"la question sdf, le lien social" de julien damon
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"La question SDF, le lien social" de Julien DAMONTRANSCRIPT
Université de Reims Champagne-Ardenne
Faculté des Sciences Economiques, Sociales et de Gestion
Institut Régional Universitaire de Sciences Sociales Appliquées (IRUSSA)
Fiche de lecture : La question sdf, le lien socialde Julien DAMON
FERRAND Marion
Licence Professionnelle Intervention Sociale
Métiers de l’insertion et de l’accompagnement social ;
Parcours : Métiers de l’Urgence sociale
UE1 : Sciences sociales appliquées ; Introduction aux Sciences sociales
Année Universitaire 2008-2009, 1er semestre
INTRODUCTION :Julien Damon est un sociologue, diplômé de l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris
(ESCP) et titulaire d’un doctorat de sociologie (Paris IV). Il a travaillé pendant cinq ans
comme responsable de la recherche et de la prospective à la Caisse Nationale des
Allocations Familiales (CNAF). Il a aussi été Maître de conférence à l’institut d’Etudes
Politiques de Paris (4ème, 5ème années et DESS d’urbanisme) de 1997 à 2002. Il est
actuellement chef du service Question sociale au Centre d’analyse stratégique et
Professeur associé à Sciences Po sur le cycle d’aménagement et d’urbanisme. Il est
également membre du Conseil National des Politiques de Lutte contre la Pauvreté et
l’Exclusion Sociale ainsi que du Conseil scientifique de l’Institut National des Etudes
Démographiques (INED). Ses principaux thèmes de recherche sont : les politiques
publiques et sociales (notamment la lutte contre l’exclusion, politiques d’action sociale et
prise en charge des SDF1), l’évaluation des politiques publiques, la comparaison des
systèmes nationaux de protection sociale.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : L’exclusion, PUF, « Que sais-je ? », 2008 ; Quartier
sensibles et cohésion sociale, La documentation française, 2004 ; Les incivilités, La
documentation française, 2000 ; Les Politiques d’insertion, La documentation française,
1998.
Cet ouvrage m’a été recommandé par certains professeurs ou intervenants au cours des
premières semaines de la licence professionnelle. Je n’avais pas de choix de livre établi
auparavant, j’ai l’ai donc choisis. Le résumé semblait simple et très intéressant.
L’auteur semblait aussi traiter ce sujet d’une manière globale et approfondit, c’était
donc le livre clé pour me faire découvrir « l’envers du décor SDF ». A travers ; son
ouvrage « la question SDF », Julien Damon cherche à comprendre et expliquer le
phénomène SDF dans sa totalité. Il fait notamment ressortir le SDF comme un acteur clé
de sa prise en charge, le système de prise en charge des personnes sans abri et sa longue
mise en place et enfin la complexité de cette prise en charge.
1 Le SDF comme acteur social
1 SDF : Sans Domicile Fixe
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L’auteur insiste tout au long de son livre sur le choix et l’organisation personnelle des
personnes de la rue. Selon lui, les SDF sont doués de raison, dans leurs comportements et
l’acceptation ou non d’une aide, ses gestes sont rationnels et en relation avec des croyances
propres. Ils ont des intérêts, des idées et des principes ; se sont des acteurs sociaux.
Il met en avant la différenciation que l’on cherche à faire entre les bons et les mauvais
pauvres, entre les SDF traditionnels et ceux issus d’une population de nouveaux pauvres,
selon lui c’est un groupe aux délimitations floues et instables. Il y a tout d’abord le côté
stricto-sensus du terme SDF, qui regroupe ceux qui dorment dehors ou en centre
d’hébergement. Il y a ensuite le SDF lato-sensus qui comprend les gens du voyage, les
personnes qui squattent, des habitants d’un logement en mauvais état… La population de la
rue est très hétérogène face à leur degré d’isolement, leur situation administrative, leur
histoire, leur état de santé, psychologique, sociologique.
