la prise en charge gl obale du patient diabétique...dr anne vambergue (lille) comité scientifique...

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LA PRISE EN CHARGE GLOBALE DU PATIENT DIABéTIQUE Janvier 2015 • Volume 10 • n° 85 • 9 E d www.diabeteetobesite.org La cardiomyopathie diabétique : un désordre métabolique ? Anne Van Steenbergen et al. La protéine CIDEA : a-t-elle un lien avec la cachexie ? Nathalie Viguerie Le diabète de la mucoviscidose : dépistage et traitement Dr Helen Mosnier-Pudar Le carcinome hépatocellulaire : rôle du syndrome métabolique François Cauchy, Pr Valérie Paradis La diabétologie de 1970 à 2014 : évolutions dans les pratiques hospitalières Danielle Brie Durain DPC Développement Professionnel Continu N°1 en diabétologie Lue par 89,1 % des diabétologues- endocrinologues (ville + hôpital). Résultats CESSIM octobre 2014. DOSSIER TRAITEMENT DU DT2 : l’activité physique toujours en course 1 Au cœur de l’activité physique : que nous apprend l’étude Look AHEAD ? Pr Martine Duclos 2 Activité physique et sportive : les 10 freins à sa pratique régulière Dr Yves Abitteboul

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  • L a p r i s e e n c h a r g e g L o b a L e d u p a t i e n t d i a b é t i q u e

    Janvier 2015 • Volume 10 • n° 85 • 9 E

    d www.diabeteetobesite.org

    La cardiomyopathie diabétique : un désordre

    métabolique ? Anne Van Steenbergen et al.

    La protéine CIDEA :

    a-t-elle un lien avec la cachexie ?

    Nathalie Viguerie

    Le diabète de la mucoviscidose :

    dépistage et traitement

    Dr Helen Mosnier-Pudar

    Le carcinome hépatocellulaire : rôle du syndrome

    métabolique François Cauchy, Pr Valérie Paradis

    La diabétologie de 1970 à 2014 : évolutions dans les pratiques hospitalièresDanielle Brie Durain

    DPCDéveloppementProfessionnel

    Continu

    N°1 en diabétologie

    Lue par 89,1 % des diabétologues-

    endocrinologues (ville + hôpital).

    Résultats CESSIM

    octobre 2014. Dossier

    TraiTemenT Du DT2 : l’activité physique toujours en course

    1 �Au cœur de l’activité physique : que nous apprend l’étude Look AHEAD ?

    Pr Martine Duclos

    2��Activité physique et sportive : les 10 freins à sa pratique régulière

    Dr Yves Abitteboul

    Exxxxxx

  • Janvier 2015 • Vol. 10 • N° 85www.diabeteetobesite.org

    Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages chacun).Photo de couverture : © Nastco - iStock.

    • Directeur de la publication :Dr Antoine Lolivier• Directrice du développement :Valérie Belbenoît• Directrice de la rédaction : Odile Mathieu• Rédactrice : Caroline Lepreux-Sandrez• Directrice de fabrication et de production : Gracia Bejjani • Assistante de production :Cécile Jeannin• Maquette et illustrations :Élodie Lecomte • Directrice de clientèle/projets :Catherine Patary-Colsenet• Service abonnements : Claire Lesaint• Impression : Imprimerie de Compiègne 2, avenue Berthelot – ZAC de Mercières BP 60524 – 60205 Compiègne cedex

    CoMIté De leCtuRe

    Rédacteur en chef “obésité” : Pr Patrick Ritz (Toulouse)

    Rédacteur en chef “Diabète” :Dr Saïd Bekka (Chartres)

    Pr Yves Boirie (Clermont-Ferrand)Pr Régis Coutant (Angers)Pr Jean Doucet (Rouen)Pr Pierre Gourdy (Toulouse)Pr Véronique Kerlan (Brest)Dr Sylvie Picard (Dijon)Dr Helen Mosnier Pudar (Paris)Dr Caroline Sanz (Toulouse)Dr Anne Vambergue (Lille)

    CoMIté SCIentIfIque

    Pr Bernard Bauduceau (Paris)Pr Rémy Burcelin (Toulouse)Pr Bertrand Cariou (Nantes)Pr François Carré (Rennes)Pr Bernard Charbonnel (Nantes)Dr Xavier Debussche (Saint-Denis, Réunion)Pr Jean Girard (Paris)Pr Alain Golay (Genève)Pr Hélène Hanaire (Toulouse)Dr Michel Krempf (Nantes)Pr Michel Pinget (Strasbourg)Pr Paul Valensi (Bondy)

    Diabète & obésitéest une publication

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    n° de Commission paritaire :1018 t 88454

    Prix au numéro : 9 F.Mensuel : 10 numéros par an.

    Abonnement au prix de 75 € ttC/an.

    Les articles de “Diabète & Obésité” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs.

    Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite

    et constituerait une contrefaçon sanctionnéepar les articles 425 et suivants du code pénal.

    l A P R I S e e n C h A R g e g l o B A l e D u P A t I e n t D I A B é t I q u e

    n zoom sur... La cardiomyopathie diabétique un désordre métabolique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1 Anne Van Steenbergen, Magali Balteau, Julien Auquier, Pr Luc Bertrand, Pr Sandrine Horman, Pr Christophe Beauloye (Bruxelles)

    n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 7

    Traitement du DT2 : l’activité physique toujours en course

    1 n Au cœur de l’activité physique Que nous apprend l’étude Look AHeAD ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 8 Pr Martine Duclos (Clermont-Ferrand)

    2 n Activité physique et sportive Les 10 freins à sa pratique régulière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 16 Dr Yves Abitteboul (Toulouse)

    n profession La diabétologie de 1970 à 2014 Évolutions dans les pratiques hospitalières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 19 Danielle Brie Durain (Nancy)

    n rAconTe-moi une proTÉine La protéine ciDeA A-t-elle un lien avec la cachexie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 24 Nathalie Viguerie (Toulouse)

    n inTerspÉciALiTÉs Diabète de la mucoviscidose enjeux et modalités du dépistage et du traitement . . . . . . . . . . . . . p. 26 Dr Helen Mosnier-Pudar (Paris)

    n comprenDre De la stéatose au carcinome hépatocellulaire Le rôle du syndrome métabolique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 30 François Cauchy, Pr Valérie Paradis (Clichy, Paris)

    n renDez-vous De L’inDusTrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 6n BuLLeTin D’ABonnemenT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 13

    sommaire

    Toute l’équipe de Diabète & Obésitévous souhaite une bonne année 2015 !

    n°1Lue par 89,1 % des diabétologues-endocrinologues*

    *Étude réalisée par IPSOS Média pour le CESSIM (Centre d’études sur les supports de l’information médicale) - résultats d’octobre 2014.

    en diffusion et en audience

  • Zoom sur…

    Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85 1

    Le concept de cardiomyopathie diabétique L’augmentation constante de la prévalence du diabète représente un problème de santé publique majeur. À l’heure actuelle, plus de 5 % de la population mondiale est diabétique. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, d’ici 2030, le nombre de patients diabétiques aura augmenté de 39  % (OMS, 2014). Chez ces patients, les com-plications cardiovasculaires sont la cause principale de mortalité. Le risque d’insuffisance cardiaque est doublé chez un homme diabé-tique et multiplié par 5 chez une femme diabétique. Le diabète est avant tout un facteur de risque majeur du développement de la maladie coronaire et de l’infarctus du myocarde. En effet, la survenue d’un syndrome coronarien aigu est plus fréquente chez les patients diabétiques que dans le reste de la

    population. De plus, celle-ci est as-sociée à un pronostic défavorable et à une mortalité plus élevée, que ce soit dans le cas d’un infarctus du myocarde avec un sus-décalage persistant du segment ST ou dans le cas d’un syndrome coronarien aigu sans sus-décalage persistant du segment ST. Dans les années 70, l’étude Fra-mingham a démontré que le dia-bète pouvait affecter la structure et la fonction cardiaque indé-pendamment d’un changement de la pression artérielle et de la maladie coronarienne (1). Cela a abouti au concept de cardiomyo-pathie diabétique. Des indices de dysfonction diastolique sont communs chez les patients dia-bétiques. Ceuxi-ci identifient les patients à risque de présenter de l’insuffisance cardiaque, de la fibrillation auriculaire ou encore de mourir (2). Dans cette revue, nous proposons de décrire les mécanismes molé-culaires et cellulaires de la cardio-myopathie diabétique. Plus parti-

    culièrement, nous établirons un lien entre les modifications méta-boliques et leurs effets délétères sur le cœur et le cardiomyocyte.

    Le diabète augmente le risque d’in-

    suffisance cardiaque. La cardiomyo-

    pathie diabétique est définie comme

    les modifications de la structure et de

    la fonction cardiaque liées au diabète

    indépendamment d’un changement

    de la pression artérielle et de la mala-

    die coronarienne.

    Le cœur diabétiqueDans le cœur diabétique, des modifications structurelles telles qu’une hypertrophie des cardio-myocytes et une fibrose intersti-tielle ou périvasculaire peuvent apparaître à long terme (3). Celles-ci sont à l’origine d’une dysfonction ventriculaire gauche, principalement diastolique, couramment observée chez les patients diabétiques. Ces modi-fications structurelles sont asso-ciées, sur le plan moléculaire, à

    xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

    La cardiomyopathie diabétique

    Un désordre métabolique ?

    n La cardiomyopathie diabétique est définie comme les altérations de structure et de fonction

    du myocarde liées au diabète, et non attribuables à l’hypertension artérielle ou la maladie

    coronaire. C’est une entité souvent sous-estimée sur le plan clinique. Sa physiopathologie est,

    en partie, liée à une exposition du myocarde à un excès de substrats énergétiques, glucose et

    acides gras, exerçant des effets délétères. � Anne Van Steenbergen*, Magali Balteau*, Julien Auquier*, Pr Luc Bertrand*, Pr Sandrine Horman*, Pr Christophe Beauloye*

    *Pôle de Recherche cardiovasculaire, Institut de Recherche expérimentale et clinique (IREC), Université catholique de Louvain (UCL), Bruxelles

  • 2 Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85

    Zoom sur…

    une augmentation persistante de la production d’espèces réac-tives de l’oxygène (ROS) ainsi qu’à une augmentation du nombre de cellules apoptotiques au sein du myocarde. La production de ROS, entrainant un stress oxydant, est un élément central dans la phy-siopathologie de la cardiomyo-pathie diabétique. En plus d’une production excessive de ROS, la cardiomyopathie diabétique est caractérisée par une dysfonction mitochondriale, une stimulation de l’oxydation des acides gras, une accumulation de lipides au sein du myocarde, une altération du cou-plage excitation/contraction, une perte d’efficience métabolique et une altération de la fonction contractile. D’autres phénomènes participent également à la phy-siopathologie de la cardiomyo-pathie diabétique et sont repris dans la figure 1 (4). La plupart de nos connaissances sur cette entité pathologique nous viennent de modèles animaux, et plus particu-lièrement de données expérimen-tales obtenues chez les rongeurs. De nombreux modèles expéri-mentaux à la fois de diabète de type 1 ou de type 2 ont été décrits et revus récemment (5).

