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MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDE AXEL PEIGNÉ ESSEC BBA 4ème ANNÉE La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

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La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative. Vous cherchez plus d'informations ? Jetez un oeil à mon blog : http://www.youmakemeshare.fr

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Page 1: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

MÉMOIRE DE FIN

D’ÉTUDE

AXEL PEIGNÉESSEC BBA 4ème ANNÉE

La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Page 2: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Table des matières

Introduction! 3

Qu’est-ce que l’économie collaborative ? 5

Les bases de l’économie collaborative 5

La somme de trois aspects 9

Un mélange de concepts 14

Le peer-to-peer, la consommation de demain 14

Les nouvelles technologies, catalyseur de l’économie collaborative 17

La régulation de l'économie collaborative 21

Des problèmes de taxation 22

Des problèmes de certification 27

L’auto-régulation pour les assurances 30

Des pistes pour la régulation de l’économie collaborative 32

Un Business Model basé sur la confiance 34

Quelle est la place de la confiance ? 35

Comment créer de la confiance ? 38

La confiance institutionnelle 39

La confiance relationnelle 42

Quelles pistes pour plus de confiance ? 50

Les stratégies de monétisation 51

La stratégie de monétisation 51

Que choisir ? 57

Résumé du business model final 58

Conclusion! 62

2

Page 3: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Introduction!

Dans son livre « l’âge de l’accès », Jeremy Rifkin1 dit « Avoir, posséder et

accumuler n’ont plus guère de sens dans une économie où la seule constante est

le changement ». Cette citation résume parfaitement le changement de mode

de consommation que nous sommes en train de vivre à travers l’émergence de

l’économie collaborative. Reprenant des concepts existants depuis toujours : le

troc, l’échange, le partage, la location, ce secteur florissant représente

aujourd’hui une alternative crédible au capitalisme de surconsommation mis à la

peine par les crises économiques et financières. Mise en avant par des

organisations sociales et environnementales en raison des nombreuses avancées

qu’elle propose dans ces domaines, l’économie collaborative ne se cantonne

pourtant pas à ces mouvements et souhaite réellement s’adresser à tous les

consommateurs, en proposant des solutions simples à mettre en place et à la

valeur ajoutée immédiate. Comme nous le verrons dans ce mémoire, de

nombreuses plateformes collaboratives permettent ainsi de louer ou de partager

des objets non-utilisés ou sous-utilisés en toute simplicité et de générer un

complément de revenu par la même occasion. Si certaines de ces plateformes

ont un succès impressionnant, rassemblent des communautés de plusieurs millions

d’utilisateurs et enregistrent des dizaines de millions de transactions, d’autres ont

moins de réussite et n’arrivent pas à croitre sur leurs marchés. On peut alors se

demander quelles sont les raisons de la réussite de certaines et de l’échec des

autres. Répondre à cette interrogation en mettant en avant les éléments

responsables de cette différence permettra ainsi de mieux comprendre sur quoi

est basée l’économie collaborative et de satisfaire la problématique de ce

mémoire, qui questionne la réalisation d’un business model durable et rentable

pour une plateforme de l’économie collaborative. L’objectif de ce mémoire sera

donc de répondre à cette problématique et de comprendre principalement sur

quoi est basé l’économie collaborative et quelles en sont ses spécificités. Nous

aborderons ainsi le concept général de ce nouveau mode de consommation,

mais aussi les éléments qui, associés à ce concept, permettent aujourd’hui à

31 Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005, p13/393

Page 4: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

l’économie collaborative d’être aussi florissante. Suite à ce questionnement, nous

pouvons nous interroger sur la régulation de l’économie collaborative, afin de

comprendre quelle est la régulation actuelle, si des utilisateurs de plateformes

collaboratives entrent en concurrence avec des entreprises traditionnelles et

quelles actions le régulateur pourrait effectuer pour encourager l’économie

collaborative et régler les éventuels problèmes. Il conviendra également de se

demander quelle est la place de la confiance sur ces plateformes collaboratives

pour comprendre son rôle et déterminer les différentes méthodes de création de

confiance, qui sont au coeur des business model du secteur. Afin d’expliquer les

dispositifs mis en place par les plateformes collaboratives pour se rémunérer, il

s’agira ensuite d’analyser les stratégies de monétisation disponibles et de

sélectionner la plus adéquate pour une plateforme collaborative. Pour répondre à

cet objectif nous aborderons dans une première partie, dédiée à explorer les

dessous de l’économie collaborative, les bases de l’économie collaborative afin

de comprendre comment la société du XXIème siècle se dirige vers « l’âge de

l’accès », suite à « l’âge de la possession ». Nous aborderons ensuite les différents

concepts associés à l’économie collaborative telle qu’on la connait aujourd’hui

et le rôle des nouvelles technologies de l’information et de la communication

dans le développement de l’économie collaborative ces dernières années, avant

de terminer cette partie sur une analyse de la régulation de l’économie

collaborative par les pouvoirs publics et par les plateformes collaboratives elle-

mêmes. Dans une deuxième partie, consacrée à l’explication des différentes

stratégies choisies pour le business model, nous évoquerons en premier lieu la

place et le rôle de la confiance dans l’économie collaborative, puis les pistes

accessibles aux plateformes collaboratives pour créer davantage de confiance.

Nous traiterons alors les différentes stratégies de monétisation disponibles et les

avantages et inconvénients de chacune d’entre elles. Suite à cette réflexion

viendra un résumé point par point du business model choisi avant d’aborder des

pistes de réflexion pour approfondir le sujet.

4

Page 5: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

I.Qu’est-ce que l’économie collaborative ?

A.Les bases de l’économie collaborative

Le développement des pays occidentaux aux XIXème et XXème siècles a

favorisé l’émergence d’un système hiérarchique, centralisé et vertical. Ce système

a pour but de proposer une organisation efficace où l’ensemble des tâches d’une

entreprise est déléguée à des subordonnés et aux subordonnés et ces

subordonnés comme présenté dans l’organigramme ci-dessous.

Présentant une alternative crédible à ce système vertical, le système

collaboratif propose une répartition horizontale et décentralisée, basée sur le

partage entre les différents acteurs de l’entreprise. Bien que ce type de système

soit plus difficile à adapter à des organisations de grande taille, il permet à des

petites et moyennes entreprises de réduire l’exclusion sociale en créant des

connections entre les employés et en favorisant l’échange du savoir et la

collaboration. Ce nouveau système est également applicable pour les relations

avec l’extérieur de l’entreprise, permettant de réduire les coûts de l’entreprise en

réalisant certaines collaborations avec des entreprises du même secteur. Ce

5

Page 6: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

mouvement, proposant une alternative au capitalisme tel qu’on l’a connu au

XXème siècle et orienté vers des valeurs communautaires, sociales et

environnementales, est rendu possible grâce à l’explosion d’Internet et des

nouvelles technologies de l’information et des communications. Bousculant le

mode de surconsommation actuel l’économie collaborative, aussi appelée

consommation collaborative - sharing economy ou collaborative consumption en

anglais, souhaite développer un système basé sur le partage et dans lequel les

actions de chaque membre d’une communauté permettent à la communauté

toute entière de croitre.

L’économie collaborative n’est pas une nouveauté, depuis toujours la

vente, la location et le don d’objets en peer-to-peer a existé via des organisations

comme « De Particuliers à Particuliers » qui propose un magazine et un site internet

de petites annonces immobilières. De même, eBay a été créé en 1995, à une

époque où Internet était encore très peu répandu et où le concept d’acheter un

produit à un inconnu sur Internet semblait presque insensé. Ce qui est nouveau en

revanche, c’est la croissance impressionnante de l’économie collaborative ces

dernières années et surtout les possibilités offertes aujourd’hui grâce à la

démocratisation d’Internet. On assiste en effet à une vraie déferlante de

nouveaux acteurs avec des idées toujours plus novatrices, comme Airbnb, Zipcar

ou encore La machine du voisin (voir encadrés en page suivante). Mais avant

d’étudier comment le développement d’Internet et des nouvelles technologies

contribue à cette expansion de l’économie collaborative, il convient de

comprendre quelles en sont les principales ressources.

Ebay est souvent considéré comme le premier site de consommation collaborative sur Internet. Pierre Omidyar, son fondateur, raconte avoir mis en vente en 1995 un laser défectueux pour voir les réactions des internautes. Surpris du

nombre de personnes intéressées et du prix final de l’objet (14,85 USD), il a contacté le gagnant de l’enchère afin de lui demander s’il avait bien compris que le laser ne marchait pas. Le gagnant lui aurait répondu être un collectionneur de lasers défectueux. Cette anecdote montre bien la simplicité et l’énorme potentiel de la création de communautés sur Internet. Durant le premier trimestre de 2013, eBay a généré un chiffre d’affaires de $3,75 milliards pour un bénéfice de $875 millions.

6

Page 7: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Tout d’abord, il est important de lier l’économie collaborative avec la

naissance de « l’âge de l’accès », comme définit dans le livre de Jeremy Rifkin2 du

même nom. Ce nouvel âge est censé remplacer le concept de la propriété d’un

produit par celui de l’accès à ce produit. Depuis la fin du XIXème siècle, la

propriété de biens matériels a en effet été non seulement un indicateur de la

fortune d’une personne, mais également un objectif pour la société. Par exemple

pour un jeune adulte, l’achat de sa première voiture qui est un investissement

généralement important, était un moyen de montrer à la société sa sortie de

l’adolescence et son entrée dans le monde actif. Que la personne ait un réel

Airbnb est une des plateformes collaboratives les plus en vue du moment, connaissant un taux de croissance impressionnant. Fondée en 2008 à San Francisco, elle permet à n’importe qui de publier ou de réserver des

logements partout dans le monde. Airbnb est aujourd’hui disponible dans 33.000 villes et 192 pays, a enregistré plus de 4 millions de réservations dont 3 millions seulement en 2012 et a ouvert 11 nouveaux bureaux dans le monde en 2012

! Zipcar est une plateforme collaborative proposant une alternative à la possession d’une voiture et à la location de voiture traditionnelle. Zipcar possède plusieurs voitures dans de nombreuses grandes villes et propose à ses abonnés d’y avoir accès 24h/24 et 7j/7 avec

simplement une carte magnétique (Zipcard) et une réservation via internet. Depuis son lancement, les voitures Zipcar ont parcouru plus de 600 millions de kilomètres et sont disponibles aux États-Unis, au Canada et dans certaines villes européenne. Zipcar a récemment été racheté par le loueur américain Avis.

La machine du voisin est un site français proposant de répondre à une problématique très simple : « trouver une machine à laver près de chez soi ». Très tourné vers l’économie collaborative et disposant d’un business model

particulier, la plateforme ne faisant pas transiter les transactions elle ne se rémunère que via des levées de fonds en crowdfunding, ce projet original et disponible uniquement en France rencontre un certain succès avec près de 2700 machines mises en ligne depuis février 2012.

72 Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005

Page 8: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

besoin de la voiture ou non n’est finalement pas prioritaire, ce qui compte c’est

de montrer qu’elle en a la propriété et qu’elle est donc suffisamment mature pour

en assumer les conséquences. Ce type de comportement est également

remarquable pour l’achat d’un logement. En général après le mariage, le jeune

couple réalisait un crédit immobilier afin d’acquérir un logement et de montrer à

la société qu’ils étaient prêts à fonder un foyer. Ici encore, le fait que le couple soit

propriétaire du logement avait une importance particulière. Dans la vie de tous les

jours, cette notion de propriété est peut-être encore plus frappante. Par exemple

si une personne a besoin de réaliser un trou dans un mur de son logement, il y a

une très forte probabilité pour qu’elle aille au magasin de bricolage le plus proche

et achète une perceuse. La perceuse va effectivement permettre de réaliser le

trou, mais à moins que cette personne soit très bricoleuse, il est assez peu

probable qu’elle soit réutilisée de façon régulière. Pourtant, selon Rachel

Bostman3, environ 50 millions de foyers américains possèdent une perceuse et

l’utilisent seulement 12 minutes par an. La possession de cette perceuse est

difficilement justifiable sur le long terme puisque son taux d’utilisation est

négligeable. Dans ce type de situation, il serait bien plus rationnel que la personne

en question loue ou emprunte une perceuse à quelqu’un d’autre chaque fois

qu’elle en aura besoin. La situation serait alors bénéfique pour les deux personnes :

- La personne ayant besoin d’une perceuse pourra réaliser le trou dans son mur,

ce qui est après tout le but final, dans les mêmes conditions qu’en achetant une

perceuse, mais elle dépensera beaucoup moins d’argent voire pas du tout, elle

n’aura pas à se déplacer dans un magasin de bricolage (peut-être même que

son voisin aura la perceuse recherchée), et elle n’aura pas à stocker la perceuse

inutilisée.

- La personne louant ou prêtant la perceuse est également gagnante puisqu’elle

peut éventuellement gagner un peu d’argent et qu’elle à l’occasion de rendre

utile un objet a priori sous-utilisé dans son foyer.

Enfin, et c’est peut-être la partie la plus importante, les deux personnes vont

engager une relation à travers cette location/échange en peer-to-peer. Bien que

la relation puisse paraitre simple et sans intérêt, de nombreuses études démontrent

83 Rachel Bostman & Roo Rogers, What’s mine is yours, Harper&Collins, 2011

Page 9: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

que c’est une des principales raisons qui pousse à la mise à disposition d’objets sur

des systèmes d’économie collaborative. En effet et nous y reviendrons plus tard, la

création d’une relation entre ces deux personnes leur permettra de réaliser un

second échange bien plus facilement dans le futur, ainsi que d’entamer une

nouvelle relation sociale.

La notion de propriété, qui parait si importante aux yeux de certains est

donc difficilement justifiable dans ce types de cas et remet en cause notamment

les théories économiques d’Adam Smith, qui considéraient l’homo economicus

comme une personne dont le comportement est purement rationnel. Comme

nous l’avons vu ici, une personne purement rationnelle aurait plutôt intérêt à louer

ou emprunter des objets dont elle n’aurait pas une utilisation très fréquente. Mais

l’aspect économique, même s’il est important pour de nombreux acteurs de

l’économie collaborative, n’est pas forcément le motif principal et est souvent

rejoint par l’aspect social et environnemental des échanges en peer-to-peer.

La somme de trois aspects

Comme nous l’avons vu plus tôt, la réalisation d’un échange entre deux

personnes apporte, en plus des éventuels aspects financiers, un aspect social qui

est souvent sous-évalué par les études menées sur l’économie collaborative. Tout

d’abord on peut penser que lorsqu’une personne A accepte de partager un

objet avec une personne B, la personne B va apprécier cet échange et sera ainsi

beaucoup plus encline à accepter de partager un de ses objets avec la personne

A. Ce type de comportement, appelé « réciprocité directe », apporte donc une

plus-value sociale à la fois à A et à B et laisse entrevoir de nombreux partages

potentiels sur le long terme entre les deux personnes. Par exemple, si A, en prêtant

sa perceuse à B, s’est rendu compte que B dispose d’une ponceuse électrique

dont il aurait justement besoin, alors une réciprocité directe du premier partage

sera possible. Ainsi, Robert Cialdini4 dit « Le principe de réciprocité permet à une

personne de donner quelque chose à une autre personne en sachant que ce ne

94 Rachel Bostman & Roo Rogers, What’s mine is yours, Harper&Collins, 2011, p132/266

Page 10: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

sera pas perdu. Ce sens d’obligation future dans ce principe rend possible le

développement de différents types de relations, de transactions ou d’échanges

dans le futur ». Mais grâce au développement de communautés connectées mais

ne se connaissant pas, ce principe de réciprocité directe peut même devenir

indirect. Dans ce cas le principe n’est plus « Je vous aiderai si vous m’aidez », mais

plutôt « Je vais vous aider, quelqu’un d’autre m’aidera ». Par exemple Rachel

Bostman, grande ambassadrice de l’économie collaborative, a connu une

expérience illustrant parfaitement ce principe. Une nuit, son compte Twitter a été

hacké et les hackers ont commencé à envoyer des messages de spam à tous ses

followers. Au matin elle s’est réveillée avec de nombreux mails l’informant de ce

hack et a été très surprise, en contactant le support de Twitter, de découvrir que

d’autres personnes avaient déjà signalées le hack et que le problème était donc

dès maintenant résolu sur son compte ... alors même qu’elle dormait ! Suite à

cette expérience, si Rachel Bostman voyait un autre compte hacké elle serait bien

plus disposée à signaler le problème à Twitter par elle-même, même si ce n’était

pas une des personnes qui l’avait aidée lors de son expérience. L’aspect social issu

d’un partage ou d’un échange de biens en peer-to-peer est donc un grand

catalyseur de nouveaux partages et de nouveaux échanges, à la fois entre les

personnes ayant déjà été en contact, mais aussi entre des personnes ne se

connaissant pas mais connectées via des réseaux en ligne.

