la ronde des pierres - e-monsite

126
J’espère que vous apprécierez cette nouvelle histoire malgré ses imperfections (je n’ai pas le temps pour l’instant de faire une relecture approfondie). N’hésitez pas à m’indiquer des fautes d’orthographe ou des incohérences sur le livre d’or (avec le numéro de la page, SVP). J’ai déjà ainsi fait de nombreuses corrections. Et surtout, savourez votre lecture loin des donneurs de leçons… Thalie

Upload: others

Post on 20-Jun-2022

2 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

J’espère que vous apprécierez cette nouvelle histoire malgré ses imperfections

(je n’ai pas le temps pour l’instant de faire une relecture approfondie).

N’hésitez pas à m’indiquer des fautes d’orthographe ou des incohérences sur

le livre d’or (avec le numéro de la page, SVP). J’ai déjà ainsi fait de nombreuses

corrections.

Et surtout, savourez votre lecture loin des donneurs de leçons…

Thalie

Page 2: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

I

Voilà, il n’y avait plus de marche arrière possible. Marcy observait avec

appréhension la façade en pierre blanche du manoir qui serait désormais sa maison.

Avait-elle pris la bonne décision ? Parviendrait-elle à redonner vie à la vieille

demeure familiale abandonnée depuis de si nombreuses années ? Elle était bien

incapable de répondre… Elle secoua la tête pour chasser ces idées noires. Elle devait

s’en tenir à son choix et se lancer dans cette nouvelle vie avec courage. Elle enfonça

la grosse clef dans la serrure rouillée de la grille, tourna la clef avec force puis poussa

le lourd et haut portail en fer forgé. Elle retourna à sa voiture et remonta l’allée de

gravier suivie par le camion des déménageurs qui venait d’arriver. Ils se garèrent

devant le perron.

- Belle demeure, Mademoiselle, s’exclama le déménageur en descendant de son

camion.

- Merci, sourit vaguement Marcy qui connaissait trop bien les désagréments de

ces belles et grandes maisons impossibles à chauffer et véritables gouffres

financiers.

Le manoir, qui appartenait à sa famille depuis des générations, était effectivement

une splendide bâtisse. Angelview était la plus vaste et la plus belle maison du village

d’Angelstone.

Les deux hommes vidèrent rapidement le maigre contenu du camion et eurent la

gentillesse de déposer chaque chose là où le demandait Marcy. Ils branchèrent même

le lave-linge et la télévision. Ils pensaient visiblement que la frêle jeune femme était

incapable de porter tout objet lourd. Il est vrai que Marcy était encore faible. Elle les

remercia chaleureusement et leur donna un généreux pourboire.

- Merci encore, et bon retour vers Londres.

- Merci, Mademoiselle. Cela va vous changer d’habiter ici !

- Certainement…

Page 3: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Enfin, si vous décidez de revenir vivre à Londres, vous avez notre numéro,

ajouta-t-il en riant, persuadé qu’elle s’ennuierait vite de la vie dans ce petit

village du West Yorkshire.

- Je n’ai plus envie de vivre à Londres.

Lorsque les deux hommes furent partis, elle décida de faire le tour de la maison

sans s’arrêter aux détails… Alors, elle redevint la petite fille qui, émerveillée,

pénétrait doucement dans le hall, montait les immenses escaliers en caressant la

douce rampe en bois, visitait les huit chambres de l’étage décorées chacune d’une

couleur particulière, montait au grenier aménagé en une immense salle de jeu, puis

redescendait en courant au rez-de-chaussée pour redécouvrir le bureau et son

immense bibliothèque, l’immense salle de réception, le salon et la cuisine si

accueillante. Si accueillante ? Oui, elle l’était, mais au temps où sa grand-mère

habitait ici. Maintenant, c’était une pièce pleine de poussière et de toiles d’araignées,

comme le reste de la maison d’ailleurs… « Cela n’est pas grave », murmura Marcy

en s’adossant à un mur, il suffit de tout nettoyer, de retirer les draps qui recouvrent

les meubles comme des fantômes... La maison était bien comme dans ses souvenirs

une magnifique demeure qui ne demandait qu’à revivre.

Elle alluma la télévision et se sentit moins seule. Elle sortit son agenda et décida

d’écrire ce qu’elle ferait chaque jour. On ne perdait pas de vieilles habitudes de

travail en un instant. Le lendemain était un mardi. Mardi, nettoyage de la cuisine et

de la chambre parme qui avait toujours était la sienne, mercredi nettoyage du salon,

jeudi, nettoyage du hall et de l’escalier et vendredi, vendredi ? On verrait bien ce

qu’il y aurait à faire. La maison sera déjà plus agréable. Pour aujourd’hui, se dit

Marcy, il faut absolument que je m’occupe de la salle de bain et de ma chambre pour

pouvoir dormir dans un lit propre.

Elle s’engagea dans l’escalier et entendit la voix de sa grand-mère « Ma princesse,

je t’ai préparé la chambre parme, je sais comme tu aimes la vue. Monte vite, il y a

une surprise… ». Et elle découvrait alors une poupée sur le lit ou un livre sur la

coiffeuse ou une magnifique robe pour jouer à la princesse. Sa gorge se serra. Tout

cela appartenait au passé. L’âme de cette maison s’était envolée et elle ne renaîtrait

Page 4: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

que le jour où Marcy fonderait à son tour une famille. Fonder une famille ? Elle ne

put retenir les larmes qui montaient à ses yeux. Elle éclata en sanglot et s’assit sur la

dernière marche de l’escalier. Elle ne pourrait plus fonder une famille, la blessure

était trop profonde. Après plusieurs longues minutes, les sanglots firent place aux

larmes et s’atténuèrent. Elle s’était habituée à ses crises de larmes. Le médecin

conseillé par Larry, ce cher Larry, l’avait rassurée, lui avait certifié qu’elles seraient

de plus en plus rares avec le temps. « Le temps guérit toutes les blessures. », avait dit

le docteur. « Sortir d’une dépression est un long combat. ». Marcy avait finalement

décidé de le croire et de ne plus prendre de calmants.

Elle entra dans sa chambre et défit le lit. Il faudrait amener le couvre-lit au

pressing mais elle pouvait laver les draps dans le lave-linge. Elle ouvrit la fenêtre

pour aérer et poussa un cri de stupéfaction. Sur la colline face à elle se dressait

désormais une habitation moderne. Même si elle devait convenir que la maison

s’intégrait parfaitement au paysage, elle fut amère de voir que le nouveau propriétaire

des terrains d’Angelview habitait si près.

Trois ans auparavant, Marcy et sa grand-mère avait dû se résigner à vendre la

majeure partie des terrains du manoir afin de pouvoir entretenir la maison et surtout

réparer l’ensemble de la plomberie. A cette époque, Marcy ne gagnait pas assez

d’argent pour de telles réparations. Les terrains et la forêt attenantes avaient alors été

vendu à Luke Taylor « un de ces nouveaux riches qui se croit tout permis » comme

disait sa grand-mère. Marcy et sa grand-mère n’avaient jamais rencontré l’acheteur

qui avait insisté jusqu’à la fin de la transaction pour acheter aussi le manoir. Elles se

trouvaient ce jour-là chez leur notaire avec l’avocat qui représentait Luke Taylor qui

vivait aux Etats-Unis. Cet homme fit aussitôt mauvaise impression aux deux femmes

qui le surnommèrent par la suite en signe de dérision le « croque-mort »…

- Monsieur Taylor est prêt à vous faire une très très bonne proposition.

- Je vous le dis pour la dernière fois, prononça fermement la vieille femme, c’est

hors de question. Angelview appartient à ma famille depuis 1733 et jamais,

jamais nous ne vendrons le manoir. Est-ce que je me suis bien faite

comprendre ?

Page 5: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui, Madame, avait répondu platement l’avocat, étonné de voir une telle

rébellion chez la vieille dame.

Marcy poussa un soupir en repensant à cette scène. C’était à elle désormais de

s’occuper du manoir et de tout faire pour qu’il reste dans la famille. La famille…

Quelle famille ? Elle était seule au monde désormais, sans parents, sans oncles ni

tantes ni cousins… Non seulement elle était seule au monde mais surtout elle était

incapable de fonder une famille car pour cela il faudrait faire confiance à un

homme… Elle mit ses mains sur son visage comme pour effacer ces pensées

funestes. Elle regarda à nouveau la maison neuve. Ainsi Monsieur Taylor avait

décidé de faire construire une maison. Elle semblait immense. Habitait-il ici ou y

venait-il quelques jours par an ? Elle haussa les épaules en se demandant pourquoi

elle se posait tant de questions sur un inconnu. Un inconnu qu’elle détestait pour sa

suffisance, son arrogance. Un inconnu qui se croyait tout permis car il avait de

l’argent. Dès la mort de sa grand-mère l’année précédente, il avait chargé son avocat

de la convaincre de vendre. Que ferait-elle d’une si grande demeure si loin de

Londres ? Comment pourrait-elle entretenir le manoir ? Quel dommage de laisser une

si belle maison à l’abandon… Excédée, elle avait fini par ne plus prendre les appels

du « croque-mort ». Cependant, il avait réussi à la faire douter. Peu à peu Marcy se

demanda s’il était bien raisonnable de garder Angelview alors qu’elle avait de moins

en moins le temps de s’y rendre. Insidieusement, par l’intermédiaire du notaire de

Marcy, Luke Taylor revenait régulièrement à la charge, avec des propositions de plus

en plus intéressantes. En se souvenant de tout cela, Marcy n’était pas très fière d’elle-

même. Quelques jours avant son agression, elle avait accepté une rencontre avec le

« croque-mort » chez son notaire. Elle avait quasiment décidé de vendre. Elle serait

ainsi libre de mener sa vie à sa guise et pourquoi pas de partir aux Etats-Unis. Mais le

destin en avait décidé autrement. Pendant les jours qui suivirent son agression, elle

réalisa qu’elle devait changer radicalement de mode de vie car elle était désormais

incapable de poser et de mettre en avant son physique. Elle n’avait qu’une envie, se

cacher et fuir les autres. Pour cela, Angelview serait le refuge parfait. Comment

avait-elle pu songer à le vendre ? Comment avait-elle pu envisager de trahir ainsi sa

Page 6: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

famille et ses origines ? Elle appela donc l’avocat de Luke Taylor pour lui annoncer

qu’elle annulait leur rendez-vous. Ses paroles résonnaient encore en elle.

- Comment ? Qu’espérez-vous ? Notre offre est déjà inespérée et vous le savez

parfaitement. Arrêtez vos enfantillages et décidez-vous une fois pour toute.

- Je ne vous appelle pas pour obtenir une meilleure offre, Monsieur Smith. Je

vous informe simplement qu’Angelview n’est pas et ne sera jamais à vendre.

- Cela suffit. Ce n’est qu’une question d’argent. Monsieur Taylor veut

Angelview et il l’aura !

- Vous direz de ma part à Monsieur Taylor que ma maison restera toujours ma

maison et que cela n’a pas de prix. Au revoir, Monsieur.

Elle raccrocha alors, furieuse. Pour qui se prenait-il ce Luke Taylor ? Sans doute

était-il de la race des Pricetown qui sont prêt à tout pour obtenir ce qu’ils veulent,

même prêt à la violence, même prêt au viol… Elle haïssait ce Taylor presque autant

que Pricetown désormais. Elle se battrait pour conserver Angelview tout comme elle

s’était battue pour que Pricetown ne parvienne pas à ses fins.

Page 7: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

II

Vers quatre heures du matin, Marcy se réveilla en hurlant. Elle avait à nouveau

fait un cauchemar, le même cauchemar qui la poursuivait depuis deux mois. Elle

avait espéré qu’elle passerait de meilleures nuits dans la maison de son enfance.

Visiblement, fuir Londres ne suffisait pas à la guérir de sa blessure… Malgré elle,

elle repensa à sa vie passée.

Il y a deux mois encore, à la fin du mois d’Août, jamais Marcy n’aurait

imaginé qu’elle quitterait Londres et la vie qu’elle y menait. Tout lui souriait alors...

Elle était de plus en plus demandée dans le milieu de la mode. Sa carrière avait

commencé lorsqu’elle avait seize ans d’une curieuse façon. A l’époque, elle ne rêvait

que d’une chose, faire carrière dans le monde de la danse et intégrait une troupe de

comédies musicales. Lorsqu’elle avait eu treize ans, sa mère avait décidé de

déménager à Londres. Elle ne pouvait plus vivre au manoir entourée des souvenirs de

sa vie passée. Marcy avait alors intégré une prestigieuse académie de danse moderne.

Elle adorait danser et ne reculait jamais devant l’effort. Lorsqu’elle participait à un

spectacle, elle oubliait alors toutes les souffrances, toutes les répétitions…

Lorsqu’elle eut seize ans, sa mère l’autorisa à participer à des castings à condition

qu’elle continuât de faire sérieusement ses études. Un jour, elle apprit que « Dirty

Dancing » allait être monté dans un des célèbres théâtres du West End Theatre de

Londres. Elle travailla sans relâche pour être prête le jour du casting. Elle répéta,

répéta, répéta des semaines durant la danse pour les sélections des seconds rôles. Son

professeur était confiant, il lui dit qu’elle avait toutes ses chances…

Elle se rendit au casting sûre d’elle, sûre en ses chances, sûre d’être choisie…

Quel orgueil ! Il est vrai qu’elle dansa parfaitement mais…

Les danseuses étaient en ligne sur scène et le metteur en scène disait le numéro de

celles qui pouvaient s’avancer car elle était choisie pour la suite de l’audition. Marcy

était le 7.

Page 8: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Numéro 2, numéro 5, numéro 9, numé…

Mais elle n’entendait plus rien. Pourquoi ? Pourquoi ne l’avait-il pas appelée ? Sa

déception était telle qu’elle quitta aussitôt la scène et arrivée en coulisse, elle éclata

en sanglots.

- Ne pleure pas, c’est un de tes premiers castings, y en aura plein d’autres, lui dit

une des filles en lui tendant un mouchoir en papier.

Mais Marcy ne comprenait pas cet échec. Elle ne pouvait danser mieux, elle ne

pouvait faire plus.

En sortant, elle croisa le metteur en scène. Elle le regarda droit dans les yeux et lui

demanda d’une voix ferme :

- Pourquoi ?

- Mon cœur, tu es trop grande. Tu dépasses tous les danseurs.

Stupéfaite, Marcy resta un instant immobile, la bouche ouverte, incapable de

prononcer une parole tandis que le metteur en scène s’éloignait en haussant les

épaules.

Trop grande… Trop grande !!! Que faire contre cela ? Elle ne pouvait pas

rapetisser ! S’il lui avait dit qu’elle dansait mal, elle aurait redoublé d’effort. S’il lui

avait dit qu’elle était blonde, elle se serait teinte en brune, mais là, il n’y avait rien à

faire ou plutôt qu’une chose, accepter le fait qu’elle était trop grande pour devenir

danseuse professionnelle. Sans doute s’était-elle jusque-là cacher la vérité. Il était en

effet évident qu’elle était trop grande avec ses 1m 79... Découragée, Marcy sortit sur

le trottoir, des larmes plein les yeux. Qu’allait-elle faire ? La danse était sa seule

passion. Elle heurta alors un homme qui se trouvait sur le trottoir.

- Pardon, murmura-t-elle machinalement.

- Y’a pas de mal, Mademoiselle.

Elle continua d’avancer mais l’homme la retint par la manche.

- Eh ! Lâchez-moi ! s’indigna-t-elle.

- Attendez, Mademoiselle, n’ayez pas peur. Je travaille ici, dit-il en désignant

l’enseigne d’une grande agence de mannequin de Piccadily qui se trouvait à

Page 9: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

côté du théâtre où Marcy venait de passer son audition. Tenez, c’est ma carte,

appelez-moi, s’il vous plaît, je suis sûr que vous pouvez devenir mannequin.

- Ah oui, vraiment, répondit Marcy sèchement. Et vous ne me trouvez pas trop

grande, vous ?

- Pardon ? demanda le jeune homme avec perplexité. On n’est jamais trop grand

pour être mannequin ! ajouta-t-il en haussant les épaules.

Marcy le regarda alors pour la première fois. L’homme avait une trentaine

d’années et avait l’air un brin excentrique avec ses habits colorés et ses cheveux

en brosse. Non il ne semblait pas être un dragueur qui accoste les filles dans la

rue. Il semblait sérieux et à la réflexion il avait peut-être raison. Elle tendit la main

et saisit la carte lentement.

- Vous m’appellerez, hein ? demanda-t-il en souriant légèrement. Je m’appelle

Larry, Larry Lance.

- Oui.

- Promis ?

- Promis.

Et c’est ainsi que Larry devint son ange gardien dans ce métier de requin, et c’est

ainsi qu’elle devint sa protégée préférée. Cher Larry, elle lui devait tant…

Il crut en elle dès le départ. Au début, elle devait courir les castings et elle

décrochait de petits contrats qui lui permettaient de vivre tout en continuant ses

études. Elle avait promis à sa mère de passer son bac et elle tint sa promesse. Mais sa

maman était morte peu de temps après cette rencontre avec Larry. Son cœur n’avait

pas résisté aux calmants qu’elle prenait depuis la mort de son mari. Larry aida Marcy

à surmonter son chagrin et à accepter le fait qu’elle était désormais orpheline. Il ne lui

restait que sa grand-mère qu’elle allait voir le plus souvent possible dans le

Yorkshire. De défilés en défilés, de campagnes publicitaires en campagnes

publicitaires, Marcy devint un top model réputé d’Angleterre sous son véritable

prénom, Marcia.

Page 10: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Tu comprends, ma chérie, avait décrété Larry, il y a déjà Marcy Marshall. Tu

dois avoir un prénom unique et Marcia c’est parfait. Cela fait… femme

fatale…

Marcy avait accepté de bonne grâce car cela lui permettait de protéger sa vie

privée. Puis, à dix-neuf ans, sa carrière s’envola grâce à un reportage télévisé. Elle

devait défiler pour un célèbre joaillier et portait une rivière d’émeraude d’une beauté

stupéfiante. Le joaillier s’approcha d’elle et murmura :

- Je ne devrai pas le dire devant les caméras, mais avec des yeux aussi

magnifiques que les vôtres, il n’est pas nécessaire de porter de joyaux, aussi

somptueux soient-ils.

La caméra avait alors fait un gros plan sur les grands yeux verts de Marcy et de ce

jour-là les médias la surnommèrent Jewel. Elle signa des contrats de plus en plus

importants et à vingt ans, elle faisait désormais partie des mannequins les mieux

payés d’Angleterre.

Oui tout lui souriait en cette fin d’été. Elle envisageait même, grâce à son meilleur

ami, Jason, une reconversion dans la chanson… Mais tout cela allait s’écrouler à

cause d’un homme, à cause de Pricetown.

C’était un vendredi soir, un vendredi banal où les mannequins vedettes des

agences londoniennes étaient conviées à une grande fête organisée par une des

sociétés de James Pricetown. Marcy connaissait personnellement James car leur

famille avait de lointains liens de parenté et régulièrement, tout au long de son

enfance, sa mère et elle avaient été invitées chez les Pricetown qui possédaient un

magnifique domaine près de Leeds. Elle s’était toujours méfiée de lui, de son air

hautain d’aristocrate, de sa vanité, de sa manière de vous faire sentir que vous êtes

inférieur… Mais aujourd’hui, elle n’allait pas à cette soirée comme une lointaine

parente désargentée mais comme la célèbre Marcia. Larry lui avait apporté une robe

de grand couturier et lui avait rappelé en souriant : « Elle est à toi si tu es en photo

dans un magazine à la page people ». La soirée avait lieu dans un château de style

victorien illuminé de mille feux à l’occasion de ce bal.

Page 11: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Elle entra avec Larry dans la salle de réception mais très vite il partit pour parler à

d’autres filles de l’agence. Marcy refusa une coupe de champagne – elle n’aimait pas

l’alcool en général – et décida de rejoindre un couple d’amis lorsque Pricetown

l’attrapa par le bras.

- Bonsoir Marcy, tu es, susurra-t-il en laissant son regard se promener sur sa

poitrine, … resplendissante.

- Merci, murmura la jeune fille en se demandant comment un homme marié

pouvait se comporter ainsi en public.

- Enfin je devrais dire Marcia. Tu n’as plus rien à voir avec la petite Marcy.

Viens danser.

- Ecoutez, je…

Il serra un peu plus fort le bras de la jeune fille et siffla :

- Je suis ton hôte Marcy. Tu as tout à gagner à danser avec moi…

Marcia frémit sous l’allusion mais le suivit car elle ne voulait pas faire

d’esclandre. La valse lui parut durer mille ans et la manière dont la tenait son cavalier

la mettait de plus en plus mal à l’aise. A la fin de la danse, Marcy réalisa soudain que

Pricetown l’avait entraînée vers un autre salon plus désert. Il la saisit vivement par le

bras, la tira vers une porte, la fit entrer dans une pièce et referma la porte à clef

derrière lui. Un éclat de rire éclata derrière elle et elle aperçut alors Berckely, le

meilleur ami de Pricetown, assis sur un canapé à moitié ivre.

- Enfin… Cela fait longtemps que l’on pense à toi Marcia, dit Berckely en

s’approchant.

Marcy comprit aussitôt qu’elle était en danger.

- Je voudrais retourner dans la salle de réception, s’il vous plaît.

Pricetown et Berckely se mirent à rire.

- Je voudrais retourner dans la salle de réception, répéta Pricetown en imitant la

voix de la jeune fille. Ma chère, il va falloir apprendre pourquoi l’on fait ce

genre de réception.

- Je ne comprends pas.

Page 12: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Pourquoi crois-tu que l’on fasse venir les plus belles filles, dans les plus belles

robes avec les plus beaux bijoux ? demanda-t il d’une voix basse en lui

caressant les bras tandis que Berckely se tenait derrière elle et mettait ses mains

sur ses hanches.

- Arrêtez ! cria Marcy en se débattant.

- Pourquoi ? répéta-t-il plus fort en la rattrapant et en la serrant contre lui.

- Vous me faites mal !

- Je vais répondre si tu ne le sais pas. On fait cela pour passer un agréable

moment en bonne compagnie. Tes collègues ne te l’ont pas dit ?

- Vous vous trompez. Je ne sais pas ce que vous êtes allés vous imaginer mais

nous ne sommes pas des call-girls.

- Crois-tu ? Tu es bien naïve. La dernière fois, c’était le tour de Laura.

- Laura ? répéta Marcy en pensant à son amie.

- Mais aujourd’hui, je veux une fille moins facile. Personne que je connais n’a

couché avec toi. Alors j’ai parié que je serai le premier.

- Et moi le deuxième, ajouta Berckely.

- Ça suffit, cria Marcy en les repoussant de toutes ses forces.

- Je n’ai jamais perdu un seul de mes paris, rétorqua Pricetown en l’attrapant par

les épaules pour la faire basculer sur un canapé en cuir.

Berckely s’approcha et tenta de lui faire boire de force une coupe de champagne.

Elle se débattit et le verre en cristal s’écrasa à terre en mille morceaux.

- Quel gachis ! Un si bon champagne ! fit Berckeley en riant grassement.

Marcy luttait de toutes ses forces, tournant la tête à droite puis à gauche pour

essayer d’échapper aux baisers de Pricetown. Mais elle luttait en vain. Il parvint à

prendre sa bouche. En sanglot, Marcy sentait la nausée l’envahir. Elle se souvint des

cours de self-défense qu’elle avait pris quelques années auparavant mais il aurait fallu

les mettre en pratique plus tôt, lorsqu’elle était encore debout. Maintenant, il était

trop tard. Pricetown était trop fort et il la maintenait sur le canapé avec le poids de

tout son corps. Marcy se sentit perdue lorsqu’il retira son pantalon et son caleçon

Page 13: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

sous les rire de Berckeley. C’était un cauchemar. Elle hurla de toutes ses forces mais

déjà il reposait sa bouche sur la sienne pour étouffer son cri.

Tout à coup elle fut libérée. Quelqu’un avait attrapé Pricetown et l’avait jeté à

terre.

