la douleur chronique: concepts actuels · 2016. 5. 8. · -vanhalewyn m, cerexhe f. ssmg 2004....
TRANSCRIPT
La douleur chronique: concepts actuels
Dr Schalck CETD Hôpitaux Civils de Colmar
RHAPID 2014
quiz
! Y a t’il un centre de la douleur au niveau cérébral?
! Une douleur inexpliquée c’est dans la tête que ça se passe?
! Imaginer la douleur c’est déjà souffrir?
! Si vous pouviez voir la douleur , est ce que vous la traiteriez autrement?
EPIDEMIOLOGIE
.prévalence des douleurs chroniques en France: 15% dont douleurs graves entraînant de fortes limitations
fonctionnelles: 11% (rachialgies,céphalées,arthralgies) et prévalence chez personnes âgées pouvant dépasser les 50% !! (HAS) Breivik H, Collett B et al. Survey of chronic pain in Europe: prevalence, impact on daily life, and
treatment. Eur J Pain 2006; 10:287-333.
TYPES DE DOULEUR CETD HCC COLMAR
! du rachis : 25% ! articulaires: 12% ! thoraco-abdominales: 3% ! crânio-faciales: 10% ! neuropathiques: 25% ! fibromyalgie: 10% ! psychogènes: 15% dont 10% douleurs cancéreuses
LA DOULEUR PRIORITE DE SANTE PUBLIQUE
- développement de structures de prise en charge de la douleur à partir de 1994 - programmes de lutte contre la douleur (plan Kouchner 1998, 2002 et 2006) - recommandations de l’ANAES puis de l’HAS - création de CLUD, de réseaux douleur - enseignement de la douleur (capacité, DU,…) - sociétés savantes (SFETD, IASP) - associations Alsace: GEDA,ADHA, RHAPID création d’un DES?
-Plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur 2006-2010 : Concernant les soins Concernant les sujets âgés:
• Améliorer le repérage, l’évaluation, le diagnostic et le traitement de la douleur des personnes âgées (objectif n°3)
• Favoriser la qualité de vie des personnes âgées en diminuant le retentissement de la douleur sur la vie quotidienne (objectif n°4)
• Mieux prendre en compte l’accompagnement de la fin de la vie (objectif n°5)
-Orientations 2012 (HCSP) .le programme repose sur quatre axes: améliorer le parcours des soins algiques, soulager la douleur des populations en santé mentale, coordonner les acteurs de la prise en charge des patients algiques et renforcer la recherche clinique, translationnelle et les expérimentations sur la douleur.
LES STRUCTURES DE PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR CHRONIQUE REBELLE (1)
! approche pluridisciplinaire et réévaluation du diagnostic initial
! combinaison de techniques thérapeutiques ! obtention de la confiance du patient, sa coopération, son
adhésion au traitement ! proposition d’objectifs thérapeutiques raisonnables et
cohérents ! prise en compte des répercussions sociales, familiales,..
LES STRUCTURES DE PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR CHRONIQUE REBELLE (2)
! 2 types de structures sont distinguées : -la consultation pluridisciplinaire -le centre d’évaluation et de traitement de la douleur ! 50% à 60% de bons résultats, mais: -problème des douleurs neuropathiques -problème des douleurs cancéreuses rebelles -problème des syndromes douloureux chroniques et leurs
conséquences
Bilan douleur national 2013 et dimensions sociales:
! UTILITE DES CENTRES DE LA DOULEUR - 252 structures en France - file active en 2009: 190762 (nx patients 93757, 412681 C) ! DIMENSIONS SOCIALES DE LA DOULEUR CHRONIQUE : -socio-économique: précarité, reclassement professionnel,.. -socio-médicale: interaction avec les organismes de Sécurité sociale (litige, revendications, recherche de bénéfices secondaires,..) -socio-morale: effet des représentations culturelles . douleur non explicable=douleur imaginaire ? . patient=coupable potentiel ou victime ?
DOULEUR : DÉFINITION
DESCARTES : Ni plus ni moins un système d’ALARME dont la seule fonction est de signaler une lésion corporelle
IASP : Expérience SENSORIELLE et ÉMOTIONNELLE liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle
-Vanhalewyn M, Cerexhe F. SSMG 2004. -Serrie A, Thurel C. In La douleur en pratique quotidienne. Diagnostic et traitements. Ed Arnette 2002. pp.34-35. -Cudennec T. La douleur et sa prise en charge chez le sujet âgé. Successful Aging 2002. -Cofer. Item 65. Bases neurophysiologiques et évaluation d’une douleur aiguë et chronique.