L’aspect environnemental de l’économie collaborative est rarement le

plus cité et il est même souvent considéré comme inattendu par les utilisateurs qui

sont avant tout attirés par les aspects économiques et sociaux. Pourtant de

nombreux principes de l’économie collaborative permettent des avancées

environnementales assez importantes. Par exemple, le covoiturage permet de

réduire le nombre de voiture en circulation et d’augmenter le nombre de

personnes dans chaque voiture par trajet. Le fait de louer ou emprunter une

perceuse quand on en a besoin au lieu d’en acheter une a aussi de nombreux

effets bénéfiques sur l’environnement. Non seulement cela fera une perceuse de

moins qu’il faudra recycler quand elle sera cassée, mais cela élimine également

les très nombreuses consommations de matières premières nécessaires pour la

10

Page 11: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

fabrication de cette perceuse (l'environnementaliste Paul Hawken estime que

pour la fabrication d’un objet d‘1kg, 32kg de matières premières sont

consommées). L’économie collaborative peut également apporter beaucoup via

des investissements groupés dans les énergies vertes par exemple. Imaginons que

les habitants d’un quartier se mettent d’accord pour installer quelques panneaux

solaires et/ou des éoliennes dans le quartier, cet investissement qui semble

particulièrement lourd sera bien plus facile à réaliser si chaque habitant du

quartier cotise une petite somme. Reprenant ici les principes du crowdfunding, cet

exemple permettrait au quartier de réaliser une avancée environnementale

d’importance tout en proposant un investissement faible à chaque habitant, et

probablement des économies sur les futures factures d’électricité.

La somme de ces trois aspects, économique, social et environnemental,

permet donc de mieux comprendre l’attrait des utilisateurs vers l’économie

collaborative, particulièrement en période de crise du capitalisme financier et de

la surconsommation. De plus en plus de personnes se rendent effectivement

compte des excès de notre société et l’économie collaborative présente donc

une alternative viable et facilement réalisable, en grande partie grâce à la

démocratisation d’Internet. Cependant, l’économie collaborative se tient à

distance des mouvements de décroissance en proposant simplement de

consommer autrement et mieux. Une très récente étude de l’ADEME5 sur les

pratiques collaboratives en France montre d’ailleurs qu’il n’y a pas un type mais

des types de consommateurs collaboratifs possédant quatre caractéristiques les

distinguant des autres consommateurs :

- Une volonté de rencontrer régulièrement de nouvelles personnes

- Une préoccupation relative à l’évolution de la société

- Une propension à la découverte, à l’expérience, voire à la prise de risque

- Une volonté et un plaisir à faire durer les objets.

11

5 IPSOS, Les français et les pratiques collaboratives. Qui fait quoi ? Et pourquoi ?, ADEME, 2012

Page 12: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Une autre étude récente de L’ObSoCo6 permet de mieux comprendre la

définition donnée par les utilisateurs au concept de « consommer mieux », comme

expliqué dans l’illustration page suivante.

Ce besoin de changer de mode de consommation est une conséquence

importante de la crise économique qui empêche les ménages de garder un

niveau de consommation élevé. Aux États-Unis comme en Europe, de nombreux

ménages ont perdu du pouvoir d’achat et ont donc des difficultés pour

consommer, d’autant plus que les prêts à la consommation sont nettement moins

accessibles. Le mode de consommation proposé par l’économie collaborative est

davantage compatible avec cette baisse de pouvoir d’achat puisqu’elle propose

de rémunérer ces ménages pour certains objets qu’ils possèdent et qui sont sous-

utilisés et de payer uniquement à l’usage quand ils ont besoin ponctuellement

d’un objet qu’ils ne possèdent pas. On peut donc dire que depuis 2008, la crise

économique facilite la percée de l’économie collaborative dans notre société.

Cependant, la fin de la crise ne signifierai probablement pas la fin de l’économie

collaborative. Le site covoiturage.fr montre en effet que ses pics de croissance

correspondent aux pics du prix de l’essence, mais cela ne signifie pas que la

126 L’ObSoCo, 2012

Page 13: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

fréquentation du site baisse quand l’essence est moins chère. La crise

économique et la baisse de la consommation incite les consommateurs à

rechercher d’autres modes de consommation, et les pousse donc vers la

consommation collaborative. Mais une fois qu’ils l’ont découverte ils continuent

généralement de l’utiliser, comme le montre une autre étude du même site disant

que 92% des membres de covoiturage.fr affirment vouloir faire plus de

covoiturage à l’avenir7. Popularisée par la crise économique, l’économie

collaborative n’est cependant pas un mouvement ponctuel et est appelé à

s’amplifier avec le temps, en proposant un mode de consommation plus

économique, plus social et plus environnemental.

Selon Jeremy Rifkin, « l ’âge de la possession » serait donc révolu et « l’âge

de l’accès » correspondrait à la révolution apportée par l’économie collaborative.

Ce nouvel âge peut être résumé dans une célèbre citation d’Aristote : « Il y a plus

de richesse dans l’usage que dans la propriété ».

137 Blablacar.fr, 2012

Page 14: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

B.Un mélange de concepts

Comme nous l’avons vu précédemment, l’économie collaborative n’est

pas un nouveau concept altermondialiste, mais une nouvelle façon de

consommer et de posséder des objets. Il ne faut donc pas considérer l’économie

collaborative comme un courant de mode mais comme un mouvement durable

visant à remplacer la surconsommation actuelle et la sous-utilisation des objets,

grâce à des outils favorisant le partage d’accès et la réutilisation. Ce mouvement

est en réalité l’association de plusieurs concepts et outils dont certains sont très

anciens, mais qui forment un ensemble particulièrement cohérent et attrayant

pour les consommateurs. Nous allons explorer ces différents concepts dans cette

partie afin de mieux comprendre sur quoi baser un Business Model rentable dans

ce domaine.

Le peer-to-peer, la consommation de demain

Le principal concept sur lequel repose l’économie collaborative est le

concept de peer-to-peer, dont la traduction en français donnerait « pair à pair ».

Ce terme est issu du langage informatique où il désigne un réseau « client-serveur »

dans lequel chaque « client » serait également un « serveur ». Ce type de réseau

est donc généralement décentralisé et repose bien plus sur le nombre de « clients

» que sur la taille et la capacité d’un « serveur » central. L’analogie avec les types

de transaction de l’économie collaborative est extrêmement cohérente, puisque

contrairement au modèle de consommation habituel, où une firme (ici le « serveur

») est reliée à un réseau de consommateurs (ici les « clients »), l’économie

collaborative promeut un réseau où chaque consommateur est à la fois « client »

et « serveur ». Chaque consommateur va être « client » dans le sens où il va

acheter des biens et consommer, mais il va également être « serveur » dans le sens

où il va partager les biens qu’il n’utilise pas, ou sous-utilise, aux autres

consommateurs. Le peer-to-peer permet donc de réaliser les transactions

directement entre les consommateurs et s’adapte parfaitement aux systèmes

collaboratifs comme l’explique Jeremy Rifkin : « L’échange de biens entre

14

Page 15: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

acheteurs et vendeurs est remplacé par un système d’accès à court terme

opérant entre des serveurs et des clients organisés en réseaux »8. Bien que le peer-

to-peer semble assez simple à première vue, ses implications dans le mode de

consommation de l’économie collaborative sont en réalité très profondes.

Tout d’abord, le peer-to-peer risque de rendre obsolète ou de fragiliser de

nombreuses institutions du consumérisme (grands magasins, certains systèmes de

grande distribution...) en rendant disponible des alternatives plus intéressantes aux

niveaux économique, social et environnemental pour les consommateurs. Ces

entreprises nécessiteront donc une forte révision de leur Business Model pour

s’adapter à ces nouveaux modes de consommation, comme préconisé par Louis

David-Benyayer, fondateur de WhithoutModel ayant réalisé une étude sur les

futurs modèles économiques de la distribution et encourageant ces entreprises à

« développer un modèle économique de plateforme autour du DoItYourself et de

la production décentralisée (...) monétiser l’animation de communautés et de

lieux (...). Faire émerger et progresser des produits conçus et financés par les

consommateurs ». C’est justement le but de la récente association entre Auchan

et l’américain Quirky (voir encadré), appliquant des principes de l’économie

collaborative et du crowdfunding dans le domaine du design industriel. En plus de

générer de la visibilité, ce type d’association permet à Auchan de trouver de

nouvelles sources de revenus à fort potentiel de croissance en donnant la

possibilité à ses clients de proposer des idées de nouveaux produits et de profiter

des capacités de production et de diffusion d’Auchan pour les commercialiser. En

modifiant le Business Model de nombreuses entreprises, la montée des transactions

en peer-to-peer entraine un changement de relation entre les parties réalisant la

transaction. La relation habituelle lors de l’achat d’un objet est une relation

Lancé en 2009, quirky est une plateforme mettant en relation des inventeurs (même amateurs) avec une communauté évaluant les idées et aidant à leur développement. Les revenus du produit une fois créé sont ensuite répartis entre les différents « influenceurs » dont au moins 42% pour l’inventeur.

158 Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005, p11/393

Page 16: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

classique entre un acheteur et un vendeur, avec un élément au coeur de la

transaction : le prix de l’objet. Mais dans une transaction collaborative en peer-to-

peer, la relation est entre un prestataire mettant à disposition un service et l’usager

de ce service. Ici, l’élément central de la transaction n’est pas nécessairement le

prix du service - il n’y en a pas forcément, mais plutôt la relation à long terme

entre les deux parties. En effet, lors de l’achat d’un bien la transaction est

généralement unique et ne se répètera pas dans le futur, une fois qu’une

personne a acheté une perceuse elle s’attend à ne pas avoir à en racheter une

dans le futur. Au contraire lors de la prestation d’un service, par exemple la

location d’une voiture, l’usager sait qu’il aura sans doute besoin d’une voiture à

nouveau dans le futur. Le but du prestataire est donc de fidéliser l’usager afin de

s’assurer qu’il reviendra vers lui lors de ses futurs besoins. Le concept du peer-to-

peer appliqué à l’économie collaborative entraine donc un changement de

relation et un changement d’objectif, particulièrement lorsque la transaction a

lieu entre deux personnes souhaitant engager une relation sociale. Par exemple,

une personne ayant besoin d’une raquette de tennis et en louant une à un de ses

voisins pourrait découvrir que ce voisin a lui aussi une passion pour le tennis - ce qui

semble probable vu qu’il possède une raquette de tennis. Dans ce cas l’élément

central de la transaction ne serait pas le prix, mais la relation à long terme entre les

deux parties. L’usager ne serait pas forcément intéressé par le fait de louer une

raquette de tennis au plus bas prix du marché, mais plutôt par le fait d’avoir un

partenaire sympathique pour partager sa passion du tennis, et inversement pour le

propriétaire de la raquette de tennis. En plus d’une relation sociale, les deux

parties peuvent également être à la recherche de confiance envers l’autre partie.

Comme nous le verrons ultérieurement, la confiance est effectivement un élément

central dans la transaction.

Le concept de peer-to-peer appliqué à l’économie collaborative est très

prometteur pour le partage d’objets sous-utilisés, mais aussi dans d’autres

domaines dont les monnaies complémentaires. Souvent mises en avant

uniquement dans des contexte de crise économique, les monnaies

complémentaires sont prévues pour venir en complément des monnaies officielles

16

Page 17: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

et pour apporter un soutien social, souvent au niveau local, en favorisant des

systèmes d’échange ou de partage. En France, ces monnaies sont

particulièrement représentées par les SEL (Système d’Échange Local) où la

monnaie est généralement valorisée en fonction du temps passé pour chaque

transaction. Le SOL est également une monnaie complémentaire créée en France

qui vise à encourager des projets sociaux et environnementaux et profite

largement des nouvelles technologies en étant totalement dématérialisée. Les

monnaies complémentaires représentent un vaste sujet qu’il ne serait pas possible

de traiter entièrement dans ce mémoire, il est en revanche intéressant de mener

une réflexion sur la manière dont des plateformes collaboratives pourraient utiliser

les monnaies complémentaires. Ces monnaies ne sont a priori pas utilisables par

toutes les plateformes puisqu’il est essentiel qu’un aspect local soit fortement

présent dans la plateforme. En revanche, une plateforme communautaire

proposant troc, location et partage de nombreux objets (perceuse, tondeuse,

machine à laver ...) pourrait décider d’utiliser des monnaies complémentaires

dans les transactions au lieu (ou en plus) des monnaies traditionnelles.

Les nouvelles technologies, catalyseur de l’économie collaborative

En plus d’utiliser le concept du peer-to-peer, l’économie collaborative est

fortement basée sur les nouvelles technologies, qui sont en grande partie

responsables de sa montée en puissance ces dernières années. Même si des

acteurs de l’économie collaborative existaient déjà avant la généralisation des

accès à Internet, comme Netflix qui proposait déjà la location de films et de séries

télévisées par envoi postal, ou De Particuliers À Particuliers qui proposait déjà des

catalogues de petites annonces, le nombre d’acteurs de l’économie

collaborative a explosé depuis la démocratisation d’Internet dans les pays

développés. Nous pouvons retenir plusieurs causes à cette forte augmentation,

dont tout d’abord la rapidité de transmission des informations grâce à Internet.

Grâce au web, aux mails et maintenant aux réseaux communautaires, une

information qui pouvait avant mettre plusieurs jours à faire le tour du globe et être

déformée voire se perdre, peut voyager de la même distance en moins d’une

17

Page 18: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

seconde et sans risque de perte. Cette capacité de transmission a permis de

mettre à disposition de n’importe quelle personne possédant une connexion à

Internet, une très vaste quantité de données et de connaissances, qu’elle peut

alors utiliser par exemple pour améliorer ses connaissances dans un domaine, ou

bien en enrichissant les données actuellement présente via ses propres

connaissances. Cette libération de l’information a également une importance

toute particulière dans la recherche d’un meilleur mode de consommation. En

effet, Internet rend bien plus simple, du point de vue du consommateur, la

comparaison de plusieurs produits concurrents entre eux afin de définir lequel a le

meilleur rapport qualité/prix. Ce type de pratiques montre à quel point la libre

circulation de l’information est essentielle pour le développement de l’économie

collaborative, comme le prouve l’adage : « celui qui détient l’information, détient

le pouvoir ».

Internet est également essentiel pour l’économie collaborative en raison

des nouveaux moyens de communication qui sont rendus possibles et qui ont

permis la création de vraies communautés virtuelles. Grâce aux réseaux sociaux,

des acteurs de l’économie collaborative ont la possibilité de recommander à leurs

connaissances les sites qu’ils utilisent et d’en faire de nouveaux acteurs. Cette

technique, dérivée de l’ancestrale méthode du bouche à oreille, est néanmoins

bien plus efficace sur Internet et y est mieux connue sous le terme de viralité. La

viralité permet donc de faire connaitre très rapidement une plateforme

collaborative et s’adapte parfaitement au système de l’économie collaborative.

En effet, lorsqu’un usager met en ligne sur une plateforme une demande de

prestation de service, son but est qu’un maximum de personnes regardent son

offre afin d’augmenter ses chances de trouver un prestataire. Il y est donc

probable qu’elle utilise les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Google+...) pour

partager sa demande. En faisant cette action, l’usager va certes augmenter ses

chances de trouver un prestataire, mais il va également donner plus de visibilité à

la plateforme collaborative sur laquelle la demande a été publiée. Les

connaissances de l’usager qui cliqueront pour regarder la demande mise en ligne,

en plus d’être d’éventuels prestataires, sont également d’éventuels nouveaux

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Page 19: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

usagers pour la plateforme collaborative puisqu’ils ne connaissaient peut-être pas

cette plateforme auparavant et le fait qu’une de leur connaissance l’utilise peut

les inciter à utiliser eux-même la plateforme en cas de besoin. Et si cette personne

utilise à nouveau cette plateforme collaborative dans le futur, et qu’elle fait

également l’action de partager via ses réseaux sociaux, l’histoire se renouvellera

de la même façon. Grâce au simple partage du premier usager, la plateforme

collaborative réalise donc une opération de communication à très fort potentiel,

et totalement gratuite. La viralité est donc un catalyseur important de l’économie

collaborative, d’autant plus que les valeurs véhiculées - valeurs sociales et

environnementales principalement, ont une image plutôt positive dans la société

et incitent donc à partager. La création, grâce au concept de viralité, de

véritables réseaux sociaux pouvant générer une forte visibilité est donc essentielle

dans la croissance de l’économie collaborative

Mais la principale raison pour laquelle Internet a un rôle aussi grand dans la

montée en puissance de l’économie collaborative vient des facilitations amenées

par Internet pour la réalisation de plateformes de transaction. Tout d’abord

Internet permet, entre autres grâce aux réseaux sociaux sus-cités, de rapprocher

des populations qui entreraient peu en contact sans ces outils. Par exemple il

existe de nombreuses communautés de passionnés sur Internet, dont certains

membres habitent à des endroits très éloignés. Ces communautés peuvent exister

car Internet leur permet de communiquer comme si elles étaient côte-à-côte mais

ce n’était pas possible sans Internet. Cela permet donc de connecter entre elles

des personnes qui ne se connaitraient pas, ce qui est essentiel pour le

fonctionnement de l’économie collaborative qui a besoin d’une masse critique

d’usagers. Internet permet également de simplifier drastiquement les échanges

monétaires. Bien que toutes les transactions de l’économie collaborative ne soient

pas forcément monétaires, une grande partie l’est et dans ces cas Internet

dispose de nombreux outils permettant de réaliser un paiement peu importe le

pays destinataire ou expéditeur et quelque soit la monnaie utilisée, avec des couts

associés à la transaction qui sont assez faibles (en général, les commissions

bancaires sont d’environ 0,8% du montant de la transaction). Le fait de pouvoir

19

Page 20: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

réaliser ces échanges monétaires instantanément et quasiment sans limite est

primordial. Il serait par exemple inimaginable qu’un site comme eBay se soit

autant développé s’il avait fallu envoyer un chèque par voie postale à chaque

achat. Les paiements par carte bancaire en ligne ont donc une grande

importance dans le développement de l’économie collaborative, mais la

facilitation des échanges monétaires permettra peut-être des avancées encore

plus intéressantes à l’avenir, notamment grâce au développement des méthodes

de paiement sans contact comme la NFC9. En plus de ces facilitations, les

nouvelles technologies permettent de facilement créer des plateformes mettant

en relation l'offre et la demande pour chaque marché. Par exemple pour le

marché du covoiturage, le site BlaBlaCar (voir encadré) s'adresse à la fois aux

offreurs et aux demandeurs. Il permet aux offreurs, c'est-à-dire aux personnes

faisant un trajet en voiture et ayant des places libres, de mettre en ligne une offre

dans laquelle ils expliquent le trajet qui sera réalisé et les différentes modalités et

permet aux demandeurs d'accéder à un moteur de recherche lui donnant la

possibilité de chercher le trajet dont il aurait besoin parmi toutes les offres mises en

ligne par les offreurs. Ce type de plateforme est relativement simple à mettre en

place sur un site internet et requiert principalement une masse critique d'offreurs et

de demandeurs pour fonctionner. Pourtant ce serait extrêmement compliqué,

voire impossible, de réaliser la même chose sans les outils offerts par Internet. Ici

encore, la démocratisation d'Internet joue un rôle prépondérant dans la faisabilité

de ce genre de plateforme.

