la résilience du marketing

28
LA RÉSILIENCE DU MARKETING Bernard Pras Lavoisier | Revue française de gestion 2012/9-10 - N° 228-229 pages 59 à 85 ISSN 0338-4551 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2012-9-page-59.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pras Bernard, « La résilience du marketing », Revue française de gestion, 2012/9-10 N° 228-229, p. 59-85. DOI : 10.3166/RFG.228-229.59-85 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - CERIST - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. © Lavoisier

Upload: fethi-ferhane

Post on 21-Nov-2014

946 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

 

TRANSCRIPT

Page 1: La résilience du marketing

LA RÉSILIENCE DU MARKETING Bernard Pras Lavoisier | Revue française de gestion 2012/9-10 - N° 228-229pages 59 à 85

ISSN 0338-4551

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2012-9-page-59.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pras Bernard, « La résilience du marketing »,

Revue française de gestion, 2012/9-10 N° 228-229, p. 59-85. DOI : 10.3166/RFG.228-229.59-85

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier.

© Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 2: La résilience du marketing

Quelle est la résilience du marketing ? En d’autres termes,

quelle est la pérennité du concept marketing et de ses

fondamentaux, de son objet, et son adaptation au fil du temps ?

Quelle est la capacité de questionnement, transformation et

remise en cause des chercheurs de la discipline, quelles sont

leurs quêtes identitaires ? Comment la discipline a-t-elle

traversé les chocs extrêmes qui marquent notre époque ? Dans

quelle mesure le marketing intègre-t-il les questions de société,

et comment ? Les théories en marketing sont-elles ancrées

idéologiquement et peut-on parler de bonnes ou mauvaises

théories ? Peut-on enfin parler de métamorphose du marketing

et quelle est la place de l’intentionnel, de la volition, et de la

résilience de la communauté ? En revisitant les « paradoxes du

marketing », telles sont les questions auxquelles cet article

tente de répondre.

BERNARD PRASESSEC Business School

La résiliencedu marketing

DOI:10.3166/RFG.228-229.59-85 © 2012 Lavoisier

T H É O R I E S E T P R AT I Q U E S

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 3: La résilience du marketing

60 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

Une discipline qui n’assurerait pasl’actualisation de ses théories,peut-elle contribuer à l’actualisa-

tion des solutions proposées dans un mondeen mutation, soumis à ce que certains qua-lifient de « polycrises ». Quelle est la rési-lience du marketing dans un monde en pro-fonde mutation ? Cette interrogations’inscrit dans l’esprit des préoccupations deGhoshal qui soulève une question de fond,celle de l’impact parfois très significatif etnégatif de certaines recherches en manage-ment sur les pratiques des entreprises. Ghoshal met particulièrement en cause uncertain nombre d’idées et d’hypothèsesdominantes dans la recherche en manage-ment, propageant des théories dites « amo-rales », mais aux effets néfastes comme lathéorie des coûts de transaction et la théoriede l’agence (Ghoshal, 2005), avec larecherche de la maximisation de la valeurpar l’actionnaire. Cela conduit à libérer lesétudiants en management de tout sens deresponsabilité morale, se retranchant der-rière un modèle « scientifique » (parexemple, Friga et al., 2003), avec des ana-lyses partielles, excluant l’intention(humaine) et le choix (Ghoshal, 2005). Ceseffets négatifs sont dus à une vision étroitedu positivisme, à la domination croissanted’une idéologie particulière, et au dévelop-pement de théories réductionnistes et par-tielles depuis des dizaines d’années. C’estce même phénomène réductionniste quedénonce Derman (2011), ancien physiciendes particules et responsable de financequantitative chez Goldman Sachs, et auteurdu modèle Black-Derman-Toy sur les tauxd’intérêt à court terme. La proclamation devérités basées sur des hypothèses extrêmeset des analyses partielles de phénomènes

complexes peuvent être extrêmement dan-gereuses. Le choix des théories, et le poidsdominant de certaines d’entre elles, reposelargement sur les préférences personnellesdu chercheur. Mais la responsabilité deschercheurs serait amoindrie (Gapper, 2005)du fait de la structure même des businessschools et de leur mode de financement.Cela les rend dépendants de groupes etorganisations qui conduisent à privilégiercertaines théories ; et le modèle dominantest présent en particulier au niveau despublications, avec de fortes barrières auchangement (Pfeffer et Fong, 2002). Ce crid’alarme de Ghoshal a été poussé dès lesannées 1990 alors que le monde ne subissaitpas encore les effets de la crise des « sub-primes », et ne faisait pas encore face auxdifficultés économiques récentes. Il est loind’être le seul et s’inscrit dans une critiqueplus générale de la déréglementation et dedérives du capitalisme (Stiglitz, 2003). Au-delà de ces constats alarmistes, de laconfrontation de modèles et visions de lasociété, de l’examen des responsabilités desuns ou des autres, il convient d’analyser lesévolutions passées et futures et les possibi-lités d’action de nôtre discipline, le marke-ting, en prenant en compte l’environnementcontraint au sein duquel elle s’insère. Maissurtout, il faut dessiner les contours de sespossibilités d’action, pour le bien-être detous. Le concept de résilience se prête par-ticulièrement bien à ce type de démarche,afin de structurer nôtre réflexion. La résilience, à l’origine, est un terme utiliséen physique et porte sur la capacité d’unmétal à résister et réagir aux chocs, et à reve-nir à son état d’origine. Dans le domaine dessciences humaines, la résilience porte alorssur la capacité d’un individu ou d’un sys-

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 4: La résilience du marketing

tème à transcender les difficultés rencontréesou à se transformer (p.ex. en psycholgie,voir : Werner et Smith, 2001 ; Manciaux,2001 ; Werner, 2004) et a investi lesréflexions environnementales. La définitionsuivante de la résilience a été proposée parWalker et Salt (2006, p. 32) : « La résilienceest la capacité d’un système à absorber unchangement perturbant et à se réorganiser,tout en conservant essentiellement la mêmefonction, la même structure, la même iden-tité et les mêmes capacités de réaction. »Elle concerne les individus comme lesgroupes sociaux organisés. Dans le domainesocial, elle s’applique aux communautéssoumises à des stress et chocs extérieurs (enparticulier si ces communautés sont forte-ment dépendantes de leur environnement),qu’il de s’agisse bouleversements sociaux,économiques, environnementaux ou poli-tiques (Adger, 2000). Ce concept pose aussile problème de la vulnérabilité et de la gou-vernance face à des situations complexes(par exemple, Gallopin, 2006). Il a été popu-larisé récemment par les tenants du Mana-gement de la Transition dans le cadre deréflexions globales sur le devenir de lasociété (Hopkins, 2011). Il met l’accent surla métamorphose nécessaire en cas de chocsextrêmes, la prise en compte des désillu-sions comme des progrès dans des phases dereconstruction de la société, dans la lignéedes travaux d’Edgar Morin (Dartiguepeyrou(dir.), préface d’Edgar Morin, 2012).Les interrogations de Goshal et le conceptde résilience nous appellent à une réflexionsur la pérennité, l’objet et la portée duconcept marketing et de nos recherches.Cette discipline de la gestion a ceci de par-ticulier qu’elle a fait l’objet depuis l’originede nombreuses critiques, et que le champ atoujours été traversé par de multiples cou-

rants. Le questionnement actuel n’a de sensque par rapport à cette vision historique etréflexive.Quelle est donc la résilience du marketing ?En d’autres termes, quelle est la pérennitédu concept marketing et de ses fondamen-taux, de son objet, et son adaptation au fildu temps ? Quelle est la capacité de ques-tionnement, transformation et remise encause des chercheurs de la discipline,quelles sont leurs quêtes identitaires ?Comment la discipline a-t-elle traversé leschocs économiques, technologiques et devaleurs extrêmes qui marquent notreépoque ? L’objet du marketing est-il partielou englobant, et dans quelle mesureintègre-t-il les questions de société, et com-ment ? Les théories en marketing sont-ellesancrées idéologiquement et peut-on parlerde bonnes ou mauvaises théories ? Peut-onenfin parler de métamorphose du marketinget quelle est la place de l’intentionnel, de lavolition, et de la résilience de la commu-nauté (Hopkins, 2011) face aux contraintesexistantes et aux enjeux à venir ? Telles sontles questions qu’il convient d’aborder. Telssont les points que nous allons examiner.

I – RÉSILIENCE, PÉRENNITÉ DU CONCEPT MARKETING ET DE L’OBJET DU MARKETING

Le marketing est soumis, de longue date, àun certain nombre de paradoxes qui tien-nent à son essence même (Pras, 1999).Nous les revisitons dans cet article sous leprisme de la résilience et abordons la ques-tion de la pérennité du concept et de l’objet.La résilience porte ici sur la capacité duconcept marketing et de l’objet à se trans-former et à revenir à leur forme initiale,après des mutations.

La résilience du marketing 61

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 5: La résilience du marketing

62 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

1. Résilience et pérennité du conceptmarketing

Le concept marketing1 est particulièrementrésilient. Alors qu’il a évolué et s’est déforméau fil du temps, en fonction des époques et del’environnement, il est revenu à sa forme ini-tiale dans les années 1990, certes transformémais en phase avec ses fondamentaux.Initialement, pour les chercheurs, le marke-ting était considéré comme un processussocial et économique. Webster (1992) placele début du concept marketing en 1910, dansles universités du Middle West, où l’on acherché à comprendre les marchés de l’agri-culture et le rôle de tous les acteurs (institu-tions, distributeurs, utilisateurs, consomma-teurs) dans la formation des prix. Pour lui, leconcept s’est structuré autour d’une vision àlong terme des processus sociaux et écono-miques reliés au marché. On est proche de ceque l’on a appelé plus tard le « système mar-keting » avec le rôle et l’interaction de tousles stakeholders dans le cadre de la mise surle marché des produits et services. La ques-tion de la légitimité des institutions marketingcomme les intermédiaires était posée (parexemple, Shaw, 1915), de même que celle dela justice distributive, en particulier à l’Uni-versité du Wisconsin (voir Jones, 1994).White (1921, p. 98) proposera la définitionsuivante du concept marketing : « Le prin-cipe guide et englobant du marketing scienti-fique est de nature éthique. La pratique mar-keting qui est la plus éthique (c’est-à-dire lameilleure pour tous ceux concernés) est cellequi rapporte le succès, dans le sens le plus

large et le plus durable pour tous les acteursconcernés » ; et le « premier objectif du mar-keting scientifique devrait être de promou-voir une meilleure relation entre l’entrepriseet le consommateur » (White, 1927, p. 99). Ce concept sera érigé en philosophie lorsqu’ils’agira de sortir de la crise de 1929 et que lemarketing va se structurer aux États-Unis. Leconcept marketing est alors clairement pro-posé par The American Marketing Journal,qui deviendra peu après le Journal of Marke-ting (préface du premier numéro des rédac-teurs en chef en 1934, cité par Cochoy, 1999,p. 206), comme une stratégie pour sortir de lacrise et une philosophie de société, pour arri-ver au bien-être général, dans un contexted’économie libérale2. Les articles publiésdans les revues précitées font apparaître desquestions de management certes, mais aussidiscutent de préoccupations plus macro-éco-nomiques et de problèmes de régulation. Le concept marketing (Drucker, 1954)représente donc un ensemble de croyanceset de valeurs partagées destinées à guiderl’organisation, et cela n’est pas concrétiséau sein d’une fonction séparée de l’entre-prise. Ce n’est que plus tard, à la fin desannées 1950 et au cours des années 1960,comme le rappelle Webster (1992), que lanotion de « marketing management » sedéveloppe (par exemple, Alderson, 1957 ;McCarthy, 1960 ; Kotler, 1967), avec lamise en place de la fonction marketing etl’instauration de pratiques efficaces. Avecl’apparition du « marketing management »,un glissement important du marketing par