� Douleur aiguë
¾ Monofactorielle ¾ Récente, transitoire ¾ Rôle d’alarme (utile) ¾ Symptôme ¾ Génératrice d’anxiété ¾ Comportement
réactionnel ¾ Traitement curatif
� Douleur chronique ¾ Multifactorielle ¾ Ancienne (> 6 mois) ¾ Destructrice (inutile) ¾ Syndrome - Maladie ¾ Peut conduire à la
dépression ¾ Comportement acquis ¾ Traitement pluriel
(somatique, psychique et social)
Comparaison douleur aigue/chronique
Différents types de classifications
! Selon le mécanisme physiopathologique ! Douleur nociceptive (somatique ou viscérale) ! Douleur neuropathique (périphérique ou centrale) ! Douleur dysfonctionnelle ? ! Douleur psychogène
! Selon la durée ! Douleur aiguë ! Douleur chronique
! Selon la pathologie ! Douleurs du cancer ! Douleurs non cancéreuses
Douleur par excès de nociception: définition
� Message douloureux dans un système nerveux intact
� Activation du système de transmission des messages nociceptifs, avec stimulation excessive des récepteurs périphériques.
� Mis en jeu par des processus lésionnels, inflammatoires, ischémiques ou mécaniques.
� Origine cancéreuse ou non cancéreuse.
Transduction de l’information nociceptive Julius et Basbaum Nature 2002
Douleurs neuropathiques: définition
- Les douleurs neuropathiques sont liées à une atteinte lésionnelle du système nerveux périphérique ou central : .donc non fondées sur l’étiologie mais sur le mécanisme
.c’est la transmission de l’information qui est perturbée,son intégration,sa genèse même.
Données électro-physiologiques: douleurs neuropathiques
-activités ectopiques: en cas de démyélinisation,de bourgeons de régénération(névromes)
-atteintes des fibres de petit calibre (PNP, FM…) .d’où hyperactivité neuronale (hyperexitabilité membranaire)
NMDA
sensibilisation centrale .se traduit par l’hyperalgésie et/ou l’allodynie exprimant
l’hyperexitabilité neuronale .consécutive:- à des stimulations nociceptives intenses,
prolongées, répétitives(wind-up) -activation du NMDA par glutamate… -défaut des systèmes inhibiteurs .neuroplasticité: différents circuits se mettent en place, le cortex
sensori-moteur se réorganise, rôle des cellules gliales
(mal-adaptation)
Sensibilisation expérimentale
Toute « sollicitation » soutenue des nocicepteurs entraîne une sensibilisation périphérique (hyperalgésie primaire) et centrale (hyperalgésie secondaire), cette dernière étant impliquée dans la « mémoire » et la pérennisation des douleurs
Sujet normal IRM fonctionnelle Sensibilisation capsaïcine
Aires concernées par la sensibilisation: CI antérieur CpréF dorsolatéral, Thalamus médian, Noyau cunéiforme et SGPA (vers NRM)
Dorsal horn plasticity and Neuron-Microglia
In Pain 2012 Refrescher courses 14th World Congress on Pain
Les moyens d’étude au niveau cérébral Imagerie fonctionnelle --Tomographie par émission de positons (TEP ou Pet scan) Mesure la distribution de traceurs radioactifs (glucose, eau, récepteurs…)
- Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) Mesure les variations de l’oxygénation sanguine cérébrale et indirectement le DSc Peyron et al. 2004
Électrophysiologie non invasive - Electroencéphalographie et potentiels évoqués (EEG) Mesure des champs électriques à la surface du scalp et estimation de la localisation des sources intra-cérébrales - Magnétoencéphalographie (MEG) Mesure des champs magnétiques à la surface du scalp et estimation de la localisation des sources intra-cérébrales
Électrophysiologie invasive - Enregistrements intra-corticaux chez l’Homme
Par grid Par électrodes implantées
-
-
F Mauguière, ib.