- C’est fini, Marcy, je suis là, dit Larry, ce cher Larry, en la serrant contre lui.

Larry était entré par une des portes-fenêtres.

- Fous le camp Lance, hurla Pricetown.

- La ferme, répondit Larry. N’approchez plus une seule de mes filles, vous avez

compris. Je porterai plainte, je n’ai pas peur de tes avocats véreux, Pricetown,

j’aurai la presse avec moi.

- Foutez-le camp, tous les deux.

- Avec plaisir, et plus aucunes des filles de l’agence ne participera à une de tes

foutues réceptions.

- Je vais la mettre par terre ton agence.

- Ne te surestime pas.

Larry et Marcy sortirent discrètement et Larry raccompagna Marcy chez elle. Cela

s’était passé deux mois plus tôt mais Marcy avait l’impression d’être à jamais

prisonnières des deux hommes. Depuis, chaque nuit, elle faisait des cauchemars et

seuls les somnifères parvenaient à les atténuer.

Recroquevillée dans le grand lit de son enfance, les yeux grands ouverts,

tremblante, Marcy n’osait plus bouger. Elle devait trouver la force et la volonté

d’oublier pour mener une nouvelle vie, ici, à Angelstone… Pour l’instant, elle s’en

sentait incapable et pour ne pas rester ainsi hébétée, elle avala deux comprimés et se

rendormit dans un sommeil illusoire mais sans rêve…

Le lendemain matin, il faisait beau mais Marcy n’avait aucune envie de profiter de

cette belle journée pour se promener et redécouvrir les paysages d’Angelstone. Elle

préférait s’en tenir à son programme et elle commença donc à nettoyer le manoir. Elle

Page 14: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

débuta comme prévue par l’immense cuisine. Le mobilier était somme toute vieillot

mais donnait du charme à la pièce. Il lui fallut des heures pour lessiver les murs, le

plafond et le sol puis l’ensemble des meubles. A la fin de la journée, elle avait

terminé la pièce mais sa chambre devrait attendre le lendemain. Marcy devait se

rendre à l’évidence : le nettoyage du manoir prendrait plus de temps que prévu mais

cela ne la gênait pas. En cette fin de journée, elle se sentait exténuée et incapable de

penser à ses problèmes. Cela était tout ce qu’elle recherchait.

Elle allait monter se doucher lorsqu’elle entendit résonner le heurtoir de la porte

d’entrée. Qui cela pouvait-il bien être ? Elle était toute sale après cette journée de

ménage. Elle n’avait guère envie d’aller ouvrir, en jogging, poussiéreuse et les

cheveux enroulés en un chignon qui n’avait plus de forme. Elle décida de ne pas

répondre mais le heurtoir se mit à résonner de plus belle et sans interruption. Marcy

poussa un soupir d’exaspération. Qui pouvait se comporter de la sorte ? Ne pouvait-

on pas la laisser tranquille ? Elle se dirigea vers l’entrée avec colère et ouvrit

brutalement la lourde porte en bois du manoir. Elle se retrouva alors nez à nez avec

un homme d’une trentaine d’années vêtu d’un costume gris bleu de grande qualité.

Marcy resta figée par la surprise un instant et face au regard perplexe du visiteur, elle

se sentit encore plus sale et plus misérable.

- Qui êtes-vous ? demanda l’homme d’une voix grave.

- Pardon ? s’exclama Marcy devant son toupet.

- Cette maison est inoccupée depuis des années mais ne croyez pas que je vais

laisser des squatteurs s’y installer !

- Des squatteurs ? Mais qu’est-ce que vous racontez ? Je suis la propriétaire.

- La propriétaire, voyez-vous ça, ajouta-t-il en la regardant d’un air narquois.

- Je m’appelle Marcy Stoneway, cette maison est dans ma famille depuis des

générations et si vous ne me croyez pas, cela n’est pas important. Sachez que

pour moi, l’habit ne fait pas le moine et ce n’est pas parce que vous portez un

costume de plusieurs milliers de livres que vous êtes à mes yeux quelqu’un de

respectable.

Page 15: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Vraiment ? Et bien je peux vous assurer que je suis une personne au moins

aussi respectable que vous, Mademoiselle. Je vous prie de m’excuser pour mon

intrusion mais je craignais vraiment que la maison devienne un squat car vous

l’avez laissée à l’abandon depuis de nombreuses années.

- Je n’ai jamais laissé à l’abandon Angelview ! Et puis, d’abord, qui êtes-vous ?

- Luke Taylor.

- Luke Taylor ! répéta Marcy sous le choc de cette première rencontre avec son

voisin le plus proche. Ecoutez-moi bien, Monsieur Taylor. Vous avez acheté

les terres d’Angelview et seulement les terres. Le manoir restera toujours la

propriété de ma famille. Alors, ne vous occupez plus de savoir qui y habite, et

sortez immédiatement de chez moi.

- Comment osez-vous…

- Sortez, vous n’êtes pas le bienvenu chez moi. J’abhorre les personnes de votre

espèce qui pensent qu’elles peuvent tout s’offrir avec de l’argent. Je ne suis pas

à vendre, entendez-vous ?

- Je vous entends parfaitement, vous n’avez pas besoin d’hurler et d’agir comme

une hystérique ! Vous feriez mieux d’user vos forces à restaurer cette bâtisse

qui a été trop longtemps abandonnée !

- Que croyez-vous que je sois en train de faire ? Du jogging ?

Sur ces mots, Marcy claqua la porte au nez du visiteur. Elle entendit ses pas sur le

gravier s’éloigner. Il était visiblement aussi furieux qu’elle. Voilà donc à quoi

ressemblait le fameux Luke Taylor… Imbu de lui-même et de ses pouvoirs comme

elle se l’était imaginé… Mais il était aussi plus jeune… Il était aussi très séduisant…

Marcy ferma les yeux un instant et revit aussitôt le visage harmonieux de cet homme,

ses yeux gris-bleus, ses cheveux châtains, son corps athlétique, son charisme…Une

vraie revue de mode, ce Luke Taylor… Marcy rouvrit les yeux et secoua la tête. Cet

homme était de la même race que les Pricetown et Berckeley : il estimait que tout lui

était dû et elle devait rester sur ces gardes pour ne pas tomber dans les pièges qu’il

allait lui tendre. Elle savait au fond d’elle-même qu’il serait prêt à tout pour lui

prendre Angelview. Il est de ces hommes qui n’acceptent jamais une défaite…

Page 16: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Marcy poussa un long soupir et monta se doucher. Sous le jet de l’eau chaude,

elle se sentait revenir à la vie, redevenir propre, redevenir celle qu’elle avait été

avant… avant l’agression. Mais dès qu’elle arrêtait le jet d’eau, son mal-être

retombait sur elle comme une chape de plomb… Cela faisait deux mois que cela

durait et la douleur ne s’atténuait pas… Marcy se sentit désespérée… Elle s’écroula

sur le sol de la salle de bain et se mit à pleurer. Pas une journée ne passait sans

qu’elle ne fasse une crise de sanglots…

Une fois calmée, Marcy redescendit à la cuisine et fut réconfortée de voir que

la pièce avait retrouvé son charme. Elle observa la pièce avec satisfaction : nettoyés,

les murs beiges et la grande cheminée mettaient en valeur la salle et lui avaient rendu

son esprit accueillant. La grande table en bois n’attendait que de nouveaux occupants.

Marcy haussa les épaules en pensant qu’elle mangerait ici seule, désespérément seule.

Manger était d’ailleurs un bien grand mot : elle ne se nourrissait que de quelques

sandwiches par jour et ne prenait aucun dessert. Elle avait perdu l’appétit et le goût

des choses. Elle n’avait jamais été aussi mince, elle était même devenue maigre. En

tant que mannequin, la jeune femme avait toujours refusé les régimes draconiens : sa

santé passait avant son travail. Elle avait pourtant réussi à imposer son visage, son

sourire et surtout son regard malgré les critères draconiens de la mode qui recherchait

des jeunes filles squelettiques. C’était un comble qu’elle soit devenue aussi maigre

une fois sa carrière arrêtée ! Un maigre sourire désabusé effleura son visage. Il était

évident que Luke Taylor avait imaginé une propriétaire plus resplendissante pour

Angelview. La Marcy des défilés n’aurait certainement pas été confondue avec une

squatteuse… Ses cheveux étaient toujours propres et coiffés, ses ongles entretenus,

son regard mis en valeur… Marcy courut devant l’immense miroir de l’entrée du

manoir et s’observa attentivement. Malgré son pyjama, elle était toujours aussi

gracieuse mais il est vrai qu’elle s’était négligée. Une fois le ménage du manoir

terminé, elle reprendrait soin d’elle. Elle releva le menton fièrement : Pricetown

n’allait pas la détruire, elle redeviendrait peu à peu la jeune fille pleine de vie et de

rêves qu’elle était auparavant.

Page 17: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Cette sage résolution prise, elle retourna à la cuisine et avala rapidement deux

sandwichs faits de pain de mie et de jambon… Les provisions diminuaient. Dès le

lendemain il lui faudrait se rendre au village et affrontait les questions des

villageois…

Page 18: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

III

Le lendemain matin, après une nouvelle nuit agitée, Marcy décida de nettoyer

sa chambre à fond avant de se rendre au village. La pièce était immense, comme

toutes les pièces du manoir d’ailleurs… Une fois les murs et le sol lessivés, elle

nettoya la coiffeuse et la penderie. Elle n’avait pour l’instant rangé que le linge de

tous les jours. Elle n’avait pas encore la force de déballer les robes et tenues offertes

par les marques pour lesquelles elle avait travaillé. Elle retrouva des objets de son

enfance avec bonheur et nostalgie, en particulier ses peluches et jouets préférés. Le

Manoir ne demandait qu’à revivre. Chaque fois que le regard de Marcy s’échappait

par la fenêtre, elle apercevait la demeure de Luke Taylor et grinçait des dents. La

maison dominait la vallée et symbolisait aux yeux de tous le pouvoir de cet homme.

Face à cette somptueuse demeure neuve qui devait avoir tout le confort envisageable,

Marcy repensa alors à ses soucis d’argent…

Après la terrible soirée durant laquelle Berckely et Pricetown l’avait agressée,

Marcy avait aussitôt pris la lourde décision d’arrêter le mannequinat.

- Réfléchis Marcy, répéta Larry avec douceur. Tu es jeune, ta carrière ne fait que

commencer et tu as tous les atouts pour faire une très grande carrière.

- Je ne peux plus, Larry. Je me sens sale, je ne supporte plus le regard des gens

sur moi, surtout le regard des hommes. J’ai l’impression de les tenter, de leur

donner le droit de m’agresser.

- Mais non, voyons. Rien n’est de ta faute. C’est Pricetown qui est un détraqué.

Tu as le droit d’être belle et de le montrer !

- Je ne peux plus Larry, je suis désolée. J’ai besoin de partir loin d’ici, de

changer de vie…

- Et Jason ? Il compte sur toi…

- Non, c’est fini. Je lui ai déjà dit que je ne voulais pas que le clip soit diffusé.

- Quel gâchis !

Page 19: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Au début de l’été, le meilleur ami de Marcy, le célèbre chanteur Jason Barnes, lui

avait proposé de faire un duo avec lui. Ravie de retrouver le milieu artistique, Marcy

s’était lancée dans l’aventure avec enthousiasme. Jason était américain mais il avait

passé toute son adolescence à Londres. Voisins, les deux ados étaient devenus les

meilleurs amis du monde car ils partageaient la même passion pour la danse. Jason

avait été le premier à l’embrasser, mais cela n’avait pas été plus loin. Ils étaient

depuis les meilleurs amis du monde et Marcy était fière du succès du jeune auteur

compositeur qui jouait de plus remarquablement de la guitare. Le duo qu’ils avaient

enregistré ensemble était un dialogue entre deux amoureux qui n’osaient pas s’avouer

leurs sentiments respectifs. Ils avaient même tourné un clip vidéo en juillet mais, sur

l’insistance de la jeune femme qui ne se sentait plus capable d’affronter la notoriété,

Jason avait demandé que le clip ne soit pas diffusé. Lorsque l’album sortirait, le duo

serait une chanson parmi d’autres et ne ferait l’objet ni de publicité et ni de

promotion.

- Quel gâchis, répéta Larry. Tu allais connaître le succès dans la chanson et le

mannequinat. Tu allais commencer une grande carrière. Je n’accepte pas que

tout soit fini à cause d’un salaud comme Pricetown !

- Je sais, je sais, mais pour l’instant, j’ai besoin de calme et de me reconstruire.

J‘ai gagné assez d’agent pour vivre correctement pendant plusieurs années.

Ensuite, je trouverai bien une nouvelle voie.

- Je l’espère, mais tu sais que tu as toujours ta place dans l’agence.

- Non, Larry, je t’assure, je ne veux plus poser. C’est définitif. Peux-tu

demander à ton ami banquier de me faire le chèque de la totalité de ce que

j’avais déposé chez lui ?

- Je le lui ai déjà demandé. Je vais le rappeler car il m’avait promis que tu aurais

l’argent rapidement.

Cependant, les jours passèrent et l’ami banquier de Larry ne donnait toujours pas

de nouvelles. Larry demanda alors lui aussi à récupérer l’argent qu’il avait placé et on

découvrit que le banquier avait escroqué de nombreux clients. Marcy apprit avec

Page 20: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

désespoir que les neuf dixièmes de l’argent qu’elle avait placé avait disparu. Il en

était de même pour Larry…

- Je suis désolé, ma chérie, c’est de ma faute. Je vais te rembourser dès que je le

pourrai.

- Mais non, Larry, je sais que tu es de bonne foi et tu as perdu encore plus que

moi.

- Mais tu as besoin de cet argent.

- Ne t’en fais pas, je me débrouillerai. Je vais tout de suite quitter Londres car

mon loyer est énorme. Je m’installerai à Angelview dès la fin du mois

d’octobre et je chercherai ensuite un travail. J’ai de quoi attendre quelques

mois.

- Je m’en veux terriblement.

- Arrête, sans toi, je n’aurai jamais fait une telle carrière et je garde de

merveilleux souvenirs, surtout nos voyages…

- Tu es trop gentille, ma chérie, et n’oublie pas que je serai toujours là pour toi.

- Je le sais Larry.

Marcy secoua la tête et son regard revint sur la demeure de Taylor. Elle réalisa

alors que ce ne serait pas si facile de garder Angelview car sa situation financière

était fragile. Au moindre problème, elle risquait de tout perdre. Elle lutta contre les

larmes qui montaient à ses yeux mais elle ne put les empêcher de couler.

Rageusement, elle s’essuya les yeux. Assez, assez, elle en avait assez de pleurer ainsi

chaque jour ! Il fallait que cela cesse.

Elle termina rapidement le ménage de la pièce puis se prépara pour aller au

village. Elle passa un jean serré et un pull-over marron ajusté qui faisait ressortir la

finesse de sa taille. Elle enfila de longues bottes noires à talon haut et se sentit

aussitôt plus féminine. Elle coiffa ses longs cheveux dorés et les laissa libres sur ses

épaules. Elle appréhendait cette première visite dans le village où tout le monde serait

curieux de savoir ce qu’elle était devenue après toutes ces années passées à Londres.

Angelstone était un petit village à quinze kilomètres de Leeds. On y trouvait

quelques commerces dont une grande épicerie tenue par les Walkers. Leur fils, Ted,

Page 21: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

était un ancien camarade de classe de Marcy. La jeune femme gara sa voiture sur le

parking de l’épicerie et entra avec appréhension dans le magasin. Rien n’avait changé

ou presque. Ici aussi le temps semblait s’être arrêté. Elle repensa à sa grand-mère qui

venait faire là ses courses tous les jours. Son panier rempli, elle se dirigea vers la

caisse et reconnut aussitôt Mme Walker.

- Bonjour.

- Bonjour, répondit la commerçante machinalement.

Puis son regard s’éclaira et elle s’exclama :

- Marcy !

- Oui, c’est bien moi.

- Quel plaisir de te revoir ! Tu es en vacances ?

- Non. J’ai décidé de revenir vivre à Angelview.

- Vraiment ? Mais que va faire une belle jeune fille comme toi ici ?

- Je ne sais pas. Je n’ai plus envie de vivre à Londres.

- C’est Ted qui va être content de te revoir !

- Que devient-il ?

- Il a repris le garage de mon père. Tu sais comme il est fou des voitures !

- Oui, je m’en souviens. Il collectionnait toutes les voitures miniatures.

- Et il continue mais en grandeur nature, se mit à rire Mme Walkers.

Marcy bavarda encore un peu avec elle puis prit congé. Finalement, ce n’était pas

si difficile de répondre aux questions des habitants d’Angelstone… Il lui suffirait de

rester évasive. Elle se rendit ensuite au bureau de poste pour remettre en route sa

ligne téléphonique et internet. Elle se sentirait ainsi moins seule et elle pourrait

chatter avec Larry et Jason. Distraite, en sortant du bureau de poste, elle trébucha sur

une marche en pierre et heurta un homme qui venait dans le sens opposé.

- Pardon, dit-elle machinalement.

- Vous devriez faire plus attention, répondit l’homme. Vous risquez de vous

casser une jambe avec de tels talons !

Marcy releva la tête et reconnut Luke Taylor qui la détaillait des pieds à la tête.

- Mêlez-vous donc de vos affaires !

Page 22: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Toujours aussi aimable à ce que je vois. Vous devriez prendre des cours de

savoir-vivre, Mademoiselle.

- Et vous de galanterie !

Furieuse, Marcy lui tourna le dos et partit en direction de sa voiture. Elle sentait le

regard du jeune homme sur elle et elle pria pour ne pas tomber : de part son métier,

elle avait naturellement l’habitude de marcher avec de si haut talons mais elle savait

aussi qu’un faux pas pouvait avoir lieu à tout moment, surtout sur un trottoir de

village… Elle s’assit dignement dans le cabriolet rouge et démarra en trombe sous le

regard moqueur du jeune homme. …. Au bout de quelques minutes, elle commença à

se calmer et à rouler moins vite. Le cabriolet, seul luxe qui lui restait de sa vie

londonienne, ne demandait qu’à rouler plus vite et elle devait faire attention à ne pas

provoquer d’accident. Toutefois, au bout de quelques kilomètres, un voyant rouge

s’alluma sur le tableau de bord puis une fumée s’échappa du moteur.

- Oh non, s’exclama Marcy. Il ne manque que cela !

La voiture n’était plus toute récente mais Marcy ne s’attendait pas à une panne

aussi soudaine. Anxieuse, elle s’arrêta sur le bas-côté pour téléphoner. Comble de

malchance, son portable n’avait plus de batterie ! Elle ne l’avait pas rechargé depuis

son départ de Londres car elle n’attendait aucun appel et ne désirait appeler personne.

- Quelle idiote, pesta-t-elle contre elle-même.

Il ne lui restait plus qu’à attendre qu’un automobiliste s’arrête pour l’aider. Elle

sortit de la voiture et s’adossa contre le capot. Peu de temps après, elle aperçut un 4/4

qui arrivait à vive allure. Elle comprit aussitôt que ce véhicule luxueux et tape-à-l’œil

ne pouvait appartenir qu’à Luke Taylor. Elle baissa la tête à son passage, soulagée de

constater qu’il ne s’arrêtait pas. Mais le conducteur freina brusquement, fit marche

arrière et se gara devant le cabriolet rouge. Luke Taylor sortit calmement de son

véhicule, un sourire en coin comme à son habitude.

- Vous êtes en panne ?

- Quelle perspicacité !

- Je n’avais pas envie de m’arrêter et je vois que j’avais raison. Vous êtes

vraiment malpolie.

Page 23: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Malpolie ! Mais je ne vous ai rien demandé ! Repartez, je n’ai aucunement

besoin de votre aide.

- Arrêtez de vous conduire comme une adolescente attardée. En tant que voisin,

il est normal que je vous aide.

- Je n’ai pas besoin de voisins tels que vous.

- Cela suffit maintenant. J’en ai assez de me faire insulter par une petite fille trop

gâtée.

- Laissez-moi tranquille !

- Cette route est peu fréquentée, vous le savez parfaitement. Je vais remorquer

votre voiture jusque chez le garagiste. Cela vous évitera de payer un

remorquage pour quelques kilomètres.

- Entendu, répondit Marcy après quelques secondes d’hésitation.

La réparation de la voiture coûterait déjà suffisamment et il était vrai que peu

d’automobilistes empruntaient cette voie…

Luke Taylor accrocha le petit cabriolet de luxe au 4/4 et ils s’installèrent en

voiture en silence. Marcy n’aimait guère ce genre de voitures très polluantes mais il

est vrai qu’il était bien agréable d’être assise en hauteur et d’observer le paysage.

Luke Taylor roula jusqu’au prochain rond-point pour faire demi-tour et retourner au

village. Le silence commençait à devenir pesant et Marcy se sentait de plus en plus

mal à l’aise. Elle était incapable de trouver un sujet de conversation. Elle sursauta

lorsqu’il lui adressa enfin la parole.

- Le garage de Ted Walkers vous convient ?

- Oui, tout à fait.

- Il lui faudra sans doute commander les pièces. Ce genre de modèle n’est pas

courant dans la région, ajouta-t-il en faisant allusion à la voiture de sport.

- Tout comme les énormes 4/4 je suppose.

Luke Taylor éclata de rire et dit :

- Les énormes 4/4 sont très pratiques quand il neige et quand on emprunte des

routes en terre. Je vous rappelle que les terres d’Angelview sont immenses.

- Ce ne sont plus les terres d’Angelview, déclara la jeune fille amèrement.

Page 24: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Je ne suis pas responsable de la mauvaise gestion de vos biens par votre

famille. Votre grand-mère a eu de la chance de pouvoir me vendre ces terres

aussi chères.

- Je vous interdis de parler ainsi de ma grand-mère. Vous ne savez rien de ma

famille !

- Et vous de la mienne ! Cela ne vous empêche pas de me traiter comme un

moins que rien !

Ils étaient heureusement arrivés devant le garage de Ted et Marcy descendit avec

soulagement de la voiture. Taylor entra dans le garage pour avertir le garagiste de

leur arrivée.

- Bonjour Monsieur Taylor. Un souci avec le 4/4 ?

- Non pas du tout. J’ai remorqué une voiture en panne.

Ted aperçut à ce moment-là la jeune femme.

- Marcy ?

- Et oui, c’est bien moi…

Ted s’avança vers elle en courant, la prit dans ses bras et la fit tourner autour de

lui en l’embrassant.

- Que je suis content de te revoir ! Cela fait si longtemps !

- Moi aussi je suis contente de te retrouver. J’ai vu ta maman ce matin et j’avais

hâte de te revoir.

- Tu es en vacances ? Tu es une amie de Monsieur Taylor.

- Non, non, pas du tout. Je suis revenue m’installer à Angelview et M Taylor

m’a aidée quand je suis tombée en panne au bord de la route.

Luke Taylor se tenait à l’écart visiblement agacé par les retrouvailles des deux

jeunes gens.

- Tu es superbe, encore plus belle qu’avant.

- Arrête, murmura Marcy en rougissant tandis que Taylor tournait la tête dans sa

direction pour l’observer d’un air moqueur.

- Tu danses toujours ?

- Non...

Page 25: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Pourquoi ? Tu rêvais de devenir danseuse professionnelle.

- Trop grande…

- Les idiots ! Oh, mais je t’ai certainement mis du cambouis partout, je suis

désolé !

- Ce n’est rien. Ce sont les joies des retrouvailles.

- Bon, déclara Taylor avec impatience, pensez-vous que la panne soit grave ?

Après un rapide coup d’œil au moteur, Ted expliqua à Marcy qu’il fallait changer

le radiateur du cabriolet et faire une bonne révision.

- Je ne me servais pas beaucoup de la voiture à Londres.

- Tu as eu de la chance de ne pas tomber en panne lors de ton déménagement. Je

vais commander les pièces. Je pense que tu pourras récupérer ta voiture dans

une semaine. C’est bon ?

- Oui, c’est parfait.

Marcy donna son numéro de téléphone à Ted qui lui proposa aussitôt de sortir

avec des amis le soir même.