1. Il s’agit ici du développement du concept et non du développement du marketing, lui-même plus ancien. Pourune histoire du marketing, voir Cochoy (1999) ou Volle (2011).2. Le concept marketing est historiquement ancré. Il a servi de sous-bassement philosophique au développement dela consommation de masse et a incarné la « société de consommation », avec ses dérives qu’il s’agisse de publicité(Packard, 1957 ; Baudrillard, 1970), de déséquilibre des pouvoirs (Galbraith, 1952), ou parfois de l’abandon desintérêts des consommateurs à l’autel du profit (Nader, 1965).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 6: La résilience du marketing

rapport à la vision d’origine s’opére, l’ac-cent étant alors mis sur la satisfaction desbesoins du consommateur, avec un centragesur les méthodes de segmentation, les ana-lyses de positionnement, et les relations ausein du canal de distribution. Ce n’est que dans les années 1990, dans uncontexte de crise économique et de fortemondialisation, que le concept revient à sesfondamentaux, transformé, avec l’introduc-tion de l’« orientation marché ». Il s’agitd’orienter l’ensemble des composantes del’organisation (et pas seulement la fonctionmarketing, qui peut même disparaître) versle marché, afin de créer de la valeur pourl’entreprise et pour le client. L’avantageconcurrentiel peut être recherché par l’en-treprise en tout point de la chaîne de valeur,dans une vision stratégique et transversaletournée vers le client. Le marché est à uneplace centrale de l’organisation et traduit ànouveau un état d’esprit. Les divers stake-holders sont pris en compte dans la mise enplace de cette stratégie. Le concept initial est revenu à ses fondamen-taux, avec l’intérêt partagé de l’entreprise etdu client. Le concept a la même base, lamême structure, la même identité et lesmêmes capacités de réaction, mais la réfé-rence à l’éthique est moins explicite. Leconcept s’est formalisé et s’est théorisé, don-nant lieu à de nombreux travaux sur l’« orien-tation marché » (Narver et Slater, 1990 ;Kohli et Jaworski, 1990 ; Webster, 1994).

2. L’objet ou les objets du marketing :dichotomie ou intégration ?

Alors que le concept marketing prône larecherche du bien-être conjugué de l’entre-prise et du consommateur, ainsi que celuides divers acteurs concernés, la réalité estdifférente avec des objets dissociés.

L’objet du marketing et ses finalités ont tou-jours suivi deux voies parallèles en matièrede recherche, celle de l’efficacité d’une part,et celle de l’éthique d’autre part, avec unecertaine dissociation entre plusieurs aspira-tions ou finalités. C’est le paradoxe de l’ob-jet du marketing (Pras, 1999) et de façonplus large celui des sciences de gestion. Cesdimensions outils de gestion et sociétale seretrouvent systématiquement dans les défini-tions du marketing (Royer et Gollety, 1999). La question de fond, dans la perspective despréoccupations de Ghoshal, est de détermi-ner dans quelle mesure ces deux voies arri-vent à s’intégrer et à proposer des réponsescohérentes et satisfaisantes pour les diversesparties prenantes. Il convient d’examiner lesévolutions en ce sens, au plan individuel etcollectif, après avoir rappelé que le marke-ting est une des rares disciplines au sein dessciences de gestion qui se soit très tôt préoc-cupé à la fois des questions d’efficacité etd’éthique, ce qui renforce sa capacitéd’adaptation face aux crises.

Objectif utilitaire

Le marketing vise un objectif d’efficacité,utilitaire, où la connaissance doit permettred’améliorer les outils de gestion et de gui-der l’action. Il s’agit d’identifier, de stimu-ler, de satisfaire la demande de biens et ser-vices, avec les conditions maximalesd’efficacité, et en réalisant les objectifs del’entreprise parmi lesquels des objectifs derentabilité. La majorité des critiques dumarketing ont porté sur les objectifs de ren-tabilité et de stimulation de la demande, quipeuvent s’avérer excessifs, au détriment del’intérêt du consommateur. Ces critiquess’inscrivent par ailleurs dans un contexteplus large de critique de la consommation etdes dérives du capitalisme.

La résilience du marketing 63

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 7: La résilience du marketing

64 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

De fait, l’objet du marketing et de ses pra-tiques dépassent le contexte de l’organisationmarchande et du simple objectif de rentabilité.Cela a été souligné par de nombreux auteursqui se sont eux-mêmes qualifiés de recons-tructeurs dans les années 1960 (cf. Lazer etKelley, 1960 ; Lazer, 1969; Kotler et Levy,1969 ; Kotler, 1970 ). Ces auteurs s’inscriventdans la logique initiale du concept de marke-ting, c’est-à-dire du succès des organisations,dans leur diversité, pour servir leur marchéavec les divers acteurs du système. Cettevariété d’organisations recouvre les logiquesde contrôle public ou privé, d’intérêt généralou particulier, de relations marchandes ou nonmarchandes (Bon et al., 1977). Les critiquesdu marketing ont principalement porté surles entreprises, avec contrôle privé, intérêtparticulier et relations marchandes. L’élar-gissement du concept marketing à tout typed’organisation a largement contribué à sadiffusion et à sa pénétration dans de nom-breux secteurs, avec le marketing social, lemarketing culturel, etc. Le terme « marke-ting » étant souvent associé dans le langagecourant à consommateurs, entreprises pri-vées et profit, on préfère alors parler dansces secteurs d’usagers, d’adhérents, de valo-risation. Cet élargissement du champ, autourde l’objectif utilitaire, a donné lieu à autantde courants de recherche, avec des supportsde publication souvent centrés autour de cessecteurs, avec une vision transdisciplinairepour répondre au mieux aux problématiquesspécifiques du domaine (ManagementPublic, International Journal of Arts Mana-gement, etc.).

Objectif éthique

L’objet éthique du marketing prend de mul-tiples formes. Il s’agit d’une part, d’examinerce qui constitue les meilleures solutions pourl’ensemble des parties prenantes (consom-mateur, producteur, environnement, pouvoirspublics, autres acteurs), et d’autre part, deréfléchir à la façon de prendre des décisionséthiques et d’éviter les abus du marketing.Ces deux aspects ont fait l’objet de préoccu-pations constantes en marketing depuis l’ori-gine, celles-ci se renforçant dans les années1960 et suivantes, en réaction aux abus poten-tiels du marketing management. Et Kotler(1972) fait explicitement référence à ces pré-occupations sociétales. Ce souci de rapportsde forces équilibrés, de l’analyse de tous lesacteurs du système, de prise en compte depréoccupations sociales et environnemen-tales, ainsi que de prise de décisions considé-rées comme éthiques s’est concrétisé avec lelancement régulier depuis les années 1960jusqu’aux années 1980 de revues traitant dece type de questions. On peut mentionnerainsi la création de Journal of ConsumerAffairs (1967), Journal of Consumer Policy(1977), Media, Culture and Society (1979)Journal of Macromarketing (1981), Journalof Public Policy and Marketing (lancé parl’American Marketing Association en 1982).Le Journal of Marketing traite aussi réguliè-rement de questions relatives à l’éthique. EnFrance, ces préoccupations éthiques ne sontpas non plus absentes des réflexions des cher-cheurs dans les années 19703. Depuis White en 1921, l’importance del’éthique a constamment été réaffirmée (par

3. Dès son origine en 1974, la Revue française de gestion s’est penchée sur les relations entre parties prenantes dansle cadre du marketing (réforme de l’entreprise et rapport Sudreau, réglementation, régulation et marketing, etc.).Des revues européennes spécialisées sont aussi apparues (Journal of Business Ethics, 1980). La crise économiqueet financière, avec les subprimes, a accéléré les analyses sur l’éthique du marketing et son rôle social (création duJournal of Social Marketing en 2011).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 8: La résilience du marketing

exemple, Bartels, 1960, 1967 ; Lusch et al.,1980 ; Hunt, 1990 ; Hunt et Vitell, 1986,2006). Ces travaux portent sur l’intégrationde l’éthique soit dans la prise de décision,soit dans le système de marketing global, etsont dans l’esprit de la définition de White.Il faut néanmoins souligner que la grandemajorité des travaux dans les revues anglo-saxonnes et européennes les plus presti-gieuses sont des recherches : 1) soit trèsfinalisées pour les entreprises et qui ne portent pas particulièrement sur des ques-tions éthiques, tels des modèles de prédic-tions de part de marchés, d’efficacité de lapromotion, de valeur de la marque, d’effi-cacité de la force de vente (etc.), 2) soitavec un objectif utilitaire immédiat moinsaffiché, et dont l’objet est la compréhensionet l’explication de phénomènes de façongénérale (diffusion des innovations, ordred’entrée et barrières à l’entrée, territoires etextensions de marques, comportement duconsommateur, etc.).L’importance de l’éthique, même si elle atoujours été affirmée, s’est surtout concréti-sée par l’apparition de nouvelles revues à lasuite de crises, celle de société de 1968 etcelles économiques et environnementalessuccessives à partir des années 1970 (chocpétrolier, croissance ralentie dans les paysindustrialisés, prise de conscience environ-nementale). Ces créations de revues mon-trent la capacité d’adaptation du marketingaux chocs extérieurs, et témoignent d’unecertaine résilience. Mais les chocs sont lar-

gement venus de l’intérieur de la commu-nauté marketing avec des crises identitaires.

II – CRITIQUES INTERNES ET QUÊTES IDENTITAIRES

Paradoxalement, les transformations les plusimportantes dans le cadre des recherches enmarketing sont venues de crises et quêtesidentitaires des chercheurs en marketingeux-mêmes soit en écho à des évolutions del’environnement, soit par défense de lavision de la communauté à laquelle ils seréfèrent. Un rappel historique, qui s’appuieentre autres sur les raisons qui ont poussé àla création de telle ou telle revue, aide à com-prendre ce phénomène4.