    Le métaboLisme énergétique cardiaque et son aLtération dans Le cœur diabétiqueAfin de soutenir son activité contractile, le cœur doit produire de manière continue une quantité importante d’énergie. En condi-tion normale, 60 à 70  % de l’ATP cardiaque proviennent de l’oxy-dation des acides gras et les 30 à 40  % restants de l’oxydation du pyruvate (Fig. 2) (6). En effet, l’oxy-dation des acides gras inhibe le métabolisme du glucose, en rédui-

    sant son transport intracellulaire, la glycolyse (via une inhibition de la PFK-1) et l’oxydation du glucose (via une inhibition de la pyruvate déshydrogénase). Le cardiomyo-cyte peut également utiliser le lac-tate et les corps cétoniques comme autres substrats énergétiques. Le cœur est doué d’une grande flexibilité métabolique, lui per-mettant d’adapter son métabo-lisme énergétique en fonction de la disponibilité des substrats, de l’influence hormonale et/ou d’un stress qui lui est imposé. Par exemple, en situation postpran-diale, l’insuline favorise l’utilisa-tion du glucose au détriment des acides gras. En effet, l’insuline sti-mule le captage du glucose, la gly-colyse et l’oxydation du glucose et enfin réduit l’oxydation des acides gras (7). D’autre part, lors d’une augmentation de la post-charge (liée à une augmentation de ten-sion artérielle), le myocarde uti-lise davantage le glucose comme

    substrat énergétique (8). Le cœur diabétique évolue dans un environnement différent et est soumis à la fois à une hyper-glycémie et à une augmentation des acides gras libres (non esté-rifiés), à cause de l’insulinorésis-tance systémique. Cet excès de substrats énergétiques va être à l’origine d’une modification du métabolisme myocardique, d’une toxicité pour le cardiomyocyte (gluco- et lipotoxicité) et donc d’une diminution de la production d’ATP et d’une perte d’efficience métabolique (9). Par rapport au cœur normal, le cœur diabétique présente une augmentation de l’apport d’acides gras au sein du myocarde et une augmentation de l’oxydation des acides gras, par rapport à l’oxydation du glu-cose (alors qu’une hyperglycémie est présente). La disponibilité en acides gras dépasse leur capacité d’oxydation. Dans ces conditions, le cœur devient métaboliquement

    Cardiomyopathie diabétique

    AGEs

    Fibrose

    SRAA

    Utilisation des AGs

    Lipotoxicité

    Dysfonction mitochondriale

    Altération de la

    signalisation de l’insuline

    Stress oxydatif

    Inflammation

    Apoptose/nécrose

    microARNs

    Épigénétique

    Stress RE

    Figure 1 – mécanismes physiopathologiques de la cardiomyopathie diabétique.

    Les mécanismes impliqués dans la physiopathologie de la cardiomyopathie diabé-

    tique sont multiples : formation de produits avancés de glycation (ages), activation du

    système rénine-angiotensine-aldostérone (sraa), augmentation de l’utilisation des

    acides gras (ags), lipotoxicité, altération de la signalisation de l’insuline, développe-

    ment de fibrose, dysfonction mitochondriale, stress oxydatif, phénomènes d’apoptose

    et nécrose, et stress du réticulum endoplasmique (re), implication des microarns et

    des modifications épigénétiques. ce schéma a été adapté de (4).

  • La cardiomyopathie diabétique

    Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85 3

    inflexible et la production d’ATP provient exclusivement de l’oxy-dation des acides gras. Ceci n’est pas un trait commun à toutes les cardiomyopathies. Dans l’insuf-fisance cardiaque non diabétique (par exemple, une insuffisance cardiaque liée à une surcharge chronique de pression), le car-diomyocyte présente un défaut d’oxydation des substrats en gé-néral et surtout une diminution de l’oxydation des acides gras, en-trainant un défaut de production d’ATP (Fig. 3).

    Le cœur est doué d’une grande

    flexibilité métabolique, lui permettant

    d’adapter son métabolisme énergé-

    tique en fonction de la disponibilité

    des substrats, de l’influence hor-

    monale et/ou d’un stress qui lui est

    imposé. Le milieu “métabolique” du

    patient diabétique avec un excès de

    lipides et glucose va altérer le méta-

    bolisme et la fonction myocardique.

    diabète, acides gras et Lipotoxicité Dans le cœur diabétique, l’excès d’acide gras stimule, via le fac-teur de transcription PPAR-α, l’expression de la pyruvate déshy-drogénase kinase-4 (PDK4) et de certains gènes impliqués dans la

    Glucose

    Acides gras

    Glucose

    Glu-6-P

    Fru-6-P

    PFK-1

    Pyruvate

    Pyruvate Acétyl-CoA PDH

    Cycle Krebs

    ATP

    Acides gras

    Acyl-CoA

    Citrate

    Citrate ATP

    PDK4

    Mitochondrie

    OXPHOS

    Acyl-CoA

    ?

    Basal

    Source de production d’ATP

    Post- prandial

    Flexibilité métabolique

    -oxydation

    A

    B

    Cardiomyopathie

    diabétique

    Insuffisance cardiaque

    (non diabétique)

    L’apport en AGs dépassant la capacité d’oxydation

    Augmentation de l’utilisation et de l’oxydation des AGs

    Diminution de l’utilisation du glucose

    Altération de l’oxydation des AGs

    Augmentation de l’utilisation du glucose comme substrat énergétique

    Glucose

    Oxydation des AGs

    Glucose Glucose

    Apport en AGs

    Oxydation des AGs

    B Figure 2 – métabolisme cardiaque normal.

    a. schéma du métabolisme cardiaque normal. b. La source de production d’énergie

    (atp) à jeun (basal) et en postprandial, illustrant la flexibilité métabolique. en condi-

    tions physiologiques, 60 à 70 % de l’atp cardiaque provient de l’oxydation des ags et

    30 à 40 % de l’oxydation du glucose. L’inhibition de l’oxydation du glucose par les ags

    via le cycle de randle est représentée en rouge.

    ∫ Figure 3 – comparaison des diffé-

    rences métaboliques entre l’insuffisance

    cardiaque non diabétique (liée à une

    surcharge chronique de pression) et la

    cardiomyopathie diabétique.

    L’insuffisance cardiaque est caractérisée

    par une augmentation de l’utilisation du

    glucose et une altération de l’oxydation

    des ags. dans le cas de la cardiomyopa-

    thie diabétique, l’utilisation des ags est

    majoritaire, contrairement au captage du

    glucose, à la glycolyse et à l’oxydation du

    glucose qui sont diminués. L’apport en ags

    dépasse les capacités oxydatives.

  • 4 Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85

    Zoom sur…

    β-oxydation (9). PDK4 entraîne la phosphorylation et l’inhibition de la pyruvate déshydrogénase (PDH), freinant de cette manière l’oxydation du glucose. D’autre part, l’excès d’acides gras est à l’origine d’une production exces-sive d’équivalents réducteurs (NADH, FADH2) provenant de la β-oxydation. Ceux-ci dépassent les capacités d’oxydation de la mitochondrie, ce qui a pour consé-quence une augmentation de la production de ROS. Le stress oxy-datif qui en résulte entraîne une augmentation de l’expression de protéines découplantes (UCPs) dans la membrane mitochondriale interne. Dans un premier temps, ceci constitue un mécanisme pro-tecteur. En effet, il permet la dis-sipation d’un gradient de protons trop important au niveau de la chaine respiratoire. Cependant, à plus long terme, ce mécanisme devient délétère, car il aboutit à une diminution de l’efficacité de la production d’ATP. De plus, dans le cœur diabétique, les capacités de la β-oxydation étant dépassées, l’excès d’acides gras mène à une accumulation intramyocardique de triglycérides (“stéatose myocardique”) et de dé-rivés lipidiques toxiques tels que les céramides et le diacylglycérol (DAG) (10). Les céramides ampli-fient le stress oxydatif et induisent un stress du réticulum endoplas-mique. Ils participent également à l’augmentation de l’apoptose et au développement de l’inflamma-tion et de l’insulinorésistance. Il a été démontré que l’excès de lipides (sous forme de palmitate) entraîne une accumulation de DAG respon-sable de l’activation de protéines kinases C (PKC) classiques, et plus particulièrement l’isoforme β2 (11). Cette dernière stimule la production de ROS par la NADPH oxydase.

    Dans le cœur diabétique, les capacités

    de la β-oxydation étant dépassées,

    l’excès d’acides gras mène à une

    accumulation intramyocardique de

    triglycérides (“stéatose myocardique”)

    et de dérivés lipidiques toxiques tels

    que les céramides et le diacylglycérol.

    hypergLycémie et gLucotoxictéL’exposition à un excès de glucose entraîne également des altéra-tions cellulaires. Il était commu-nément admis que l’hyperglycé-mie induit une augmentation de la production de ROS, au même titre que les lipides (12). Ce phénomène était reconnu comme l’élément déclencheur de la glucotoxicité. En effet, la production de ROS par la mitochondrie est respon-

    sable de l’inhibition de la glycé-raldehyde-3-phosphate déshydro-génase (GAPDH), une enzyme clé du métabolisme glycolytique. Cela aboutit à l’accumulation d’inter-médiaires glycolytiques dont le glucose, le glucose-6-phosphate ou le fructose-6-phosphate. Cette ac-cumulation est responsable d’une augmentation du flux de glucose à travers les voies métaboliques non glycolytiques et potentielle-ment toxiques (à savoir la voie des hexosamines, la voie des polyols, la formation de produits avancés de la glycation [AGEs], et l’activation des PKCs, liée à une augmenta-tion du diacylglycérol). La stimu-lation de la voie des hexosamines mène à la O-Gluc-NACylation de protéines comme des protéines mitochondriales ou des protéines

    Acides gras

    Acides gras

    PPAR

    Pyruvate Acétyl-CoA PDH

    Cycle Krebs

    ATP

    Acyl-CoA

    PDK4

    Mitochondrie

    OXPHOS

    -oxydation

    Céramides DAG

    Surcharge lipidique intramyocardique

    ROS

    Gènes de l’oxydation

    des AGs

    Figure 4 – Lipotoxicité et diabète.