- C’est gentil Ted mais je dois d’abord finir de m’installer.

- Une autre fois alors, répondit le jeune homme tristement.

- Bien, je vous ramène, conclue Luke Taylor, visiblement pressé de partir.

- Cela ne vous dérange pas ? demanda Ted. Sinon, je peux ramener Marcy chez

elle.

- Pas du tout, c’est sur mon chemin.

- Bon, alors à bientôt Marcy.

- A bientôt Ted.

Après avoir récupéré ses courses dans le coffre du cabriolet, Marcy se retrouva à

nouveau en voiture avec Taylor.

- Charmantes retrouvailles, ne put-il s’empêcher de commenter une fois la

voiture démarrée.

- Ted et moi allions à l’école ensemble. Nous étions très amis.

- Je vois.

Page 26: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Vous ne voyez rien du tout. J’ai déménagé pour Londres à treize ans et à cette

époque je ne pensais qu’à la danse…, expliqua Marcy les yeux dans le vague.

Le silence s’installa alors entre eux. Luke Taylor tentait de respirer calmement. Il

ne comprenait pas la colère qu’il avait éprouvé en voyant la jeune femme dans les

bras du jeune garagiste. Il repensa à leur première rencontre, à sa surprise en

découvrant la beauté de la jeune femme. Et dire qu’il l’avait traitée de squatteuse !

Aujourd’hui, elle était encore plus belle avec ses fameuses bottes et son jean qui

mettait en valeur la sveltesse de sa silhouette. La colère de la jeune femme à son

égard ne pouvait cependant pas être due qu’à cette première rencontre. Elle lui en

voulait et il ne savait pas pourquoi. Qu’avait-elle dit d’ailleurs ? Ah oui, « j’abhorre

les personnes de votre espèce qui pensent qu’elles peuvent tout s’offrir avec de

l’argent »… En fait elle l’avait traité de « nouveaux riches », elle lui avait bien fait

comprendre qu’ils n’étaient pas du même monde. Décidément, il ne parviendrait pas

à se calmer…

Marcy, quant à elle, était de plus en plus gênée par le silence pesant qui s’était

installé entre eux. De plus, elle sentait que le jeune homme était en colère. La peur

commençait à monter en elle et elle aurait tout donné pour être déjà de retour chez

elle. Des scénarios catastrophes germaient dans son esprit malgré elle. Et si Taylor

arrêtait la voiture sur une petite route en terre ? Et s’il tentait de l’agresser ? Personne

ne viendrait la sauver cette fois ! La gorge serrée, elle sentait des frissons parcourir

tout son corps.

- Vous allez bien ? Vous êtes toute pâle. Voulez-vous que je m’arrête ?

- Non ! Surtout pas !

Surpris, le jeune homme la regarda à nouveau.

- Je crois que vous faites un malaise.

- Non, je vous assure, je veux juste rentrer chez moi.

Interloqué, le jeune homme poursuivit sa route. Après de longues minutes, la

voiture s’arrêta enfin devant le perron d’Angelview. Taylor descendit de voiture pour

porter les commissions de Marcy et il l’accompagna jusqu’à la porte.

- Vous êtes sûre que cela va aller ? s’inquiéta-t-il en tendant la main vers elle.

Page 27: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui, répondit-elle en reculant pour qu’il ne la touche pas. Au revoir.

- Je vais décidément croire que vous êtes mal élevée… Pas un merci, pas une

tasse de café…

- Pardon, merci et au revoir, répéta Marcy en reprenant ses sacs à provision.

Puis elle ouvrit la porte, entra et la referma au nez de Luke Taylor… pour la

deuxième fois.

- Décidément, murmura-t-il en retournant à sa voiture. Cela m’apprendra à

rendre service…

Une fois la porte refermée, Marcy se sentit enfin en sécurité. Elle s’appuya contre

le mur de l’entrée pour reprendre des forces. Mais elle avait mal au cœur et elle dut

courir à la cuisine pour vomir. Elle avait eu si peur que son corps ne lui obéissait

plus. Et le pire, c’était qu’elle était incapable de se raisonner. Luke Taylor avait-il

vraiment représenté un danger ? Pouvait-il l’agresser ? Elle était incapable de dire si

ses craintes étaient fondées ou non.

Les jours suivants, Marcy poursuivit ses taches ménagères. Pour se changer les

idées, elle décida un jour en fin de matinée, d’aller se promener dans l’ancienne forêt

d’Angelview. Elle connaissait par cœur les chemins forestiers et décida de faire une

courte promenade vers une des clairières. Il faisait encore beau en cette fin octobre et

elle s’assit contre un arbre au soleil pour se reposer. Elle se fatiguait encore vite. Tout

à coup, elle entendit un bruit de pas derrière elle. Soucieuse de ne rencontrer

personne, elle se leva précipitamment pour partir.

- Bonjour, dit une voix moqueuse derrière elle.

Elle reconnut aussitôt la voix de Taylor et s’arrêta.

- Bonjour, répéta-t-il avec ironie.

Il la considérait vraiment comme une personne mal élevée !

- Bonjour, répondit-elle excédée.

- C’est un endroit vraiment agréable pour se promener, n’est-ce pas ?

Page 28: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui, mais j’aurai sans doute dû vous demander l’autorisation, ce sont vos terres

maintenant.

- Pourquoi êtes-vous toujours aussi désagréable ? Tout le monde peut venir se

promener ici comme cela était le cas auparavant !

Marcy baissa la tête : elle s’en voulait d’avoir été désagréable. Elle releva

rapidement la tête et vacilla.

- Ça va ? s’inquiéta Luke Taylor en s’approchant et en lui prenant le bras pour

la soutenir.

Oui, merci. Je n’ai bu qu’un café ce matin.

Vous devriez prendre un repas. Vous êtes si mince que bientôt vous serez

transparente, plaisanta-t-il une nuance d’anxiété dans la voix.

J’ai un pique-nique dans mon sac.

Elle sortit de son sac deux minuscules sandwichs au jambon.

- Un pique-nique ? répondit le jeune homme en secouant la tête. Vous voulez

dire un goûter ! Mangez-les pour reprendre des forces et ensuite nous irons à

ma voiture. J’ai un véritable repas.

Marcy s’exécuta puis se rendit avec le jeune homme jusqu’à sa voiture. Il la tenait

par le bras pour qu’elle ne tombe pas. Elle se sentait vraiment faible. Sans doute

avait-elle fait une baisse de tension. Luke sortit un panier rempli de victuailles et ils

s’installèrent sur une grosse pierre. Il lui tendit alors un énorme sandwich :

- Je ne pourrai jamais manger tout cela ! protesta la jeune fille.

- Commencez, on verra bien. Ils sont délicieux.

- C’est vrai ! constata Marcy avec un certain étonnement.

- Ce ne sont que des sandwichs !

- Oui mais c’est la première fois que je mange avec appétit depuis…

- Depuis…

- Rien, murmura Marcy en baissant la tête.

Pour la première fois depuis des mois, elle avait faim, elle se sentait vivante et

cela était un soulagement. Oui, elle parviendrait un jour à oublier et à redevenir elle-

même.

Page 29: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Qui vous a préparé un tel pique-nique ? demanda Marcy surprise par de telles

quantités.

- Carla.

- Carla ?

- Carla est la personne qui s’occupe de ma maison avec son mari. Elle est très

prévenante.

- Je vois ça !

Son sandwich terminé, Luke Taylor lui proposa un bout de gâteau mais elle

refusa : elle n’avait vraiment plus faim !

- Vous pique-niquez souvent seul comme ça ?

- En fait je fais régulièrement un tour sur les terres pour voir s’il n’y a pas de

dégâts et je mange en voiture.

- Je vois…

Le jeune homme était assis près d’elle et Marcy sentit peu à peu une angoisse

montée en elle. Elle avait beau se raisonner, elle devait fuir…

- Miss Stoneway, que se passe-t-il ? Vous êtes toute pâle !

Elle le regarda les yeux plein de larmes.

- Je ne peux pas, je ne peux pas, sanglota-t-elle en s’enfuyant.

- Attendez voyons, je vais vous ramener.

Mais elle n’entendait rien et continua à fuir. Il comprit qu’il ne fallait pas essayer

de la rattraper. Eberlué, il rangea les restes du pique-nique et retourna à la voiture.

Marcy courut longtemps puis, à bout de souffle, marcha jusqu’à Angelview. Luke

Taylor devait la prendre pour une folle, mais comment lui expliquer ce qu’elle

ressentait ? Comment lui expliquer qu’elle avait été terrifiée par sa seule présence ?

Comme elle maudissait Pricetown pour ce qu’il lui avait fait. Elle était toujours sa

prisonnière, elle était dans l’incapacité d’avoir confiance en un homme. Une fois dans

le manoir, elle courut à la salle de bain pour se doucher, pour se purifier, pour tenter

d’oublier l’agression. Une fois calmée, elle s’habillait lorsqu’elle entendit le heurtoir

en fer forgé. En ouvrant la porte, elle se retrouva nez à nez avec Taylor.

- Oh !

Page 30: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- N’ayez pas peur Miss Stoneway, je vous ai rapporté votre sac, vous l’aviez

oublié.

- Oh, répéta-t-elle confuse. Merci, Monsieur.

- Je peux entrer ?

- Non, je ne préfère pas…

- Mais voyons…

- S’il vous plaît, partez ! implora la jeune fille en lui fermant une nouvelle fois la

porte au nez.

Luke Taylor haussa les épaules et retourna à sa voiture. « J’aurais dû m’en

douter », se dit-il à lui-même. « Jamais deux sans trois… ».

Novembre arriva et Marcy décida d’aller fleurir le caveau familial en fin de

journée : elle espérait bien ainsi ne croiser personne…

Comme le cimetière du village se trouvait à moins de deux kilomètres, elle

pouvait s’y rendre à pied. Le temps était couvert mais il ne pleuvait pas. Le caveau

familial abritait tous les membres de sa famille paternelle depuis le XVIIIème siècle.

Elle ouvrit avec difficulté la grille du monument funéraire et déposa dans des vases

les fleurs qu’elle avait apportées. Puis elle se recueillit devant la tombe de sa grand-

mère et de ses parents. Elle ne put s’empêcher de penser à sa maman qui avait tant

souffert depuis le décès de son mari. « Ma pauvre petite maman », murmura Marcy

en pleurant. Elle se remémora aussi le peu de souvenirs qu’elle avait de son père. Il

était mort quand elle était si petite… Elle essuya ses larmes puis sortit du caveau sans

bruit.

En remontant l’allée du cimetière, elle aperçut un homme qui se recueillait. Elle

ne voulait pas le déranger mais il tourna la tête vers elle et lui dit machinalement

bonsoir. Marcy reconnut aussitôt Luke Taylor dans la pénombre. Par politesse et

respect de ce lieu de recueillement, elle lui répondit.

- Bonsoir.

- Miss Stoneway ?

Page 31: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui.

- Vos parents sont enterrés ici ?

- Oui, dans le caveau familial. Vous avez de la famille enterrée ici, vous aussi ?

- Oui, mes parents…

- Ah, je ne savais pas que vous étiez de la région…

Marcy s’était toujours demandé pourquoi l’homme d’affaires tenait tant à

s’installer à Angelstone.

- Mes grand-parents tenaient un petit commerce ici autrefois. Mais à la mort de

mon grand-père, le commerce a fait faillite et ma grand-mère a dû partir avec

ses enfants vivre dans un des quartiers les plus pauvres de Leeds. C’est là que

j’ai grandi jusqu’à ce que je commence à gagner correctement ma vie.

- Je comprends mieux votre attachement à Angelstone.

- Ma mère a beaucoup souffert de ce déménagement et quand j’étais enfant, on

venait tous les week-ends se promener à Angelstone et sur les terrains

d’Angelview.

- C’est pour cela que vous aimez tellement cet endroit…

- Oui. Je regrette tellement que ma mère ne puisse pas profiter de tout ce que j’ai

aujourd’hui…, avoua-t-il les poings serrés.

Marcy baissa la tête. Comme il était étrange de voir un inconnu se confier ainsi.

Cela était lié aux circonstances. Luke Taylor était visiblement très ému de se trouver

devant la tombe de ses parents. La pluie se mit à tomber doucement et ils sortirent en

silence du cimetière. Marcy commença à s’éloigner sur la route et Taylor la rattrapa.

- Vous n’allez pas rentrer sous cette pluie à pied !

- Ce n’est pas grave. Je ne suis pas en sucre.

- En tout cas, vous êtes si mince que bientôt on ne vous verra plus !

- Cela ne me fait pas rire.

- Ce n’était pas une plaisanterie… Venez, je vous ramène.

Marcy accepta car la pluie tombait de plus en plus fort et qu’il commençait à faire

nuit. Ils arrivèrent rapidement devant Angelview.

- Merci Monsieur Taylor et au revoir, déclara poliment Marcy.

Page 32: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Vous pouvez m’appeler Luke. Je suis moins vieux que j’en ai l’air...

Marcy ouvrit la portière sans répondre. Il la retint par la manche et Marcy se

figea.

- Vous pourriez répondre que je peux vous appelez par votre prénom, vous

pourriez m’inviter à boire une tasse de café…

- Je pourrai mais je n’en ai pas envie, et si je suis venue ici, c’est pour que plus

jamais un homme ne me dicte ma conduite.

Sur ces mots, Marcy se dégagea d’un geste sec, descendit de voiture et s’enfuit

vers Angelview.

Luke Taylor leva les yeux au ciel et se dit que décidément, Marcy Stoneway ne

connaissait pas les règles élémentaires de la politesse…

Page 33: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

IV

Les jours suivants passèrent très vite. Marcy s’en tenait à son programme de

nettoyer le manoir. Cela était plus long que prévu mais en une quinzaine de jours, la

maison avait retrouvé un aspect présentable. Marcy n’avait toujours pas récupéré sa

voiture car Ted n’avait pas reçu l’ensemble des pièces détachées. Il lui apportait tous

les trois jours des provisions et Marcy s’était habituée à ces visites amicales. Il l’avait

même accompagné un jour à Leeds pour qu’elle fasse des emplettes. Depuis leur

rencontre au cimetière, elle n’avait plus revu Luke Taylor à son grand soulagement.

Luke Taylor avait en revanche revu Marcy sans qu’elle s’en rende compte dans

de troublantes circonstances. Alors qu’il venait de régler une affaire chez un des ses

avocats, Luke aperçut par une des immenses fenêtres de l’escalier, la jeune fille dans

la rue en compagnie de Ted Turner. Il ne put s’empêcher de s’arrêter pour observer le

jeune couple. Il entendit tout à coup du bruit dans l’escalier et se retrouva face à

Charles Pricetown. Les deux hommes avaient toujours été en mauvais termes mais

par politesse, il lui adressa un signe de la tête.

- Taylor, quelle surprise ! Vous voilà donc de retour des States. Vous vous

installez définitivement ici, il paraît.

- Oui, répondit froidement Luke.

Pricetown se mit lui-aussi à admirer la vue sur la rue et aperçut à son tour le jeune

couple qui discutait devant une vitrine.

- Mais cette chère Marcy Stoneway ! Elle semble elle-aussi être de retour dans

notre bonne ville de Leeds…

- Vous la connaissez ?

- Qui ne la connaît pas à Londres ! Quand on a le corps et le visage qu’elle a, on

ne passe pas inaperçu, je puis vous l’assurer. Vous êtes resté trop longtemps

loin de Londres, mon cher.

- Vous semblez bien la connaître en tout cas…

Page 34: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- En effet, fit-il avec un sourire plein de sous-entendus qui donna un haut-le-

corps à Luke. C’est une lointaine parente mais elle travaille dans la mode et

nous n’apprécions pas trop cela dans la famille, si vous voyez ce que je veux

dire…

- Non, je ne vois pas…

- Pourtant, vous avez l’habitude de ce genre de filles artificielles et intéressées…

- Que voulez-vous insinuer ? demanda Luke d’un ton menaçant en faisant un pas

vers lui.

- Rien, très cher. Aujourd’hui avec l’un, demain avec un autre…

- Au revoir, Pricetown, vous savez que je ne suis pas enclin aux commérages…

Sur ces mots, après un bref signe de la tête en guise d’adieu, Luke descendit les

escaliers rapidement, furieux d’être tombé sur Pricetown, furieux d’être aussi

intéressé par cette fille qui ne faisait que le snober et de lui claquer sa porte au nez,

furieux de ne pouvoir chasser de ses pensées cette fille qui devait être d’un genre

qu’il ne voulait plus fréquenter…

Lors du nettoyage de la maison, Marcy n’avait ressenti ni la faim ni le froid.

Elle avait d’ailleurs encore maigri. Mais en ce début de novembre, la pluie se mit à

tomber continuellement sur la région et la vieille bâtisse se refroidit très rapidement.

Marcy devait trouver une solution pour chauffer la maison. La chaudière était

inutilisable depuis des années et elle n’avait pas les moyens d’allumer tous les

radiateurs électriques. Elle se contenta donc de chauffer sa chambre et la salle de bain

à l’électricité. Au rez-de-chaussée, elle décida de faire fonctionner la cheminée du

salon et de la cuisine. Ainsi, elle passait une grande partie de ses journées à ramasser

le bois mort du jardin et à entretenir les feux des deux cheminées. Cela occupait son

esprit. Pourtant, pas un jour ne passait sans qu’elle n’éclate en sanglots pour une

raison ou une autre… Le découragement la guettait… Enfin, un dimanche, il s’arrêta

de pleuvoir. Marcy décida de faire une promenade dans les bois et se prépara

quelques sandwiches pour pique-niquer. Elle connaissait par cœur les bois qui

Page 35: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

entouraient Angelview. Enfant, elle y jouait pendant des heures avec ses amis, et son

père lui avait même construit une cabane dans les arbres près de la rivière. Elle

gardait peu de souvenirs de son père qui était mort subitement quand elle n’avait que

cinq ans. Sa mère ne s’était jamais remise de sa mort. « Je l’aime trop » disait-elle

souvent en pleurant. Marcy avait toujours été impressionnée par la force de cet

amour. Elle se demandait parfois si elle connaîtrait elle-aussi un tel sentiment pour un

homme un jour. Sans s’en rendre compte, ses pas l’avaient conduit vers la rivière et

elle se mit à la recherche de la cabane. Elle la trouva enfin. Il ne restait plus que

quelques planches mais elle décida d’y grimper pour retrouver les émotions de son

enfance. Avec ses amis, ils transformaient la cabane en vaisseau spatial et allaient

secourir Goldorac et Albator… La branche qui leur servait de gouvernail était

toujours là… Marcy allait redescendre quand elle entendit un hennissement. Elle

aperçut alors Luke Taylor qui arrivait sur un superbe anglo-arabe à la robe toute

noire. Elle espéra qu’il ne la remarque pas mais il avait déjà levé la tête.

- Que faites-vous perchée là-haut ?

- Rien.

- Faites attention, il y a de vieilles planches avec des clous.

Cet homme avait décidément le don de l’énerver !

- Ce ne sont pas de vieilles planches avec de clous ! ne put-elle s’empêcher de

répondre.

- Ah, et c’est quoi alors ?

- Rien !

- Rien, répéta-t il en l’imitant.

- Laissez-moi tranquille !

Marcy voulait redescendre mais elle n’avait aucune envie de se retrouver face à

Taylor. Il descendit de cheval et s’approcha de l’arbre. Il lui tendit la main pour

l’aider.

- Tenez.

- Je n’ai pas besoin de votre aide.

- Certaines branches sont mortes. Elles risquent de casser. Venez.

Page 36: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Mais Marcy ne voulut pas l’écouter. Elle commença à descendre et tout à coup

une branche craqua. Avec effroi, elle perdit l’équilibre. Elle commença à glisser et

heureusement le jeune homme l’a rattrapa avant qu’elle ne tombe à terre. Ils roulèrent

tous les deux sur le sol.

- Ca va ? lui demanda-t-il enfin.

- Oui, je pense. Et vous ?

- Oui. La prochaine fois, écoutez donc les conseils que l’on vous donne.

- Quand est-ce que vous allez arrêter de me faire la morale ?

- Quand vous n’en aurez plus besoin. Que faisiez-vous sur cet arbre ?

- Mon père avait construit une cabane quand j’étais petite. J’avais envie de

remonter.

- Je comprends alors…

- Quoi ?

- Les vieilles planches…

- Oui, sourit la jeune fille malgré elle. Pour moi, ce sont des planches

particulières…

- Vous n’avez plus vos parents ?

- Non, mon père est mort quand j’avais cinq ans, ma mère il y a cinq ans. C’est

ma grand-mère qui m’a élevée. Et vous ?

- Mon père et ma mère sont morts quand j’avais dix ans. Accident de voiture.

- Oh… Je suis désolée…

- Vous pouvez vous relever ?

- Oui, je pense…

Mais lorsque Marcy voulut poser son pied gauche à plat sur le sol, elle ressentit

une violente douleur à la cheville.

- Que se passe-t-il ?

- Je crois que je me suis foulée la cheville.

- Mince. Je vais vous ramener à cheval chez vous. Vous n’avez pas peur des

chevaux ?

Page 37: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Pas du tout. J’ai fait beaucoup d’équitation dans mon enfance et je monte

encore de temps en temps.

- Parfait. Je vais vous aider à monter puis je m’installerai derrière vous.

- Votre cheval est superbe. Comment s’appelle-t il ?

- Tornado.

- Tornado ?

- Oui, j’ai toujours rêvé d’avoir un cheval comme celui de Zorro…

- Je parie que vous avez un chien qui s’appelle Rintintin.

- Je ne répondrai pas à cette question.

Ils se mirent tous les deux à rire de bon cœur. Leurs regards se croisèrent et

pendant un instant le temps sembla s’arrêter… Enfin, ils s’installèrent sur Tornado et

ils partirent au pas.

- Ça va ? souffla Luke Taylor dans son oreille.

- Oui.

- Vous n’avez pas trop mal ?

- Non.

- Il vaut mieux continuer au pas. J’ai peur que votre cheville souffre si l’on va au

trot.

- Oui, c’est préférable.

Luke Taylor avait passé ses bras de part et d’autre de sa taille et elle sentait son

torse contre son dos. Il n’y avait plus aucune colère entre eux et Marcy se sentait

désormais en sécurité contre cet homme si grand, si séduisant. Plus elle se détendait,

plus son corps s’appuyait sur celui du jeune homme. Cela faisait bien longtemps

qu’elle ne s’était pas sentie aussi bien. Leurs corps épousaient les mouvements du

cheval et ils continuèrent ainsi leur promenade en silence. Il leur fallut près de deux

heures pour revenir au manoir.

- Pas trop fatiguée ?

- Non.

- Je vais vous aider à descendre, dit Luke Taylor en mettant pied à terre.

Page 38: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Elle se mit en amazone et il l’attrapa par la taille pour la faire descendre. Elle se

retrouva à terre, coincée entre le cheval et le jeune homme mais, à sa grande surprise,

elle n’éprouvait aucune crainte. Luke Taylor ne l’avait toujours pas lâchée et elle leva

la tête vers lui. Leurs regards se croisèrent et ils restèrent ainsi immobiles. Marcy lut

dans les yeux du jeune homme qu’il était prêt à l’embrasser. Effrayée, malgré elle,

elle tourna la tête et se dégagea.

- Il faut appeler un médecin, déclara le jeune homme.

- Je ne crois pas. Je vais mettre de la pommade et une bande et si cela ne passe

pas rapidement j’irai chez le docteur.

- Je vais vous aider.

- Ce n’est pas la peine.

- Je préfère m’assurer que ce n‘est pas grave. Appuyez-vous sur moi.

- Entendu, répondit Marcy après quelques secondes d’hésitation.

Luke accompagna la jeune femme sur le perron. Elle ouvrit la porte d’entrée et

pour la première fois, il entra dans le manoir.

- C’est splendide, dit-il en découvrant le hall et les deux immenses escaliers qui

montaient de part et d’autre de l’entrée pour se rejoindre à l’étage.

- Vous n’étiez jamais entré ?

- Non…

- Et vous étiez prêt à acheter une maison sans la visiter ? s’étonna Marcy.

