli l’ensemble des éléments constitutifs de
l’infraction collective en réponde tout-de-même. En outre, elle met en lumière une distinction
majeure avec la complicité : cette dernière, parce qu’elle ne se caractérise pas par une
interdépendance avec l’auteur principal, ne peut autoriser un emprunt réciproque d’un
quelconque élément de responsabilité. Seul le complice peut emprunter certains de ces
éléments, sous réserve qu’il en ait eu connaissance, mais cette possibilité n’est, en revanche,
jamais offerte à l’auteur principal. Aussi, en assurant une véritable communication pénale des
éléments d’engagement ou d’aggravation de la répression, la coaction permet de sanctionner
420
des comportements qui ne pourraient l’être s’ils avaient été commis par des complices ou des
auteurs, témoignant de la sévérité de ce titre d’imputation.
Cette solidarité s’établit ensuite au sein de la procédure qui leur est appliquée. La
coaction ne peut ainsi impliquer qu’une indivisibilité procédurale entre coauteurs, seule à
même de rendre compte de l’interdépendance les unissant. Ceux-ci doivent en effet, dans la
mesure du possible, être jugés ensemble, c’est-à-dire au cours d’une même instance, afin de
mieux prendre en compte les liens les unissant et leurs spécificités. Lorsque cette solution ne
sera pas envisageable, par suite d’une impossibilité matérielle parce que l’un des participants
demeure inconnu par exemple, ou d’une impossibilité juridique parce que l’action publique
n’aura pas été engagée à l’encontre de l’un d’entre eux, la question se heurte à celle de
l’autorité de la chose jugée. Envisagée à l’égard de la matière pénale, elle implique que reste
ouverte la possibilité d’un recours en révision pour l’individu absent de l’instance l’ayant
qualifié de coauteur. En revanche, envisagée à l’égard de la matière civile, elle impose que les
individus qualifiés de coauteurs par le juge pénal le soient nécessairement par le juge civil. A
nouveau, ces constats démontraient la sévérité de la coaction par rapport à l’action ou la
complicité puisque l’indivisibilité, propre à la coaction, implique par exemple que l’acte
interruptif de prescription établi à l’encontre de l’un des coauteurs produise ses effets à
l’égard des autres, ou encore qu’une solidarité dans le paiement des dommages et intérêts soit
mise en place entre eux.
522. L’influence de la participation à une infraction collective sur le régime de la
coaction. – Mais la sévérité de la coaction s’est également révélée à travers les conséquences
tirées de ce que les coauteurs participent à une infraction collective.
En premier lieu, en tant qu’infraction unique, elle implique ainsi que les causes
affectant cette dernière jouent sur l’ensemble des coauteurs. Dès lors, l’infraction qui serait
justifiée à l’égard de l’un des coauteurs doit l’être à l’égard de tous. En effet, après avoir
rejeté les conceptions subjectives des faits justificatifs, seules ont pu être retenues les théories
objectives. Il en est alors résulté qu’en faisant disparaître l’infraction, ces causes profitaient
nécessairement à l’ensemble des coauteurs. Le même constat s’imposait alors en ce qui
concernait les causes participant de l’oubli de l’infraction. Effectivement, parce qu’amnistie et
prescription entraînent en principe un oubli du fait délictueux, sans tenir compte de la
personnalité du délinquant, ces deux institutions portent sur l’infraction en elle-même. En
conséquence, elles doivent également profiter à l’ensemble des coauteurs. Certes, ces
considérations valent pour tous les participants à l’infraction, et donc pour les complices. De
421
ce point de vue, la coaction ne semblerait pas révéler une sévérité particulière. Cependant, la
participation à une infraction collective témoigne de cette dernière lorsqu’elle est envisagée à
travers son caractère d’infraction propre aux coauteurs.
En second lieu, l’infraction collective a en effet été appréhendée comme la propre
infraction des coauteurs. En d’autres termes, en faisant leur l’infraction, les coauteurs se
rapprochent de la définition des auteurs et partagent donc des points communs avec le régime
qui leur est appliqué. Cette considération se retrouve s’agissant du domaine matériel de la
coaction puisque comme il l’a été démontré, ce titre d’imputation permet de réprimer la
tentative réalisée en coaction ainsi que les coauteurs d’une contravention. Or, dans la mesure
où la complicité ne permet pas une telle répression, la sévérité qui frappe la coaction est alors
patente. De facto, ces divers éléments suffisent à assurer la sanction de la coaction. Il n’est
ainsi pas nécessaire de lui prévoir des peines autonomes, distinctes de celles prévues pour la
complicité et l’action, au risque de la confondre avec la criminalité organisée. En revanche,
pour assurer une cohérence avec les différents modes de participation établis, mettre en place
une échelle des peines entre participation principale et participation secondaire à l’infraction
paraît souhaitable.
423
CONCLUSION GENERALE
523. Coaction, notion et régime. – Cette étude a été l’occasion de s’intéresser à une
notion utilisée en doctrine comme en jurisprudence mais jamais définie par le législateur, la
coaction. Il a ainsi été mis en avant qu’elle imposait, de prime abord, de la comparer avec la
complicité pour mieux l’en distinguer. En effet, les rares textes évoquant les coauteurs,
comme les explications doctrinales les concernant, les mettent toujours en parallèle avec les
complices. A cette fin, plusieurs définitions doctrinales de la coaction ont été envisagées, se
fondant tantôt sur des critères subjectifs, tantôt sur des critères objectifs. Aujourd’hui, le
coauteur est traditionnellement considéré comme la personne qui réunit sur sa tête l’ensemble
des éléments constitutifs de l’infraction, alors que le complice est défini par le Code pénal
comme la personne qui, sciemment, facilite la consommation ou la préparation d’un crime ou
d’un délit, ainsi que celle qui provoque ou donne des instructions pour commettre une
infraction. Cependant, cette approche a démontré ses insuffisances tant la jurisprudence a été
conduite à dévoyer les notions de coaction et de complicité ainsi établies. Dans un souci
essentiellement répressif, les magistrats ont par exemple considéré de simples complices
comme des coauteurs, et inversement. Surtout, définir le coauteur de la sorte conduit à en
faire un auteur comme un autre, avec pour seule particularité d’être juxtaposé à un autre. Or,
l’étymologie du terme coaction témoigne de son originalité. Le terme présentant des points
communs avec ceux de complicité et d’action, il laissait alors penser que la coaction était à
mi-chemin entre ces deux titres d’imputation. Plus encore, les idées d’unité et d’égalité entre
coauteurs apparaissaient, chaque coauteur s’associant à son alter ego. Il appartenait alors de
repenser la notion de coaction pour prendre en compte ces spécificités. La coaction s’est alors
révélée comme un mode de participation à sa propre infraction, marqué par des relations
d’interdépendance et de réciprocité unissant ses participants. Ces caractères se retrouvent tant
dans la notion que dans le régime de la coaction, imprimant toute sa singularité à ce mode de
participation criminelle.
524. Un mode de participation à une infraction. – La coaction s’analyse d’abord
comme un mode de participation à une infraction. L’affirmation méritait d’être scindée en
424
deux, pour montrer que la coaction s’apparente avant tout à un mode de participation
criminelle, dont la particularité est de se greffer sur une infraction unique.
En premier lieu, parce qu’elle est un mode de participation criminelle, la coaction
suppose nécessairement une pluralité d’intervenants dans la réalisation de l’infraction, à
l’instar de la complicité. Si ce point pouvait sembler de prime abord acquis, il importait
toutefois d’en traiter. En effet, si certaines infractions peuvent être indifféremment le fait d’un
ou de plusieurs individus, d’autres exigent impérativement une pluralité de participants pour
être constituées. Il fallait alors déterminer si l’établissement d’une coaction dans chacune de
ces hypothèses présentait un intérêt. Or, seules les infractions commises collectivement, c’est-
à-dire celles pour lesquelles la pluralité d’intervenants n’est pas un élément constitutif,
permettent de mettre en exergue la spécificité et d’apprécier l’intérêt de la coaction. A
l’inverse, les infractions collectives par nature, c’est-à-dire celles qui exigent une telle
pluralité pour être caractérisées, brouillent les frontières entre les différents modes de
participation. C’était alors montrer que la coaction allait s’épanouir au sein des infractions
commises collectivement, qui seraient ainsi le socle de l’étude.
En outre, le terme de participation implique une volonté de s’associer de la part du coauteur.
Partant, la participation et, donc, la coaction sont intentionnelles. Il aurait alors été tentant de
croire que ce caractère allait restreindre à l’excès le champ d’application de la coaction.
Cependant, s’il est vrai que la coaction entre une personne subjectivement irresponsable et
une personne responsable est inenvisageable tant la réciprocité nécessaire à ce titre
d’imputation fera alors défaut, il n’en demeure pas moins que la participation des personnes
morales n’est en rien limitée par cette exigence. En effet, dès l’instant où les personnes
morales sont incarnées par leur organe ou représentant, il est tout à fait envisageable qu’elles
fassent preuve d’un élément moral, et donc d’une intention. Du reste, le principe même de la
généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales implique une telle solution.
Définie comme un mode de participation criminelle, la coaction présentait ainsi des points
communs indéniables avec la complicité.
En second lieu cependant, il apparaissait nécessaire de relativiser ce constat. En effet,
parce que les coauteurs sont des alter ego, chacun d’entre eux témoigne d’une volonté de
s’associer. C’était alors exiger de leur part la caractérisation d’une entente. Or, parce que leur
entente porte sur l’acte ou le résultat de l’infraction commise, les coauteurs participent
nécessairement à la même infraction. Ils devraient ainsi inévitablement se voir reprocher la
même qualification pénale. En revanche, parce que seul le complice peut être qualifié de
participant à l’infraction, l’aide qu’il apporte à l’auteur principal ne suppose pas
425
nécessairement d’entente entre eux. Dès lors, l’éventualité d’une disparité entre les
qualifications reprochées au complice et à l’auteur principal apparaissait. Cette nouvelle
exigence relative à la coaction aurait pu laisser croire à un cantonnement de la notion aux
infractions intentionnelles. Pourtant, là encore, l’éventualité d’une restriction de son champ
d’application devait être rejetée. Parce que l’entente peut porter aussi bien sur l’acte que sur le
résultat de l’infraction, cette dernière peut alors être aussi bien intentionnelle que non
intentionnelle. La coaction est ainsi envisageable tant en matière de violences collectives que
d’imprudence commune. Mais la comparaison de ce titre d’imputation avec la complicité,
nécessaire en ce que toutes deux s’analysent comme des modes de participation criminelle,
devait être complétée par un rapprochement avec l’action, dont la coaction tire certains
caractères.
525. Un mode de participation à sa propre infraction. – En tant que mode de
participation à sa propre infraction, la coaction exige que ses participants aient un véritable
pouvoir d’action sur l’infraction afin que, précisément, elle puisse être considérée comme leur
propre infraction. Par conséquent, elle implique une participation aux différents stades de
l’infraction, c’est-à-dire au résultat infractionnel collectif comme au comportement
infractionnel collectif.
S’agissant de la participation au résultat infractionnel collectif, la coaction exige ainsi
que chaque coauteur ait contribué à ce dernier. Il faut alors établir le lien de causalité unissant
chaque prétendu coauteur au résultat de l’infraction collective. Si cette exigence est commune
à la complicité puisque cette dernière est également soumise à une contribution causale au
résultat de l’infraction collective, la distinction entre les deux titres d’imputation apparaît
nettement lorsqu’il est question de l’intensité de la contribution causale exigée. En effet, il a
été démontré que la complicité se satisfaisait d’une contribution causale indirecte à
l’infraction. Des comportements éloignés du résultat pénal tels que l’encouragement moral,
dès lors qu’ils peuvent y être reliés avec certitude, peuvent ainsi être qualifiés d’actes de
complicité. En revanche, en raison de sa parenté avec l’action, la coaction est conditionnée à
une certaine intensité causale. Des comportements trop éloignés du résultat pénal ne peuvent
ainsi être qualifiés d’actes de coaction. Il restait alors à qualifier cette intensité causale exigée.
Or, il est apparu que les coauteurs, pour être qualifiés comme tels, devaient s’apparenter, par
la fusion de leurs comportements, à une condition sine qua non de l’infraction collective.
C’était alors conditionner la coaction à une contribution causale au résultat de l’infraction
collective déterminante.
