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Juillet 2013
La gestion communautaire des forêts: état des lieux en République du Congo et autres modèles
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
Table des matières
1 Introduction ...................................................................................................................... 3
1.1 A propos de ce document ................................................................................................. 3
1.2 Les différents types de droits sur les forets et ressources forestières ............................... 3
Droit d’aliénation ? ...................................................................................................................... 3
Droit d’accès ? ............................................................................................................................ 4
Droit d’extraction ? ...................................................................................................................... 4
Droit de gestion? ......................................................................................................................... 4
Droit d’exclusion? ........................................................................................................................ 4
Durée des droits : droits perpétuels ou limités ? .......................................................................... 5
1 Etat des lieux au Congo: les systèmes de gestion des forêts pour les communautés ....... 5
1.1 La série de développement communautaire (SDC) .......................................................... 5
1.2 Les terres des populations autochtones ........................................................................... 7
1.3 Programmes d’appui aux populations rurales: que sont-ils ? ............................................ 8
1.4 Les droits d'usage dans les zones des permis accordés aux tiers .................................... 9
2 Quelques modèles de forêts communautaires existants ................................................... 9
2.1 Cameroun: les forêts communautaires ........................................................................... 10
2.2 Liberia: les forêts communautaires (« community forests ») ........................................... 12
2.3 Gabon: les forêts communautaires ................................................................................. 16
2.4 Guatemala: les terres communales (« tierras comunales ») ........................................... 19
2.5 Tanzanie: les réserves forestières communautaires et réserves forestières villageoises 21
2.6 Les Forêts Modèles ........................................................................................................ 23
2.6.1 Exemple 1 : Forêt Modèle de Campo-Ma’an (Cameroun) : ............................................. 25
2.6.2 Exemple 2 : Forêt Modèle de Dja et Mpono (Cameroun) ................................................ 26
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
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1 Introduction
1.1 A propos de ce document
Ce document a été realisé dans le contexte d'un Atelier organisé par la Plateforme pour la
Gestion Durable des Forêts sur "Le rôle de la société civile dans le processus APV/FLEGT : sa
stratégie, et sa position par rapport à la gestion communautaire des forêts" qui a eu lieu à
Brazzaville les 10 et 11 juillet 2013. ClientEarth a offert un soutien technique et financier à
l'organisation de cet atelier.
Ce document vise à contribuer aux discussions sur le concept de forêts communautaires et
l’amélioration des modèles existants de gestion communautaires des forêts en République du
Congo. L’introduction aborde les questions-clé autour du terme ‘communauté’ et des différents
droits auxquelles celle-ci peut avoir accès.
La première partie fait un état de lieux de la gestion communautaire des forêts au Congo à
l'heure actuelle. La deuxième partie présente sept modèles de forêts communautaires
promulguées par différents pays, montrant ainsi quelques voies possibles pour réaliser les droits
de gestion des ressources et de participation aux décisions pour les communautés locales
forestières.
Cette analyse n’a pas pour but d'être exhaustive, mais elle est plutôt un point de départ afin
d'avancer les réflexions sur le sujet de la gestion communautaire des forêts au Congo, en
particulier dans le contexte de la révision du Code forestier congolais.
1.2 Les différents types de droits sur les forets et ressources forestières1
Les composantes du droit de propriété sont décrites ci-dessous. En général, les forêts
communautaires et les différents systèmes de gestion communautaire des forêts n’accordent
pas les mêmes droits que les titres de propriété.
Droit d’aliénation ?
Ceci signifie le droit de vendre le titre de propriété à des tiers, ou de l’utiliser en guise de gage
(garantie de paiement). Ce droit est un corollaire du droit de propriété. Le droit d’aliénation n’est
inclus dans aucun modèle de forêt communautaire ou gestion communautaire des forêts
examiné dans ce dossier.
1 Repris de ‘Quels droits de tenure forestière pour les communautés locales et les populations autochtones? Analyse comparative des législations
nationales dans plusieurs pays en voie de développement’, L’Initiative des Droits et Ressources (RRI) Mai 2012.
http://www.rightsandresources.org/documents/files/doc_5512.pdf
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Droit d’accès ?
Les droits d’accès sont les droits qui permettent à une communauté et à ses membres de
pénétrer dans une zone forestière. Avoir le droit d’entrer ou de traverser un espace spécifique
constitue le droit de tenure le plus basique.
Alors que les droits d’accès semblent évidents, la réalité se veut souvent plus complexe,
notamment si l’Etat a accordé le droit d’exclusion à une autre partie (par exemple une société
forestière, un gestionnaire de zone protégée, ou une agence gouvernementale). L'ayant droit
peut dans ce cas légalement exclure une communauté ou encore donner l'accès à un tiers qui
pourrait utiliser les ressources forestières en opposition avec les coutumes desdites
communautés.
Droit d’extraction ?
Le droit d’extraire des ressources forestières est sans doute le droit le plus important pour les
communautés dépendant des ressources forestières pour leurs moyens de subsistance. Le droit
d’extraction peut s’appliquer à des fins commerciales, ou bien seulement les besoins de
subsistance. Aussi, les lois distinguent souvent le droit de récolter du bois et le droit de récolter
des produits forestiers non ligneux (PFNL) : on accorde fréquemment le droit de récolter les
PFNL, mais moins souvent le droit de récolter le bois.
Droit de gestion?
Le droit de gestion comporte le droit de règlementer et de prendre des décisions relatives aux
ressources et aux territoires forestiers. Les différents modèles de forêts communautaires
accordent des droits de gestion de portées diverses. Certaines donnent un droit général de
gestion qui permet aux communautés d’utiliser les terres à leur gré. D’autres imposent des
limites spécifiques sur ce droit de gestion, ou le soumette à un plan de gestion préalable
développé par la communauté, le gouvernement, ou en concertation entre eux.
Droit d’exclusion?
Le droit d’exclusion donne le droit de réguler l’entrée des tiers sur les terres en question. Un
droit d’exclusion complet sur une forêt communautaire veut dire que la communauté est
complètement libre de décider si elle veut permettre à une concession forestière d’opérer sur
ses terres. En pratique, beaucoup de forêts communautaires réservent au gouvernement le droit
de conclure des contrats avec les sociétés forestières sans l’accord de la communauté ; donc ils
n’accordent aucun droit d’exclusion à celle-ci.
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Durée des droits: droits perpétuels ou limités?
Il existe plusieurs forêts communautaires qui n’offrent pas de droits perpétuels mais des droits
limités. Cela veut dire que les droits sur la forêt communautaire seront limités dans le temps (par
exemple 25 ans) ou que le gouvernement pourra limiter ou retirer ce droit. Dans certains
modèles, le gouvernement peut retirer ce droit à n’importe quel moment sans justification, dans
d’autres, seulement si certaines conditions ne sont pas remplies par la communauté (par
exemple la mise en œuvre du plan de gestion). En revanche, pour les forêts communautaires
plus fortement protégées, ce droit ne peut pas être retiré sauf en cas d’utilité publique et
accompagné d’une indemnisation juste.