Blablacar est une entreprise française fondée en 2006 par Frédéric Mazzella et permettant de mettre en contact les propriétaires de voiture ayant des places libres et des voyageurs à la recherche de bons plans et de rencontres. Après avoir misé sur la création de confiance, la plateforme se développe très rapidement et devient aujourd’hui incontournable dans le domaine du covoiturage. Blablacar a également réalisé une étude sur le rôle de la confiance, qui permet de mieux comprendre l’importance de la confiance pour les plateformes collaboratives.

209 Near Field Communication

Page 21: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

En simplifiant et en rendant bien plus accessible de nombreux outils, les

nouvelles technologies favorisent largement le développement de l'économie

collaborative. Elles permettent de réduire les coûts liés aux échanges

économiques comme les coûts de prospection, remplacés par la création d’une

plateforme permettant de rencontrer l’offre et la demande. Les coûts de

recherche et d’information sont donc quasi nuls pour les usagers, qui peuvent tout

savoir du marché en quelques clics. Les coûts de négociation et de décision sont

également très faibles étant donné que la transaction se passe la plupart du

temps en ligne et à un prix fixé d’avance. Enfin les coûts de contrôle concernent

majoritairement la publication d’un avis d’usager concernant le prestataire sur la

plateforme en question. Cette publication est a priori très rapide à réaliser et

n’induit aucun coût en particulier. Ces trois catégories de coûts formant les coûts

de transaction on peut dire que les nouvelles technologies permettent de réduire

les coûts de transaction de l'économie collaborative. Cette réduction des coûts

de transaction n’aurait jamais pu être possible sans ces technologies, ce qui en

fait une cause centrale de l’émergence de l’économie collaborative ces

dernières années.

C.La régulation de l'économie collaborative

Actuellement, la régulation de l’économie collaborative est presque

totalement inexistante en France, comme dans le monde. Cette absence de

régulation signifie que les entreprises comme les usagers disposent d’une relative

liberté pour réaliser à peu près ce qu’ils souhaitent. Brian Chesky, fondateur

d’Airbnb, expliquait ainsi qu’à Paris certains hôtes gagnaient 4000 à 5000 dollars

par an en louant leur chambre en moyenne 4 nuits par mois10, fournissant un

revenu complémentaire non-négligeable aux personnes pouvant louer leur

chambre ou un appartement entier à des touristes. Gagner un revenu

complémentaire de cette façon peut sembler intéressant, à la fois pour l’hôte

mais aussi pour les touristes qui ont l’occasion de visiter des endroits non-

touristiques qu’ils n’auraient pas pu voir en logeant dans un hôtel classique.

2110 Le Web 2012, Paris, Brian Chesky

Page 22: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

L’absence de régulation est vue d’un oeil plutôt bon par les entreprises de

l’économie collaborative, qui craignent que l’intervention de l’État dans

l’économie ne décourage leurs clients. Mais d’autres acteurs de l’économie

collaborative demandent davantage de régulation dans ce secteur.

Des problèmes de taxation

Tout d’abord, on peut remarquer que les revenus de l’économie

collaborative ne font pas l’objet d’une taxation spécifique. Par exemple, les hôtes

Airbnb en France ne doivent pas payer de taxes spécifiques sur les revenus de

leurs locations contrairement aux professionnels du secteur. Cette absence de

taxe est sans doute une des raisons pour lesquelles Airbnb est si populaire, en

n’obligeant pas ses usagers à gérer des formalités administratives et en évitant

qu’une partie de leurs revenus soient prélevés par l’État. De plus, selon la loi

française, les hôtes générant un revenu via la location de leur résidence doivent

déclarer ces revenus afin de les imposer selon le barème de l’impôt sur le revenu,

mais il est assez difficile de savoir si cette obligation est respectée ou non dans la

pratique. Le service communication d’Airbnb répond qu’il est « simple de déclarer

les revenus touchés. Il faut cocher la case « location saisonnière » dans sa

déclaration d’impôts ». Si le côté administratif est effectivement simple, les usagers

ne semblent pas très enclins à alourdir leur facture d’impôts sur le revenu avec

leurs revenus de l’économie collaborative. Aucune donnée publique n’est

disponible, mais plusieurs témoignages sur des forums internet semblent montrer

que la plupart des hôtes ne déclarent pas ces revenus dans leur déclaration

d’impôts sur le revenu. Cependant ce phénomène semble surtout présent chez les

hôtes non-réguliers et générant peu de revenus par la location de leur logement.

Ceux qui génèrent un revenu important semblent prendre plus de précautions et

suivent les conseils d’Airbnb qui sont de déclarer ses revenus et de « contacter les

mairies en ce qui concerne les autorisations, car cela peut être différent d’un hôte

à l’autre ». En plus de l’impôt sur le revenu qui n’est pas toujours payé, les hôtes

Airbnb ne collectent pas la taxe de séjour ni la TVA, contrairement aux

professionnels du secteur. Le manque à gagner pour l’État n’est donc pas

22

Page 23: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

négligeable, surtout concernant les logements qui ne sont pas loués de façon

ponctuelle mais quasiment toute l’année, par des propriétaires en tirant des

revenus importants. Par exemple, un appartement de 50m2 bien placé dans Paris

peut être loué aux alentours de 700€ par semaine, assurant un revenu confortable

au propriétaire. Si les gouvernements semblent assez peu préoccupés par ce

problème de taxation ce n’est pas le cas des maires de grandes villes touristiques,

qui entendent lutter contre ces « semi-professionnels ». Le mouvement de riposte

légale a commencé avec le maire d’Amsterdam qui a fait inspecter près de 200

logements pour vérifier qu’ils soient aux normes, tant au niveau fiscal

qu’hygiénique. À New-York également, un hôte Airbnb a failli payer une amende

de 40 000$ pour avoir sous-loué son logement et à la mairie de Paris, l’adjoint au

logement, Jean-Yves Mano souhaite particulièrement préoccupé par ce

problème : « Il suffit d’aller sur ces sites pour voir que c’est essentiellement du

meublé touristique qui est proposé. On voit bien que ce sont des professionnels qui

veulent passer entre les gouttes d’une réglementation précise ». En réponse à ces

menaces pour ses utilisateurs, Airbnb a répondu que « La plupart des logements

sont ceux de particuliers qui n’en proposent qu’un seul » tout en continuant dans

la même phrase « mais nous n’avons pas de chiffres précis ». Le problème est

donc de mesurer l’ampleur du phénomène, d’autant plus que les particuliers

louant plusieurs appartements en même temps brouillent la frontière entre le légal

et l’illégal. Les problèmes légaux posés par la location de résidence via Airbnb

sont les plus courants, parce qu’ils sont facilement identifiables et que les mairies

sont assez promptes à réagir. Mais ce ne sont pourtant pas les seuls problèmes

rencontrés par le secteur de l’économie collaborative.

Taskrabbit est une plateforme collaborative américaine connectant au niveau local d e s personnes très occupées ayant besoin de petits services (promenade de chien, achat de courses, montage de meubles ...) avec des personnes ayant du temps disponible et besoin d’argent (étudiants, chômeurs, retraités ...). Véritable courant de mode aux États-Unis, Taskrabbit redéfinit la manière dont certains perçoivent leur emploi en permettant à ces personnes de gagner leur vie en restant indépendants et en faisant valoir leurs compétences avant tout.

23

Page 24: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Le secteur du jobbing, représenté par le pionnier Taskrabbit (voir encadré

en page précédente) pourrait également poser des problèmes en matière de

régulation. En proposant à ses usagers de nombreux travaux variés en peer-to-

peer, Taskrabbit permet à des personnes ayant du temps libre et des

compétences de les valoriser et de travailler tout en générant un revenu qu’ils

n’auraient probablement jamais trouvé ailleurs. Il n’est donc pas étonnant que

Taskrabbit soit si populaire auprès des chômeurs, des étudiants ou des jeunes

retraités, qui y trouvent une source financière bienvenue, en plus d’une nouvelle

manière de créer des rencontres sociales avec d’autres personnes qu’ils

n’auraient sinon jamais rencontré. Mais en se contentant de rencontrer l’offre de

jobs avec la demande, Taskrabbit pourrait être perçu comme une plateforme

favorisant une économie parallèle non-déclarée. Pire, en incitant ses usagers à

utiliser leurs jobs comme un vrai travail au lieu de rechercher un emploi sous

contrat de travail classique, Taskrabbit pourrait être perçu comme encourageant

ses usagers à quitter le marché classique du travail, entrainant un important

bouleversement de la régulation, au niveau fiscal mais également au niveau des

droits de l’employé et des cotisations pour la sécurité sociale et les caisses de

retraite, qui sont inexistantes, en France, sans contrat de travail. Tout comme

Airbnb, Taskrabbit se définit comme une simple plateforme de marché et ne se

considère pas comme responsable du statut de ses usagers ni du fait que leurs

revenus soient déclarés ou non. Les membres sont donc fortement encouragés à

déclarer leurs revenus, mais aucune vérification ne peut être faite par la

plateforme. Ici encore, aucune donnée n’est disponible pour en savoir plus sur la

proportion de membres déclarant ses revenus et sous quel type de statut ils sont

répertoriés. En effet, malgré qu’en France des dispositions légales permettent aux

usagers de Taskrabbit de déclarer leurs revenus et leur statut de façon légale et

relativement simple (statut d’autoentrepreneur, chèques emploi-service ...), la

communauté Taskrabbit est surtout active aux États-Unis où les avantages sociaux

pour les individuels sont sans doute bien moindres. Il est donc possible que des

membres disposant déjà d’avantages sociaux n’aient pas envie de changer de

statut et ne déclarent donc pas leurs revenus générés via Taskrabbit. Bien que les

gouvernements ne semblent pas s’en occuper particulièrement pour le moment,

24

Page 25: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Taskrabbit pourrait réellement poser des problèmes juridiques avec la législation

actuelle, qui n’est pas adaptée à ce nouveau marché du travail, dans lequel

chaque individu réalise plusieurs métiers en même temps tout en travaillant en

peer-to-peer et non dans de grands groupes multinationaux.

Ces deux exemples d’Airbnb et de Taskrabbit montrent parfaitement que

le développement récent de l’économie collaborative pose de réels problèmes

de régulation aux États, en créant d’une part un manque à gagner fiscal, mais

aussi en leur faisant perdre le contrôle sur certains points. Mais Airbnb et Taskrabbit

ne sont évidemment pas des cas isolés et ces démonstrations sont également

valables pour de nombreuses autres plateformes de l’économie collaborative, à

commencer par leurs concurrents directs. Par exemple, Blablacar en France doit

se soucier également de problèmes de régulation, tout d’abord sur le prix des

trajets sur lequel les conducteurs n’ont pas le droit d’être bénéficiaires. L’approche

choisie par Blablacar est d’ailleurs assez intéressante, puisqu’au lieu de renvoyer la

responsabilité sur les utilisateurs, le site régule par lui-même le prix maximum des

trajets. Blablacar se base ainsi sur le barème fiscal fixé par l’État, censé représenter

les coûts totaux de déplacement d’un véhicule au kilomètre. Le barème fiscal

moyen étant environ 0,50€/kilomètre, Blablacar fixe le prix maximal d’un passager

de la façon suivante : nombre de kilomètres x 0,50 ÷ nombre de passagers. Ainsi

pour un voyage Paris-Lyon (450 km) avec trois passagers, le prix maximum pour

chaque passager sera de 75€. En ne permettant pas à ses utilisateurs de fixer un

prix par passager supérieur à 75€ pour ce trajet, Blablacar s’assure légalement

qu’aucun utilisateur du site ne pourra faire de profit via le covoiturage et que le

prix payé par chaque passager ne servira qu’à partager les coûts du trajet. Dans

la pratique néanmoins, la loi de l’offre et de la demande s’applique

particulièrement bien et le prix moyen pour un Paris-Lyon serait plutôt autour de

30€ par passage. Le barème fiscal fixé par l’État est donc relativement haut et

permet au marché de s’auto-réguler sans que les utilisateurs ne perçoivent ce

plafonnement des prix effectué par Blablacar. De plus, le site a récemment mis en

place un dispositif pour garantir des prix cohérents sur de nombreux trajets grâce à

un simple code couleur. Lorsqu’un conducteur met en ligne un voyage sur le site

25

Page 26: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

et qu’il fixe le prix par passager, une couleur lui indique si son prix est « vert », «

orange » ou « rouge » permettant au conducteur d’identifier les prix « justes ». Ce

dispositif très simple, serait très efficace d’après Laure Wagner, directrice de la

Communication de Blablacar, qui a vu un regroupement des prix après la mise en

place de ce code couleur. Face à la régulation imposée par les gouvernements,

l’exemple de Blablacar montre que les acteurs de l’économie collaborative

peuvent réaliser une partie de la régulation eux-même. S’il ne leur est évidemment

pas possible d’obliger leurs utilisateurs à déclarer leurs revenus, ils ont un pouvoir

total pour agir sur leur place de marché en affectant les prix ou les quantités de

l’offre ou de la demande. En ce qui concerne les problèmes de régulation

soulevés par les pouvoirs publics, je pense que les entreprises du secteur ont tout

intérêt à agir directement et le plus tôt possible pour réguler, dans le champ de

leur capacité, leur place de marché. Ce faisant, ils éviteront en premier lieu à leurs

utilisateurs de se retrouver dans des situations incertaines et attireront nettement

moins l’attention des régulateurs sur leur activité. Concernant les problèmes

légaux sur lesquels ils ne peuvent pas avoir d’influence, comme la déclaration des

revenus pour l’impôt sur le revenu, je recommande tout d’abord d’encourager les

utilisateurs à déclarer leurs revenus en communiquant abondamment sur le sujet,

et de se rapprocher autant que possible des pouvoirs publics pour leur proposer

des solutions. Par exemple, en France, l’État semble de plus en plus favorable à

une numérisation des formalités de paiement des impôts (déclaration des revenus

en ligne, application pour smartphone permettant de payer les impôts ...), il est

donc peut-être possible d’imaginer des simplifications de procédure pour des

acteurs de l’économie collaborative. Imaginons par exemple que l’État mette en

place un système d’API11 sécurisée à disposition de quelques entreprises comme

Airbnb. Au moment de remplir sa déclaration de revenus, l’utilisateur n’aurait

donc qu’à cliquer sur un bouton dans son profil privé Airbnb pour être redirigé vers

la plateforme de déclaration en ligne et pour intégrer l’ensemble des revenus

dans la bonne rubrique en un clic. Évidemment ce type de système semble

compliqué à mettre en place et devra être particulièrement sécurisé, mais c’est

26

11 Application Programming Interface, c’est une interface de programmation par laquelle un logiciel offre des services et des données à d’autres logiciels.

Page 27: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

dans l’intérêt des entreprises de l’économie collaborative et de l’État de proposer

ce type de solutions.

Des problèmes de certification

Au delà des problèmes de taxation posés par les pouvoirs publics,

l’absence de régulation dans l’économie collaborative entraine d’autres

problèmes, notamment au niveau des certifications. En effet, les entreprises

traditionnelles concurrencées par les places de marché en peer-to-peer de

l’économie collaborative sont soumises à des certifications souvent très strictes au

niveau de la sécurité et de l’hygiène. Ces certifications sont également

spécifiques au secteur concerné. Or les utilisateurs d’entreprises de l’économie

collaborative ne sont pas concernés par ces certifications. Par exemple, un hôte

Airbnb n’a pas de contrôles de qualité ou de sécurité de la même façon qu’un

hôtel, alors que les deux vont accueillir des touristes qui vont payer pour leur séjour.