426
S’agissant de la participation au comportement infractionnel collectif, deux aspects se
devaient d’être soulignés. Pour que chaque coauteur puisse considérer l’infraction comme
sienne et non comme celle d’autrui, il importait de caractériser une égalité entre eux afin
qu’aucun ne prenne le pas sur l’autre. L’égalité induite du terme même de coaction dès
l’introduction de l’étude devait donc impérativement se traduire d’un point de vue objectif. Il
a ainsi été démontré que cette égalité pouvait être appréhendée, en premier lieu, dans son
versant négatif : le coauteur, pour être considéré comme l’égal de son coparticipant, ne devait
pas être lié à lui par des relations d’autorité. Une indépendance morale entre coauteurs est
ainsi impérative à la caractérisation de ce mode d’imputation. Les relations au sein de
l’entreprise, tant entre personnes physiques qu’entre personnes morales, ont permis de s’en
assurer à titre d’exemple significatif mais ne doivent pas occulter le fait que cette
indépendance morale ne se cantonne pas aux rapports marqués par une autorité de droit. Toute
autorité morale ou plus largement, de fait, entre individus, doit ainsi exclure la qualification
de coaction. Envisagée dans son versant positif, en second lieu, l’égalité entre coauteurs
imposait de se traduire matériellement par des actes d’assistance réciproque réalisés de façon
concomitante, démontrant que chaque coauteur avait besoin de l’autre pour réaliser
l’infraction collective. Partant, l’acte consommé de coaction peut se définir comme
l’accomplissement de l’élément matériel de l’infraction ou simplement comme un acte de
commencement d’exécution de l’infraction collective dès lors que les autres coauteurs
complètent ce commencement d’exécution. La dépendance matérielle de chaque coauteur à
l’égard de son alter ego se révélait ainsi être un gage de l’égalité dans la participation au
comportement infractionnel collectif. Plus encore, l’interdépendance entre coauteurs pouvait
être considérée comme le socle de ce titre d’imputation.
Définie de la sorte comme un mode de participation à sa propre infraction caractérisé
par l’interdépendance unissant ses membres, la coaction témoignait sans conteste de son
originalité : mêlant certains aspects de la complicité et d’autres de l’action, elle s’en révélait
parfaitement autonome. La construction d’un régime reflétant ces spécificités devait alors
compléter cette singularité.
526. L’influence de l’interdépendance entre coauteurs sur le régime de la
coaction. – Parce qu’elle est la clé de la notion de coaction, l’interdépendance entre coauteurs
devait nécessairement impliquer des conséquences quant au régime de ce titre d’imputation.
427
D’abord, d’un point de vue substantiel, il a été exposé qu’elle permettait aux coauteurs
d’emprunter certains éléments de leur responsabilité à leurs coparticipants. En effet, si l’acte
consommé de coaction peut s’entendre d’un acte de commencement d’exécution de
l’infraction collective sans exiger que chaque coauteur accomplisse lui-même l’ensemble de
l’élément matériel de l’infraction collective, c’est parce que les autres coauteurs complètent
pour leur part cet élément matériel. L’idée d’un emprunt des éléments constitutifs de
l’infraction entre coauteurs apparaissait alors, et permettait de mettre en exergue la sévérité de
la coaction. Les exemples des infractions attitrées et des infractions complexes ont permis
d’en convaincre : en autorisant le coauteur à emprunter une qualité ou un acte matériel à son
coauteur, des comportements a priori non punissables deviennent répréhensibles au titre de la
coaction. L’analyse devait alors être poursuivie s’agissant des circonstances aggravantes de
l’infraction afin de déterminer si les coauteurs peuvent, du fait de cette qualification, se voir
reprocher toute circonstance aggravante caractérisée par leurs coauteurs. La démonstration
devait aboutir à considérer que cet emprunt, possible, devait cependant être conditionné. Quoi
qu’il en soit, plus généralement, l’idée emprunt pouvait, à nouveau, laisser penser à un
rapprochement avec la complicité. Pourtant, ce constat devait en réalité conduire à mieux
distinguer ces deux titres d’imputation. En effet, dans la mesure où chaque coauteur peut
emprunter des éléments constitutifs à son alter ego, l’emprunt est réciproque ; en revanche, en
matière de complicité, seul le complice est susceptible d’emprunter des éléments à l’auteur
principal. Plus qu’un emprunt entre coauteurs, il a ainsi été établi que ce mode de
participation criminelle imposait une véritable communication pénale.
Ensuite, le constat de l’interdépendance entre coauteurs devait produire des
conséquences sur le plan procédural. L’interdépendance entre coauteurs au stade de la
réalisation de l’infraction témoignant d’une solidarité entre coauteurs, la procédure leur étant
appliquée devait elle aussi répondre à cette logique de solidarité. A cette fin, il semblait
logique d’exiger que les coauteurs soient jugés ensemble. Connexité et indivisibilité
pouvaient alors être envisagées pour parvenir à ce résultat. Or, il a été dégagé que seule
l’indivisibilité pouvait rendre compte de cette solidarité compte tenu de la notion de coaction.
Il fallait alors en admettre les effets à l’égard des coauteurs, c’est-à-dire principalement la
jonction des procédures auxquels ils sont soumis. Pour autant, cette conclusion ne réglait pas
toutes les difficultés. Effectivement, il est des hypothèses dans lesquelles l’indivisibilité sera
matériellement impossible à mettre en œuvre parce que, par exemple, l’un des coauteurs sera
en fuite. La bonne administration de la justice ne pouvant se satisfaire d’attendre qu’il soit
retrouvé pour que tous soient jugés ensemble, il convenait de déterminer si la chose jugée à
428
l’égard d’un coauteur s’imposait inévitablement à son coauteur. La question de l’autorité de
chose jugée entre coauteurs devait ainsi être traitée tant s’agissant de l’autorité du criminel sur
le criminel que de l’autorité du criminel sur le civil.
Mais ces considérations tirées de l’interdépendance entre coauteurs ne devaient pas
faire oublier la deuxième spécificité marquante de la coaction : le fait qu’elle s’analyse
comme un mode de participation à une infraction collective.
527. L’influence de la participation à une infraction collective sur le régime de la
coaction. – L’infraction collective réalisée par les coauteurs revêt elle aussi deux
particularités à partir desquelles pouvaient être déduites des conséquences quant à son régime.
En premier lieu, elle s’analyse comme une infraction unique. Par conséquent, dès lors
qu’un élément affecte cette infraction, il a été démontré qu’il avait des répercussions sur
l’ensemble des coauteurs. Si les causes d’aggravation de la répression avaient été envisagées à
travers l’interdépendance unissant les coauteurs, il restait alors à voir les causes pouvant
profiter aux coauteurs. Il est alors apparu que les causes permettant de justifier l’infraction,
telles que l’état de nécessité ou la légitime défense, parce qu’elles s’attachent précisément à
justifier l’infraction en elle-même et ne sont pas liées à la personnalité de son auteur, jouent
sur l’ensemble des participants à l’infraction et donc des coauteurs. Dès lors qu’une de ces
causes est caractérisée, elle profite ainsi à l’ensemble des coauteurs, sans avoir à la rechercher
en la personne de chacun. Cette conclusion devait être étendue à d’autres causes pouvant
profiter aux coauteurs. Il a alors été démontré que l’amnistie et la prescription, en entraînant
l’oubli de l’infraction, s’étendaient également à l’ensemble des coauteurs. Parce que les
coauteurs participent à une seule et unique infraction, la justification comme l’oubli de
l’infraction leur sont donc communs.
En second lieu, l’infraction collective réalisée par les coauteurs s’analyse comme leur
propre infraction. Cette caractéristique les rapprochant en partie de la définition des auteurs,
certains éléments du régime devaient s’en ressentir. Il a alors été mis en évidence que le
domaine matériel de la coaction témoignait de cette proximité. En effet, tandis que la tentative
de complicité n’est pas punissable, la tentative de coaction, à l’instar de la tentative d’action,
est parfaitement concevable. De même, si les complices par aide et assistance d’une
contravention ne peuvent être réprimés, rien n’empêche de punir les coauteurs d’une
contravention. Le domaine matériel de la coaction, plus large que celui de la complicité,
dénotait encore la sévérité de la coaction. C’est pourquoi lorsqu’il a fallu s’interroger sur les
peines applicables à ce mode d’imputation autonome, il a semblé opportun de considérer que
429
prévoir des peines autonomes à la coaction, plus sévères que celles retenues à l’égard de
l’action, ne s’imposait pas. Effectivement, outre ce domaine matériel large, la communication
pénale ou encore l’indivisibilité procédurale unissant les coauteurs révèlent une sévérité de ce
mode de partipation qui suffisent à asseoir sa singularité. Assimiler la coaction à l’action
quant aux peines encourues semblait ainsi raisonnable. Quant à la complicité, les conclusions
de l’étude auront certainement contribué à restreindre quelque peu son champ d’application,
en particulier en cas d’aide concomitante à la réalisation de l’infraction. Dans cette dernière
hypothèse, le complice se distingue notamment du coauteur en ce qu’il apparaît comme un
participant secondaire à l’infraction. Partant, si coauteurs et auteurs doivent encourir la même
peine, il a cependant paru envisageable de concevoir une échelle des peines entre complices et
auteurs ou coauteurs. Il convenait alors, pour signer l’aboutissement de ces conclusions, de
proposer d’insérer un nouveau texte au sein du Code pénal relatif à la coaction. Un article
121-4-1 pourrait être rédigé de la sorte : « Est coauteur de l’infraction la personne qui,
s’entendant avec une ou plusieurs autres, mais sans qu’un lien d’autorité existe entre elles,
réalise au moins partiellement cette infraction. Le coauteur est puni comme l’auteur ».
528. Dans le même sac et du même fil. – Ainsi, pour reprendre les écrits des
Professeurs CARBONNIER et DE LAMY, s’il est indiscutable qu’auteur principal et complice
sont « cousus dans le même sac »1540
mais « pas […] du même fil »1541
, les relations
d’interdépendance unissant les coauteurs permettent d’affirmer qu’ils sont, pour leur part, non
seulement cousus dans le même sac, mais également du même fil.
1540 J. CARBONNIER, Du sens de la répression applicable au complice, JCP G 1952, I, 1034.
1541 B. DE LAMY, obs. sous Cass. crim., 8 janv. 2003, D. 2004, p. 311.
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Point trop n’en « faux »… sur le banc des accusés !, note sous CA Toulouse, 14 avr. 2005, D.
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455
INDEX DE JURISPRUDENCE
INTRODUCTION
Juridictions internationales :
- Cour pénale internationale, Chambre préliminaire I, décision de confirmation des charges,
Affaire ICC-01/04-0106, Procureur c/ Lubanga, 29 janvier 2007, § 330 et s.
- Cour pénale internationale, Chambre préliminaire I, Affaire ICC-01/04-01/07, Procureur c/
Katanga et Ngudjolo Chui, décision de confirmation des charges du 30 septembre 2008, § 490
et s.
Cour de cassation :
- Cass. crim., Génold et Pélissier, 24 août 1827, Bull. n° 224.
- Cass. crim., 9 juin 1848, S., 1848, I, p. 527.
- Cass. crim., 15 juin 1860, S., 1861, I, p. 398.
- Cass. crim., 24 juin 1922, S., 1923, I, p. 41.
- Cass. crim., 7 déc. 1954, D. 1955, jur. p. 221.
- Cass. crim., 25 janv. 1973, Gaz. Pal. 1973, 1, somm. p. 94.
Juridictions du fond :
CA Agen, 9 sept. 2010, M. P. / K., Cahiers de jurisprudence d’Aquitaine et Midi-Pyrénées,
2011-1, n° AB.1729, p. 100.
456
PARTIE 1- LA NOTION DE COACTION
TITRE 1 – UN MODE DE PARTICIPATION A UNE INFRACTION
Chapitre 1 – Un mode de participation criminelle
Section 1 – La pluralité d’intervenants, condition nécessaire de la participation
Cour de cassation :
- Cass. crim., 11 juin 1970, Bull. n° 199, Rev. sc. crim. 1971, p. 108, obs. A. VITU.
- Cass. crim., 8 fév. 1979, Bull. n° 58, JCP G 1979, IV, p. 121 ; D. 1979, inf. rap. p. 528, obs.
M. PUECH ; Rev. sc. crim. 1980, p. 151, obs. J. ROBERT.
- Cass. crim., 6 nov. 1986, JurisData n° 1986-002831 ; JCP G 1987, IV, p.16 ; Gaz. Pal.
1987, 1, somm. p. 200, obs. J.-P. DOUCET.
- Cass. crim., 11 mai 2000, JurisData n° 2000-002726.
- Cass. crim., 23 avril 2003, Bull. n° 84.
Juridictions du fond :
CA Paris 26 janv. 2001, JurisData n° 2001-141804.