1 Etat des lieux au Congo: les systèmes de gestion des forêts pour les communautés
Au Congo, il existe plusieurs types de gestion des forêts, dont certains permettent aux
communautés d’exercer certains droits d’accès, de gestion ou de propriété de la ressource
forestière. Deux de ces systèmes accordent des droits collectifs, c’est à dire des droits de
gestion sur la terre et ses ressources : la série de développement communautaire (SDC) et les
terres autochtones.
A coté de ces systèmes, il existe d’autres concepts juridiques contenant des éléments de
gestion ou usage communautaire des ressources forestières/forêt: les programmes d’appui aux
populations rurales, et les droits de subsistance dans les zones de permis accordés aux tiers.
Il existe egalement des forêts des communes mais qui sont à différencier des forêts
communautaires car les communes sont des entités formelles de l’Etat. Ces forêts ne sont donc
pas gérées par des communautés locales.
Les programmes d’appui aux populations rurales et les droits de subsistance dans les zones de
permis sont quant à eux des droits d’usage très limités qui accordent au maximum le droit de
retirer quelques ressources forestières, et non des droits de propriété.
1.1 La série de développement communautaire (SDC)
(Arrêté 5053 définissant les directives nationales d’aménagement durable des concessions
forestières, articles 18-19)
Paramètres basiques
La série de développement communautaire (SDC) est une aire pour l’usage des communautés
riveraines qui se trouve au milieu d’une Unité Forestière d’aménagement (UFA). La SDC se
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compose des terroirs et finages villageois, centrés autour de l’arbre, des forêts et des autres
ressources susceptibles de contribuer au développement des économies des communautés
rurales et à la lutte contre la pauvreté. Elle prend en compte les forêts naturelles et artificielles,
les terres agricoles, les jachères, les zones de pèche et de chasse.
Processus pour le classement d’une SDC
Pour chaque Unité Forestière d’Aménagement, l’entreprise forestière rédige un plan
d’aménagement.2 Au sein de ce plan, elle détermine, entre autres, l’utilisation de l’espace de
l’UFA par la délimitation de différentes séries: séries de production, de recherche, de
développement communautaire, etc.
Objectif des SDC
Tel qu’énoncé à l’article 19 de l’arrêté 5053, l’objectif général de la SDC est de « satisfaire les
besoins des populations locales en produits forestiers et d’améliorer leur revenu ».
Directives d’aménagement pour les SDC
Chaque SDC doit répondre à des directives d’aménagement, et notamment:
La délimitation des zones pour les différents usages (par ex. les zones agricoles, les
zones villageoises)
La proposition des méthodes culturales améliorées en tenant compte du savoir-faire
paysan
La détermination des surfaces d’exploitation de bois d’œuvre des forêts communautaires
ainsi que les volumes annuels exploitables
L’exploitation polycyclique de la forêt naturelle basée sur la régénération naturelle
La proposition des mesures visant :
le développement des programmes sylvicoles
des programmes de gestion rationnelle des ressources fauniques, halieutiques et
des produits forestiers non ligneux
la promotion des petites et moyennes entreprises
la promotion des méthodes de gestion a faible impact environnemental, a savoir
la prohibition des détonateurs, l’empoisonnement de la faune, la chasse au câble,
l’utilisation des pesticides et autres
la protection de la population locale contre les zoonoses
le développement des activités alternatives en vue de réduire les pressions
anthropiques sur les forêts, la faune et les autres ressources naturelles
L’organisation des comités de gestion de la SDC, comprenant l’administration forestière,
l’exploitant forestier, les populations locales, les ONG, les bailleurs de fonds, les
représentants des collectivités locales et les délégués des groupes d’activités. De plus,
2 Article 24, code forestier, loi n°16-2000 du 20 novembre 2000 portant code forestier
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la désignation d’un coordonnateur au niveau de la série de développement
communautaire.
L’élaboration des textes réglementaires et l’organisation des structures locales de
gestion de la série.
La détermination des activités à réaliser, des projets et microprojets de développement et
de conservation de la diversité biologique prioritaires, ainsi que les mécanismes
d’utilisation des bénéfices.
L’élaboration et la validation des plans de gestion de chaque secteur d’activités
La détermination des droits et bénéfices qui reviennent à chaque partie prenante
L’élaboration des procédures de négociation de décision et de gestion des éventuels
conflits
La proposition des mesures d’appui au financement des activités des populations
L’implication des populations dans le processus de planification, de gestion des
ressources, de suivi et d’évaluation du plan d’aménagement.
1.2 Les terres des populations autochtones
(Articles 31-42, loi no. 5-2011 portant promotion et protection des droits des populations
autochtones)
Paramètres basiques
Les populations autochtones ont un droit collectif et individuel à la propriété, à la possession, à
l’accès, et à l’utilisation des terres et ressources naturelles qu’elles occupent ou utilisent
traditionnellement pour leur subsistance, leur pharmacopée et leur travail (art. 31).
Comment définit-on la communauté?
Les populations autochtones sont celles qui se distinguent des autres groupes de la population
nationale par leur identité culturelle, leur mode de vie et leur extrême vulnérabilité (art. 1).
Seulement les populations autochtones peuvent se prévaloir des droits coutumiers à la terre et
aux ressources naturelles (art. 42).
Droits sur les terres
L’état facilite la délimitation des terres et ressources naturelles que les populations autochtones
utilisent traditionnellement sur la base de leur droit foncier coutumier, en vue d’en garantir la
connaissance. En l’absence de titres fonciers, les populations autochtones conservent leurs
droits fonciers coutumiers préexistants (art. 32).
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Les composants du droit
Droit d’accès- OUI (art. 31)
Droit d’extraction- OUI.
Les populations autochtones ont le droit à l’accès et à l’utilisation des ressources
naturelles qu’elles utilisent traditionnellement pour leur subsistance, leur
pharmacopée et leur travail (art. 31).
Les populations autochtones ont le droit aux bénéfices résultant de l’utilisation et
de l’exploitation commerciale de leurs terres et de leurs ressources naturelles
(art. 41).
Droit de gestion- OUI.
Les populations autochtones ont le droit de définir les priorités et leurs stratégies
de mise en valeur, d’utilisation et de contrôle de leurs terres et autres ressources,
dans les limites de la loi (art. 36).
Les populations autochtones ont le droit de conserver et de développer leurs
systèmes économiques et sociaux et de jouir de leurs propres moyens de
subsistance (art. 37).
Elles n’ont pas besoin de préparer un plan de gestion.
Droit d’exclusion- NON.
Les populations n’ont pas le droit d’exclure les tiers de leurs terres.
Si le gouvernement veut donner un permis à une entreprise dans les terres des
populations autochtones,l’entreprise doit faire une étude d’impact
socioéconomique et environnemental (art. 35) et mener des consultations
préalables avec les populations (art. 38 et 39), mais la loi ne requiert pas le
consentement des ces populations.