1. Fondamentaux : économie,psychologie et premières visions« critiques »

L’origine académique du marketing arésulté de la confluence de visions d’écono-mistes et de behavioristes, les tenants de cescourants étant à l’origine, avec des prati-ciens, de la fondation de l’American Marke-ting Association5. Il y a donc originellementet institutionnellement un équilibre entrel’économie et la psychologie dans les ori-gines académiques du marketing. Lesrevues qui ont rythmé cette évolution ont étéle Journal of Retailing (1924), le Journal ofMarketing (1936). Le volet psychologique aété marqué par le développement de l’étudedu comportement du consommateur et desétudes de motivation (motivation research),

La résilience du marketing 65

4. Nous revisitons des éléments évoqués dans les paradoxes du marketing (Pras, 1999) à la lumière des évolutionsrécentes.5. Il s’agit au départ d’économistes spécialistes de la distribution au sein de l’American Economic Associationcomme Weld (1916) et de behavioristes comme Scott, qui a crée en 1915 la NATA (National Association of Teachersof Advertising). La fondation de l’American Marketing Association en 1937 résulte de la fusion en 1926 de ces deuxassociations (NATMA : National Association of Teachers of Marketing and Advertising, 1926) et, en 1936, de sonjumelage avec une association de praticiens, l’American Marketing Society, apparue en 1931.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 9: La résilience du marketing

66 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

avec Lazarsfeld (1935), Dichter (1947) etKatona (1954). La création du Journal ofMarketing Research en 1964, revue tournéevers des articles à la méthodologie quantita-tive et principalement orientés vers uneapproche finalisée du marketing (c’est-à-dire avec un objectif utilitaire), a largementcontribué à assurer la prédominance du cou-rant quantitatif et utilitaire de la recherchedans les années 1960. C’est à partir de celaque les autres courants se sont positionnés.Mais il est important de mentionner que dèsl’origine du marketing, des chercheurscomme Lazarsfeld (1941, p. 9) se sont inter-rogés sur les recherches menées en marke-ting, avec une vision « critique ». AinsiLazarsfeld (1941, p. 9) a proposé de distin-guer les recherches « administratives » desrecherches « critiques ». La recherche« administrative » est conduite dans l’intérêtdes entreprises et est habituellement denature positiviste. La recherche « critique »développe une « théorie des tendancessociales dominantes à nôtre époque (…), etimplique l’idée de confronter tous les effetsconstatés ou désirés (des actions menées)aux valeurs humaines fondamentales » ; larecherche critique perçoit la société commenoyée sous une multitude de promotions.Avec l’essor du capitalisme et de la consom-mation de masse les individus deviennentdes pions sur un échiquier, perdant sponta-néité et dignité. Les consommateurs eux-mêmes ont du mal à désavouer ce systèmecar ils en retirent du plaisir (Lazarsfeld,1941 ; Fromm, 1942), avec la consommationhédonique. Soixante ans plus tard, Bauman(2001, p. 25) reprendra cette classification et

ira jusqu’à considérer qu’il s’agit d’uneaddiction des consommateurs. Entre temps,la recherche en marketing a traversé plu-sieurs crises ou quêtes identitaires.

2. Des quêtes identitaires successives en recherche : ouvertures, remises en cause et recentrage

L’étude du comportement du consomma-teur constitue une des bases importantes dumarketing. Les départements marketingdans les Business Schools ont procédé àdes recrutements importants de Ph.D enpsychologie pour renforcer les travauxdans ce domaine, avec l’émergence deconcepts et théories spécifiques. Ces cher-cheurs se sont identifiés avec plus de diffi-cultés à la finalité utilitaire du marketing età la logique d’études et de recherchesdominante de l’American Marketing Asso-ciation. Ils ont fondé l’Association forConsumer Research (1969), puis crée leJournal of Consumer Research (JCR –1974). L’examen des premiers travaux derecherche publiés dans JCR montre qu’ilsportent sur les liens entre économie et psy-chologie, etc., sur les modèles multi-attri-buts en comportement du consommateur. Iln’y a pas de réelle rupture avec les théma-tiques traitées auparavant dans Journal ofMarketing Research si ce n’est un accentparticulier mis sur la psychologie.La véritable (r)évolution survient au débutdes années 1980 avec l’article d’Holbrooket Hirschman (1982) qui ouvre la voie aumarketing expérientiel, à celui des émo-tions, qui remet en cause la rationalité duconsommateur6.

6. Cette approche a marqué l’évolution du marketing « qualitatif » internationalement (Bourgeon et Filser, 1995),d’ailleurs traditionnellement enraciné en Europe (Kassarjan, 1994).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 10: La résilience du marketing

La résilience du marketing 67

C’est à partir du milieu des années 1980que les chercheurs en comportement duconsommateur se sont intéressés auconsommateur, à la consommation, et à saplace dans la société en déconnectant enpartie leurs travaux de la finalité utilitaire etmanagériale (Belk et al., 1989), en adoptantsouvent une posture interprétative, et uneapproche interdisciplinaire (psychologie,sociologie, ethnographie, anthropologie,histoire). Ce courant a-t-il influencé lesbonnes ou mauvaise théories et pratiques ausens de Ghoshal ? Avec le courant CCT(Consumer Culture Theory), l’objet derecherche a changé. Il porte sur les dimen-sions expérientielles, symboliques, socialeset culturelles de la consommation, encontexte (Arnould et Thompson, 2005). Lestravaux sont entre autres tournés vers lesrelations entre le marché et la constructionde l’identité des consommateurs, laconstruction de cultures et de communautéssur les marchés et dans la société. Ils intè-grent des réflexions sur la postmodernité(Firat et Venkatesh, 1995). La majorité deces travaux n’est pas orientée vers l’actionou une volonté de changement de la société.Mais un certain nombre d’entre eux se pla-cent dans une perspective critique, étudiantles structures sociales et institutionnellesqui influencent la consommation, l’idéolo-gie de consommation, les postures critiqueset de résistance à la consommation. Ce sontentre autres les recherches sur la résistanceau marketing et de façon plus large le cou-rant des Critical Marketing Studies (voirpar exemple Murray et Ozanne, 1991 ;

Tadajewski et Maclaran, 2009) qui remet encause le bien-fondé des pratiques marke-ting, de la logique libérale qui les sous-tend,et de la discipline elle-même ; cesréflexions sont, entre autres, dans la lignéede la théorie critique d’Habermas (1984).Un certain nombre de chercheurs qui s’ins-crivent dans ce courant sont passés de tra-vaux sur la postmodernité aux CriticalMarketing Studies. L’évolution de ces courants et réflexions etleur importance grandissante ont étécaractérisées par des articles marquantsdans Journal of Marketing, Journal ofConsumer Research, suivies par la consti-tution de groupes de réflexions formalisés(Consumer Culture Theory, Critical Mar-keting Studies)7, avec des chercheurs euro-péens et nord-américains, ainsi que par lacréation de revues incarnant ces types dequestionnements dans les années 1900 et2000 (Consumption, Markets and Culture(1997), Journal of Consumer Culture(2001), ou encore Marketing Theory(2001)). En France, ces courants ont aussi trouvéleur légitimité et spécificité, et se sontconsolidés qu’il s’agisse des travaux enCCT (Ozçaglar-Toulouse et Cova, 2010),sur la résistance au marketing (Roux, 2007 ;Peñaloza et Price, 1993) ou sur l’ethnicité(Béji-Bécheur, Ozçaglar-Toulouse, 2012),pour donner lieu, après des publicationsdans Recherche et applications en marke-ting et Décisions marketing, à la créationd’une revue spécifique, Perspectives cultu-relles de la consommation, fondée en 2011.

7. Les associations existantes comme l’ACR essaient aussi de formaliser ces réflexions, avec la constitution en sonsein du mouvement Transformative Consumer Research, qui se penche sur le bien-être et la qualité de vie desconsommateurs et la capacité à transformer les pratiques sociales et la structure sociale, au niveau individuel et col-lectif (Ozanne et Dobscha, 2006).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 11: La résilience du marketing

68 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

Ces évolutions ont parallèlement conduit àdes recentrages. Marketing science estcréée en 1981 en contrepoint au Journal ofMarketing Research, considéré par les cher-cheurs du MIT (spécialistes d’optimisationet recherche opérationnelle, associationTIMS/ORSA)) comme trop orienté statis-tiques, (cf. Morrison, 2001). De la mêmefaçon, le Journal of Consumer Psychologyest créé en 1992 en partie en réponse auglissement méthodologique du Journal ofConsumer Research, avec son ouverture àdes approches post-modernes et à l’émer-gence du courant CCT. La mission de Jour-nal of Consumer Psychology est plus posi-tiviste, avec une tradition ancrée dans larecherche en psychologie expérimentale(Alon et al., 2002), même si ce courant esttoujours largement représenté dans le JCR.

3. Critiques internes, quêtes identitaireset résilience

Les critiques du marketing dès l’origine, parles chercheurs eux-mêmes (Lazarsfeld,1941), les quêtes identitaires et les question-nements sur la finalité du marketing et sonrôle dans la société, la variété des courants,des théories et des méthodologies mobili-sées témoignent-elles de la forte capacité deréaction du marketing, ou s’agit-il d’unéparpillement ou éclatement de la discipline(Dubois, 1999) ? La question est bien cellede l’intégration de l’ensemble. Directement en prise avec la société et sesattentes, ses tendances et mouvementscontradictoires, le marketing en tant que

discipline de recherche est le reflet de l’ob-jet d’efficacité et éthique originel, maisaussi des débats de société et enjeux quiportent sur la postmodernité. Dans cecontexte, la postmodernité est le meilleuravocat du marketing en ce sens qu’ellerepose sur l’interprétation des tendances,qu’elle éclaire les contradictions apparentesdu marketing. On observe la saturation desvaleurs qui ont constitué la modernité (Maf-fesoli, 1999), avec le rationalisme moderne,la raison qui s’oriente vers un but, et quicorrespond aux traits de la rationalité dePopper. Les polycrises peuvent être com-prises comme un processus de saturationdes valeurs de la modernité et de recompo-sition, avec apparition de nouvelles valeurs.Nous sommes dans une phase charnière oùles valeurs modernes « tombent » et où lesvaleurs du présent sont en gestation. Lespassages de la modernité à la postmodernité(et vice versa) correspondent à des cyclesnon déterministes ; ils peuvent fonctionnerplutôt comme une spirale et coexister. Larésilience du marketing par rapport aux cri-tiques émises et aux courants identitairesest résolument post-moderne, avec lacoexistence d’un rationalisme et d’unobjectif d’utilité clairement défini, et de cri-tiques de la société, avec une posture réso-lument « émique ». Mais le changement denature important est que les réflexions« critiques » sont elles aussi pour partietournées vers l’action8. Il convient maintenant d’examiner de plusprès l’impact des crises récentes traversées

8. Cela est en phase avec l’analyse des processus de changements de Kanter (1983, 2005), qui, en réponse à Ghoshal, considère que des tendances multiples coexistent au sein des organisations, que la plupart des change-ments ne sont pas intrinsèquement nouveaux, mais que ce sont les préoccupations et priorités qui varient. Ce quiétait central à une époque devient périphérique à une autre, et cela s’applique à la recherche. Mais il ne peut pas yavoir qu’une seule logique d’acteur car le marketing a plusieurs finalités.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 12: La résilience du marketing

La résilience du marketing 69

sur la mutation de la recherche en marke-ting ainsi que ce que peuvent être lesbonnes et mauvaises théories en marketing.

III – CHOCS ÉCONOMIQUES,TECHNOLOGIQUES ET DES VALEURS

Alors que depuis son origine, le marketingconfronté à de multiples critiques, y com-pris internes, a montré ses capacités d’adap-tation, les changements auxquels la sociétéest confrontée dans le troisième millénairesont d’une amplitude particulièrement fortecar il s’agit non seulement de chocs écono-miques mais de remise en cause de valeurs.La résilience correspond à la capacité às’adapter, se transformer, voire se métamor-phoser face à des chocs violents, écono-miques, technologiques et sur les valeurs,tout en restant fidèle vis-à-vis du conceptd’origine.