De la même façon que Blablacar l’a fait pour plafonner le prix des trajets, on peut

remarquer une certaine mobilisation des acteurs de l’économie collaborative qui

souhaitent montrer que leurs offres ne sont pas d’une qualité inférieure à celles des

entreprises traditionnelles. Par exemple, Airbnb propose les services de

photographes professionnels qui sont sous contrat avec Airbnb et viennent

gratuitement chez les hôtes qui le souhaitent pour prendre en photo leur

appartement. L’intérêt est d’avoir des photos de très bonne qualité, mettant en

valeur leur logement et par conséquent leur offre sur la plateforme. Ce type de

service entraine sans doute un coût important, qui peut être supporté par Airbnb

en raison de sa masse critique mais qui n’est pas envisageable pour un nouvel

entrant n’ayant pas de solides bases financières. Il reste donc assez rare de voir

des acteurs de l’économie collaborative réaliser des actions significatives dans le

domaine des certifications. Les pouvoirs publics également semblent commencer

à se saisir du problème et utilisent les nombreuses certifications professionnelles

pour lutter contre une utilisation professionnelle de plateformes de covoiturage ou

de location de résidences. Ainsi à Amsterdam comme à Paris, la mairie a déjà

réalisé plusieurs centaines de visites dans des logements mis en location de courte

27

Page 28: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

durée, pour s’assurer que les normes en vigueur sont bien respectées. Cependant

cette « riposte légale » semble cantonnée à Airbnb, probablement en raison de

son succès. Ainsi Blablacar a rencontré quelques problèmes avec des

conducteurs entre Paris et Bruxelles. Profitant des tarifs élevés du TGV et de la

faible distance entre les deux villes, des personnes au chômage ont voulu

répondre à une attente de transport à bas prix sur ce trajet en s’équipant de mini

van et en réalisant de nombreux aller-retours afin d’en faire un business. Cette

pratique est bien entendu illégale, le covoiturage ayant pour principe de partager

les frais et non de faire du profit, et ces personnes étant en situation de travail

dissimulé. Dans ce cas les pouvoirs publics n’ayant rien fait pour régler le

problème, c’est l’entreprise elle-même qui a réagit, en repérant ces comptes

illégaux et en les fermant. Plus tard, l’introduction par Blablacar du service de

réservation et de paiement en ligne a définitivement réglé le problème, puisqu’ils

auraient récupéré leurs revenus du covoiturage sur un compte bancaire et non en

argent liquide. Ces personnes touchant souvent des prestations sociales et

conscientes de l’illégalité de leur activité ne souhaitaient pas que leur business soit

trop visible et ont donc migré vers d’autres plateformes de covoiturage où la

modération est moindre. Cette anecdote montre que les plateformes

collaboratives ont parfois besoin de régulation mais qu’elles sont aussi capables

de la mettre en place elles-mêmes et de bannir les activités illégales. Cependant,

cela ne peut fonctionner que si toutes les plateformes s’auto-régulent de la sorte

et que les personnes agissant illégalement n’aient plus d’alternatives. Or il est peu

probable que cela soit le cas, et seuls les pouvoirs publics semblent en position de

réguler, au niveau global, ce type de pratique.

Régler ces problèmes de certification pour, à la fois assurer aux usagers de

services collaboratifs une qualité de service minimale, et en même temps

permettre aux prestataires de fournir leurs services de façon non contraignante,

n’est pas une tâche facile. Aussi, il faudrait que les entreprises de l’économie

collaborative prennent les devants, même si seules les plateformes ayant déjà

atteint une masse critique pourront probablement le faire, et mettent en place

des dispositifs s’apparentant aux certifications légales. Par exemple, la création de

28

Page 29: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

labels internes pour désigner la qualité de certaines offres peut-être une idée

intéressante. En proposant à ses hôtes une échelle de qualité basée sur certains

points objectifs, Airbnb pourrait compter sur ses membres pour attester de la

véracité du label et pourrait même créer un système de clients mystères pour

vérifier la qualité des services offerts. Un tel système permettrait à la plateforme de

réguler l’offre de logements et de retirer de sa base de données les logements

insalubres ou de trop faible qualité. Ce genre des système est également

applicable à d’autres entreprises, par exemple pour la location de voiture ou la

fourniture de divers services. En plus de la mise en place de ce type de système de

vérification, les plateformes de l’économie collaborative pourraient tenter de se

rapprocher des pouvoirs publics pour utiliser certaines données. Imaginons par

exemple, même si ce n’est pas autorisé dans la législation actuelle, que Blablacar

ait la possibilité de collecter des données sur le permis de conduire de ses

conducteurs. L’entreprise pourrait alors sécuriser sa base de donnée d’offres en

s’assurant que tous les conducteurs aient le permis, voire en appliquant un label

pour les conducteurs n’ayant jamais commis d’infraction. Bien entendu, ce genre

de système pourrait poser d’importants problèmes de sécurité et de

confidentialité, et ce n’est qu’une idée à creuser parmi d’autres.

En plus de ces certifications et de la taxation spécifique, les entreprises

traditionnelles ont des obligations légales qui sont plus importantes que les usagers

de plateformes de l’économie collaborative. Par exemple, dans la prestation de

service, une personne proposant ses services de garde d’enfant pourrait accepter

de garder 4 ou 5 enfants en bas âge en même temps, alors que la législation

française impose aux crèches d’avoir au moins un employé pour 4 enfants entre 6

et 13 mois. Cette personne ne respecterait pas les obligations légales qui sont

appliquées aux crèches et entrerait donc en concurrence de manière illégale

avec les crèches. Dans ce type de cas, la régulation peut a priori venir de la

plateforme, même s’il lui est assez difficile de connaitre la législation précise de

chaque pays, mais un dialogue rapproché avec les pouvoirs publics est sans

aucun doute le meilleur moyen d’améliorer l’auto-réglementation de l’économie

collaborative, sans passer par la création d’une loi spécifique.

29

Page 30: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

L’auto-régulation pour les assurances

Au niveau des assurances, il semblerait que les entreprises de l’économie

collaborative se soient saisies assez rapidement du problème puisque la majorité

des entreprises ayant déjà atteint une taille critique proposent des systèmes

d’assurance pour leurs services. Par exemple Airbnb qui assure automatiquement

toutes les locations pour un dommage jusqu’à 700.000€ 12 ou Deways (voir

encadré) qui assure toutes les locations de voiture pour un maximum de 30.000€13.

Ouicar (voir encadré) a un système un peu différent et plus contraignant, mais

aussi plus sécurisé14. Ainsi, lorsqu’il met en location sa voiture, le propriétaire peut

fixer le montant de la caution avec un minimum de 800€. Lorsque le propriétaire

accepte de louer sa voiture à un locataire, de nombreux justificatifs doivent être

imprimés et apportés au lieu de rendez-vous par les deux parties, et le propriétaire

doit imprimer et remplir un contrat de location. À la remise des clés, le contrat de

location et les justificatifs sont échangés et le locataire doit verser la caution sous

forme de chèque, qu’il récupèrera à la fin de la location s’il n’y a pas eu de

dommage. Ce type de fonctionnement est beaucoup plus compliqué que la

Deways est une entreprise française créée à ESSEC Ventures et proposant un système de location de voitures nouvelle génération en connectant les propriétaires de voiture avec des personnes en ayant besoin ponctuellement. La plateforme mise beaucoup sur les affinités sociales et propose notamment une garantie de trouver une voiture qui est assez innovante et intéressante.

Ouicar propose un service de location de voitures entre particuliers partout en France ainsi que deux programmes de fidélisation et de parrainage très pertinents. Ouicar a également fait le pari d’imposer des régulations assez importantes à ses utilisateurs afin d’augmenter significativement la confiance sur la plateforme.

30

12 Airbnb.fr, 2013

13 Deways.fr, 2013

14 Ouicar.fr, 2013

Page 31: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

plupart des autres plateformes collaboratives, mais permet aux deux parties d’être

assuré dans de bonnes conditions. Contrairement à d’autres plateformes qui

semblent avoir fait le choix de la simplicité pour leurs utilisateurs, Ouicar propose

un système délibérément complet et contraignant sur le plan administratif. Ce pari

peut cependant être intéressant étant donné qu’il mettra davantage en

confiance les utilisateurs assez réticents à mettre en ligne leur voiture et qu’il est

sans doute moins couteux pour la plateforme. Le fait que les plateformes aient

commencé par créer des partenariats avec des assureurs avant de s’occuper des

autres aspects légaux est assez facilement compréhensible, comme l’explique

Marion Carette, fondatrice de Zilok (voir encadré) et Ouicar : « quand on sondait

nos utilisateurs, le seul et unique frein était “dans quel était vais-je retrouver mon

objet”, on a donc beaucoup travaillé cela ». Olivier Grémillon, directeur Général

France, Belgique et Maroc d’Airbnb témoigne15 : « Il y a très peu de sinistres sur les

différentes plateformes, mais avoir une assurance ou une garantie qui couvre les

biens s’il y a des vols ou des dégradations, ça rassure énormément les gens même

si au final il ne se passe pratiquement jamais rien ». Bien que certaines assurances

comme celle de Ouicar soient très complètes, la grande majorité des autres

plateformes ne proposent que des assurances très simples, voire pas du tout

d’assurances pour beaucoup de petites plateformes. En comparaison avec les

assurances qui sont souvent imposées par la loi aux entreprises traditionnelles, il

semble encore une fois que le manque de régulation favorise les plateformes

collaboratives. Néanmoins, il semblerait que les plateformes collaboratives soient

poussées par leurs utilisateurs pour améliorer leurs systèmes d’assurances. Or,

comme nous le verrons plus tard, la confiance est un élément clé de l’économie

collaborative, sur lequel de nombreuses plateformes n’hésitent pas à capitaliser.

Zilok est une plateforme collaborative française proposant la location entre particuliers pour tous types d’objets de la perceuse à la remorque de voiture en passant par une tente de réception. Partant du principe que de nombreux objets sont sous-utilisés, Zilok permet aux propriétaires de gagner de l’argent en louant ces objets, et aux usagers d’utiliser les objets sans pour autant les acheter.

31

15 Startup, DécideursTV, 25/04/2013

Page 32: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Des pistes pour la régulation de l’économie collaborative

Bien que les plateformes collaboratives soient particulièrement créatives

pour s’auto-réguler et créer des partenariats notamment avec des assurances, il y

a certains points sur lesquelles elles ont besoin d’une intervention de l’État. C’est

notamment le cas pour définir un cadre légal plus clair pour leur activité, comme

me l’a témoigné Laure Wagner de Blablacar qui souhaiterait que l’État affirme

officiellement que les revenus du covoiturage ne sont pas taxables. D’après la loi

française, les revenus du covoiturage correspondent à un partage de frais et non

à un revenu au sens de l’impôt sur le revenu, donc ils ne devraient pas être

imposables. Mais le simple fait que l’État officialise clairement ce point donnerait

un argument supplémentaire non-négligeable aux plateformes de covoiturage

pour mettre en confiance leurs utilisateurs. Alexandre Grandremy de Deways16 va

plus loin et aimerait que l’État exempte de l’impôt sur le revenu les revenus des

particuliers générés par des plateformes collaboratives, tant qu’ils restent

secondaires et relativement faible. Par exemple en mettant en place un seuil

plancher en dessous duquel les revenus « collaboratifs » ne seraient pas taxés,

l’État clarifierait la situation, rendrait les contrôles bien plus simples puisqu’il y aurait

nettement moins d’utilisateurs à contrôler, et donnerait un argument

supplémentaire aux plateformes pour leur permettre d’attirer de nouveaux

utilisateurs permettant d’atteindre plus rapidement une masse critique. La mise en

place de ce cadre légal plus parlant et apportant plus de confiance aux

utilisateurs pourrait être couplée à l’introduction d’un label visé par l’État. Ce

dispositif revient fréquemment dans les demandes des professionnels de

l’économie collaborative et pourrait être basée sur un certain nombre de critères

(plateforme ayant un impact positif sur l’environnement, plateforme réalisant une

vérification efficace de l’identité de ses membres, plateforme rappelant leurs

obligations légales aux utilisateurs ...). Néanmoins, d’autres professionnels m’ont

fait part de leur scepticisme quant à la réussite d’un tel dispositif étant donné la

difficulté de réaliser un label à la fois équitable pour toutes les plateformes (celles

qui sont bien connues, comme celles qui débutent) mais aussi suffisamment connu

3216 Voir annexe 2

Page 33: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

des consommateurs pour qu’il permette réellement d’augmenter la confiance

que les utilisateurs donneront à la plateforme labellisée. En plus de ces différentes

mesures, un problème important se pose pour les plateformes collaboratives : la

vérification de l’identité réelle de l’utilisateur afin d’éviter l’anonymat. Nous y

reviendrons plus en détail plus tard, mais en France il est actuellement interdit de

collecter des données comme le numéro de permis de conduire, le numéro de

sécurité sociale, ou encore le numéro d’identité d’une personne, la collecte

n’étant autorisée que par l’État. S’il est évident que ces données sont

particulièrement confidentielles et qu’elles ne doivent pas se retrouver dans les

mains de n’importe qui, ce sont les seules données permettant de vérifier sans

doute possible l’identité d’une personne. Il pourrait donc être très intéressant que

les plateformes de l’économie collaborative puissent avoir accès, d’une manière

directe ou indirecte, à un système de vérification d’identité basé sur ces données,

afin de créer encore plus de confiance et donc d’améliorer sensiblement leur

business model.

Comme nous l’avons vu dans cette première partie, l’économie

collaborative propose une alternative au consumérisme et au capitalisme tel que

nous l’avons connu dans la seconde moitié du XXème siècle et se lie aux théories

de Jeremy Rifkin selon lesquelles nous quittons « l’âge de la possession » pour entrer

dans « l’âge de l’accès ». Utilisant à toutes les sauces les principes du peer-to-peer,

et profitant des nombreuses avancées technologiques de ces dernières années,

l’économie collaborative est en plein boom et voit se développer de très

nombreuses plateformes aux concepts novateurs. Nous pouvons également

retenir quatre piliers récurrents dans les plateformes collaboratives et qui semblent

essentiels pour la construction d’un business model durable17 : une masse critique,

un produit ou un ensemble de produit souvent sous-utilisés, un aspect

communautaire important, et la construction de confiance entre des utilisateurs

ne se connaissant pas.

3317 Rachel Bostman & Roo Rogers, What’s mine is yours, Harper&Collins, 2011

Page 34: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

II.Un Business Model basé sur la confiance

La première partie de ce mémoire nous a montré que l’économie

collaborative repose principalement sur quatre piliers. Mais parmi ces piliers, un

parait particulièrement important et fera l’objet de plus d’investigation, parce qu’il

est essentiel pour la création d’une plateforme collaborative et que sa mise en

place peut également aider à la mise en place des autres piliers. Cet aspect si

essentiel de l’économie collaborative et qui est unanimement mis en avant par les

acteurs du secteur est la construction de confiance entre les membres de la

plateforme. Comme expliqué par Olivier Grémillon d’Airbnb18 « dans tout ce qui

concerne la location entre particuliers, la confiance est clé et elle l’est d’autant

plus quand c’est une voiture dans le cas de Ouicar ou un logement dans le cas

d’Airbnb puisqu’on loue quelque chose auquel on tient énormément. Tout ce qui

peut être fait pour augmenter la confiance est essentiel ». Nous nous intéresserons

donc d’abord à la place réelle de la confiance dans les plateformes

collaboratives, puis au processus de création de cette confiance afin de

comprendre comme la créer. Enfin, nous explorerons les stratégies de

monétisation cohérentes pour le business model recherché et finaliserons ce

dernier avec la stratégie de création de communauté et d’une masse critique.

3418 Startup, DécideursTV, 25/04/2013

Page 35: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

A.Quelle est la place de la confiance ?

L’économie collaborative est en plein boom et les statistiques de son

adoption rapide sont remarquables comme cette infographie montrant

l’augmentation du nombre de nuitées réservées sur Airbnb depuis sa fondation en

2008.

Cette infographie, réalisée par Blablacar, montre cette fois l’évolution du nombre

de sièges de covoiturage disponibles sur la plateforme de janvier 2009 à fin 2012.

35

Page 36: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Ces chiffres sont très impressionnants et montrent que ces plateformes ont

des business model pertinents et durables. Mais on peut se demander comment

les utilisateurs de ces sites internet peuvent se faire autant confiance pour laisser

leur logement à un inconnu ou accepter de faire monter n’importe qui dans sa

voiture pour un trajet de plusieurs heures. La confiance apparait clairement

comme un élément clé du business model de ces entreprises et est une

composante très importante de toute relation sociale entre individus. En

accordant sa confiance en une personne B, la personne A va croire que la

personne B agira exactement comme B l’imagine. Bien que de nombreux

intellectuels aient essayé de définir, sans arriver à une définition officielle le

concept de confiance (Noteboom, en 1996, le considérait comme « subtil, confus

et difficile à saisir ») nous pouvons considérer que la confiance est tout d’abord

influencée par les relations sociales que nous avons. Ainsi nous aurons a priori plus

confiance en l’ami d’un ami qu’en un inconnu, car nous partons du principe que

notre ami, en qui nous faisons confiance, fait également confiance à ses amis.

Mais sur Internet, où il est difficile de réaliser des rencontres en face-à-face, faire

confiance a quelqu’un est plus compliqué. En effet, on considère généralement

que la construction de la confiance entre deux personnes est basée en grande

partie sur ces rencontres et ces échanges. Grâce au développement des

nouvelles technologies de l’information et des communications, il est de plus en

plus simple de simuler ces rencontres en ligne, par exemple via la visioconférence,

mais ces pratiques sont encore compliquées à mettre en place sur un site internet.