Droit d’aliénation – NON.
Les droits des populations autochtones sur leurs terres sont inaliénables (art.
32).
Droit perpétuel – OUI.
Les populations autochtones ne peuvent être déplacées des terres qu’elles
possèdent ou utilisent traditionnellement que dans le cas d’expropriation pour
cause d’utilité publique. En cas d’expropriation pour cause d’utilité publique, les
populations autochtones bénéficient de l’indemnisation. (art. 33, 34).
1.3 Programmes d’appui aux populations rurales: que sont-ils ?
(Décret N° 437/2002, art. 34)
Dans les forêts protégées, « le gouvernement doit mettre en œuvre des programmes
d’appui aux populations rurales, notamment l’agroforesterie et la foresterie
communautaire, en vue d’améliorer la productivité des sols et de freiner la destruction
des forêts naturelles consécutive à l’exploitation intensive des bois pour les besoins en
produits forestiers. »
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Mais la loi ne stipule aucun détail additionnel sur ces programmes d’appui, et n’en
accorde pas de droit de propriété.
1.4 Les droits d'usage dans les zones des permis accordés aux tiers
(Articles 40-42 et 70 de la loi N°16/2000 portant code forestier ; articles 35-57 de la loi 37-2008
sur la faune et les aires protégées)
Les populations riveraines détiennent des droits de subsistance pour le bois, la chasse,
et les produits forestiers non-ligneux dans les forêts protégées, les forêts du domaine
privé de l’Etat, les forêts des collectivités locales, et les zone enclavées des permis
spéciaux.
Cependant, ces droits n’équivalent pas aux forêts communautaires. Ces droits sont
individuels, et non collectifs. De plus, ce sont vraiment des droits d’usage très limités,
pas des droits de propriété. Ils s’adressent seulement à la liste des produits décrits dans
la loi. Ces produits ne peuvent être utilisés que pour les besoins personnels ; ils ne
peuvent pas être vendus. Ces droits n’accordent aucun droit de gestion sur les terres, ni
d’exclusion, ni d’aliénation, ni de permanence.
2 Quelques modèles de forêts communautaires existants
Que sont les forêts communautaires ?
Les forêts communautaires sont des forêts ou l’on accorde aux communautés forestières des
droits de gestion et/ou de participation aux décisions quant à l’usage des terres et des
ressources forestières. La portée de ces droits de gestion et participation varie d’un modèle à
l’autre.3
3 Selon FAO, « La foresterie communautaire s'intéresse à toutes les situations dans lesquelles les populations locales sont étroitement associées à une
activité forestière. Ces situations très diverses vont de l'établissement de parcelles boisées dans les régions déficitaires en bois et autres produits
forestiers pour les besoins locaux, aux activités traditionnelles de communautés forestières, en passant par l'arboriculture commerciale sur l'exploitation
agricole et la transformation de produits forestiers au niveau familial, artisanal ou de la petite industrie. » - Organisation des Nations Unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO), 1978.
Selon le Centre Régional de Formation pour la Foresterie Communautaire pour l’Asie/Pacifique (RECOFTC), la foresterie communautaire « implique le
gouvernance et la gestion des ressources forestières par les communautés pour des fins commerciales et non-commerciales, dont la subsistance, la
production de bois, les produits forestiers non-ligneux, la faune et flore, la conservation de la biodiversité, et les fins d’importance environnementale,
sociale, et spirituelle. Ceci comprend aussi les pratiques, l’art, la science, les politiques, les institutions, et les processus nécessaires pour promouvoir
et appuyer tout aspect de la gestion communautaire des forêts » - RECOFTC, 2004
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Que sont les questions clés dans la conception d’une politique de forêts
communautaire ?
La définition de « communauté »
La définition de communauté est importante car cela détermine qui pourra jouir du droit ou à
bénéficier de la forêt communautaire ou des droits qui y sont rattachés. Il est possible que ces
droits soient seulement disponibles aux populations autochtones, ou seulement aux
communautés qui sont enregistrées comme entité juridique. En outre, il y a des modèles de
forêt communautaire qui requièrent que tous les membres des communautés dans la zone de la
forêt communautaire proposée soient consultés avant d’accorder des droits sur cette forêt, afin
de s’assurer qu’aucune communauté seule ne puisse revendiquer ce droit en tant que droit
individuel.
L’implication des communautés dans le processus de création des forêts
communautaires
Le processus de création des forêts communautaires, et notamment le droit d’initier le
processus, est un aspect crucial des différents systèmes étudiés. En effet, ceci aura des effets
significatifs sur la capacité des communautés de pouvoir exercer leurs droits en pratique. Par
exemple, si la loi prévoit que le processus de création des forêts communautaires est initié
exclusivement par le Ministre de l’économie forestière, cela réduit la possibilité pour les
communautés de revendiquer leurs droits à la gestion d’une forêt en particulier et à un moment
donné. Cette situation pourrait être contrastée avec un modèle qui accorde aux communautés
le droit de faire une demande de titre/de création de forêt communautaire eux-mêmes.
2.1 Cameroun: les forêts communautaires4
Paramètres basiques
Une forêt communautaire : une forêt du domaine forestier non permanent, faisant l'objet
d'une convention de gestion entre une communauté villageoise et l'Administration
chargée des forêts.5
Pour être classées comme forêt communautaire, les terres doivent faire partie du
domaine forestier non permanent.
Taille : jusqu’ à 5000 ha.
A ce jour, il y a 677,233 d’hectares de forêt communautaire au Cameroun.6
4 Pour plus d'informations, voir Pascal Cluny, Etat des lieux de la foresterie communautaire et communale au Cameroun, 2011.
5 Decret 95/531/PM, art. 3.
6 Rights & Resources Initiative (RRI), “Cameroon”, http://www.rightsandresources.org/documents/files/doc_2464.pdf.
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Comment définit-on la communauté?
Il n'existe pas dans la loi forestiere camerounaise en vigueur à l'heure actuelle de definition
d'une 'communauté locale', mais uniquement le type d'organisation que celle-ci peut prendre
pour avoir accès à la forêt communautaire. La communauté doit être enregistrée comme entité
juridique.7 Quatre options sont disponibles pour cela:
Associations
Coopératives
Groupes d’initiative commune
Groupes d’intérêt économique
Dans les discussions précédant la soumission d’une demande au ministère forestier, il
faut mener des séances de consultation impliquant l’ensemble des composantes de la
communauté concernée. Ces séances seront supervisées par l’autorité administrative
locale. 8
La procédure pour la création d’une forêt communautaire
Phase 1 - Discussions préliminaires entrainant la soumission d’une demande au
ministère forestier. Cela comprend une séance de consultation impliquant toute section
de la communauté en question, supervisée par l’autorité administrative locale, avec
l’appui du département technique approprié. Pendant cette séance, on nomme la
personne chargé de la gestion, et définit les buts et les limites de la forêt.