    L’excès d’acides gras entraîne une augmentation de la transcription des gènes pparα-

    dépendants de même qu’une accumulation intramyocardique de lipides (triglycérides)

    et de dérivés lipides toxiques comme les céramides ou le diacylglycérol.

  • La cardiomyopathie diabétique

    Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85 5

    impliquées dans le couplage exci-tation/contraction et altère leur fonction. L’augmentation du flux à travers la voie des polyols entraîne une déplétion en NADPH néces-saire aux défenses antioxydantes. La voie des pentoses phosphates permet la production de NADPH, ce qui alimente, paradoxalement, la production de ROS par la NA-DPH oxydase (13). Enfin, la PKCβ2 active la NADPH oxydase (et plus particulièrement l’isoforme

    NOX2). Elle est également impli-quée dans de nombreux effets délétères comme la diminution de la production de NO et l’altération du couplage excitation/contrac-tion au sein du cardiomyocyte.Ces mécanismes semblaient dé-montrer que les effets toxiques du glucose sont également liés à une déconnexion entre le captage de glucose (augmenté) et son oxyda-tion (diminuée), comme pour les acides gras, que la métabolisation

    du glucose est requise afin d’in-duire ses effets toxiques et enfin, que la production de ROS par la mitochondrie est l’élément déclen-cheur. Cependant, notre groupe a montré que l’hyperglycémie induit de manière précoce une activation de l’isoforme NOX2 de la NADPH oxydase (13). D’autres groupes ont montré que ce phénomène pouvait être à l’origine de la dysfonction mi-tochondriale (14). De manière plus intéressante, nous avons démontré qu’une exposition à des analogues non métabolisables du glucose est capable de reproduire les effets toxiques de l’hyperglycémie, prou-vant que la glucotoxicité peut être un mécanisme indépendant du métabolisme du glucose (13). Nos données suggèrent qu’un cotrans-porteur de type sodium-glucose (SGLT) joue le rôle de senseur au glucose dans le cardiomyocyte (données non publiées).

    L’hyperglycémie induit une augmen-

    tation de la production de ROS, au

    même titre que les lipides. L’induction

    de la production de ROS en réponse

    à l’hyperglycémie est un phénomène

    qui ne requiert pas le métabolisme

    du glucose. Le cardiomyocyte est

    donc capable de détecter une hyper-

    glycémie.

    L’insuLinorésistance cardiaque, amie ou ennemie ? Une des principales caractéris-tiques du cœur diabétique est l’in-sulinorésistance, définie comme une diminution de la capacité de l’insuline à stimuler le transport du glucose dans le cardiomyocyte et est un des facteurs expliquant la perte de flexibilité métabolique du myocarde. Cette perte de flexi-bilité pourrait également contri-buer à la dysfonction ventriculaire chez les sujets diabétiques par une

    Hyperglycémie

    ROS

    glycolyse

    GAPDH

    Voies

    des

    polyols

    AGEs PKC Hexo-

    samines

    Voies non-glycolytiques

    A

    B Hyperglycémie

    ROS

    SGLT

    NOX2

    Figure 5 – mécanismes de la glucotoxicité.

    a. schéma de l’hypothèse de brownlee. L’inhibition de la gapdh entraîne une accumu-

    lation d’intermédiaires de la glycolyse, favorisant les voies non glycolytiques poten-

    tiellement toxiques.

    b. Le cardiomyocyte est capable de détecter une augmentation de la glycémie par un

    mécanisme dépendant d’un transporteur sgLt, et cela, sans nécessiter la métabolisa-

    tion du glucose. ceci mène à une activation de l’isoforme nox2 de la nadph oxydase,

    induisant la production de ros. cette production de ros peut induire à son tour une

    dysfonction mitochondriale.

  • 6 Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85

    Zoom sur…

    diminution de la production éner-gétique. De plus, dans les phéno-mènes d’ischémie-reperfusion, il a été démontré que l’insulinorésis-tance était défavorable à la récupé-ration de la fonction ventriculaire gauche. Cependant, des données dans la littérature suggèrent que l’insuli-norésistance cardiaque pourrait être un mécanisme de défense du myocarde face à l’excès de subs-trats énergétiques (15). En effet, en présence d’une hyperglycémie, la puissance développée par un cœur isolé et perfusé insulinorésistant est supérieure à celle développée par un cœur insulinosensible, lors d’une augmentation du travail car-

    diaque. Cela démontre une meil-leure tolérance d’un cœur insuli-norésistant à un excès de glucose. Quoi qu’il en soit, l’insulinorésis-tance cardiaque est un marqueur d’atteinte du myocarde. Cepen-dant, il reste à déterminer si le traitement de l’insulinorésistance en tant que telle est bénéfique ou délétère.

    en concLusionLa cardiomyopathie diabétique est une entité souvent sous-estimée sur le plan clinique. Elle est avant tout liée à une dysrégulation méta-bolique, qui fait suite à un excès de substrats énergétiques. n

    correspondance :

    Pr Christophe Beauloye, MD, PhD

    Pôle de Recherche cardiovasculaire

    Institut de Recherche expérimentale et

    clinique (IREC)

    Université catholique de Louvain (UCL)

    55, avenue Hippocrate

    1200 Bruxelles, Belgique

    E-mail : [email protected]

    1. Kannel WB, McGee DL. Diabetes and cardiovascular disease. The Framin-gham study. JAMA 1979 ; 241 : 2035-8.2. From AM, Scott CG, Chen HH. The development of heart failure in patients with diabetes mellitus and pre-clinical diastolic dysfunction a population-based study. J Am Coll Cardiol 2010 ; 55 : 300-5.3. Huynh K, Bernardo BC, McMullen JR, Ritchie RH. Diabetic cardiomyopathy: mechanisms and new treatment strategies targeting antioxidant signaling pathways. Pharmacol Ther 2014 ; 142 : 375-415.4. Bugger H, Abel ED. Molecular mechanisms of diabetic cardiomyopathy. Diabetologia 2014 ; 57 : 660-71.5. Bugger H, Abel ED. Rodent models of diabetic cardiomyopathy. Dis Model Mech 2009 ; 2 : 454-66.6. Taegtmeyer H, Hems R, Krebs HA. Utilization of energy-providing subs-trates in the isolated working rat heart. Biochem J 1980 ; 186 : 701-11.7. Bertrand L, Horman S, Beauloye C, Vanoverschelde JL. Insulin signalling in the heart. Cardiovasc Res 2008 ; 79 : 238-48.8. Beauloye C, Marsin AS, Bertrand L et al. The stimulation of heart gly-colysis by increased workload does not require AMP-activated protein

    kinase but a wortmannin-sensitive mechanism. FEBS Lett 2002 ; 531 : 324-8.9. Boudina S, Abel ED. Diabetic cardiomyopathy revisited. Circulation 2007 ; 115 : 3213-23.10. Wende AR, Abel ED. Lipotoxicity in the heart. Biochim Biophys Acta 2010 ; 1801 : 311-9.11. Jaishy B, Zhang Q, Chung HS et al. Lipid-induced NOX2 activation inhibits autophagic flux by impairing lysosomal enzyme activity. J Lipid Res 2014.12. Giacco F, Brownlee M. Oxidative stress and diabetic complications. Circ Res 2010 ; 107 : 1058-70.13. Balteau M, Tajeddine N, de Meester C et al. NADPH oxidase activation by hyperglycaemia in cardiomyocytes is independent of glucose metabolism but requires SGLT1. Cardiovasc Res 2011 ; 92 : 237-46.14. Shen E, Li Y, Li Y et al. Rac1 is required for cardiomyocyte apoptosis during hyperglycemia. Diabetes 2009 ; 58 : 2386-95.15. Taegtmeyer H, Beauloye C, Harmancey R, Hue L. Insulin resistance pro-tects the heart from fuel overload in dysregulated metabolic states. Am J Physiol Heart Circ Physiol 2013 ; 305 : H1693-7.

    BiBliographie

    Mots-clés : diabète, cardiomyopathie, métabo-

    lisme, glucotoxicité, Lipotoxicité

    rendez-vous de L’industrie

    dysfonctionnement érectile

    la solution de l’implant pénienLe dysfonctionnement érectile touche plus d’un homme sur

    trois de plus de 40 ans. L’accroissement de la durée de vie et

    l’explosion des pathologies qui en sont à l’origine, comme le

    diabète qui endommage les nerfs ou les vaisseaux sanguins

    contrôlant la circulation sanguine vers le pénis, en consti-

    tuent les causes principales. Touchant à la qualité de la vie

    de couple, à l’image de soi, il constitue une souffrance et un

    enjeu de santé générale majeur. L’avènement des médica-

    ments oraux sexo- actifs, comme les inhibiteurs de la phos-

    phodiestérase de type 5, a notamment permis aux hommes

    atteints de dysfonction érectile, autrefois dits “impuis-

    sants”, de retrouver une érection nécessaire à des relations

    sexuelles réussies. Mais ces solutions médicamenteuses, ainsi

    que d’autres traitements, ne suffisent parfois pas ou plus. Et

    quand le dysfonctionnement érectile devient permanent, l’im-

    plant pénien est à considérer. Il offre une possibilité de traite-

    ment aux hommes dont les corps caverneux de la verge sont

    définitivement endommagés et qui ne réagissent (pas ou plus)

    à aucun traitement.

