la conduite du changement pour une meilleure réussite des...

2
29 Éco-Emploi LUNDI 18 MAI 2015 La conduite du changement pour une meilleure réussite des projets L e contexte actuel exige bien des démarches de changement et une gestion efficace de transfor- mations. En effet, ce qui a fonctionné il y a des années pourrait être deve- nu obsolète, d’où l’intérêt de le re- mettre en question pour arriver à tracer de nouveaux contours au phé- nomène du changement et d'en dé- terminer les points forts ainsi que les points faibles. Qu’appelle-t-on d’abord un change- ment ? Quels outils mettre en place pour bien réussir la transformation ? Et enfin qu’entend-on par le change- ment agile ? Pour apporter des réponses clés à ces questions, le cabinet international iCompetences, a organisé, mercredi 13 mai à Marrakech, un séminaire in- ternational sur le thème «Conduite de changement & gestion des transforma- tions». Coanimée par Jean-Marie Peretti, pro- fesseur à l'ESSEC Business School et chercheur en ressources humaines, et David Autissier, consultant en ma- nagement et maître de conférences, cette rencontre a permis d’aborder, Management Il est un défi qui préoccupe l’entreprise et qui doit être parfaitement réussi, ce- lui de la gestion des transformations et de la conduite du changement. Les ou- tils pour mener à bien cet important chantier ont été présentés mercredi dernier lors d’un séminaire international organisé par le cabinet iCompétence. d'une manière avant-gardiste, l'état de l'art de la gestion des transformations. L’idée est de comprendre les enjeux de ce processus et de proposer un conte- nu prospectif sur le changement agile et l'internalisation de la conduite de ce concept. «La conduite du changement est un véritable métier qui nécessite des démarches rigoureuses expérien- tielles qui reposent beaucoup sur la participation et l’implication de tout un chacun à travers des ateliers participatifs», déclare M. Peretti au «Matin Emploi» en marge de cette ren- contre. Et d’ajouter que les échanges d’aujourd’hui avec des responsables impliqués dans les programmes de changement et confrontés à toutes les difficultés d’adaptation permettront de bien faire avancer les choses. Selon cet expert en RH, «il faut que les en- treprises renforcent en interne les ca- pacités à conduire le changement, que le processus de certification de com- pétences s’accélère pour maîtriser de mieux en mieux les transformations de plus en plus rapides». .../... De la conduite du changement au pilotage de la transformation «E n 20 ans, on est passé de la conduite du changement des gros projets informatiques (1985) à la gestion du changement organisation- nel en mobilisant les managers (1995) et en internalisant des équipes (en 2005 : 80% des entreprises du Cac 40 français se sont dotées d’une équipe interne en gestion du changement) à la gestion de la transformation (2015). Avec la gestion de la transformation, on ne vise pas un projet, mais l’ensemble des projets de l’entreprise pour que ceux-ci soient co- hérents avec la stratégie de l’entreprise. Selon Enquête IPsos ESSEC 2012, le nombre de projets structurants a été multiplié par 2,5 en 15 ans. Il faut alors produire et changer en même temps. Les causes sont de différentes origines : technologique, législative, commerciale, mondialisation, concurrence, évolu- tions sociétales, etc. Il y a un risque de saturation du change- ment si on passe plus de temps à opérer le changement qu’à produire. On estime que le temps accordé au changement ne doit pas être supérieur à 1/3 du temps global. Aujourd’hui, le digital oblige les en- treprises à revoir leur technologie, mais surtout leur organisation et les comportements de leurs salariés au travers des usages de la technologie di- gitale. Il faut repenser des processus entiers avec la technologie digitale et celle-ci permet de nouveaux business modèles à inventer. Le digital agit donc comme un accélérateur organisationnel. Dans l’ouvrage “le changement agile”, coécrit avec Moutot (Dunod, 2015), il est montré les limites des approches clas- siques de la conduite du changement qui visent à expliquer de manière rhéto- rique le changement. En recherchant le point de bascule (moment où les personnes prennent conscience de l’importance de changer), l’accompagnement vise à co-construire le changement avec les bénéficiaires et à leur faire vivre des expériences du changement. Pour convaincre une personne des bien- faits du chocolat, mieux vaut le lui faire gouter que lui expliquer la culture ou la matière de ce dernier. D’où l’importance de l’expérientiel.» N.M. Avis de l’expert David Autissier David Autissier, maître de conférences et directeur de la chaire ESSEC du changement.

