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HAL Id: hal-01551272 https://hal-univ-paris10.archives-ouvertes.fr/hal-01551272 Submitted on 1 Aug 2017 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La fonction du thumos dans la République de Platon Olivier Renaut To cite this version: Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la République de Platon. Notomi, Noburu; Brisson, Luc. Dialogues on Plato’s Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013, 978-3-89665-538-7. <http://www.academia-verlag.de/titel/69538.htm>. <hal-01551272>

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    Submitted on 1 Aug 2017

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

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    La fonction du thumos dans la Rpublique de PlatonOlivier Renaut

    To cite this version:Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu; Brisson,Luc. Dialogues on Platos Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013, 978-3-89665-538-7..

    https://hal-univ-paris10.archives-ouvertes.fr/hal-01551272https://hal.archives-ouvertes.fr

  • Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu and Brisson, Luc. Dialogues on Plato's Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013.

    La fonction du thumos dans la Rpublique1

    Olivier Renaut Universit Paris Ouest Nanterre-La Dfense

    La fonction de la partie intermdiaire de lme, le , est difficilement dfinissable. Tout dabord, cette fonction constitue une nouveaut dans la psychologie platonicienne, et semble irrmdiablement lie un certain usage de lanalogie de lme et de la cit. F. M. Cornford notait dj que le platonicien est le point faible de lanalogie : fonction psychologique ad hoc invente pour respecter lisomorphisme entre lme et la cit, le renvoie cependant un phnomne dintriorisation des valeurs sociales, que dnote lide du respect de soi (Self Respect), liant au-del de lanalogie le psychologique et le politique2. Par ailleurs, il est difficile de se reprsenter les fonctions du indpendamment de celles de la raison et du dsir. Interm-diaire, le semble partager sans pourtant en tre la source la fonction cognitive de la raison et le caractre spontan et violent du dsir3. Lhypothse prsente ici consiste faire de ces deux difficults la source dune solution : le est pens par Platon comme ce par quoi la psyche individuelle est relie une communaut de valeurs, es-sentiellement politique, et rciproquement ce par quoi la cit peut constituer un modle dintelligibilit de lme humaine. Lobjectif de Platon est dutiliser lnergie contenue dans cette puissance psychique en neutralisant lidologie de lhonneur que vhicule ce terme hrit dHomre, et en tablissant une nouvelle thorie de la valeur4. Dans la R-publique, Platon fait du une fonction psychique de valorisation, cest--dire ce par quoi lindividu social est affect et est capable dagir en fonction de certaines va-leurs pralablement dfinies. En essayant de donner au une certaine consistance relativement la fonction qui lui est dvolue au livre IV, on peut esprer montrer que la thorie de la tripartition de lme dans la Rpublique nest pas simplement une thorie psychologique, mais un instrument le lecture et danalyse visant la rforme de la cit, en utilisant le comme un levier psychologique puissant.

    Le comme intermdiaire entre raison et dsir

    Au livre IV de la Rpublique, aprs avoir distingu la fonction dsirante de la fonction rationnelle, Socrate se propose de dfinir un intermdiaire, le , dont il demande dabord Glaucon sil constitue un troisime principe ou seulement une espce parente des deux autres (439d4-e4). Les actions et affections subsumes sous le verbe peuvent-elles ou non constituer un ensemble autonome, non rductible

    -------------------------------------------- 1 Cette communication reprend certaines analyses menes dans ma thse de doctorat, Renaut (2007a). 2 Cornford (1912, p. 262-265), voir galement Vegetti (1998, p. 40-41) qui dcle dans lanalogie de lme et de la cit trois glissements dont deux tournent autour de la notion de . 3 Penner (1971). 4 Comme la montr Wersinger (2001, ch. VII), Platon prsente dans la Rpublique deux modles psychologiques distincts : un modle psychologique homrique fond sur le archaque (notamment au livre III) et une psycho-logie rotique qui transfigure le sens et la fonction du homrique.

  • Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu and Brisson, Luc. Dialogues on Plato's Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013. dune part lactivit cognitive de la partie rationnelle, et distinct dautre part de la force irrationnelle du dsir ? La dmonstration comprend deux tapes. La premire consiste diffrencier le de la fonction dsirante et commence avec lanecdote de Lontios (439e6-440a3). Lontios exprimente deux tendances contradic-toires : le plaisir de regarder les cadavres et laversion que lui procure un tel plaisir. Socrate peut ensuite interprter le rcit de Lontios en opposant deux types de ractions contradictoires : prendre du plaisir au spectacle des cadavres, et ressentir de la colre loccasion de ce mme plaisir.