IRM: anatomie IRMf: fonctions cérébrales
IRM vs IRM fonctionnelle
IRM vs IRMf
IRM IRMf
Plusieurs images fonc0onnelles basse résolu0on
(par 2 sec pour 5 min)
Une image anatomique haute résolu0on
(1 mm)
Analyse sta0s0que des varia0ons dans la zone étudiée, et « surimpression » sur l’image anatomique
L’image finale suppose d’avoir éliminé les artéfacts vasculaires Les couleurs dépendent du degré de variation d’activité
Structures centrales concernées par la douleur
INSULA
SII Cortex insulaire difficile d’accès, enfoui sous les opercules
pariétaux et temporaux
Singe et Homme: limite SII / Insula reste floue d’un point de vue anatomique et cytoarchitectonique
Anatomie de l’aire somesthésique secondaire S2 et de l’insula: cortex operculo-insulaire Reil, 1905
F Mauguière, ib.
Toutes les études d’imagerie montrent une activation bilatérale de l’Insula par la douleur
Kurth Brain Struct & Funct 2010
Mazzola et al. 2012
Cortex operculo-insulaire: zone d’intégration des informations
nociceptives - La partie postérieure de S2 (aire OP1) controlatéral réagit à toutes les stimulations - Un mouvement passif de doigt (proprioception) active bilatéralement la partie postérieure de S2 (partie de OP1), et la partie médiane du CI controlatéral (PreCG et MSG) - Le froid non douloureux active la partie postérolatérale de S2, et les parties postérieures et médianes du CI (OP2, PostCG) - Un stimulus douloureux active largement S2 (OP1, OP4) en bilatéral, et toutes les parties du CI controlatéral (sauf OP2), ainsi que la partie antérieure du CI ipsilatéral (PreCG, MSG, ASG) - La douleur active spécifiquement la partie granulaire (Ig) postérieure du CI controlatéral ainsi que, bilatéralement, la partie antérieure de S2 (OP4), aires qui sont probablement concernées par l’aspect sensoridiscriminatif de la douleur thermique
L’activation de l’aire SII couplée à celle de l’Insula permet le codage de l’intensité et la localisation du stimulus
LA MODULATION DE LA DOULEUR PAR LE CONTEXTE ET LES CONTRÔLES DESCENDANTS: CCA, CPF,
thalamus, S1
! Attention ! Émotion ! Anticipation ! Suggestion ! Méditation ! Imagerie mentale
Empathie
Visualisation de situations avec ou sans douleur par des sujets sains
La soustraction des activités notées dans les deux cas de figure révèle que « l’empathie » active: - CI antérieur - CCA - Thalamus médian Donc les « aires affectives » des douleurs
Lombalgie chronique: rôle de l’affect
Les lombalgiques contrairement ,aux témoins, activent les aires affectives de la douleur (CI, CCP, Th, AMS, gyrus frontal), rien qu’à la visualisation des images
L’hypnose modifie plus le ressenti que la sensation
Variation de l’aspect « intensité » Plus ou moins chaud… → peu de changements en SI
Variation de l’aspect désagrément Plus ou moins mal… → Modifications nettes du CCA
Variations non liées
Hypnose et imagerie; Rainville & al
Yoga
Modulations de la douleur par l’imagerie mentale
Chacune des composantes a été étudiée avec une différence d’intensité thermique suffisante pour générer une douleur. C’est ce dénominateur commun correspondant à l’aspect discriminatif de la douleur qui constitue le “noyau” de ce qu’il est convenu d’appeler la “matrice” de la douleur et qui concerne le cortex operculo-insulaire des deux côtés.
R.Peyron
L’imagerie fonctionnelle de la douleur : de la réponse somatique à l’émotion
Bull. Acad. Natle Méd., 2013, 197, nos 4-5, 831-846, séance du 16 avril Bernard LAURENT
Représentation schématique de la matrice douleur et des 3 niveaux d’intégration.
Distribution des récepteurs opiacés avec la 11C-diprénorphine marquée chez 15 sujets normaux (CERMEP, Maarrawi et al 2007) : la distribution se fait dans la matrice secondaire et surtout tertiaire et non pas dans la matrice primaire ; les cortex de contrôle de la douleur sont fronto-cingulaire antérieurs : cortex périgénual et orbitofrontal.