Section 2 – La volonté de s’associer, condition phare de la participation
Cour de cassation :
- Cass. crim., 3 juil. 1909, DP 1911, 1, p. 290.
- Cass. crim., 29 janv. 1921, S. 1922, 1, 185, note J.-A. ROUX.
- Cass. crim., 14 déc. 1934, DP 1935, 1, 96.
- Cass. crim., 8 fév. 1936, DP 1936, 1, 44, note H. DONNEDIEU DE VABRES.
- Cass. crim., 9 oct. 1941, DA 1941, 374.
- Cass. crim., 29 nov. 1945, JCP G 1946, IV, 14.
- Cass. crim., 20 oct. 1949, Bull. n° 291.
- Cass. civ., 28 janvier 1954, D. 1954, jur. p. 217 note G. LEVASSEUR ; JCP G 1954, II,
7978 concl. P. LEMOINE.
- Cass. crim., 21 juill. 1955, JCP G 1955, IV, 129.
- Cass. crim., 24 oct. 1972, Gaz. Pal. 1973, 1, p. 218.
- Cass.. crim., 8 mai 1976, D. 1976, p. 578, note C. GAVALDA.
- Cass. crim., 4 janv. 1978, Bull. n° 5 ; Rev. sc. crim. 1978, p. 859, obs. G. LEVASSEUR.
- Cass. crim., 3 janv. 1985, Bull. n° 2.
- Cass. crim.,19 mars 1986, Bull. n° 112.
- Cass. crim., 6 déc. 1989, Dr. pén. 1990, p. 117.
- Cass. crim.,13 mars 1991, Bull. n° 125.
- Cass. crim., 3 avril 1991, JCP E 1992, I, 154, n° 11, obs. C. GAVALDA et G.
STOUFFLET.
- Cass. crim., 17 juin 1992, Bull. n° 243.
- Cass. crim., 28 juin 1995, Bull. n° 241.
457
- Cass. crim., 2 déc. 1997, Bull. n° 408 ; JCP G 1998, IV, 1820 ; JCP G 1998, II, 10023, rapp.
F. DESPORTES ; JCP E 1998, p. 948, note P. SALVAGE ; Rev. sc. crim. 1998, p. 536, note
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- Cass. crim., 11 mai 1999, Bull. n° 93, D. 2000, p. 113, obs.G. ROUJOU DE BOUBEE; Dr.
pén. 1999, com. n° 140, obs. M. VERON ; JCP G 2000, I, 207, n° 1, obs. M. VERON; Rev.
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- Cass. crim., 18 janv. 2000, D. 2000, p. 636, note J.-C. SAINT-PAU ; Les Petites affiches
2000, n° 241, p. 18, note C. DUCOULOUX-FAVARD.
- Cass. com., 30 oct. 2000, D. 2001, p. 231.
- Cass. crim., 19 juin 2001, Bull. n° 148 ; Dr. pén. 2001. 111, obs. VERON; Gaz. Pal., 2002.
1, 646, note GUERDER ; Rev. sc. crim. 2002, p. 97, obs. BOULOC.
- Cass. crim., 7 mai 2002, JurisData n° 2002-013184.
- Cass. crim., 17 déc. 2002, Bull. n° 227; Rev. sc. crim. 2003, p. 556, obs. Y. MAYAUD.
- Cass. crim., 8 janv. 2003, Bull. n° 5 ; Rev. sc. crim. 2003, p. 553, obs. B. BOULOC ; D.
2003, p. 2661, note E. GARCON ; D. 2004, Somm. 310, obs. B. DE LAMY ; JCP G 2003, 2,
10159, note W. JEANDIDIER.
- Cass. crim., 25 avr. 2006, pourvoi n° 05-83407 ; JurisData n° 2006-033669.
- Cass. crim., 20 juin 2006, pourvoi n° 05-83551 ; JurisData n° 2006-034775.
- Cass. crim., 20 juin 2006, Bull. n° 188 ; D. 2007, p. 617, note J.-C. SAINT-PAU ; JCP G
2006, II, 10199, note E. DREYER ; Dr. pén. 2006, comm. 128, note M. VERON ; D. 2007, p.
1624, obs. C. MASCALA ; Rev. sc. crim. 2006, p. 825, obs. Y. MAYAUD ; Rev. sociétés
2006, p. 895, obs. B. BOULOC.
- Cass. crim., 12 juin 2007, pourvoi n° 06-86220; JurisData n° 2007-040033.
- Cass. crim., 25 juin 2008, Bull. n° 167 ; Dr. pén. 2008, comm. 140, note M. VERON ; RPDP
2008, p. 858, note PH. BONFILS ; Rev. sociétés 2008, p. 873, note H. MATSOPOULOU ;
Rev. sc. crim. 2009, p. 89, obs. E. FORTIS ; JCP E 2009, p. 1308, note M.-C. SORDINO.
- Cass. crim., 11 juin 2010, pourvoi n° 09-87884, D. 2010, p. 1712 ; D. 2010, p. 2732, obs. G.
ROUJOU DE BOUBEE, T. GARE et S. MIRABAIL ; D. 2011, p. 1859, obs. C. MASCALA ;
Rev. sc. crim. 2011, p. 177, obs. B. DE LAMY ; Dr. pén. 2010 comm. 111, obs. M. VERON ;
JCP G 2010, p. 1030, obs. J.-H. ROBERT ; JCP G 2010, p. 1031, obs. H. MATSOPOULOU.
- Cass. crim., 11 avril 2012, pourvoi n° 10-86974, Bull. n° 94 ; D. 2012, p. 1381, note J.-C.
SAINT-PAU ; D. 2012, p. 1698, obs. C. MASCALA ; Rev. sc. crim. 2012, p. 375, note Y.
MAYAUD ; Rev. sc. crim. 2012, p. 377, note A. CERF-HOLLENDER.
- Cass. crim., 2 oct. 2012, pourvoi n° 11-84415.
Chapitre 2 – Une participation à une infraction unique
Cour de cassation :
Cass. crim., 11 déc. 1924, DP 1925.1.87 ; 8 déc. 1998, Bull. n° 336.
Section 1 – L’exigence d’une entente entre coauteurs
Cour de cassation :
- Cass. crim., 8 juill. 1813, Bull. n° 150 ; 29 janv. 1829, Bull. n° 22.
- Cass. crim., 27 nov. 1845, DP 1846.5.94.
458
- Cass. crim., 25 oct. 1962, Bull. n° 292 et 293. V. notamment D. 1963.221, note P.
BOUZAT ; JCP G 1963, II, 12985, note R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1963, p. 553, obs. A.
LEGAL.
- Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195.
- Cass. crim., 5 oct. 1972, Bull. n° 269 ; v. également Cass. crim., 8 juil. 1813, S. Chr. ; 14
janv. 1921, S. 1922, I, p. 235.
- Cass. crim., 10 avril 1975, Bull. n° 89.
- Cass. crim., 30 oct. 1989, Dr. pén. 1990, p. 88.
- Cass. crim., 23 janv. 1997, Bull. n° 32 ; D. 1997, Jur. p. 147, note J. PRADEL.
- Cass. crim., 4 mars 1998, Bull. n° 83.
- Cass. crim., 8 janv. 2003, Bull. n° 5; Rev. sc. crim. 2003, p. 553, obs. B. BOULOC; D. 2003,
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note W. JEANDIDIER.
- Cass. crim., 15 déc. 2004, JurisData n° 2004-027401 ; Dr. pén. 2005, Comm. 79, obs. J.-H.
ROBERT.
- Cass. crim., 15 déc. 2004, Bull. n° 322; D. 2005, p. 2128; JCP G 2005, II, 10050, obs. Y.
MARECHAL ; Rev. sc. crim. 2005, p. 298, obs. G. VERMELLE.
Juridictions du fond :
CA Saint-Denis de la Réunion, 17 déc. 1998, D. 1999, p. 609, note D.R. MARTIN.
Section 2 – L’indifférence quant à l’objet de l’entente
Cour de cassation :
- Cass. crim., 20 avril 1827, Bull. n° 92.
- Cass. crim., 16 juill. 1835, Bull. n° 292.
- Cass. crim., 9 juin 1848, Igneux, S. 1848, I, p. 527 ; M. PUECH, Les grands arrêts de la
jurisprudence criminelle, Cujas, 1976, n° 96 ; J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands
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- Cass. crim., 14 déc. 1967, Bull. n° 326.
- Cass. crim., 14 nov. 1924, D. 1925, I, 332.
- Cass. crim., 15 nov. 1928, D.P. 1932, 1, 56.
- Cass. crim., 12 avr. 1930, Bull. n° 214.
- Cass. crim., 10 janv. 1952, JCP G 1952, IV, p. 38.
- Cass. crim., 14 déc. 1955, Bull. n° 566.
- Cass. crim., 12 oct. 1961, Bull. n° 399; Rev. sc. crim. 1963, p. 103, obs. G. LEVASSEUR.
- Cass. crim., 22 mars 1966, JCP G 1967, II, 14970, note A. RIEG ; Rev. sc. crim. 1968, p.
67, obs. A. LEGAL.
- Cass. crim., 14 déc. 1967, Bull. n° 326.
- Cass. crim., 7 mars 1968, Bull. n° 81; Rev. sc. crim. 1968, p. 628, obs. G. LEVASSEUR.
- Cass. crim., 28 juillet 1969, Bull. n° 239.
459
- Cass. crim., 14 janv. 1971, Bull. n° 13.
- Cass. crim., 27 janv. 1971, Bull. n° 28 ; Rev. sc. crim. 1971, p. 942, obs. G. LEVASSEUR.
- Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195 ; D. 1972, somm. 202 ; Rev. sc. crim. 1973.879, obs.
J. LARGUIER.
- Cass. crim., 15 janv. 1974, Bull. n° 22.
- Cass. crim., 10 avr. 1975, Bull. n° 90.
- Cass. crim., 15 janv. 1979, Bull. n° 21; RJ com., 1982, p. 293, note B. BOULOC.
- Cass. crim., 30 mai 1980, Bull. n° 166 ; Rev. sc. crim. 1981, obs. G. LEVASSEUR.
- Cass. crim., 23 juillet 1986, Bull. n° 243 ; JCP G 1987, II, 20897, note J. BORRICAND ;
Gaz. pal. 1987, Jur. p. 104, note J.-P. DOUCET.
- Cass. crim., 17 févr. 1988, Bull. n° 80.
- Cass. crim., 15 janv. 1990, Bull. n° 22.
- Cass. crim., 14 févr. 1996, Bull. n° 78 ; Rev. sc. crim. 1996, p. 856, obs. MAYAUD.
- Cass. crim., 13 févr. 2001, Bull. n° 4.
- Cass. crim., 6 fév. 2002, D. 2002, p. 1510, note D. MAYER ; Dr. pén. 2002.69, obs. M.
VERON.
- Cass. crim., 18 mars 2003, Bull. n° 70 ; Dr. pén. 2003, Comm. 95, obs. M. VERON.
- Cass. crim., 22 juin 2005, Bull. n° 192 ; Rev. sc. crim. 2006, p. 69, note Y. MAYAUD ; D.
2005, p. 2986.
- Cass. crim., 22 juin 2005, Bull. n° 192 ; Rev. sc. crim. 2006, p. 73, obs. J.-P. DELMAS
SAINT-HILAIRE.
- Cass. crim., 15 mars 2006, Bull. n° 78.
- Cass. crim., 12 janv. 2010, pourvoi n° 09-82928, Gaz. pal. 2010, n° 84, p. 20, obs. S.
DETRAZ.
Juridictions du fond :
- CA Chambéry, 8 mars 1956, JCP G 1956, II, 9224, obs. R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1956,
p. 532, obs. A. LEGAL.
- CA Limoges, 4 juin 1997, Rev. sc. crim. 1998, p. 549, chr. Y. MAYAUD.
- CA Aix-en-Provence, 14 mars 2001, JurisData n° 2001-143774.
- CA Reims, 7 juil. 2004, Dr. pén. 2005, comm. 142, obs. M. VERON.
TITRE 2 – UN MODE DE PARTICIPATION A SA PROPRE INFRACTION
Cour de cassation :
- Cass. crim., 16 janv. 1947, Bull. n° 23.
- Cass. crim., 9 janv. 1990, Bull. n° 15 ; Rev. sc. crim. 1990, 337, obs. G. LEVASSEUR.
460
Chapitre 1 – Une influence sur le résultat de l’infraction collective
Section 1 – L’exigence d’une contribution causale à l’infraction
Cour de cassation :
- Cass. crim., 13 avr. 1911, Bull. n° 210 ; 21 nov. 1957, Bull. n° 762.