Phase 2 – Travaux préparatoires pour le développement d’un plan de gestion simple. Le
PGS définit les activités à mener dans la forêt communautaire, et les conditions pour
l’exercice des droits d’usage.
Phase 3 – Signature de l’accord de gestion et ses implications en termes d’activités,
contrôle, et renouvellement.
Les composants du droit de forêt communautaire
Droit d’accès – OUI
Droit d’extraction- OUI
Les communautés détiennent le droit de retirer et vendre toute ressource dans la
forêt communautaire.
Droit de gestion – OUI
Les communautés détiennent le droit général de gestion, c’est-a-dire le droit de
prendre des décisions concernant l’usage des terres et ressources dans la forêt
communautaire. Cependant, la loi spécifie que la gestion est faite avec le
concours ou l’assistance technique de l'Administration chargée des forêts.9 En
7 Decret 95/531/PM, art. 28.
8 Decret 95/531/PM, art. 28.
9 Decret 95/531/PM, art. 3.
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plus, la gestion doit suivre les termes du plan de gestion simple développé par les
communautés en concertation avec le gouvernement. La mise en œuvre du plan
de gestion simple est suivi par le gouvernement, avec le renouvellement de
l’accord de gestion tous les cinq ans. Si le gouvernement trouve que la forêt
communautaire est mal-géré, il peut terminer le droit de la communauté sur les
terres.
Droit d’exclusion- OUI
Droit d’aliénation- NON
On n’a pas le droit de vendre la forêt, ni de la louer ou de l’utiliser comme
garantie de prêt.
Droit perpétuel ? – NON
Le droit de forêt communautaire n’est pas permanent.
Le droit a une durée maximum de 25 ans
En plus, l’accord de gestion sera renouvelé tous les cinq ans. Si la forêt
communautaire est mal-géré, le droit de gestion de la communauté sera terminé
et le gouvernement reprendra les terres.
Bilan actuel
La mise en œuvre de ces nouvelles politiques s'est révélée limitée sur le terrain. Les différents
intervenants des diverses unités d’aménagement forestier entretiennent souvent une
collaboration insuffisante. Malheureusement, la faiblesse de cette relation fonctionnelle a
contribué à la fragmentation des paysages locaux. Le manque de collaboration empêche la
bonne gestion des ressources, les partenariats, le renforcement des capacités locales, la
compréhension du droit forestier, la mise en commun de l'information et la participation des
collectivités locales. Il est donc difficile d'établir une vision commune et des actions conjointes
aux fins de la gestion durable des ressources. C’était pour ca qu’on a commencé de mettre en
place des Forêts Modèles, une approche différente qui essaye d’encourager des relations
étroites entre les parties prenantes différentes (voir ci-dessous, à la fin du dossier).
2.2 Liberia: les forêts communautaires (« community forests »)
Paramètres basiques
Forêt communautaire: une zone de terre boisée ou partiellement boisée qui est utilisée
traditionnellement par les communautés à des fins socioculturelles, économiques ou de
développement.10
Pour être classée comme forêt communautaire, il faut que la zone « produise ou soit
capable de produire des ressources forestières, ou soit réservée pour l’exploitation
forestière ». Les forêts communautaires ne peuvent pas avoir lieu sur les terres
10
Liberia Community Rights Law, section 1.3: “Forested or partially-forested land traditionally owned or used by communities for socio-cultural,
economic and developmental purposes.”
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contenant des habitations permanentes ni les terres qui étaient occupées pendant une
longue durée par l’agriculture ou l’élevage.11
Taille : de 5 001 hectares à 49,999 hectares12
Comment définit-on la communauté?
Communauté : « un ou des groupe(s) auto-identifié(s) et publiquement ou largement
reconnu(s) comme un groupe social cohérent, qui partage des coutumes et des traditions
communes, quel que soit les sous-divisions administratives et sociales, et qui réside sur
une zone de terre particulière sur laquelle les membres exercent la juridiction
conjointement par accord, coutume, ou selon la loi. Une communauté peut donc être un
seul village ou ville, un groupement de villages ou de villes ou un territoire. » 13 (notre
traduction).
La procédure pour l’acquisition d’un titre de forêt communautaire
Les forêts communautaires sont identifiées, validées, et recommandées parle « Forestry
Development Authority » (FDA) (l’administration de développement forestière), avec
l’approbation de l’organe de gestion de la forêt communautaire.
Relation avec les droits coutumiers existants- Les titres de propriété déjà historiquement
accordées par le gouvernement pour des droits coutumiers divers seront
automatiquement classifiés en forêt communautaire.14
Les composants du droit de forêt communautaire
Droit d’accès - OUI
Toute ressource forestière sur les forets communautaires est la propriété des
communautés locales.15
Droit d’extraction- OUI
Les communautés détiennent le droit d’utiliser les ressources sur leurs terres à
leur gré, ce qui comprend le droit de vendre ces ressources. Ce droit est soumis
aux réglementations développées par le FDA basées sur des consultations avec
l’assemblé communautaire.16
Droit de gestion- OUI
11
Liberia CRL section 1.3: “Forest Land: A trace of land, including its flora and fauna, producing or capable of producing forest resources, or land set
aside for the purpose of forestry, but not including land in permanent settlements and land that has been in long-term use for non-shifting cultivation of
crops or livestock” 12
Liberia CRL section 2.3 13
Liberia CRL section 1.3, en anglais: “Community: A self-identified and publicly or widely-recognized coherent social group or groups, who share
common customs and traditions, irrespective of administrative and social sub-divisions, residing in a particular area of land over which members
exercise jurisdiction, community by agreement, custom, or law. A community may thus be a single village or town, or a group of villages or towns, or
chiefdom.” 14
Liberia CRL section 2.3 15
Liberia CRL, section 2.2 16
Liberia CRL section 3.1
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Les communautés ont le droit de prendre des décisions concernant l’usage des
terres dans la forêt communautaire, et de gérer la forêt selon les volontés de la
communauté. Ce droit est soumis aux réglementations développées par le FDA
basées sur des consultations avec l’assemblé communautaire.17
Cependant, les communautés sont obligées de préparer et de suivre un plan de
gestion, développé et mis en œuvre par l’assemblé communautaire et l’organe de
gestion de la forêt communautaire (voir ci-dessous).
Droit d’exclusion - OUI
Droit de conclure des contrats commerciaux avec des entreprises pour la récolte
de bois et des autres produits forestiers.18 Pour les contrats de petite et moyenne
échelle, la communauté peut négocier et signer l’accord elle-même. Les
« contrats de grande échelle » (ceux qui visent principalement les marchés
d’exports) doivent être faits avec la coopération du FDA.
Droit de conclure des contrats sociaux avec des entreprises à qui le FDA a donné
des concessions forestières sur les forêts communautaires. 19
Droit à 55% des revenus générés par les contrats commerciaux de grande
échelle entre les communautés, le FDA, et les entreprises pour la récolte des
bois sur les forêts communautaires.