Le SDF comme bricoleur
L’auteur met en avant le côté bricoleur des SDF. En effet, tout d’abord car la vie d’un
sans abri est faite de système de lutte pour subsister matériellement, socialement,
psychologiquement (se loger, se nourrir, se laver). Ils possèdent un agenda où leur routine,
activités et démarches sont inscrites de façon à tenir la journée ou une période plus longue. De
plus, ces personnes sont loin d’être « hors social », ils entretiennent des rapports sociaux avec
des personnes de la rue ou non. Ils ont des réseaux d’amis, d’aides financières, d’assistance,
de connaissance. Les activités et liens sociaux sont différents des autres groupes mais sont
tout de même existants. En France, ils vivent en interdépendance avec les commerçants,
passants, policiers, travailleurs sociaux. Ils signent des conventions, possèdent des normes de
comportements et de reconnaissances mutuelles entre eux ; les uns protègent les autres, les
autres s’arrangent pour rendre service. Par exemple, la relation avec le commerçant sera
consommer ou bénéficier de nourriture ou d’alcool à prix préférentiels et en contre partie de
ne pas trop déranger pendant les heures d’affluences. Ils sont donc bricoleurs dans les
relations qu’ils tissent avec leur entourage.
Enfin, ils sont bricoleurs en raison de leur adaptation aux systèmes. Ils adaptent leurs
comportements pour bénéficier de certaines prestations. Beaucoup orientent leurs relations en
fonction de leur besoin, recherchent des avantages à une situation donnée, ils ont des
stratégies utilitaristes. « Le véritable expert de la question sdf c’est le sdf lui-même, car il est
en permanence en capacité d’appréciation de ces services. Par leur fréquentation il développe
des critères de notation et de sélection de ces offres. » p 171. Ils ne sont pas soumis. La
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comparaison que l’auteur fait avec un bricoleur peut s’expliquer par l’apprentissage sur le tas,
l’utilisation d’outils personnels (ou de méthode relationnelle), le but (l’usage) est forcement
personnel …
La carrière du SDF
La carrière d’un SDF peut être vue de deux façons : une vision individuelle consiste à
dire que la personne est responsable de la situation et des actes qui ont pu la conduire à la rue.
Une autre vision structurelle consiste à montrer la personne comme une victime du système,
manque d’emploi, manque de logement. Cette vision va influencer l’action de l’Etat et
entrainer, par exemple, les plans d’hiver pour pallier le manque de logement.
La notion de carrière est ici utilisée pour illustrer les « évolutions d’une personne tout
au long des différentes phases de responsabilité et d’apprentissage qu’elle traverse »p 152.
Elle peut comprendre trois étapes :
La fragilisation, c’est l’entrée, la chute dans le monde de la précarité, souvent les personnes
ne sont visibles que lorsque elles veulent l’être et se présentent au dispositif d’aide et
d’assistance. Elles veulent garder et sauver l’image qu’elles ont d’elles.
La routinisation c’est l’adaptation au monde de la rue, ce temps vient assez vite, la
fragilisation peut ne durer que quelques jours. C’est la démarche vers les associations, les
dispositifs d’aide, l’adoption de comportement propre aux SDF, la débrouille et la création de
réseau proche. Elle est basée sur la mise en place de routine pour les personnes à contacter, la
famille, les associations, le réseau d’assistance et une connaissance de plus en plus poussée
des systèmes d’assistance. La déculturation parle des habitudes courantes que l’on perd. On
peut les utiliser pour un SDF que l’on place en logement et qui a du mal à s’adapter mais aussi
pour la personne qui a toujours habité en logement et qui a du mal à s’adapter aux lois de la
rue.
La sédentarisation vise ceux qui sont installés dans l’espace public, ils sont les plus visibles
de tous. Ils construisent des réseaux de survie en parallèle de l’assistance publique, avec leur
réseau de rue. Ils acceptent de moins en moins l’aide des différents systèmes mais restent
néanmoins en contact régulier avec eux.
Tous ne passent pas dans chacune des étapes, on peut se routiniser sans jamais atteindre la
sédentarisation, de même se fragiliser dans atteindre la routinisation.