Conscient de cette problématique et de l’importance de la compréhension du

fonctionnement de la confiance, Blablacar a profité de la taille importante de sa

communauté pour réaliser une étude complète sur la confiance dans les

communautés en ligne19. Comme on peut le voir dans les deux graphiques ci-

dessus, les utilisateurs sont a priori assez méfiants à l’égard des inconnus en ligne

(degré de confiance de 1.92/5), plus qu’un étranger dans la rue (degré de

confiance de 2.15). Ce comportement s’explique par le fait qu’on ne peut pas

voir un inconnu sur Internet, il y a donc une frontière matérialisée par l’écran de

chaque inconnu. On remarque dans le deuxième graphique que le simple fait

3619 Voir annexe 1

Page 37: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

d’ajouter sa photo sur son profil augmente de façon importante la confiance

accordée à la personne (de 1.92 à 2.52), autant que le fait d’avoir fait vérifier son

numéro de téléphone (en général, les plateformes envoient un SMS contenant un

code que les utilisateurs doivent ensuite recopier sur le site, ce qui permet

d’attester qu’ils n’ont pas mis un faux numéro de téléphone). Le degré de

confiance à l’égard d’un membre d’une communauté en ligne ayant un profil

complet (photo, numéro de téléphone vérifié et des avis utilisateurs positifs) est au

final de 4.23, pas très loin du degré de confiance accordée à un ami de 4.71 (voir

premier graphique). Un autre point intéressant de ces graphiques est la confiance

37

Page 38: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

accordée à ses voisins, qui est située à la moyenne entre celle accordée à un

inconnu et celle accordée à un membre de sa famille, ce qui prouve encore une

fois à quel point l’aspect local est important dans l’économie collaborative.

Comment créer de la confiance ?

T.Loilier et Al dans une étude de 2004, ont également cherché à en savoir

plus sur les déterminants de la confiance et les conditions nécessaires pour

produire de la confiance entre des individus en ligne. Ils ont dégagés neuf

conditions de leur étude :

- La constitution et l’identification claire du groupe autour d’un intérêt commun.

C’est l’étape dans laquelle les usagers de la plateforme vont pouvoir s’identifier

à la communauté qu’ils forment. Le fait de créer des communautés permet aux

usagers de se connaitre et donc de se faire confiance plus facilement.

- La définition des objectifs de la communauté dans le temps. En connaissant ses

objectifs, la communauté pourra s’auto-évaluer en fonction de ces objectifs.

- La création de mécanismes d’apprentissage via des tutoriels vidéos ou des «

how-to ».

- La mise en place de possibilités de contact entre les usagers. Via un système de

messagerie privée et/ou de messagerie instantanée, la plupart des plateformes

disposent déjà de ce type de système qui permettent aux usagers d’échanger et

de se rencontrer.

- Le fait de réaliser, autant que possible, les transactions entre des personnes qui

ont déjà eu une relation sociale. Les usagers ont tendance a déjà faire

confiance à des personnes qu’ils ont déjà vu ou avec qui ils ont déjà eu un

contact sur une autre plateforme. Encourager les transactions récurrentes,

comme par exemple le covoiturage entre deux personnes faisant régulièrement

le même trajet, est également un moyen de créer de la confiance.

- Définir les engagements et les obligations de chacun. Comme expliqué avec

l’exemple de Ouicar, le fait d’avoir un règlement strict et précis, détaillant les

obligations de chaque partie, avec éventuellement la signature d’un contrat

entre les deux parties est essentiel.

38

Page 39: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

- La mise en place de procédures de sanctions. Lorsque les utilisateurs savent

qu’une équipe de modération a la possibilité d’exclure un utilisateur

temporairement ou définitivement, ou d’infliger différentes sanctions aux

membres ne respectant pas ses obligations, ils estiment que les membres

respecteront davantage leurs obligations, ce qui augmente la confiance de

toute la communauté.

- La mise en place d’une équipe de modération. Les sanctions mise en places

dans la condition précédente doivent être appliquées par une équipe de

modération qui doit être facilement identifiable et joignable par la communauté.

L’équipe peut-être directement employée par la plateforme collaborative ou

constituée d’usagers bénévoles.

- La création d’une « routine », comme par exemple la mise en ligne d’avis

d’utilisateur suite à la réalisation d’une transaction.

La confiance institutionnelle

Ces neuf conditions sont particulièrement pertinentes dans le cas de

l’économie collaborative et doivent être une composante du business model de

toute plateforme collaborative qui souhaite s’appuyer sur la confiance. Elles sont

d’ailleurs largement mises en place par les plateformes ayant du succès. Comme

nous l’avons vu dans l’étude de Blablacar, le fait d’interagir sur Internet et donc

de ne pas rencontrer en face-à-face les autres utilisateurs du site est un frein

important à la confiance. Notamment pour des individus peu habitués aux

transactions sur Internet, le fait de partager des objets avec des inconnus qu’ils ne

voient pas est loin d’être naturel. Bien que les nouvelles technologies de

l’information et de la communication soient de plus en plus efficaces, la solution la

plus efficace, qui est mise en place par de nombreuses plateformes

collaboratives, est la création d’une communauté. Comme expliqué dans la

première des conditions pour créer de la confiance, une communauté permet

aux usagers de se présenter aux autres usagers et de faire ressortir des objectifs

communs qui vont les fédérer. En plus d’être essentielle pour assurer la fidélité des

39

Page 40: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

usagers à la plateforme en question, la communauté permet aux usagers de

s’identifier aux valeurs de l’entreprise grâce au logo, au slogan ou à des codes

couleurs. Ce faisant la communauté a pour but de rassurer ses utilisateurs méfiants

en leur présentant d’autres utilisateurs qui font déjà confiance à la plateforme

collaborative. Il va donc y avoir création de confiance de la part de chaque

individu envers la communauté toute entière. C’est un phénomène de confiance

institutionnelle, de la même façon que les citoyens d’un pays doivent avoir

confiance en l’État démocratique qu’ils ont élu. La confiance institutionnelle est

primordiale sur les plateformes collaboratives car une fois créée elle permet

l’adoption de nouveaux utilisateurs de façon nettement plus efficace. Un des

meilleurs exemples de communauté de ce type est le couchsurfing (voir encadré).

Le site couchsurfing.org est presque entièrement axé sur la construction d’une

communauté entre les couchsurfers en incitant les personnes ayant déjà accueilli

des membres chez eux à recommencer, en incitant les personnes ayant déjà été

accueilli à recommencer et à accueillir des couchsurfers, et enfin en incitant de

nouveaux arrivants sur le site à participer eux aussi. Les membres de la

communauté agissent donc comme des ambassadeurs de la plateforme qui vont

même jusqu’à remplacer dans certains cas le service client. Un bon exemple de

ce type de communauté, bien qu’il ne soit pas dans le domaine de l’économie

collaborative, est l’opérateur téléphonique Joe Mobile. Cet opérateur français ne

se démarque pas vraiment de ses concurrents par ses offres qui sont assez

classiques, mais par son services client. Au lieu d’avoir mis en place un service

client classique dans le secteur sous forme d’une « hotline », Joe mobile a pour seul

service client un forum internet. Chaque client dispose d’un compte sur le forum et

peut poster des sujets ou répondre à d’autres messages librement et n’importe qui

Le couchsurfing est une pratique qui s’est répandue grâce au développement des nouvelles technologies ces dernières années et qui permet à des voyageurs ayant besoin ponctuellement d’un hébergement de dormir sur le canapé (d’où le nom, mais le service fonctionne évidemment aussi pour une chambre d’ami) d’un inconnu rencontré sur la plateforme col laborat ive couchsurfing.org. Étant totalement gratuit, le couchsurfing ne repose que sur la volonté des membres de créer de nouvelles relations sociales avec des inconnus, c’est d’ailleurs un succès puisque la plateforme regroupe 6 millions de couchsurfers dans plus de 100.000 villes.

40

Page 41: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

peut créer un compte pour poser des questions. Ainsi, les questions récurrentes

n’ont pas besoin d’être posées plusieurs fois : lorsqu’un potentiel client a une

question et que cette question a déjà été posée et répondue, une simple

recherche sur le forum lui permet de trouver la réponse. Bien entendu, des

employés de Joe Mobile sont chargés d’animer le forum et de répondre aux

questions auxquelles les membres de la communauté ne sont pas capables de

répondre. Cet exemple montre à quel point Internet peut proposer des solutions

pertinentes pour créer des communautés efficace. Ce genre d’exemple est

parfaitement applicable pour l’économie collaborative et permet de créer de la

confiance institutionnelle à très faibles couts pour la plateforme. Bien entendu, il

faut que cette dernière garde un oeil sur l’efficacité de cette confiance

institutionnelle dans le temps, car elle n’est pas illimité et peut très bien s’estomper

au bout d’un certain temps ou en réponse à certaines actions. Par exemple, un

changement de politique mal compris par la communauté pourrait entrainer des

contestations de la part de la communauté et entrainer une mauvaise image des

« administrateurs », c’est à dire de la société gérant la plateforme. Dans ce cas, le

rôle de la communauté serait à double tranchant car les nouveaux inscrits dans la

communauté, en voyant les messages de contestation, pourraient perdre

directement confiance et quitter la communauté, ou bien avoir une mauvaise

image de la plateforme qui sera difficile à estomper dans le temps. Il est donc

primordial que la plateforme mette en place une équipe de modération pour

gérer la communauté, répondre aux questions des utilisateurs, remonter les

principaux problèmes à la direction de la plateforme et s’assurer que la

communauté remplit son rôle. Si la communauté est bien gérée de cette façon,

une confiance institutionnelle forte devrait se mettre en place et jouer un rôle

important dans le recrutement de nouveaux utilisateurs pour la plateforme. Les

utilisateurs acquerront donc une confiance forte dans la communauté et dans la

plateforme ce qui les encouragera à échanger et partager.

41

Page 42: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

La confiance relationnelle

En plus de la confiance institutionnelle qui est très importante, un autre

type de confiance doit être mis en place par la plateforme : la confiance

relationnelle. Ce type de confiance concerne les relations entre les parties lors des

interactions impliquant un échange de biens ou d’informations. La confiance y est

très importante notamment pour la qualité des informations que se transmettent

les deux parties et est souvent influencée par les transactions passées et certains

facteurs sociaux pour connaitre de façon plus ou moins vraie la capacité de

l’autre partie à être « digne de confiance ». Ce type de confiance, qui est au

moins aussi important que la confiance institutionnelle, est plus difficile à créer. En

effet, créer un forum et avoir une équipe capable de la modérer n’est pas une

tâche très compliqué, mais créer de la confiance entre deux utilisateurs d’un site,

a fortiori sur une plateforme collaborative en peer-to-peer, n’est pas une tâche

aisée. Le profil d’un utilisateur est un des premiers point sur lequel agir pour créer

de la confiance. Étant donné que chaque partie de la transaction va sans doute

regarder le profil utilisateur de l’autre partie et que cette page représentera la

principale information qu’il aura à sa disposition pour juger de la confiance qu’il

pourra accorder envers cette personne, il est primordial d’y travailler tout

particulièrement. Comme nous l’avons vu dans l’étude sur la confiance réalisée

par Blablacar, le fait d’avoir un profil utilisateur complet est un important facteur

créateur de confiance. Ainsi, rien qu’en mettant une photo sur son profil, un

utilisateur peut augmenter la confiance qui lui est accordée de 1.92 à 2.52 (sur un

maximum de 5). Les éléments créateurs de confiance peuvent être regroupés en

différentes catégories : les informations générales dont la photo fait parti, les

vérifications, les avis utilisateurs et l’expérience.

Les informations générales sur le profil de l’utilisateur sont les plus

communes : elles sont présentes sur à peu près toutes les plateformes

collaboratives, même celles qui ne sont pas très axées sur la communauté. Cette

catégorie regroupe notamment le nom et l’adresse de l’utilisateur, sa photo, son

sexe, son âge et éventuellement d’autres informations en fonction des

42

Page 43: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

plateformes. Toutes ces informations ne sont pas forcément très utiles pour créer

de la confiance, mais en général les plateformes obligent les utilisateurs à en

entrer quelques unes (nom, adresse et âge) et donnent la possibilité à l’utilisateur

de remplir les autres options s’il le souhaite uniquement, également dans le but de

rendre le processus d’inscription à la plateforme moins contraignant. Si certaines

de ces informations n’apportent pas beaucoup de confiance aux autres

utilisateurs, le fait de remplir toutes les informations peut être créateur de

confiance et donner l’impression au reste de la communauté qu’on a soigné son

profil. Comme expliqué dans l’étude de Blablacar, la photo est particulièrement

importante car elle permet aux autres utilisateurs de se rapprocher de la

confiance accordée lors d’un contact en face-à-face. C’est également un

élément visuel qui se voit très rapidement sur le profil des utilisateurs et qui va être

analysé par chaque utilisateur en fonction de ses normes et valeurs. Un utilisateur

souhaitant attirer la confiance des autres membres de la communauté aura donc

intérêt à faire attention à la photo qu’il choisit. C’est généralement aussi dans

cette catégorie que sont demandées des informations de contact comme

l’adresse email ou le numéro de téléphone. Cependant ces informations sont

rarement visibles publiquement sur le profil des utilisateurs pour des raisons de

confidentialité. Cette catégorie des informations générales est assez basique et ne

permet pas d’accorder beaucoup de confiance même si elle est importante pour

créer un premier contact

La catégorie des vérifications est également une catégorie très importante

mais qui n’est pourtant présente que dans assez peu de plateformes

collaboratives. Ici, le but est que la plateforme prouve que l’utilisateur dispose de

certains outils censés lui donner davantage de crédit, sans forcément dévoiler

directement ces données. L’exemple le plus typique est pour l’adresse mail ou le

numéro de téléphone. Même si ces données ont pu être données dans les

informations générales, il est très simple de donner de fausses informations. La

plateforme va donc mettre en place des systèmes pour vérifier ces informations

importantes et afficher sur le profil de l’utilisateur quelles informations ont bien été

vérifiées. Pour une adresse mail, la plateforme enverrait simplement un mail

43

Page 44: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

contenant un lien spécifique qui permettrait d’identifier formellement cet

utilisateur. Si l’utilisateur clique sur ce lien, la plateforme pourra ainsi prouver que

l’adresse mail est exacte. De même pour le numéro de téléphone, la plateforme

collaborative peut envoyer un SMS contenant un lien ou un simple code que

l’utilisateur devrait recopier en ligne. Si le code correspond, la plateforme pourra

attester que l’utilisateur est bien propriétaire de la ligne correspondant au numéro

de téléphone qu’il a renseigné. Une fois ces informations certifiées, la plateforme

peut simplement l’afficher sur le profil comme ci-dessous pour Airbnb. Ce type de

vérifications, pouvant également s’effectuer pour la géolocalisation, les comptes

bancaire, ou les profils de réseaux sociaux, est très efficace pour certifier que

l’utilisateur est bien « humain ».

La troisième catégorie d’outils permettants de créer de la confiance sur les

profils des utilisateurs correspond aux avis d’utilisateurs, et c’est probablement la

plus importante. Les avis d’utilisateurs correspondent à des commentaires mis en

44

Page 45: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

ligne par d’autres utilisateurs ayant déjà réalisé des transactions avec cet

utilisateur. Ces avis sont donc particulièrement précieux car ils ne peuvent pas (en

théorie) être manipulés par l’utilisateur pour améliorer son profil. Ils représentent

donc un élément objectif. Les avis sont visibles de tous sur la plateforme et sont

considérés comme la principale source de confiance. Ils sont également souvent

associés à une évaluation chiffrée, généralement sous forme d’étoiles et sur une

échelle de 5 maximum. Ces évaluations ont trois principaux avantages : elles sont

très peu contraignantes en terme d’effort pour l’utilisateur, contrairement à la

rédaction d’un commentaire qui demande plus de réflexion ; elles sont visuelles et

ne posent pas de problème sur un site international, où un avis rédigé en français

ne pourra pas être compris par un lecteur non francophone ; elles permettent à la

plateforme de mettre en place une moyenne des évaluations pour chaque

utilisateur, ce qui est difficile à réaliser avec des commentaires écrits. Les

évaluations et avis d’utilisateurs sont donc deux outils très efficaces pour créer de

la confiance sur une plateforme communautaire. Mais ils présentent également

quelques inconvénients. Tout d’abord, rédiger un commentaire pour évaluer la

qualité de la prestation de l’autre partie demande un certain effort à l’utilisateur,

qui n’a pas forcément envie de le réaliser. Pour inciter les utilisateurs à jouer le jeu,

il peut être intéressant de les éduquer à l’importance de ces avis pour la pérennité

de la plateforme mais également pour la qualité des autres offres sur le long

terme. Une autre technique, plus utilisée, est de donner une récompense aux

utilisateurs jouant le jeu. La récompense peut prendre différentes formes, comme

un badge, mais peut également donner droit à des cadeaux sur certaines

plateformes. Dans ce dernier cas, il faut rester attentif au fait que les cadeaux ne

vont pas biaiser la rédaction des avis et que les utilisateurs mettront des avis en

ligne pour évaluer l’autre partie de la transaction et non uniquement pour

recevoir un cadeau. Un autre inconvénient important des avis d’utilisateurs est le

risque de falsification des commentaires. Ce risque s’inspire de techniques

marketing douteuses de certaines marques, qui n’hésitent pas à créer de faux

commentaires en ligne pour rendre leurs produits plus visibles ou pour rendre moins

attrayant des offres de concurrents. Sur certaines plateformes, des utilisateurs

utilisent ces mêmes techniques pour mettre en avant leurs offres par rapport aux

45

Page 46: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

autres, ce qui fausse les résultats. Cependant les plateformes collaboratives

semblent bien au fait de ces pratiques et réalisent une modération efficace. De

plus, si tous les utilisateurs jouent le jeu de mettre en ligne un commentaire après

chaque transaction, les quelques commentaires faussés perdront vite leur visibilité

et la communauté modérera elle-même les offres frauduleuses.