Droit d’aliénation- NON
La communauté n’a pas le droit de vendre la propriété ou l’utiliser comme
garantie de prêt.
Droit perpétuel ?- OUI
Le droit n’a pas de limite de terme, et le gouvernement ne détient pas le droit de
reprendre la propriété si la communauté ne la gère pas dans une manière
particulière (comme au Cameroun).
Si le gouvernement veut enlever le droit de propriété, doit-il payer des
dommages-intérêts? Ceci n’est pas clair en ce moment.
La gestion de la forêt communautaire
Les communautés ont le devoir de :
gérer les ressources forestières communautaires de manière durable
préparer des plans de gestion pour la forêt communautaire
assurer la pleine participation des membres de la communauté dans la gestion
des ressources forestières communautaires
assurer la transparence et la responsabilité dans la gestion des ressources
forestières
envoyer des rapports au gouvernement sur leur gestion de leurs ressources
forestières communautaires
17
Liberia CRL section 3.1
18 Liberia CRL sections 6.1 and 6.2 19
Liberia CRL section 3.1
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assurer que les revenus générés par la gestion des ressources forestières
communautaires contribuent au développement des communautés, selon la
direction de leurs assemblés communautaires.20
Une activité commerciale ne peut avoir lieu sur la forêt communautaire qu’à partir du
moment où l’assemblé communautaire et l’organe de gestion de la forêt communautaire
ont été créés et ont commencé à mettre en œuvre un plan de gestion pour la forêt
communautaire comprenant l’activité commerciale.
La structure basique de la gestion de la forêt communautaire est constitué de trois
organes : (1) l’assemblé communautaire ; (2) son comité exécutif ; et (3) l’organe de
gestion de la forêt communautaire.
La gestion de la forêt communautaire est supervisée par l’assemblé communautaire,
constituée par des membres de la communauté et des représentants du gouvernement
de la préfecture où la communauté est située. Les devoirs de l’assemblé communautaire
sont de :
Adopter une vision de gestion pour le forêt communautaire, et promulguer des
réglementations pour régler les activités dans la forêt communautaire.
Nommer l’organe de gestion de la forêt communautaire, et réviser ses rapports.
Assure la gestion durable des ressources forestières communautaires
Assurer que les revenus des ressources forestières communautaires contribuent
au développement de la communauté.21
Les activités quotidiennes de la forêt communautaire sont gérées par l’organe de gestion
de la forêt communautaire. Les devoirs de cette organe sont de :
Mettre en œuvre les politiques de l’assemblé communautaire
Envoyer des rapports périodiques a l’assemblé communautaire sur la gestion des
ressources forestières communautaires
Prendre des décisions concernant les ressources forestières communautaires au
nom de la communauté
Développer un plan de gestion pour le forêt communautaire selon les directives
préparées par le FDA
Prendre les décisions sur les offres de contrat des entreprises qui veulent
exploiter les ressources sur les forêts communautaires, et négocier les termes de
ces contrats.
Si considéré comme nécessaire par l’assemblé communautaire : établir et gérer
un fonds de la forêt communautaire pour garder les revenus générés des
ressources forestières communautaires, pour distribuer aux activités de gestion
20
Liberia CRL section 3.2 21
Liberia CRL section 4.1
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
16
forestière et de développement communautaire. Ce fonds doit être géré dans
une manière transparente.22
Assurer que les ressources forestières communautaires sont gérées dans une
manière durable. 23
2.3 Gabon: les forêts communautaires
Paramètres basiques
« La forêt communautaire est une portion du domaine forestier rural affectée à une
communauté villageoise en vue de mener des activités ou d’entreprendre des processus
dynamiques pour une gestion durable des ressources naturelles à partir d’un plan de
gestion simplifié. »24
La forêt communautaire doit faire partie du domaine forestier rural.
Le domaine forestier rural est constitué des terres et forêts dont la jouissance est
réservée aux communautés villageoises, selon les modalités déterminées par voie
réglementaire. » Il est distingué du domaine forestier permanent de l’Etat
A ce jour, aucune forêt communautaire n’a encore été crée au Gabon.
Comment définit-on la communauté?
On entend par communauté locale, une entité villageoise, un groupement de villages ou un
canton agissant dans le cadre d’une association reconnue.25
Procédure pour la création d’une forêt communautaire
La demande de création d’une forêt communautaire est présentée au chef de l’Inspection
provinciale des Eaux et Forêts de la zone concernée, accompagnée d’un procès-verbal
de l’organe représentatif de la communauté, et d’un plan de la situation de la forêt
sollicitée.26
Le projet de création d’une forêt communautaire doit faire l’objet d’une réunion de
concertation des membres de la communauté locale concernée aux fins de désigner
l’organe représentatif de l’association reconnue, de définir les objectifs et les limites de la
zone concernée. Cette réunion est présidée par le préfet, le sous-préfet ou leur
représentant assisté d’un agent de l’administration des Eaux et Forêts.
22 Liberia CRL 4.2, section 4.3
23 Liberia CRL section 4.2
24 Article 156 du Code forestier
25 Article 2, décret N° 001028/2004
26 Article 162, code forestier.
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
17
Le dossier de demande de création d’une forêt communautaire est déposé auprès du
responsable local de l’administration des Eaux et Forêts pour publicité pendant un mois.
Ce dossier doit comprendre :27
Une demande légalisée précisant les objectifs assignés à la forêt sollicitée
Un plan de situation de la forêt
Le procès-verbal de la réunion de concertation
Les pièces justificatives portant dénomination de la communauté concernée ainsi
que l’adresse et les statuts de l’association
La description des usages assignés à la zone sollicitée
Le dossier est ensuite transmis au Ministre chargé des Eaux et Forêts pour décision.
En cas d’acceptation, le plan simplifié d’aménagement durable est élaboré (voir ci-
dessous).
Les composants du droit de forêt communautaire
Droit d’accès- OUI
Droit d’extraction- OUI
Les communautés détiennent le droit de récolter du bois et les PFLN, soit à des
fins personnelles de subsistance soit à des fins commerciales.
Les revenus de l’exploitation des forêts communautaires sont la propriété de la
communauté.28
Droit de gestion - OUI
Les communautés ont le droit de réglementer et de prendre des décisions
relatives aux ressources et aux territoires forestiers pour lesquels elles disposent
d’un droit d’accès et d’extraction légalement reconnu.
Obligations des communautés quant à la gestion de leur FC :
L’exploitation des forêts communautaires est subordonnée à un plan simple de
gestion.29
Le plan de gestion sera élaboré par l’administration des Eaux et Forêts, soit par
la communauté locale assisté d’un agent des Eaux et Forêts, Les travaux
préparatoires à l’élaboration de ce plan, notamment les inventaires et la
cartographie, sont réalisés par l’administration des Eaux et Forêts, ou par la
communauté locale elle-même avec la validation de l’administration des Eaux et
Forêts,30 Le plan de gestion indique notamment :31
La dénomination de la communauté concernée
La localisation et la description de la zone considérée
Les usages prioritaires et le programme d’actions
27 Article 4, décret No. 001028/2004 fixant les conditions de création de forêts communautaires 28 Article 161, code forestier.