    Eh bien, dis-je, ce rcit signifie que la colre fait parfois la guerre aux dsirs, comme une chose une autre chose ( ). (440a5-6)

    On aurait cependant tort ce moment de la dmonstration dopposer comme synonyme de aux comme synonyme de , et de parvenir dj la conclusion que les termes voqus ici sont les fonctions quil faut diffrencier. En effet, la capacit de la colre contrecarrer les dsirs se comprend, selon Socrate, travers lopposition plus fondamentale entre la raison et le dsir :

    Et dans bien dautres situations, dis-je, ne sommes-nous pas amens constater que, lors-que des dsirs font violence quelquun contre un raisonnement ( ), il se rprimande lui-mme et il semporte contre ce qui en lui-mme lui fait violence ( ), et que, comme sil y avait une dissension interne entre deux partis, lardeur dun tel homme devient lalli de la raison ( ) ? Mais que lardeur sassocie avec les dsirs alors que la raison prend le parti quil ne faut pas quil sy oppose ( , ), je pense que tu naffirmeras pas avoir senti ce ph-nomne se produire, ni mme je crois, chez quelquun dautre. (440a8-b7)

    Lexplication de Socrate fait donc intervenir les deux premires fonctions : la raison dune part, et la fonction dsirante qui se caractrise par sa violence et sa spontanit. La fonction du est comprise travers un conflit qui oppose structurellement rai-son et dsir, et non pas, comme auraient pu le faire penser les lignes prcdentes, entre et dsir. La diffrence entre raison et dsir persiste donc jusque dans les conflits o la raison parat absente. De mme, lexemple de lhonnte homme montre son tour que le constitue lensemble des motions affrentes une pense de lordre dun raisonnement ou dune opinion, en relation avec des dsirs (440c1-d3). Encore une fois, la distinction entre raison et dsir est premire et dtermine la sphre dactivit du en la dclinant selon les modalits du type dmotion ressentie (endurance, co-lre), de lintensit et de lintentionnalit (contre quoi ou contre qui sadresse lmotion en question). Mais la diffrence de lexemple de Lontios, lhonnte homme sait en-durer la douleur que produisent le drangement dun tat corporel et les dsirs qui sy associent. Le est alors compris comme une force capable daller contre-courant de ce quindiquent plaisir et douleur. Enfin, le est une manire de se rapporter non pas un dsir mais un raisonnement ou une opinion : contre celui que lon croit juste il nest point de ressentiment possible et rciproquement lardeur au combat est dautant plus intense quelle est guide par la croyance que la cause que lon dfend est juste. La seconde tape de la dmonstration consiste tablir une diffrence entre raison et . Par contraste avec les exemples prcdents, le prsente donc des propri-ts qui sont proches de celles de la fonction dsirante.

  • Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu and Brisson, Luc. Dialogues on Plato's Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013. Glaucon propose un premier argument qui consiste isoler certaines manifestations motives chez des agents rputs dpourvus de raison, les enfants et les animaux, tout en considrant demble quelles ne sont pas des manations de la fonction dsirante.

    GLAUCON : Mais il nest pas difficile de le montrer, dit-il. On peut mme observer cela chez les enfants : ds la naissance, ils sont remplis dardeur ( ), mais pour ce qui est du raisonnement (), certains ne me semblent ja-mais capables dy prtendre, et la plupart ny accdent que trs tard. (441a7-b1)