La dernière catégorie d’éléments mis en place par les plateformes

collaboratives pour générer de la confiance concerne l’expérience du membre

sur la plateforme. Le but ici est de prouver que l’utilisateur est intégré depuis

longtemps dans la communauté. Si cet utilisateur n’était donc pas fiable, les

autres utilisateurs de la communauté l’auraient déjà signalé. Comme pour les avis

d’utilisateurs, l’avantage de cette catégorie est la difficulté qu’ont les utilisateurs

malhonnêtes à la manipuler. En effet, l’expérience est généralement gérée

automatiquement par la plateforme, en fonction du nombre de transactions

effectuées ou d’autres critères quantitatifs du même genre. Les utilisateurs

malhonnêtes ne peuvent donc pas tromper le calcul, ce qui rend l’ensemble du

système bien plus fiable. L’expérience est souvent exprimée sous forme de «

grades », par exemple : Débutant, Connaisseur, Confirmé, Habitué, Expert, et

prend tout son sens quand elle est associée aux autres catégories ci-dessus.

Prouver qu’un utilisateur a réalisé un grand nombre de transactions n’est

effectivement pas une preuve absolue de sa fiabilité, par contre si ce même

utilisateur a réalisé autant de transactions avec une note moyenne de 4.5/5, on

peut raisonnablement penser que les chances d’avoir une mauvaise expérience

avec cet utilisateur sont minimes voire nulles.

En plus de ces quatre catégories d’éléments créateurs de confiance,

certaines plateformes mettent en ligne d’autres données qui ne font pas partie de

ces catégories. Par exemple, des données comme la date d’inscription de

l’utilisateur sur la plateforme, ou la date de dernière connexion, sont très

intéressantes pour prouver que l’utilisateur est bien actif et que la transaction

pourra être effectuée dans de brefs délais. Un autre intérêt de ce type de

données est d’inciter les gens à se connecter régulièrement à la plateforme, ce

46

Page 47: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

qui peut générer des revenus supplémentaires, pour les plateformes affichant des

publicités. On peut donc dire que le profil des utilisateurs est un espace primordial

dans le processus de création de confiance sur les plateformes collaboratives. Une

attention toute particulière doit donc être réservée à la construction des profils,

aux informations qui y sont publiées et à la stratégie choisie pour inciter les

utilisateurs à utiliser et enrichir leurs profils. L’efficacité du processus de création de

confiance dépendra directement de cette attention.

Les données enregistrées lors de la génération de ces profils et de tous les

avis d’utilisateurs ont d’ailleurs une très grande valeur, si bien que des entreprises

se sont créées afin d’exploiter au mieux cette valeur. Ces entreprises, que l’on

définit comme des agrégateurs de confiance récupèrent certaines informations

des profils en ligne de plusieurs plateformes et les publient sous une interface

unique. Ainsi, si une personne est particulièrement active sur deux ou trois

plateformes collaboratives, les avis d’utilisateurs qu’elle reçoit sur chaque

plateforme sont centralisés en un seul endroit. L’intérêt est multiple : pour les

utilisateurs c’est un moyen de centraliser tout leur « capital confiance » acquis au

cours de leurs expériences sur Internet, pour les nouveaux utilisateurs c’est un

moyen de rechercher des informations sur un utilisateur avec lequel ils pourraient

réaliser une transaction en consultant son historique de transactions complet sur

différentes plateformes, pour de nouvelles plateformes c’est une opportunité

d’obtenir des données précieuses qu’elles mettraient des années à acquérir, sans

assurance d’y arriver. Le « capital confiance » de chaque utilisateur devient donc

portable et réutilisable sur d’autres plateformes, ce qui est un autre avantage pour

les utilisateurs qui n’ont pas l’obligation de reconstruire un riche historique de

transactions sur chaque nouvelle plateforme pour obtenir un « capital confiance »

conséquent. Bien que cette solution semble parfaite pour tous les acteurs, ce

serait sans compter sur les plateformes déjà bien implantées sur le secteur et

possédant justement ces données. Ces plateformes n’ont a priori aucun intérêt à

les rendre publiques sans aucune contrepartie et préfèrent largement les

conserver et capitaliser dessus pour rendre l’arrivée sur le marché plus difficile à

47

Page 48: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

des nouveaux entrants. N’obtenant pas le soutien des plus importantes

plateformes de l’économie collaborative, les agrégateurs de confiance doivent

donc utiliser d’autres méthodes pour récupérer les données des utilisateurs. La

méthode principale sur ces sites internet, comme Trustcloud (voir encadré)

consiste donc à donner ses identifiants au site qui se chargera ensuite de

récupérer automatiquement toutes les données du profil de l’utilisateur. C’est une

méthode assez dangereuse du point de vue de l’utilisateur, rien ne garantissant

que l’agrégateur sera suffisamment sécurisé pour que les identifiants ne se

retrouvent pas dans la nature et peu recommandable en termes d’expérience

utilisateur. Pour que les agrégateurs de confiance se démocratisent, il faudrait

donc qu’ils trouvent un autre mode de récupération des données qui soit à la fois

plus sécurisé et moins contraignant. Idéalement, il faudrait que chaque

plateforme propose une API sécurisée permettant aux utilisateurs d’autoriser

l’agrégateur à récupérer leurs données sur chaque plateforme. De cette façon, la

collecte de données depuis les plateformes collaboratives serait pleinement

acceptée de ces dernières. Mais, pour les raisons évoquées ci-dessus, il semble

peu probable que les plateformes les plus populaires mettent en place ce type

d’API. Pour les y inciter, il faudrait imaginer un business model pertinent pour elles,

et un argument plus persuasif que la vague promesse de profiter des données des

futures plateformes populaires. À ce jour aucun business model de ce type n’a été

imaginé et je n’en vois personnellement pas qui puisse apporter une réponse

durable à ce problème. Un autre problème des agrégateurs de confiance,

soulevé par Frédéric Mazzella, fondateur de Blablacar, est la différence de

contexte entre les différents avis d’utilisateurs postés sur chaque plateforme

collaborative20 : « quelqu’un qui fait du babysitting ne sera pas forcément bon

Trustcloud est un site américain ayant pour objectif de rassembler la confiance créée sur différentes plateformes collaboratives en un seul endroit. Trustcloud se définit ainsi en utilisant la métaphore des scores FICO aux États-Unis qui permettent aux banques de déterminer la solvabilité de leurs clients. Via leur agrégateur de confiance, Trustcloud souhaite créer un équivalent pour l’économie collaborative.

4820 Voir annexe 2

Page 49: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

conducteur/conductrice, donc la problématique est vaste et la confiance n’est

pas forcément portable puisque même les avis des gens dépendent du contexte

». Bien que de nombreux sites internet s’intéressent à ce nouveau business et bien

qu’il puisse être très avantageux pour les utilisateurs, il semble peu probable qu’un

agrégateur de confiance puisse émerger dans le court terme sans un dispositif de

récupération des données via un dispositif sécurisé. Je pense donc qu’à moins de

trouver une stratégie de monétisation attrayante et acceptable par les principales

plateformes collaboratives, ce marché n’est pas très prometteur.

Dans le processus de réalisation d’un business model durable et rentable

pour l’économie collaborative, il semblerait donc plus intéressant de se focaliser

sur la mise en place d’outils de création de confiance pour posséder ses propres

données. Il est également important de mettre en place une stratégie efficace

pour créer de la confiance le plus tôt possible sur la plateforme. En effet, la

création de confiance dès le lancement de la plateforme permet d’entrainer un

cercle vertueux encourageant à la fois la création de plus de confiance, mais

aussi la conversion de plus d’utilisateurs. Comme nous l’avons vu, il semble peu

probable qu’il soit possible de créer cette confiance initiale via un agrégateur de

confiance. Il y a cependant des alternatives très intéressantes, dont la principale

est l’utilisation des services de Facebook. En effet Facebook est sans doute un des

premiers réseaux sociaux à avoir compris l’importance des profils utilisateurs,

l’entreprise dispose donc d’une vraie expertise en la matière. Ainsi on considère

qu’un utilisateur aurait trois fois plus confiance en un autre utilisateur étant

également inscrit et actif sur Facebook qu’en un autre utilisateur ne donnant

aucune information sur le sujet. Un bon moyen de créer de la confiance sur la

plateforme dès le commencement serait alors d’inciter les utilisateurs à associer

leur compte Facebook à leur compte sur la plateforme, ce qui est réalisable via

les services gratuits proposés par Facebook aux développeurs. Cette intégration

des services Facebook au tout début de la plateforme peut également avoir des

avantages importants en termes de communication. En effet, il est possible

d’augmenter la viralité du lancement de la plateforme en incitant les premiers

utilisateurs à parler de la plateforme à leurs amis Facebook. Cependant la

49

Page 50: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

communication virale est conditionnée à de nombreux autres paramètres que

nous n’aborderons pas ici.

Quelles pistes pour plus de confiance ?

Comme mentionné ci-dessus, la création d’une plateforme unique

rassemblant les avis d’utilisateurs de plusieurs plateformes collaboratives est sans

doute une des pistes les plus crédibles pour augmenter encore la création de

confiance sur Internet, mais ce type de plateforme est soumise à certains

problèmes qui semblent difficiles à résoudre. Une autre piste assez sérieuse pour

créer plus de confiance dans les plateformes collaboratives est l’intervention de

l’État. En effet, nous avons vu que la confiance dans l’économie collaborative se

divisait en deux types : la confiance relationnelle et la confiance institutionnelle. Or

le deuxième type de confiance correspond au crédit donné par la communauté

à la plateforme collaborative. Une intervention de l’État à ce niveau pourrait donc

augmenter cette confiance, comme expliqué par Frédéric Mazzella de

Blablacar21 : « L’État a une crédibilité qui peut aider au développement de

l’économie collaborative en la reconnaissant voire en la soutenant ». Comme

évoqué à la fin de la première partie, l’État pourrait créer des labels qui, s’ils sont

reconnus par les utilisateurs, permettraient de donner du crédit à des plateformes,

mêmes débutantes, et donc de créer de la confiance très tôt. La dernière piste

qui me semble également intéressante pour créer davantage de confiance dans

le secteur de l’économie collaborative est IDN, une initiative du groupe La Poste

qui propose un service gratuit « permettant aux internautes de prouver que leur

identité a été vérifiée physiquement par la Poste »22. Représentant les initiales

d’IDentité Numérique, ce service est accessible sur inscription gratuite en ligne.

Une fois inscrit, l’identité du demandeur sera contrôlée par un facteur à son

domicile et l’IDN délivré. La Poste met l’IDN gratuitement à disposition de toutes les

plateformes collaboratives, permettant aux utilisateurs d’avoir accès à des options

de certifications encore plus fiables. Cette initiative de La Poste est donc une piste

50

21 Voir Annexe 2

22 idn.laposte.net, 2013

Page 51: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

à fort potentiel pour créer davantage de confiance dans le secteur de

l’économie collaborative. On peut néanmoins regretter que cette initiative ne soit

disponible qu’en France, alors qu’un tel service au niveau mondial serait un

catalyseur presque parfait pour l’économie collaborative.

B.Les stratégies de monétisation

Comme nous l’avons vu, la confiance est un élément clé pour les

plateformes collaboratives. D’ailleurs, dans les résultats de l’enquête que j’ai

réalisé auprès de plusieurs professionnels du secteur23, on peut voir que sur une

échelle de 1 à 10, ils estiment que la confiance a un degré d’importance

supérieur à 9. Il est donc essentiel d’axer le business model sur le processus de

création de confiance. Mais il s’agit également d’étudier les autres aspects du

business model afin de s’assurer qu’ils répondent bien aux besoins et qu’ils

permettront de mettre en place les outils de création de confiance sans

inconvénient. Tout d’abord, il nous faut étudier la stratégie de monétisation la plus

adaptée à la situation.

La stratégie de monétisation

De nombreuses stratégies de monétisation différentes sont possibles pour le

secteur de l’économie collaborative, mais il est très important d’en choisir un et

d’éviter de le changer sous peine de rencontrer un fort sentiment de

mécontentement de la part de la communauté. Les critères de choix du business

model doivent donc être soigneusement choisis pour éviter ce problème. Je

recommande personnellement les critères de choix suivants :

- La rentabilité, cela peut paraitre évident mais il est primordial que la stratégie de

monétisation choisie permette à la plateforme d’atteindre un point mort à une

certaine échéance, et ensuite de pouvoir être rentable.

- L’acceptation par les utilisateurs, bien que cette tendance soit à la baisse de

nombreux consommateurs considèrent que les services sur Internet devraient

5123 Voir Annexe 2

Page 52: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

constamment être gratuits. Il est donc important de choisir une stratégie de

monétisation qui soit assumée mais sans être trop douloureuse pour les

utilisateurs.

- La facilité d’accès au service, encore plus sur Internet que pour des services non-

virtuels, de nombreux utilisateurs passent très peu de temps sur un site avant de

décider s’ils ferment la page ou s’ils continuent leur navigation sur le site. Il s’agit

donc de supprimer le maximum de barrières possibles à l’accès au service, afin

de convertir un maximum de visiteurs en utilisateurs et au final d’atteindre la

masse critique le plus rapidement possible.

- L’évolutivité du service, étant donné que la plateforme commencera avec très

peu d’utilisateurs et peut en posséder quelques millions au bout de plusieurs

années, il est nécessaire que la stratégie de monétisation puisse s’adapter sans

inconvénient au nombre de membres.

Ces quatre critères permettent, selon moi, de déterminer quelle sera la

meilleure stratégie de monétisation pour une plateforme collaborative. En utilisant

ces critères, il convient dorénavant d’explorer les différentes stratégies de

monétisation utilisés dans le secteur. On peut distinguer plusieurs stratégies

différentes :

- Les commissions prélevées sur les transactions. C’est la stratégie de monétisation

la plus utilisée sur les plateformes de l’économie collaborative. Le principe est

simple : à chaque transaction effectuée sur la plateforme, une commission est

prélevée pour payer les frais bancaires inhérents à un paiement par carte

bancaire, et pour rémunérer la plateforme. Les commissions peuvent être

prélevés de différentes façon, soit sur la somme payée par le demandeur, soit sur

la somme reçue par l’offreur, soit sur les deux. Le deuxième cas est le plus

courant et à l’avantage de donner l’impression au payeur que le service est

gratuit. La stratégie de monétisation via les commissions a un certain nombre

d’avantages. En matière de rentabilité, les commissions ont l’avantage de

proposer un système simple à mettre en place. Une fois que la plateforme a

effectué une analyse de ses coûts variable, il lui suffit de fixer la commission à un

taux supérieur au coût marginal d’une transaction pour atteindre le point mort.

52

Page 53: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

C’est donc une stratégie qui devrait permettre la rentabilité pour une plateforme

collaborative. En matière d’acceptation par les utilisateurs, c’est également une

stratégie très intéressante puisqu’elle est très peu douloureuse. En effet aucun prix

n’est à payer directement à la plateforme, la commission est prélevée sur une

transaction qui aurait été payée dans tous les cas. La plateforme peut

également se justifier bien plus facilement puisque la transaction bancaire

entraine des coûts directs, bien que souvent largement inférieurs à la commission

prélevée. Les utilisateurs acceptent donc plutôt bien cette stratégie, toutes les

entreprises interrogées dans mon sondage ayant répondu que les utilisateurs

percevaient cette stratégie de monétisation comme quasiment naturelle. En

matière de facilité d’accès, c’est une stratégie de monétisation qui est efficace

puisque les utilisateurs n’ont aucun frais à payer avant de passer à l’acte de

partage. Tout le reste du processus est donc en libre accès et l’ensemble de la

procédure peut être raccourci et simplifié pour faciliter l’accès du service aux

utilisateurs. Enfin, cette stratégie de monétisation est évolutive puisqu’elle est

réalisable quelque soit le nombre de transactions et qu’elle couvrira les frais

variables pour un faible comme pour un grand nombre de transactions. On peut

donc en conclure que c’est une stratégie de monétisation très adaptée à

l’économie collaborative et qui peut même s’avérer particulièrement lucrative

lorsqu’elle est appliquée à la fois sur la somme payée par le demandeur et sur la

somme reçue par l’offreur. Toutefois, cette stratégie peut être assez peu lucrative

lorsque les montants des transactions sont très faibles. Dans ces cas là, il est

préférable de disposer d’une stratégie de monétisation complémentaire.