29 Article 158 , code forestier.
30 Article 6 et 7, décret No. 001028/2004 fixant les conditions de création de forêts communautaires
31 Article 8, décret No. 001028/2004 fixant les conditions de création de forêts communautaires.
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
18
En cas de non respect du plan simple de gestion, la convention de gestion peut
être suspendue.32
L’organe représentatif de la communauté est tenu de dénoncer auprès de
l’administration locale des Eaux et Forêts toute violation des règles de gestion. 33
Droit d’exclusion- PARTIEL
Le gouvernement détient le droit de conclure les contrats avec les tiers sur les FC
sans la permission des communautés, ce qui veut dire que les communautés
n’ont pas le droit d’exclusion définitif.34 Néanmoins, les communautés tiennent le
droit d’accorder les permis d’exploitation sur leurs FC aux tiers.
Le droit d’accorder des permis d’exploitation aux tiers sur le FC. (Le
décret n°0725/PR/MEFEPA du 9 septembre 2008 régit le permis de gré a
gré).
Il s’agit d’octroyer à un habitant d’origine gabonaise et résidant permanent
d’une communauté, un permis d’exploiter (maximum 50 pieds), toutes
espèces commercialisées confondues. Le décret susmentionné ne fait
pas mention d’une limite de PGG par portion de domaine forestier rural.
Les démarches administratives pour obtenir un PGG sont simples (carte
d’identité, attestation de résidence, croquis de la zone, liste des essences
souhaitées, liste du matériel utilise, lettre d’engagement d’un acheteur ou
contrat d’approvisionnement). En outre, les titulaires de PGG peuvent
obtenir des gains immédiats de l’exploitation de la forêt.
Le PGG, qui est attribué à un individu et exploité par un exploitant
extérieur au village, n’a aucune logique communautaire de travail et de
partage des gains : absence de revenus pour les ouvriers villageois,
absence de partage des bénéfices.
Par ailleurs, l’attribution de PGG entraine au sein même de la
communauté villageoise des conflits. Seuls certains villageois tirent des
revenus ou des bénéfices de l’exploitation de la forêt.
Droit d’aliénation: les communautés n’ont pas le droit de vendre leur forêt aux tiers, ni de
l’utiliser en guise de gage.
Droit perpétuel ?- NON. La convention de gestion des communautés sur leur forêt
communautaire dure aussi longtemps que le plan de gestion est respecté. En cas de
non respect du plan de gestion, les droits des communautés sur leur forêt
communautaire peuvent être suspendus.35 De plus, puisque le droit de forêt
communautaire est seulement un droit d’usage et non de propriété, les communautés
n’ont pas le droit légalement à une compensation dans ce cas.
32
Article 9 et 10, décret No. 001028/2004 fixant les conditions de création de forêts communautaires.. 33
article 12 du Décret n°001028/PR/MEFEPEPN du 1er
décembre 2004 34
Article 159, code forestier. 35
Article 9 et 10, décret No. 001028/2004 fixant les conditions de création de forêts communautaires.
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
19
2.4 Guatemala: les terres communales (« tierras comunales »)
Paramètres basiques
Les terres communales sont des terres possédées par les communautés autochtones ou
paysannes en tant qu’entités collectives. Ceci comprend des terres qui sont enregistrées
au nom de l’Etat, mais qui ont été possédées traditionnellement sous un régime
collectif.36
A ce jour, il y a presque 300 000 hectares de terres enregistrées comme terres
communales.
Comment définit-on la communauté ?
Les communautés autochtones sont des formes d’organisation collectives des
populations autochtones, avec une administration interne régie par ses propres règles,
valeurs, et procédures.37
Les communautés paysannes sont des formes d’organisation des populations
autochtones ou non-autochtones, identifiées par leurs besoins communs et visant à
mettre en œuvre des projets et programmes communs, assurant leurs droits
propriétaires.38
Ce n’est pas nécessaire que les communautés aient la personnalité juridique.39
Processus pour le classement d’un titre de forêt communautaire
La communauté doit soumettre une demande de terre communale au bureau cadastral,
et prouver sa gestion des terres en question. Si le bureau cadastral est convaincu, il
ordonnera la déclaration du droit de propriété communale pour ces terres. Ensuite, le
bureau mènera un bilan de la zone, délimitant sa superficie.
Les composants du droit de forêt communautaire
Droit d’accès- OUI40
Droit d’extraction- OUI
La consommation de subsistance peut se faire avec un permis de consommation
familiale, ce qui donne à la famille le droit de couper au plus 15 m3 /an
36 Article 23, Ley del Registro de Informacion Catastral (« loi de registration de l’information cadastrale) : « Tierras comunales:Son las tierras en
propiedad, posesión o tenencia de comunidades indígenas o campesinas como entes colectivos, con o sin personalidad jurídica. A demás, forman
parte de estas tierras aquéllas que aparecen registradas a nombre del Estado o de las municipalidades, pero que tradicionalmente han sido poseídas o
tenidas bajo el régimen comunal. »
37 Art. 1(c), Reglamento específico para reconocimiento y declaración de tierras comunales, 2009 (« Réglementations specifiques pour la
reconnaissance et la déclaration des terres communales »
38 Article 1(d), Reglamento específico para reconocimiento y declaración de tierras comunales, 2009.
39 Article 23, Ley del Registro de Informacion Catastral.
40 Articles 23 et 65, Ley del Registro de Informacion Catastral.
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
20
exclusivement pour le combustible et la construction.41 Les usages commerciaux
doivent avoir un permis spécial, et sont subordonnés aux termes du plan de
gestion.42 Les communautés paysannes peuvent acquérir un permis collectif,
pour lequel elles doivent prouver leur propriété sur les terres.43
Droit de gestion- OUI
La communauté conserve le droit de gérer sa forêt communautaire selon ses
propres pratiques.