    Cette seconde tape semble diffrencier nettement le de la partie rationnelle, dans la mesure o on le trouve chez les enfants et les animaux qui ne possdent pas, ou pas encore, la raison. Il suffirait ainsi, pour prouver lautonomie du dappliquer le principe du tiers exclus, et de maintenir le contraste entre le et le dsir prc-demment mis en vidence dans lexemple de Lontios et de lhonnte homme. Cepen-dant, selon Glaucon, le nest pas cette ardeur seulement brutale qui pourrait lapparenter la fonction dsirante : il sagit plutt dune disposition qui appelle la n-cessit de la raison qui la canaliserait. Lexemple de lenfant nest employ que pour souligner la ncessit dune ducation capable de limiter les excs du . Socrate confirme largument en recourant un autre exemple de conflit psychique cette fois, celui dUlysse (441b3-c2). La rponse de Socrate semble en apparence dmentir cette hypothse : les animaux sont des , sont dpourvus de raison, et il semble donc impossible dattribuer certaines de leurs actions une quelconque puissance co-gnitive. En labsence de raison, mme embryonnaire, comment en effet reconnatre chez eux ce qui chez lhomme est une puissance par dfinition intermdiaire ? On ne doit pourtant pas se fier cette apparente simplicit de largument. Ce problme dun cou-rage des animaux, dj voqu dans un passage du Lachs (196e1-9), trouve une solu-tion en supposant quil existe une rationalit extrinsque aux animaux. Les chiens de garde, mais aussi les chevaux possdent un dans la mesure o on leur attribue par anthropomorphisme la qualit de courage et dardeur quon attend chez les auxi-liaires duqus ; inversement, ce devient celui dun lion lorsque cette mme ar-deur chez un homme ctoie la sauvagerie et la bestialit. De la mme manire, lexemple dUlysse ne doit pas tre compris comme une opposition entre un raisonne-ment et une force compltement dpourvue de rationalit, une colre bestiale. En effet, replace dans son contexte, la citation dHomre explique comment le dsir de ven-geance inspir par le spectacle dune injustice peut prendre deux voies : lune imm-diate et pulsionnelle, lautre diffre par lexercice de la raison et du calcul ; mais dans lun ou lautre cas, le dsir de vengeance procde dun jugement de valeur sur linjustice. Concluons largument. Le constitue un intermdiaire entre raison et dsir au sens o il dsigne lensemble des actions, dispositions et motions qui apparaissent irrduc-tibles lune ou lautre de ces fonctions. Le ne peut se rduire la fonction dsirante du fait quun jugement prside son action, ni la fonction rationnelle seule capable de rflchir sur ses propres jugements ; mais ce nest que par les ples de la raison et du dsir que lon peut cerner cette notion dintermdiaire. Les frontires des actions du sont donc floues et sa dfinition est laisse dlibrment vague. Cette conclusion pourrait passer pour dcevante : dabord, il semble quil faille renoncer vouloir dfinir le indpendamment des concepts de raison et de dsir qui le d-terminent. T. Penner a trouv ici une brche dans largumentation en niant une quel-conque autonomie conceptuelle au 5. Selon ce dernier, ce qui parat tre un m--------------------------------------------- 5 Penner (1971, section V, p. 111-113).

  • Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu and Brisson, Luc. Dialogues on Plato's Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013. lange de jugement et de force doit en ralit tre rductible aux deux fonctions princi-pales que sont la raison et le dsir. Or, et contrairement ce que soutient T. Penner, Platon nentend pas dfinir le concept de autrement que comme une fonction ambivalente. Si le nest pas dfinissable de manire cohrente du point de vue logique, il ne laisse pas dtre parfaitement central dans laction6. En dautres termes, le comme fonction nest pas ncessairement autonome comme principe daction et de passion, mais constitue un moi travers lequel le dialogue entre rai-son et dsir devient possible et susceptible de reprsentation7. Sur la base de quelle considration psychologique doit-on poser lexistence dun inter-mdiaire entre raison et dsir, si prcisment sa puissance est toujours comprise par dtermination des deux autres ples ? La question en effet est de savoir si lon peut d-crire dun mot lactivit du dans lme. Quel nom peut recouvrir les diffrentes affections et ractions du , savoir la colre et ses varits (indignation, ressen-timent), mais aussi la retenue ()8, et dautres tats psychiques complexes comme la hardiesse, la confiance ou lesprance, une certaine forme de bienveillance amicale ou mme damour, ou encore la jalousie et lenvie ? En dautres termes, quel est son objet ? Alors que la fonction dsirante est dfinie par son objet dapplication la faim, la soif et les dsirs sexuels, ainsi que la fonction rationnelle la connaissance, lobjet propre du nest pas nomm au livre IV bien quil soit implicitement sug-gr. Cependant, il existe bien un objet propre au , la , cest--dire lhonneur ou lestime, dont le statut ontologique est rendu complexe par le type dopration psy-chique et politique qui le fait exister.

    comme fonction de valorisation

    Si le est un mode naturel dtre affect par une situation donne, il est aussi une capacit ractive et rflexive, ce qui le diffrencie de la fonction dsirante qui livre lindividu la passivit et linconscience du plaisir et de la douleur. Le se dis-tingue de la fonction dsirante en ce quil est capable de contrecarrer la disposition de lagent envers ce quil peroit comme du plaisir ou de la douleur. Le peut donc briser la chane immanente qui lie le dsir avec lobjet dsir. Dans lanecdote de Lon-tios, on doit mentionner au moins trois motions ressenties : un mlange morbide de plaisir et de dgot devant le spectacle des cadavres ; la honte de Lontios devant son propre dsir quil met en scne en se voilant le visage ; et enfin la colre quil prouve vis--vis de lui-mme lorsquil cde son propre dsir. La premire motion, le dsir morbide, relve de la fonction dsirante. Le plaisir pris par Lontios voir les cadavres et son dgot relativement au mme spectacle ne sont opposs quen apparence. En revanche, on peut affirmer que la honte quil prouve au dpart puis sa colre sont deux motions, lune inhibitrice et lautre agressive, qui relvent de son . La diffrence