    L’opération consiste à implanter dans la verge un dispositif (dit

    “implant pénien” ou “prothèse pénienne”) conçu pour mettre

    celle- ci mécaniquement en état d’érection. Tous les disposi-

    tifs sont constitués d’une paire de cylindres implantés dans

    le pénis, et entièrement cachés dans le corps. La reprise des

    rapports sexuels est effective environ 6 à 8 semaines après

    l’intervention chirurgicale. n

  • DOSSIER

    TraiTemenT du dT2 : l’activité physiquetoujours en course

    dossier coordonné par Saïd Bekka (Chartres) et Patrick ritz (Toulouse)

    1 au cœur de l’activité physique :

    que nous apprend l’étude Look aHead ? � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 8

    Pr Martine Duclos

    2 activité physique et sportive :

    les 10 freins à sa pratique régulière � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 16

    Dr Yves Abitteboul

    L'activité physique (AP) est un des piliers du traitement du diabète de type 2. Ce-pendant, pour les praticiens, proposer, motiver un patient à l'AP est difficile. Nombreux sont les freins chez les patients mais, aussi, chez les soignants. Ces difficultés sont en partie liées au manque de formation des professionnels de santé sur ce traitement non pharmacologique, pourtant particulièrement efficace.Récemment, l'étude Look AHEAD a refroidi le bel enthousiasme de tous ceux investis dans la lutte contre la sédentarité. Les conclusions brutes sem-blaient fermer la porte aux bénéfices cardiovascu-laires attendus de l'AP. Cependant, une étude atten-tive de la méthodologie et des résultats nous offre une interprétation qui rompt avec le pessimisme de la simple lecture statistique du critère primaire.Nous sommes heureux, à travers ce dossier, de vous offrir un focus spécifique sur ces deux thématiques importantes.La rédaction de Diabète & Obésité vous souhaite une très belle année... et une bonne lecture. dr Saïd Bekka (Chartres)

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  • TraiTemenT du dT2 : l’acTiviTé physique Toujours en course

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    8 Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85

    Look AHEAD Study (Action for Health in Diabetes) est une étude d’intervention randomisée multicentrique dont l’objectif était de déterminer le bénéfice cardiovasculaire d’une intervention intensive associant nutrition et activité physique (AP) chez des patients diabétiques de type  2 (DT2) en surpoids ou obèses. Cinq mille cent quarante-cinq patients ont été randomisés en 2 groupes : un groupe avec prise en charge intensive (diététique + 175 minutes/semaine d’AP) pen-dant un an puis suivi étroit (objec-tif : perte de 7 % du poids initial à 1 an puis maintien) et un groupe “standard” dont la prise en charge se limitait à 3 sessions annuelles d’éducation diététique et d’encou-ragement à l’AP en groupe.

    L’étude a été interrompue prématu-rément au bout de 10 ans au lieu des 13,5 ans prévus, car l’analyse inter-médiaire n’a pas montré de réduc-tion concernant la survenue d’évé-nements cardiovasculaires à 10 ans dans le groupe intensif. Cependant, les conclusions de cette étude ne se résument pas à cette phrase qui

    pourrait se lire comme un titre de journal TV sur une chaîne d’infor-mations en continu  : «  pas d’effets des modifications du mode de vie sur la survenue d’événements car-diovasculaires chez les DT2 en surpoids ou obèses ». Au contraire, les informations apportées par cette étude nécessitent un arrêt sur image pour analyse et discussion.

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    Look AHEAD Study est une étude d’intervention randomisée multicentrique dont l’objectif était de déterminer le bénéfice cardiovasculaire d’une intervention intensive associant nutri-tion et activité physique (AP) chez des patients diabétiques de type 2 (DT2) en surpoids ou obèses. L’étude a été interrom-pue prématurément au bout de 10 ans, au lieu des 13,5 ans prévus, car l’analyse intermédiaire n’a pas montré de réduc-tion concernant la survenue d’événements cardiovasculaires à 10 ans dans le groupe intensif. De nombreux autres effets ont été démontrés chez les sujets DT2 de l’étude qui pourtant n’avaient pas le profil “idéal” des études d’intervention asso-

    ciant AP et nutrition : âge moyen 59 ans, IMC 36 kg/m² dont 86 % étaient obèses, diabète évoluant depuis plus de 10 ans et insuliné pour 15 % des volontaires, pas d’AP et faibles ca-pacités physiques. Il s’agit (groupe intensif vs groupe stan-dard, amélioration significative) : du poids, de l’équilibre gly-cémique, du besoin et du coût des traitements, des apnées du sommeil, de la qualité de vie et, dans certains cas, d’une rémission du diabète. Ces résultats montrent qu’il n’est jamais trop tard pour agir, mais que le mieux reste la prévention pré-coce de la prise de poids et qu’il faut favoriser toujours et à tout moment l’AP et la diminution de la sédentarité.

    résumé

    1 Au cœur de l’activité physiqueQue nous apprend l’étude Look AHEAD ?Pr Martine Duclos*

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    *CHU de Clermont-Ferrand, Hôpital Gabriel-Montpied, Service de Médecine du Sport et Explorations fonctionnelles ; INRA UMR 1019, UNH, CRNH Auvergne ; Clermont Université, Univer-sité d’Auvergne, Unité de Nutrition Humaine, Clermont-Ferrand

  • TraiTemenT du dT2 : l’acTiviTé physique Toujours en course

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    Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85 9

    Le scénArio de Look AHEAD StuDyLook AHEAD Study (1) est une étude d’intervention randomi-sée multicentrique (16 centres aux États-Unis) avec intervention intensive sur le mode de vie chez des patients  DT2 en surpoids ou obèses. Cette intervention associait régime hypocalorique et hypolipi-dique (1 200 et 1 800 kcal/j, moins de 30  % des apports énergétiques provenant des lipides) à un pro-gramme d’activité physique (AP) supervisé pendant un an (au moins 175 minutes/semaines d’activité physique), puis un suivi régulier planifié initialement pour 13,5 ans. Dans le groupe intensif (n = 2 570), l’objectif était une perte de 7 % du poids initial à 1 an, à maintenir par la suite. Les patients du groupe “intensif” ont été suivis toutes les semaines pendant 6 mois, puis 3 fois par mois les 6 mois suivants, à la fois de façon individuelle et en groupe. Par la suite, les patients ont été vus en consultation indivi-duelle au moins une fois par mois, avec un contact téléphonique sup-plémentaire tous les mois. La prise en charge “standard” se limitait à 3  sessions annuelles d’éducation diététique et d’encouragement à l’activité physique en groupe (n  =  2 575). Les caractéristiques des patients à l’inclusion étaient comparables dans les 2 groupes  : âge moyen de 58,7 ans, 59,8  % de femmes, IMC à 36 kg/m², durée de diabète de 6,8 ans et HbA1c à 7,3 %.

    résuLtAts Après 4 Ans de suivi (93 % des pAtients initiALement rAndomisés) : AméLiorAtion du profiL cArdiométAboLiqueLa perte de poids à 4 ans était signi-ficativement plus importante dans le groupe intensif par rapport au

    groupe standard (- 4,7 % vs - 1,1 %, p < 0,001). Le niveau d’AP qui avait augmenté de + 20,4  % à 1 an dans le groupe intensif, se maintenait à + 5,4  % à 4 ans, contre une baisse de - 1,1  % dans le groupe standard. L’amélioration des paramètres métaboliques restait significative à 4 ans dans le groupe intensif concer-nant l’HbA1c, le HDL-cholestérol et la pression artérielle systolique. Le niveau de LDL-cholestérol était plus bas dans le groupe standard avec significativement plus de pa-tients avec un LDL-cholestérol < 1 g/l (64,5 % vs 61 % dans le groupe intensif, p = 0,01), mais ceci était dû à une plus large utilisation d’hypoli-pémiants. Alors que la prescription d’antidiabétiques oraux, d’insuline et d’antihypertenseurs était signifi-cativement réduite dans le groupe intensif, une plus forte proportion de ces patients atteignait les objec-tifs d’HbA1c < 7 % (57,4 % vs 51,1 % dans groupe standard, p 

  • TraiTemenT du dT2 : l’acTiviTé physique Toujours en course

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    10 Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85

    10 ans de suivi). À l’inverse, le LDL-cholestérol est resté significative-ment plus élevé dans ce groupe. De plus, le traitement des facteurs de risque cardiovasculaire a été in-tensifié au cours de l’étude dans les 2 groupes du fait de l’évolution des recommandations pour la prise en charge des facteurs de risque en routine (3) ce qui peut avoir rendu encore plus difficile la mise en évidence du bénéfice relatif de la prise en charge par les modifica-tions du mode de vie.

    • Caractéristiques des sujets inclus  : à l’entrée de l’étude, l’âge moyen des sujets était de 59 ans et leur IMC supérieur à 36 kg/m². Or, les changements obtenus sur 10 ans (durée de l’étude) ont peu d’impact par rapport aux effets de plusieurs décades de surpoids.

    • Il est aussi possible que les effets d’une intervention sur le mode de vie aient un effet réel, mais modeste sur les objectifs cardiovas-culaires sachant que ceux liés à la baisse de la glycémie (une diminu-tion de 10 à 15 %) nécessitent plus de 10 ans avant de devenir apparents (4). Si c’est le cas, cet essai était trop court pour détecter un tel effet.

    • Non-pertinence de la perte de poids en tant que critère de jugement  : la perte de poids est hétérogène en fonction des sujets, existence aussi d’une perte de poids dans le groupe standard (- 6,0 % vs - 3,5 %, p < 0,001).

    fitness ou fAtness ?L’activité physique et la capacité cardio-pulmonaire auraient pro-bablement été un critère de juge-ment plus pertinent pour séparer les sujets ayant ou non augmenté leurs capacités physiques et ap-précier leurs variations sur les événements cardiovasculaires.

    L’activité physique ou mieux, la capacité cardio-pulmonaire (car-dio-respiratory fitness [CRF] voire fitness des Anglo-saxons), est reconnue aujourd’hui comme un facteur prédictif puissant et indé-pendant de mortalité. La capacité cardio-pulmonaire (mesurée lors d’une épreuve d’effort, exprimée en consommation maximale d’oxy-gène [VO2 max] ou en Metabolic Equivalent Task [MET] avec un MET  =  consommation d’oxygène au repos [3,5  ml/kg/min]), est un excellent témoin de la capacité indi-viduelle d’exercice et est augmentée par l’activité physique régulière. Tout gain de capacité cardio-pul-monaire de 1 MET s’accompagne d’une réduction de 12 % de la mor-talité chez les sujets en bonne santé comme chez les sujets DT2, que les sujets soient indemnes de toute pa-thologie cardiovasculaire ou soient porteurs d’une pathologie chro-nique (cardiovasculaire, métabo-lique ou respiratoire) (5).

    Dans Look AHEAD, la CRF et l’ac-tivité physique n’ont été mesurées que pendant les quatre premières années (épreuve d’effort et ques-tionnaires, respectivement). Dans le groupe intensif, l’AP et la CRF ont augmenté de façon linéaire au cours des 4 ans de suivi. L’aug-mentation de la CRF est associée à l’amélioration de nombreux cri-tères de jugement secondaires :

    AugmEntAtion DE LA CRF Et Diminution SigniFiCAtivE DE L’HbA1c Après ajustement pour les varia-tions de poids, dans le groupe in-tensif comme dans le groupe stan-dard (6).