1. Crises et mutations économiques,recherche d’efficacité et de nouveauxmodèles

La crise économique, avec la crise finan-cière, a frappé de plein fouet les pays ancien-nement industrialisés, en particulier lesÉtats-Unis et l’Europe, et les effets écono-miques négatifs se prolongent. La baisse dupouvoir d’achat, l’emploi sont au coeur despréoccupations des populations de ces pays,en particulier des classes moyennes et despopulations vulnérables, comme le montrentdes sondages successifs dans ces pays.

Cela a des conséquences directes sur : 1) laplace du marketing au sein des enterprises ;2) la capacité à consommer, la volonté de lefaire, et les modes de consummation ; 3) laconfiance des consommateurs dans lesbanques et les divers acteurs du systèmeéconomique, et la place de l’éthique ; 4) lespriorités en recherche par rapport à cesquestions.Historiquement, en période de crise écono-mique, les budgets globaux de marketing,de publicité et d’études sont les premiers àêtre réduits, même si une partie est reportéesur le numérique. Par rapport à l’évolutionde l’objet utilitaire du marketing, cela à uneconséquence immédiate sur les pratiquesmarketing et sur la recherche. Il s’agit deréduire les dépenses non directement effi-caces et d’optimiser les budgets, et si pos-sible d’avoir des résultats visibles etrapides. Dans ce contexte, l’efficacité desstratégies marketing devient primordialedans les thèmes de recherche. Ce sont lestravaux en ingénierie marketing et modéli-sation qui reviennent au premier plan glo-balement. La recherche d’efficacité est plusque jamais d’actualité pour les chercheurs9. Par ailleurs, la baisse du pouvoir d’achat, lavulnérabilité accrue de nombreux consom-mateurs, qui s’accompagne d’une crise deconfiance vis-à-vis du système, amplifientdes phénomènes que l’on pouvait observerdepuis plus de dix ans10 : 1) amplificationde comportements qui privilégient, d’unepart, des achats rationnels au meilleur prix,

9. On note ainsi qu’un des ouvrages de recherche primé à l’occasion des États généraux du management organiséspar la Fnege en 2012, avec le concours de l’ensemble des associations scientifiques en sciences de gestion, porte surle « Management de la fidélisation » de Meyer-Warden (2012) et s’inscrit dans cette logique utilitaire de l’objet.10. Pour une analyse détaillée des réactions du marketing face à la crise, on pourra se reporter au dossier sur« gestion et crise » dans la Revue française de gestion en 2009 (n° 193), et en particulier à l’article « Marketing etcrise : entre réponses de fond et le marketing de la crise » (Pras, p. 43-50).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 13: La résilience du marketing

et d’autre part, occasionnellement, desachats émotion et plaisir, avec un rôleimportant des marques, de la relation à lamarque ; 2) nécessité de servir de nouveauxmarchés importants, ceux des populationsvulnérables, qu’il s’agisse des pays indus-trialisés ou des pays émergents, ce quinécessite pratiques et réflexions innovantes(Prahalad, 2002 ; Hart et Christensen,2002) ; 3) changement du rôle des acteursdans le système marketing et émergence denouvelles pratiques et modes de distribu-tion avec les circuits courts, souvent asso-ciés à des comportements plus éthiques, àune finalité moins utilitariste, et à uneremise en cause du système (résistance aumarketing, résistance à la publicité, impor-tance croissante de l’éthique et de l’équité,altermondialisme). Ces tendances lourdes, en matière derecherche, sont aussi bien associées à desdémarches positivistes et « étiques » (etic)qu’à des approches relevant de la CCT, etplus généralement de nature « émique »(emic). Il faut relever que selon la posturedu chercheur et la façon dont il conçoitl’objet de recherche, les deux approchesscientifiques peuvent être adoptées sur lemême sujet. Ainsi, l’étude des populationspauvres ou vulnérables peut être pour cer-tains utilitaire, et avec une approche positi-viste, et pour d’autres de nature éthique,avec une approche plus émique.

2. Bouleversements technologiques et les réponses en recherche : de Marketing Science à la CCT ?

Parmi les bouleversements des pratiquesmarketing et des enjeux en recherche, latechnologie mérite une place particulière, etconstitue un des éléments les plus impor-tants dans les évolutions actuelles. Alors

que le concept marketing met en avant l’ap-proche marché, le progrès technique et latechnologie apparaissent, dès l’origine dumarketing, indissociables des évolutionsmarketing, qu’il s’agisse des pratiques desconsommateurs ou des technologies utili-sées par les chercheurs (analyses statis-tiques, bases de données croisées). On peut se demander si les pratiques mar-keting, les objets de recherche, les métho-dologies de recherche en marketing ne sontpas essentiellement « technology push »,c’est-à-dire conditionnés et initiés par lesévolutions technologiques, que ce soit en cequi concerne :– les outils et techniques de recueil etd’analyse des données sur de grandesmasses dans le cadre de stratégies de posi-tionnement, de segmentation (Big data,Data mining, etc.) ;– les technologies de communication etd’information à la base des évolutions decomportement, et de stratégies (réseauxsociaux, communautés virtuelles, M-mar-keting c’est-à-dire marketing à partir destéléphones mobiles et interaction avec télé-vision, ordinateurs, tablettes, téléphonesmobiles) ;– les moyens d’analyse et de suivi desconsommateurs, qui ne sont pas sans poserpar ailleurs des problèmes éthiques et derespect de la vie privée (neurosciences, bio-métrie, télésurveillance, GPS) mais qui per-mettent aussi de protéger ces derniers avecpar exemple la traçabilité de l’origine desproduits ;– l’équilibre des pouvoirs au sein du systèmemarketing (concentration de l’information).Pour comprendre l’importance de ces phé-nomènes, on rappellera qu’en 2012, Googlereprésente 80 % du marché européen desmoteurs de recherche, 30 % des smart-

70 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 14: La résilience du marketing

La résilience du marketing 71

phones, 40 % du marché mondial de lapublicité en ligne11 ; que 22 % des dépensespublicitaires aux États-Unis pourraient allerau « search mobile » (Journal du Net,2011), et qu’en 2010 34 % des chinois ontaccès à internet (taux de croissance annuel20 %). Ces bouleversement technologiquessont mondiaux et quasiment irréversibles,et jouent un rôle dans tous les domaines dela vie privée et professionnelle12. L’importance de ces évolutions a conduit àla création de revues spécialisées (parexemple, Journal of Interactive Marketingfondé en 1987, ou encore InternationalJournal of Electronic Commerce fondé en1996) mais ces mutations affectent profon-dément les objets de recherche (efficacité etéthique), remettent en cause la pertinencedes modèles existants, des méthodes derecherche, et interpellent quant à l’évolu-tion du système marketing. En matière de recherche d’efficacité, uncertain nombre de spécialistes des études(Zeitoun, 201213) considèrent que lesapproches existantes ne permettent plusd’expliquer de façon satisfaisante les com-portements des consommateurs et nécessi-tent la recherche de nouveaux modèlesavec : 1) des analyses statistiques sur de trèsgrandes bases de données, et le concours destatisticiens de haut niveau ; 2) des analysesqualitatives permettant une compréhensionen profondeur et nouvelle des comporte-ments. Le premier courant se traduit par des

recherches menées à partir de très largesbases de données, pouvant atteindre descentaines de milliers d’individu, et quis’inscrivent dans le courant des recherchespubliées dans Marketing Science. Lesecond courant correspond aux recherchesen CCT et portent entre autres sur lesréseaux sociaux ou les communautés demarques (voir, Cova, 2006). Ces recherchesqualitatives peuvent donner lieu à des inno-vations dans le domaine.De la même façon que Lazarsfeld (1941)soulignait la complicité des consommateursdans leur exploitation, les mutations tech-nologiques font apparaître l’ambivalencedes consommateurs et des recherches por-tent sur le « privacy paradox » avec unconsommateur qui souhaite être protégécontre l’intrusion dans sa vie privée et latraçabilité (Hoadley et al., 2009), mais quien même temps tire un grand plaisir de cesnouvelles technologies et ne veut pas s’enpasser, même en cas d’arbitrages néces-saires avec la satisfaction de besoins pri-maires14. Cela soulève aussi en matière derecherche les questions relatives à la multi-plicité des sollicitations des consomma-teurs, un choix excessif pouvant fragiliserles consommateurs. Ces problématiques derecherche sont soulevées aussi bien par lestenants des Critical Marketing Studies, dela résistance au marketing, que par des res-ponsables institutionnels comme le direc-teur de l’INC (Institut national de la

11. Cette concentration de l’information confère à Google un pouvoir considérable (analyse des données, concen-tration de données) vis-à-vis des sociétés d’études, des entreprises, des consommateurs et des pouvoirs publics.12. On voit par ailleurs le rôle qu’on joué ces technologies dans les révolutions culturelles comme le printempsarabe.13. cf. intervention d’Helen Zeitoun, table ronde sur les « hot topics » au Colloque de l’AFM (Association françaisedu marketing) de Brest, 2012.14. Voir le dossier sur « Entreprise et vie privée », coordonné par Dumoulin et Lancelot-Miltgen dans la Revue fran-çaise de gestion (n° 224, p. 87-172).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 15: La résilience du marketing

72 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

consommation, cf. table ronde AFM sur les« hot topics », 2012).Nous pouvons multiplier les cas de ques-tions de société et de thèmes de recherchesoulevés par ces mutations en matière depolitique publique, de régulation, d’éthique,mais aussi d’efficacité. Le point importantest que l’analyse de ces phénomènes néces-site la conjugaison de divers types d’ap-proches. Les courants positivistes et inter-prétativistes, souvent opposés, s’avèrentcomplémentaires pour répondre aux mul-tiples questionnements soulevés par lesnouvelles technologies.

3. Choc de valeurs, objectifs desmanagers, et court-termisme : l’intérêtdes Critical Marketing Studies

Les mutations profondes des valeurs s’ins-crivent dans ce que Edgar Morin appelle la« crisologie » avec la remise en cause ducapitalisme, de la famille, du couple, de lasociété (etc.), la nécessité de rechercher dessolutions de plus en plus radicales et fonda-mentales basées sur l’éveil et l’innovation(Morin, 1976). Au-delà de la remise encause par Ghoshal (2005) de la recherchede la maximisation de la valeur pour lesactionnaires, nous souhaitons rappeler quele concept marketing, à l’origine, a étéconçu comme un état d’esprit destiné à pri-vilégier le bien-être à long terme desacteurs (entreprise-consommateur et autresacteurs). Les visions de court terme denombre de managers et des objectifs de pro-

fit à court terme ont des effets néfastes, ycompris pour le marketing. Mais ils ne sontpas une fatalité : ils résultent de pressionséconomiques et culturelles15. Cette pression du court-termisme, avec lapublication des comptes trimestriels (initiéeaux États-Unis il y a une dizaine d’années)est vivement critiquée (Stiglitz, 2003), ycompris par des managers. Il faut du cou-rage pour s’éloigner du court-termisme etne pas avoir les yeux rivés sur l’évolutiondes cours lors de prises de décisions. Et deciter le président-directeur général deRichemont, Johann Rupert qui disait : « Jene regarde jamais mon cours de Bourse,cela me pousserait à prendre des décisionsidiotes. Je demande simplement qu’onm’alerte en cas d’incident grave. » (Bébéar,2008).En matière commerciale, le court-termismepousse les entreprises à des stratégies peucoûteuses et rentables à court terme commepar exemple : 1) mettre l’accent sur l’acqui-sition de nouveaux clients et de contrats quiles lient, plus que sur le service après-venteplus coûteux à court terme même si celapeut faire l’objet d’une véritable différen-ciation avantageuse à moyen long terme ;2) mettre l’accent sur les grands comptesles plus rentables, même si en termesd’image une satisfaction de tous les clientspeut à terme être rentable ; 3) initier despratiques peu éthiques pour forcer la venteet acquérir de nouveaux clients.