- Oui. J’ai toujours été attiré par Angelview. Je ne sais pas pourquoi. Il n’y a pas

besoin de visiter l’intérieur pour savoir que c’est une magnifique demeure.

Mais le plus important, c’est de vous soigner. Où est la trousse à pharmacie ?

- Dans la cuisine.

Ils se rendirent ensemble dans la cuisine. La jeune femme retira doucement sa

chaussure et sa chaussette.

- Votre cheville est un peu enflée. Ne forcez surtout pas. Vous pourriez vous

faire très mal et il faut ensuite des semaines pour guérir.

- Je sais, cela m’est déjà arrivé quand je dansais. Je vous promets de faire

attention.

Page 39: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Le jeune homme lui passa doucement de la crème puis lui banda fermement la

cheville. Marcy fut soulagée de pouvoir marcher sans trop de difficultés.

- Je… vous offre un café ?

- Avec grand plaisir…

Marcy prépara deux expresso tandis que Luke Taylor relançait le feu de la

cheminée.

- Il ne fait pas très chaud…

- C’est l’inconvénient majeur des belles et vieilles maisons.

- Pourquoi n’allumez-vous pas les radiateurs ?

- La chaudière est en panne depuis des années. Cela fait partie des nombreuses

réparations à faire…

- Je vois…

Ils s’installèrent à table et burent lentement le café préparé par Marcy.

- Il est excellent.

- Merci. C’est du café bio que l’on ne trouve qu’en Italie. C’est un ami italien

qui me l’envoie.

- Vraiment ?

- Vous me trouvez prétentieuse…

- Un peu, sourit-il.

- J’allais souvent en Italie pour mon travail et comme j’adore ce café, Tonio

m’en envoie régulièrement. Il n’y a rien de prétentieux.

- Entendu. Et c’est vrai qu’il est très très bon. Tellement bon que ce ne serait pas

idiot de le commercialiser en Angleterre d’ailleurs...

- Vous vous moquez de moi.

- Non, c’est mon côté homme d’affaires. Je suis toujours à l’affût d’une bonne

affaire. Et ce café serait parfait dans le rayon épicerie fine de Sellwoods.

- Sellwoods ?

- Oui le grand magasin de Leeds. Vous ne connaissez pas ?

- Tout le monde connaît Sellwoods par ici. Vous travaillez pour Pricetown ?

Page 40: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Vous plaisantez ? La famille Pricetown n’est plus propriétaire du magasin. Je

l’ai racheté il y a plusieurs années. J’avais un vieux contentieux à régler.

- Je ne savais pas qu’ils avaient vendu. Ce n’est pas dans leurs habitudes.

- Vous les connaissez bien ?

- Non, je préfère parler d’autre chose.

- Vous avez raison.

- Un autre café ?

- Avec plaisir; il est tard et je n’ai rien mangé à midi.

- C’est ma faute, et en plus je n’ai guère de choses à vous offrir. Même pas un

biscuit…

- Ne me dites pas que vous faites un régime. Vous êtes toute mince.

- Non pas du tout, c’est juste que je n’aie pas beaucoup d’appétit en ce moment.

Mais j’ai du pain et de la confiture.

- Parfait.

Un peu honteuse, Marcy prépara un nouveau café. Taylor prépara des tartines au

beurre et à la confiture de myrtille.

- Vous avez récupéré votre voiture ?

- Non, Ted espère terminer cette semaine.

- Comment faites-vous pour vous déplacer ?

- Je suis restée ici car il fallait nettoyer tout le manoir. Et Ted m’apporte des

provisions régulièrement. Maïs cela commence à faire long…

- Si vous avez besoin d’aller au village, appelez-moi. Voici mon numéro, dit-il

en lui tendant une carte de visite.

- Merci.

- Marcy ?

- Oui ?

C’était la première fois qu’il l’appelait par son prénom.

- J’ai passé une très agréable après-midi. Est-ce que vous aimeriez partir en

balade à cheval quand votre cheville sera guérie ?

- Pourquoi pas ?

Page 41: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Alors guérissez vite, ajouta-t-il en déposant un léger baiser sur ses lèvres avant

de se lever pour partir.

L’instant d’après, il avait disparu, laissant Marcy figée par la surprise de ce baiser.

Page 42: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

V

Le lendemain matin, Marcy eut une surprise. En ouvrant sa porte, elle

découvrit un panier en osier sur le perron du manoir. En ouvrant le panier, elle

découvrit à l’intérieur un mot écrit d’une écriture fine : Quelques provisions pour

vous redonner l’envie de manger… Luke. Marcy serra la carte contre elle en souriant.

Luke Taylor avait pris soin de choisir des produits délicieux : un cake maison, un

ballotin de chocolats suisses, des boîtes de biscuits belges, des macarons… et une

rose rouge. Marcy déposa la rose dans un vase qu’elle posa sur le rebord d’une des

fenêtres de la cuisine. Puis, pour la première fois depuis longtemps, elle prit son café

noir avec des biscuits. Elle reprenait goût à la vie et il était évident que Luke Taylor

n’était pas étranger à cette transformation. La carte de visite du jeune homme se

trouvait toujours sur la table. Devait-elle l’appeler pour le remercier ? Elle ne s’en

sentait pas capable… Elle se retrancha derrière un simple « merci » par sms. Mais

quelques minutes plus tard son téléphone portable se mit à sonner.

- Allo ?

- Luke à l’appareil.

- Bonjour.

- Bonjour. Comment va votre cheville ?

- Je n’ai presque plus mal.

- Tant mieux. Savez-vous quand votre voiture sera prête ?

- Mercredi à midi.

- Je vous emmènerai au garage et l’après-midi on pourrait faire une balade à

cheval.

- Entendu. Et merci encore pour toutes ces bonnes choses ! Vous avez

parfaitement deviné mes goûts…

- J’avoue que je suis très gourmand…

- Cela ne se voit pas, en tout cas !

Page 43: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Merci ! se mit à rire Luke Taylor. A mercredi alors.

- A mercredi, répondit doucement Marcy en raccrochant.

Emue, Marcy resta un moment assise devant le panier à provision. Elle ne pouvait

s’empêcher de penser à Luke Taylor… Afin de ne pas trop solliciter sa cheville et de

se changer les idées, Marcy décida finalement de faire du rangement dans la maison.

Elle parvint même à ranger ses habits dans sa penderie. Ce fut difficile au début de

revoir les robes de haute couture qui lui étaient maintenant inutiles. Mais peu à peu,

elle les rangea et elle se dit que finalement, elle ne regrettait pas sa vie passée. Courir

le monde de défilés en défilés, de séances photos en séances photos n’avait pas de

finalité. Elle devait désormais trouver une nouvelle voie et malgré elle, elle imagina

que Luke Taylor pourrait bien en faire partie… Dire qu’elle l’avait tellement détesté !

Le mercredi matin, elle fut heureuse de voir arriver le jeune homme en fin de

matinée. Elle avait revêtu sa tenue d’équitation ce qui mettait en valeur la finesse de

son corps. Luke la complimenta sur sa tenue et elle ne put s’empêcher de rougir. Ils

partirent aussitôt chercher le cabriolet. Ted lui tendit les clefs avec un sourire

chaleureux.

- Voilà. Désolé pour le retard mais elle est comme neuve. C’est vraiment une

belle voiture. Ne roule pas trop vite en tout cas.

- Ne t’en fais pas.

- Il y a une fête ce soir au village. Tu as envie de venir ?

- Je ne préfère pas. Je n’ai pas envie de sortir pour l’instant. Je… J’ai été malade

à Londres et j’ai besoin de calme.

- Une prochaine fois alors…

- Oui, avec plaisir…

Luke Taylor observait la scène de loin et Marcy se sentait mal à l’aise. Elle

percevait qu’il était en colère. Elle régla la facture, remercia Ted chaleureusement

puis prit le volant. Elle ramena le cabriolé chez elle et remonta ensuite en voiture

avec Luke.

- Vous êtes en colère ?

- Cela se voit tant que cela ?

Page 44: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui.

- Disons plutôt que je suis jaloux.

- Ted est juste un ami.

- Il aimerait être plus que cela.

- Moi non.

- Alors je n’ai pas besoin d’être fâché ?

- Non, pas besoin.

Elle avait envie d’ajouter que sa colère lui faisait peur mais elle n’osa pas.

L’atmosphère était heureusement à nouveau détendue entre eux et cela soulagea

Marcy. Ils arrivèrent enfin à la maison du jeune homme qui se gara directement

devant les écuries. Ils furent accueilli par un superbe berger-allemand à poil long.

- Ne craignez rien, il est très gentil.

- C’est Rintintin, je suppose ? déclara Marcy en éclatant de rire.

Luke se mit lui-aussi à rire en repensant à leur rencontre dans les bois.

- J’ai beaucoup hésité mais finalement, il s’appelle Toby…

- Sage décision ! commenta Marcy en caressant le chien.

- Je vais me changer. Vous pouvez visiter les écuries pendant ce temps.

- Avec plaisir.

Marcy fut impressionnée par les écuries toutes neuves. Tout avait été pensé avec

soin dans les moindres détails et elle comprit que l’homme d’affaires devait être un

grand perfectionniste. Elle retrouva avec plaisir Tornado et le caressa longuement.

Luke revint enfin et il lui proposa de monter un hongre magnifique à la robe isabelle.

- Voici Eclair. Il est doux et rapide, commenta Luke.

- C’est parfait.

- On pique-niquera en chemin.

Ils préparèrent les chevaux et les sellèrent. Luke passa devant et demanda à Marcy

quelle promenade elle aimerait faire.

- Pourquoi pas la Ronde des Pierres ?

- La Ronde des Pierres ?

Page 45: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Vous ne connaissez pas ? C’est le nom des pierres qui ont été posées en cercle

du temps des Celtes.

- Je connais l’endroit mais je ne connaissais pas son nom.

- Je vous raconterai la légende une fois là-haut.

Ils partirent alors au galop et Marcy éprouva un grand bonheur à monter ainsi à

cheval. Ils décidèrent de pique-niquer à côté de la Ronde des Pierres. C’était un très

bel endroit, sur une colline qui dominait la vallée. On apercevait le village,

Angelview et la maison de Luke.

- Comment s’appelle votre maison ?

- Je ne lui ai pas encore donné de nom. Elle est parfaite en un sens, elle répond à

tous nos besoins mais elle n’a pas encore d’âme, de souvenirs, de tableaux et

de portraits de famille aux murs… C’est pour cela que j’avais tellement envie

d’acheter Angelview.

- Je comprends, mais votre maison ne demande qu’à abriter des moments

heureux et à fabriquer des souvenirs pour vous, pour vos enfants.

- Oui sans doute. Alors cette légende, racontez-moi, dit-il en lui tendant un

énorme sandwich.

- Je ne vais jamais manger tout cela !

- Mais si, l’appétit vient en mangeant, et il faut que vous repreniez des forces.

Vous avez été très malade à Londres ?

- Oui et non. Ce n’est pas une maladie grave ou incurable mais…

- Oui ?

- En fait, j’ai quitté Londres car j’étais en pleine dépression et j’espère qu’ici je

vais réussir à aller mieux.

- Je l’espère aussi. Et la légende ? demanda-t-il pour changer de sujet.

- Et bien, on raconte qu’il y a très longtemps, ici se réunissaient des sorcières, ou

plutôt des fées, chaque année au début de l’hiver. Mais un jour, le diable les

découvrit et les transforma en pierre. Chacune de ces pierres est une de ces

sorcières. On raconte que si l’on est bon et sincère, on peut aller au centre de ce

Page 46: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

cercle, faire un vœu et qu’il se réalisera. Mais si l’on essaye et que notre cœur

n’est pas pur, on rejoindra le diable en enfer.

- Je suis prêt à essayer.

- Vous avez donc le cœur pur ?

- Disons que j’ai des principes et que je suis intègre. Je ne pense pas mériter

l’enfer. Quant à vous, je suis sûr que vous pouvez faire votre vœu sans crainte.

- Je pense aussi.

- On y va alors ?

- On y va !

Luke lui prit la main et ensemble, ils se rendirent au centre du cercle. Immobiles,

ils fermèrent les yeux et firent leur vœu. Marcy avait l’impression que les pierres se

rapprochaient de plus en plus. Les fées exauceraient-elles son vœu ? Elle ouvrit

doucement les yeux et son regard plongea dans celui de Luke. Quel pouvait être le

vœu du jeune homme ? Sans doute se posait-il la même question à son propos...

Doucement Luke pencha la tête et ses lèvres se posèrent sur celles de Marcy. Elle

entrouvrit la bouche et leur langue se frôlèrent. Luke l’enlaça et leur baiser

s’intensifia. Ils entendirent au loin un hennissement et le charme se rompit. Sans un

mot, ils se séparèrent et Luke alla voir si Tornado et Eclair étaient bien attachés.

Marcy était soulagée que leur étreinte ait pris fin rapidement. Elle ne savait pas

comment son corps aurait réagi à des caresses plus poussées. Malgré elle, les

souvenirs de l’agression l’assaillirent et elle se dit que son vœu ne pourrait pas se

réaliser et qu’elle aurait dû faire le vœu plus modeste d’oublier Pricetown et ce qu’il

lui avait fait. Comment le vœu de fonder une famille avec Luke pourrait-il se réaliser

tant que tout contact intime avec un homme lui donnait envie de vomir ?

- Marcy, ça ne va pas ? Vous êtes toute pâle.

- Ce n’est rien. Je suis désolée, je crois que je vais pleurer. Je ne suis pas encore

prête…

- Ce n’est pas grave Marcy. Pleurez si cela peut vous soulager, dit doucement

Luke en l’attirant contre lui.

La jeune fille se blottit dans ses bras et fondit en larmes.

Page 47: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Je pleure tous les jours, Luke, tous les jours. Je n’en peux plus d’être si

malheureuse.

- Pourquoi Marcy ?

- Je ne peux pas le dire, c’est trop dur.

- C’est à cause d’un homme ?

- Oui.

- Cela passera Marcy.

- Je ne sais pas, je ne sais pas.

Peu à peu, tandis que Luke caressait doucement ses cheveux pour l’apaiser, les

larmes de Marcy se tarirent.

- Je suis désolée, tellement désolée…

- Mais non, ça va mieux maintenant, n’est-ce pas ?

- Oui.

Luke s’assit dans l’herbe, dos contre un arbre, et prit Marcy dans ses bras.

- Reposons-nous un peu avant de repartir.

- D’accord.

Marcy ferma les yeux et se laissa aller contre la poitrine de Luke. Elle se sentait en

sécurité près de lui et cela lui donnait la force et le courage de croire en l’avenir. Elle

s’assoupit un moment. Lorsqu’elle se réveilla, Luke lui sourit.

- Prête pour repartir ?

- Oui.

Ils remontèrent à cheval et rentrèrent au galop vers la maison de Luke. Une fois

arrivés, ils descellèrent les chevaux et leur offrirent des carottes en remerciement de

leurs efforts.

- Eclair est très beau. J’adore sa couleur. C’est vraiment un cheval agréable.

- Oui. Je suis content que vous ayez apprécié cette balade.

Luke la ramena ensuite à Angelview.

- Un café ?

- Non, malheureusement. J’ai un rendez-vous d’affaire à Leeds dans une heure.

- Une autre fois, alors ?

Page 48: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Avec plaisir.

Il repartit aussitôt. Marcy remonta tristement les marches du perron. Pourquoi ne

l’avait-il pas embrassée ? Avait-il été effrayé par ses pleurs, par l’évocation de sa

dépression ? Déçue, Marcy rentra dans le manoir où il faisait de plus en plus froid.

Relancer le feu dans les cheminées aurait au moins l’avantage d’occuper ses

pensées…

Ce soir-là, Marcy décida de mettre enfin en route son ordinateur et la ligne

internet. Armée de patience, elle déplia l’immense dépliant remis par l’opérateur et

s’attela aux différents branchements. Finalement, au bout d’une vingtaine de minutes,

tout fonctionna et c’est avec plaisir qu’elle alla consulter sa boîte mail. Larry lui avait

envoyé des tas de messages et de photos. Elle le remercia et le rassura sur son sort.

Oui, elle allait bien, oui sa nouvelle vie lui plaisait, non, elle ne voulait pas revenir à

Londres. En revanche, il était le bienvenu s’il avait envie de venir passer des

vacances près de Leeds… Son meilleur ami, Jason, lui avait aussi envoyé des

messages. Avec Larry, il était le seul à être au courant de son agression. Mais lui non

plus n’allait pas très bien depuis quelques temps. Il avait eu du mal à accepter toutes

les contraintes de sa popularité. Il ne pouvait plus sortir en ville sans créer d’émeutes

et était désormais contraint de se déguiser avec une fausse barbe pour sortir de chez

lui. Cependant, Marcy sentait qu’autre chose n’allait pas et elle décida de lui

téléphoner pour en avoir le cœur net. Il habitait désormais New-York. Après

plusieurs longues sonneries, il décrocha enfin.

- Allo ?

- Jason, c’est moi, Marcy !

- Ma chérie, comment vas-tu ?

- Je vais bien, merci. Je suis heureuse d’être revenue à Angelview.

- Tant mieux.

- Et toi, comment vas-tu ?

- Moi, ça va… Pourquoi ?

- J’ai l’impression que quelque chose ne va pas. Tu n’es plus le même.

- Je ne peux rien te cacher, hein ?

Page 49: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Non, rien ! Que se passe-t-il ? Tu as des problèmes avec la presse ?

- Non, c’est compliqué… En fait je suis amoureux.

- Mais c’est merveilleux !

- Non…

- Arrête, ne me dis pas qu’elle n’est pas amoureuse de toi, toutes les filles sont

amoureuses de Jason Barnes.

- Toutes les filles je ne sais pas, en fait, le problème n’est pas là. On est

amoureux, atrocement amoureux.

- Mais quel est le problème alors ?

- Elle est mariée…

- Ah…

- C’est très compliqué, je ne sais pas quoi faire. Son mari est violent avec elle et

elle ne peut pas le quitter pour l’instant. C’est un politicien, tu comprends et il

est en pleine campagne électorale. Elle doit jouer le rôle de la parfaite épouse

sinon il risque de perdre les élections et il serait alors capable de n’importe

quoi. Je voudrais aller lui casser la figure et prendre Jenny avec moi mais il est

vraiment dangereux, il a beaucoup de pouvoir… Il ne faut surtout pas que la

presse apprenne ce qu’il y a entre nous et on essaye de se voir en cachette.

Marcy, c’est un vrai cauchemar… Je vais t’envoyer mon album, il est terminé ;

tu écouteras la chanson qui a pour titre « You are so close, you are so far » (Tu

es si près, tu es si loin) et tu comprendras ce que je ressens. Parfois, je vais à

des soirées et elle est là a,u milieu de tous ces gens, et je n’ai même pas le droit

de la regarder. Je n’en peux plus Marcy, je me sens nul, inutile…

- Mais non, voyons Jason ! C’est une situation vraiment particulière ! Une fois

les élections passées, tout se calmera et vous pourrez être ensemble.

- C’est ce que me dit Jenny mais j’ai peur qu’elle ne quitte jamais ce malade.

J’ai peur qu’il la frappe, qu’il lui fasse du mal.

- Jason, il faut tenir bon. Quand auront lieu les élections ?

- Fin février.

- Tiens jusque-là, promets-le-moi.

Page 50: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Je vais essayer.

- Ce n’est pas suffisant. Promets !

- Je te le promets…

Marcy connaissait bien le jeune chanteur. Sensible, il serait prêt à tout pour

protéger celle qu’il aimait et il ne fallait pas qu’il commette un acte irrémédiable. Les

deux amis parlèrent encore un peu et se promirent de s’appeler régulièrement pour se

donner des nouvelles. Lorsque Marcy raccrocha, elle était pleine d’angoisse pour lui.

Malgré les somnifères, elle eut du mal à s’endormir. Elle se refusa cependant à en

prendre davantage. Elle ne voulait pas devenir accroc aux médicaments comme sa

mère. Au contraire, dès le lendemain, elle diminuerait les doses même si cela lui

ferait faire plus de cauchemars. Il était hors de questions que son agression la détruise

ainsi.

Le lendemain matin, heureuse d’avoir retrouvé sa voiture, elle décida d’aller à

Leeds. Pour la première fois depuis son arrivée à Angelview, elle revêtit robe et se

maquilla légèrement. Elle s’observa dans le miroir sans complaisance et décida qu’il

était temps qu’elle reprenne soin de son corps. Ses cheveux, sans soin depuis plus de

deux mois, étaient ternes. Ses ongles avaient besoin d’une bonne manucure et surtout,

il lui faudrait reprendre quelques kilos car elle donnait vraiment l’impression d’être

malade. Elle devait pourtant reconnaître qu’elle demeurait une très belle jeune

femme, assez belle pour plaire à Luke Taylor ? Son départ de la veille le lui faisait

douter.

Elle retrouva la ville de Leeds avec bonheur. La ville s’était modernisée et elle

déambula avec plaisir dans ses rues préférées, dont Briggate, la plus grande rue du

centre ville. Elle flâna avec plaisir dans les belles galeries victoriennes et dans

Victoria Quarter, le quartier si réputé pour ses magasins de luxe. Après un rapide

déjeuner, ses pas la conduisirent malgré elle à Sellwoods. Si Luke n’avait pas racheté

le célèbre grand magasin aux Pricetown, elle n’y serait jamais retournée. Mais elle

était curieuse de voir ce qu’était devenu le magasin depuis son rachat par Luke. Elle

Page 51: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

fut stupéfaite dès son entrée. La décoration avait été entièrement refaite mais l’esprit

chic du magasin avait été conservé. Le côté prétentieux du magasin avait laissé place

à un esprit accueillant. Les vendeurs et vendeuses étaient souriants et serviables. Les

produits proposés étaient d’excellente qualité et les prix raisonnables. Elle sourit en

songeant que ce magasin lui plaisait tout comme son propriétaire. Elle acheta

quelques produits au rayon maquillage et écouta avec patience les conseils de la

vendeuse. Celle-ci la complimenta sur son visage et lui expliqua comment le mettre

en valeur. Si elle avait su que les plus grands maquilleurs s’étaient occupés d’elle !

- Désirez-vous que je vous maquille ? Cela voua aidera à comprendre les gestes

de base.

- Non merci, j’ai bien compris comment faire, la rassura Marcy en quittant le

rayon.

Elle décida de faire à son tour un cadeau à Luke pour le remercier du panier qu’il

avait laissé sur le seuil de sa porte. Mais elle ne pouvait pas lui acheter un cadeau

dans son propre magasin ! Et que lui offrir ? Il avait certainement déjà tout ce qu’il

désirait. Songeuse, elle descendit la rue principale. Elle s’arrêta devant une galerie de

peinture et entra par curiosité la visiter. Il y avait toute sorte de tableaux et beaucoup

de paysages. Tout à coup, elle poussa un cri de surprise. Dans un coin, une petite

peinture à l’huile avait attiré son attention : c’était une représentation de la Ronde des

Pierres. Le peintre avait représenté sur les pierres des ombres qui rappelaient l’âme

des sorcières. Marcy repensa à leur baiser au centre du cercle. Elle décida aussitôt

d’acheter le tableau : c’était le cadeau idéal pour Luke.

Toute heureuse d’avoir fait cet achat, Marcy décida d’aller aussitôt chez Luke

pour le lui offrir. Lorsqu’elle arriva chez lui, elle commença à douter de son geste.

Qu’allait-il penser ? N’était-elle pas en train de se jeter à son cou ? Pourtant, il était

normal qu’elle lui fasse un présent après tout ce qu’il avait fait pour elle. Avec

appréhension, elle s’approcha de la porte d’entrée et sonna. Une dame d’un certain

âge qui devait être Carla, vint lui ouvrir.

- Bonjour Mademoiselle.

- Bonjour Madame. J’aurais aimé parler à Luke, enfin à Monsieur Taylor.

Page 52: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Je suis désolée mais il n’est pas là pour l’instant. Puis-je lui faire un message ?

- Et bien, donnez-lui ceci de la part de Marcy, dit la jeune fille en lui tendant le

tableau enveloppé dans du papier kraft.