    RémiSSion pARtiELLE ou CompLètE Du Dt2La prévalence de rémission par-tielle ou complète du DT2 (définie par un retour à une glycémie à jeun

    inférieure à 1,26 g et une HbA1c in-férieure à 6,5 % en l’absence de trai-tement) a été à un an : 11,5 % vs 2 %, à quatre ans 7,3  % vs 2  % (groupe intensif vs standard ; n = 4 503). Le taux de rémission était d’autant plus élevé que la perte de poids ou l’augmentation de la CRF était im-portante, le diagnostic de diabète était récent, l’HbA1c à l’inclusion était plus bas et qu’il n’y avait pas de traitement par insuline (7). Ces résultats sont moins spectaculaires que ceux obtenus après chirur-gie bariatrique (une méta-analyse montre que le taux de rémission du DT2 est de 70 % avec un by-pass et de 58  % avec un anneau gastrique ajustable pour les études ayant jusqu’à 2 ans de suivi) (8). Mais il s’agit ici des résultats de modifica-tions du mode de vie c’est-à-dire d’un traitement non médicamen-teux sans effet secondaire vs ceux d’une intervention parfois lourde, sachant que les indications de la chirurgie bariatrique sont limitées et qu’il n’est pas souhaitable d’opé-rer tous les patients DT2.

    De plus, la population de l’étude Look AHEAD n’est pas idéale pour l’analyse, car 50  % des sujets ont plus de cinq ans d’évolution du diabète, 19  % sont sous insuline, et leur HbA1c est élevée. Néan-moins, ces résultats suggèrent qu’une intervention intensive sur le mode de vie incluant AP et nutrition peut être associée à une rémission complète ou partielle du diabète dans un sous-groupe de patients DT2, particulièrement ceux qui ont un diabète d’appari-tion récente, une HbA1c basse et qui n’ont pas encore besoin de trai-tement par insuline.

    mAintiEn à Long tERmE DE LA pERtE DE poiDS Et EFFEtS CARDiométAboLiquESÀ quatre ans, la perte de poids totale était de 1,1 % dans le groupe

  • TraiTemenT du dT2 : l’acTiviTé physique Toujours en course

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    Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85 11

    standard vs 4,7  % dans le groupe intensif. Dans ce groupe, 45 % des sujets ont maintenu plus de 5  % de la perte de poids initiale et, res-pectivement, 21 % ont maintenu au moins 10 % de la perte de poids pour les obésités de grade I ou II et 26 % pour les sujets présentant une obé-sité sévère (p < 0,05 entre ces deux groupes). Cette perte de poids s’as-socie à une diminution significative des facteurs de risque cardiovascu-laire  : LDL, triglycérides, pression artérielle systolique et diastolique, HbA1c, glycémie à jeun et augmen-tation du HDL-cholestérol. Ainsi, les patients avec obésité morbide qui participent avec assiduité à un programme d’éducation thérapeu-tique répondent de la même ma-nière que les autres. La réduction pondérale à long terme en pour-centage (≥ 5  %) est conforme à ce qui est considéré comme optimal pour la santé cardiovasculaire et métabolique (9).

    Parmi les facteurs associés au maintien de la perte de poids à long terme (à quatre ans) apparaissent : l’importance de la perte de poids la première année qui dépend sur-tout du nombre de sessions sui-vies, puis, pour le maintien pen-dant les trois années suivantes, la quantité d’activité physique et la diminution des apports alimen-taires en kilocalories.

    Dt2 Et pERtE DE mobiLitéLa masse musculaire et les capaci-tés physiques diminuent physiolo-giquement avec l’âge, mais la pré-sence d’un DT2 accélère la perte de masse musculaire. De ce fait, les DT2 sont à risques élevés d’inca-pacité physique et plus particuliè-rement de perte ou de réduction de la mobilité. Dans Look AHEAD, 18,2  % des DT2 présentent une gêne sévère à la mobilité (impos-sibilité de réaliser les tâches de la vie courante) et la prévalence de

    cette limitation sévère augmente à 26,4 % quatre ans plus tard (chez des sujets de moins de 65 ans). En revanche, dans le groupe de diabétiques ayant bénéficié d’une intervention intensive sur le mode de vie, la prévalence a été réduite à 20,6  % 4 ans plus tard. Surtout, cette intervention active sur le mode de vie a conduit à une dimi-nution de 48  % de la sévérité de l’incapacité à se mobiliser chez les sujets  DT2 en surpoids ou obèses par rapport au groupe standard. Cet effet est lié à la fois à la perte de poids (liée à l’adhésion au ré-gime) et à l’amélioration des capa-cités physiques. Ainsi, pour toute réduction de 1 % du poids et pour toute augmentation relative de 1 % des capacités physiques (CRF), le risque de perte de mobilité a été réduit de 7,3  % et 1,4  %, respecti-vement. Il s’agit d’un effet indé-pendant de la perte de poids et de l’activité physique (10).

    Différents éléments expliquent que la prévalence de la limitation de la mobilité augmente chez les sujets obèses et diabétiques : aug-mentation de l’inactivité physique, augmentation de l’incidence des pathologies arthrosiques et des comorbidités associées au DT2 et à l’obésité, modification de la composition corporelle avec perte de la masse et de la qualité muscu-laires (sarcopénie relative). Ainsi, l’obésité et le diabète aggravent la diminution liée à l’âge des capaci-tés physiques, induisant chez les sujets âgés une plus grande fragili-té, une diminution de la qualité de vie et une augmentation des hospi-talisations.

    DySAutonomiEL’atteinte du système nerveux autonome peut aussi contribuer à l’augmentation des risques car-diovasculaires chez les DT2. Elle peut être détectée par la mesure

    de la variabilité cardiaque au re-pos, la recherche d’une incompé-tence chronotrope à l’exercice ou en mesurant le temps de retour à la fréquence cardiaque de repos en récupération post-exercice (heart rate recovery  : HRR) lors d’une épreuve d’effort. HRR est un facteur prédictif indépendant de morbidité et de mortalité cardio-vasculaire et de mortalité toutes causes confondues chez le sujet en bonne santé comme chez le DT2. Sa mesure avant et après la période d’un an d’intervention a montré à la fois un effet séparé et indépendant de la perte de poids et de l’augmentation de la CRF sur l’amélioration de HRR, mais aussi un effet combiné de l’amélioration des deux paramètres. De plus, il existe un effet dose réponse  : les DT2 qui ont obtenu 10 % de perte de poids et plus de 15 % d’augmen-tation de la CRF, sont ceux qui ont la plus importante amélioration de HRR (6).

    AutRES EFFEtS poSitiFS DE L’ACtivité pHySiquE ASSoCiéE à LA nutRition à 10 AnS (CRitèRES DE jugEmEnt SEConDAiRES)Dans le groupe intensif, et par comparaison au groupe standard, sont significativement améliorés (p < 0,001)  : la perte de poids (dif-férence moyenne  : - 2,5  kg) et le tour de taille (- 3,2 cm), le contrôle glycémique (différence moyenne d’HbA1c  : - 0,22  % malgré un trai-tement intensifié dans le groupe standard et moindre prescription d’insuline dans le groupe intensif ), moindre progression du diabète, apnées du sommeil, qualité de vie, incidence plus faible de la rétinopa-thie diabétique rapportée par le pa-tient (- 14 %) ainsi qu’une moindre progression de l’insuffisance rénale chronique (- 31 %), diminution des besoins en médicaments et des coûts liés au traitement.

  • TraiTemenT du dT2 : l’acTiviTé physique Toujours en course

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    12 Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85

    Au cœur de L’Activité physique, LA mesure de LA sédentArité n’A pAs été considéréeLa sédentarité n’est pas l’inverse de l’activité physique. Elle est définie comme une situation d’éveil carac-térisée par une dépense énergé-tique inférieure ou égale à 1,5 METs (11). Le comportement sédentaire est reconnu comme un comporte-ment distinct de l’activité physique et les effets respectifs sur la santé de l’inactivité physique et de la sé-dentarité doivent être distingués. De plus, les effets délétères de la sé-dentarité sur la santé sont observés indépendamment du niveau d‘acti-vité physique. En d’autres termes, avoir un bon niveau d’activité phy-sique ne protège pas des effets de la sédentarité. Aux États-Unis, le temps moyen passé assis par jour est de 7,6 h. En France, les valeurs sont semblables.

    LES ConSéquEnCES DE LA SéDEntARité SuR LA SAnté Dans sa revue et méta-analyse exa-minant les relations entre temps passé assis et risque de diabète et maladies cardiovasculaires, Wil-mot (12) a montré que les sujets qui passaient le plus de temps as-sis avaient un risque augmenté de DT2 (RR : 2,12 ; IC 95 % : 1,61-2,78) et d’événements cardiovasculaires (RR  : 2,47 ; IC 95  %  : 1,44-4,24). Le risque de mortalité était aussi significativement augmenté, mor-talité toutes causes confondues (HR : 1,49 ; IC 95 % : 1,14-2,03) ou mortalité cardiovasculaire (HR  : 1,90 ; IC 95 % : 1,36-2,66).

    Indépendamment du niveau d’activité physique, les comporte-ments sédentaires, tels que regar-der la télévision, sont associés à un risque significativement plus élevé de développer un DT2 et une obésité (13). Dans la cohorte de la Nurses’Health Study, après

    ajustement sur l’activité physique habituelle, chaque tranche de 2  h par jour passée devant la télévi-sion au cours du suivi augmente le risque d’obésité de 23 % et celui de DT2 de 14 %. À l’inverse, même des activités de faible intensité comme rester debout ou marcher dans la maison sont associées à un risque plus faible de DT2 : 12 % de réduction pour chaque tranche de 2 h/sem.

    en concLusion, que nous Apprend L’étude Look AHEAD ?

    LE mESSAgE CLiniquE Il faut toujours essayer, chez les sujets motivés, les modifications du mode de vie. Car les diabé-tiques inclus dans les programmes d’AP+nutrition de Look-AHEAD n’avaient pas le profil “idéal”  : obésité massive, diabète évoluant depuis plus de 10 ans et insuliné pour 15 % des volontaires, pas d’AP et faibles capacités physiques.

    LE mESSAgE pHySioLogiquELe muscle reste un acteur de la santé chez le sujet obèse et chez le DT2 comme chez le sujet en bonne santé.