    -------------------------------------------- 6 LAthnien au livre IX des Lois le concde : le peut bien constituer un principe daction, un ple motiva-tionnel comparable au dsir, il nen demeure pas moins une zone vague entre deux frontires : Il ne semble pas vrai que dans tous les cas, une frontire touche une frontire ( ) ; il y a au contraire des cas o il existe une zone frontalire () qui, entre deux frontires savance vers lune et lautre et qui se trouve dans une position intermdiaire entre les deux ( ). Et tout naturellement, cest en ce sens aussi que nous avons parl des crimes commis sous lemprise de la colre ( ) comme de quelque chose dintermdiaire entre les crimes commis de plein gr et ceux qui ne le sont pas ( ). Lois, 878b4-8 (trad. L. Brisson et J.-F. Pradeau modifie). 7 En ce sens, Platon utilise un hritage complexe qui fait du un terme central dans le processus de dlibration. Voir Pelliccia (1995) et Gill (1996). 8 Sur cette notion en relation avec le , voir Cairns (1993, p. 381-389).

  • Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu and Brisson, Luc. Dialogues on Plato's Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013. dobjet est nette : tandis que le plaisir et/ou la douleur sont des affections simples qui nengagent lindividu que par rapport lobjet quil dsire, les affections du concernent toujours dj des relations rflexives, un certain rapport soi, mdiatis par le regard dautrui. En dautres termes, la fonction dsirante rend lindividu sensible au plaisir et la douleur, tandis que le le rend sensible au rapport que lindividu entretient avec sa fonction dsirante. Le est donc le sige non pas seulement dmotions immdiates, mais aussi de dispositions psychiques morales comme la r-serve ou lirritabilit, capables de contrecarrer la tendance naturelle de lindividu re-chercher plaisir et peine, et mme endurer ce quil pourrait considrer comme un plai-sir ou une douleur rels. De quel type dopration le est-il alors capable ? On peut appeler valorisation le processus psychique qui consiste tre affect par une situation donne qui est inter-prte comme mettant en jeu une certaine valeur. Ainsi, un premier sens du terme est la valeur affecte un objet. Ce sens opratoire de la se trouve dans de nombreuses comparaisons qui mettent en balance des valeurs traditionnelles avec les vraies valeurs que dfendent les philosophes : La justice a plus de valeur () que lor (336e8) ; les philosophes nestiment pas une Forme ou un objet dtude selon sa valeur , petite ou grande ( ), contrairement aux philotimes ou aux tres rotiques (485b6-8) ; la nature du bien doit tre quelque chose dencore plus prcieux ( ) (509a4-5) ; lme a plus de valeur () que le corps (591b4 et b7) ; le respect () dun homme ne doit pas passer avant le respect pour la vrit (595c2-3). De quels critres dispose-t-on pour reconnatre quune valeur est vritablement consa-cre par lindividu qui lestime ? Ce sont en premier lieu les actions commises et les affections exprimentes par lindividu qui tmoignent de lenracinement psycholo-gique de cette valeur. Comme en tmoignent les exemples du livre IV, le dsigne la fonction psychique par laquelle un objet est investi dune valeur, ce que lon recon-nat par certains comportements ou par lexpression de certaines motions. On semporte, on est indign, on a honte, ou on met toute son ardeur faire quelque chose, du fait quune valeur est bafoue ou inversement dfendue. Ces comportements font exister les valeurs en tant que telles, car ces dernires ne prennent sens que dans la me-sure o lindividu se sent profondment impliqu dans le systme de valeurs quil ac-cepte et est prt dfendre.

    Fonction de valorisation et fonction dsirante

    On reconnat donc une valeur aux comportements que lindividu choisit pour la d-fendre. Mais ces comportements nexpliquent ni lorigine ni mme la justesse de ces valeurs. Or, et cest le problme que tente de rsoudre Platon dans la Rpublique, la laquelle lindividu est sensible, dans le contexte du dialogue, nest pas neutre. Elle apparat au contraire indissociable dun rseau de relations sociales fondes sur une idologie de lhonneur hrite dHomre9. Il existe un vritable mcanisme psycho-politique permettant dexpliquer que bien que le ne soit pas en droit orient vers telle ou telle valeur10, il se porte spontanment vers des objets particuliers comme la victoire et les marques dhonneurs. En un mot, ce que Platon rend manifeste travers la -------------------------------------------- 9 ce sujet, voir les deux articles de Riedinger (1976 et 1980). 10 En ce sens, le peut tre dit indiffrent son objet si lon ne retient que la dimension opratoire de sa fonction, et non le contexte psycho-politique qui encadre ses oprations.

  • Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu and Brisson, Luc. Dialogues on Plato's Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013. figure du philotime est le fait quil estime une valeur non pour ce quelle est, mais pour lestime publique dont elle jouit. Les marques dhonneurs que poursuit le philotime sont la rification de lactivit opratoire de valorisation dcrite ci-dessus. Le cercle qui con-siste dfinir la valeur par lacte qui linstaure rend ainsi le philotime dpendant du regard dautrui, et rend son difficilement distinguable de sa partie dsirante. Dtaillons le mcanisme de la . En premier lieu, le philotime demeure un ami du corps, et lestime quil porte la valeur de lhonneur et la reconnaissance publique est le signe dun dsir presque rduc-tible un dsir dargent. Ds le livre I de la Rpublique, la notion de dsigne une forme de rmunration () dune tche proportionnelle la valeur quon lui donne. Socrate voque ainsi largent et les honneurs publics pour les gouvernants en 345a3-6. La est donc demble rduite tre une forme de salaire , de ranon mme, et est par cons-quent perue comme la cristallisation dune valeur dchange11. La devient un vritable objet de dsir, qui nourrit et se nourrit dun dsir dargent. Lanalyse de la timocratie au livre VIII tmoigne de la fragilit de lautonomie de la face au pou-voir corrupteur de largent (547b7). Ainsi, lindividu qui recherche la reconnaissance et les honneurs finit-il par estimer les moyens de parvenir se faire estimer : la ruse et les guerres (548a6), mais aussi les richesses (548b4-549b9). La description que Socrate donne du timocrate au livre VIII ne laisse gure de doute sur sa cupidit latente, qui ne fait que crotre mesure quil avance en ge12 :

    De tels hommes, repris-je, seront avides de richesses ( ), linstar de ceux des constitutions oligarchiques. Ils dvelopperont une adoration passionne pour lor et largent ( ), encore quil sagisse dune adoration occulte, puisquils possderont des cotes et des trsors cachs personnels, o ils les garderont secrtement () Ils seront donc avares de leurs ri-chesses, parce quils les vnrent et les possdent en secret ( ), tout en se montrant prodigues des richesses des autres, quils convoitent. Ils jouissent en cachette de leurs plaisirs et cherchent chapper leur pre, parce quils ont t duqus sous la contrainte, et non par la persuasion, et cela en raison dune part de leur n-gligence de la Muse vritable, la Muse qui saccompagne de discours arguments et de la philosophie, et dautre part de la priorit quils ont accorde la gymnastique plutt qu la musique. (548a5-c2)

    De par sa ressemblance avec laristocratie, la timocratie ne fait pas seulement la transi-tion avec loligarchie, mais est aussi le masque de toutes les constitutions o largent constitue le vecteur de toutes les valeurs. La devient alors signe de flatterie qui procde de lenvie jalouse. Toute valeur dpend alors paradoxalement de celui qui lon accorde dj de la valeur. Loligarque devient ainsi le paradigme de la perversion de la homrique : il naccorde plus de qu largent13, et consquemment la

    -------------------------------------------- 11 Ainsi la dsigne-t-elle en 390e9 la ranon Priam offre Achille en change de la dpouille de son fils, et est clairement associ aux prsents () quAgamemnon lui offre pour calmer sa colre, faisant dAchille un ami de largent (, 390e8) que masque un philotime. 12 Calabi (2005). 13 Loligarchie est par dfinition linstitution de la proprit prive comme valeur ( () 550c11) ; voir galement 553a2. Tout le passage montre ainsi comment la change progressivement dobjet, en sloignant proportionnellement de la vertu : Plus il honore la richesse, plus la vertu est dshonore ( ) (550e5). Ainsi, loligarque est-il la forme dgnrescente du philotime : Et il force [sa fonction ardente ()] nadmirer et nhonorer ( ) que la richesse et les riches, et senorgueillir de ce que sa rputation ne soit fonde sur rien dautre que la possession de richesse et de tout autre bien propre y contribuer ( ). (553d4-7).

  • Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu and Brisson, Luc. Dialogues on Plato's Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013. foule honore les valeurs consacres par les riches14. Chez le dmocrate, tout a de la va-leur, mais tout a la mme valeur15. Cela aboutit chez le tyran une valorisation de tout ce qui est habituellement considr comme dshonorant et vil (562d-e ). Le philotime signale ainsi linterdpendance de deux oprations : la premire est un acte simple de valorisation qui sattache aux valeurs consacres par une communaut sociale donne, la seconde est un dsir, celui dattirer soi lestime dautrui. Chez le philotime, lacte destimer une valeur dpend dun dsir destime16 ; la ralisation de son dsir de reconnaissance dpend ncessairement de sa soumission au systme de valeurs dans lequel il excelle. La figure du philotime rvle ainsi un trait essentiel du chez Platon : le simple fait destimer quelque chose peut tre conu comme un frein lactivit de rationalisation et une tendance sen remettre lopinion commune.

    La comme levier psychique

    Cependant, le philotime nest pas seulement un homme potentiellement cupide. Socrate insiste en effet sur le mpris affich par les philotimes lgard des richesses et des comportements vnaux (553b7-d9). Tout dabord, le timocrate cantonne la vnration quil a pour largent lespace priv. Ainsi, la diffrence de loligarque qui force son estimer largent de manire exclusive, le timocrate fait de la et de la vic-toire les valeurs qui ordonnent toutes les autres. Il y a bien une ambigut de lattitude du philotime envers largent : tout en vnrant largent comme valeur en soi, il se force ne lestimer que pour la reconnaissance publique quelle procure, le forant pour ainsi dire la gnrosit. Il apparat ainsi que la nest pas rifiable si facilement en ar-gent : elle est dabord un rapport qui structure les relations sociales, et la est le moteur qui dtermine la place de chacun dans la cit. Si la est intimement lie au salaire et peut conduire le philotime devenir un vritable ami de largent, elle dsigne dabord la valeur dune chose, dune personne, dune activit, dans un systme com-mun : celui de la maison et de la famille, des amis, de la cit. Ce dtour par lanalyse de la permet de comprendre pourquoi le de-vient un lment central de lducation du citoyen, et en particulier de celui qui nest pas philosophe. Je ne mattarderai pas sur le fait quau livre III, non seulement le est le destinataire principal de lducation prliminaire pour favoriser lavnement dune raison encore absente17, mais plus encore est le point de vue psychologique adopt par Socrate aux pages 410c-412a18. Je mintresserai seulement ici la manire dont la no-tion de est employe par Socrate. Bien entendu, il ne sagit pas dprouver la vrit dune valeur laune du seul comportement de lindividu. Il nest pas question de confondre lacte de valorisation avec sa justification19. Accorder de lestime quelque chose est donc une opration psy--------------------------------------------- 14 Rpublique, 551a4 : Or, ce qui est lobjet constant dhonneurs, on sy applique, alors que ce qui nest pas lobjet dhonneurs, on le nglige ( ). 15 Ibid., 561b8-c4 : Si on se risque lui dire que certains plaisirs dcoulent de dsirs nobles et bons, alors que dautres naissent de dsirs mauvais, et quil faut cultiver et valoriser les premiers ( ), rprimer et dompter les seconds ( ), dans toutes ces circonstances il hoche la tte. Lui dit quils sont tous pareils et quon doit considrer quils sont dgale valeur ( ). 16 Cest la conclusion laquelle parvient Wersinger (2001, p. 186 sq.) en examinant la typologie caractrologique des livres VIII et IX de la Rpublique. 17 Voir ce sujet Gill (1985). 18 Cest le sens de la dmonstration de Wersinger (2001, p. 172-179). 19 Ainsi, je tiens pour acquis une interprtation minimale de la tripartition de lme comme structure intentionnelle trifonctionnelle, o chaque fonction nest capable que dun seul type dopration : la raison calcule, le dsir se rap-porte de manire immanente lobjet quon se reprsente comme bon, et le est responsable de lactivit de

  • Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu and Brisson, Luc. Dialogues on Plato's Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013. chique diffrente de la formulation dun jugement valuatif queffectue la raison. En mme temps quil dnonce lidologie homrique qui suspend les valeurs morales la personnelle, Socrate affirme quil est possible de fonder rationnellement certaines valeurs indpendamment de leur enracinement socio-historique : la manire dont la rgule les relations sociales peut, en droit du moins, tre contrle par un critre plus juste. Cest le philosophe bien entendu, qui sait diriger son estime vers ce quil y a de plus estimable : la connaissance, et un genre de vie dont le principe est la recherche de la vrit. Dans le dernier argument du livre IX quutilise Socrate pour prouver le bonheur du phi-losophe par rapport aux philotimes et aux amis de largent, un glissement du sens de la permet de montrer que le philosophe exprimente tous les plaisirs des autres types psychologiques et est donc plus heureux. Socrate commence par dcrire le rapport de lami de largent et du philotime la :