- Cass. crim., 9 nov. 1928, D. 1929, 1, 97, note A. HENRY.
- Cass. crim., 24 déc. 1942, S. 1944, 1, 7.
- Cass. crim. 13 janv. 1954, D. 1954, p. 128 ; Rev. sc. crim. 1954, p. 372, obs. J.
HUGUENEY.
- Cass. crim., 14 déc. 1955, Bull. n° 566.
- Cass. crim., 11 déc. 1957, Bull. n° 829, JCP G 1958, II, 10423.
- Cass. crim., 17 mai 1962, Bull. n° 200, D. 1962, p. 473 ; Rev. sc. crim. 1962, 102, obs. A.
LEGAL ; M. PUECH, Grands arrêts, t. 1, p. 442.
- Cass. crim., 13 mars 1963, Bull. n° 116.
- Cass. crim., 27 mai 1963, Bull. n° 188.
- Cass. crim., 25 avr. 1967, Bull. n° 129 ; Gaz. Pal. 1968, I, 343.
- Cass. crim., 23 juil. 1969, Bull. n° 234 ; D. 1970, jur. p. 361, note G. ROUJOU DE
BOUBEE ; Rev. sc. crim. 1970, p. 656, obs. P. BOUZAT.
- Cass. crim., 5 oct. 1972, Bull. n° 269.
- Cass. crim., 24 oct. 1973, Bull. n° 378 ; D. 1973, IR 222.
- Cass. crim., 10 mars 1977, Bull. n° 91, D. 1977, IR p. 237, note M. PUECH.
- Cass. crim., 8 janv. 1985, Gaz. Pal. 1986, I, Somm. 124.
- Cass. crim., 16 janv. 1986, Perdereau , Bull. n° 25, JCP G 1987, II, 20774, note G.
ROUJOU DE BOUBEE ; D. 1986, jur. p. 265, note D. MAYER et C. GAZOUNAUD ; Rev.
sc. crim. 1986, p. 839, obs. A. VITU.
- Cass. crim., 10 janv. 1991, Dr. pén. 1991, p. 169, Rev. sc. crim. 1992, p. 77, obs. G.
LEVASSEUR.
- Cass. crim., 21 sept. 1994, Bull. n° 302 ; Dr. pén. 1995, comm. 2, obs. M. VERON ; Rev. sc.
crim. 1995, p. 343, obs. B. BOULOC.
- Cass. crim., 7 sept. 2004, JurisData n° 2004-025104, Dr. pén. 2004, comm. 174, note J.-H.
ROBERT.
- Cass. crim., 5 oct. 2004, Bull. n° 230, D. 2005, p. 1525, obs. S. MIRABAIL, AJ pén. 2005,
p. 25, obs. J. COSTE, Gaz. Pal. 2004, 2, 3831, concl. PH. COMMARET, Rev. sc. crim. 2005,
p. 71, obs. Y. MAYAUD.
- Cass. crim., 22 mars 2005, Dr. pén. 2005, p. 103, obs. M. VERON
- Cass. crim., 14 mai 2008, Bull. n° 112, D. 2009, p. 128, obs. T. GARE, AJ pén. 2008,
p. 371, obs. C. DUPARC, Dr. pén. 2008, Comm. 111, obs. M. VERON.
Section 2 – L’intensité de la contribution causale à l’infraction
Cour de cassation :
- Cass. crim., 8 juil. 1813, Bull. n° 150.
- Cass.crim., 12 fév. 1874, D. 1875, I, p. 482.
- Cass. crim., 23 mai 1884, Bull. n° 179.
- Cass. crim., 26 juin 1885, Bull. n° 186 (arrêt Diard).
461
- Cass. crim., 31 oct. 1889, Bull. n° 225 (arrêt Tissot).
- Cass. crim., 13 juin 1902, Bull. n° 220 (arrêt Gairaud).
- Cass. crim., 23 nov 1905, Bull. n° 514.
- Cass. crim., 14 nov. 1924, S. 1925, 1, 332.
- Cass. crim., 5 nov. 1928, DP 1929, 1, p. 97, note A. HENRY ; JCP G 1929, p. 239, note R.
GARRAUD.
- Cass. crim., 5 nov. 1941, S. 1942, 1, 89.
- Cass. crim., 17 nov. 1944, Rev. sc. crim. 1946, p. 67, Chr. L. HUGUENEY.
- Cass. crim., 29 nov. 1946, Gaz. Pal. 1947, p. 25.
- Cass. crim., 8 juil. 1949, JCP G 1949, II, p. 5128, note A. COLOMBINI, S. 1949, 1, p. 186,
Rev. sc. crim. 1950 p. 50, obs. L. HUGUENEY.
- Cass.crim., 27 oct. 1971, Bull. n° 284, Gaz. Pal. 14-15 janv. 1972, Somm., note J.-P. D. ;
Rev. sc. crim. 1972, p. 375, obs. A. LEGAL, et p. 385, obs. A. VITU.
- Cass. crim., 15 janv. 1974, Bull. n° 22.
- Cass. crim., 3 mai 1974, Bull. n° 157, D. 1973, Som. 20.
- Cass.crim., 4 déc. 1974, Gaz. Pal. 1975, I, Som. 93.
- Cass. crim., 5 juin 1984, Bull. n° 212.
- Cass. crim., 1er sept. 1987, Bull. n° 308, Rev. sc. crim. 1990, p. 325, note A. VITU.
- Cass. crim., 17 fév. 1988, Bull. n° 80.
- Cass. crim., 9 nov. 1992, Dr. pén. 1993, p. 138, obs. J.-H. ROBERT.
- Cass. crim., 28 mars 1996, Dr. pén. 1996, comm. 223, obs. J.-H. ROBERT.
- Cass. crim., 18 mai 2001, pourvoi n° 10-87.768, Rev. des sociétés 2011, p. 711, note T.
GRANIER.
- Cass. crim., 25 sept. 2001, Bull. n° 188.
- Cass. crim., 15 déc. 2004, JCP G 2005, II, 10050, note J.-Y. MARECHAL.
Chapitre 2 – Une participation au comportement infractionnel collectif
Section 1 – Une indépendance morale entre coauteurs
Juridictions internationales :
- CJCE, 25 oct. 1983, aff. C-107/82, Allgemeine Elektrizitäts-Gesellschaft AEG-Telefunken
AG c/ Commission CE, Rec. CJCE 1983, p. 03151.
- CJCE, 23 avr. 1991, aff. C-41/90, Klaus Höfner et Fritz Elser c/ Macrotron GmbH, Rec.
CJCE 1991, I, p. 1979.
- CJCE 24 oct. 1996, Viho Europe, Rec. 5482 ; TPICE 6 juil. 2000, Sté VW et Audi, aff. T-
62/98.
- CJUE, 20 janv. 2011, aff. n° C-90/09 P, Repsol Quimica SA et alii, Bull. Joly Sociétés, 2011,
n° 137, note G. DECOCQ.
- TPICE, 8 juil. 2008, aff. T-99/04, AC Treuhand AG, JOUE n° C 209, 15 sept. 2008, p. 49 ;
Contrats, conc., consom., 2008, comm. 235, note G. DECOCQ.
- TPICE, 18 déc. 2008, aff. T-85/06, General Quimica SA, Repsol SA, Repsol YPF SA c/
Commission CE, att. n° 81 et 82.
462
Conseil de la concurrence :
- Cons. conc. 5 nov. 1991, Secteur des granulats et du béton prêt à l’emploi, BOCC 3 janv.
1992.
- Cons. conc., déc. n° 2000-D-6, 13 févr. 2001, Pratiques constatées dans le secteur de la
vente d’espaces publicitaires télévisuels, BOCC 2001, p. 166.
Cour de cassation :
- Cass. crim., 27 janv. 1859, S. 1859, 1, 364.
- Cass. crim., 28 avril 1866, DP 1866, 1, 356.
- Cass. crim., 20 sept. 1894, DP 1899, 1, 350.
- Cass. crim., 28 déc. 1900, Rozoff, DP 1901, 1, p. 81, note A. LE POITTEVIN.
- Cass. crim., 15 et 28 juin 1917, S. 1920, 1, p. 329, note J.-A. ROUX.
- Cass. crim., 29 janv. 1921, S. 1922, 1, p. 185, note J.-A. ROUX.
- Cass. crim., 20 avril 1934, S. 1935, 1, p. 398.
- Cass. crim., 8 févr. 1936, DP 1936, 1, p. 44, note H. DONNEDIEU DE VABRES.
- Cass. crim., 30 nov. 1944, D. 1945, jur. p. 162.
- Cass. crim., 6 oct. 1955, Bull. n° 388.
- Cass. crim., 12 déc. 1956, Bull. n° 836.
- Cass. crim., 17 oct. 1967, Bull. n° 250.
- Cass. crim., 27 oct. 1976, Bull. n° 303.
- Cass. crim., 2 oct. 1979, Bull. n° 198.
- Cass. crim., 14 janv. 1980, Bull. n° 21.
- Cass. crim., 8 fév. 1983, D. 1983, p. 639, note H. SEILLAN.
- Cass. com., 8 déc. 1992, BRDA 1993/1.
- Cass. crim., 28 nov. 1995, deux arrêts, Dr. pén. 1996, comm. n° 88 et n° 164, obs. J.-H.
ROBERT.
- Cass. com., 12 mars 1996, BOCC 22 oct. 1996.
- Cass. crim., 28 mars 1996, Dr. pén. 1996, comm. 223, note J.-H. ROBERT.
- Cass. crim., 30 oct. 1996, Bull. n° 389.
- Cass. crim., 13 mars 1997, Bull. n° 107, Rev. sc. crim. 1997, p. 828, obs. B. BOULOC.
- Cass. crim., 3 mars 1998, Bull. n° 82.
- Cass. crim., 1er déc. 1998, JurisData n° 005085.
- Cass. crim., 2 fév. 1999, JurisData n° 1999-001690.
- Civ. 1ère, 30 mai 2000, D. 2000, p. 879, note J.-P. CHAZAL ; JCP G 2001, II, 10461, note
G. LOISEAU ; Contrats Conc. Consom. 2000, n° 142, obs. L. LEVENEUR ; RTD civ. 2000,
p. 827, obs. J. MESTRE et B. FAGES ; ibid., p. 863, obs. P.-Y. GAUTIER.
- Cass. soc., 11 juil. 2000, pourvoi n° 98-40.196, TPS 2000, n° 348 ; 19 juin 2008, pourvoi
n° 07-42.547.
- Cass. crim. 12 sept. 2000, Bull. n° 268 ; TPS 2001, n° 5 ; Rev. sc. crim. 2001, p. 159, obs. Y.
MAYAUD.
- Ass. Plén., 14 déc. 2001, Bull. n° 269, D. 2002, p. 1230, note J. JULIEN.
- Civ. 1ère, 3 avril 2002, D. 2002, jur. 1860, note J.-P. GRIDEL et J.-P. CHAZAL ; RTD civ.
2002, p. 502, obs. J. MESTRE et B. FAGES ; RTD com. 2003, p. 86, obs. A. FRANCON ;
RTD com. 2004, p. 267, note F. POLLAUD-DULIAN. ; Les Petites affiches 2004, n° 120,
p. 5, note M. BOIZARD ; Les Petites affiches 2004, n° 213, p. 14, note G. KESSLER.
- Cass. soc., 20 juin 2002, Droit ouvrier 2003, p. 214.
463
- Cass. crim., 26 juin 2002, Bull. n° 148 ; D. 2003, somm. 172 ; obs. M. SEGONDS ; Dr. pén.
2002, comm. n° 133, obs. M. VERON ; Rev. sc. crim. 2003, p. 93 ; obs. B. BOULOC ; RTD
com. 2003, p. 177, obs. B. BOULOC.
- Cass. crim., 23 nov. 2004, D. 2005, p. 1521, note M. SEGONDS ; Rev. sc. crim. 2005, p.
321.
- Cass. crim., 8 mars 2005, Bull. n° 77.
- Cass. crim., 1er mars 2006, Bull. n° 58.
- Cass. crim., 12 déc. 2006, pourvoi n° 05-87.125.
- Cass. crim., 3 juin 2008, Dr. pén. 2008, chron. 9, obs. M. SEGONDS.
- Cass. crim., 12 mai 2009, JurisData n° 2009-048280, Dr. pén. 2009, chron. 10, obs. M.
SEGONDS.
- Cass. crim., 7 juin 2011, pourvoi n° 10-84283.