- Très bien, mais entrez Mademoiselle. Je vais dire à Madame Taylor que vous

êtes là. Elle pourra ainsi vous remercier.

- Non, ce n’est pas la peine de la déranger, s’écria Marcy.

- Elle sera heureuse de vous rencontrer, répondit-elle.

Et elle partit aussitôt après avoir déposé le tableau sur un guéridon. Marcy

s’appuya contre un mur. Heureuse de la rencontrer ? Mais elle, elle n’avait aucune

envie de rencontrer Madame… Madame Taylor ! Ainsi, Luke était marié. Comment

était-ce possible ? Elle n’avait jamais imaginé que cela soit possible. Comment

pouvait-il se montrer si prévenant avec elle alors qu’il était marié ! Il fallait qu’elle

parte immédiatement, mais à ce moment-là, une jeune femme blonde ravissante, oh

oui ravissante, vint à sa rencontre en souriant.

- Bonjour, je m’appelle Lisa. Je suis ravie de vous rencontrer.

- Bonjour, Marcy Stoneway. J’aurais voulu parler à …

- Oui, je sais, mais Luke est sorti. Un problème au bureau. Puis-je vous aider ?

Voulez-vous que je lui fasse un message ?

- Non, c’est inutile, au revoir, murmura Marcy qui se sentait de plus en plus

misérable.

- Mais vous êtes toute pâle. Venez prendre un thé avec moi.

- Mais…

- S’il vous plaît, je me sens parfois si seule ici. Mon mari travaille tellement et je

n’ai pas encore eu le temps de me faire des amies depuis que nous vivons ici.

Marcy ferma un instant les yeux. C’était un comble, un cauchemar. Voilà qu’elle

allait devenir l’amie de la femme de l’homme dont elle était tombée amoureuse. Mais

devant le regard plein de gentillesse de Lisa, elle ne put refuser.

- D’accord, répondit-elle faiblement.

Lisa la conduisit au salon et lui versa un thé tout en lui proposa des biscuits.

- Vous allez mieux ? Vous êtes encore très pâle.

Page 53: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui, merci. J’ai été malade et je ne suis pas encore bien remise.

- Vous êtes de la région ?

- Oui et non. J’ai passé ici une grande partie de mon enfance mais depuis que

j’ai treize ans, je vis, enfin, je vivais à Londres. J’ai décidé de revenir vivre

dans la maison de ma grand-mère.

- Ah mais bien sûr ! Vous êtes la propriétaire d’Angelview. Luke rêvait

d’acheter cette propriété.

- Vraiment ? demanda Marcy avec un peu d’amertume dans la voix.

- Oui, un rêve d’enfant... Je comprends que vous ne puissiez pas vendre une telle

maison. Elle a un charme indéfinissable.

- Oui, répondit Marcy en se disant qu’elle n’avait aucune envie de connaître

davantage les rêves du mari d’une autre.

- Luke m’a dit que vous aviez commencé à restaurer Angelview.

- C’est exact, souffla amèrement Marcy en réalisant que Luke avait parlé d’elle

avec son épouse.

- Vous devez avoir hâte d’avoir fini. Il a fallu deux ans pour construire cette

maison et cela nous a paru à tous une éternité. Mais c’est bien agréable de ne

plus vivre à Londres, surtout pour Lilly.

- Lilly ?

- Ma fille, Elisabeth.

- Vous avez un enfant ? s’exclama Marcy qui recevait là le coup de grâce !

- Mais oui, se mit à rire Lisa. Cela surprend toujours les gens qui ne me

connaissent pas car ils pensent que je suis très jeune. Lilly a six ans, je l’ai eu

pour mes vingt ans. Le plus beau des cadeaux d’anniversaire, n’est-ce pas ?

ajouta-t-elle avec un large sourire rempli de tendresse qui la rendait encore plus

belle.

- Sans aucun doute, bafouilla Marcy qui se sentait de plus en plus honteuse.

- Mais vous voilà toute rouge maintenant, s’étonna Lisa.

Marcy baissa la tête, confuse. Son visage la trahissait, révélant ce trop d’émotions.

Page 54: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Vraiment ? Il fait beaucoup plus chaud que chez moi, trouva-t-elle

heureusement comme excuse.

- C’est l’avantage des maisons modernes. C’est leur charme à elles, comme dit

souvent John à Luke.

- John ?

- Mon mari, expliqua Lisa perplexe.

- Votre mari s’appelle John, s’exclama Marcy sans y croire.

- Mais oui. Comment croyez-vous qu’il s’appelait ? C’est le frère aîné de Luke.

- Et vous habitez ici tous ensembles ?

- Oui. Luke et John sont très proches. John a élevé Luke à la mort de leurs

parents. John n’avait que seize ans, et Luke dix, lorsqu’ils ont eu ce terrible

accident de voiture. Cela a été très difficile pour John qui a dû arrêter ses

études, mais il a tout fait pour que son frère fasse de bonnes études. Luke a

remarquablement réussi sa carrière professionnelle. Ils travaillent ensemble

maintenant.

- Je vois…

- Nous habitons ici depuis six mois car mon mari et Luke souhaitaient revenir

vivre dans leur région. Ils adorent le West Yorkshire et Leeds. J’aime de plus

en plus cette région mais je me sens seule dans cette maison isolée. Vous êtes

notre plus proche voisine ! J’espère que nous nous rencontrerons souvent

maintenant que nous avons fait connaissance.

- J’ai été très heureuse de vous rencontrer, Lisa, déclara Marcy en terminant sa

tasse de thé et en ajoutant silencieusement « finalement » à sa phrase.

- Moi aussi. Et comme nous sommes voisines, je suis sûre que nous deviendrons

de bonnes amies.

- Moi aussi, Lisa, répondit chaleureusement Marcy, soulagée de ne pas avoir

trahie une si gentille jeune femme.

- Je vous raccompagne. Je dirai à Luke que vous êtes passée.

- Merci.

Page 55: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Marcy regagna sa voiture comme une automate. Cette rencontre avait été trop

riche en émotion. Elle avait découvert à quel point elle était amoureuse de Luke, à

quel point elle tenait déjà à lui. Elle démarra la voiture et roula au hasard des

chemins. Ses pensées se bousculaient dans sa tête. Elle repensa à Jason et comprit

toute la peine, toutes les souffrances, qu’il devait ressentir. Qu’aurait-elle fait si Lisa

avait vraiment été la femme de Luke ? Heureusement cela n’avait été qu’un

malencontreux quiproquo ! Elle retourna finalement à Angelview l’esprit apaisé. A sa

grande surprise, le 4/4 de Luke était garé devant le perron. Il vint à sa rencontre et

ouvrit la portière du cabriolet.

- Bonjour.

- Bonjour Marcy. Vous êtes ravissante dans cette robe.

- Merci.

- Je suis venu pour vous remercier de votre cadeau. J’ai été très touché. Je crois

que c’est la première fois qu’une jeune femme me fait un cadeau, ajouta-t-il

d’une voix bourru.

- Vraiment ?

- Vraiment. En général, ce sont les hommes qui offrent des cadeaux, non ?

- Sans doute, mais je tenais à vous remercier, et dès que j’ai vu ce tableau j’ai

pensé qu’il vous plairait. Et puis, c’est l’occasion de commencer à décorer

votre maison.

- Tout à fait, cela me rappellera toujours notre promenade.

Marcy ne put s’empêcher de rougir.

- Vous m’aviez promis un café la dernière fois…

- Entrez. Et cette fois, il y a même des biscuits !

Ils se rendirent à la cuisine en riant. Marcy prépara deux expresso et sortit une des

boîtes de biscuits offertes par Luke.

- J’avais hâte de goûter à nouveau à ce délicieux café…

- Aimeriez-vous visiter Angelview après ?

- Avec plaisir. J’ai toujours rêvé de visiter le manoir…

- J’espère que vous ne serez pas déçu !

Page 56: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Impossible !

Une fois leur café terminé, ils quittèrent la cuisine et regagnèrent l’immense

entrée. Ils allèrent tout d’abord dans le salon qui servait de séjour à Marcy. La pièce

était spacieuse et accueillante.

- Maintenant, attention, dit Marcy en ouvrant une porte. La salle de réception…

Luke ne put s’empêcher d’émettre un long sifflement admiratif.

- C’est immense. Je ne m’attendais pas à cela…

- C’était la salle de réception et de bal. J’adore la peinture au plafond.

- C’est extraordinaire. Et la vue ! Quel dommage que...

- Oui ? demanda Marcy.

- Rien, rien…

Perplexe, Marcy ne put s’empêcher de repenser à tous les efforts que l’homme

d’affaires avait faits pour essayer d’acheter le manoir. Ils ressortirent pour se rendre à

la bibliothèque dont les murs étaient couverts de livres du sol au plafond.

- On se croirait dans un film…

- Oui. Mais il faudrait tout moderniser…

- C’est magnifique, Marcy, et Angelview ne demande qu’à revivre…

Ils montèrent ensuite au premier étage pour visiter les chambres qui étaient

disposées de part et d’autre des deux escaliers.

- Il y a huit chambres et chacune a sa couleur. La chambre jaune était celle de

ma grand-mère, la chambre verte celle de mes parents, la parme la mienne, et

les autres celles des invités…

- De quoi avoir une grande famille, se mit à rire Luke.

- Je ne crois pas que j’aurai sept enfants, répondit en riant Marcy. En fait, je

n’utilise qu’une petite partie du manoir : ma chambre, la cuisine et le petit

séjour. Mon endroit préféré, quand j’étais enfant, c’était le grenier. Vous

voulez le voir ?

- Bien sûr puisque c’était votre endroit préféré !

La pièce était habitable et pleine d’anciens meubles et de malles remplies de

souvenirs, de vieux habits et de déguisements…

Page 57: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- On doit adorer jouer là quand on est enfant…

- Oui, j’ai des tas de souvenirs..., dit Marcy, rêveuse.

Luke ne pouvait détacher son regard de la jeune fille. Ils redescendirent lentement

les escaliers côte à côte.

- Accepteriez-vous de dîner avec moi en ville ce soir ?

- Oh, je…

- Dites oui, Marcy. Cela me ferait tellement plaisir.

- D’accord mais je ne vous promets pas d’être de très bonne compagnie…

- Mais si. Je viendrai vous chercher à vingt heures.

- D’accord…

- A ce soir, murmura-t-il en déposant un baiser au coin de ses lèvres.

Marcy remonta aussitôt à l’étage prendre un bain. Elle voulait être la plus belle

pour Luke. Elle passa un gant exfoliant sur tout son corps et fit un masque à ses

cheveux. Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas pris soin d’elle ! Elle s’appliqua

à faire un chignon sophistiqué et se maquilla légèrement tout en mettant en valeur son

fameux regard émeraude. Elle lima ses ongles et passa un vernis nacré. On était loin

de la French manucure mais le résultat était tout de même satisfaisant. Le plus

difficile fut de choisir une robe. Elle n’avait aucune idée de l’endroit où Luke voulait

l’emmener. Mais il avait parlé de sortir et il devait sans aucun doute fréquenter les

meilleurs restaurants de Leeds. Elle décida donc de mettre une robe de soirée blanche

qui mettait en valeur son décolleté et sa taille. Elle enfilait ses escarpins quand Luke

sonna à la porte. Elle descendit rapidement les escaliers et lui ouvrit en reprenant sa

respiration. Devant l’air ébahi de Luke, elle rougit et murmura :

- C’est trop ? Je peux me changer …

- Pas du tout. Vous êtes… resplendissante. Attention, vous êtes superbe au

naturel mais dans cette robe vous êtes extraordinaire. On se croirait dans

Vogue !

Marcy éclata de rire en s’imaginant en couverture du célèbre magazine.

- Vogue ? Pourquoi pas ? Vous êtes sûr que je ne suis pas trop habillée ?

- Non, vous êtes parfaite.

Page 58: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Luke n’était pas venu en 4/4 mais dans une superbe jaguar couleur bronze et ils se

rendirent dans le plus grand restaurant de la ville. Luke avait réservé une table et fut

reçu avec tous les honneurs liés à son statut de célèbre homme d’affaires. Il était lui

aussi très élégant dans son costume noir et tous les regards se tournèrent vers le jeune

couple.

- Vous désirez un apéritif ?

- Une eau gazeuse. Je n’aime pas beaucoup l’alcool.

Luke la conseilla dans le choix des plats et ils choisirent tous deux des coquilles

Saint Jacques.

- Vous attirez tous les regards…

- Vous aussi.

- Je ne crois pas. Et dire que je vous ai traitée de squatteuse !

Marcy se mit à rire.

- Il y avait de quoi !

- Non, en fait, c’était la première fois que je voyais de la lumière dans le manoir.

J’étais venu vérifier qu’il n’y avait pas de cambrioleurs.

- Non, c’était juste moi.

- Juste vous, répéta-t-il en riant. Combien d’hommes fous d’amour avez-vous

laissés à Londres ?

- Aucun ! Je voyageais énormément pour mon travail et je n’avais pas le temps

d’avoir une relation sérieuse.

- Quel gâchis ! Pourtant, c’est à cause d’un homme que vous avez quitté

Londres.

- C’est plus compliqué que cela. Je ne veux pas en parler, s’il vous plaît.

- Excusez-moi.

Luke et Marcy discutèrent alors de choses et d’autres. Luke avait lui aussi

beaucoup voyagé pour ses affaires et avait vécu plusieurs années aux Etats-Unis.

Marcy comprit que c’était pour cela qu’il ne l’avait pas reconnue. Son visage n’était

connu qu’en Europe et surtout en Angleterre. Elle préférait que cela soit ainsi. Elle ne

voulait pas qu’il la considère comme une cover-girl à la vie délurée.

Page 59: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Voua avez rencontré ma belle-sœur aujourd’hui, n’est-ce pas ?

- Oui, répondit Marcy en rougissant.

- Elle vous a trouvé un peu… étrange…

- Vraiment ? fit mine de s’étonner Marcy.

- Vraiment. Je me demande pourquoi ? dit-il avec un sourire narquois.

- Arrêtez de vous moquer de moi. Je sais bien que j’ai été ridicule.

- Que s’est-il passé ?

- Et bien, quand j’ai su qu’il y avait une madame Taylor, j’ai cru…, j’ai pensé…

- Oui ?

- J’ai pensé que c’était votre femme.

Il éclata de rire.

- - Voilà pourquoi vous n’avez pas arrêter de rougir et pâlir devant elle ! Mais

vous avez vraiment pensé que Lisa était mon épouse ? Vous croyez que si

j’étais marié, je courtiserais d’autres femmes ?

Marcy rougit de plus belle.

- Non, mais, en fait, je ne savais plus quoi penser.

- Lorsque je me marierai, Marcy, je m’engagerai totalement et il n’y aura plus

que mon épouse qui comptera. Je suis traditionnel sur ce point. Et vous ?

- Moi aussi, souffla Marcy gênée.

- Ce n’est pas le lieu pour parler de cela, je suis désolé. Mais je pensais que vous

aviez une meilleure opinion de moi…

- Naturellement! Ce fut un affreux malentendu, je vous assure.

- Très bien.

- Et vous avez une nièce alors ? dit Marcy pour changer le cours de la

conversation.

- Oui, Lilly est adorable. Elle est aussi très coquine. C’est le rayon de soleil de la

maison.

Ils allaient commander leur dessert lorsque Marcy blêmit soudainement : elle

venait d’apercevoir Charles Pricetown au bras de son épouse.

- Que se passe-t-il ? demanda Luke en voyant la jeune femme se figer.

Page 60: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Je voudrais partir…

- Partir, mais pourquoi ?

Luke tourna la tête pour suivre le regard de Marcy. Il aperçut alors Pricetown et

comprit aussitôt.

- C’est lui, n’est-ce pas, l’homme qui vous a fait quitter Londres ?

- Oui. C’est compliqué… Partons s’il vous plaît. Je ne veux surtout pas le voir

ou lui parler.

- Trop tard…

James Pricetown arrivait près de leur table. Il n’avait manifestement l’intention de

les ignorer mais ce fut sa femme qui s’écria :

- Marcy, quelle surprise ! Bonsoir Monsieur Taylor.

Luke se leva pour la saluer mais ne tendit pas à la main son époux. Les relations

entre les deux hommes étaient visiblement tendues.

- Que fais-tu donc à Leeds Marcy ? reprit Laura.

- Je suis venue m’occuper d’Angelview.

- Ah oui, le petit manoir de ta grand-mère. C’est charmant.

Laura Pricetown n’était pas méchante mais comme elle avait toujours vécu dans

des demeures somptueuses, elle considérait réellement Angelview comme un petit

manoir… Pricetown regardait au loin, l’air hautain, et impatient que sa femme

termine de discuter avec Marcy.

- C’est une étrange coïncidence que je te croise ce soir.

- Pourquoi ?

- Et bien, je ne sais pas si tu le sais, mais je suis enceinte, et j’ai appris

aujourd’hui que c’était une petite fille. Je rêve de l’appeler Marcia comme toi,

j’ai toujours adoré ton prénom.

Marcy écarquilla les yeux de stupeur et ne put s’empêcher de regarder Pricetown.

Comment cet homme pouvait-il envisager de faire porter à sa propre fille le nom

d’une femme qu’il avait essayé de violer ? Visiblement excédé par le tour que prenait

la conversation, il déclara d’un ton sec.

- On n’en est pas encore là. Le choix d’un prénom se décide en famille.

Page 61: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Il est vrai que cela influence grandement les parts d’héritage, ironisa Luke.

- Comment osez-vous ?

- Vous n’allez pas me faire croire que votre choix ne sera pas, comme toujours,

dicté par de vils intérêts.

Laura Pricetown se mit à rire niaisement pour interrompre l’échange entre les

deux hommes.

- Bonne soirée, siffla finalement Pricetown en s’éloignant avec son épouse.

Un silence pesant s’installa alors entre Marcy et Luke. La jeune femme tentait

d’atténuer la colère qui montait en elle. Pourquoi avait-il une vie sans problème alors

qu’elle était devenue incapable de diriger la sienne ? Quant à Luke, il tentait de

comprendre les relations qui unissaient Pricetown et Marcy et ce qu’il imaginait le

rendait fou.

- Partons, dit-il d’une voix sourde.

Marcy le suivit, il régla rapidement l’addition et ils se retrouvèrent devant les

portes de l’ascenseur du restaurant. La colère de Luke était visible. Elle explosa dès

qu’ils furent seuls dans l’ascenseur.

- Vous avez pour habitude de fréquenter des hommes mariés, c’est pour cela que

vous avez pu imaginer que je l’étais ?

- Mais pas du tout Luke, répondit Marcy, décontenancée par cette critique.

- Arrêtez de mentir. Votre visage semble si pur, si doux mais ce n’est qu’une

apparence. Il n’a pas voulu quitter sa femme pour vous parce qu’elle est

enceinte ? C’est pour cela que vous avez quitté Londres ?

Indignée, Marcy leva la main et gifla Luke violemment. La trace rouge de ses

doigts apparut sur le visage du jeune homme.

- Je ne vous permets pas de dire de telles choses sur moi. Je hais Pricetown et

jamais jamais je n’ai été sa maîtresse. Comment pouvez-vous m’imaginer avec

un homme tel que lui ? Il n’a aucune morale, aucune sensibilité. Il méprise tous

ceux qui ne sont pas de son rang social alors que c’est lui le plus méprisable.

Luke observa la jeune femme quelques instants puis déclara :

Page 62: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Excusez-moi, votre réaction devant sa femme m’a fait imaginé qu’il y avait eu

quelque chose entre vous.

A ce moment-là, les portes de l’ascenseur s’ouvrirent. Luke prit Marcy par le bras

et la conduisit vers la Jaguar. Une fois assise, Marcy prit son visage entre ses mains et

se mit à pleurer.

- Ne pleurez pas Marcy, je suis désolé, murmura-t-il en la serrant dans ses bras.

- Ce n’est pas de votre faute. Je ne voulais plus jamais le revoir. C’est pour cela

que je suis partie de Londres. Mais une partie de sa famille habite près de

Leeds, et j’aurais dû m’attendre à le rencontrer un jour.

- Que vous a-t-il fait ?

- Je ne peux pas en parler comme ça.

- Je vous ramène chez vous.

- Merci.

Ils firent le trajet de retour sans parler. Luke alluma la radio et le concerto pour

piano n°21 de Mozart se mit à résonner dans l’habitacle. Marcy ferma les yeux et se

laissa envahir par la musique. Enfin, Luke gara la voiture devant Angelview.

- Vous allez mieux ?

- Oui, merci. Je suis désolée que le repas se soit achevé ainsi. Vous avez envie

d’une tasse de thé avec de délicieux biscuits ?

- J’en meurs d’envie…

En riant doucement, ils entrèrent dans la maison. Marcy conduisit Luke dans le

salon qui lui servait de salle de séjour.

- Pendant que vous préparez le thé, je vais rallumer le feu dans la cheminée,

proposa Luke. Vous n’avez pas froid ?

- Un peu.

Luke prit le plaid qui se trouvait sur le canapé et en enveloppa Marcy. Il l’attira

contre lui et elle posa la tête sur son torse. Elle entendait son cœur battre dans sa

poitrine.

- Il faut que j’aille faire le thé, dit-elle finalement avec une pointe de regret.

- Oui, il faut, rétorqua-t-il avec regret.

Page 63: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Marcy revint rapidement avec un plateau. Le feu crépitait dans la cheminée et ils

s’installèrent sur un des canapés autour de la table basse devant le feu. Ils discutèrent

de tout et de rien en prenant le thé.

- - Et bien finalement, je ne pensais pas dire cela un jour, mais je remercie

Pricetown. Grâce à lui, j’ai eu le plus agréable des desserts. J’aimerais

comprendre, Marcy, ce qu’il s’est passé entre vous.

- Je ne sais pas si je vais arriver à vous raconter. C’est trop douloureux.

Luke s’approcha doucement et la prit dans ses bras. Il s’installa

confortablement dans le canapé et la jeune fille se blottit dans ses bras.

- Il faut que vous parliez pour surmonter votre douleur, murmura-t-il en lui

caressant doucement les cheveux. C’est à cause de lui que vous avez fait une

dépression ?

- Oui.

- Mais que s’est-il passé ?

- J’ai tellement honte, je me sens si mal…

- Je suis prêt à tout entendre, Marcy.

- C’était à une soirée à la fin du mois d’août, se mit-elle finalement à raconter. Il

y avait un bal organisé par une société de Pricetown. Quand je suis arrivée, il

m’a invitée à danser. Je le connais depuis toujours. C’est un lointain parent de

ma grand-mère. En fait, nos grand-mères sont cousines et on allait parfois chez

eux. Il n’a jamais prêté attention à moi mais ce soir-là, il m’a dit que j’étais

devenue très belle et je ne sais pas comment, je me suis retrouvée enfermée

avec lui dans une pièce. Je lui ai dit que je voulais partir mais…

Marcy ne trouvait plus ses mots et des spasmes l’empêchaient de prononcer toute

parole. Luke la serra contre lui. Il tentait de contenir la fureur qui montait en lui en

imaginant la scène. Finalement, Marcy reprit la parole.

- Il me tenait très fort, il mettait sa bouche partout sur mon visage et il s’est

déshabillé. En plus, son meilleur ami, Berckely, était là et il n’arrêtait pas de

rire. C’était affreux, affreux ! Oh comme je les hais !

Page 64: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Ce n’est pas possible ! Ils n’ont pas pu faire ça ! Je sais que Pricetown est sans

scrupule, sans morale mais de là à…

- Il s’est lassé des conquêtes faciles. Avec son meilleur ami, Berckley, ils

avaient décidé de s’attaquer à des proies plus difficiles par tous les moyens,

même le viol.

- Marcy, il n’est pas parvenu à ses fins au moins ?

- Non, heureusement… Larry, mon patron est arrivé tout à coup par une porte-

fenêtre et il m’a libérée. Pauvre Larry… Lui qui est si petit et si frêle, il avait

une force de boxeur. On est parti aussitôt, et ensuite j’ai été très déprimée. Je

ne voulais pas continuer à prendre des calmants, alors j’ai décidé de changer de

vie, de quitter Londres et de revenir à Angelview. Cette maison est un refuge

pour moi.