Upload: others

Post on 02-Aug-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: La conduite du changement pour une meilleure réussite des projetsdavidautissier.com/telechargement/articles/matin_18_5... · 2015-05-28 · Le digital agit donc comme un accélérateur

29Éco-EmploiLUNDI 18 MAI 2015

La conduite du changement pour une meilleure réussite des projets

L e contexte actuel exige bien des démarches de changement et une gestion efficace de transfor-

mations. En effet, ce qui a fonctionné il y a des années pourrait être deve-nu obsolète, d’où l’intérêt de le re-mettre en question pour arriver à tracer de nouveaux contours au phé-nomène du changement et d'en dé-terminer les points forts ainsi que les points faibles. Qu’appelle-t-on d’abord un change-ment ? Quels outils mettre en place pour bien réussir la transformation ? Et enfin qu’entend-on par le change-ment agile ?Pour apporter des réponses clés à ces questions, le cabinet international iCompetences, a organisé, mercredi 13 mai à Marrakech, un séminaire in-ternational sur le thème «Conduite de changement & gestion des transforma-tions». Coanimée par Jean-Marie Peretti, pro-fesseur à l'ESSEC Business School et chercheur en ressources humaines, et David Autissier, consultant en ma-nagement et maître de conférences, cette rencontre a permis d’aborder,

Management

Il est un défi qui préoccupe l’entreprise et qui doit être parfaitement réussi, ce-lui de la gestion des transformations et de la conduite du changement. Les ou-tils pour mener à bien cet important chantier ont été présentés mercredi dernier lors d’un séminaire international organisé par le cabinet iCompétence.

d'une manière avant-gardiste, l'état de l'art de la gestion des transformations. L’idée est de comprendre les enjeux de ce processus et de proposer un conte-nu prospectif sur le changement agile et l'internalisation de la conduite de ce concept.«La conduite du changement est un véritable métier qui nécessite des démarches rigoureuses expérien-tielles qui reposent beaucoup sur la participation et l’implication de tout un chacun à travers des ateliers participatifs», déclare M. Peretti au «Matin Emploi» en marge de cette ren-contre. Et d’ajouter que les échanges d’aujourd’hui avec des responsables impliqués dans les programmes de changement et confrontés à toutes les difficultés d’adaptation permettront de bien faire avancer les choses. Selon cet expert en RH, «il faut que les en-treprises renforcent en interne les ca-pacités à conduire le changement, que le processus de certification de com-pétences s’accélère pour maîtriser de mieux en mieux les transformations de plus en plus rapides».

.../...

De la conduite du changement au pilotage de la transformation

«En 20 ans, on est passé de la conduite du changement des

gros projets informatiques (1985) à la gestion du changement organisation-nel en mobilisant les managers (1995) et en internalisant des équipes (en 2005 : 80% des entreprises du Cac 40 français se sont dotées d’une équipe interne en gestion du changement) à la gestion de la transformation (2015). Avec la gestion de la transformation, on ne vise pas un projet, mais l’ensemble des projets de l’entreprise pour que ceux-ci soient co-hérents avec la stratégie de l’entreprise. Selon Enquête IPsos ESSEC 2012, le nombre de projets structurants a été multiplié par 2,5 en 15 ans. Il faut alors produire et changer en même temps. Les causes sont de différentes origines : technologique, législative, commerciale, mondialisation, concurrence, évolu-tions sociétales, etc. Il y a un risque de saturation du change-ment si on passe plus de temps à opérer le changement qu’à produire. On estime que le temps accordé au changement ne doit pas être supérieur à 1/3 du temps global.

Aujourd’hui, le digital oblige les en-treprises à revoir leur technologie, mais surtout leur organisation et les comportements de leurs salariés au travers des usages de la technologie di-gitale. Il faut repenser des processus entiers avec la technologie digitale et celle-ci permet de nouveaux business modèles à inventer. Le digital agit donc comme un accélérateur organisationnel. Dans l’ouvrage “le changement agile”, coécrit avec Moutot (Dunod, 2015), il est montré les limites des approches clas-siques de la conduite du changement qui visent à expliquer de manière rhéto-rique le changement. En recherchant le point de bascule (moment où les personnes prennent conscience de l’importance de changer), l’accompagnement vise à co-construire le changement avec les bénéficiaires et à leur faire vivre des expériences du changement. Pour convaincre une personne des bien-faits du chocolat, mieux vaut le lui faire gouter que lui expliquer la culture ou la matière de ce dernier. D’où l’importance de l’expérientiel.» N.M.