Juridictions du fond :
- CA Poitiers, 20 nov. 1901, D. 1902, p. 81, note G. LE POITTEVIN.
- CA Paris, 25 janv. 1994, BOCC 9 fév. 1994, p. 60, Contrats, conc., consom. 1994, n° 51,
obs. L. VOGEL.
- CA Poitiers, 11 avril 1997, D. 1997, jur. 512, note A. WAXIN, Rev. sc. crim. 1998, p. 110,
obs. R. OTTENHOF.
- CA Paris, 19 mai 1999, Contrats, conc., consom. 1999, n° 160, obs. M. MALAURIE-
VIGNAL.
Section 2 – Une dépendance matérielle entre coauteurs
Cour de cassation :
- Cass. crim., 8 juil. 1813, S. Chron. ; 31 juil. 1818, Jurisprudence Générale, Dalloz, V°
Attentats aux mœurs n° 129 ; 29 janv. 1820, Jurisprudence Générale, Dalloz, V° Attentats aux
mœurs n° 130 ; 29 janv. 1829, Bull. n° 22 ; 17 avril 1857, Bull. n° 155.
- Cass. crim., 29 janv. 1829, Bull. n° 22 ; 9 nov. 1860, Bull. n° 229.
- Cass. crim., 9 juin 1848, S. 1848, 1, 527.
- Cass. crim.,15 juin 1860, S. 1861, 1, 398.
- Cass. crim., 9 nov. 1860, Bull. n° 229.
- Cass. crim., 14 janv. 1921, D. 1922, 1, 235.
- Cass. crim., 27 janv. 1921, D. 1922, 1, 235.
- Cass. crim., 4 août 1927, S. 1929, 1, 33, note J.-A. ROUX.
- Cass. crim., 20 juil. 1960, Bull. n° 382.
- Cass. crim., 21 janv. 1962, Bull. n° 68.
- Cass. crim., 13 juin 1972, Bull. n° 195.
- Cass. crim., 6 sept. 1989, Dr. pén. 1990, comm. n° 55.
- Cass. crim., 6 févr. 2002, D. 2002, p. 1510, note D. MAYER.
- Cass. crim., 17 déc 2002, Bull. n° 227, Rev. sc. crim. 2003, p. 556, obs. Y. MAYAUD.
- Cass. crim., 29 avr. 2003, D. 2004, p. 167.
- Cass. crim., 27 mai 2004, Bull. n° 141, Rev. sc. crim. 2004, p. 881, note Y. MAYAUD.
- Cass. crim., 24 mars 2009, pourvoi n° 08-82691 ; JurisData n° 2009-049707 ; Dr. pén.
2009, comm. 84, obs. J.-H. ROBERT.
464
- Cass. crim., 1er déc. 2009, pourvoi n° 09-82140 ; JurisData n° 2009-050985 ; Dr. pén.
2010, comm. 74, obs. M. VERON ; D. 2010, p. 1163, note C. MASCALA ; JCP G 2010,
n° 25, 689, J.-H. ROBERT.
- Cass. crim. 22 févr. 2011, Bull. n° 33 ; Gaz. Pal. 30-31 mars 2011, note J.-C. SAINT-PAU.
- Cass. crim., 11 avril 2012, pourvoi n° 10-86974, Bull. n° 94 ; D. 2012, p. 1381, note J.-C.
SAINT-PAU ; D. 2012, p. 1698, obs. C. MASCALA ; Rev. sc. crim. 2012, p. 375, note Y.
MAYAUD ; Rev. sc. crim. 2012, p. 377, note A. CERF-HOLLENDER.
- Cass. crim., 2 oct. 2012, pourvoi n° 11-84415.
Juridictions du fond
CA Aix-en-Provence, 18 juin 2001, JurisData n° 2001-169339, JCP G 2002, IV, 2173.
PARTIE 2 – LE REGIME DE LA COACTION
TITRE 1 – L’INFLUENCE DE L’INTERDEPENDANCE ENTRE
COAUTEURS SUR LE REGIME DE LA COACTION
Chapitre 1 – Une responsabilité soumise à la communication pénale
Section 1 – La communication des éléments constitutifs de l’infraction collective
Cour de cassation :
- Cass. crim., 28 avr. 1842, S. 1842, 1, 504.
- Cass. crim., 17 mai 1851, DP 1851, 1, 303.
- Cass. crim., 17 déc. 1859, Bull., n° 281.
- Cass. crim., 10 nov. 1860, Bull. n° 231.
- Cass. crim., 20 août 1875, Bull. n° 275.
- Cass. crim., 8 juil. 1897, Bull. n° 230.
- Cass. crim., 13 mars 1936, DH 1936, p. 254 ; Rev. sc. crim. 1936, p. 410, obs. J. MAGNOL.
- Cass. crim., 22 mai 1957, Bull. n° 436.
- Cass. crim., 29 janv. 1965, D. 1965, jur. p. 288, note R. COMBALDIEU ; Rev. sc. crim.
1965, p. 655, n° 2, obs. L. HUGUENEY.
- Cass. crim., 25 janv. 1968, Bull. n° 25; D. 1968, jurispr. p. 153, JCP G 1969, II, 15425 ;
Gaz. Pal. 1968, 1, jurispr. p. 164; Rev. sc. crim. 1968, p. 344.
- Cass. crim., 5 sept. 1988, Rev. Sociétés 1989 p. 76, note W. JEANDIDIER.
- Cass. crim., 18 mai 1994, Bull. n° 195, D. 1994, IR 179 ; Contrats, concurrence,
consommation 1994. 180, obs. RAYMOND.
- Cass. crim., 20 mars 1997, Dr. pén. 1997, comm. n° 131, obs. J.-H. ROBERT ; JCP E 1997,
II, 1033, note J.-H. ROBERT.
- Cass. crim., 25 juin 1998, Dr. pén. 1998, comm. n° 145, obs. J.-H. ROBERT.
465
- Cass. crim., 19 mars 2008, pourvoi n° 07-85.054, JurisData n° 2008-043610, Dr. pén. 2008,
comm. 89, par J.-H. ROBERT ; D. 2008, p. 1665, note J. LASSERRE-CAPDEVILLE ; Rev.
dr. banc. fin. 2008, comm. 129, note F. CREDOT et T. SAMIN.
- Cass. crim., 23 mars 2011, pourvoi n° 10-84.314.
Section 2 – La communication des circonstances aggravantes de l’infraction collective
Cour de cassation :
- Cass. crim., 25 oct. 1811, Bull. n° 141.
- Cass. crim., 15 juin 1860, S. 1860.1.600.
- Cass. crim., 11 mai 1866, S. 1867, 1, 143.
- Cass. crim., 30 mai 1879, S. 1880.1.481.
- Cass. crim., 2 avr. 1898, Bull. n° 144.
- Cass. crim., 22 déc. 1905, Bull. n° 570.
- Cass. crim.,11 janv. 1917, Bull. n° 7.
- Cass. crim., 23 oct. 1946, Bull. n° 185.
- Cass. crim., 31 déc. 1947, Bull. n° 270.
- Cass. crim., 26 janv. 1952, Bull. n° 32.
- Cass. crim.,5 juin 1956, Bull. n° 427.
- Cass. crim., 26 mars 1957, Bull. n° 288.
- Cass. crim., 3 janv. 1959, Bull. n° 16.
- Cass. crim.,23 avr. 1959, D. 1959, jurispr. p. 338.
- Cass. crim.,16 oct. 1963, Bull. n° 284.
- Cass. crim., 12 mars 1968, Bull. n° 83.
- Cass. crim.,8 mars 1972, Bull. n° 89.
- Cass. crim.,5 janv. 1973, Bull. n° 8.
- Cass. crim., 28 oct. 1975, Bull. n° 227.
- Cass. crim.,4 sept. 1976, Bull. n° 272.
- Cass. crim.,8 janv. 1981, Bull. n° 7.
- Cass. crim., 5 mars 1981, Bull. n° 83.
- Cass. crim., 9 juin 1982, Bull. n° 155.
- Cass. crim., 4 janv. 1985, Bull. n° 9.
- Cass. crim.,15 nov. 1989, Bull. n° 421.
- Cass. crim., 28 oct. 1992, Bull. n° 347.
- Cass. crim., 2 févr. 1994, Bull. n° 50.
- Cass. crim., 21 mai1996, Bull. n° 206, Dr. pén. 1996, comm. n° 216, obs. M. VERON.
- Cass. crim.,30 oct. 1996, Bull. n° 384, D. 1996, somm. 147, obs. J. PRADEL.
- Cass. crim.,14 avr. 1999, D. 1999, somm. p. 323.
- Cass. crim.,14 avr. 1999, pourvoi n° 98-84081, D. 1999, somm. 323, obs. J. PRADEL.
- Cass. crim.,11 oct. 2000, JurisData n° 2000-006700.
- Cass. crim., 21 août 2002, pourvoi n° 02-83872.
- Cass. crim., 7 sept. 2005, Bull. n° 219 ; D. 2006, p. 835, note E. DREYER.
466
Chapitre 2 – Une procédure soumise à la solidarité entre coauteurs
Section 1 – L’indivisibilité entre coauteurs
Conseil Constitutionnel :
Cons. const., 29 août 2002, JO 10 sept. 2002, p. 14953, Gaz. Pal. 4-5 sept. 2002, p. 3, note J.-
E. SCHOETTL.
Cour de cassation :
- Cass. crim., 19 sept. 1861, Bull. n° 213.
- Ch. réun., 27 fév. 1865, DP 1867, 1, 93.
- Cass. crim., 29 juil. 1875, Bull. n° 239.
- Cass. crim., 8 fév. 1895, Bull. n° 239.
- Cass. crim., 8 fév. 1895, Bull. n° 54.
- Cass. crim., 14 nov. 1898, DP 1899, 1, 65, concl. L. SARRUT.
- Cass. crim., 1er mars 1907, Bull. n° 101.
- Cass. crim., 28 mars 1914, Bull. n° 173.
- Cass. crim., 13 fév. 1926, Bull. n° 64.
- Cass. crim., 16 déc. 1926, S. 1928, 1, 155.
- Cass. crim., 15 nov. 1928, DP 1932, 1, 56.
- Cass. crim., 22 juil. 1932, Bull. n° 184.
- Cass. crim., 21 oct. 1940, Bull. n° 240.
- Cass. crim.,18 juin 1947, Bull. n° 159.
- Cass. crim.,12 juin 1954, Bull. n° 210.
- Cass. 2ème civ., 29 févr. 1956, JCP G 1956, II, 9384.
- Cass. crim., 4 janv. 1957, Bull. n° 8.
- Cass. crim., 27 nov. 1958, Bull. n° 699.
- Cass. crim., 15 oct. 1959, Bull. n° 435.
- Cass. crim., 22 juin 1960, Bull. n° 330.
- Cass. crim., 22 déc. 1960, Bull. n° 607.
- Cass. crim., 13 juin 1968, Bull. n° 196.
- Cass. crim., 6 janv. 1970, Bull. n° 11.
- Cass. crim., 17 janv. 1973, Bull. n° 24.
- Cass. crim.,13 fév. 1974, Bull. n° 64 .
- Cass. 2ème
civ., 21 janv. 1976, D. 1976, somm. p. 39.
- Cass. crim., 3 mars 1976, Bull. n° 80.
- Cass. crim.,12 nov. 1981, Bull. n° 302.
- Cass. crim., 23 mars 1982, Bull. n° 85.
- Cass. crim., 12 févr. 1985, Bull. n° 68.
- Cass. crim.,18 août 1987, D. 1988, somm. p. 194.
- Cass. crim., 26 juil. 1988, Bull. n° 305.
- Cass. crim., 4 juil. 1989, Cheraa, inédit, Rev. sc. crim. 1990, cité par A. VITU, Juridiction
compétente pour juger, en cas de crime, un mineur et des coaccusés majeurs, Rev. sc. crim.
1990, p. 59.
- Cass. crim., 20 fév. 1990, Bull. n° 84, D. 1991, jur. p. 395, note A. FOURNIER.
- Cass. crim., 5 juil. 1993, Bull. n° 239.
467
- Cass. crim., 19 mars 1997, JCP G 1998, I, 105, obs. A. MARON.
- Cass. crim., 22 oct. 1997, Bull. n° 345.
- Cass. crim., 22 janv. 2003, pourvoi n° 01-88.157.
- Cass. crim., 28 mai 2003, Bull. n° 103.
- Cass. crim.,7 juil. 2005, Bull. n° 206.
- Cass. crim., 11 janv. 2006, pourvoi n° 05-82.055, Dr. pén. 2006, comm. 76, note A.