- Pourquoi n’avez-vous pas porté plainte ?

- Porter plainte contre un des plus grands avocats de Londres ? Je n’avais pas

une chance. Et puis j’avais envie de disparaître sous terre, pas que l’on parle de

moi partout.

- Je comprends…

- Je ne voulais plus être vue parce que j’ai peur… J’ai peur qu’un jour, ça

recommence. Je ne sais pas si j’arriverai à avoir une relation avec un homme.

- Vous aviez déjà fait l’amour Marcy ?

- Non… J’étais trop prise par mon travail pour avoir une relation sérieuse. Et

puis je n’ai jamais rencontré la bonne personne.

- C’est pour cela que vous êtes aussi choquée. Il vous a montré le côté bestial

que peut avoir une relation sexuelle. Mais je vous assure, Marcy, que cela peut

être tout différent.

- Je préfère que l’on parle d’autre chose.

- Bien sûr. Je n’aurai pas dû vous parler de cela. Je vous ai fait peur au lieu de

vous rassurer.

Page 65: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Après un moment de silence, Luke lança la discussion sur les deux nouveaux

chevaux qu’il devait recevoir bientôt pour que Marcy chasse l’agression de ses

pensées.

- Ce sont des mustangs.

- Des mustangs ! J’ai hâte de les voir ! Ils sont certainement magnifiques.

Peu à peu, toute tension disparut et Marcy s’endormit dans les bras de Luke sans

s’en apercevoir. Vers quatre heures du matin, elle s’éveilla en hurlant. Elle cria

encore plus en sentant un homme qui la tenait par les bras.

- Marcy, Marcy, arrêtez, c’est moi, c’est Luke !

A la lueur des braises de la cheminée, elle entrevit le visage de Luke.

- J’ai fait un cauchemar.

- Je n’aurais pas dû vous faire raconter tout cela.

- Non, de toute manière, je fais ce cauchemar toutes les nuits. Je revois la scène

et Larry n’arrive pas et je me réveille en hurlant.

- Je pourrai les tuer ! s’exclama Luke.

- Luke, ne dîtes pas cela…

- Pricetown est encore pire que ce que j’imaginais…

- A cause de moi, vous allez être tout courbaturé demain, murmura Marcy.

- Vous vous êtes endormie et je n’ai pas eu le courage de vous réveiller. Et puis

ce canapé est très confortable.

- Mon lit l’est quand même davantage !

- Je vais vous porter alors.

Et comme un père porterait son enfant, Luke prit Marcy dans ses bras et la porta

jusqu’à sa chambre. Il sourit en redécouvrant la pièce.

- C’est ma chambre d’enfant.

- Je vois ça.

Des peluches et des jouets décoraient encore les meubles.

Luke s’assit sur le lit et borda la jeune fille.

- Ça va aller ?

- Oui mais je n’ai pas envie que vous partiez.

Page 66: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Je n’ai pas envie de vous laisser non plus. J’aimerais que vous dormiez dans

mes bras… en tout bien tout honneur naturellement.

- Pourquoi pas ?

- Vous me faites confiance ?

- Oui.

Luke retira sa veste et se coucha près d’elle. Il l‘enlaça et la jeune fille s’endormit

en sécurité dans ses bras…

Le lendemain matin, Luke se réveilla le premier. Il observa Marcy qui dormait un

long moment. Comme il aurait aimé la réveiller d’un baiser, d’une étreinte… Marcy

bougea dans son sommeil et en sentant le corps du jeune homme, elle se réveilla.

- Bonjour, belle demoiselle.

- Bonjour.

- Il faut que je parte. Je dois rentrer me changer et j’ai des rendez-vous ce matin.

- Vous n’avez pas le temps de prendre un petit-déjeuner ? Un café ?

- Je ne peux pas dire non à un café proposé si gentiment, murmura-t-il en

déposant un léger baiser sur les lèvres de Marcy.

Marcy enfila une robe de chambre par-dessus sa robe de soirée… Quant à Luke,

son costume était tout froissé.

- On est franchement ridicule, se mit à rire Marcy.

- Oui mais j’ai tout de même très bien dormi…

- Moi aussi…

Luke s’approcha de la coiffeuse et découvrit la collection de parfum de la jeune

fille : une vingtaine de flacon hors de prix décoraient le meuble.

- Des cadeaux de soupirants ?

- Non, des cadeaux professionnels. Je garde un flacon de chaque parfum et

j’offre les autres. Je trouve cela joli…

- Vous aimez le luxe ? demanda Luke sèchement.

- Pas vraiment… Je travaillais dans la mode et j’étais entourée de jolies choses

mais je peux m’en passer. J’attache plus d’importance à l’intérieur qu’à

l’extérieur des personnes.

Page 67: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Vraiment ? demanda Luke en la scrutant du regard.

- Vraiment ! lui assura marcy. D’ailleurs, je ne me parfume presque jamais !

Luke ne put s’empêcher de rire mais Marcy avait bien senti que quelque chose

l’avait gêné…

Marcy prépara deux expresso avec son fameux café italien. Lorsque Luke se leva

de table et déposa un léger baiser sur ses lèvres pour lui dire au revoir, elle eut un

instant l’impression qu’elle disait au revoir à son mari... Elle resta immobile un long

moment, savourant cet instant tandis que la Jaguar s’éloignait.

Luke rentra chez lui par la porte de derrière espérant ne rencontrer personne. Il

avait fait le mauvais choix : son frère et sa belle-sœur était en train de prendre leur

petit déjeuner dans la cuisine.

- Bonjour…

- J’ai l’impression que mon beau-frère préféré a passé la nuit dehors…

- Je la connais ? demanda son frère en souriant…

- Dans ces moments-là, je regrette de ne pas avoir un appartement en ville…

- Allez, dis-nous, Lilly a très envie d’avoir un petit cousin, le taquina Lisa.

- Ma chère belle-sœur, sachez que votre fille désire avant tout un petit frère et

que vous devriez y travailler sérieusement avec votre époux. Cette maison est

faite pour les grandes familles !

- Ne change pas de sujet. Je parie que c’est la jeune fille qui est venue hier. Tu

vas vite en besogne !

- Lisa, sérieusement, il ne s’est rien passé et je ne voudrais pas que Marcy soit

gênée si elle vient ici…

- D’accord, il ne s’est rien passé, dit Lisa avec un grand sourire.

- Et c’est qui exactement cette Marcy ? demanda John.

- C’est la propriétaire d’Angelview, lui répondit sa femme.

- Rien que ça !

Luke lança un regard courroucé à son frère.

- Bon, excusez-moi, mais je vais me changer, j’ai rendez-vous en ville ce matin.

Page 68: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Les jours qui suivirent, Luke fut très pris par son travail et il ne put contacter

Marcy que par téléphone. Il s’en voulait de ne pas être plus disponible pour la jeune

fille car il savait qu’elle avait besoin de lui. Pour comble de malchance, il se retrouva

dans l’obligation de se rendre en Asie pour régler des problèmes de défauts de

fabrication. Avant de partir pour l’aéroport, il fit une rapide visite à la jeune fille pour

lui annoncer son départ.

- Bonjour, Marcy.

- Bonjour, Luke. Vous avez pu vous libérer ?

- Pas vraiment… Juste le temps d’un café…

- Entrez.

Ils se rendirent dans la cuisine sans oser un geste l’un vers l’autre. Trop de jours

s’étaient écoulés depuis leur dernière rencontre. Marcy prépara rapidement deux

expresso, sortit un paquet de biscuit puis s’assit en face du jeune homme.

- Vous m’avez manqué, déclara Luke en caressant la main de la jeune fille.

- Vous aussi, ne put s’empêcher de lui avouer Marcy.

Luke se leva et prit la jeune fille dans ses bras. Il déposa un baiser dans son cou

tout en murmurant son prénom. Marcy se cambra et poussa un long soupir. Luke

resserra son étreinte et commença à l’embrasser avec fougue.

- Je n’en peux plus, Marcy…

Devant tant d’empressement, Marcy prit peur et le repoussa. Elle détourna la tête

et mit ses mains sur son visage avec désespoir.

- Excusez-moi, je ne voulais pas vous brusquer…

- Non, Luke, c’est de ma faute. Je suis désolée.

Luke fit un geste pou la prendre dans ses bras puis se retint. Cela était plus sage…

- Marcy, je suis venu en coup de vent. Je dois aller à l’aéroport. Je suis obligé de

partir pour l’Asie et je ne sais pas quand je serai de retour.

- Oh ! s’exclama Marcy.

- Je vous appellerai dès mon retour, promit-il en passa sa main sur sa joue

doucement. Vous allez tellement me manquer…

Page 69: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Il partit peu après, laissant Marcy désespéramment seule…

Page 70: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

VI

Plus Noël approchait, plus Marcy se sentait triste. Depuis que Luke avait dû

partir subitement pour ses affaires à l’autre bout du monde, il ne lui avait pas donné

de nouvelles. Cela était somme toute normal : il ne la connaissait que depuis quelques

semaines et elle était une étrangère pour lui… Mais il avait pris une place si

importante dans son existence qu’elle ne pouvait que souffrir de son absence et de

son silence. Peu à peu, elle fut convaincue que ce voyage n’était qu’une excuse pour

ne plus la revoir. Il devait en avoir assez de ses crises de larmes et d’être avec une

femme qui se refusait à lui. Finalement, quelques jours avant Noël, elle s’était

convaincue qu’il ne valait pas la peine que l’on pense à lui et elle décida qu’il était

grand temps qu’elle l’oublie. Cela était naturellement plus facile à dire qu’à faire…

Elle ne rechargeait même plus son portable car elle en avait assez d’attendre un

message qui ne viendrait jamais.

Le 24 décembre, Marcy se réveilla le cœur serré. Elle allait passé Noël seule dans

cette immense maison. Larry avait pourtant tout fait pour la convaincre de venir à

Londres.

- Allez viens. Bon je sais, ce ne sera pas très conventionnel mais on s’était bien

amusé l’année dernière…

L’année précédente, Marcy avait passé Noël avec Larry et trois de ses amis gays.

Comme ils s’étaient amusés, comme ils l’avaient chouchoutée, comme elle était

insouciante à cette époque…

- C’est gentil Larry, mais je préfère rester à Angelstone.

- Tu ne seras pas seule au moins ?

- Non, avait-elle menti. Je vais allée chez des amis.

En fait, les Walkers l’avait invitée mais elle avait poliment refusé. Elle ne voulait

pas donner de faux espoirs à Ted. Marcy n’avait même pas prévu un repas particulier.

Elle mangerait comme d’habitude quelques sandwiches insipides…

Page 71: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Comme il pleuvait, elle passa la journée au manoir à faire de menus travaux. Dans

la soirée, elle s’installa dans le salon devant un programme télévisé sans intérêt. Elle

se pelotonna dans une couverture. Comme d’habitude, le feu de cette maudite

cheminée avait tendance à s’éteindre en fin de journée…

En atterrissant enfin à l’aéroport de Leeds, Luke Taylor était éreinté par ce voyage

en Asie. Ce problème d’approvisionnement avait eu lieu au plus mauvais moment. Il

avait dû laisser Marcy et il se demandait comment allait la jeune fille. Heureusement,

il avait réussi in extremis à boucler ses affaires à temps pour passer Noël en famille.

Il regagna rapidement sa voiture puis roula à vive allure pour rejoindre son frère, Lisa

et Lilly afin de réveillonner avec eux. Ce fut la petite fille qui l’accueillit la première.

- Oncle Luke ! J’avais peur que tu ne rentres pas. Tu crois que Papa Noël va

venir ?

- Mais bien sûr. Pourquoi ne viendrait-il pas ? Tu es la plus gentille des petites

filles de la terre, non ? dit-il en la faisant tournoyer autour de lui.

- Ben, papa a allumé un grand feu dans la cheminée…

- On l’éteindra cette nuit…

John et Lisa l’embrassèrent et après une rapide discussion sur son voyage, il

monta se changer. Le repas se passa agréablement. Luke était heureux de réunir sa

famille : ses oncles et tantes ainsi que ses cousins et cousines étaient là. Pourtant il se

sentait étrangement seul, vide. Marcy lui manquait et il se demandait où elle était, ce

qu’elle faisait et avec qui. Il l’avait appelée plusieurs fois depuis son retour en

Angleterre mais son portable était éteint. Vers dix heures, il se chargea d’aller

coucher sa nièce.

- Dis, Oncle Luke, tu crois que si j’arrive à ne pas dormir, je le verrai le Père

Noël ?

- Non, mon cœur. Il ne vient que lorsque les enfants dorment profondément…

- Et tu es sûr qu’il est au courant que maintenant j’habite ici ? Il ne va pas aller à

Londres ?

- Non, il est au courant de tout.

Page 72: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Alors, ça va…

Il embrassa la petite fille, la borda avec tendresse et laissa une veilleuse pour

qu’elle s’endorme paisiblement. En passant dans le couloir, il aperçut Angelview et

vit une lumière allumée. Marcy était-elle donc là ? Il eut le pressentiment qu’elle était

seule. Il fallait qu’il en ait le cœur net. Discrètement, il appela sa belle-sœur et

l’entraîna dans la cuisine.

- J’ai des cadeaux pour Lilly dans le coffre de la Jaguar. Tu peux t’en occuper ?

- Bien sûr. Mais pourquoi ne les mets-tu pas toi-même au pied du sapin ?

- Je voudrais aller voir Marcy.

- Ah…

Il restait beaucoup de nourriture et Lisa l’aida à envelopper des homards, du

saumon, du chapon et toutes sortes de bonnes choses. Elle découpa aussi deux

grosses parts de bûche et ajouta naturellement une bouteille de champagne.

- Heureusement que tu as à peine touché à ton assiette ce soir…

- Je n’avais vraiment pas faim…

- Vas-y vite.

Lorsque Luke souleva le lourd heurtoir en fer forgé du manoir, il se dit qu’il allait

sans doute être ridicule avec son panier à provision. Marcy avait certainement invité

des amis…

Marcy sursauta en entendant le heurtoir résonné. Qui pouvait bien venir à dix

heures passées un soir de Noël ? Elle était en robe de chambre et n’avait guère envie

d’aller ouvrir. Mais le heurtoir résonna à nouveau. Elle ouvrit la porte doucement et

découvrit Luke avec un panier à pique-nique.

- Luke ?

- J’ai vu de la lumière et j’ai pensé que l’on pourrait réveillonner ensemble…

Le visage de Marcy s’illumina et elle ne put s’empêcher de se jeter dans ses bras.

- Vous m’avez tellement manqué !

Page 73: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Vous aussi Marcy. J’ai été obligé de voyager en Chine et il était très difficile

de communiquer avec l’Europe, murmura t il en la serrant contre lui. Alors, je

peux entrer ?

- Bien sûr. Mais vous êtes si élégant… Laissez-moi aller me changer.

- Entendu. Pendant ce temps, j’installerai la table.

- Toute la vaisselle se trouve dans le buffet à côté de la cheminée.

- Parfait…

Marcy courut à l’étage. Elle chercha une robe et arrêta finalement son choix sur

une robe de soirée rouge. Elle coiffa ses cheveux qu’elle laissa libre sur ses épaules.

Elle se maquilla légèrement puis mis de fins escarpins. Satisfaite du résultat, elle

retourna au salon. Elle poussa un cri de surprise en découvrant la table mise par Luke.

Il avait déplié une nappe blanche et plaçait les couverts en argent et les assiettes en

porcelaine doré à l’or fin qui appartenaient à sa famille. Les verres en cristal brillaient

de mille feux. Il avait déposé une bouteille de champagne dans un seau en argent.

Mais surtout, Luke avait pensé à mettre deux chandeliers et les bougies donnaient un

caractère merveilleusement romantique à la table.

- C’est magnifique…

- Je n'ai eu qu’à ouvrir le buffet. Cette vaisselle est splendide.

- Oui, cela fait si longtemps qu’on ne l’a pas utilisée…

- Attention, on ne pleure pas…

- D’accord, murmura Marcy en baisant la tête.

Il s’approcha d’elle et releva son menton.

- Tu allais passer Noël ici toute seule ?

- Je n’avais pas envie de faire semblant d’être gaie avec mes amis. Et je me

demandais ce que tu faisais, si tu pensais à moi…

- Je n’ai fait que penser à toi, et j’étais fou de rage de devoir partir alors que tu

avais besoin de moi…

Luke baissa la tête et embrassa la jeune fille. Marcy sentait qu’il se retenait pour

ne pas l’effrayer… Ils se séparèrent à regret et s’installèrent à table.

- J’adore le homard ! Mais tu ne devrais pas dîner en famille ?

Page 74: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- En vérité, j’ai déjà dîné avec eux. On dîne tôt pour Lilly. Je suis parti après le

dessert.

- Ils ont dû être surpris !

- J’ai laissé à Lisa le soin de me trouver une excuse…

- Et tu as encore faim ?

- J’ai une faim de loup, s’exclama t-il en riant.

Marcy se mit aussi à rire mais elle se doutait bien qu’il y avait là un sous-

entendu…

- Ton voyage s’est bien passé ?

- Oui, j’ai pu régler ce qu’il y avait à régler. Mais je préférerai avoir une usine

ici, à Leeds, et ne plus avoir à aller en Asie à chaque fois que le cahier des

charges n’est pas respecté…

Le repas était excellent. Marcy avait du mal à croire qu’elle passait finalement un

aussi beau réveillon… Après le repas, ils s’installèrent sur le canapé et poursuivirent

leur conversation. Luke et Marcy partagèrent des souvenirs d’enfance, tantôt gais,

tantôt tristes et ils se rendirent compte à quel point ils étaient attachés à ces lieux. Peu

à peu, Marcy sentit le sommeil la gagner.

- Tu veux aller dormir ?

- Je n’ai pas envie que tu partes.

- Tu veux que je reste, comme la dernière fois ?

- Oui, mais ce n’est pas trop te demander ?

- Non, je me conduirai en parfait gentleman…

Ils montèrent les escaliers enlacés. Marcy avait toujours rêvé de monter ainsi les

escaliers d’Angelview au bras de l’homme qu’elle aimait… Elle se prépara pour la

nuit et passa une chemise de nuit.

- Tu vas encore dormir en costume…

- Pyjama de luxe !

- Je ne sais pas si Angelo apprécierait.

- Angelo ?

- Oui c’est bien un costume d’Angelo Rossi, n’est-ce pas ?

Page 75: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui, comment le sais tu ?

- Oh, je travaillais dans la mode à Londres.

- Et tu as arrêté ?

- Oui, après l’agression, c’était un milieu que je ne pouvais plus supporter…

Luke s’approcha de sa coiffeuse où se trouvaient les flacons de parfum de très

grandes marques.

- Luke ? Je me moque des parfums et des belles robes, vraiment.

- Je l’espère, tu sais. J’en ai assez de toutes ces filles qui ne pensent qu’à

paraître…

Marcy s’approcha de Luke et il passa ses bras autour de sa taille. Elle se blottit

contre lui.

- Luke, je ne suis pas comme ça. Je n’attache pas d’importance aux objets, je

sais trop que le plus important, c’est d’être avec les personnes que l’on aime…

Et puis, tu sais, cette collection de parfum, c’est lié à mes parents.

- A tes parents ?

- Oui, viens voir…

Marcy prit Luke par la main et le conduisit à la chambre qui avait été celle de ses

parents. Elle entrouvrit la porte d’une haute armoire en disant :

- Attention…

Elle ouvrit complètement la porte et une immense bouteille de Chanel n°5 haute

de presque un mètre apparut. Elle était aux trois quart pleine.

- Qu’est-ce que c’est que ça ! s’exclama Luke en riant.

- Mon père était ingénieur mais du style inventeur dans la lune. La veille de son

mariage, il a décidé de faire un cadeau à ma mère et un de ses amis lui a

conseillé d’acheter un parfum. Mon père est donc parti à Leeds et dans une

parfumerie, il a demandé à acheter un flacon de parfum, mais le plus gros

puisque c’était pour une importante occasion... Il est donc reparti avec ce

flacon…

- Il a acheté ce flacon ? Vraiment ?

- Vraiment !

Page 76: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Je croyais que l’on ne mettait pas du vrai parfum dans ce genre de bouteille…

- Et bien si… Quand il l’a offert à ma mère, elle s’est mise à rire sans s’arrêter

pendant plus d’un quart d’heure et elle lui a dit qu’elle l’aimait avant tout pour

son caractère fantasque… Cela l’a un peu vexé !

- J’imagine…

- Surtout au prix où il a payé ce cadeau ! Ma mère a gardé le flacon

précieusement et s’en est servi tous les jours jusqu’à sa mort… C’est pour cela

que les parfums ont une signification particulière pour moi…

- C’est une très belle histoire. J’avais peur que derrière chacun des flacons de ta

collection se cache une histoire d’amour…

- Non, je te l’ai déjà dit : ce sont des cadeaux professionnels…

Ils retournèrent dans la chambre de Marcy main dans la main et Luke la prit dans

ses bras avec une grande tendresse.

- Je n’arrive pas à croire que tu es dans mes bras… Tu es mon plus beau cadeau

de Noël…

- Toi aussi, Luke, tu es mon plus beau cadeau…

Ils s’embrassèrent longuement. Marcy sentait que Luke se retenait pour ne pas

l’effrayer.

- Bon, si tu veux que je sois sage, il faut arrêter…

- Je sais.

Ils se couchèrent et Marcy se lova dans ses bras. Ils parlèrent tout bas de choses et

d’autres puis s’endormirent enlacés.

Dans la nuit, Marcy commença à s’agiter. Réveillé par ses mouvements, Luke la

serra et la secoua pour la réveiller.

- Marcy, Marcy, réveille-toi ! Tu fais un cauchemar !

- Non, cria Marcy en ouvrant les yeux.

- Ça va ?

- Oui… Je suis désolée de t’avoir réveillé.

- Tu fais toujours des cauchemars chaque nuit ?

Page 77: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui, mais il y a du progrès tout de même. Je ne pleure plus aussi souvent et

j’arrive à m’endormir sans somnifère. Le médecin avait raison : il faut du

temps.

- Nous avons le temps, Marcy. Tu as besoin de reprendre confiance en toi et de

réapprendre à faire confiance à autrui.

Ils se parlèrent un moment puis se rendormirent. Le lendemain matin, Luke et

Marcy se réveillèrent peu après sept heures.

- Je dois partir, expliqua Luke à Marcy. Lilly se réveille vers 8 heures et je

voudrai être là quand elle ouvrira ses cadeaux.

- Bien sûr.

- Reste au chaud dans le lit, il est encore tôt. J’aimerais que tu déjeunes avec

nous ce midi. J’aimerais te présenter mon frère et je suis sûr que tu t’entendras

très bien avec Lisa.

- Je…

- Non, pas d’hésitation. J’ai vraiment envie que tu sois là. C’est important, tu

comprends…

- Je n’ai même pas de cadeaux…

- Alors là franchement, c’est le cadet de mes soucis. Tu es mon plus beau cadeau

de Noël, Marcy, je te l’ai déjà dit.

La jeune fille rougit. Il la prit dans ses bras, déposa un baiser sur ses lèvres puis

murmura à son oreille :

- Je viens de passer le plus beau Noël de ma vie et je voudrais que tu sois là à

tous les Noëls prochains.

Marcy se serra tout contre lui, incapable de répondre tant elle était émue. Luke

parti, elle se pelotonna dans les draps et enfouit son visage dans l’oreiller où se

trouvait encore l’odeur du jeune homme…

Lorsque Luke ouvrit la porte, Lilly était en train de dévaler les escaliers.

Page 78: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Bonjour, Oncle Luke. Je n’ai pas le temps de m’arrêter, hurla-t-elle en tournant

devant lui pour aller dans le séjour. Je vais voir si Papa Noël est passé ! Mais

pourquoi tes habits sont tout froissés ?

Luke éclata de rire : même pressée, elle remarquait tout ! Il la suivit et l’observa,

figée au milieu de la pièce, les yeux écarquillés…

- C’est tout pour moi ?