    LE mESSAgE objECtiFChez des sujets  DT2 d’âge moyen 59 ans, IMC 36  kg/m² dont 86  % sont obèses (35  % ont un IMC entre 30 et 35, 27 % entre 35 et 40 et 22 % > 40 kg/m²), et 15 % sont sous insuline, les effets de l’acti-

    vité physique et la diététique sont multifactoriels  : poids, équilibre glycémique, besoin et coût des traitements, apnées du sommeil, qualité de vie et, dans certains cas, rémission du diabète.

    L’absence d’effet sur les objectifs car-diovasculaires peut au moins s’ex-pliquer par le fait qu’il faut plus de 10 ans pour que les effets d’une prise en charge intensive se manifestent sur la macro-angiopathie, mais aus-si par le fait qu’il aurait fallu contrô-ler dans le groupe intensif tous les facteurs de risque aussi strictement que dans le groupe standard. Ainsi, l’étude  Sténo-2 a montré que, chez des DT2, une réduction adaptée de la pression artérielle, associée à un contrôle glycémique, une prescrip-tion de statines et une intervention sur le mode de vie, ont conduit à une amélioration rapide et significative (sur le plan statistique, mais aussi clinique) des objectifs cardiovascu-laires (14). Plus récemment, la méta-analyse de Kodama (15) portant sur 17 études de cohortes de sujets DT2 dont le niveau d’AP habituel, sans intervention, a été mesuré de façon prospective ou rétrospective, a montré que toute augmentation de l’AP de 1 MET-h/sem s’associe à une diminution de la mortalité totale de 9 % et cardiovasculaire de 7 %.

    La meilleure conclusion est celle qui est dans l’éditorial de H. Gerstein dans le New England Journal of Me-dicine (16)  : «  Même sans évidence claire de bénéfices cardiovasculaires, les investigateurs de Look-AHEAD

    À retenirn Même sans évidence claire de bénéfices cardiovasculaires, les investiga-

    teurs de Look-AHEAD ont montré que l’activité physique et la diététique

    peuvent sans danger réduire le fardeau du diabète et ont réaffirmé l’impor-

    tance des modifications du mode de vie comme une des bases de la prise

    en charge moderne du DT2 (17).

  • TraiTemenT du dT2 : l’acTiviTé physique Toujours en course

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    Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85 13

    ont montré que l’activité physique et la diététique peuvent sans danger réduire le fardeau du diabète et ont réaffirmé l’importance des modifi-cations du mode de vie comme une des bases de la prise en charge mo-derne du DT2. »

    La note personnelle de l’au-teur  : il n’est jamais trop tard pour agir, mais le mieux reste la prévention précoce de la prise de poids et de favoriser toujours et à tout moment l’AP et la diminu-tion de la sédentarité. n

    correspondance : Pr Martine Duclos

    CHU Hôpital Gabriel-Montpied

    Service de Médecine du Sport

    et Explorations fonctionnelles

    58, rue Montalembert

    63000 Clermont-Ferrand cedex 1

    E-mail : [email protected]

    1. Wing RR. Long-term effects of a lifestyle intervention on weight and car-diovascular risk factors in individuals with type 2 diabetes mellitus: four-year results of the Look AHEAD trial. Arch Intern Med 2010 ; 170 : 1566-75.2. Wing RR, Bolin P, Brancati FL et al.Cardiovascular effects of intensive lifestyle intervention in type 2 diabetes. N Engl J Med 2013 ; 369 : 145-54.3. Ali MK, Bullard KM, Gregg EW. Achievement of goals in U.S. Diabetes Care, 1999-2010. N Engl J Med 2013 ; 369 : 287-8.4. Holman RR, Paul SK, Bethel MA et al. 10-year follow-up of intensive glu-cose control in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008 ; 359 : 1577-89.5. Myers J, Prakash M, Froelicher V et al. Exercise capacity and mortality among men referred for exercise testing. N Engl J Med 2002 ; 346 : 793-801.6. Ribisl PM, Gaussoin SA, Lang W et al. Lifestyle intervention improves heart rate recovery from exercise in adults with type 2 diabetes: results from the Look AHEAD study. J Obes 2012 : 309 : 196.7. Gregg EW, Chen H, Wagenknecht LE et al.Association of an intensive lifestyle intervention with remission of type 2 diabetes. JAMA 2012 ; 308 : 2489-96.8. Buchwald H, Estok R, Fahrbach K et al. Weight and type 2 diabetes after bariatric surgery: systematic review and meta-analysis. Am J Med 2009 ; 122 : 248-56.9. Wadden TA, Neiberg RH, Wing RR et al. Four-year weight losses in the

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    BiBliographie

    mots-clés : Look AHEAD, bénéfice cardiovasculaire, nutrition, Activité physique, diabète de type 2, obésité, diététique

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    16 Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85

    Le bénéfice des activités physiques et sportives n’est plus à démontrer, tant en termes de prévention primaire, donc sur l’incidence des maladies, qu’en termes de prévention ter-tiaire, en diminuant nettement les récidives ou les invalidités fonc-tionnelles de ces pathologies.

    En association avec les habitudes alimentaires, ces bénéfices sur la santé seront d’autant plus impor-tants que le niveau d’activité phy-sique initial est faible, quel que soit l’âge du début de la pratique (1).

    Dès le XIXe siècle, l’urbanisation et la mécanisation ont facilité la vie des populations, qui se sont peu à peu sédentarisées. Dans nos pays industrialisés, ces évolutions ont contribué à une diminution pro-

    gressive des activités physiques quotidiennes (2). Cette situation gagne peu à peu les pays émer-gents parallèlement à leur déve-loppement économique.

    Ainsi, la sédentarité est devenue dé-sormais la deuxième cause de mor-talité et de morbidité, après le tabac, par ses effets sur le surpoids et son retentissement cardiovasculaire.

    En France, les recommandations actuelles qui préconisent 30 mi-nutes d’activité physique quoti-dienne, 5 fois par semaine, ne sont pas suivies. On estime que moins de la moitié de la population suit ce seuil minimal d’activité phy-sique nécessaire (3).

    Comment peut-on expliquer que la majorité de nos concitoyens, qui connaissent les bienfaits des activités physiques et sportives sur leur qualité de vie, ne les pra-tiquent pas ?

    Existe-t-il des résistances, des freins à une pratique régulière ?

    Quels sont les freins à la pratiQue des activités physiQues et sportives ?Il n’existe que très peu d’études dans la littérature traitant de cette problématique.Récemment, en 2012, l’IPSOS, pour le premier baromètre sport santé (4), et l’IRMES (3) se sont intéressés à ce sujet.Nous avons réalisé un travail dans ce sens, soit une étude descrip-tive par une enquête transversale avec un sondage d’une cohorte par auto- questionnaire anonyme.La population de l’enquête est celle de soins primaires, consul-tant leur médecin traitant, en Mi-di-Pyrénées.Vingt médecins généralistes ont été tirés au sort. Un questionnaire a été distribué à tous patients de

    xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

    L’activité physique se définit, selon l’OMS, comme tout mouvement corporel pro-duit par les muscles squelettiques entrainant une dépense énergétique supé-rieure à celle du repos.Cette activité se retrouve dans 4 situations de notre vie :• Les déplacements.• L’activité professionnelle.• Les tâches domestiques.• Les activités récréatives ou sportives.Le sport se définit comme « un sous ensemble de l’activité physique, spécialisé et organisé ».Activité physique et sport sont donc 2 concepts distincts.

    Introduction

    2 activité physique et sportiveLes 10 freins à sa pratique régulièreDr Yves Abitteboul*

    *Médecin du sport, consultation de médecine du sport, Centre hospitalier de Cahors ; Pôle médecine du sport, département universitaire de médecine générale, faculté de médecine, Toulouse [email protected]

    « Vous devriez réellement avoir un examen médical complet avant de mener une vie sédentaire devant le poste de télévision, car nous savons, à partir de statistiques médi-cales, que le mode de vie le plus dangereux est de rester assis immobile et de manger en excès. Vous devez être en parfaite santé pour survivre à ce mode de vie ! »

    Per-Olof Astrand

    Professeur de Physiologie

  • TraiTemenT du dT2 : l’acTiviTé physique Toujours en course

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    Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85 17

    18  à 75 ans venant consulter quel que soit le motif.Les questionnaires ont été propo-sés durant les 3 premiers jours de mai et juin 2012. Ils ont été rem-plis hors de la présence du méde-cin. Un texte d’accompagnement présentait succinctement l’objec-tif de l’étude et le strict respect de l’anonymat.L’analyse a concerné 501 question-naires qui ont pu être exploités. Le critère principal étudié est  : « Quels sont les freins à la pratique d’une activité physique et sportive régulière dans une patientèle de médecins généralistes en Midi-Pyrénées ? »

    Dix freins ont été mis en évidence de façon statistiquement significa-tive (Tab. 1).

    QuelQues chiffres croisésDans la population générale, le principal frein est le manque de temps pour des raisons pro-fessionnelles (39,3  %), puis le manque de temps pour des rai-sons familiales (37,2  %) et le manque de motivation (27,3  %), comme évoqué par l’étude du Lancet de 2012 (5).

    Le mal au dos est mis en évidence ici pour la première fois (6).C’est le frein principal chez les 45-65 ans et plus, période de la vie où l’activité physique régulière com-mence à diminuer (4).

    L’indice de masse corporelle  : le frein principal chez lez patients à indice de masse corporelle faible ou normal est le manque de temps pour raisons professionnelles.Le frein principal chez lez patients en surpoids est le manque de temps pour raisons familiales.Le frein principal chez lez patients obèses est le mal au dos.

    Le niveau d’activité physique des parents : la pratique d’une activité sportive est de 97 % si au moins un des parents est sportif alors qu’elle est de 68  % si les 2 parents sont sédentaires.

    Quels enseignements peut-on tirer de ces chiffres ?Le taux d’obésité, ainsi que le taux de tabagisme, de cette même po-pulation, sont identiques à ceux retrouvés par l’INSEE, l’INPES, le BEH-INVS (7) et l’ARS Midi-Pyré-nées.Les caractéristiques de la popula-tion étudiée sont les mêmes que celles de la population générale.