MARON.
- Cass. crim., 16 oct. 2007, Bull. n° 244, AJ pén. 2007, p. 542, obs. S. LAVRIC.
- Cass. crim., 7 avr. 2009, Bull. n° 65, AJ pén. 2009, p. 316, obs. C. DUPARC.
- Cass. crim.,15 mars 2011, pourvoi n° 10-81983.
- Cass. crim., 6 avr. 2011, pourvoi n° 10-85470.
- Cass. crim., 22 fév. 2012, pourvoi n° 11-80858.
Juridictions du fond :
- CA Nancy, 24 mai 1950, Gaz. Pal. 1950, 2, p. 236.
- CA Toulouse (3ème ch. appels correctionnels), 14 avr. 2005, D. 2006, p. 352, note M.
ROYO.
Section 2 – L’autorité de chose jugée entre coauteurs
Cour de cassation :
- Cass. crim., 7 mars 1839, Bull. n° 83.
- Cass. civ., 7 mars 1855, Bull. civ. n° 31 ; D. 1855, 1, 81; S. 1855, 1, 439.
- Cass. crim., 11 juin 1869, Bull. n° 138, S. 1870, 1, 190 ;
- Cass. crim., 25 mars 1875, Bull. n° 102.
- Cass. crim., 15 janv. 1902, Bull. n° 23, DP 1902, 1, 113, concl. M. BAUDOUIN.
- Cass. crim., 2 févr. 1919, Bull. n° 33.
- Cass. crim., 7 mars 1925, Bull. n° 86.
- Cass. 2ème civ., 4 janv. 1957, D. 1957, 264.
- Cass. 2ème civ., 5 juin 1957, D. 1957, 493, note SAVATIER ; JCP G 1957, 10205, note
ESMEIN.
- Cass. 2ème civ., 9 oct. 1957, D. 1957, 708.
- Cass. crim., 19 nov. 1958, Bull. n° 680, D. 1959, somm. p. 67.
- Cass. crim., 8 août 1960, Bull. n° 405.
- Cass. 2ème civ., 6 mars 1968, Bull. civ. II, n° 76.
- Cass. crim., 16 avr. 1970, Bull. n° 135.
- Cass. crim., 14 mars 1974, Bull. n° 115.
- Cass. 2ème civ., 12 juin 1975, Bull. civ. II, n° 176 ; RTD civ. 1997, p. 334, note G. DURRY.
- Cass. 2ème civ., 9 mai 1976, 3ème arrêt, JCP G 1978, II, 18773, note N. DEJEAN DE LA
BATIE.
- Cass. 2ème civ., 19 mai 1976, JCP G 1978, 18773, note N. DEJEAN DE LA BATIE, 1ère
esp. ; Bull. civ. II, n° 163.
- Cass. crim., 29 juin 1976, Bull. n° 235.
- Cass. 2ème civ., 21 oct. 1976, D. 1977, IR p. 14.
- Cass. 2ème civ., 5 janv. 1978, D. 1978, IR 201, obs. C. LARROUMET.
- Cass. 2ème civ., 15 déc. 1980, Bull. civ. II, n° 269.
468
- Cass. 2ème civ., 1er avr. 1981, Bull. civ. I, n° 24.
- Cass. 2ème civ., 4 mars 1982, JCP G 1984, II, 20153, note F.C.
- Cass. crim., 5 févr. 1985, Bull. n° 59.
- Cass. crim., 14 nov. 1985, Bull. n° 357, Rev. sc. crim. 1986, p. 647, obs. A.
BRAUNSCHWEIG.
- Cass. crim., 5 nov. 1989, Bull. n° 392, Rev. sc. crim. 1988, p. 550, obs. A.
BRAUNSCHWEIG.
- Cass. crim., 26 juin 1991, Bull. n° 282.
- Cass. 2ème civ., 22 avr. 1992, Bull. civ. II, n° 127 ; D. 1992, jur. p. 353, note PH.
BURGELIN.
- Cass. 2ème civ., 31 mars 1993, Bull. civ. II, n° 130.
- Cass. crim., 20 juin 1994, Bull. n° 246.
- Cass. 1ère civ., 25 mars 1997, Bull. civ. I, n° 104.
- Cass. 2ème civ., 2 avr. 1997, D. 1997, IR 105, Bull. civ. II, n° 112.
- Cass. crim., 18 mars 1998, Bull. n° 104, JCP G 1998, IV, 2633.
- Cass. 2ème civ., 25 mars 1998, Bull. civ. II, n° 99 ; JCP G 1998, IV, 02156.
- Cass. crim., 17 juin 1998, Bull. n° 197.
- Cass. 3ème civ., 11 mai 2000, Bull. civ. III, n° 108.
- Cass. soc., 13 juin 2001, pourvoi n° 99-41105, JurisData n° 2001-010272.
- Cass. crim., 19 juin 2002, pourvoi n° 01-88256, JurisData n° 2002-015351.
- Cass. crim., 24 mai 2006, Bull. n° 152, AJ pén. 2006, p. 316, obs. C. GIRAULT ; AJ pén.
2006, p. 369, obs. G. ROYER.
- Cass. crim., 17 janv. 2007, Bull. n° 11.
- Cass. crim., 15 janv. 2008, Bull. n° 8, AJ pén. 2008, p. 195, obs. C. SAAS.
- Cass. crim., 12 mai 2009, Di Guiseppe, pourvoi n° 08-85.744.
- Cass. 1ère civ., 24 sept. 2009, UCB Pharma et Novartis Santé Familiale, pourvois n° 08-
10.081 et n° 08-16.305, RTD civ. 2010. 111, note P. JOURDAIN ; D. 2010. 50, note
P. BRUN, et 2672, note I. GELBARD-LE DAUPHIN ; RDSS 2009 p. 1161, note J. PEIGNE ;
RTD com. 2010. 415, note B. BOULOC ; JCP G 2009, n° 44, 381, note S. HOCQUET-
BERG ; RCA 2009, étude 15, par C. RADE.
- Cass. crim., 28 janv. 2010, n° 08-18.837, RCA 2010, n° 80 ; D. 2010 p. 2671, obs.
I. GELBARD-LE DAUPHIN et 2011 p. 39, obs. P. BRUN ; RTD com. 2010. 776, obs.
B. BOULOC.
Juridictions du fond :
CA Grenoble, 22 mars 1929, D. 1930, II, 33, note G. HOLLEAUX.
469
TITRE 2 – L’INFLUENCE DE LA PARTICIPATION A UNE INFRACTION
COLLECTIVE SUR LE REGIME DE LA COACTION
Chapitre 1 – L’influence de la participation à une infraction unique sur le
régime de la coaction
Section 1 – La justification commune de l’infraction
Cour de cassation :
- Cass. crim., 16 févr. 1967, Couzinet, JCP G 1967, II, 15034, note R. COMBALDIEU.
- Cass. crim., 29 mai 1989, Rev. sc. crim. 1990, p. 76, obs. G. LEVASSEUR.
- Cass. crim., 5 janv. 2000, D. 2000, jur. p. 780, note B. DE LAMY.
- Cass. crim., 5 janv. 2000, Bull. n° 3, D. 2000, p. 780, note B. DE LAMY ; Rev. sc. crim.
2000, p. 606, obs. Y. MAYAUD et p. 817, obs. B. BOULOC.
- Cass. crim., 11 juin 2002, Rev. sc. crim. 2002, p. 619, obs. J. FRANCILLON ; Rev. sc. crim.
2002, p. 881, obs. J.-F. RENUCCI ; Rev. sc. crim. 2003, p. 93, obs. B. BOULOC ; D. 2004, p.
317, obs. B. DE LAMY ; JCP G 2002, 2, 10161, note E. DREYER ; Dr. pén. 2002, com. 135,
obs. M. VERON ; Gaz. Pal. 2002, p. 1745, note Y. MONNET.
- Cass. crim., 11 mai 2004, Bull. n° 117, D. 2004, jur. 2327, note H. K. GABA ; Rev. sc. crim.
2004, p. 866.
Juridictions du fond :
- CA Amiens, 22 avr. 1898, S. 1898, 2, note J.-A. ROUX.
- CA Amiens, 22 avr. 1899, S. 1899, 2, 1, note A. ROUX ; DP 1899, 2, p. 329, note
L. JOSSERAND.
- T. Corr. Cherbourg, 6 fév. 1945, S. 1945, 2, p. 81.
Section 2 – L’oubli commun de l’infraction
Cour de cassation :
- Cass. crim., 15 déc. 1929, Bull. n° 342.
- Cass. crim., 10 fév. 1949, JCP G 1949, II, 4857, note J. COSTE ; Rev. sc. crim. 1949,
p. 338, obs. J. MAGNOL.
- Cass. crim., 4 déc. 1952, Bull. n° 294.
- Cass. crim., 23 nov. 1954, Bull. n° 343.
- Cass. crim., 3 fév. 1955, JCP G 1955, II, 8663, note P. CHAMBON.
- Cass. crim., 17 mai 1983, Bull. n° 48.
- Cass. crim., 20 fév. 1985, Bull. n° 83.
- Cass. crim., 8 janv. 1991, Bull. n° 15.
- Civ. 2ème, 22 avr. 1992, Bull. civ. II n° 127, D. 1992, p. 353, note PH. BURGELIN ; Dr.
pén. 1992, p. 226.
470
- Cass. crim., 30 sept. 1992, Bull. n° 300.
- Cass. crim., 27 oct. 1993, Bull. n° 320.
- Cass. crim., 5 juil. 1995, Bull. n° 239.
- Cass. crim., 30 oct. 2002, Bull. n° 224.
Juridictions du fond :
CA Nancy, 24 mai 1950, Gaz. Pal. 1950, 2, p. 236.
Chapitre 2 – L’influence de la participation à sa propre infraction sur le
régime de la coaction
Section 1 – Le domaine matériel de la coaction
Cour de cassation :
- Cass. crim., 29 mars 1827, Bull. n° 66.
- Cass. crim., 2 juin 1832, Bull. n° 200.
- Cass. crim., 26 déc. 1857, Bull. n° 412 ; DP 1858, 1, 143.
- Cass. crim., 6 mars 1862, DP 1862, 1, 77.
- Cass. crim., 23 août 1877, Bull. n° 201.
- Cass. crim., 24 juin 1922, S. 1923, 1, 41, note J.-A. ROUX.
- Cass. crim., 3 mars 1954, JCP G 1954, IV, 53.
- Cass. crim., 16 juin 1955, JCP G 1955.8851, note R. VOUIN ; Rev. sc. crim. 1956 p. 99,
obs. A. LEGAL.
- Cass. crim., 25 oct. 1962, Lacour et Schieb-Benamar ; JCP G 1963, II, 12985, note
R. VOUIN, D. 1963, 221, note P. BOUZAT. ; Rev. sc. crim., 1963, p. 533, obs. A. LEGAL.
- Cass. crim., 3 mai 1966, Bull. n° 127.
- Cass. crim., 4 juin 1986, Lorly, cité in J.-Cl. Pénal Code, Complicité, art. 121-6 et 121-7,
PH. SALVAGE, 2005.
- Cass. crim., 30 avr. 1996, JurisData n° 1996-003834 ; Bull. n° 176; Rev. sc. crim., 1997,
p. 113, obs. J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE.
- Cass. crim., 4 juin 1998, JurisData n° 1998-003410, Dr. pén. 1998, comm. 142, obs. M.
VERON.
- Cass. crim., 26 mai 1999, JurisData n° 1999-002800 ; Bull. n° 103 ; Rev. sc. crim. 2000,
p. 621, obs. J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE.
- Cass. crim., 6 sept. 2000, JurisData n° 2000-006055.
- Cass. crim., 12 janv. 2011, pourvoi n° 10-83180.
471
Section 2 – Les peines de la coaction
Juridictions européennes :
Cour EDH, 24 avr. 1990, Kruslin, n° 11801/85, D. 1990, p. 353, note J. PRADEL ; D. 1990,
p. 187, chron. R. KOERING-JOULIN ; Rev. sc. crim. 1990 p. 615, obs. L.-E. PETTITI ;
RTD civ. 1991, p. 292, obs. J. HAUSER.
Conseil Constitutionnel :
Cons. Constit., déc. n° 2010-39 QPC du 6 oct. 2010, D. 2010, p. 2744, obs.
I. GALLMEISTER, note F. CHENEDE ; D. 2011, p. 529, chron. N. MAZIAU ; AJ famille
2010, p. 487, obs. F. CHENEDE ; AJ famille 2010, p. 489, obs. C. MECARY ; Constitutions
2011, p. 75, obs. P. CHEVALIER ; RTD civ. 2010, p. 776, obs. J. HAUSER ; RTD civ. 2011,
p. 90, obs. P. DEUMIER.