15. Deux recherches de Hofstede (Hofstede et al., 2002 ; Hofstede, 2009) portant sur 1 900 jeunes managers de17 pays et régions du monde montrent que les régions du monde où l’objectif de profit à court terme domine, sontles États-Unis ainsi que l’Europe, en particulier la Grande-Bretagne et les pays latins dont la France. Les pays oùl’objectif de profit à long terme a le plus d’importance sont les pays d’Asie. Les dirigeants allemands quant à eux,privilégient la pérennité de l’entreprise, la croissance et l’innovation. Globalement, les objectifs dominants sont lacroissance, la pérennité de l’entreprise (c’est-à-dire sa survie à long terme), le profit à court terme, la richesse per-sonnelle et le pouvoir. Ces points sont détaillés dans Pras (2010).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 16: La résilience du marketing

La résilience du marketing 73

Cette question du court-termisme et de seseffets ne peut se résoudre simplement. Ellenécessite une compréhension approfondiedes enjeux pour les divers stakeholders.Cela peut constituer un objet d’étude destenants des Critical Marketing Studies.Alors que la posture des tenants de ce cou-rant est « critique », certains d’entre eux(Gibson-Graham, 2008 ; Tadajewski, 2010)prônent une approche constructive afind’imaginer des solutions innovantes :« What if we were to accept that the goal oftheory is not [necessarily] to extend newknowledge by confirming what we alreadyknow, that the world is a place of domina-tion and oppression? What if we askedtheory instead to help us see openings, toprovide a space of freedom and possibi-lity? » (Gibson-Graham, 2008, p. 619). Cesquestions peuvent être aussi des thèmes deréflexion en matière de recherche en poli-tique publique et pratiques innovantes desmanagers et divers acteurs.

4. Thèmes de recherche marketing en fonction des cultures

Les réactions face à ces chocs sont denature différente selon les cultures lors-qu’on examine les thèmes de rechercheprioritaires définis conjointement par desuniversitaires et des managers, aux États-Unis et en France par exemple.Ainsi, aux États-Unis, les thèmes derecherche prioritaires pour la période 2010-2012 définis par le MSI (MarketingScience Institute) qui regroupe chercheurset managers sont greffés sur l’objet utili-taire du marketing, et la meilleure façon de

répondre à la crise. Le MSI préconisecomme objets de recherche principaux : lesnouvelles opportunités de marché, larecherche et les méthodes pour créer de lavaleur, de nouveaux business models sus-ceptibles de répondre aux enjeux auxquelsles entreprises doivent faire face. Desservirdes populations pauvres ou vulnérables parexemple est envisagé sous l’angle de nou-velles opportunités de marchés. La dimen-sion éthique, qui constitue le deuxièmevolet du concept marketing et de son objet,est quasiment absente des thèmatiquesprioritaires.En France, les thèmes de recherche priori-taires identifiés en 2012 par l’AFM16, àpartir d’une analyse des thèmes proposéspar des instances de recherche commel’ANR (Agence nationale de la recherche),mais aussi d’entretiens avec des chercheurs,des managers, des représentants de lasociété civile, font ressortir un plus grandéquilibre entre les objets éthique et effica-cité, avec un poids considérable donné auxenjeux sociétaux (Big Data, TIC, modèlesde gouvernance, environnement et risques,populations vulnérables, santé et bien-être,vieillissement de la population, neuros-ciences), et un renouvellement des théories,des business models et des méthodes. Lepoids important des enjeux sociétaux n’estpas surprenant quand on voit la maturité ducourant CCT en France, l’ancrage histo-rique en Europe des travaux sur la postmo-dernité ou la « théorie critique », avecl’école de Francfort ou des chercheurscomme Foucault, Deleuze ou Derrida.

16. Site de l’AFM (dans ressoources, « hot topics ») : http://www.afm-marketing.org/1-afm-association-francaise-du-marketing/125-ressources/182-hot-topics.aspx

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 17: La résilience du marketing

74 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

On ajoutera enfin que dans des pays émer-gents, comme la Chine, la priorité ne portepas sur les thèmes de recherche en eux-mêmes, mais sur la nécessité de publierdans des revues de « classes » internatio-nalement ou dans l’institution chinoised’appartenance17. On retrouve donc globalement dans lesthèmes de recherche qui émergent des prio-rités fixées dans un contexte de crise lesdeux objets du marketing, et qui font senspar rapport aux évolutions identitaires dudomaine. Mais peut-on parler de bonnes etde mauvaises théories en marketing ?

IV – BONNES ET MAUVAISESTHÉORIES EN MARKETING ET RÉSILIENCE ?

Le marketing est polythéorique, avec desrattachements à des disciplines commel’économie, la psychologie, la rechercheopérationnelle, mais aussi de plus en plus àla sociologie, l’histoire, l’ethnographie, etc.Il est donc difficile de parler d’une théoriedominante.Par contre, on peut se rattacher à certainsconcept dominants : le concept marketinget l’orientation marché, le ciblage et la seg-mentation, les stratégies d’adaptation et destimulation pour servir les marchés, quisont au cœur du marketing, et de très nom-breux travaux de recherche. Et les analyserpar rapport à l’objet : efficacité et éthique.Des théories conduisant dans leurs applica-tions et implications à des pratiques effi-caces sont-elles pour autant éthiques ? Lesapproches éthiques conduisent-elles auto-

matiquement à de bonnes pratiques ? Lesadaptations successives ou une éventuellemétamorphose suite à des chocs répétésont-ils conduit à l’émergence d’une« bonne » théorie, conduisant à de« bonnes » pratiques ? C’est ce que nousallons examiner autour de quelquesexemples, pris à partir d’éléments centrauxen marketing : la segmentation et le ciblage,la stimulation, des tentatives d’intégrationavec l’orientation marché, des tentativesd’intégration à partir des stakeholders ; et l’émergence de la Service-DominantLogic (S-D L) ces dernières années. Mais auparavant, peut-on s’interroger surles bonnes et mauvaises théories en marke-ting sur un plan « scientifique » et non surleur relation avec la pratique ?

1. Peut-on alors parler de bonnes et mauvaises théories en marketing sur le plan scientifique ?

Les dernières décennies de recherche enmarketing sont considérées (Shugan, 2007)comme ayant fait progresser considérable-ment la recherche en marketing, en se réfé-rant aux revues considérées commemajeures dans le domaine. Il est clair que laplupart de ces revues traitent d’articles quis’inscrivent dans une tradition d’« empi-risme logique ». Ces avancées portent sur lacompréhension des réactions compétitivesen combinant la théorie des jeux et des ana-lyses empiriques, des conditions d’échec ousuccès des innovations, des avantages pion-niers, des phénomènes affectant la fidélité etla confiance dans la marque, la valeur et lecapital de marque. On pensera aussi aux phé-

17. Il convient néanmoins de souligner le poids de l’environnement avec le grand nombre de recherches portant surle secteur du luxe ou s’intéressant à des problématiques relevant de la justice distributive. Les chercheurs s’inscri-vent peu dans le courant de la CCT ou des Critical Marketing Studies.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 18: La résilience du marketing

nomènes d’extension de marque, avec lesthéories sur le Fit, la catégorisation et lacongruence, ou encore les relations clients,les modèles structurels, les modèles de venteet de management de la force de vente, lesrecherches en comportement du consomma-teur et sur la consommation. Et la liste estloin d’être exhaustive. Les chercheurs sepenchent sur les relations client à long terme,la création de valeur à la fois pour l’entre-prise et pour le client, et la confiance. Maisces théories s’inscrivent dans une idéologiegénérale où le consommateur a son libre-arbitre, et où le libre-échange est la normeéconomique. Dans la pratique de nom-breuses organisations utilisent des pratiqueséloignées de cette vision éthique et idylliquede la concurrence, allant même jusqu’à lacoercition ou la force (par exemple, Tybout,2000). Beaucoup cherchent à obtenir desavantages immédiats, des retours sur inves-tissement rapides, sans se soucier du coûtpour les consommateurs. Les théories mobi-lisées ne conduisent pas systématiquement àde mauvaises pratiques, mais ne permettentpas de les éviter. On est dans ce que d’aucunsappellent une « science du contrôle »(« controlling science » : Heede, 1985),orientée vers l’efficacité dans un systèmeéconomique et de pouvoirs donné. Cela soulève une question importante : est-ce que les dérives mentionnées sont consub-stantielles au marketing, ou à une certainefaçon de l’étudier et de le pratiquer ?

2. Segmentation et ciblage : théoriescentrales en marketing et mauvaisespratiques

Dans le cadre du concept marketing, quiconsiste à servir l’intérêt partagé de l’entre-prise et du client, avec une vision éthique, leciblage et la segmentation sont à la base de

très nombreux travaux et théories (parexemple, Claycamp et Massy, 1968 ; Dickson, 1982 ; ou en France, Valette-Florence et al., 2003). Alors que certainesrecherches montrent que ces approches sontutiles y compris pour servir des minorités, il convient de rappeler, comme le font Clayclamp et Massy (1968), que la théoriede la segmentation des marchés a été déve-loppée en économie afin d’analyser com-ment une entreprise peut, en segmentantson marché, servir au mieux les intérêts deses clients mais aussi maximiser ses profits. C’est ainsi qu’une théorie au coeur du mar-keting, et présentée pour répondre auxbesoins des clients, peut conduire à de nom-breuses dérives si l’objectif de profit primesur celui de service, et si la stratégie de seg-mentation est appliquée de façon amorale,sans introduction de dimension éthique.Les dérives peuvent prendre deux formes :– appliquer la segmentation en vue de ciblerdes populations vulnérables, avec pour seulmotif la vente et le profit (Craig et Cooper-Martin, 1997) ;– ne plus servir des segments insuffisam-ment profitables et qui ont pourtant besoinde ces services (Madichie, 2009).Dans le premier cas aux États-Unis (Craig etCooper-Martin, 1997), la population noire,vulnérable, a été précisément ciblée par unemarque de bière, avec une bière plus alcoo-lisée que la norme, alors que les cas de cir-rhose étaient déjà de 40 % supérieurs à lamoyenne nationale dans cette population.Dans le second cas, 7 % des clients de Egg,banque en ligne britannique devenue filialede CityGroup, et titulaires d’une carte decrédit Egg Card, ont été informés que dansles 35 jours leur carte de crédit leur seraitretirée, alors même qu’ils n’avaient jamaiseu d’incidents de paiement. Il s’agissait

La résilience du marketing 75

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 19: La résilience du marketing

pour CityGroup de restructurer et rationna-liser sa gestion client en ne gardant que lesclients les plus profitables, dans le cadred’une stratégie de segmentation. C’est en ayant à l’esprit ces types de dérivesqu’il faut envisager les travaux de rechercheà mener sur les populations vulnérables,avec des approches pluridisciplinaires, uncertain pluralisme méthodologique, afin deproposer des solutions innovantes. Parexemple, il semble pertinent de ne pasprendre seulement en compte la vulnérabi-lité économique, sociale ou physique, maisaussi la vulnérabilité psychologique, l’es-time de soi et des autres. Des recherches« en contexte » semblent appropriées.