Avis de l’expert David Autissier

David Autissier, maître de conférences et directeur de la chaire ESSEC du changement.

Page 2: La conduite du changement pour une meilleure réussite des projetsdavidautissier.com/telechargement/articles/matin_18_5... · 2015-05-28 · Le digital agit donc comme un accélérateur

Éco-Emploi30 LUNDI 18 MAI 2015

Jean-Marie Peretti.

«La mondiali-sation,

la concur-rence, les

exigences des clients, les

contraintes du marché…

autant de facteurs qui

incitent aujourd’hui les entreprises au changement.»

«Il y a des méthodes de coconstruction du changement qui améliorent considérablement les résultats»

Éco-Emploi : On parle beaucoup de gestion de transformation dans le secteur RH. Qu’est-ce que cela vous évoque concrètement ?Jean-Marie Peretti : La fonction RH est doublement engagée dans la conduite du changement. D’une part, elle doit réussir sa propre transformation. D’autre part, elle est tenue d’accompa-gner l’ensemble des changements de l’entreprise. Toutes les politiques et pra-tiques RH doivent prendre en compte les changements technologiques (la di-gitalisation transforme profondément les processus RH), les changements liés aux salariés (les attentes et spécificités des générations Y et Z nécessitent un changement des pratiques RH) et enfin les changements de la règlementation. Les DRH doivent être exemplaires dans la conduite des actions de changement au sein de la fonction. Ils sont donc amenés à maîtriser toutes les compé-tences de la conduite du changement.La DRH doit également être capable de

conduire et accompagner tous les projets de changement de l’organisation. Son implication dans toutes les étapes de ce processus est essentielle pour la réussite du changement. De plus en plus, la DRH devient DRHT (Direction des ressources humaines et de la transformation)

Quelles sont les attentes des organisa-tions par rapport à la conduite du changement ?Aujourd’hui, les organisations sont te-nues de réussir de nombreux change-ments pour s’adapter aux transforma-tions du contexte, des marchés et des techniques. Or tous les projets de changement ne sont pas rentables. Ils se heurtent à des résistances et à des freins qui retardent leur mise en œuvre et alourdissent leurs coûts. Elles découvrent que la réussite du changement repose sur la capacité de faire adhérer tous les salariés concernés au projet. Cette adhésion ne peut être obtenue que si la cellule «Conduite du

changement» s’implique tout au long du processus en adoptant les démarches et outils appropriés. Il y a des méthodes de coconstruction du changement qui améliorent considérablement les ré-sultats des actions de changement. Les organisations souhaitent qu’elles soient mises en œuvre.

Comment impliquer les collaborateurs et les managers dans ce processus ?Dès l’élaboration d’un projet de change-ment, il faut s’interroger sur ses consé-quences au niveau de chacun des colla-borateurs et des managers. La création d’ateliers participatifs favo-rise la prise en compte de tous les im-pacts humains du projet, l’identification des résistances possibles et des solutions possibles. Il existe des outils pour impli-quer les salariés et les managers. Il faut les connaître et les utiliser à bon escient. Il est nécessaire de suivre atten-tivement les résultats en termes d’in-formation, de compréhension, d’ad-

hésion et de participation des salariés concernés.

Quelles sont vos recommandations aux décideurs ?«Il vaut mieux penser le changement que de changer le pansement», disait Francis Blanche. Ce conseil reste d’ac-tualité. Tout changement présente des risques humains, peut être source de stress et d’inquiétude qui suscitent des résistances et des coûts. Il faut donc adopter une démarche rigoureuse de conduite du changement qui prenne en compte tous les impacts humains du changement et trouve des solutions optimales. Trouver ces solutions im-plique la participation de chacun des acteurs concernés. Pour y parvenir, il faut disposer en interne de personnes qui maîtrisent les méthodes de conduite du changement. Il existe aujourd’hui des référentiels en la matière qui permettent d’être certifié. n Propos recueillis par N.M.