    SOCRATE : - Celui qui poursuit la richesse te dira que par comparaison avec le plaisir du gain, le plaisir des honneurs ou de la connaissance ( ) est sans valeur ( ), moins quon ne puisse en tirer quelque argent. GLAUCON : Cest vrai, dit-il. SOCRATE : Et que dire de celui qui re-cherche les honneurs ( ) ? demandais-je. Ne considre-t-il pas le plaisir provenant des richesses comme un plaisir vulgaire, et le plaisir engendr par le savoir comme un plaisir vaporeux et frivole, puisque le savoir napporte pas lhonneur ( ) ? GLAUCON : Cest ce quil pense, dit-il. (581c10-d9)

    Pour lami de largent, la demeure un objet comptable, objet du calcul qui lui per-met de fabriquer plus de richesses. Pour le philotime au contraire, la est une rela-tion qui associe la valeur de lindividu la communaut ; cest dans la reconnaissance mutuelle dune valeur partage que la valeur dun individu est mesure. Enfin, lorsque Socrate demande si le philosophe est moins expriment dans le plaisir li lhonneur que le philotime, Glaucon achve largument :

    Mais lhonneur (), dit-il, si toutefois chacun deux atteint le but vers lequel il tend, sattache eux tous ( ) : le riche en effet, tout comme le courageux et le sage sont honors par la multitude ( ), de sorte que tous peuvent acqurir lexprience de ce plaisir dtre honor ( ). Le plaisir qui rsulte de la contemplation de ce qui est, sa nature propre, il est impossible quiconque de le goter, sauf au philosophe. (582c4-9).

    Ce renversement du sens de la fait dpendre la qualit de lestime reue de ce qui est vraiment estimable (la connaissance). Il sagit alors de rendre tous les citoyens sen-sibles ce qui a vraiment de la valeur, cest--dire la connaissance. Platon russit neu-traliser la dimension socio-historique de la notion de , pour en faire un levier psy-chologique ducatif. On retient gnralement du philotime quil est la premire figure qui mne aux carac-tres dmesurs, lamorce de la dans lme individuelle. Mais la est aussi un dsir de reconnaissance qui paradoxalement pousse lindividu simpliquer davantage dans les valeurs auxquelles il croit. travers la figure du philotime, Platon dessine ainsi son anthropologie politique en insistant sur le ncessaire relativisme socio-historique des valeurs. Mais il dgage aussi une donne psychologique essentielle une

    valorisation. La prsentation de la tripartition au livre IV consiste en une reprsentation de cette structure intention-nelle en sparant trois principes daction et de passion. Aux livres VIII et IX, on peut expliquer les conflits psy-chiques non comme lopposition entre des principes daction, mais plutt entre des structures intentionnelles compltes, des caractres o lun de ces principes prvaut. Je me permets de renvoyer mon article (Renaut, 2007b) pour la bibliographie sur ce sujet.

  • Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu and Brisson, Luc. Dialogues on Plato's Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013. rforme politique de lme individuelle : si le est cette activit qui peut donner de la valeur toutes choses, il est alors ncessaire de rorganiser en amont tout un sys-tme de valeurs, sans ncessairement oublier la puissance de la comme moyen dmulation et dducation. Cest en conservant ainsi la notion de hom-rique et en conservant certains des mcanismes institutionnels qui amnent les individus simpliquer davantage dans les valeurs de la cit, que le peut devenir un vri-table auxiliaire de la raison, et un facteur essentiel de motivation dans lacquisition de la vertu. On ne sera donc pas tonn lorsque dans les Lois, lAthnien emploie ce qui pour un lecteur de la Rpublique pourrait passer pour un oxymore : celui qui met son hon-neur tre vertueux ( ' )20. On comprend ds lors pourquoi le est conu comme un lment capital dans la dfinition du courage en 429b-430b, puis en 442b-c. Non seulement il est une prservation de lopinion21, et en ce sens il sagit bien dinsister sur la dimension cognitive de la vertu de courage des auxi-liaires ; mais cette vertu imparfaite risque bien de rester lettre morte chez les auxi-liaires si elle nest pas seconde par le dsir destime, dhonneur, et de victoire22.