    Le frein principal “manque de temps pour motif professionnel et familial” est aussi retrouvé dans le peu de littérature nationale et internationale existant.Le frein suivant “manque de moti-vation” n’avait jamais été exprimé et, dans ce travail, il est d’autant plus prévalent que les sujets sont inactifs.Un frein original “douleurs au ni-veau du dos” a été introduit dans le questionnaire et il représente le 4e frein cité par la population étu-diée. Cet obstacle est d’autant plus vrai que le sujet est âgé, retraité,

    avec un IMC élevé et a des parents non sportifs. Est-ce l’inactivité ou la sédentarité qui sont à l’origine du mal au dos ou du surpoids ? Ou bien, ces douleurs rachidiennes et le surpoids sont-ils des facteurs qui limitent l’effort ?Le frein “accès aux structures” par la problématique des horaires, de l’éloignement et du coût (8) représente tout de même un frein à l’activité physique pour 20 % de l’échantillon.

    en pratiQue : 10 freins = 10 propositions

    Le manque de temps Lié à L’actiVité professionneLLeIntégrer l’activité physique ou sportive avant, pendant ou au re-tour du travail.Les équipements, comme un local à vélos sécurisé, douches et vestiaires, salle de sport dans les grandes entreprises peuvent être favorisés grâce à l’implication des médecins du travail.

    Le manque de temps pour des raisons famiLiaLesLa pratique d’une activité sportive proche du lieu où les enfants pra-tiquent eux aussi une activité phy-sique (footing autour d’un stade d’entraînement de foot, de rugby

    tableau 1 – freins dans la population générale.

    freins oui non

    temps professionnel 161 (39,3 %) 249 (60,7 %)

    temps familial 152 (37,2 %) 257 (62,8 %)

    manque de motivation 112 (27,3 %) 298 (72,7 %)

    douleurs au dos 104 (25,4 %) 306 (74,6 %)

    horaires des structures 78 (19 %) 332 (81 %)

    problèmes de santé 64 (15,6 %) 346 (84,4 %)

    manque de partenaires 56 (13,7 %) 354 (86,3 %)

    éloignement des structures 54 (13,2 %) 356 (86,8 %)

    trop cher 49 (12 %) 361 (88,1 %)

    manque d’habileté 48 (11,7 %) 362 (88,3 %)

  • TraiTemenT du dT2 : l’acTiviTé physique Toujours en course

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    18 Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85

    par exemple). L’organisation de cours communs adultes et enfants aux mêmes horaires peut aussi être une solution permettant ainsi le partage transgénérationnel.

    Le manque de motiVationL’information sur les bienfaits d’une activité physique simple, conviviale, mais régulière peut pallier ce manque. Les campagnes de motivation à grande échelle sur tous les supports (TV, Internet, ré-seaux sociaux) ont aussi un impact déjà démontré.

    Les probLèmes de santéLes porteurs de maladies chro-niques (diabète, HTA, BPCO…) peuvent être inclus dans un réseau de prévention tertiaire type Effor-mip en Midi-Pyrénées qui a déjà prouvé son efficacité en termes de qualité de vie et de prise en charge globale de leurs pathologies.

    Le maL au dosAprès avoir posé un diagnostic étiologique précis, le profession-nel de santé doit amener le patient douloureux vers une activité phy-sique adaptée, mais surtout régu-lière.En effet, le gainage musculaire, une ceinture abdominale de qua-lité et une maîtrise du poids sont incontestablement le trépied de la prévention et du traitement du mal au dos.

    L’accès aux structuresLes politiques d’aménagement du territoire doivent prendre en compte ces obstacles par la mise à disposition de pistes cyclables, de zones vertes intégrées dans l’espace urbain y compris pour les personnes en situation de handicap.

    Le manque de partenairesLes réseaux sociaux, par l’organi-sation de rendez-vous réguliers

    suivant les activités (marche nor-dique, jogging, roller) peuvent être le moyen de rencontrer, d’échan-ger et de progresser avec des par-tenaires expérimentés.Certains magasins de sport “s’ex-ternalisent” déjà en organisant pour leurs clients des séances de footing, de renforcement mus-culaire, d’équilibre en utilisant le mobilier urbain.

    Le manque d’habiLeté et Le coûtLes activités physiques les plus simples et les sports déjà pratiqués dans l’enfance doivent être valori-sés et encadrés par des éducateurs sportifs. Certaines collectivités lo-cales et employeurs commencent à participer aux surcoûts liés aux pratiques sportives.

    La formation des médecins Toutes les spécialités doivent pou-voir bénéficier d’une formation initiale de base et professionnelle continue (DPC) aux bienfaits des activités physiques en prévention primaire et tertiaire pour tous leurs patients.

    La rémunération des prescripteursUne cotation spécifique de ces actes médicaux chronophages, mais indispensables doit être créée.

    conclusionL’activité physique est un des ou-tils majeurs de la prévention pri-maire et tertiaire des pathologies chroniques par son action béné-fique sur de nombreux facteurs de santé.Les campagnes de promotion de l’activité physique doivent per-mettre à la population générale de l’envisager comme une priorité, de l’intégrer dans leur vie quoti-dienne, que ce soit sur leur lieu de

    travail ou durant leur temps libre, et cela, tout au long de leur vie.Ce travail permet enfin de mettre en évidence les freins réels, car exprimés, à l’activité physique et sportive.Toutefois, les sujets ayant mal au dos et les enfants dont les parents sont sédentaires doivent attirer toute l’attention des médecins prescripteurs d’activités phy-siques, quelles que soient leurs spécialités. En effet, le message envers ces 2 sous-populations “à risque” doit être répété et argu-menté lors des consultations. L’image des activités physiques et sportives ne doit pas seulement être celle du jeu et de la convivia-lité, mais aussi celle d’une prise en charge au long cours de leur capi-tal santé.Enfin, le message clair à envoyer aux populations des pays indus-trialisés et des pays émergents est celui d’une activité physique régu-lière, individualisée et source de bien-être. n

    1. Hamer M, Lavoie KL, Bacon SL. Taking up physical activity in later life and healthy ageing: the English longitudinal study of ageing. Br J Sports Med 2014 ; 48 : 239-43. 2. IRMES. Évolution séculaire de l’activité physique et du sport quotidiens des Fran-çais. 2008.3. Toussaint JF, Nassif H. Sédentarité et activité physique ou sportive : les enjeux. IRMES 2012 ; 233 : 122-4. 4. 1er baromètre national sport/santé IP-SOS 2012.5. Heath GW, Parra DC, Sarmiento OL et al. Evidence-based intervention in physical activity: lessons from around the world. Lan-cet 2012 ; 380 : 272-81. 6. Abitteboul Y. Importance du mal au dos comme frein à la pratique des activités phy-siques et sportives. Science et sports 2014.7. Bulletin épidémiologique hebdomadaire INVS 2011 ; n° 20-21.8. Top 10 reasons you don’t exercise. Health’s disease and condition content. Medical re-view board 2012.

    BiBliographie

    mots-clés : activité physique, freins, obstacles,

    sédentarité, mal au dos

  • Profession

    Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85 19

    De l’analyse d’urine à la pompe à insuline externe, en passant par l’injection d’insuline à la seringue en verre, l’arrivée de l’autocontrôle glycé-mique, les nouvelles techniques de l’autosurveillance glycémique et le développement de l’éducation thé-rapeutique du patient (ETP)... Toutes ces évolutions au cours de ces cinquante dernières années ont permis d’autonomiser le pa-tient diabétique, de le rendre ac-teur de sa maladie, de prendre en compte l’entourage et les aidants et, de ce fait, de le rendre plus ob-servant et autonome. Retour sur les grandes dates qui ont fait évoluer les soins infirmiers et la prise en charge du patient dia-bétique.

    SoinS infirmierS

    RecheRche de la glycosuRie et de l’acétonuRieJusqu’en 1962, la recherche de la glycosurie était réalisée par une analyse d’urine à la liqueur de Fehling : urine et liqueur de Fehling étaient chauffées dans un tube à es-sai, induisant une réaction de cou-leur qui permettait l’appréciation du nombre de croix de sucre.

    De 1962 à 1972, la recherche de la glycosurie est réalisée sur com-primé Clinitest® (laboratoire Bayer), en mettant 10 gouttes d’eau mélangées à 5 gouttes d’urine, pro-voquant une réaction de couleur comparative à une échelle colori-métrique, avec des résultats par croix (+- ; ++- ; +++ ; ++++).Le comprimé réactif Acetest® (laboratoire Bayer) permettait une recherche simple et rapide de l’acétone. Une seule goutte d’urine déposée sur le comprimé suffisait, et le résultat était im-médiat et comparé à une échelle

    colorimétrique avec un résultat en croix (+- ; ++- ; +++).

    Puis la bandelette réactive Ke-to-Diastix® fait son arrivée et per-met d’évaluer sucre et acétone sur la même bandelette (laboratoire Bayer).Sa technique est simple puisqu’il suffit de plonger la bandelette dans un verre à urine pour obte-nir un résultat en 15 secondes pour l’acétonurie et 30 secondes pour la glycosurie, avec compara-tif à une échelle colorimétrique et résultats en nombre de croix (+- ; ++- ; +++ ; ++++).L’adaptation des doses d’insu-line était faite suivant les résultats en croix :• 0 croix : même dose ;• 1 croix : + 1 unité ;• 2 croix : + 2 unités ;• 4 croix pour la glycosurie et 1 croix pour l’acétone : + 2 unités.

    En 1964, Bayer lance la ban-delette Dextrostix®, la pre-mière bandelette réactive pour le contrôle de la glycémie. C’est depuis cette date qu’on utilise l’ex-pression « Faire un dextro ».

    l’insulineJusqu’en 1968, les aiguilles à in-suline étaient affutées, nettoyées, désinfectées et stérilisées dans des boîtes en fer par stérilisateur Poupinel®. Un mandrin (fil mé-tallique) était introduit dans les aiguilles pour s’assurer qu’elles n’étaient pas bouchées.Quant aux patients, ils stérilisaient seringues et aiguilles en les faisant bouillir.