Cour de cassation :
- Cass. crim., 29 nov. 1866, S. 1867, 1, 188.
- Cass. crim., 19 juil. 1895, DP 1900, I, 567.
- Cass. crim., 7 mars 1972, Bull. n° 84.
- Cass. crim., 30 janv. 1979, Bull. n° 44, D. 1979, IR p. 301.
- Cass. crim., 29 juin 2005, Bull. n° 201, Rev. sc. crim. 2005, p. 8669 ; obs. D.-N.
COMMARET, Rev. sc. crim. 2006, p. 619, obs. H. MATSOPOULOU ; RTD com. 2006,
p. 227, obs. B. BOULOC.
- Cass. crim., 21 oct. 2009, pourvoi n° 08-87474, Dr. pén. 2010, comm. 14, note A. MARON
et M. HAAS.
- Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-87651.
- Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-82582, D. 2010, p. 1352 ; D. 2010, p. 2236, point
de vue H. NICO ; RTD civ. 2010, p. 508, note P. DEUMIER.
- Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-83328, D. 2010, p. 1351 ; D. 2010, p. 2236, point
de vue H. NICO.
- Cass. crim., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-87307, D. 2010, p. 2236, point de vue H. NICO.
- Cass. crim., 19 janv. 2011, pourvois n° 10-85305 et 10-85159, D. 2011, p. 447, obs.
S. LAVRIC ; D. 2011, p. 800, note J.-B. PERRIER.
- Cass. crim., 12 sept. 2011, Bull. n° 177.
473
INDEX ALPHABETIQUE
(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)
A
Abstention : 6, 208
- dans l’action : 209
- pure et simple : 210, 294
Abus de faiblesse : 284, 396
Aide et assistance : 10, 56, 188 et s., 489,
526
Amnistie : 399, 463, 466 et s.
- réelle / personnelle : 467
Association de malfaiteurs : 17, 30, 31,
34 et s., 484
Auteur
- direct : 163, 262
- indirect : 262
- juridique : 11, 249, 259
- juxtaposé : 14, 226, 523. V.
également juxtaposition d’actions
- matériel : 12, 13, 23, 122, 125,
232
- médiat : 71, 460
- moral : 12, 114, 115, 122, 232
- principal : 19 et s., 91 et s., 101,
102 et s., 117, 145, 166, 181, 513
Autorisation de la loi : 60, 436, 441
Autorité de la chose jugée
- au criminel sur le civil : 417 et s.
- au criminel sur le criminel : 407
et s.
Autorité de droit / de fait : 525. V.
également subordination de droit / de fait
B
Bande organisée : 17, 30, 39, 44 et s.
C
Causalité
- abstraite : 178, 317
- adéquate : 7, 185, 204, 211, 220,
221, 224, 228, 229
- certaine : 131, 135 et s., 151 et s.,
174 et s., 181 et s., 192, 223, 230,
424
- concrète : 225, 317, 421
- dans la coaction : 174 et s.
(exigence), 217 et s. (intensité)
- dans la complicité : 181 et s.
(exigence), 205 et s. (intensité)
- déterminante : 230
- indirecte : 7, 205 et s.
Chef d’entreprise : 163, 241 et s., 244
et s., 273, 278, 279, 290, 314
Commencement d’exécution : 178, 225,
229, 292 et s., 296, 298, 485 et s.
474
- de l’infraction collective : 293
Communication :
- pénale : 323 et s.
- des circonstances aggravantes :
345 et s.
- des éléments constitutifs : 326
et s.
Complicité
- corespective : 9, 10, 133, 143 et s.,
350, 356
- de complicité : 95, 212 et s.
- de tentative : 105, 198, 481
- dol spécial : 94
- d’une infraction non
intentionnelle : 57, 125 et 126, 163
- l’entente dans la — : 93 et s.
- l’intention dans la — : 54 et s., 56
- par abstention : 122, 208 et s.
- par aide ou assistance : v. aide et
assistance
- par encouragement moral : 206
et s.
- par instigation : 10, 12, 42, 56,
111, 122, 213. V. également auteur
moral
- tentative de — : 212 et s.
Concomitance : 283 et s., 360, 364, 377
Contrainte :
- morale : 62, 64, 65
- physique : 62, 72 et s.
Coresponsables : 15
Criminalité organisée : 18, 30, 47, 49
et s., 499 et s.
Culpabilité :
- causes de non-— : 60 et s.
D
Délégation de pouvoir : 246, 253
Dépendance matérielle : 279 et s.
Dirigeant
- de droit : 245, 276
- de fait : 245, 276
Dol général : 50, 141
Dol spécial : 50, 94, 348
Dommages causés en groupe : 231, 333,
384, 419 et s. V. également imprudence
commune et violences collectives
Droits de la défense : 410, 449, 510, 513
et s.
E
Eléments constitutifs
- emprunt : 323 et s. V. également
communication
Elément injuste : 454 et s.
Elément légal : 448 et s., 456, 466, 467
Emprunt
- de criminalité : 13, 103 et s., 183,
324, 349, 356, 365, 483
- de matérialité : 71, 111 et s., 324,
483
- de pénalité : 103, 104, 143, 145,
147, 324, 350
- des circonstances aggravantes : v.
communication
475
- des éléments constitutifs : v.
communication
Entente
- dans la coaction : 97 et s.
- dans la complicité : 93 et s.
- sur l’acte infractionnel : 121, 124
et s., 132
- sur le résultat infractionnel : 121,
122 et s.
- sur les circonstances aggravantes :
358 et s.
- sur les éléments constitutifs : 327
Erreur
- de droit : 60, 62, 64 et s.
- de fait : 60, 62, 69 et s.
Escroquerie : 95, 116, 238, 282, 287, 291,
302
Etat de nécessité : 60, 251, 437, 442, 445,
449, 454, 459, 460
Exportation illicite de stupéfiants : 114,
115, 452
Excitation à l’imprudence : 163
F
Fait principal punissable : 105, 114, 115,
192, 201, 205, 216, 239, 335, 415, 481
Faits justificatifs :
- conception objective des — : 447
et s.
- conception subjective des — : 439
et s.
- effet erga omnes des — : 451,
455, 459 et 460
- effet in personam des — : 440,
444, 452, 460
- effet in rem des — : 451, 455
Faute
- concurrente : 152, 153 et s.
- conjuguée : 152, 158 et s., 333
- intentionnelle : 122
- juxtaposée : v. juxtaposition
d’actions
- non intentionnelle : v. imprudence
- successive : 152
Faux : 74, 81, 116
Filiale : 266 et s.
G
Groupe de sociétés : 266 et s.
H
Homicide non intentionnel : 105, 133,
452
I
Identité de qualifications : 117 et s., 132
Imprudence
- commune : 151 et s., 231
- consciente : 56, 125, 126
- qualifiée : 163, 299, 303
- simple : 163, 299, 303
Imputabilité : 59
- causes de non-— : 60 et s., 68 et s.
Imputation
476
- présomption d’— : 81, 308, 310,
312
Indépendance morale : 237 et s.
Indivisibilité
- des faits : 132, 138 et s.
- procédurale : 374 et s.
Infraction
- aggravée : 347 et s., 366
- attitrée : 329 et s.
- collective par nature : 30, 32 et s.
- commise collectivement : 30, 44
et s.
- complexe : 287, 336 et s.
- d’habitude : 288, 339 et s.
- non intentionnelle : 57, 71, 163,
179, 258 et s., 299, 421, 445. V.
également imprudence
Instigation : v. instigateur
Intention
- et participation : 54 et s.
Interdépendance :
- et entente : 92 et s.
- et matérialité : 279 et s.
- influence de l’— : 322 et s.
J
Juxtaposition d’actions : 19, 21, 23, 157,
273. V. également auteur juxtaposé
L
Légitime défense : 438, 441, 445, 451,
454, 458 et s.
M
Meurtre : 7, 9, 10, 45, 46, 70, 105, 112
et s.
Minorité : 60, 62, 64 et s.
Mobile : 50
- légitime : 442, 460
N
Négligence : v. imprudence
O
Omission : v. abstention
- infraction de commission par — :
258, 294
Ordre de la loi : 437, 454
P
Participation
- antérieure à l’infraction : 184,
294, 471, 502
- concomitante à l’infraction : 184,
283 et s., 294, 377, 502
- postérieure à l’infraction : 284
Peine justifiée : 9, 506 et s.
Personne morale :
- coaction entre — : 76 et s., 266
et s.
477
- coaction entre une — et une
personne physique : 76 et s., 242,
296 et s.
- conception autonomiste de la — :
79 et s., 296 et s.
- faute diffuse de la — : 79, 82,
275, 306, 310
- organe collectif de la — : 79, 298
- présomption d’imputation à la — :
81 et 82, 308, 310, 312
- responsabilité « par ricochet » de
la — : 77, 78
- volonté propre de la — : 76 et s.
Préposé
- coaction avec le chef
d’entreprise : 247 et s.
- délégataire : 246
- non délégataire : 265, 299
Provocation : 232
R
Recel : 6, 39, 46, 400, 471
Récidive : 354, 356, 359, 361
Réciprocité
- et volonté de s’associer : 96 et s.
Représentation
- et personnes morales : 79 et s.,
297 et s.
- et coaction : 13, 24, 488
Requalification : 512 et s.
Responsabilité « en cascade » : 11
Révision : 414 et s.
S
Salarié : v. préposé
Scène unique de violences : v. violences
Société-mère : 266 et s.
Subordination
- de fait / de droit : 240 et s.
- entre personnes morales : 266 et s.
- entre personnes physiques : 243
et s.
- entre personnes morales et
personnes physiques : 242
T
Tentative : v. commencement d’exécution
- de complicité : 105, 192, 482 et s.
Trouble mental : 60, 62, 64 et s., 111
U
Unité de qualification : v. identité de
qualifications
V
Violation du secret professionnel : 327,
334, 449
Violences
- collectives : 133 et s., 161, 231,
377
- scène unique de — : 133, 134 et
s., 162, 333
Vol : 30, 47, 293
478
Volonté
- de s’associer : 17, 53 et s., 92 et s.
- de la personne morale : 76 et s. V.