- Les coûts fixes prélevés sur les transactions. Cette stratégie de monétisation

ressemble à la stratégie des commissions à une différence près : le montant

prélevé par la plateforme collaborative est toujours le même, quelque soit le

montant de la transaction. En matière de rentabilité, c’est une stratégie qui sera

plus efficace sur les transactions à petit montants mais qui pourra être bien moins

intéressante sur les montants importants puisque les frais prélevés ne dépendent

pas du montant. Comme pour les commissions, la plateforme peut choisir que ce

soit l’offreur ou le demandeur qui prenne en charge les frais ou prélever des frais

sur les deux transactions. Cette stratégie de monétisation semble un peu mieux

53

Page 54: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

acceptée par les utilisateurs que les commissions même si la différence est très

minime. En matière de facilité d’accès aux services de la plateforme, c’est

exactement comme pour les commissions. Enfin, pour l’évolutivité du service

c’est une stratégie qui sera facilement réplicable à grande échelle si besoin,

mais qui ne couvrira pas nécessairement la totalité des frais variables en cas de

montant trop élevé de la transaction. En résumé c’est une stratégie intéressante

pour certaines plateformes collaboratives uniquement, mais qui ne sera pas

forcément rentable pour d’autres plateformes. Dans la pratique, plusieurs

plateformes collaboratives cumulent cette stratégie avec la stratégie des

commissions, afin de bénéficier à la fois des avantages du coût fixe pour les

petits montants et des avantages de la commission pour les montants importants.

La stratégie d’association cout fixe - commission semble clairement la plus

rentable pour des plateformes pouvant recevoir des transactions de montants

très différents, cependant elle a des répercutions négatives sur l’acceptation par

les utilisateurs qui ont souvent plus de mal à assimiler le fait d’être prélevé deux

fois.

- L’abonnement mensuel. Totalement différente des deux précédentes stratégies

de monétisation, l’abonnement mensuel propose l’intégralité des services de la

plateforme gratuitement en échange du paiement d’un abonnement mensuel.

C’est une stratégie de monétisation rarissime dans l’économie collaborative,

mais qui n’est pourtant pas inintéressante dans certains cas précis. En matière de

rentabilité, cette stratégie est délicate car elle n’est pas directement liée aux

coûts rencontrés par la plateforme mais elle permet néanmoins de toucher un

revenu régulier chaque mois même si des utilisateurs n’utilisent pas le site. Si la

plateforme en question dispose de coûts marginaux par transaction très faibles,

cette stratégie peut donc être très intéressante. Cette stratégie n’est par contre

pas très bien acceptée par les utilisateurs qui doivent payer l’abonnement à

chaque échéance. Même si l’abonnement peut parfois être très faible, c’est

relativement douloureux pour l’utilisateur. D’un autre côté, l’utilisateur ayant

payé l’abonnement sera certainement plus incité à utiliser au maximum les

services de la plateforme et à en parler autour de lui, ce qui peut représenter un

avantage indéniable. Mais le principal problème de cette stratégie est la facilité

54

Page 55: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

d’accès aux services de la plateforme. En effet, en imposant le paiement d’un

abonnement pour y avoir accès, la plateforme va perdre de nombreux

utilisateurs potentiels qui voudraient s’inscrire « pour voir » et ne sont donc pas

disposés à payer pour cela. Il existe heureusement une manière de minimiser ce

problème : la mise en place d’une période de test gratuite. En proposant 15 jours

ou un mois d’utilisation gratuite de ses services, la plateforme peut inciter les

visiteurs à s’inscrire « pour voir » sans pour autant payer l’abonnement. Les inscrits

en test pourront alors décider à la fin du test s’ils souhaitent ou non payer

l’abonnement pour conserver leur accès à la plateforme. Malgré cette période

gratuite, une proportion non-négligeable d’utilisateurs ne souhaitera pas utiliser la

plateforme en raison du deuxième critère de choix : ils ne considèreront pas la

stratégie de monétisation comme justifiée et acceptable. En matière

d’évolutivité, c’est pourtant une stratégie très intéressante car elle permet de

générer des revenus proportionnels au nombre d’utilisateurs. L’abonnement

mensuel est donc une stratégie risquée et réservée à certaines plateformes

collaboratives particulières qui ont des coûts variables faibles.

- Le freemium. Contraction de « free » et de « premium », le freemium est une

stratégie de monétisation qui est en plein essor et s’inspire fortement de la culture

du « tout gratuit ». L’objectif est de diviser les fonctionnalités de la plateforme en

deux catégories : les fonctionnalités gratuites et les fonctionnalités payantes. Ainsi

la plateforme est utilisable totalement gratuitement pour un certain nombre de

fonctionnalités, en général basiques, puis pour obtenir des fonctionnalités plus

avancées l’utilisateur doit les acheter ou les louer. C’est une stratégie très utilisée

par la presse en ligne ou les jeux vidéos car elle permet d’atteindre une masse

importante d’utilisateurs tout en se finançant grâce à la faible proportion

d’utilisateurs qui achèteront un accès premium. Néanmoins, cette stratégie est

difficilement adaptable au modèle des plateformes collaboratives dans le sens

où les transactions présentent des coûts marginaux importants (frais bancaires

notamment) qui semblent difficiles à inclure dans les fonctionnalités gratuites,

mais qui n’ont pas non plus leur place dans les fonctionnalités payantes

puisqu’elles sont incontournables pour les utilisateurs. Cette stratégie pourrait

cependant être très pertinente pour des plateformes collaboratives

55

Page 56: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

n’hébergeant pas les transactions monétaires, comme par exemple LeBonCoin.

Pour assurer une rentabilité à la plateforme, il faut disposer d’un taux de

conversion (pourcentage d’utilisateur payant sur l’ensemble des utilisateurs)

suffisant, qui est généralement d’environ 5% et qui dépend bien entendu du prix

des options premium et de leur contenu. L’acceptation par les utilisateurs à

l’avantage d’être très bonne, puisqu’une grande partie d’entre eux ne paye rien

pour l’utilisation des services. Il faut cependant faire attention à donner la

possibilité aux utilisateurs gratuits d’utiliser le site dans de bonnes conditions pour

ne pas les faire fuir. En matière d’accès aux fonctionnalités du site, cette stratégie

propose une solution idéale mais est difficilement évolutive. Lorsque le nombre

d’utilisateur augmente de façon importante, on voit généralement une forte

baisse du taux de conversion qui peut mettre en péril la situation financière de la

plateforme.

- La publicité. Cette dernière stratégie de monétisation propose un accès

totalement gratuit aux fonctionnalités de la plateforme, financé par de la

publicité. Cette publicité peut prendre différentes formes : publicité display,

affiliation, emailing ... En matière de rentabilité, cette stratégie a été favorisée

par de nombreux sites internet ces dernières années mais semble de moins en

moins rentable. La rentabilité des campagnes publicitaires dépend en grande

partie de la gêne créée dans l’expérience utilisateur : plus la gêne est grande,

plus la campagne est rentable. L’augmentation de la rentabilité se fait alors au

détriment de l’acceptation des utilisateurs, ce qui peut être assez dangereux sur

le long terme pour la plateforme. Néanmoins, les plateformes collaboratives ont

pour particularité de collecter un nombre assez important de données sur les

habitudes de consommation de leurs utilisateurs, ce qui peut constituer une

opportunité pour mettre en place de la publicité ciblée. En plus d’être plus

rentable, ce type de publicité est censé être moins contraignant pour

l’expérience utilisateur puisqu’elle met en avant des produits pour lesquels

l’utilisateur s’intéresse. Ce dernier point reste cependant à prouver, et des

utilisateurs sont souvent assez réticents à utiliser un site « commercialisant » ainsi

leurs données confidentielles. En revanche, en matière d’accès aux

fonctionnalités de la plateforme, cette stratégie propose une solution très

56

Page 57: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

intéressante qui doit pouvoir générer une masse critique de manière assez

rapide. En ce qui concerne l’évolutivité de la stratégie, elle est également assez

bonne, la publicité dépendant généralement du trafic du site internet.

Que choisir ?

Ces stratégies de monétisation ont toutes été adoptées par des sites

internet de l’économie collaborative mais n’ont pas forcément portées leurs fruits.

Pour conclure et donner un avis sur la stratégie de monétisation qui s’adapte le

mieux à l’économie collaborative, je pense qu’il ne faut pas choisir une mais

plusieurs stratégies. À partir du moment où une plateforme héberge les

transactions bancaires, il me semble essentiel de se rémunérer sur les commissions

bancaires, car c’est une stratégie qui est pertinente sur les quatre critères de

choix. Mais il peut être intéressant également d’utiliser de mixer cette stratégie

avec d’autres modes de monétisation, comme le freemium ou la publicité. Cette

dernière par exemple peut générer des revenus intéressants au début de la vie de

la plateforme, un moment où les moindres revenus comptent. Le fait de mixer

différentes stratégies entre elles permet également de mutualiser les avantages et

de diminuer les inconvénients. Par exemple, en adoptant une commission et un

coût fixe sur chaque transaction et un système freemium donnant quelques

avantages aux utilisateurs payants, une partie des revenus supplémentaires

générés par le freemium pourrait financer une baisse du taux de commission. En

outre, ce mixage a l’avantage de donner plus de liberté à la plateforme pour

modifier la stratégie de monétisation plus tard, en gardant les modes de

monétisation fonctionnant bien et en supprimant ceux qui ne seraient pas assez

efficaces, sachant qu’a priori la monétisation via les commissions sur les

transactions permet la rentabilité de la plateforme sur le moyen terme.

57

Page 58: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

C.Résumé du business model final

Ce mémoire a pour but d’élaborer un business model qui soit à la fois

durable et rentable pour la création d’une plateforme dans l’économie

collaborative. Après avoir exploré les différents aspects de l’économie

collaborative et des business model de nombreux acteurs du secteur, il s’agit de

résumer le business model choisi pour assurer une rentabilité sur le long terme.

Dans ce dernier paragraphe, je vais donc aborder en détail chaque point du

business model.

Le but de la plateforme collaborative est de fournir un certain nombre

d’outils pour aider les gens à partager plutôt qu’à acheter. Comme nous l’avons

vu dans la première partie, il est souvent plus avantageux de louer l’accès à un

objet plutôt que de le posséder mais de le sous-utiliser. Afin de garantir la longévité

de la plateforme, il est important que le(s) produit(s) qui y sera(ont) partagé(s)

soi(en)t souvent sous-utilisé(s). Appelée « idling capacity », cet élément est clé

pour s’assurer que la plateforme puisse attirer et conserver une masse critique

d’utilisateurs.

L’offre sera la possibilité pour les utilisateurs de partager et/ou louer un ou

plusieurs objet(s), permettant aux propriétaires de ces objets de gagner de

l’argent et de faire de nouvelles rencontres, et permettant aux autres utilisateurs

d’y avoir accès sans passer par le processus plus couteux d’acquisition. Encore

une fois, le choix du ou des produit(s) est très important pour faire en sorte d’attirer

des utilisateurs et rendre le business model rentable.

La réflexion sur la stratégie commencera donc par le choix d’un ou de

plusieurs produits sur lequel axer le business model. L’ensemble de la stratégie

repose sur deux points :

- inciter des offreurs à partager leurs produits en les rémunérant

- inciter des demandeurs à partager également en leur montrant les bénéfices

qu’ils peuvent tirer du partage plutôt que de l’achat.

Au niveau de l’infrastructure, il est nécessaire de mettre en place une

plateforme sur internet disposant de toutes les fonctions de partage nécessaires. Il

58

Page 59: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

est également important que les profils d’utilisateurs soient mis en place comme

décrits au début de la deuxième partie de ce mémoire afin de s’assurer que ces

éléments puissent créer de la confiance dès le lancement de la plateforme.

Même si ce n’est pas forcément essentiel au lancement, il semble également

intéressant de se tourner vers la navigation sur smartphone et tablettes en

proposant des solutions adaptées. La stratégie que je recommanderai sur ce point

serait de mettre en place un site utilisable sur smartphone et tablettes dès le

lancement, et de créer des applications mobiles pour les deux ou trois principales

plateformes mobiles dans les 18 premiers mois d’existence de la plateforme

collaborative. Cette stratégie permet de disposer de toute l’infrastructure

nécessaire pour une utilisation du site optimisée sur mobiles et tablettes pour un

coût étalé sur les 18 premiers mois d’existence de la plateforme.

La stratégie de communication est également un point important du

business model pour atteindre le plus rapidement possible la masse critique

d’utilisateurs. Le premier élément de cette stratégie repose sur les utilisateurs : en

intégrant le module social de Facebook et éventuellement d’autres réseaux

sociaux, le but est de les inciter à partager leur découverte de la nouvelle

plateforme collaborative et de pouvoir ensuite utiliser la plateforme publicitaire de

Facebook pour augmenter la visibilité de ces partages. L’efficacité de ces actions

marketing a déjà été plusieurs fois prouvée et devrait permettre de recruter

rapidement des utilisateurs au lancement de la plateforme. Bien évidemment, ces

actions ne seront pas suffisantes, il faudra donc également se rapprocher de la

presse généraliste pour faire parler de la nouvelle plateforme, lancer

régulièrement de nouvelles fonctions pour continuer la communication sur la

plateforme et également faire des partenariats et des concours pour augmenter

la visibilité de la plateforme collaborative sur Internet. Un système de parrainage

pourrait également être mis en place pour augmenter les retombées du bouche à

oreille, qui est le meilleur moyen de recrutement de nouveaux utilisateurs.

Le processus mis en place sur la plateforme est relativement simple et

semblable à celui des concurrents. Les offreurs créent des annonces pour le(s)

produit(s) qu’ils souhaitent mettre à disposition en indiquant les caractéristiques de

l’offre. Les demandeurs ont alors accès à l’entière base de donnée des offres

59

Page 60: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

mises en ligne par les offreurs et y naviguent grâce à un moteur de recherche leur

permettant de trouver l’offre qui leur convient. Une fois qu’ils l’ont trouvé, ils ont la

possibilité de contacter en ligne l’offreur afin de partager l’objet et peuvent payer

directement en ligne. Une fois le partage terminé, il est essentiel que le

demandeur note la prestation de l’offreur et laisse si possible un commentaire afin

de générer de la confiance sur la plateforme.

Comme expliqué ci-dessus, la stratégie de monétisation choisie est basée

principalement sur une commission et un coût fixe. Il pourrait également être

intéressant, afin d’augmenter l’acceptation par les utilisateurs, d’appliquer la

commission à la somme payée par le demandeur, et d’appliquer le coût fixe à la

somme reçue par l’offreur. Ainsi, les avantages du cumul commission - coût fixe

sont gardés et les utilisateurs ne sont pas perdus par des calculs compliqués. Par

exemple, avec une commission de 5%, un coût fixe de 2€ et un prix de transaction

de 100€ : le demandeur paye 100 x 1.05 = 105€ dont 5€ sont conservés par la

plateforme pour la commission variable, et l’offreur récupère 100 - 2 = 98€ en

prenant en compte le coût fixe. La plateforme gagne donc 7€ sur l’ensemble de

la transaction sans mettre en péril l’acceptation des utilisateurs. En plus des

commissions, d’autres modes de monétisation seront mis en place et conservés

s’ils sont efficaces. La stratégie que je recommanderai serait de mettre en place

de la publicité au lancement de la plateforme étant donné que c’est

relativement simple à intégrer et que les retours sont immédiats, par exemple en

utilisant une régie publicitaire s’occupant de tout le processus. Les revenus ne

seront donc probablement pas énormes, mais le coût sera également très faible

pour la plateforme, ce qui me semble être le plus important pour le

commencement de la plateforme. Suite à la publicité, un module freemium me

semble une idée intéressante même si certains acteurs de l’économie

collaborative m’ont fait part de leur scepticisme sur la rentabilité de ce modèle

dans l’économie collaborative.

En matière de régulation, comme nous l’avons vu l’État est pour le moment

peu impliqué dans le secteur de l’économie collaborative. Je pense donc qu’en

l’absence de l’État, c’est aux plateformes de mettre en place les règles

nécessaires pour son bon fonctionnement. Tout d’abord, il s’agit de rappeler

60

Page 61: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

explicitement aux utilisateurs leurs devoirs (déclaration des revenus, respect des

législations spécifiques pour chaque pays ...). La mise en place d’une page

détaillant chaque devoir de façon compréhensible et adaptée à chaque

législation me semble donc un premier pas incontournable. Ensuite, nous avons vu

qu’une partie de l’auto-régulation se ferait via les éléments créateurs de

confiance comme les avis d’utilisateurs, il faudra donc être très vigilant sur la mise

en place de ces éléments pour qu’ils jouent pleinement leur rôle de régulateur. Je

pense aussi qu’il faut que la plateforme dispose d’au moins un employé disposé à

l’animation et à la modération de la communauté. Enfin, si la plateforme atteint

un certain niveau de popularité, je recommande de profiter de cette popularité

pour faire pression auprès des gouvernements afin de changer la législation

actuelle et de l’adapter aux spécificités de l’économie collaborative.