3. La stimulation ou activation des besoins : contribution au bien-être ?

La critique du marketing porte souvent sur lesoutils et les recherches concernant la stimula-tion de la demande et des ventes. Ainsi, cer-tains auteurs dès 1958 ont parlé de l’aspectdual (« dual core ») du concept marketing(Borch, 1958), entendu par rapport à son objetutilitaire, et relié au marketing management,et non au sens de White (1921). Dans sadimension utilitaire, le marketing a non seule-ment pour objet d’identifier et de répondreaux besoins existants, mais aussi de stimulerla demande. Borch (1958) critique cettedimension de stimulation de la demande, quipousse à la diffusion de produits et servicesdont les individus ne ressentent pas le besoin.Cette critique est reprise par le courant desCritical Marketing Studies, qui s’interroge surla contribution du marketing au bien-être psy-chologique et physiologique des individus et àleur réalisation personnelle (par exemples,Bauman, 2007 ; Schor, 2008).La stimulation est au cœur de nombreuxtravaux en marketing, dans le cadre de l’ob-

jectif d’efficacité. On pense par exemple aumodèle S-O-R (Stimulus-Organisme-Response) de Mehrabian et Russell (1974)en marketing sensoriel, largement utilisédans les recherches sur l’atmosphère despoints de vente. Des liens entre stimuli(musique, odeur, etc.), réponses émotion-nelles (plaisir, éveil) et comportements enmagasin (temps passé, achat) sont établis. Ce modèle peut conduire à de mauvaisesutilisations quand les stimuli sont manipu-lés à seule fin de maximiser le profit à courtterme, au détriment du bien-être de l’indi-vidu. Mais le problème disparaît lorsque cebien-être est pris en compte (analyse del’impact d’une voix humaine ou de la pré-sence de musique dans les parkings pourréduire l’angoisse des usagers).Il est important de souligner que les mau-vaises pratiques ou abus potentiels que cesthéories comme le modèle S-O-R peuventsusciter ne sont pas réservés aux entreprises,mais peuvent concerner le marketing social.Par exemple, la théorie de l’effet crainte(Morales et al., 2012) consiste à doser laforce d’un message faisant appel à la peur envue d’entraîner l’adhésion d’un individu à cemessage, et cela en fonction du degréd’anxiété de l’individu. La théorie a été trèslargement utilisée dans le cadre des cam-pagnes anti-tabacs (photos de cancer sur lespaquets de cigarettes), dans le domaine de laprévention routière par des ONG commeAction contre la faim. Le marketing des« causes », avec des objectifs sociétaux, n’estdonc pas à l’abri de la tentation de manipulerses donateurs et doit aussi se poser la ques-tion des limites éthiques à ne pas dépasser.Cette utilisation souvent non « critique » ounon « réflexive » sur ses propres pratiques dumarketing social est dénoncée par un certainnombre d’auteurs (Dholakia, 1985).

76 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 20: La résilience du marketing

La résilience du marketing 77

4. La critique des recherches sur l’éthique

Existe-t-il de bonnes théories sur l’éthiqueen marketing ? Oui, si elles permettent deprendre les bonnes décisions pour lesconsommateurs et la société dans sonensemble. Ce n’est pas toujours le cas. Le plus célèbre des modèles sur l’éthiqueen marketing, celui de Hunt et Vitell (1986)repose sur une vision individuelle du pro-cessus de décision quand se pose un pro-blème éthique. Le jugement éthique et ladécision adoptée résultent de la prise encompte des valeurs en jeu (normes déonto-logiques) et des conséquences des décisions(évaluation téléologique). Ce modèle deprise de décisions individuelles apparaîtpour certains comme n’étant pas suffisam-ment ancré dans le contexte (Thompson,1995) et pouvant conduire à des conclu-sions erronées. Pour d’autres (Nill, 2003),ce type de modèle ne prend pas suffisam-ment en compte la diversité des normes cul-turelles, en particulier dans un contexteinternational. Nill (2003) appelle à la com-munication et au dialogue pour résoudredes dilemmes éthiques en marketing, ainsiqu’à des études sur le terrain, en contexte.De nombreux auteurs considèrent que pourque les théories portant sur des décisionséthiques conduisent à de « bonnes » pra-tiques, elles doivent intégrer les stakehol-ders dans les processus de décision, etprendre en compte les spécificités contex-

tuelles et culturelles. L’introduction de sta-keholders ramène à la définition de White(1921) du concept marketing ainsi qu’auxquestions de justice distributive. Un certainnombre de travaux sur l’éthique, parexemple l’éthique des vendeurs, le e-Busi-ness éthique, ont intégré un nouveauconcept, l’« orientation stakeholders » (Ferrell et Ferrell, 2008 ; Ferrell et al.,2010). On peut penser que ces théoriesdevraient conduire à de bonnes pratiques.

5. Des tentatives d’intégration :l’exemple de la S-D Logic theory

Une tentative de nouveau modèle reposantsur une nouvelle vision des relationsd’échange a vu le jour au milieu des années2000. Il s’agit du modèle « Service-Domi-nant Logic » (Vargo et Lusch, 2004 ; Vargo,2011), qui a fait l’objet de très nombreusesdiscussions dans le cadre de numéros spé-ciaux de revues (Marketing Theory, 2006 ;Journal of the Academy of MarketingScience, 2008 ; Journal of Macromarketing,2011, European Journal of Marketing,etc.)18. Il propose un modèle plus huma-niste, où les entreprises s’orientent vers desrelations d’échange dynamiques, qui impli-quent la mise en place de processus perfor-mants et l’échange de compétences et/ouservices à partir duquel la valeur est co-créée avec le consommateur. Les relationsde pouvoir entre l’entreprise et le consom-mateur sont rééquilibrées. Le modèle

18. L’article de Vargo et Luch, proposant le modèle Service-Dominant Logic, est le papier le plus cité et le plus dis-cuté dans le Journal of Marketing depuis sa publication en 2004. Ce modèle constitue un prolongement et élargis-sement des réflexions sur les « dominant logic » des managers et des entreprises (Prahalad et Bettis, 1986) ; il estancré et cohérent avec les travaux en stratégie (Connor et Prahalad, 1996 ; Prahalad et Ramaswamy, 2000) et en mar-keting (Hunt et Morgan, 1995) sur la théorie de l’avantage concurrentiel fondé sur les ressources. En marketing, cetavantage-ressource s’inspire au départ de la théorie de l’avantage comparatif en commerce international de Ricardoet de réflexions sur l’orientation marché en proposant d’examiner cette dernière comme une ressource potentielled’avantage comparatif.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 21: La résilience du marketing

78 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

intègre aussi le rôle du marketing dans lasociété. Les principes qui guident l’actiondes entreprises doivent être équitables etjustes. Le modèle peut s’appliquer auxpopulations pauvres (Laczniack et Santos,2011) et tous les stakeholders sont repré-sentés. Abela et Murphy (2008) suggèrentd’introduire une dimension éthique dans lemodèle. Une certaine diversité de perspec-tives de la part des stakeholders devraitaider à comprendre et résoudre les tensionset enjeux éthiques. Le modèle est cohérent,largement discuté dans la communautémarketing, et se veut refondateur duconcept marketing. Des tenants du marke-ting critique considèrent que ce type demodèle fait sens par rapport à la définitionoriginelle du marketing, dans l’esprit decelle de White (1921)19. Certains sont prêtsà s’associer à la réflexion sur la pertinencede ce modèle et à sa mise en oeuvre. Lemodèle inspire aussi débats et propositionsdans le cadre du courant CCT au senslarge20. S’agit-il de métamorphose ? Peut-être. Car on est proche de la vision d’ori-gine du concept marketing, mais renouve-lée suite aux crises et enjeux actuels.

CONCLUSION : INSTITUTIONS,BARRIÈRES ET VOLITION

Le concept marketing revient donc à ses ori-gines, avec le modèle Service-DominantLogic, transformé, dans les années 2000,après avoir été déformé et réduit avec lamontée du marketing management dans lesannées 1950, et un certain retour à la concep-

tion de départ avec l’orientation marché dansles années 1990. Les nombreux courants quimarquent l’évolution du marketing, avec descritiques internes et externes venues très tôt,des crises identitaires des chercheurs dans ledomaine, des phases d’ouverture discipli-naire et de repli, traduisent la poursuite, plussouvent parallèle que conjointe, de l’objetutilitaire et de l’éthique. On rappellera quedans le courant CCT (Consumer CultureTheory), une certaine utilité de la recherchepour les organisations n’est pas une finalitéen soi, mais est acceptée si elle survient desurcroît. Le courant des Critical MarketingStudies s’est par ailleurs toujours interrogésur le bien-fondé du marketing et son rôledans la société. Ces courants, qui se sont lesplus écartés de la recherche utilitaire et del’empirisme logique, ont eu leur sourceautant en Europe qu’aux États-Unis, comptetenu de leur ancrage théorique et épistémolo-gique. Les chocs et mutations économiques,technologiques, de valeurs, n’ont cependantpas modifié cette double quête car le marke-ting, subissant plus que d’autres disciplinesla pression des résultats et de la recherche del’efficacité au meilleur coût, a toujours portéun regard réflexif sur ses pratiques. L’analyse des « bonnes » ou « mauvaises »théories et de leur incidence sur les pra-tiques montre la résilience du marketingface aux crises successives et fortes dansson environnement. On peut considérer que le concept d’origineest pérenne et transmué avec entre autres denouvelles initiatives comme l’émergence la

19. Voir par exemple Tadajewski et Maclaran (2009).20. On remarque que Arnould et Thompson évoquent le modèle S-D L (2005), et qu’il est intégré dans les réflexionsdu courant CCT (Cova et al., 2011).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 22: La résilience du marketing

La résilience du marketing 79

théorie de la S-D L, qui suscite de nom-breuses réflexions et adhésions, car il s’agitd’une théorie englobante, basée sur l’inté-gration des divers stakeholders et larecherche d’un bien-être partagé. S’agit-ild’une mode ou d’une évolution plus pro-fonde ?Notre analyse est que le marketing et larecherche en marketing sont en phase demétamorphose, non du fait des questionne-ments de recherche mais à cause de la méta-morphose des chercheurs au sein de la com-munauté. On constate ainsi que : – de plus en plus de jeunes chercheurs dansleur parcours passent d’une démarche ini-tialement positiviste à des démarches inter-prétatives ; de l’empirisme logique à un cer-tain pluralisme méthodologique ; et derecherches à finalité utilitaire à desrecherches à finalité éthique ;– ces jeunes chercheurs n’opposent pas cestypes de recherche mais les intègrent parfai-tement dans leur parcours personnel et conti-nuent de publier dans les deux domaines ;– les tenants des divers courants font partiede la même communauté académique, sansrejet des chercheurs ou des recherches issusd’autres courants (lorsqu’ils sont ancrésprincipalement dans l’un d’entre eux).Ces évolutions vont dans le même sens quele rapprochement perceptible en termes depréoccupations, autour de théories englo-bantes, entre chercheurs de divers courants(S-D logic, Critical Marketing Studies).Cependant, la recherche en marketing,comme celle des autres sciences de gestion,évolue dans un environnement contraint.