Entretien avec Jean-Marie Peretti, professeur à l’ESSEC Business School

.../...Changer, pourquoi et comment ?La mondialisation, la concurrence, les exigences des clients, les contraintes du marché… autant de facteurs qui incitent aujourd’hui les entreprises au changement. Objectif, gagner en compétitivité et s’adapter à un marché qui ne cesse d’évoluer. Pour atteindre cet objectif, il convient, selon les analystes économiques, d’identifier les solutions possibles au regard de de l'évolution rapide que connaît actuellement le marché. «Les outils, les méthodes et les ap-proches permettent de réduire le coût des actions de changement, le coût des projets, de gagner en rapidité en effica-cité et en agilité», approuve Jean-Marie Peretti.Pour éviter l’échec, l’initiateur du chan-gement doit respecter certaines étapes. il s’agit, selon David Autissier, de six im-portantes phases :• Les  diagnostics  pour  comprendre  le contexte et évaluer l’importance d’un changement.• Les  ateliers  participatifs  pour  expli-quer et faire participer dans une logique de co-construction.• La  communication  pour  sensibiliser les bénéficiaires et capter leur attention.• La  formation  pour  donner  les  clés d’utilisation et d’évolution de l’objet du changement.•  L’accompagnement  des  bénéficiaires dans la phase de déploiement d’un changement.• Le pilotage du changement pour s’as-surer de la réalisation du changement et ses conséquences humaines et opéra-tionnelles.

Choisir l'agilité pour obtenir de meilleurs résultatsLa conduite du changement devient aujourd’hui un métier et/ou un en-semble de compétences à constituer dans les entreprises, c’est un outil que chaque entité doit utiliser en fonction de son environnement et de ses enjeux. Selon M. Autissier, «Le changement et la transformation sont devenus des objets gestionnaires parce qu’ils conditionnent la performance de l’entreprise. La gestion du changement a ses théo-ries, ses méthodologies et ses outils. Cela devient un métier d’expert et une compétence pour tous les managers».

Aujourd’hui, la rapidité est fort recom-mandée comme le précise le conféren-cier dans sa présentation : une entreprise doit savoir se transformer, mais de ma-nière rapide. Le temps pour opérer les changements a été divisé par 2 en 15 ans en passant de 24 à 12 mois. «Agile» résume la capacité à se transformer et de manière rapide. Pour ce faire, M. Autissier privilégie les ateliers participatifs. À travers cette méthode, les participants vont interagir entre eux et s’exprimer de manière plus libre, mais aussi plus vraie. Ce qui donne plus de lé-gitimité au processus. n

Najat Mouhssine

Vue des travaux du séminaire international organisé par iCompétences sur le thème «Conduite de Changement & Gestion des Transformations».

L’enjeu de la capacité à changerIl faut développer la capacité des organisations à changer :• Au niveau des individus par la culture du «delivery» (de l’action et du résul-tat).• Au niveau organisationnel en ayant des experts internes (intérêt des certi-fications en conduite du changement comme la certification C2C proposée par l’ESSEC).• Au niveau stratégique en ayant des directions de la transformation.

Dernière escale à Casablanca les 28, 29 et 30 mai

L ancée le 5 mars dernier à Agadir, la quatrième édition de la Caravane «Emploi et Métiers», organisée

par AmalJob sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, arrive à son terme les 28, 29 et 30 mai à Casa-blanca pour sa sixième et dernière étape. Après avoir sillonné 5 villes (Agadir, Mar-rakech, Fès, Tanger et Rabat), accueilli près de 20.000 visiteurs, l’escale de Ca-sablanca clôturera cette édition riche en recrutements, conseils et rencontres en tout genre. D’ailleurs, pour cette dernière étape, les organisateurs s’attendent à atteindre un chiffre record de visites, «plus de 8.000 visiteurs sont attendus pour venir se ren-seigner sur le marché de l’emploi, ren-contrer leur futur employeur ou se faire conseiller et assister dans leur vie profes-sionnelle», précisent les organisateurs. C’est d’ailleurs pour pouvoir accueillir ces visiteurs que l’escale de Casablanca a été prolongée d’une journée, soit 3 jours de proximité entre les recruteurs et les demandeurs d’emploi désormais fidèles au rendez-vous. n

Souad Badri

Caravane Emploi et Métiers

Pour pouvoir accueillir les visiteurs, l’escale de Casablanca a été prolongée d’une journée.