    C’est à l’occasion de mon départ à la retraite que je regarde les 45 années passées dans les hôpitaux. Le système a changé, vous l’imaginez bien. Mais plus encore que le système, ce sont les traitements qui ont changé et évolué. Qui, parmi les jeunes infirmier(e)s ou les jeunes médecins, peut imaginer qu’il y a 40 ans, il fallait aiguiser les aiguilles avant les injections ? Le temps passe, le monde de la technologie fait des progrès extraordinaires et nous avons ten-dance à oublier que demain sera encore plus techniquement facile. Je voudrais vous présenter un “catalogue” des changements, comme si on visitait un petit musée. Suivez-moi…

    Introduction

    La diabétologie de 1970 à 2014Évolutions dans les pratiques hospitalièresDanielle Brie Durain*

    *Cadre de santé à la retraite, CHU de Nancy

  • 20 Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85

    Profession

    De 1968 à 1970 : arrivée des ai-guilles et des seringues à usage unique.Les services n’étaient néanmoins pas prêts à réceptionner autant de matériel, ne disposant pas encore de lieux de stockage.Nous utilisions toujours des seringues en verre qui posaient d’énormes problèmes. En effet, le piston n’étant pas toujours adapté à la seringue, lors du remplissage de cette dernière, l’insuline pou-vait s’écouler le long du piston (mettant en doute la précision des unités injectées).Et les infirmier(e)s réalisaient les injections d’insuline en préparant à l’avance, sur un plateau, toutes les seringues préremplies, en in-diquant le numéro du lit des pa-tients. Puis, les injections étaient réalisées à la chaîne.

    De 1976 à 1990 : arrivée du pre-mier pancréas artificiel. Avec les premières pompes à in-suline, notamment la Py Dynami-cs®, première pompe à insuline, les infirmier(e)s devaient régler DB et bolus sur un pas de vis avec un tournevis (précision redou-table !).

    En 1984, les pompes externes à domicile évoluent, grâce à l’Association lorraine d’Aide aux diabétiques (ALAD) qui en a sup-porté l’achat, permettant ainsi aux patients le port de cette pompe à domicile et le développement de l’éducation (Fig. 1).

    En 1990, les pompes implan-tables sont disponibles (Fig. 2). Un(e) infirmier(e) formé(e) spé-cifiquement assiste le médecin dans la gestion des pompes im-plantables et est responsable de toute la maintenance ainsi que du matériel, en collaboration avec un(e) aide-soignant(e). Il s’agit

    d’un(e) infirmier(e) d’éducation, venant du pool des infirmier(e)s d’hospitalisation. Est-ce un nou-veau statut  ? Non, ou un choix dans certains services de spécia-liser des professionnels. C’est un choix et une décision du chef de service et de la cadre supérieure.

    évolution des techniques

    ❚ de 1985 à 2013Arrivée du premier stylo injec-teur d’insuline (laboratoire Novo Nordisk) : NovoPen® 1 (Fig. 3). Ce stylo a été une vraie révolution dans la discrétion de l’injection. Le point négatif était l’absence de chiffres pour prédosage (préparer la dose à administrer et n’avoir

    figure 1 – Photo personnelle d’une pompe externe à domicile prise sur le matériel du

    service.

    figure 2 – Pompe implantable medtronic. figure 3 – novoPen® 1.

    plus qu’à appuyer sur le bouton). Le patient devait compter “les clics” (1 clic = 1 unité). Cette diffi-culté fut résolue avec la mise sur le marché du NovoPen® 2 qui pro-posait un prédosage des unités, chiffrées de 2 U en 2 U. Le chiffre impair étant un trait.

    Puis, survient une autre améliora-tion avec de nouvelles techniques, notamment les stylos prérem-plis jetables et les stylos rechar-geables (où le patient change uni-quement la cartouche d’insuline).

    ❚ en 2014, la pompe patch arriveC’est une pompe jetable, mais toujours pas commercialisée en France.

  • La diabétoLogie de 1970 à 2014

    Diabète & Obésité • Janvier 2015 • vol. 10 • numéro 85 21

    autosuRveillance glycémique (asg) De 1970 à 2014, Eyetone®, auto-piqueurs, lancettes et nouveaux lecteurs permettent d’analyser la courbe de la glycémie.

    Le premier lecteur de glycémie portatif branché sur secteur (nommé Eyetone® ou Dexter®) fut commercialisé par la société Miles (Fig. 4). Il s’agissait d’une révolu-tion pour la prise en charge des patients diabétiques. Il utilisait la bandelette Dextrostix®.Cette année-là, les infirmier(e)s se sont également vu(e)s octroyer le droit d’adapter les doses d’insuline sur protocoles et de réaliser l’édu-cation aux patients.

    Le premier lecteur de glycémie numérique est mis sur le marché en 1978. Avec l’arrivée de l’ASG, les infirmier(e)s perdaient leurs repères, n’avaient pas confiance en ces lecteurs et continuaient d’adapter les doses d’insuline en fonction de la glycosurie.

    Jusqu’en 1979, la glycémie capil-laire était réalisée avec des vac-cinostyles et/ou des aiguilles intradermiques avec le lecteur de glycémie Eyetone®.

    L’arrivée d’un autopiqueur “au-tolet” avec lancettes à usage unique marque une nouvelle ré-volution en 1979-1980.

    Initialement, l’hôpital ne vou-lait pas acheter de lancettes, les infirmier(e)s étaient donc obligé(e)s de les décontaminer à l’eau javellisée puis au formol (il était impossible de les passer à l’autoclave). Il faut préciser que les infirmier(e)s portaient des gants stériles et remettaient ensuite “les capuchons” sur les lancettes.

    Puis, en 1985, l’hôpital fait l’achat de lancettes, mais exceptionnelle-ment pour le service de diabétolo-gie adulte.

    Les lecteurs Dextrometer® et Glucometer® utilisaient la ban-delette Dextrostix®. Après avoir déposé la goutte de sang sur la ban-delette, une minute d’attente était obligatoire avant :• de rincer la bandelette à l’eau du robinet ; • de la sécher et de la mettre dans la cellule de lecture afin d’obtenir le résultat de la glycémie.

    Les lecteurs de glycémie ont consi-dérablement évolué entre 1982 et 2014, ne nécessitant plus au-jourd’hui qu’une microgoutte de sang et 3 secondes pour la lecture, après avoir déposé la goutte de sang et inséré la bandelette dans la cellule de lecture (Fig. 5).Ces nouveaux lecteurs permettent, grâce à un logiciel spécifique, de télécharger les glycémies sur l’ordi-nateur, permettant d’analyser sta-tistiquement les variations. Elles ne remplacent cependant pas le carnet d’autosurveillance.Il faut souligner que l’arrivée de l’ASG a permis la mise en place de l’éducation.

    mesuRe continue du glucoseDe 1997 à 2014, la mesure du glu-cose en continu (CGM) permet de vérifier les taux de glucose enre-gistrés 24 h/24 (Fig. 6).Ce CGMS va capter, enregistrer et analyser la glycémie dans le liquide interstitiel et l’afficher sur l’écran du communicateur. Ces données sont sorties sur un logiciel spéci-fique sous forme de courbes, ce qui permet une analyse des résul-tats enregistrés. Une vision claire de l’évolution du taux de glucose permet de prendre les meilleures décisions pour un traitement plus

    adapté et, de ce fait, d’équilibrer le diabète.La surveillance de la glycémie est ainsi facilitée et la mesure du glu-cose en continu identifie quatre fois plus d’excursions glycémiques graves que l’ASG.

    La téLémédecine Il s’agit d’une “extraordinaire” application des nouvelles techno-logies de l’information pour aug-

    figure 4 – Le premier lecteur de glycé-

    mie portatif branché sur secteur.

    figure 5 – Le lecteur de glycémie BGStar®.

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    Profession

    menter l’accessibilité aux soins de santé spécialisés. Elle va des trans-ferts de données (imagerie médi-cale, enseignement à distance, données sur des patients…) à l’intervention directe du soignant sur le malade (téléconsultation, téléassistance). Elle a été définie dans le rapport du Dr P. Simon et du Dr D. Acker de la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organi-sation des Soins (DHOS) pour la différencier de la télésanté (vaste champ d’application des technolo-gies numériques pour le bien-être des personnes) .

    La téléconsultation permet au patient de consulter le soignant de référence à distance. Il doit être présent, reconnaître son soignant et dialoguer, échanger avec lui (avec webcam de préférence afin d’identifier son soignant). Cette consultation à distance ne peut se faire qu’avec l’accès au dossier patient.

    La télé-expertise permet l’échange d’expertises entre soignants autour d’un même dossier patient.

    La téléassistance : sous la forme, soit d’une assistance d’un personnel à un autre personnel de santé, soit comme nous le verrons plus tard

    dans notre propos, d’un outil “intel-ligent” qui aidera le patient à ajuster ses doses d’insuline (assistant bolus dans les pompes à insuline).

    Fin 2014, le système Flash d’auto-surveillance du glucose FreeStyle Libre® est arrivé, mais n’est pas en-core commercialisé (Fig. 7).Un petit capteur mesure auto-matiquement les taux de glucose dans le liquide interstitiel et les enregistre en permanence, nuit et jour. Cela offre un moyen facile de contrôler son taux de glucose grâce à un rapide scan.

    éducation théraPeutique

    éducation et pRise en chaRge du patient Le Pr Debry, pionnier dans le domaine de l’éducation, sou-haitait donner une autonomie au patient, et notamment qu’il se prenne en charge à domicile. Il a donc mis en place, dans son ser-vice de diabétologie du CHU de Nancy, des “cours”, deux fois par semaine, prodigués par une infir-mière formée au diabète et venant d’un service de consultation. Les patients étaient “obligés” de venir en cours, où des collations étaient

    proposées. C’était de l’enseigne-ment vertical, très scolaire avec très peu d’interaction.Les premiers outils utilisés ont été des films sur des thématiques pré-cises (hypoglycémies, complica-tions…) des Laboratoires Hoecsht.En parallèle, les infirmier(e)s du service d’hospitalisation édu-quaient les patients sur les tech-niques (glycémies capillaires, très longtemps appelées “Dextro”, et injection d’insuline).

    En 1978, un(e) infirmier(e) de consultation, détachée du plan-ning tous les après-midis, réalisait des entretiens individuels et des séances de groupe. La pédagogie et l’interactivité permettaient des échanges de vécu entre patients et, pour certains, la possibilité de verbaliser, sans crainte d’être jugés, leurs difficultés, leur ras-le-bol, leurs soucis. La projection d’un diaporama avait lieu en fin de séance (créé par le médecin, la cadre et l’infirmier(e) d’éducation de consultation).La posture de l’infirmière était trop (très ?) “Maîtresse d’école”.Le patient était hospitalisé pour 8 à 10 jours et les médecins pres-crivaient de l’éducation, souhai-tant que le patient devienne le plus autonome possible, avec un

    figure 6 – La mesure continue du glucose. figure 7 – freeStyle Libre®.

  • La diabétoLogie de 1970 à 2014

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    maximum de co