Les barrières au changement sont celles dela structure des business schools (et parfoisdes universités), du poids des classementsinternationaux pour les institutions, de lacourse aux accréditations, ce qui conduit àune certaine uniformisation, des pressionsde l’évaluation et de la publication pour lesenseignants-chercheurs, et du fait que lamajorité des revues les mieux classéesinternationalement en marketing relèventessentiellement de l’empirisme logique. Mais la résilience, et les changements enpériode de crise, sont aussi affaire de voli-tion. L’intentionnel est présent, la volontéd’agir aussi. C’est ainsi que se créent denouvelles revues telle Perspectives cultu-relles de la consommation à l’initiative d’ungroupe de chercheurs, que sont menées,dans le cadre de l’AFM, des réflexions surles sujets importants dans le champ pour lesannées à venir, que l’AFM comme d’autresassociations scientifiques, et avec la coordi-nation de la Fnege, a fait des propositionsétayées sur les classements des revues et aparticipé aux réflexions sur la place deslivres dans l’évaluation. De façon pluslarge, ce sont les réflexions menées par leschercheurs en gestion sur l’impact de leurstravaux sur la société dans le cadre d’Étatsgénéraux du management (organisés à l’ini-tiative de la Fnege depuis 200821) qui mar-quent cette volonté de changement, d’êtreen phase et acteur des mutations de lasociété. En cohérence avec le concept mar-keting, l’AFM pourrait d’ailleurs inciter àce que dans les articles et les thèses, les« contributions managériales » soient systé-

21. Ces états généraux ont donné lieu à des ouvrages collectifs reprenant les contributions et pistes originales quien sont issues (Martinet, 2012 ; Pras, 2009).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 23: La résilience du marketing

matiquement étendues aux implicationspour les divers stakeholders, et incluent ladimension éthique.Globalement, la pérennité du concept, sesévolutions et transformations successives,

la capacité d’adaptation de la communautéen marketing et sa volonté d’agir semblenttraduire une réelle résilience de la rechercheen marketing face aux mutations profondesde la société.

BIBLIOGRAPHIE

Abela A.V., Murphy P.E. (2008). “Marketing with Integrity: Ethics and the Service-Dominant .Logic for Marketing”, Journal of the Academy of Marketing Science, vol. 36,p. 39-53.

Adger W.N. (2000). “Social and Ecological Resilience: Are they Related?”, Progress inHuman Geography, vol.24, n° 3, p. 347-364.

Alderson W. (1957). Marketing Behavior and Executive Action, Homewood, IL, Richard D.Irwin, Inc.

Alon A., Morrin M., Bechwati N.N. (2002). “Comparing Journal of Consumer Psychologyand Journal of Consumer Research”, Journal of Consumer Psychology, vol. 12, n° 1,p. 15-20.

Arnould E.J., Thompson C.J. (2005). “Consumer Culture Theory (CCT): Twenty Years ofResearch”, Journal of Consumer Research, vol. 31, n° 4, p. 868-882.

Bartels R. (1967). “A Model for Ethics in Marketing”, Journal of Marketing, vol. 31, n° 1,p. 20-26.

Bartels R. (1960). “Marketing as a Social and Political Tool”, Marketing. A MaturingDiscipline, Chicago, IL., American Marketing Association, p. 210.

Baudrillard J. (1970). La société de consommation, ses mythes, ses structures, ÉditionsDenoël, Paris.

Bauman Z. (2007). “Collateral Casualties of Consumerism”, Journal of Consumer Culture,vol. 7, n° 1, p. 25-56.

Bauman Z. (2001). “Consuming Life”, Journal of Consumer Culture, vol. 1, n° 1, p. 9-9.Bébéar C. (2008). « Les régulateurs ont gravement failli », propos recueillis par Abescat B.

et Masse-Stamberger B., dans lexpress.fr, le 16 décembre.Béji-Bécheur A., Ozçaglar-Toulouse N. (dir.) (2012). L’ethnicité, Fabrique marketing ?,

Caen, éditions EMS.Belk R.W., Wallendorf M., Sherry J.F. Jr. (1989). “The Sacred and the Profane in Consumer

Behavior: Theodicy on the Odyssey”, Journal of Consumer Research, vol. 16, n° 1, p. 1-38.Bon J., Delabre A., Nioche J-P. (1977). « Les abus du marketing », Revue française degestion, n° 8, janvier-février, p. 21-31.

Borch, F.J. (1958). “The Marketing Philosophy as a Way of Business Life”, ManagerialMarketing: Perspectives and Viewpoints: A Source Book, Kelley E.J. and Lazer W. (Eds.),Homewood, Richard D. Irwin, p. 18-24.

80 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 24: La résilience du marketing

Bourgeon D., Filser M. (1995). Les apports du modèle expérientiel à l’analyse ducomportement dans le domaine culturel : une exploration conceptuelle et méthodologique,Recherche et Applications en Marketing, vol. 10, n° 4, p. 5-25.

Claycamp H.J., Massy W.F. (1968), “A Theory of Market Segmentation”, Journal ofMarketing Research, vol. 5, n° 4, p. 388-394.

Cochoy F. (1999). Une histoire du marketing. Discipliner l’économie de marché, LaDécouverte, Paris.

Conner K.R., Prahalad C.K. (1996). “A Resource-Based Theory of the Firm: Knowledgeversus Opportunism”, Organization Science, vol. 7, n° 5, p. 477-501.

Cova B. (2006). « Développer une communauté de marque autour d’un produit de base.L’exemple de Nutella my Community », Décisions Marketing, n° 42, p. 53-62.

Cova B., Louyot-Gallicher M.-C., Bonnemaizon A. (2011). Marketing critique : leconsommateur collaborateur en question, Lavoisier, Paris.

Craig S.N., Cooper-Martin E. (1997). “Ethics and Target Marketing: The Role of ProductHarm and Consumer Vulnerability”, Journal of Marketing, vol. 61, n° 3, p. 1-20.

Dartiguepeyrou C. (dir.) (2012). Les voies de la résilience, préface d’Edgar Morin, coll.« Prospective », L’Harmattan, Paris.

Derman E. (2011). Models Behaving Badly: Why Confusing Illusion with Reality Can Leadto Disaster, on Wall Street and in Life, The Free Press.

Dholakia R.R. (1984). “A Macromarketing Perspective on Social Marketing: The Case ofFamily Planning in India”, Journal of Macromarketing, vol. 4, Spring, p. 53-61.

Dichter, E. (1947). “Psychology in Market Research”, Harvard Business Review, vol. 25,n° 4, p. 432-443.

Dickson P.R. (1982). “Person-Situation: Segmentation’s Missing Link”, Journal of Marketing,vol. 46, p. 56-64.

Drucker P. (1954). The Practice of Management, New York, Harper & Row.Dubois P.-L. (1999). « La double problématique de l’extension du champ (théories, objetsd’analyse, méthodes) et du recentrage indispensable », Faire de la recherche enmarketing ?, Pras B. (dir.), Paris, Vuibert, p. 313-333.

Dumoulin R. et Lancelot Miltgren C. (2012), Dossier « Entreprise et vie privée », Revuefrançaise de gestion, vol. 38, n° 224, p. 87-172.

Ferrell O.C., Ferrell L. (2008). “A Macromarketing Ethics Framework: StakeholderOrientation and Distributive Justice”, Journal of Macromarketing, vol. 28, n° 1, p. 24-32.

Ferrell O.C., Gonzalez-Padron T.L., Hult G.T.M., Maignan I. (2010). “From MarketOrientation to Stakeholder Orientation”, Journal of Public Policy & Marketing, vol. 29,n° 1, p. 93-96.

Firat F.A., Venkatesh A. (1995). “Liberatory Postmodernism and the Reenchantment ofConsumption”, Journal of Consumer Research, vol. 22, n° 3, p. 239-267.

Friga P.N., Bettis R.A., Sullivan R.S. (2003). “Changes in Graduate Management Educationand New Business School Strategies for the 21st Century”, Academy of ManagementLearning & Education, vol. 2, n° 3, p. 233-249.

La résilience du marketing 81

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 25: La résilience du marketing

Fromm, E. (1942). The Fear of Freedom, London, Routledge and Kegan.Galbraith J.K. (1952). American Capitalism: the Concept of Countervailing Power, Boston,Houghton Mifflin Co.

Gallopin G.C. (2006). “Linkages Between Vulnerability, Resilience and Adaptive Capacity”,Global Environmental Change, vol. 16, n° 3, p. 293-303.

Gapper J. (2005). “Comment on Sumantra Ghoshal’s ’Bad Management Theories AreDestroying Good Management Practices’”, Academy of Management Learning &Education, vol. 4, n° 1, p. 101-103.

Ghoshal S. (2005). “Bad Management Theories are Destroying Good ManagementPractices”, Academy of Management Learning & Education, vol. 4, n° 1, p. 75-91.

Gibson-Graham J.K. (2008). “Diverse economies: Performative practices for ’other worlds’”,Progress in Human Geography, vol. 32, n° 5, p. 613-632.

Habermas J. (1984). Reason and the Rationalization of Society, vol. 1 of The Theory ofCommunicative Action, translated by T. McCarthy, Boston, Beacon.

Hart S.L., Christensen C.M. (2002). “The Great Leap: Driving Innovation from the Base ofthe Pyramid”, MIT Sloan Management Review, Fall, p. 51-56.

Heede S. (1985). “The Conflict Between Ideology and Science”, Changing the Course ofMarketing, Dholakia N., Arndt J. (Eds.), Greenwich, JAI Press, p. 147-158.

Hoadley C.M., Heng X., Joey J.L., Rosson M.B. (2009). “Privacy as Information Access andIllusory Control: The Case of the Facebook News Feed Privacy Outcry”, ElectronicCommerce Research and Applications, vol. 9, n° 1, p. 50-60.

Hofstede G. (2009). “Business Goals for a New World Order: Beyond Growth, Greed andQuarterly Results”, Asia Pacific Business Review, vol.15, n° 4, p. 481-488.

Hofstede G., van Deusen C., Mueller C. (2002). Charles T. and the Business goals network,“What Goals Do Business Leaders Pursue? A Study in Fifteen Countries”, Journal ofInternational Business Studies, vol. 33 n° 4, p. 785-803.