Plan de gestion : comme tout titulaire de droit foncier, les communautés
possédant un droit de forêt communautaire doivent développer un plan de
gestion qui doit recevoir l’approbation du gouvernement.44 Cependant, il n’existe
aucune réglementation qui traite spécifiquement de la gestion des terres
communales. En conséquence, les forêts communautaires sont régies par des
normes développées pour d’autres régimes fonciers, qui ne sont pas vraiment
appropriés pour les pratiques de gestion traditionnelles utilisées historiquement
sur les terres communales.45
Droit d’exclusion- OUI :
En théorie, dès que le droit de propriété est établit, la communauté jouit du droit
d’exclusion. Cependant, en pratique, les communautés sont obligées de faire
des efforts importants pour contrôler leurs terres et empêcher aux étrangers
d’extraire les produits forestiers. 46
Droit d’aliénation- OUI :
Il n’existe aucune disposition juridique qui traite spécifiquement du droit de louer
les terres communautaires, ou de les utiliser en guise de gage. Cependant, ce
serait juridiquement possible en théorie car le droit de terre communale équivaut
à la propriété privée individuelle. En fait, en pratique, les communautés
concluent des contrats privés pour l’usage de leurs forêts communautaires avec
les tiers.47
Droit perpétuel ? – OUI
Le droit de forêt communautaire n’a pas de limite dans le temps. Le
gouvernement conserve le droit d’enlever les terres pour des projets d’intérêt
public, mais il doit suivre les mêmes procédures et les mêmes montants
d’indemnisation que pour la propriété privée individuelle.
41
Article 46, résolution N° 4/23/1997 42
Article 49, Ley Forestal de 1996 (« loi forestière ») 43
Article 43, résolution N° 4/23/1997 44
Articles 48 and 49, Ley Forestal de 1996 (« loi forestière ») 45
Rights & Resources Initiative (RRI), “Guatemala”, http://www.rightsandresources.org/documents/files/doc_4995.pdf 46
Rights & Resources Initiative (RRI), “Guatemala”, http://www.rightsandresources.org/documents/files/doc_4995.pdf 47
Decret N° 49/1979, Ley de Titulacion Supletoria
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
21
2.5 Tanzanie: les réserves forestières communautaires et réserves
forestières villageoises
Paramètres basiques
En Tanzanie, il existe deux modèles de forêt communautaires : la réserve forestière
communautaire (CFR- « Community Forest Reserve ») et la réserve forestière villageoise
(VFR-“Village Forest Reserve”). Le VFR est le modèle le plus courant.
A ce jour, plus de 2.2 millions d’hectares de terre en Tanzanie sont gérés sous le modèle
de forêts communautaires.
Comment définit-on la communauté?
Les VFR sont disponibles aux assemblés villageois, comportant toute personne ayant
plus de 18 ans et résidant ordinairement dans un village.48
Si plus qu’un village veut gérer une forêt communautaire, on peut établir un comité
villageois commun de gestion forestière.
Processus pour le classement du titre
La communauté doit avoir le droit de propriété formel sur les terres en question, ce qui
peut être obtenu selon les procédures de la loi sur le foncier villageois.
La communauté définira ensuite les limites de la forêt communautaire (interne et externe)
La communauté développera un plan de gestion (voir ci-dessous), comprenant une carte
et les quantités et lieux des ressources forestières que la communauté prévoit utiliser.
Ce plan sera soumis au conseil régional pour recevoir des commentaires et l’approbation
finale.
Etablissement d’un comité de gestion des ressources naturelles, pour gérer la forêt
communautaire. Ceci sera élu par l’assemblée villageoise, comprenant tout membre de
la communauté, en tenant compte de l’égalité des sexes.
Préparation des arrêtés pour soutenir le plan de gestion (par ex. des sanctions et des
amendes)
Ratification finale par le conseil régional.
Après trois années de mise en œuvre du plan de gestion, le droit de propriété pour la
forêt communautaire sera formalisé et rendu permanent.
48
Section 55 du Loi de Gouvernement Local (Autorités préfectoraux) de 1982 (« Local Government (District Authorities) Act, 1982.
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
22
Obligation de préparer un plan de gestion
Avant que le titre de propriété pour la forêt communautaire ne soit approuvé, la
communauté doit préparer un plan de gestion qui doit comprendre :
Une carte et les quantités et lieux des ressources forestières que la communauté
prévoit utiliser.
Etablissement d’un comité de gestion des ressources naturelles, pour gérer la
forêt communautaire. Celui-ci sera élu par l’assemblée villageoise, comprenant
tout membre de la communauté, en tenant compte de l’égalité des sexes.
Préparation des arrêtés pour soutenir le plan de gestion (par ex. des sanctions et
des amendes)
Ce plan sera soumis au conseil régional pour recevoir des commentaires et
l’approbation finale.
Composantes du droit
Droit d’accès- OUI.
Droit d’extraction- OUI.
La communauté détient tout droit d’utiliser, couper, et vendre les ressources
forestières de leur forêt communautaire, conforme à leur plan de gestion. 49
Droit de gestion- OUI.
L’assemblé villageois détient le droit de gestion sur ses terres, mais selon un plan
de gestion préalable. Le conseil villageois doit préparer le plan, ce qui doit
recevoir l’approbation du conseil de la préfecture et de l’assemblé villageois avant
que le VLFR peut être crée.50
Droit d’exclusion- NON.
Droit d’aliénation- NON, on ne peut pas vendre les terres, ni les louer, ni les
utiliser en guise de gage.
Droit perpétuel ? - NON
Le gouvernement peut retenir les terres s’il considère que la communauté ne
conforme pas a leur plan de gestion.
Bilan actuel
La loi créant les VLFR est très longue et complexe, et en pratique elle est à peine mise en
œuvre. La majorité des tanzaniens ne connaissent pas son existence, ou ne peuvent pas la
comprendre. Même les juristes et les représentants gouvernementaux ont du mal à comprendre
la loi et les processus d’immatriculation que les communautés doivent suivre pour acquérir un
titre de VLFR. Ceci entrave considérablement la mise en œuvre de cette politique. Cette
situation est empirée par la manque de financement et de capacité administrative dans les
organes gouvernementales : ils ne peuvent pas mettre en œuvre les processus ni
49
Section 40(a), Loi Forestière (“Forest Act”), 2002 50
Section 14, Loi Forestière (“Forest Act”), 2002
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
23
d’immatriculation ni de résolution de conflits. Les procédures d’immatriculation, en plus, sont
trop compliquées pour la plupart des villages. Tout cela signifie que la plupart des
communautés n’ont pas encore eu l’occasion de jouir des droits des terres villageoises.51
2.6 Les Forêts modèles
Paramètres basiques
Les Forêts Modèles sont des projets indépendants qui sont développés pour la gestion des
forêts individuelles. Le concept est basé sur l’idée que chaque forêt a son propre contexte
historique et biogéographique et donc aura besoin de son propre mode de gestion. Dans ce
but, chaque Forêt Modèle est formée par un partenariat volontaire de toutes les parties
prenantes dans l’aire riveraine, qui développent leur propre modèle de gestion pour la Forêt
Modèle. L’objectif du partenariat est de recueillir un consensus concernant l’application du
développement durable à la gestion des ressources forestières.
Chaque forêt modèle est donc unique, car chaque partenariat est formé d’intérêts différents, et
chaque site a ses propres conditions écologiques, socio-économiques, et politiques.
Les caractéristiques qui démarquent les Forêts Modèles d’autres initiatives de développement
forestier semblables sont :
l'étendue de leur démarche,
l'échelle des activités,
l'étendue de leurs partenariats,
le niveau des politiques sur lesquelles elles veulent influer et l’importance accordée au
travail en réseau.