61

Page 62: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Conclusion

L’objectif de ce mémoire était de comprendre les bases de l’économie

collaborative et de réaliser un business model qui soit à la fois durable et rentable,

pour une plateforme collaborative. Nous avons ainsi pu comprendre que

l’économie collaborative est une alternative crédible à la société de

surconsommation actuelle, et que les récentes crises économique et financière lui

permettent de démontrer l’ensemble des économies ou des revenus

complémentaires qu’elle entraine chez de nombreux foyers, pourtant pas

forcément attachés au côté social et environnemental à première vue. Nous

avons également analysé les différents concepts au coeur de l’essor de

l’économie collaborative, tels que le peer-to-peer qui transforme chaque « client »

en « serveur » pour alimenter l’économie en biens et services, mais aussi l’apport

des nouvelles technologies qui sont indispensables pour le bon fonctionnement

des plateformes collaboratives telles que nous les connaissons. En terme de

régulation, nous avons vu que les États sont pour le moment peu préoccupés par

cette problématique malgré les différents problèmes posés : concurrence avec

des entreprises traditionnelles, besoins de certifications pour les utilisateurs,

suppression des arnaques ... Il a donc été question des différentes méthodes

utilisables pour créer une auto-régulation au sein de la plateforme, ce qui

représente une partie importante du business model choisi. Dans la seconde

partie, nous avons vu l’importance de la confiance pour encourager les

utilisateurs à réaliser des transactions et partager leurs objets avec d’autres

utilisateurs qu’ils ne connaissent pas. Ensuite, nous avons exploré les différentes

méthodes de création de confiance pour intégrer les plus pertinentes dans le

business model et réalisé une analyse des pistes probables de nouveaux relais de

confiance, via la régulation étatique ou la création de plateformes par des tiers

comme le groupe La Poste. Suite à ces réflexions, nous avons abordé le problème

de la monétisation en étudiant les différentes stratégies. Nous avons alors

déterminé une stratégie pertinente pour le business model, avant de réaliser un

résumé complet des différents éléments de ce dernier. Ce mémoire a donc permis

la réalisation d’un business model complet pour une plateforme de l’économie

62

Page 63: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

collaborative possédant comme principales caractéristiques d’être rentable,

grâce à une stratégie de monétisation judicieuse qui associe des modes de

monétisation avérés et acceptés par les utilisateurs avec d’autres plus audacieux

mais remplaçables en cas d'échec. Ce business model est également durable,

d’une part parce qu’il est rentable, mais surtout parce qu’il privilégie la création

de confiance pour encourager les utilisateurs à partager leurs objets. Ce business

model permet donc aux plateformes collaboratives existantes mais aussi à de

nouvelles plateformes d’accéder à une stratégie adaptée qui a fait ses preuves

dans la pratique et qui dispose d’un potentiel théorique encore important. La mise

en place de ce business model n’est cependant pas le seul défi pour la création

d’une plateforme collaborative. Il pourrait donc être intéressant d’approfondir ce

mémoire avec une analyse et une compréhension plus intense des modes de

financement dont peuvent disposer ces plateformes, notamment pour mettre en

place les nombreux et indispensables outils de création de confiance et pour

accélérer leur développement sur les interfaces mobiles. En outre, une réflexion

pourrait être menée sur les monnaies complémentaires, qui ont été brièvement

abordées mais représentent un vecteur de croissance à fort potentiel pour

l’économie collaborative. Pour conclure, je pense que le domaine qui a le plus de

potentiel et qui mériterait d’être davantage considéré dans des réflexions futures

est l’aspect local qui est sous-jacent à l’économie collaborative mais qui pourrait

être exprimé plus fortement, notamment pour apporter des éléments de réponse

à des problématiques comme la mort du petit commerce, ou le manque

d’implication des collectivités locales auprès des populations.

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Page 64: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Bibliographie

- Greg Hanscom, Grist.org, http://grist.org/business-technology/the-sharing-

economy-wants-to-play-with-the-big-kids-is-it-ready/

- Charles Green, Forbes.com, http://www.forbes.com/sites/trustedadvisor/

2012/05/02/trusting-and-being-trusted-in-the-sharing-economy/2/

- Arun Sundararajan, Wired.com, http://www.wired.com/opinion/2012/10/from-

airbnb-to-coursera-why-the-government-shouldnt-regulate-the-sharing-

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- Dana Hull, MercuryNews.com, http://www.mercurynews.com/business/

ci_22243932/so-called-sharing-economy-comes-under-regulatory-scrutiny

- Ryan Lawler, Techcrunch.com, http://techcrunch.com/2012/11/04/will-

regulations-kill-the-sharing-economy/

- Craig Shapiro, FastCoExist.com, http://www.fastcoexist.com/1681009/whats-the-

future-of-the-sharing-economy

- Eme3, http://www.eme3.org/?p=2131

- Ryan Lawler, Techcrunch.com, http://techcrunch.com/2012/12/09/balancing-

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- Ouishare, http://ouishare.net

- P2PFoundation, http://p2pfoundation.net

- CollaborativeConsumption.com, http://www.collaborativeconsumption.com

- JARVIS Jeff, How Sharing in the Digital Age improves the way we work and live,

1451636008

- GOLD Lorna, The Sharing Economy, Solidarity Networks Trsanforming

Globalisation, 978-0754633457

- RIFKIN Jeremy, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005, 9781585420827

- BOSTMAN Rachel & ROGERS Roo, What’s mine is yours, Harper&Collins, 2011,

978-0-00-739591-0

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Page 65: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Annexes

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Page 66: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

Annexe 1 : Rapport de l’étude Trustman de Blablacar

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Source: betrustman.com

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Annexe 2 : Compte-rendu du sondage en ligne

! Afin d’approfondir mes connaissances dans le secteur de l’économie

collaborative, j’ai décidé de réaliser un sondage en ligne pour mon mémoire,

ayant pour but de recueillir des avis de professionnels à travers différentes

questions. Ce sondage a été très instructif même s’il est dommage que je n’ai pas

pu contacter davantage de professionnels à cause des délais restreints, en effet

tous les professionnels que j’ai contacté sont présents sur le marché français, mais

je n’ai eu la possibilité de joindre des professionnels étrangers, et notamment

américains. Les résultats du sondage vont dans le même sens que ceux de la

réflexion que j’ai menée à travers le mémoire et confirment l’importance de la

confiance pour la construction d’un business model à la fois durable et rentable.

Le sondage comprenait trois parties : la première sur la régulation de l’économie

collaborative, la deuxième sur la place de la confiance et la dernière sur les

stratégies de monétisation pertinentes pour le secteur.

Avant de s’intéresser aux questions posées et aux réponses apportées par

les professionnels participants au sondage, il me semble important de présenter

rapidement ces derniers, que je remercie par ailleurs d’avoir pris le temps de

répondre à mes questions. Les participants sont donc :

- Yann Gegenheimer, Community Manager et Trésorier de La Machine du Voisin

- Laure Wagner et Frédéric Mazzella, respectivement directrice de la

communication et CEO de Blablacar

- Alexandre Grandrémy, co-fondateur et directeur du Bonheur et de l’Efficacité de

Deways

Dans cette première partie, j’ai commencé par demander aux participants

s’ils pensaient que la régulation de l’économie collaborative par les pouvoirs

publics était suffisante ou insuffisante. Sans grande surprise, tous les participants

ont répondu que cette régulation était quasiment inexistante pour le moment

mais qu’elle n’était pas nécessairement insuffisante. Certains ont ainsi mis en avant

le fait qu’une régulation trop importante et contraignante pourrait freiner le

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Page 72: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

développement des plateformes collaboratives existantes et empêcher de

nouvelles d’émerger. D’un autre côté, tous les participants s’accordent pour dire

qu’une régulation « positive » (protection des utilisateurs et des plateformes,

création de confiance ...) pourrait être bénéfique au secteur, même si certains

acteurs restent sceptiques quant aux capacités des pouvoirs publics dans ce

domaine. Afin de mieux comprendre ce problème de la régulation, j’ai ensuite

demandé aux participants ce qu’ils feraient s’ils étaient à la place des pouvoirs

publics et qu’ils avaient pour mission de stimuler l’économie collaborative en

France. Yann Gegenheimer propose ainsi de se pencher en priorité sur la question

juridique qui reste très vague en ce qui concerne l’économie collaborative. Il

propose ainsi de réfléchir à une meilleure protection des acteurs de l’économie

collaborative et des échanges qui y sont effectués. Ces propositions ont donc

pour but de clarifier la situation juridique du secteur, notamment pour faciliter la

création de confiance. Alexandre Grandrémy va également dans ce sens en

proposant de réaliser des campagnes de sensibilisation pour faire connaitre les

avantages de l’économie collaborative, en créant un label géré par le

gouvernement et attribué aux entreprises du secteur sur un certain nombre de

critères quantifiables et facilement justifiables pour simplifier les démarches pour

les entreprises, ou encore en instaurant une nouvelle approche du gouvernement

face aux citoyens, qui soit plus collaborative, par exemple via la généralisation de

l’open data. Le co-fondateur de Deways propose également des changements

au niveau fiscal, notamment sur une exonération des petits revenus touchés par

les particuliers lors d’échanges collaboratifs. Cette idée est également reprise par

Frédéric Mazzella, qui propose que « les revenus des activités de partage dans le

domaine de cette nouvelle économie ne soient pas taxables dans la mesure où la

personne bénéficiaire des participations n’est pas en situation de bénéfice, et

préciser dans les autres cas une limite de [revenus] à ne pas dépasser ». Afin de

différencier les particuliers ne devant pas être taxés des professionnels, Frédéric

Mazzella propose également de créer des critères semblables aux critères

existants pour distinguer les vendeurs d’objets d’occasion particuliers et

professionnels. Pour conclure cette première partie du sondage, traitant de la

régulation de l’économie collaborative, nous pourrions retenir l’ouverture des

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Page 73: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

acteurs à plus de régulation des pouvoirs publics, à la condition que cette

régulation apporte également une plus-value en matière de confiance et de

protection des différents acteurs.

La deuxième partie du sondage était davantage axée sur la place de la

confiance dans les business model de l’économie collaborative. J’ai donc

commencé par demander aux participants de noter, sur une échelle de 1 à 10

quel était selon eux, le degré d’importance de la confiance pour que les

utilisateurs d’une plateforme collaborative passent à l’acte (d’achat ou de mise

en ligne d’une offre). La moyenne des réponses donne un score de 8,7/10, ce qui

démontre encore une fois à quel point la confiance est essentielle dans ce

secteur. J’ai alors demandé aux participants leur avis quant à la création de

plateformes agrégeant la confiance en centralisant les avis d’utilisateurs et les

notes reçues sur un nombre important de plateformes collaboratives, comme

Trustcloud. Si tous les participants pensent que ce type de plateforme peut avoir

un impact sur le processus de création de confiance, des désaccords ont été

exprimés quant à l’importance de cet impact. Ainsi le community manager de La

Machine du Voisin pense que « les acteurs [de l’économie collaborative] veulent

être rassurés » et que ces plateformes sont un élément de réponse crédible à

cette problématique. De son côté, Alexandre Grandrémy ce type de plateforme

aura un impact mais « pas important » sur la confiance entre membres d’une

plateforme de l’économie collaborative. Frédéric Mazzella ajoute également que

la confiance « dépend aussi du contexte dans lequel elle est pertinente. Par

exemple quelqu’un qui fait du babysitting ne sera pas forcément un bon

conducteur(trice) ». La création d’une plateforme basée sur les avis et notations

d’utilisateurs sur plusieurs plateformes collaboratives est donc perçue comme une

bonne idée mais les professionnels du secteur sont assez sceptiques sur la

capacité de ce type de services à réellement percer. Je me suis ensuite intéressé

à l’opinion des professionnels sur ce que l’État pourrait faire pour générer de la

confiance sur les plateformes collaboratives. Les trois participants sont dans

l’ensemble d’accord pour affirmer que l’État peut jouer un rôle de créateur de

confiance dans le secteur étant donné « qu’être chapeauté par une institution

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Page 74: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

apporte toujours plus de confiance » selon Yann Gegenheimer. Les représentants

de Blablacar de leur côté affirment que « cela pourrait augmenter et

démocratiser l’économie collaborative dans son ensemble, en atténuant certains

freins à la pratique qui, reconnue par l’État, se répandrait plus largement ». Enfin,

j’ai voulu clore cette deuxième partie du sondage en collectant l’opinion des

participants sur les pistes les plus crédibles pour générer davantage de confiance.

Du côté de Blablacar, trouver et mettre en place de nouveaux critères de

confiance (comme la photo, les certifications, les avis d’utilisateurs ...) est perçu

comme la piste la plus intéressante à poursuivre. Laure Wagner m’a également

fait part de l’importance de mettre en place des paiements en ligne sur les

plateformes collaboratives qui ont eu un impact très important sur la croissance de

Blablacar et sur la baisse du taux de désistement des covoitureurs. Le co-

fondateur de Deways, pour sa part, conseille d’axer la stratégie vers les affinités

sociales qu’il faut encourager. Cette deuxième partie du sondage permet donc

de vérifier l’hypothèse que la confiance a une place essentielle dans l’économie

collaborative et donne des pistes intéressantes et réalisables pour améliorer les

processus de création de confiance sur les plateformes collaboratives existantes et

futures.

Dans la troisième et dernière partie de ce sondage, je me suis intéressé aux

opinions des différents participants à propos de la stratégie de monétisation à

adopter pour une plateforme collaborative. J’ai donc commencé par demander

aux participants de sélectionner la stratégie de monétisation qui leur semblait la

plus pertinente parmi les principales stratégies de monétisation existantes. La

monétisation via une commission à l’acte payée par le demandeur ressort en

règle générale comme la stratégie la plus pertinente même si Alexandre

Grandrémy fait remarquer que d’autres stratégies peuvent être plus intéressantes

dans certains cas précis, notamment quand il n’est pas possible de mettre en

place un paiement en ligne pour la transaction. J’ai alors demandé aux

participants s’ils pensaient que cette stratégie, en plus d’être rentable, pouvait

être viable sur le long terme. Yann Gegenheimer a alors émis des réserves sur

cette problématique en pointant le fait que des utilisateurs pouvaient utiliser les

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Page 75: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

plateformes collaboratives pour se mettre en contact avec d’autres utilisateurs,

mais par la suite se passer de la plateforme et réaliser la transaction sans aucun

intermédiaire. Dans ce cas, la plateforme n’héberge plus la transaction et ne

touche plus de revenus, alors que c’est elle qui a généré la confiance nécessaire

à la réalisation de ces transactions. Laure Wagner est plus optimiste sur la

pertinence de cette stratégie sur le long terme et fait remarquer que les

commissions apportent une plus-value de confiance très importante pour les deux

parties de la transaction, tout en simplifiant largement la procédure : l’argent est

débité et crédité d’un compte bancaire à l’autre sans avoir besoin de faire des

échanges en liquide. De son côté, le co-fondateur de Deways rappelle que cette

stratégie ne peut être efficace qu’avec une masse critique permettant de couvrir

les couts fixes de la plateforme. À propos de cette problématique, j’ai demandé

aux participants s’ils trouvaient que les utilisateurs percevaient d’une bonne façon

la rémunération des plateformes collaboratives, ce qui est un critère très important

pour évaluer une stratégie de monétisation. Sur une échelle de 1 à 10 (1

correspondant à une très mauvaise perception et 10 à une excellente

perception), les participants estiment que leurs utilisateurs perçoivent bien cette

rémunération puisque la moyenne est de 7. Ce résultat est plutôt encourageant

d’autant plus que Laure Wagner m’a fait part de l’expérience de Blablacar à ce

sujet et de la forte progression de cette perception dans le temps. Elle m’a en

effet fait part du fait que les utilisateurs trouvaient en majorité cette rémunération

anormale il y a deux ans, mais ont depuis compris que les plateformes comme

Blablacar ont des couts importants. Les utilisateurs sont donc de moins en moins

réticents aux rémunérations des plateformes collaboratives et ceux qui s’y

opposent sont aujourd’hui minoritaires. Ma dernière question avait pour but de

recueillir l’opinion des participants quant aux éléments qui permettraient, à

l’avenir, d’améliorer les stratégies de monétisation existantes pour des plateformes

collaboratives. Du côté de Deways, Alexandre Grandrémy assure que l’ensemble

des efforts est à porter vers le développement des communautés et de la valeur

ajoutée des services offerts. Les autres participants vont également dans ce sens,

en ajoutant que les processus de création de confiance, bien qu’ils soient

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Page 76: La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

aujourd’hui efficaces, restent méconnus et que des études approfondies, comme

l’étude Trustman, doivent être réalisées pour rendre ces stratégies plus efficaces.

Cette étude de l’économie collaborative réalisée auprès de professionnels

du secteur apporte donc des réponses précises sur les aspects de la régulation, de

la confiance et de la monétisation, permettant de réaliser un business model à la

fois rentable et durable. Sur le plan de la régulation, les professionnels

recommandent aux pouvoirs publics de s’impliquer davantage dans la promotion

de l’économie collaborative tout en mettant en place un cadre légal permettant

de protéger les différents acteurs et de générer plus de confiance. En matière de

confiance, ce sondage confirme totalement sa place incontournable dans le

business model des plateformes collaboratives et encourage ces dernières à

améliorer leurs processus de génération de confiance. Enfin, concernant la

monétisation des plateformes collaboratives, la meilleure stratégie semble

clairement être la commission à l’acte qui est presque plébiscitée par les

professionnels interrogés. Pour faire suite à cette étude, il pourrait être intéressant

d’agrandir la base de professionnels interrogés, en demandant la participation de

professionnels étrangers ou bien d’interroger des utilisateurs de plateforme pour en

savoir plus sur les processus de création de confiance sur les plateformes

collaboratives.

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