également personne morale
479
TABLE DES MATIERES
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS ........................................................................ 7
SOMMAIRE .............................................................................................................................. 9
INTRODUCTION .................................................................................................................. 11
PARTIE 1 – LA NOTION DE COACTION ....................................................................... 35
TITRE 1- UN MODE DE PARTICIPATION A UNE INFRACTION .................................................... 39
Chapitre 1 – Un mode de participation criminelle .......................................................... 41
Section 1 – La pluralité d’intervenants, condition nécessaire de la participation ........ 42
§1- Les infractions collectives par nature..................................................................... 46
A- Identification des infractions collectives par nature............................................ 46
1- Identification positive ...................................................................................... 46
2- Identification négative ..................................................................................... 49
B- L’intérêt limité de la notion de coaction ............................................................. 52
§2- Les infractions commises collectivement .............................................................. 55
A- Identification des infractions commises collectivement. .................................... 55
B- L’intérêt retrouvé de la coaction ......................................................................... 58
1- Un mode de participation de droit commun .................................................... 59
2- L’incrimination d’un mode de participation relevant du droit pénal général .. 60
Section 2 – La volonté de s’associer, condition caractéristique de la participation ..... 62
§1- Le caractère intentionnel de la participation .......................................................... 63
§2 – Les conséquences du caractère intentionnel de la participation ........................... 66
A- La participation des personnes subjectivement irresponsables ........................... 67
1- Participation et causes de non-imputabilité ..................................................... 71
2- Participation et causes de non-culpabilité ........................................................ 74
B- La participation des personnes morales .............................................................. 79
Chapitre 2- Une participation à une infraction unique ................................................... 91
Section 1- L’exigence d’une entente entre coauteurs ................................................... 93
§1- Une nécessaire réciprocité de la volonté de s’associer entre coauteurs ................. 93
A- La complicité indifférente à une entente ............................................................. 94
B- La coaction soumise à une entente ...................................................................... 97
480
§2- Une nécessaire identité de qualifications entre coauteurs ...................................... 99
A- L’éventualité d’une disparité de qualifications entre complice et auteur
principal .................................................................................................................. 100
1- Une disparité inenvisageable selon la théorie de l’emprunt de criminalité ... 100
2- Une disparité envisageable selon les autres conceptions de la complicité .... 104
a) La théorie du délit distinct .......................................................................... 104
b) La théorie de l’emprunt de matérialité ....................................................... 106
B- L’impossibilité d’une disparité de qualifications entre coauteurs ..................... 111
Section 2- L’indifférence à l’objet de l’entente entre coauteurs ................................ 113
§1- Les objets possibles de l’entente .......................................................................... 114
A- L’entente sur le résultat infractionnel ............................................................... 114
B- L’entente sur l’acte infractionnel ...................................................................... 117
§2- Les conséquences de l’indifférence à l’objet de l’entente ................................... 120
A- La coaction envisageable en cas de violences collectives ................................ 122
1- La théorie de la scène unique de violences .................................................... 122
a) Raisonnement retenu .................................................................................. 123
b) Fondement de la solution ........................................................................... 125
α) L’insuffisance de l’indivisibilité ............................................................ 126
β) La nécessité d’une entente ..................................................................... 128
2- Le rejet de la complicité corespective ............................................................ 130
a) Une théorie dépassée .................................................................................. 131
b) Une théorie contestable .............................................................................. 132
α) Critique technique de la théorie ............................................................. 133
β) Absence d’intérêt répressif de la théorie ................................................ 134
B- La coaction envisageable en cas d’imprudence commune ................................ 134
a) Définition ................................................................................................... 136
b) Absence d’entente ...................................................................................... 137
2- Exigence de fautes conjuguées ...................................................................... 138
a) Définition ................................................................................................... 139
b) Exigence supplémentaire d’une entente ..................................................... 141
TITRE 2- UN MODE DE PARTICIPATION A SA PROPRE INFRACTION ........................................ 149
Chapitre 1- Une participation au résultat infractionnel collectif .................................. 153
Section 1- L’exigence d’une contribution causale à l’infraction ............................... 153
§1- L’exigence de causalité en matière de coaction ................................................... 154
481
A- Une exigence empruntée à l’action ................................................................... 154
B- Une exigence adaptée à la coaction .................................................................. 156
§2- L’exigence de causalité en matière de complicité .............................................. 160
A- Une exigence imposée par la cohérence du droit pénal .................................... 161
B- Une exigence confirmée en droit positif ........................................................... 163
1- Une exigence légale ....................................................................................... 163
a) En matière de complicité par aide et assistance ......................................... 163
b) En matière de complicité par instigation ................................................... 164
2- Une exigence jurisprudentielle....................................................................... 166
a) Le refus de sanctionner la participation inutilisée ...................................... 166
b) La recherche d’un encouragement moral ................................................... 168
Section 2- L’intensité de la contribution causale à l’infraction ................................. 173
§1- La complicité satisfaite par une contribution causale indirecte ........................... 173
A- La répression du simple encouragement moral ................................................. 174
B- La répression de la complicité de complicité .................................................... 178
§2- La coaction conditionnée à une contribution causale déterminante .................... 181
A- L’exigence d’une intensité causale ................................................................... 182
B- L’intensité causale exigée ................................................................................. 188
Chapitre 2- Une participation au comportement infractionnel collectif ....................... 197
Section 1- Une indépendance morale entre coauteurs................................................ 198
§1- L’absence de subordination entre personnes physiques au sein de l’entreprise .. 203
A- Détermination du chef d’entreprise ................................................................... 203
B- Détermination des infractions d’entreprise ....................................................... 206
1- L'infraction ordonnée au préposé par le chef d’entreprise ............................. 208
2- L’infraction permise au préposé par le chef d’entreprise .............................. 213
a) L’apparente coaction du chef d’entreprise et de son préposé .................... 213
α) En cas d’infraction non intentionnelle du préposé ................................. 214
β) En cas d’infraction intentionnelle du préposé ........................................ 215
β) L’impossible coaction du chef d’entreprise et de son préposé .............. 216
§2- L’absence de subordination entre personnes morales au sein de l’entreprise ..... 220
A- En matière de pratiques anticoncurrentielles .................................................... 221
B- En matière de droit pénal du travail .................................................................. 225
Section 2- Une dépendance matérielle entre coauteurs .............................................. 230
§1- Définition des actes de coaction .......................................................................... 231
482
A- Des actes d’assistance réciproque ..................................................................... 231
B- Des actes concomitants ..................................................................................... 233
1- Définition de la concomitance ....................................................................... 233
2- Distinction avec la complicité ........................................................................ 237
§2- Transposition à la responsabilité des personnes morales ..................................... 242
A- La responsabilité par représentation de la personne morale ............................. 243
B- La responsabilité directe de la personne morale ............................................... 250
1- Le fondement de la responsabilité directe des personnes morales ................ 250
2- Compatibilité avec la notion de coaction ....................................................... 253
PARTIE 2- LE REGIME DE LA COACTION ................................................................ 265
TITRE 1- L’INFLUENCE DE L’INTERDEPENDANCE ENTRE COAUTEURS SUR LE REGIME DE LA
COACTION ............................................................................................................................ 267
Chapitre 1- Une responsabilité soumise à la communication pénale ............................ 269
Section 1- La communication des éléments constitutifs de l’infraction collective .... 273
§1- Les infractions attitrées ........................................................................................ 274
§2- Les infractions complexes .................................................................................... 282
A- Les infractions complexes stricto sensu ............................................................ 282
B- Les infractions d’habitude ................................................................................. 284
Section 2- La communication des circonstances aggravantes de l’infraction
collective .................................................................................................................... 289
§1- Le principe de communication pénale entre coauteurs ........................................ 290
A- Le mécanisme de la communication ................................................................. 291
B- La distinction avec la complicité ....................................................................... 293
§2- Les conditions de la communication pénale entre coauteurs ............................... 295
A- Les critères envisageables ................................................................................. 295
1- La distinction entre circonstances réelles et personnelles .............................. 295
2- L’étendue de l’entente .................................................................................... 299
B- Le critère retenu ................................................................................................ 302
Chapitre 2- Une procédure soumise à la solidarité entre coauteurs ............................. 309
Section 1- L’indivisibilité entre coauteurs ................................................................. 311
§1- La nécessité d’une indivisibilité entre coauteurs ................................................. 311
A- La connexité envisageable ................................................................................ 312
B- L’indivisibilité préférable .................................................................................. 313
483
1- L’adéquation de la coaction aux définitions classiques de l’indivisibilité .... 315
2- L’adéquation de la coaction aux définitions modernes de l’indivisibilité ..... 317
§2- Les effets de l’indivisibilité entre coauteurs ........................................................ 320
A- Effet principal de l’indivisibilité entre coauteurs .............................................. 320
1- Le conflit entre une juridiction de droit commun et une juridiction
d’exception ......................................................................................................... 321
2- Le conflit entre deux juridictions de droit commun ....................................... 324
B- Effets secondaires de l’indivisibilité entre coauteurs ........................................ 329
1- La prescription de l’action publique .............................................................. 330
2- La solidarité entre coauteurs .......................................................................... 332
Section 2- L’autorité de chose jugée entre coauteurs ................................................. 337
§1- L’autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal ............................................... 337
A- L’absence d’identité de parties en cas de poursuites successives ..................... 339
B- La possibilité d’un recours en révision ............................................................. 342
§2- L’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ................................................. 345
A- L’absence d’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ............................. 345
B- L’exigence d’une autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ..................... 346
1- L’établissement d’une présomption de causalité en matière pénale .............. 347
2- Les conséquences en matière civile ............................................................... 349
TITRE 2- L’INFLUENCE DE LA PARTICIPATION A UNE INFRACTION COLLECTIVE SUR LE REGIME
DE LA COACTION.................................................................................................................. 357
Chapitre 1- L’influence de la participation à une infraction unique sur le régime de la
coaction .......................................................................................................................... 359
Section 1- La justification commune de l’infraction .................................................. 361
§1- Le rejet des conceptions subjectives des faits justificatifs ................................... 362
§2- L’adhésion aux conceptions objectives des faits justificatifs .............................. 366
A- La neutralisation de l’élément légal .................................................................. 367
B- La neutralisation de l’élément injuste .............................................................. 371
Section 2- L’oubli commun de l’infraction ................................................................ 379
§1- L’amnistie commune de l’infraction .................................................................... 380
§2- La prescription commune de l’infraction ............................................................. 383
Chapitre 2- L’influence de la participation à sa propre infraction sur le régime de la
coaction .......................................................................................................................... 389
Section 1- Le domaine matériel de la coaction .......................................................... 391
484
§1- La tentative de coaction ....................................................................................... 391
A- L’absence de répression de la tentative de complicité ...................................... 392
B- La répression envisageable de la tentative de coaction ..................................... 394
§2- La contravention réalisée en coaction .................................................................. 396
Section 2- Les peines de la coaction .......................................................................... 399
§1- L’inutilité de peines autonomes ........................................................................... 400
A- Le caractère inadapté des peines autonomes à la coaction ............................... 400
1- L’absence de peines propres à la coaction dans les systèmes étrangers ........ 400
2- Le risque de confusion avec la criminalité organisée .................................... 404
B- Le caractère superflu des peines autonomes ..................................................... 404
1- Le régime intrinsèquement répressif de la coaction ...................................... 405
2- L’éventualité de peines adaptées à la complicité ........................................... 406
§2- L’inanité de la théorie de la peine justifiée .......................................................... 408
A- Les insuffisances de la théorie .......................................................................... 408
B- L’exigence d’une requalification....................................................................... 412
CONCLUSION GENERALE ............................................................................................. 423
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 431
INDEX DE JURISPRUDENCE ............................................................................................ 455
INDEX ALPHABETIQUE .................................................................................................... 473
485
La coaction en droit pénal
Le coauteur est traditionnellement défini en droit pénal comme l’individu qui, agissant avec
un autre, réunit sur sa tête l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction. Pourtant, il est
permis de douter de la pertinence de cette affirmation tant la jurisprudence comme la doctrine
en dévoient le sens.
En réalité, loin d’être cantonnée à une simple juxtaposition d’actions, la coaction doit être
appréhendée comme un mode à part entière de participation à l’infraction. En effet, elle
apparaît comme un titre d’imputation à mi-chemin entre l’action et la complicité, auxquelles
elle emprunte certains caractères. Autrement dit, elle se révèle être un mode de participation à
sa propre infraction. Surtout, son particularisme est assuré par l’interdépendance unissant les
coauteurs : parce que chacun s’associe à son alter ego, tous sont placés sur un pied d’égalité.
Ces différents éléments, qui se retrouvent dans sa notion et dans son régime, permettent ainsi
d’affirmer la spécificité de la coaction tout en renforçant la cohérence entre les différents
modes de participation criminelle.
Co-perpetration in criminal law
In criminal law, the co-perpetrator is classically presented as an individual who, acting jointly
with another, gathers all the constitutive elements of the offence. However, one may harbor
doubts concerning the relevance of this assertion since both case law and legal scholars
denature its meaning.
Actually, far from being limited to a mere juxtaposition of perpetrations, co-perpetration must
be understood as a full mode of participation in the offence. Indeed, it appears as a form of
imputation halfway between perpetration and complicity, from which it borrows some
characteristics. In other words, it proves to be a mode of participation in one’s own offence.
Above all, its particularism is provided by the interdependence between the co-perpetrators :
because each of them joins forces with his alter ego, all are placed on an equal footing. These
elements, which are found both in it’s concept and in it’s regime, demonstrate thereby the
specificity of co-perpetration while strengthening the coherence of the different modes of
criminal participation.
Mots-clés
Action, aide, autorité, causalité, circonstances aggravantes, chef d’entreprise, chose jugée,
commencement d’exécution, communication pénale, compétence, complicité, connexité,
emprunt de criminalité, entente, faits justificatifs, fautes concurrentes, fautes conjuguées,
filiale, groupe de sociétés, imprudence, imprudence commune, indivisibilité, infraction
collective, instigation, intention, interdépendance, participation, peine justifiée, personne
morale, préposé, résultat, solidarité, subordination, tentative, violences collectives.
Keywords
Perpetration, aiding and abetting, authority, causal link, aggravating circumstances, civilian
superiors, res judicata, initiation of execution, criminal communication, jurisdiction,
complicity, connexity, borrowing of criminality, common plan, justifications, subsidiary,
group of companies, recklessness, collective recklessness, imputability, imputation,
indivisibility, collective offence, instigation, intent, interdependence, participation, justified
sentence, legal persons, agent, accountability consequences of the conduct, solidarity,
subordination , attempt, collective violence.
Institut de sciences criminelles et de la justice – Université Montesquieu Bordeaux IV
4, rue du Maréchal Joffre – 33075 BORDEAUX CEDEX