Les Forêts Modèles sont liées entre elles par le Réseau international de forêts modèles (RIFM).
RIFM publie un cadre de principes et d’attributs générales pour guider le processus de
négociation du partenariat de chaque forêt modèle. RIFM est aussi un lieu d’échange et de
coopération en matière de gestion forestière durable.
En 2006, 41 forêts modèles couvraient 55 millions ha dans 18 pays, dans une grande diversité
de terres : dans les zones tropicales et tempérées, sur les terres privées, communales et
publiques, et dans les régions de forte et de faible densité de population.
51
Rachael Knight, “Statutory recognition of customary land rights in Africa,” (FAO, 2010), http://www.fao.org/docrep/013/i1945e/i1945e00.pdf
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
24
Processus pour la création et la mise en œuvre d’une Forêt Modèle
Le processus d’établissement d’une Forêt Modèle est souple et il relève du gouvernement du
pays concerné.
Différents pays adoptent des processus différents de sélection d’un site. Par exemple, dans la
Fédération de Russie, le processus d’élaboration de proposition a débuté par un atelier qui a été
suivi par la création d’un groupe de travail composé d’organismes gouvernementaux,
d’intervenants de l’industrie et d’autres parties prenantes intéressées. Par la suite, ce groupe de
travail a sélectionné le site qui se prêtait tout particulièrement à l’établissement d’une Forêt
Modèle.
La Forêt Modèle doit comprendre une assise territoriale assez grande pour représenter tous les
usages et toutes les valeurs de la forêt : les fermes, les forêts, les aires protégées, les villes, et
les rivières.
Apres la sélection d’un site, il faut constituer le partenariat, qui doit comprendre toutes les
parties prenantes dans l’aire proposée. Ensuite, le partenariat définit l’acception du terme «
durabilité » dans son propre contexte, fixe un but commun, établit une structure de gouvernance
et dresse un plan stratégique. Puis les membres collaborent à l’atteinte des objectifs énoncés
dans le plan.
Dans chaque cas, un comité d’experts, composé de spécialistes dans des domaines différents,
étudie les propositions et détermine celles qui sont les plus susceptibles de prendre en compte
les questions locales dans un contexte plus vaste de gestion durable des forêts. Les
propositions d’adhésion au Réseau international sont examinées par le RIFM ou par l’un des
réseaux régionaux qu’il a mis en place.
Les Forêts modèles en Afrique
Le Réseau Africain de Forêts Modèles (« RAFM ») a été crée en 2009, avec la mission de
faciliter l’établissement, le développement et le fonctionnement d’un réseau panafricain de
Forêts Modèle.
Le RAFM a pour objectif :
Construire un réseau panafricain de Forêts Modèles bien gouverné et travaillant à
la viabilité des collectivités dans le cadre du développement durable des
paysages forestiers
Soutenir les Forêts Modèles africaines et leurs réseaux nationaux dans leurs
efforts de construction et de consolidation d’un modèle de développement et de
gouvernance locale fondé sur la coopération, l’innovation et le développement
des partenariats
Contribuer à la conception et à la mise en œuvre de politiques africaines viables
en matière d’environnement et de développement
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
25
Travailler au renforcement des partenariats régionaux internationaux et à la
coopération entre Forêts Modèles à traves le monde
Faciliter les échanges et la capitalisation des expériences dans tous les sujets
pertinents pour les Forêts Modèles, dans un esprit de responsabilité
environnementale, de développement durable, d’innovation, d’unité africaine, et
de solidarité internationale
A ce jour, le RAFM compte deux Forêts Modèles basées au Cameroun et d’autres en
développement au Maroc, en Tunisie, en Algérie, en République démocratique du Congo, et en
République centrafricaine.
2.6.1 Exemple 1 : Forêt Modèle de Campo-Ma’an (Cameroun) :
Pourquoi ?
En réponse aux insuffisances des Forêts Communautaires mises en place par le gouvernement
camerounais dans les années 1990 (voir ci-dessus), celui-ci a décidé d’essayer les Forêts
Modèles. Celles-ci étaient considérées comme nouvelle méthode de gestion avec le potentiel
d’adresser les problèmes de fragmentation et de conflit entre les différentes parties prenantes.
Partenaires :
Gouvernement - 40 %
Population locale - 30 %
ONG - 15 %
Agro-industries - 10 %
Industrie forestière (exploitation forestière) - 5 %
Objectifs stratégiques
Développement économique durable et réduction de la pauvreté en ajoutant de la valeur
à la variété de produits et services forestiers en cours de production
Atténuation des conflits
Servir de projet pilote aux fins de la création d'un réseau regroupant les Forêts Modèles
du bassin du Congo
Renforcer les structures décisionnelles locales et bâtir des partenariats transparents et
durables entre les divers intervenants
Réalisations accomplies:
Établissement de la Forêt Modèle à titre d'entité juridique
Élaboration d'une structure décisionnelle; élection d'un conseil d'administration
Processus de planification stratégique en cours
Organisation d'ateliers visant à améliorer et planifier les communications, la vision et la
conscientisation des parties intéressées à la forêt modèle à l'échelle du site
Relations étendues avec les médias
La gestion communautaire des forêts Juillet 2013
26
2.6.2 Exemple 2 : Forêt Modèle de Dja et Mpono (Cameroun)
Partenaires
Gouvernement - 40 %
Collectivités locales - 25 %
Municipalités - 15 %
ONG - 10 %
Secteur privé (foresterie) - 7 %
Secteur privé (exploitation minière) - 3 %
Objectifs stratégiques
Gestion durable des ressources forestières
Promotion d'une structure décisionnelle transparente et fondée sur la recherche de
consensus
Développement économique durable, spécialement pour les peuples pygmées indigènes
Réduction des conflits
Promotion et consolidation de l'accès et de la participation de toutes les parties
intéressées, spécialement les personnes tenues à l'écart des décisions qui concernent la
gestion des ressources naturelles
Renforcement de la capacité des collectivités locales et des protagonistes du site afin de
favoriser leur participation au processus de négociation, à la désignation des projets et à
la mise en ouvre
Servir de projet pilote aux fins de la création d'un réseau regroupant les Forêts Modèles
du bassin du Congo
Réalisations accomplies
Établissement de la Forêt Modèle à titre d'entité juridique
Élaboration d'une structure décisionnelle; élection d'un conseil d'administration (CA)
Processus de planification stratégique en cours
Organisation d'ateliers visant à améliorer et planifier les communications, la vision et la
conscientisation des parties intéressées à la forêt modèle à l'échelle du site
Relations étendues avec les médias
Brussels
4ème Etage
36 Avenue de Tervueren
1040 Bruxelles
Belgium
London
274 Richmond Road
London
E8 3QW
UK
Warsaw
Aleje Ujazdowskie 39/4
00-540 Warszawa
Poland
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