• Composante sensori-discriminative – Codage spatial: aires SI & SII, thalamus postéro-latéral – Codage de l’intensité: Cortex operculo-insulaire, thalamus ventral
postérieur • Composante attentionnelle & motrice
– Gyrus Cingulaire antérieur, thalamus médian • Composante émotionnelle et comportementale
– Gyrus Cingulaire antérieur, Cortex mésio-frontal et orbito-frontal
• Concept de matrice corticale de la Douleur ( Pain Matrix)
Le syndrome douloureux chronique
Cortical representation of pain in primary sensory-motor areas (S1/M1) - a study using intracortical recordings in humans.
M Frot, M Magnin, F Mauguière, L Garcia-Larrea.
Hum Brain Mapp, 2013, 34(10):2655-68
Allodynie dans les douleurs neuropathiques PET & IRM chez des patients ayant des lésions nerveuses périphériques des membres, et souffrant d’allodynie mécanique
Par rapport au côté sain, l’allodynie s’accompagne d’une réponse accrue dans: - Cervelet ipsilatéral (il) - Cortex orbitofrontal (cl) - Cortex insulaire (il) - et d’une absence de réponse en SI
Diminution de la substance grise cérébrale dans la douleur chronique ?
En rouge: lombosciatalgie chronique En jaune: SDRC En bleu: ostéoarthrite
Aires qui sont particulièrement affectées par les douleurs de très longue durée > 5 ans; S1, Aire motrice, et insula
Traitement
! Médicaments ! Topiques ! Techniques analgésiques ! Neuromodulation ! Physiothérapies ! Psychothérapies
AINS et douleurs articulaires
12 heures après arrêt AINS 12 heures après introduction AINS
Patient ayant une arthrite aiguë du genou
Effets SCP sur activité neuronale
- 9 patients recevant SCP pour DL neuropathiques diverses - PET Scan cérébral : .SCP accroît débit dans Th (cl), dans aires pariétales bilatérales, et dans CCA .ainsi que dans CPFDL, CPFM (il)
TENS CETD
Acupuncture
L’électroacupuncture active de multiples aires cérébrales dont celles du traitement de la nociception
La réponse diffère selon les points stimulés
Psychothérapies ! Psychothérapies analytiques ! Thérapies cognitives : -de distraction -de restructuration: .relaxation .hypnose .sophrologie
13
Inhibition descendante: • Analgésie sérotoninergique • Analgésie opiacée • Analgésie placebo • Modulation par l’attention • Modulation par l’hypnose
• Effet hyperalgésique des émotions négatives ( lien avec les somatisations douloureuses dans la dépression ?)
• Hypervigilance
• …
Facilitation ou désinhibition descendante:
Rétrocontrôles de la douleur
CETD Colmar: Prise en charge pluridisciplinaire
! algologues (anesthésistes, capacité douleur) ! neurologue ! neurochirurgien ! psychiatre ! psychologue ! acupuncteur ! sophrologue ! infirmières (DU douleur) ! secrétaires
STAFF
Particularités thérapeutiques du CETD Colmar:
! protocole kétamine ! protocole Qutenza ! neuromodulation: Tens, NSM ! remplissage pompes morphine/Prialt IR ! groupe psycho-éducationnel de parole ! sophrologie ! hypnose ériksonienne ! acupuncture
Conclusions ! Meilleure compréhension de la DC: modification de la connectivité
entre la matrice primaire de réception et les zones d’intégration ex: -hyperactivité dans la fibromyalgie à la stimulation cutanée -réponses proportionnelles au niveau de catastrophisme (lombalgie) ! Hypodébit thalamique dans les douleurs neuropathiques réversibles
par la stimulation corticale ! « Pain changes the brain » dans les troubles somatoformes comme
dans la lombalgie chronique (modifications structurelles) ! Activation des mêmes zones sensibles aux opiacés avec le placebo ! La rTMS agit sur les contôles inhibiteurs descendants importance +++ du CCA dans le contrôle endogène de la douleur
Conclusions: la douleur chronique, une maladie chronique .en fonction de l’étiologie somatique et/ou psychique .en fonction des données nouvelles des neuro-sciences, de la
génétique; la neuro-inflammation et/ou la neuro-dégénérescence sont responsables de réponses inadaptées avec une altération profonde des systèmes cérébraux. Dès lors, la douleur chronique peut être considérée comme une maladie du système nerveux avec toutes ses conséquences !!
Borsook, Neurological diseases and pain, Brain, 2012