- Il y a quelques cadeaux pour les grands dans le coin à gauche, répliqua sa mère

en riant.

La petite fille se mit à défaire ses paquets en poussant des cris de joie. Luke avait

le cœur serré devant la joie de la petite fille. Comme il était agréable de faire plaisir à

ceux qu’on aime…

Luke vint chercher Marcy à midi et ensemble ils se rendirent chez lui pour le repas

de Noël. Dès leur arrivée, Lilly vint à leur rencontre.

- Qui tu es ? demanda la petite fille en fronçant les sourcils.

- Lilly ! On ne t’a pas appris à dire bonjour ?

- Pardon… dit la petite fille, penaude. Bonjour. Comment tu t’appelles ?

- Je m’appelle Marcy.

- Tu veux voir mes cadeaux ? Papa Noël en a apporté plein !

- Avec plaisir. Au fait, Papa Noël est passé chez moi cette nuit et comme il

savait que j’allais te rendre visite il m’a donné un petit cadeau pour toi.

- Ça alors !

Marcy tendit à la petite fille un paquet en souriant. Elle avait retrouvé le jouet

en bois dans la malle-à-jouets de sa chambre. Elle était persuadée que la petite fille

apprécierait ce présent.

- Je peux l’ouvrir ?

- Bien sûr !

Lilly ouvrit de grands yeux en découvrant le jouet en bois. Elle posa le petit chien

par terre et tira sur la cordelette.

- Comme il est rigolo ! Il tire la langue quand il roule ! Je ne savais pas qu’il y

avait des jouets en bois !

Page 79: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- On les faisait en bois avant, lui expliqua son oncle. C’est un très beau cadeau,

tu sais.

Luke prit le jouet et caressa doucement le bois verni.

- As-tu dit merci à Marcy ? demanda Lisa qui arrivait.

- Oh non, j’ai oublié. Merci, Marcy dit la petite fille en déposant un baiser sur sa

joue. Je vais le monter à Mistigri. Ça va être rigolo !

- Qui est Mistigri ?

- C’est mon chat.

La petite fille partit en courant tout en tirant le jouet.

- Merci Marcy, c’est très gentil de votre part, dit Lisa à Marcy après l’avoir

embrassée.

- Oh ce n’est rien. Je suis contente que ce jouet reprenne vie.

- Cela me rappelle un dessin animé, dit Luke en éclatant de rire.

John arriva à ce moment-là. Marcy sentit qu’il était sur sa réserve. Sans doute se

méfiait-il des femmes qui approchaient son petit frère…

Un peu plus tard, tandis que Lisa et Lilly emmenaient Marcy visiter la maison, les

deux frères se retrouvèrent en tête-à-tête.

- Pourquoi es-tu si froid avec Marcy ? demanda alors Luke à son frère.

- Je me demande si tu ne mélanges pas tout.

- Que veux-tu dire ?

- C’est la propriétaire d’Angelview et tu as toujours été prêt à tout pour avoir

cette maison.

- Tu insinues que je suis prêt à séduire Marcy pour avoir Angelview ? John, tu

dis n’importe quoi. J’ai essayé d’acheter le manoir quand il était inoccupé ;

maintenant que Marcy y habite, je ne pense plus à l’acheter ! Ce n’est qu’une

maison !

- Mais inconsciemment tu mélanges peut-être tes sentiments pour Marcy et ton

désir d’acquérir le manoir.

Page 80: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Franchement John, tu exagères. Arrête de t’occuper de ma vie privée.

- En tout cas, ton comportement avec Pricetown concerne toute la famille.

- Que veux-tu dire ?

- Pourquoi essayes-tu d’acheter encore une de ses sociétés ?

- J’ai besoin d’une usine dans la région et il se trouve que Pricetown en vend

une.

- Tu vas arrêter de vouloir te venger de lui ?

- Cela ne regarde que moi.

- Non, tu risques un jour de tout perdre à vouloir ainsi poursuivre des rêves

d’enfant. Gère ta société lucidement. Je pensais que tu avais fini de vouloir te

venger de lui. Luke, dis-moi ce qu‘il se passe.

- Rien.

- Oh je suis sûr que cela concerne cette fille !

- Ne parle pas d’elle comme ça !

- C’est à cause d’elle, n’est-ce pas ?

- Je n’ai pas envie de parler de ça.

- Ne te laisse pas manipuler par un joli minois…

- Marcy ne me manipule pas. Et elle est bien plus que jolie. C’est quelqu’un de

bien.

- Je l’espère vraiment. Mais n’oublie pas que l’amour rend aveugle…

- John, s’il te plait, fais l’effort de la connaître. Elle compte beaucoup pour

moi…

- Entendu, répondit son frère en lui mettant une tape amicale dans le dos.

Lisa, Marcy et Lilly revinrent peu après et ils passèrent à table. Le déjeuner se

passa dans la bonne humeur, en particulier grâce à Lilly.

- Oncle Luke, Maman m’a dit que ton cadeau est arrivé. C’est quoi ?

- Si c’est ce que je pense, c’est très gros !

- C’est bien cela, confirma Lisa en souriant.

- Mais c’est quoi ? redemanda Lilly à Luke.

- J’ai demandé à Papa Noël de nous apporter deux Mustangs.

Page 81: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Des Mustangs comme dans mon dessin animé préféré ?

- Oui, comme dans ton dessin animé.

- C’est génial. On peut aller les voir ?

- Après le déjeuner. On pourrait partir en balade, Marcy ?

- Avec plaisir, mais je ne suis pas en tenue.

- J’ai tout ce qu’il faut, lui assura Lisa avec un grand sourire.

Quand le repas fut achevé, ils se rendirent donc tous aux écuries. Tandis que Luke

allait chercher les deux mustangs, Marcy se retrouva en tête à tête avec John.

- Mon frère semble très attaché à vous.

- Est-ce un problème, John ? J’ai l’impression que vous ne m’aimez pas.

- Je ne vous connais pas assez, Marcy, pour dire si je vous aime ou pas. Luke a

eu beaucoup d’aventures, vous vous en doutez. Cela a été vraiment sérieux

deux fois et cela s’est à chaque fois mal terminé. Elles ne cherchaient en fait

qu’à profiter de lui. Je ne veux pas qu’il souffre inutilement. Il a envie de

fonder une famille et il a droit à ce bonheur.

- Je ne vois pas où est le problème.

- Je ne veux pas que vous vous serviez de lui.

- Me servir de lui ? Mais pourquoi dîtes-vous cela ?

- Je ne sais pas. Une impression. Mon frère n’est plus le même depuis quelques

temps.

- Je ne vois pas ce que vous voulez dire.

- En tout cas, Marcy, sachez que je suis là et que je ne laisserai personne lui

faire du mal.

Marcy resta interloquée tandis qu’il repartait. Elle ne voyait pas où il voulait en

venir. Pensait-il qu’elle en voulait à la fortune de son frère ? C’était mal la connaître !

Luke revint alors en souriant.

- Quelque chose ne va pas ?

- Non, rien.

- On se lance alors ?

Page 82: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui.

Les deux mustangs étaient deux chevaux adorables. Lilly les caressa longuement

et leur offrit des carottes. Après les avoir détendus dans le manège, Luke et Marcy

décidèrent de partir en balade. Ils galopèrent jusqu’à la rivière qui traversait la

propriété.

- Quel bonheur ! s’exclama Luke.

- Oh oui, ils sont tellement beaux et agréables à monter !

Ils firent boire les chevaux puis les attachèrent à un arbre. Luke et Marcy

s’assirent côte à côte près de la rivière.

- J’ai l’impression que quelque chose ne va pas, commenta Luke.

- Et bien, en fait, c’est ton frère. Il ne m’aime pas.

- Ce n’est pas cela. Il m’a élevé même si nous n’avons que six ans d’écart, et il

se fait du souci pour moi. J’ai eu quelques aventures malheureuses et il ne veut

pas que je souffre encore.

- Tu les as beaucoup aimées ?

- Qui ?

- Les filles des aventures malheureuses.

- Pas au point de vouloir les épouser. Jalouse ?

- Horriblement.

- Y’a pas de quoi. C’est du passé.

- J’aimerais moi aussi pouvoir laisser le passé derrière moi…

- Cela viendra. Mon frère pense que...

- Oui ?

- Que tu cherches à m’utiliser.

- A t’utiliser ? Mais comment ? Pourquoi ? demanda Marcy interloquée.

- Il pense que tu veux te venger de Pricetown grâce à moi.

- Tu lui as parlé de moi ? De ce qui s’est passé ? s’indigna Marcy en se relevant.

- Pas du tout ! s’exclama Luke en la rattrapant. Il a compris que ma haine pour

Pricetown était toujours là et que c’était lié à toi.

- Qu’y a-t-il entre Pricetown et toi ?

Page 83: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Et bien, d’abord son père est à l’origine de la faillite de ma grand-mère. Elle lui

devait de l’argent et il a refusé de l’aider, de lui laisser le temps de le

rembourser. C’est comme cela que la famille de ma mère s’est retrouvée sans

rien. Quant à Charles, il s’est comporté comme un goujat un jour avec ma

mère ; elle voulait acheter un cadeau à mon père chez Sellwoods mais il lui

manqué quelques pièces. Il l’a ridiculisée devant tout le monde du haut de ses

vingt ans. J’étais un enfant et je n'ai jamais oublié la détresse de ma mère ce

jour-là. C’est pour cela que j’ai tout fait pour racheter la chaîne de magasin.

C’est la revanche de ma mère sur cette famille de…

Il préféra se taire.

- Comment as-tu fait pour racheter les magasins ?

- J’ai commencé à travailler comme trader dès la fin de mes études de commerce

mais ce métier ne me correspondait pas. Dès que j’ai eu assez d’argent, j’ai

fondé ma propre compagnie. Il n’a pas été difficile de racheter les magasins

Sellwoods. Pricetown mène une vie de grand luxe, donne de grandes soirées.

Tout le monde croit qu’il est immensément riche mais en fait il est en train de

dilapider la fortune de sa famille. Il vend peu à peu ses biens pour maintenir

son train de vie.

- Je ne veux pas que tu me venges, Luke. Cela ne changerait rien. Je suis sûre

que la vie punira Pricetown un jour ou l’autre. Ce que je désire de toi, c’est que

tu puisses vaincre ce qui m’empêche de faire l’amour avec toi.

Elle se rapprocha de lui et ils s’embrassèrent passionnément. Marcy sentait le

désir les envahir. Les caresses de Luke se faisaient de plus en plus pressantes. Il

embrassa Marcy dans le cou et elle se cambra davantage. Mais il s’écarta alors

légèrement d’elle.

- Je crois qu’il vaut mieux arrêter. Quelqu’un pourrait nous voir…

- Effectivement, dit Marcy en rougissant.

Ils rentrèrent peu après à cheval. Lilly était dans le jardin avec Lisa.

- Oh, Oncle Luke, comme ils sont beaux ! Je peux monter moi aussi ?

- Oui, viens devant moi. Je vais te faire faire un petit tour. Accroche-toi !

Page 84: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Lisa et Marcy les regardèrent partir en souriant.

- Vous avez fait une bonne promenade ?

- Oui, répondit Marcy en rougissant.

- Je vois, je vois, dit Lisa en riant et en passant son bras sous celui de Marcy.

Ils prirent ensuite le thé tous ensemble. Lisa insista pour que Marcy reste dîner et

Luke la ramena chez elle peu après.

- J’ai passe une merveilleuse journée, souffla Marcy.

- Moi aussi. Je suis content que tu apprécies ma famille.

- Tu veux un thé ou quelque chose à boire ?

- Non, je vais rentrer, c’est plus raisonnable, constata Luke en déposant un

baiser sur ses lèvres.

- Entendu, répondit Marcy à regret.

Le lendemain après-midi, Marcy se rendit en ville pour faire quelques courses.

Tout à coup, elle entendit une petite voix qui l’appelait. Elle se retourna et se retrouva

face à Lilly et Luke.

- Bonjour Lilly, tu vas bien ?

- Bonjour. Oncle Luke m’emmène à la foire. Il y a plein plein de manèges. Tu

veux venir avec nous ? Tu aimes les manèges ?

- Avec plaisir. J’adore les manèges.

- Alors en route, dit Luke en passant le bras gauche autour de la taille de Marcy

tandis qu’il tenait Lilly par la main droite.

Une foire s’était installée à Leeds pour Noël. Lilly était enchantée de découvrir

tant d’attractions et de stands de Noël.

- On peut faire le grand-huit ?

- Tu es trop petite !

- Mais non, Roy l’a fait avec sa maman.

- Roy ?

- Mon copain à l’école.

- Tu as déjà un copain à l’école ! répliqua Luke en riant.

Page 85: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Il demanda au forain si la petite fille pouvait monter ; le manège était adapté aux

enfants de son âge et ils prirent place dans un wagon. Lilly s’assit entre les deux

jeunes gens et elle hurla de plaisir et d’effroi pendant tout le tour. Marcy et Luke

riaient en observant la petite fille.

- Et maintenant, on peut faire un tour de grande roue ?

- Oh, je n’ai jamais aimé les grandes roues, grimaça Marcy. Je ne me sens pas en

confiance quand on est à l’arrêt tout là haut.

- Avec Oncle Luke, tu n’auras pas peur, affirma la petite fille.

- Tout à fait, et la vue en vaut la peine. Alors, on y va ? demanda Luke.

- D’accord, dit Marcy à moitié convaincue.

- Mets-toi au milieu, dit la petite fille à son oncle. Moi, je n’ai pas peur des

grandes roues.

- Ta nièce est incroyable.

- Je sais.

Luke s’assit donc entre elles et il passa ses bras autour de Marcy et Lilly. La petite

fille se pelotonna contre son oncle et Marcy s’accrocha au rebord de la nacelle.

- Mais tu as vraiment peur !

- Oui, je ne sais pas pourquoi, les grandes roues et moi, ça fait deux.

Après plusieurs tours, la roue s’arrêta au grand désespoir de Marcy. Elle était

extrêmement tendue. Luke resserra son étreinte et déposa un baiser sur son front.

- Regarde, on domine tout d’ici. On voit Angelstone, Angelview et même ma

maison.

- C’est vrai. C’est magnifique.

Marcy se détendit peu à peu et commença à apprécier le tour de manège.

- Tu vois que c’est bien la grande roue, dit Lilly avec un grand sourire. Je t’avais

dit qu’avec Oncle Luke, on ne peut pas avoir peur.

- Tu as raison.

- Si c’était vrai pour tout, sourit doucement le jeune homme en embrassant

Marcy.

- Dis Marcy, c’est vrai que tu habites la belle maison sur la route ?

Page 86: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui. Tu aimerais la visiter ?

- Oh oui, elle est tellement belle.

- Et bien, que dirais-tu de venir prendre le thé samedi avec ta maman ?

- Super ! Tu viendras aussi Oncle Luke ?

- Avec plaisir !

Une fois redescendus sur la terre ferme, ils se régalèrent d‘une barbe à papa. Ils se

quittèrent peu à peu et Luke lui fit signe qu’il allait lui téléphoner. Marcy sourit et

retourna à sa voiture heureuse de ces quelques heures passées en sa compagnie…

Page 87: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

VII

Malgré les fêtes de fin d’année, Luke était très pris par ses affaires. Il l’appelait

fréquemment mais il ne put venir voir Marcy avant le samedi. Marcy était très

heureuse d’avoir des invités à Angelview et fit un marbré au chocolat pour Lilly.

Lorsque Luke arriva avec Lisa et la petite fille, Marcy eut l’impression que son cœur

allait exploser. Comme il lui avait manqué ! Comme elle aurait voulu se jeter dans

ses bras ! Elle le regarda monter les escaliers avec émotion. Le jeune homme était

décidément extrêmement séduisant.

Marcy fit visiter la maison à Lilly et Lisa avec beaucoup de plaisir. La petite fille

poussait de nouveaux cris d’émerveillement à chaque pièce. Mais ce qu’elle préférait,

c’étaient les escaliers : elle les montait en courant d’un côté puis redescendait ensuite

de l’autre.

- Pourquoi on dit que c’est un manoir et pas un château ? demanda la petite fille

à Marcy.

- En fait, le seigneur d’un manoir vivait grâce à l’argent que lui rapportaient ses

terres. Ton oncle a acheté les anciennes terres d’Angelview. Les nobles plus

riches vivaient, eux, dans de bien plus grandes maisons, les châteaux, car ils

avaient des fonctions importantes qui leur rapportaient beaucoup d’argent.

- Moi, je pense que c’est une vraie maison de princesse ! décréta la petite fille.

- Oui, et si tu veux, on peut monter au grenier chercher une robe de princesse

dans une des malles.

- Oh oui, super !

Lisa décida de préparer le thé tandis que Marcy, Luke et Lilly montaient à l’étage.

Luke et Marcy observèrent avec attendrissement la petite fille qui fouillait dans une

immense malle en bois à la recherche de la plus belle robe de princesse. Elle se

décida finalement pour une robe en satin jaune. Marcy l’aida à l’enfiler.

- C’est la robe de Belle ! s’écria Lilly en tournant sur elle-même.

Page 88: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Tu es encore plus belle qu’elle, dit Luke.

Luke prit la main de Marcy et elle sentit combien il était ému de voir la petite fille

aussi radieuse. La petite fille prit tout son temps pour redescendre les escaliers sous le

regard attendri de sa maman.

- C’est génial, Marcy, j’adore ta maison. Oncle Luke a raison de vouloir

l’acheter !

Marcy regarda Luke avec incompréhension.

- Non, Lilly, je ne veux plus l’acheter, Marcy habite ici maintenant.

- C’est dommage.

- Lilly, voyons, s’exclama Lisa gênée…

Marcy baissa la tête pour ne pas montrer sa déception. Luke pressa sa main

comme pour s’excuser et elle oublia tout. Pour faire honneur à la tenue de Lilly, ils

prirent le thé dans le petit salon avec le service en fine porcelaine de la grand-mère de

Marcy.

- Comme c’est doux ! s’exclama Lilly en posant ses lèvres sur la tasse.

- Oui, et très fragile ! C’est pour cela que je ne les sors que dans les grandes

occasions… Pour recevoir les princesses, par exemple…

Lilly éclata de rire.

- Tu es déjà allée dans une aussi belle et vieille maison, Maman ?

- Oui, souffla Lisa visiblement émue et gênée par la question de sa fille.

- Ah bon ?

- Je t’expliquerai un jour…

Luke grimaça en direction de Marcy pour lui indiquer qu’il serait préférable de

changer de sujet de conversation.

- Un peu de thé ? proposa Marcy.

- Oui, merci.

A la fin du gouter, Lilly retira sa robe.

- Je te la donne, Lilly, elle est faite pour toi.

- Oh, merci Marcy. Je pourrai revenir à Angelview ?

- Bien sûr, quand tu veux !

Page 89: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

Lisa et Lilly l’embrassèrent puis rejoignirent la voiture de Luke. Le jeune homme

resta à l’intérieur avec Marcy.

- Merci, Marcy.

- De rien…

- A bientôt, murmura le jeune homme en l’enlaçant et en posant ses lèvres sur

les siennes.

Il attendit que Marcy se détendent et leurs langues se frôlèrent enfin. Marcy sentit

son corps s’embraser sous les caresses du jeune homme. Les mains de Luke la

parcouraient et leur deux corps s’épousaient parfaitement. Luke resserra quelques

instants son étreinte puis, à regret, il s’écarta en murmurant :

- Il faut que j’y aille…

- Oui…

Marcy le regarda s’éloigner avec tristesse. Il lui manquait déjà tant !

Luke l’invita naturellement pour le réveillon du nouvel an. Une grande fête était

organisée dans le magnifique Hôtel de Ville de Leeds. La jeune fille était réticente à

l’idée de sortir en public mais Luke réussit finalement à la convaincre de s’y rendre.

Lisa l’appela et elles décidèrent de se préparer ensemble. Elles passèrent l’après-

midi à parler chiffon et à rire.

- Tu es une experte en maquillage et en coiffure ! commenta Lisa.

- Je travaillais dans la mode. On est obligé de connaître tous les trucs pour être à

son avantage…

- Tu faisais quoi exactement ?

- Rien d’important. C’est du passé.

- Du passé ! On dirait que tu es vieille !

- Disons que j’ai tourné la page… Tu es de la région ?

- Pas du tout. Je suis du sud de l’Angleterre, de Bath. J’ai rencontré John quand

j’avais quinze ans en vacances ici. Mes parents étaient furieux ! D’après eux, il

n’était pas assez bien pour moi… On se voyait en cachette et on s’écrivait des

tas de lettres quand je repartais chez moi. A dix-huit ans, comme mes parents

Page 90: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

ne voulaient pas entendre parler de lui, je me suis enfuie. J’ai débarqué chez lui

en pleine nuit ! J’avais peur de sa réaction et en fait, on ne s’est plus quitté…

On s’est marié très vite puis on a eu Lilly. Il est merveilleux, j’ai beaucoup de

chance.

- Et tes parents ?

- Je ne les ai plus revus !

- Ils ne connaissent pas Lilly ?

- Non, je suis d’une famille aristocratique et ils n’acceptent pas mon mariage

avec John. C’est pour cela, tu sais, que Luke croyait que tu le snobais quand

vous vous êtes rencontrés la première fois.

- Il t’a raconté…

- Oui, c’est un frère pour moi tu sais. Il mérite vraiment d’être heureux. Il a été

très déçu par sa dernière histoire. Il s’est finalement rendu compte que Sophia

était surtout intéressée… Je n’ai jamais aimé cette fille. Elle était très belle,

soit, mais elle était fausse. Mais c’est vrai qu’à la voir, on lui aurait donné le

bon dieu sans confession…

- J’imagine que Luke a eu beaucoup de relations…

- Oui, bien sûr, il est tellement séduisant ! Mais il recherche avant tout une

relation sérieuse pour fonder une famille, tu sais… C’est très dur de ne plus

avoir de famille. En ce moment, mes parents sont dans la région chez des amis

et ils ne m’appellent même pas…

- Quels imbéciles !

- Oui. Je sais qu’ils ne méritent pas que je souffre à cause d’eux mais j’aimerais

quand même qu’ils connaissent Lilly et John… C’est pour cela que j’étais si

émue chez toi. J’ai grandi dans un manoir comme Angelview et je suis si triste

que Lilly ne le connaisse même pas… Bon, assez parlé, il faut finir de se

préparer !

Lisa avait choisi de porter une robe turquoise qui mettait en valeur la couleur de

ses yeux. Quant à Marcy, elle portait une traditionnelle robe noire. Lorsqu’elles

descendirent les escaliers, Luke et John se mirent à siffler.

Page 91: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- On va faire des envieux !

- Nous aussi, rétorqua Lisa.

Ils partirent dans la Jaguar de Luke. L’hôtel de ville de Leeds était un superbe

bâtiment très réputé. Les réceptions qui s’y donnaient étaient toujours fastueuses.

Après avoir salué quelques personnes, Luke entraîna Marcy sur la piste de danse. Il

l’enlaça en souriant.

- Tu es splendide ce soir. Je n’arrive pas à te lâcher du regard.

Marcy ne sut quoi lui répondre. Elle aussi ne pouvait s’empêcher de regarder le

jeune homme… Il resserra son étreinte. Leur deux corps s’épousaient parfaitement.

Luke était un bon danseur ce qui enchanta Marcy. Elle adorait tellement dansé ! A la

fin de la musique, ils rejoignirent Lisa et John à table. Le repas était excellent et

l’ambiance détendue. John se montrait désormais moins méfiant envers Marcy.

Comme ils attendaient le dessert, Lisa observa les invités et se figea soudainement.

- Que se passe-t-il, Chérie ? demanda John à sa femme.

- Mes parents sont là !

- Pas possible ! J’étais persuadé que les Pricetown organisaient une réception

chez eux !

- Les Pricetown ? demanda Marcy malgré elle.

- Oui, les parents de Lisa séjournent chez eux quand ils viennent dans la région.

Ils sont très amis, expliqua John.

- Crois-tu qu’ils nous ont vus ? Crois-tu qu’ils vont dîner sans venir me parler ?

demanda Lisa avec un sanglot dans la voix.