    Conclusion

    Certes, lactivit du est toujours comme prise en tau entre le jugement valuatif de la raison et la force conative de la fonction dsirante. En dautres termes, le ne constitue jamais une force indpendante de la structure psychique complte de lindividu, contrairement la raison qui semble pouvoir se purifier de toute activit corporelle aprs la mort, et au dsir qui est la consquence ncessaire de lincarnation de toute me dans un corps. Le constitue donc un lment singulier dans la psy-chologie platonicienne, au sens o il sappuie sur lestime et lhonneur, liant indissocia-blement lindividu la communaut23. Sans la tutelle de la raison, le dploie ncessairement son activit dans un systme de valeurs que lindividu ne questionne jamais, auquel il se contente dadhrer ; au pire, le de lindividu est au service dune machine dsirante portant son estime l o les autres lappliquent, un philotime dont la raison dtre, son caractre et ses valeurs sont entirement htronomes. Mais la critique de la rvle en creux la puissance dun moteur de laction que Platon tente de dgager de son enracinement idologique : cest en rformant la hom-rique que lon pourra aussi, de manire spontane, amener les individus raliser ce quils estiment, par un jeu dmulation rciproque. On touche ici au trait distinctif du quA. Hobbs dfinit ainsi :

    -------------------------------------------- 20 Lois, V, 744e3. La notion de est analyse par Larrive (2002) mais dans une perspective qui la compare au souci de soi de lApologie. Je souscris aux conclusions gnrales de cette analyse, en prcisant cependant que la est dj considre comme un levier ducatif dans la Rpublique, et mme que la qui lui est affrente est appele de ses vux par Socrate, ds lApologie (28c4). 21 Cest tout le sens de la mtaphore de la teinture au livre IV, 429b-430b, o lopinion droite mane des gouver-nants est prserve par les auxiliaires. Voir Calabi (1998) et Brinker (2008). Ce dernier semble prsupposer que le pense sur le mode pistmologique de lopinion. Mais il ne faut cependant pas sy tromper : si lopinion est bien ce qui oriente lnergie du duqu (ou non), elle ne peut pas constituer un ressort psychologique suffi-sant. Il faut recourir ce quoi le est traditionnellement sensible : lhonneur, la retenue, lmulation rci-proque. 22 Le livre I des Lois (632-650) fait reposer la vertu de courage sur un certain sens de l. Voir Schpsdau (1986). 23 Cest une des consquences de la thse de Lear (1992).

  • Olivier Renaut. La fonction du thumos dans la Rpublique de Platon. Notomi, Noburu and Brisson, Luc. Dialogues on Plato's Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013.

    I wish to claim that the essence of the human thumos is the need to believe that one counts for something, and that central to this need will be a tendency to form an ideal image of one-self in accordance with ones conception of the fine and noble.24

    Cette dfinition a le mrite daborder la question difficile de la modalit pistmolo-gique de reprsentation que lindividu se fait de lui-mme : il sagit selon lauteur dune image, et plus prcisment dun modle (role-model) dont les caractristiques dpendent des traditions, coutumes et ducation dune socit donne. Par ailleurs, cette dfinition lie de manire intrinsque lopration de valorisation de certains objets et ce qui apparat comme une donne de la psychologie humaine, un dsir de distinction et daffirmation de soi. Pour Platon, le trouve dans la son activit natu-relle, puisque lacte destimer lui-mme se porte naturellement vers ce qui est estim par autrui pour donner consistance cette image idale de soi . Compter pour quelque chose ncessite la reconnaissance dautrui, et cette dernire nest atteinte quen excel-lant dans les valeurs quautrui consacre. Leffort de Socrate dans la Rpublique consiste faire se superposer le mcanisme classique de lhonneur rendu et les valeurs commu-nautaires fondes sur lutilit relle de chaque citoyen pour la cit25. Le nest donc pas cet intermdiaire ad hoc de la classe des auxiliaires de la cit. Il est une fonction psychique qui garantit la fois la spontanit des ractions des indi-vidus face des valeurs communes bafoues, et la sincrit de leur implication dans la communaut. En insistant sur le caractre opratoire de la , tout en la rinsrant dans une psychologie du dsir, cest lensemble de lentreprise ducative prliminaire (musique et gymnastique) que Platon rend efficace sur lme. Il ny a donc pas de sens faire de la tripartition en tant que telle une entreprise psycho-logique indpendante dune politisation de lme.

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    -------------------------------------------- 24 Hobbs (2000, p. 30). 25 Un long passage du livre V, de 468a 469b, numre en effet les diffrents types dhonneurs quil faut accorder lhomme valeureux : couronnement ; priorit concernant les mariages ; mention du nom du combattant dans les sacrifices ; privilges lors des repas ; sacralisation lors de leur mort, etc.

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