Holbrook M.B., Hirschman E.C. (1982). “The Experiential Aspects of Consumption:Consumer fantasies, Feelings and Funs”, Journal of Marketing, vol. 9, n° 2, p. 132-140.

Hopkins R. (2011). The Transition Companion: Making Your Community More Resilient inUncertain Times, White River Junction, VT, Chelsea Green.

Hunt S.D., Morgan R.M. (1995). “The Comparative Advantage Theory of Competition”,Journal of Marketing, vol. 59, p. 1-15.

Hunt S.D., Vitell S.J. (2006). “The General Theory of Marketing Ethics: A Revision andThree Questions”, Journal of Macromarketing, vol. 26 n° 2, p. 1-11.

Hunt S.D., Vitell S.M. (1986). “A General Theory of Marketing Ethics”, Journal ofMacromarketing, vol. 6, p. 5-15.

Jones D.G.B. (1994). “Biography and the History of Marketing Thought”, Explorations inthe History of Marketing, Fullerton R.A. (Ed.), Greenwich, JAI Press, p. 67-85.

Kanter R.M. (2005). “What Theories Do Audiences Want? Exploring the Demand Side”,Academy of Management Learning & Education, vol. 4, n° 1, p. 93-95.

Kanter R.M. (1983). The Change Masters, New York, Simon & Schuster.

82 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 26: La résilience du marketing

Kassarjan H.H. (1994). “Scholarly Traditions and European Roots of American ConsumerResearch”, Research Traditions in Marketing, Laurent G., Lilien G. et Pras B. (Eds.),Kluwer Publications, p. 265-279.

Katona, G. (1954). “A Study of Purchase Decisions: Part 1. The Research Design”,Consumer Behavior Volume I: The Dynamics of Consumer Reaction, Clark L.H. (Ed.),New York, New York University Press, p. 30-36.

Kohli A.K, Jaworski B.J. (1990). “Market Orientation: The Construct, Research Propositions,and Managerial Implications”, Journal of Marketing, vol. 54, April, p. 1-18.

Kotler P. (1972). “A Generic Concept of Marketing”, Journal of Marketing, vol. 36, April,p. 46-54.

Kotler P., Levy S.J. (1969). “Broadening the Concept of Marketing”, Journal of Marketing,vol. 33, January, p. 10-15.

Kotler P. (1967). Marketing Management: Analysis, Planning, and Control, EnglewoodCliffs, NJ, Prentice-Hall, Inc.

Laczniak G.R., Santos N.J.C. (2011). “The Integrative Justice Model for Marketing to thePoor: An Extension of S-D Logic to Distributive Justice and Macromarketing”, Journal ofMacromarketing, vol. 31, n° 2, p. 135-147.

Lazarsfeld, P.F. (1935) “The Art of Asking WHY in Marketing Research”, NationalMarketing Review, vol. 1, n° 1, p. 32-43.

Lazarsfeld, P.F. (1941). “Remarks on Administrative and Critical CommunicationsResearch”, Studies in Philosophy and Social Science, vol. 9, n° 1, p. 2-16.

Lazer W., Kelley E.J. (1960). “Interdisciplinary Horizons in Marketing”, Journal ofMarketing, vol. 25, n° 2, p. 24-30.

Lazer W. (1969). “Marketing’s Changing Social Relationships”, Journal of Marketing,vol.33, January, p. 3-9.

Lusch, R.F., Laczniak G.R., Murphy P.E. (1980). “‘The Ethics of Social Ideas’ versus the‘Ethics of Marketing Social Ideas’”, Journal of Consumer Affairs, vol. 14, n° 1, p. 156-164.

Madichie N.O. (2009). “Marketing Theory and Practice: The Case of the Egg Card”,Marketing Intelligence & Planning, vol. 27, n° 7, p. 926-944.

Maffesoli M. (1999). « Les fondements d’un cadre d’analyse pour la postmodernité », Fairede la recherche en marketing ?, Pras B. (dir.), Vuibert, Paris, p. 151-169.

Manciaux M. (dir.) (2001). La résilience : résister et se construire, Éditions médecine ethygiène, Genève.

Martinet A. (dir.) (2012). Management et sociétés : Mutations et ruptures, Paris, Vuibert,collection Fnege.

McCarthy E.J. (1960). Basic Marketing: A Managerial Approach. Homewood, IL, Richard D.Irwin, Inc.

Mehrabian A., Russell J. (1974). An Approach to Environmental Psychology, Cambridge,Mass., MIT Press.

Meyer-Warden L. (2012). Management de la fidélisation, Paris, Vuibert.

La résilience du marketing 83

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 27: La résilience du marketing

Morales A.C., Wu E.C., Gavan J. Fitzsimons G.J. (2012). “How Disgust Enhances theEffectiveness of Fear Appeals”, Journal of Marketing Research, vol. 49, n° 3, p. 383-393.

Morin E. (1976). “Pour une crisologie”, Communications, n° 25, p. 149-163.Morrison D.G. (2001). “Founding Marketing Science”, Marketing Science, vol. 20, n° 4,

p. 357-359.Murray J.B., Ozanne J.L. (1991). “The Critical Imagination: Emancipatory Interests in

Consumer Research”, Journal of Consumer Research, vol. 18, September, p. 129-144.Nader R. (1965). Unsafe at Any Speed: The Designed-In Dangers of the AmericanAutomobile, New York, Grossman Publishers.

Narver J.C., Slater, S.F. (1990). “The Effect of a Market Orientation on BusinessProfitability”, Journal of Marketing, October, p. 20-35.

Nill, A.L. (2003). “Global Marketing Ethics: A Communicative Approach”, Journal ofMacromarketing, vol. 23, n° 2, p. 90-104.

Ozanne J.L., Dobscha S. (2006). “Special Session Summary: Transformative ConsumerCulture Theory?”, Advances in Consumer Research, vol. 33, p. 520-522.

Ozçaglar-Toulouse N., Cova B. (2010). « Une histoire de la CCT française : parcours etconcepts clés », Recherche et Applications Marketing, vol. 25, n° 2, 69-91.

Packard V. (1957). The Hidden Persuaders, New York, Pocket Books.Peñaloza L. et Price L.L. (1993). “Consumer resistance: A conceptual overview”, Advancesin Consumer Research, vol. 20, p. 123-128.

Pfeffer J. (2005). “Why Do Bad Management Theories Persist? A Comment on Ghoshal”,Academy of Management Learning & Education, vol. 4, n° 1, 96-100.

Pfeffer J., Fong C.T. (2002). “The End of Business Schools? Less Success Than Meets theEye”, Academy of Management Learning & Education, vol. 1, n° 1, p. 78-95.

Prahalad C.K. (2002). “Strategies for the Bottom of the Pyramid: India as a Source ofInnovation”, Reflections, vol. 3, n° 4, p. 6-17.

Prahalad C.K., Bettis R.A. (1986). The Dominant Logic: A New Linkage between Diversityand Performance, Strategic Management Journal, vol. 7, n° 6, p. 485-501.

Prahalad C.K., Ramaswamy V. (2000). “Co-opting Customer Competence”, HarvardBusiness Review, vol. 78, n° 1, p.79-87.

Pras B. (1999). « Les paradoxes du marketing », Revue française de gestion, n° 125, p. 99-111.Pras B. (dir.) (2009). Management: tensions d’aujourdhui, Paris, Vuibert, collection Fnege.Pras B. (dir.) (2009). Management : enjeux de demain, Paris, Vuibert, collection Fnege.Pras B. (2010). « Dirigeants, managers et enseignants-chercheurs : pour une ’rêve-évolution’

culturelle », Management et métier – Vision d’experts, Scouarnec A. (dir.), Caen, éditionsEMS, chap. 19, p. 219-232,

Roux D. (2007). « La résistance du consommateur : proposition d’un cadre d’analyse »,Recherche et Applications en Marketing, vol. 22, n° 4, 2007, p. 59-80.

Royer I., Gollety M. (1999). « La recherche en marketing en France et les attentes desentreprises », Faire de la recherche en marketing ?, Pras B. (dir.), Vuibert, Paris, p. 283-309.

Schor J. (2008). “Tackling Turbo Consumption”, Cultural Studies, vol. 22, n° 5, p. 588-598.

84 Revue française de gestion – N° 228-229/2012

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier

Page 28: La résilience du marketing

Shaw A.W. (1915). Some Problems in Market Distribution, Cambridge, Harvard UniversityPress.

Shugan S.M. (2007). “Does Good Marketing Cause Bad Unemployment?”, MarketingScience, vol. 26, n° 1, p. 1-17.

Stiglitz J.E. (2003). Quand le capitalisme perd la tête, Fayard, Paris. Tadajewski M. (2010). “Towards a History of Critical Marketing Studies”, Journal ofMarketing Management, vol. 26, n° 9-10, p. 773-824.

Tadajewski M., Maclaran P. (Eds.) (2009). Critical Marketing Studies, Three-volume set,Sage Publications Limited, Series, Sage Library in Marketing.

Thompson C.J. (1995). “The Ethics of Marketing: A Contextualist Proposal for theConceptualization and Study of Marketing Ethics”, Journal of Public Policy andMarketing, vol. 14, n° 2, p. 177-191.

Tybout J.R. (2000). “Manufacturing Firms in Developing Countries: How Well Do They Do,and Why?” Journal of Economic Literature, vol. 38, n° 1, p. 11-44.

Valette-Florence P., Ferrandi J.M., Roerich G. (2003). « Apport des chaînages cognitifs à lasegmentation des marchés », Décisions Marketing, n° 32, p. 31-43.

Vargo S.L. (2011). “From Micro to Macro: Stakeholders and Institutions”, Journal ofMacromarketing, vol. 31, June, p. 125-128.

Vargo S.L., Lusch R.F. (2004). “Evolving to a New Dominant Logic for Marketing”, Journalof Marketing, vol. 68, January, p. 1-17.

Volle P. (2011). « Marketing : comprendre l’origine historique », MBA Marketing, collectif,Eyrolles – Éditions d’Organisation, p. 23-45.

Walker B.H., Salt D. (2006). Resilience Thinking: Sustaining Ecosystems and People in aChanging World, Island Press, Washington, D.C., USA.

Webster F.E. (1992). “The Changing Role of Marketing in the Corporation”, Journal ofMarketing, vol. 56, October, p. 1-17.

Webster F.E. (1994). Market-driven Management, New York, John Wiley & Sons.Weld L.D.H. (1916). The Marketing of Farm Products, New York, McMillan.Werner E.E., Smith R.S. (2001). Journeys From Childhood to Midlife: Risk, Resilience andRecovery, Ithaca, NY, Cornell University Press.

Werner E.E. (2004). “What Can We Learn about Resilience from Large Scale LongitudinalStudies?”, Handbook of Resilience in Children, New York, Kluwer Academic/PlenumPublishers.

White P. (1921). Market Analysis, its Principles and Methods, New York, Mc-Graw-Hill.White P. (1927). Scientific Marketing Management: Its Principles and Methods, New York,Harper Brothers.

La résilience du marketing 85

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

CE

RIS

T -

-

193.

194.

76.5

- 2

5/10

/201

3 12

h47.

© L

avoi

sier

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - CE

RIS

T - - 193.194.76.5 - 25/10/2013 12h47. ©

Lavoisier