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2 Le début de la prise en charge SDF
Repères chronologiques
Les personnes sans abri ont pendant longtemps été mises de côté ou ignorées. Puis les
actions ont été prises à leur égard. Elles ont, tout d’abord, été de l’ordre de la répression où
l’on créait des brigades de police spécialement pour les SDF, on essayait de les chasser. Au
début du 20ème siècle, la considération était de l’ordre de la folie, on parle d’« errance
pathologique des individus », de personne « mentalement diminuée ». Dans les années 1950,
les SDF sont considérés comme marginaux, on parle de « clochard », de vagabond et de
situation plus ou moins choisit. Puis en 1970 on parle d’inadaptation sociale. C’est à partir de
1990, que l’on utilise le terme d’exclusion. Ce terme regroupe alors l’ensemble des manques,
déficiences qui peuvent toucher une population : sans abris, sans papier, sans ressource, sans
logement…. L’exclusion n’est pas un statut mais un flux, les acteurs ne sont pas figés, les
situations évoluent. On parle aujourd’hui de « nouvelle pauvreté ».
Le rôle du SDF dans sa médiatisation
Les sans abri ont aussi leur part de responsabilité dans l’évolution de leur prise en
charge. En effet, en occupant tous les jours les rues, les lieux publics, ils s’affirment auprès
des habitants de la ville ainsi que auprès de l’opinion publique. Leur présence et leur situation
affichée aux yeux de tous, leur permet de toucher les politiques. De plus, les médias insistent
beaucoup sur le phénomène SDF, une première fois pendant l’hiver 1954 avec l’appel de
l’abbé Pierre et depuis chaque hiver avec le froid qui arrive. Cette pression médiatique permet
ainsi de réaffirmer la question SDF sur l’agenda politique. Enfin, le nombre de morts dans la
rue chaque année fait aussi bouger les choses et accélère la mise en place de plans hivernaux
reconduis chaque année, ainsi que la naissance du terme « urgence sociale ». Ce phénomène
amène aussi la création d’associations dédiées à l’urgence sociale comme les Restos du Cœur
en 1985. Dans la même dynamique, le Samu social est mis en place en 1993 pour aider ceux
qui dorment dans la rue, les accueils de jour, équipes mobiles de travailleurs sociaux…
L’évolution de l’intervention de l’Etat
Les changements de société entrainent une augmentation de la prise en charge des
SDF. L’Etat a pendant longtemps gardé son monopole d’action. En raison de la
décentralisation, c’est aujourd’hui à la DDASS et au Préfet qu’il faut directement s’adresser.
Les collectivités locales, les associations spécialisées dans ce domaine prennent le relais en
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restant financées en majorité par l’Etat. L’auteur met notamment en avant la notion de
partenariat, présente dans toutes les actions auprès de ce public.
3 La complexité du dispositif de prise en charge
L’Etat met en place des services spécialisés pour les SDF comme le Samu social, les accueils
de jour. Ainsi les SDF sont orientés directement vers ces services, ce qui fait qu’ils n’ont plus
aucun lien avec les administrations publiques générales. Le complexe bureaucratico-
assistanciel permet aux organismes dits universels de se décharger des éléments les plus
lourds. Selon l’auteur il faudrait limiter la création des services spécialisés aux SDF, tout en
continuant à donner une attention particulière aux plus démunis. L’ouvrage critique la
complexification croissante des politiques publiques. Il vise plusieurs évolutions dans la prise
en charge des SDF :
L’effet de ciblage
L’objectif est de trouver des particularités au sien des différents groupes sociaux. Ici, c’est
donc de créer au sein de la population SDF des catégories, en fonction de leur degré
d’exclusion ou de désocialisation, de leur histoire et de leur situation actuelle. Suite à ce
ciblage de plus en plus poussé, on crée des dispositifs de plus en plus ciblés pour ne toucher
qu’une petite partie de la population et améliorer l’efficacité. Ainsi chaque cas est orienté vers
un service bien précis, ce qui peut créer un « effet de Ping-pong » lorsque quelqu’un est
renvoyé d’un service à un autre. Les plus éloignés sont normalement prioritaires dans les
services qui ont été crées pour eux, néanmoins ce sont souvent ceux qui refusent d’y aller
(dans la phase de sédentarisation). Les dispositifs s’occupent alors des SDF qui sont les moins
exclus, les moins prioritaires car ils sont une cible plus facile à prendre en charge et avec
moins d’échec. Le ciblage, comme le souligne l’auteur a donc ses limites car il n’est pas
toujours efficace et complexifie beaucoup trop les démarches. L’idée du livre est la
simplification de la prise en charge, la réduction du ciblage qui minimise les actions
spécifiques et la création d’un guichet unique pour simplifier les démarches en évitant que les
services se renvoient les dossiers.
Le partenariat
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On est passé des dispositifs nationaux à une redistribution territoriale. Le principal reste basé
sur le partenariat. L’Etat reste omniprésent mais au milieu de différents acteurs, il cherche à
déléguer de plus en plus. En contre partie de son financement il exige la transparence au
niveau de l’action et des modalités d’évaluation de celle-ci. D’où la nécessité pour les
associations de produire des chiffres, établir des indicateurs de performance, organiser des
coordinations… Les pouvoirs publics augmentent régulièrement leur budget pour les SDF,
mais ils attendent aussi toujours le cri d’alarme de l’hiver et celui des associations pour réagir.
Sur le terrain beaucoup de partenariat se font localement, les réponses aux SDF en termes de
logement, d’emploi se font à travers le carnet d’adresse des acteurs. Certaines formes de
partenariat ne sont donc pas palpables, elles se résument au cercle de connaissance. Il faut
travailler au cas par cas, en fonction de ce que la personne a besoin et des possibilités du
moment. C’est du bricolage où la réponse est montée d’un côté en fonction des normes et des
financements et de l’autre en fonction des réseaux et des apprentissages de terrain.
Le complexe bureaucratico-assistanciel
L’auteur fait beaucoup référence à ce terme. Il est constitué d’acteurs très différents les
uns des autres, qui échangent des informations, négocient des ressources budgétaires, des
objectifs à atteindre…. Tous n’ont pas des objectifs compatibles mais ils se rejoignent pour la
prise en charge des SDF. Cette prise en charge s’est progressivement institutionnalisée en se
basant à l’origine sur la solidarité et l’assistance. Ce complexe bureaucratico-assistanciel est
une « machinerie compliquée de dispositifs » p178. Cela ne permet pas d’être plus efficace,
plus fluide dans les décisions ou d’augmenter les interventions, ça bureaucratise l’action. On
parle aussi de bricolage pour parler de ce complexe. Deux niveaux de bricolage : dimension
institutionnelle pour la complexité des appareils et la dimension concrète relative à l’activité
quotidienne. Avant il y avait peu de dispositifs pour les personnes sans abri, aujourd’hui à
chaque structure d’accueil correspond un dispositif et une circulaire, ça complexifie le
système de prise en charge.
Le complexe bureaucratico-assistanciel représente à la fois le ciblage de plus en plus
fin du public visé impliquant l’augmentation des dispositifs pour répondre à chaque
spécificité. Il représente aussi le retour de l’Etat dans la prise en charge des SDF à travers ses
contrôles, la mise en place de nouveaux dispositifs encore plus spécifiques… Il est dorénavant
présent à tous les niveaux de l’administratif, dans la région, le département et la ville.
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CONCLUSION
Je pense que ce livre est un très bon outil pour débuter une étude sur les SDF et la vie qui peut
les entourer. En effet, il est tout d’abord écrit d’une manière relativement simple, qui permet
la compréhension de tous, puis l’auteur suit un raisonnement assez logique, simple à suivre.
Ce livre m’a beaucoup apporté, en termes d’outils pour analyser le parcours des personnes
que l’on reçoit au sein de ma structure, mais aussi pour des pistes dans la rédaction de mon
mémoire. Mon thème de mémoire portera sur l’éventuelle culture SDF, j’ai donc trouvé
certaines informations. Ce livre m’a aussi aidé à assouvir ma soif de connaissance concernant
la vie des personnes vivant dans la rue. En effet, j’ai toujours voulu approcher le monde de la
rue, mais je ne connaissais pas beaucoup (ou pas du tout) ce milieu. Ce livre me donne une
impression de mieux maitriser ce qui m’entoure, par la compréhension de l’historique de la
prise en charge SDF, par la connaissance de leur méthode de survie et capacité de la
débrouille. Ainsi je peux comprendre les attitudes et réactions des personnes que l’on
accueille dans l’association. Enfin, il permet aussi de mieux analyser les fonctionnements de
l’Etat face à la question SDF ainsi que le fonctionnement de leur prise en charge. Je pense que
c’est un livre à conseiller pour une personne qui débute une étude sur les personnes SDF car il
expose un premier décor de leur mode de vie et entourage.
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