- Cela a assez duré, dit John fermement. Je vais leur parler et s’ils ne veulent pas

te voir, nous rentrerons à la maison.

John se leva et s’approcha d’un couple d’une soixantaine d’années. L’homme et la

femme semblèrent surpris de son intrusion puis le suivirent dans une autre pièce.

Marcy mit la main sur celle de Lisa pour la réconforter.

- Je ne peux pas imaginer qu’ils puissent être si près et ne pas vouloir me parler.

Cela fait huit ans, huit ans que l’on ne s’est pas vu !

- John revient, murmura Luke.

Page 92: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

John reprit place auprès de Lisa en lui souriant doucement.

- Tes parents ont très envie que nous renouions des liens. Ils sont restés dans un

salon à côté et ils nous attendent. Ta mère est très émue à l’idée de te revoir.

- C’est vrai ?

- Oui, mon amour. Ils n’avaient pas vu que nous étions là.

John et Lisa partirent aussitôt retrouver les parents de la jeune fille.

- Il était temps que cela s’arrange, conclut Luke amèrement. Je suis désolé mais

la famille Pricetown est certainement ici aussi.

- Oui, je les vois, ils sont à la table du maire.

- Naturellement. C’est la moindre des choses pour des personnes si

respectables…

- Tout ce que je souhaite, c’est que nous ne les rencontrions pas…

John revint peu à peu et demanda à Marcy de rejoindre Lisa.

- Sa mère et elle ont pleuré et elles ont besoin de ton aide pour se refaire une

beauté…

- Pas de problème. J’ai une petite trousse de maquillage dans mon sac.

Marcy rejoignit Lisa et fit la connaissance de Madame Turner. C’était une femme

très élégante, un peu hautaine et visiblement issue de la haute noblesse tout comme

les Pricetown. Elle serrait la main de sa fille unique avec anxiété.

- J’espère que tout se passera bien désormais.

- Mais oui, maman.

Les Turner rejoignirent donc Lisa, John, Marcy et Luke pour le dessert après

s’être excusés auprès de leurs hôtes. Les trois hommes s’efforçaient de trouver des

sujets de conversation mais l’atmosphère demeurait tendue.

- C’est une très belle réception, déclara finalement John pour détendre

l’atmosphère.

- Oui tout à fait. C’est la première fois que nous passons le réveillon à Leeds.,

répondit Monsieur Turner.

- Nous aussi, répondit John. L’année dernière, Luke étaient à New-York et nous,

nous habitions encore Londres.

Page 93: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Nous avions fait un tour de London Eye, tu t’en souviens ? demanda Lisa à son

époux les yeux brillants.

- Bien sûr, c’était féerique.

Ils étaient visiblement très amoureux l’un de l’autre et cela ne pouvait échapper

aux Turner.

- Et vous, Marcy, demanda Mme Turner comme pour briser le lien entre les

deux époux, étiez-vous à Londres ?

- L’année dernière, murmura Marcy en repensant à sa vie passée. Non, j’étais en

Australie, à Sydney pour le 31.

- A Sydney ! s’extasia Lisa. Quelle chance ! Tu as assisté au feu d’artifice au-

dessus de l’opéra ?

- Oui, c’était extraordinaire. Ce fut une fête incroyable.

- Vous voyagez beaucoup ? demanda Mme Turner.

- Je voyageais beaucoup à l’époque pour mon travail.

- Que faisiez-vous ?

- Je travaillais dans la mode.

- Ah, je vois… dit Monsieur Turner avec un sourire qui en disait long.

- Que voyez-vous ? ne put s’empêcher de demander Marcy.

- Et bien c’est un milieu de débauchés et d’homosexuels, tout le monde le sait.

- Mon patron était effectivement gay mais je crois qu’il ya peu d’hommes dans

cette salle aussi gentils, serviables, droits et honnêtes que lui. En tout cas, je

sais que parmi vos amis, beaucoup ne sont pas aussi nobles qu’ils le

prétendent.

- Ce dessert est succulent, s’exclama Mme Turner, experte en bonne manière et

en art de changer le cours des conversations…

Ils dégustèrent leur dessert en silence et finalement, Mme Turner ne put

s’empêcher de dire à sa fille :

- J’ai tellement hâte de rencontrer ta petite fille.

- Notre petite fille, ne put s’empêcher de reprendre Lisa.

- Bien sûr, bien sûr…

Page 94: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Lilly est une merveilleuse petite fille, un peu espiègle et très attachante.

- Lilly ?

- Oui, on l’appelle ainsi car elle n’arrivait pas à dire Elisabeth quand elle était

plus petite.

- Il est important de l’appeler par son véritable prénom.

- Maman ! S’il te plait !

Luke, John et Marcy se jetèrent un rapide coup d’œil. Visiblement, les relations

entre Lisa et ses parents ne seraient pas faciles à rétablir…

- Excuse-moi, excuse-moi. Je ne voulais pas être désagréable.

- Que diriez-vous de venir à la maison demain après-midi pour rencontre Lilly ?

proposa John.

- Merci, John, répondit Monsieur Turner. Nous en serions ravis.

- As-tu une photo d’Elisabeth à nous montrer ? demanda Mme Turner à sa fille.

- On, non, répondit Lisa, désolée. Pas dans mon sac de soirée.

- Tenez, dit Luke en tendant son téléphone portable à la mère de la jeune femme.

- Lilly a raison, dit Lisa en riant doucement, tu es vraiment le meilleur oncle de

la terre !

- Elle est ravissante, dit Mme Turner en regardant longuement la photo de

l’enfant. Ne va-t-elle pas être surprise de nous rencontrer ?

- Je lui ai dit que vous habitiez très loin… Elle est très sociable et elle sera ravie

de faire votre connaissance, expliqua Lisa.

- Il faudra que tu viennes avec elle à la maison. Elle adorera je suis sûre

Faircastle.

- Nous viendrons avec plaisir dès que John aura quelques jours de vacances.

- Oui, avec John bien sûr.

John grimaça un sourire et Marcy lui répondit avec un sourire compréhensif. Il

était évident que les Turner n’étaient pas encore prêts à l’accepter dans leur famille…

- J’aime John plus que tout, déclara Lisa en regardant droit dans les yeux ses

parents tour à tour.

Page 95: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Lisa, ce n’est pas le moment, dit John avec un peu d’amertume dans la voix.

Faisons en sorte que l’année commence sous de bons hospices et que tes

parents fassent la connaissance de Lilly.

A ce moment-là, les invités commencèrent à décompter les secondes qui les

séparaient de la nouvelle année. Ils se levèrent une coupe de champagne à la main et

Luke enlaça Marcy.

- Bonne année Marcy, murmura-t-il en plongeant son regard dans les yeux

d’émeraude.

Au premier coup de minuit, il baissa la tête et l’embrassa longuement.

- Bonne année, Luke, répondit Marcy, la voix chargée d’émotion.

- Que cette année t’apporte tout ce que tu souhaites.

- A toi aussi, Luke.

- Tu sais que c’est toi que je désire plus que tout ?

Marcy ne put lui répondre car Lisa et John arrivaient et ils se souhaitèrent une

bonne année. Des amis de Luke et John les rejoignirent ensuite pour leur présenter

leurs vœux et Marcy se retrouva emporter par le mouvement de la foule. Tout à coup,

elle se retrouva face à Pricetown. Il s’approcha d’elle et fit mine de l’embrasser à son

tour. Marcy recula vivement et lui déclara fermement :

- Ne m’approchez pas où je hurle.

- Marcy, voyons, ne joue pas encore à la jeune effarouchée. Tout le monde sait

comment fonctionne le milieu de la mode ! Et puis, avec ce requin de Taylor,

tu n’as pas l’air bien timide.

- Luke n’a rien à voir avec les personnes de votre espèce !

- Crois-tu vraiment ? Il est un homme d’affaires redoutable, prêt à tout pour

obtenir ce qu’il veut. Il n’a aucun sentiment, tu peux me croire. Cherche, je

suis sûr qu’il veut quelque chose de toi, en plus du sexe je veux dire.

Marcy eut un haut le cœur mais Pricetown vit qu’elle pensait à quelque chose.

Marcy repensait au jour où Luke avait visité Angelview avec Lilly et Lisa…

- Voyons, qu’est-ce que cela pourrait être ? Mais oui, naturellement, ton petit

manoir. On raconte qu’il en rêve depuis qu’il est enfant. Comme tous les

Page 96: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

nouveaux riches, il veut acheter les symboles de la noblesse. Mais il se leurre.

La noblesse, on l’a à sa naissance ou on ne l’a pas.

- Il est évident, en tout cas, que vous n’en avez pas reçue, rétorqua Marcy d’une

voix blême.

- Petite sotte !

Luke venait d’apercevoir Pricetown qui s’entretenait avec Marcy et il fonça vers

eux.

- Ne l’approchez plus, vous m’entendez ! Sinon, vous aurez à faire à moi.

- Des menaces, et en public. Ce n’est pas très malin de votre part.

- Ne me tentez pas Pricetown

- Je vous laisse, grimaça-t-il en reculant. Et bonne année, lança-t-il à Marcy avec

ironie.

Luke enlaça Marcy et la conduisit à l’écart.

- Ça va ? Que t’a t’il dit ?

- Heu, rien d’important. De toute manière, je dois bien me faire à l’idée de le

croiser parfois.

- Je ne veux plus qu’il t’importune.

- Ça va, je t’assure.

- Décidément, quelle soirée !

Marcy avait effectivement passé une étrange soirée, passant du bonheur à un

sentiment de profonde tristesse. Et si Pricetown avait raison ? Et si Luke se moquait

d’elle ? Elle ne savait plus si cette nouvelle année s’ouvrait sous de bons ou de

mauvais hospices…

Page 97: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

VIII

Peu de temps après, tous les quatre quittèrent la soirée. Comme ils n’avaient

qu’une seule voiture, Luke déposa d’abord Marcy à Angelview puis rentra chez lui

avec son frère et Lisa. Marcy état soulagée que cela soit ainsi. Pricetown avait instillé

le doute dans son cœur et elle était redevenue celle qui ne peut faire confiance à

aucun homme.

Elle se prépara tristement pour dormir et se pelotonna sous la couette avec une

bouillote. Le manoir était de plus en plus froid en ce début d’hiver. Les pensées les

plus sombres envahissaient son esprit. Marcy se rappela soudain les paroles de

l’avocat de Luke :

- Cela suffit ! Ce n’est qu’une question d’argent. Monsieur Taylor veut

Angelview et il l’aura !

- Vous direz de ma part à Monsieur Taylor que ma maison restera toujours ma

maison et que cela n’a pas de prix. Au revoir, Monsieur.

Elle ne put s’empêcher de fondre en larmes. Stupide, elle avait été stupide. Elle

imaginait maintenant le pire. Et si Luke avait voulu acheter Angelview pour offrir à

son frère une revanche sur les Turner ? Et si Luke la méprisait à cause de ses origines

nobles ? Et si… Et si… Elle oubliait toute la gentillesse et les attentions du jeune

homme à son égard. Maudit Pricetown qui salissait tous ceux qu’il approchait !

Epuisée, elle s’endormit finalement. En fin de nuit, elle se mit à revivre dans ses

rêves son agression. Elle hurlait mais Larry n’arrivait pas… Elle se débattait en vain

et se voyait perdue… Enfin, elle se réveilla en sanglot et tremblotante. Qu’allait-elle

devenir si elle ne pouvait plus avoir confiance en Luke ? Qu’allait-elle devenir si elle

ne pouvait plus trouver refuge dans ses bras ?

Le lendemain, Luke lui rendit visite en début d’après-midi. Les Turner étaient

chez lui et il voulait les laisser en famille avec John, Lisa et Lilly. Marcy ne savait si

Page 98: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

elle devait se comporter comme avant ou lui montrer de la défiance… Comme par un

fait exprès, il pleuvait très fort ce jour-là et cela rendait Marcy encore plus sombre.

- Bonjour, Marcy. Tu as bien dormi ?

- Non, pas vraiment.

- J’aurais dû rester avec toi hier soir. J’ai bien vu que ta conversation avec

Pricetown t’a perturbée.

- Non, c’est mieux comme cela…

- Vraiment ? demanda-t-il d’un ton taquin en l’attirant vers lui.

Marcy se raidit. Toute magie semblait avoir disparue entre eux.

- Que se passe-t-il Marcy ?

- Rien, je suis fatiguée et j’en ai assez de toute cette pluie…, trouva-t-elle

comme excuse en dernier recours.

Le vent soufflait très fort et ils entendirent soudain un bruit sourd dans le jardin.

Ils sortirent et virent des ardoises de la toiture au sol.

- Oh non, s’exclama Marcy, il y a un problème sur le toit.

Elle monta les escaliers quatre à quatre jusqu’au grenier : l’eau s’infiltrait déjà par

des trous dans la toiture et visiblement à plusieurs endroits.

- Va chercher des seaux. Je vais pousser à l’abri tout ce qui est en danger, lui dit

Luke.

Marcy courut chercher des seaux et des récipients mais cela ne suffirait pas à

protéger le plancher s’il continuait de pleuvoir ainsi. Ils les disposèrent de part et

d’autre mais il faudrait les vider régulièrement pour éviter qu’ils ne débordent.

- Je vais appeler un couvreur que je connais. Les réparations vont coûter très

chères… Tu pourras les assumer ?

- Que veux-tu dire ? Tu crois qu’à la première difficulté, je vais renoncer ? Tu

crois que je vais te vendre Angelview ?

- Mais pas du tout, voyons ! Ce sont de lourdes réparations et je m’inquiète pour

toi !

- Tu n’as pas besoin de t’inquiéter pour moi ! Tu te fais déjà assez de souci pour

Angelview !

Page 99: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Ecoute, Marcy, tu es sous le coup de l’émotion. Je vais appeler le couvreur. Il

pourra bâcher le toit en attendant que tu puisses faire les réparations.

- Ne te donne pas ce mal. Je me débrouillerai toute seule !

- Marcy, pourquoi réagis-tu ainsi ?

- Laisse-moi, Luke, va-t-en !

- Marcy !

- Sors !

- Entendu ! Tu as vraiment parfois un comportement irresponsable !

- C’est lorsque je te crois que je suis irresponsable !

- Ça suffit ! J’en ai assez de me faire insulter ! s’exclama Luke en tournant les

talons et en sortant du grenier fou de rage.

Marcy tomba à terre en pleurant. Il lui paraissait évident que Luke n’était intéressé

que par le manoir… Au bout d’un long moment, elle se reprit. Il fallait qu’elle

s’occupe de la toiture. Elle décida finalement d’appeler Ted pour lui demander

conseil. Le jeune homme s’empressa de lui donner les coordonnées d’un de ses amis

couvreur. L’artisan lui promit de venir dès que le temps lui permettrait d’aller sur le

toit. Il vint deux jours plus tard. Marcy était épuisée par ses efforts pour empêcher

une inondation du grenier. Elle passait son temps, de jour comme de nuit, à vider les

récipients.

- Il va falloir refaire tout le toit, je suis désolé. En attendant, nous allons le

bâcher. Cela résistera quelques temps.

Marcy lui demanda une idée du prix de la réparation et devint blême en entendant

le montant du devis. Elle n’eut alors qu’une réponse :

- Bâchez double !

Les jours suivants, Marcy déprima de plus en plus. Elle ne pouvait s’empêcher de

penser à Luke et d’espérer sa visite ou un appel. Un soir, en entendant la sonnerie du

téléphone résonnait, Marcy décrocha en espérant malgré elle que c’était lui.

- Marcy, c’est Jason.

- Jason ! Tout va bien ?

Page 100: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui, enfin non. Il faut que je quitte New-York jusqu’à ce que les élections aient

lieu. J’ai peur que les paparazzis ne découvrent ma relation avec Jenny. Son

mari est furieux à l’idée que cela puisse sortir dans la presse…

- Tu veux venir à Angelview ?

- Oui, j’aimerais bien. Là-bas, la presse devrait me laisser tranquille.

- Viens vite, j’ai besoin de te voir.

- Pourquoi ?

- Je me suis trompée, Jason. Luke n’est pas celui que je croyais. Il ne voulait

qu’avoir Angelview à travers moi.

- Oh ma chérie, tu en es sûre ? Je n’arrive pas à le croire…

- Si, je t’assure. J’ai vraiment hâte que tu arrives.

- Je pars dès demain. Je n’arrive pas à ne pas voir Jenny quand je suis ici et cela

devient trop dangereux.

- Les élections sont dans un mois et demi. Après, tout ira bien.

- Je l’espère, en tout cas…

Marcy était soulagée de savoir que Jason allait arriver sous peu. La solitude lui

pesait et elle avait besoin de penser à autre chose qu’à Angelview, à autre chose qu’à

Luke, à autre chose qu’à son avenir…

Page 101: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

IX

Marcy serait certainement retombée en dépression si Jason n’était pas arrivé.

Même si le jeune homme était profondément malheureux à cause de son histoire

d’amour, il demeurait plein d’entrain. De plus, sa présence empêcherait Marcy de

penser à ses propres problèmes.

Marcy alla l’accueillir à l’aéroport de Leeds. Elle le reconnu aussitôt à sa

démarche : elle connaissait le corps du jeune homme par cœur car il avait été son

partenaire de danse pendant des années. Ensemble, ils avaient participé à de

nombreux concours et avaient caressé les mêmes rêves de gloire dans une comédie

musicale. Lorsque les parents de Jason avaient décidé de retourner aux Etats-Unis, il

avait aussitôt été engagé dans une compagnie de Broadway. Il avait essayé de

convaincre la jeune fille de le rejoindre mais, échaudée par son expérience

londonienne, la jeune fille avait préféré se tourner définitivement vers le

mannequinat. De plus, après la mort de sa mère, elle ne voulait pas laisser sa grand-

mère seule en Angleterre.

Jason approchait et passa les barrières de sécurité. Marcy courut vers lui et se jeta

dans ses bras mais elle ne put s’empêcher d’éclater de rire devant le visage du jeune

homme : il portait une barbe, une moustache et les cheveux longs pour ne pas risquer

d’être reconnu. Elle tira sur le postiche et il poussa un cri :

- Eh ! Tu me fais mal ! Tu parles de retrouvailles !

- C’est une vraie !

- Bien sûr, tout est vrai : la barbe, la moustache et les cheveux. J’ai retrouvé une

vie normale grâce à ça !

- Super, et tu es beau quand même !

- Et on ne se moque pas !

- Voyons, Jason, pour qui me prends-tu ? minauda Marcy tandis qu’il faisait

mine de l’étrangler.

Page 102: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

En riant, un bras autour de la taille de l’autre, ils se rendirent au tapis à bagages.

Jason récupéra ses valises et sa guitare sèche : il ne pouvait s’en séparer…

Jason comptait les jours qui le séparaient de la date de l’élection du mari de Jenny.

Les deux jeunes gens avaient décidé de se joindre le moins possible pour ne pas

risquer d’être découverts par la presse. Jason souffrait beaucoup de l’absence de

Jenny et d’avoir si peu de nouvelles d’elle. Il était surtout très inquiet de la savoir

avec son mari. Il lui avait fait jurer de garder toujours son passeport sur elle au cas où

elle devrait fuir rapidement afin qu’elle puisse le rejoindre aussitôt.

Marcy et le chanteur passaient leur journée à se balader dans la région, à faire de

menues réparations dans Angelview et à chanter… Chaque jour, après le déjeuner,

Jason s’installait sur la terrasse d’Angelview avec sa guitare et chantait pour Marcy

qui savourait ce moment précieux à ses côtés. . Jason chantait certains de ses succès

et composait aussi de nouvelles mélodies où il parlait de sa tristesse, du manque qu’il

ressentait. Marcy fredonnait avec lui les refrains. Plusieurs fois, Luke était passé en

voiture à ce moment-là et les avait aperçus…

Un jour, ils s’étaient croisés dans un restaurant de Leeds et le cœur de Marcy

s’était serré de douleur en voyant une jeune femme brune à son bras… Ainsi, il

n’avait pas eu beaucoup de mal à l’oublier… Il ne lui adressa même pas un regard…

Quelques semaines après son arrivée à Angelview, Jason reçut un appel de son

producteur.

- Pat ! Qu’est-ce qu’il y a ?

- Et bien, je suis moi aussi à Leeds.

- Mais que fais-tu ici ?

- J’accompagne Extasia sur sa tournée. Elle fait quatre dates en Angleterre dont

une ici. C’est ce soir.

- Extasia ! Rien que ça !

Extasia était une des chanteuse les plus connues sur la scène internationale et bien

que cinquantenaire depuis peu, elle avait toujours le même charisme et le même poids

Page 103: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

dans le monde musical. C’était aussi une croqueuse d’hommes et ses victimes étaient

de plus en plus jeunes…

- J’aimerais que tu la rencontres. Tu sais, elle n’a pas voulu te voir à New-York.

Elle te trouve trop doux, trop « guitare sèche ».

- Vraiment ?

- Ne te vexe pas !

- Il m’en faut plus. J’ai quand même vendu des millions de disques !

- Je le sais bien, et c’est parce que je crois beaucoup en toi que je veux que tu la

rencontres. Elle peut donner un nouvel élan à ta carrière.

- Pourquoi pas ?

- Viens ce soir assister au concert dans le carré VIP. Ensuite, on ira au XXX, la

boîte de nuit.

- D’accord. Mais je tiens à rester incognito !

- Je sais, je sais. Ne t’en fais pas, je lui ai déjà expliqué que je voulais lui faire

rencontrer quelqu’un mais que cela devait rester un secret. En plus, elle adore

les secrets et s’entourer de mystère…

- Tant mieux !

- Au fait, le thème de la soirée, c’est les années 70. Déguisement obligatoire !

- Alors là, tu ne vas pas être déçu, se mit à rire Jason en raccrochant.

Jason expliqua rapidement les raisons de cet appel à Marcy et conclut en disant :

- Cela va nous changer les idées à tous les deux. Tu crois que tu as de quoi nous

transformer en jeunes fous de disco ?

- Je dois avoir ça au grenier. Il ya des malles pleines de vieux habits là-haut.

Jason et Marcy passèrent plusieurs heures dans le grenier à essayer toutes

sortes de déguisements. Ils n’épargnèrent aucune époque, des années folles aux

Seventies en passant par le chic des années 50. Finalement, Marcy choisit un

pantalon en skaï noir très moulant, un haut rose fuchsia et de hautes bottes à très

grosses semelles. Jason enfila un costume brillant entièrement blanc qui lui

donnait beaucoup de prestance.

- On se croirait revenu aux années discos !

Page 104: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Oui, mais heureusement que le ridicule ne tue pas ! rétorqua Jason en riant.

Le concert de la célèbre chanteuse fut grandiose, comme d’habitude. A l’entracte,

du champagne fut servi aux invités du carré VIP et Marcy ne put refuser de trinquer

au succès de la chanteuse.

- Ce n’est qu’un peu de champagne ! dit Jason en remplissant son verre à

nouveau.

- Tu sais bien que je ne supporte pas l’alcool !

- Tu seras plus gaie. Profite ! C’est une soirée exceptionnelle !

La jeune fille but la coupe et se sentit effectivement envahie par une douce

chaleur. Après tout, si cela pouvait l’aider à ne plus penser à Luke et à profiter de la

soirée… Jason et Marcy se rendirent ensuite au XXX. La boîte de nuit avait été

entièrement réservée pour la chanteuse et les invités triés sur le volet. Jason téléphona

à Pat pour qu’il vienne les aider à passer l’important système de sécurité : Jason tenait

à demeurer incognito. Pat les rejoignit bientôt et les conduisit jusqu’au salon où se

trouvait la chanteuse avec son cercle restreint d’amis. Telle la reine des abeilles d’une

ruche surpeuplée, elle était installée au centre du salon dans un confortable fauteuil

en cuir et ne semblait nullement fatiguée après sa performance scénique… Extasia,

qui ne quittait plus Jason du regard depuis qu’elle l’avait aperçue dans la foule, fit

signe à Pat d’approcher.

Jason prit place sur un canapé en face de la chanteuse tandis qu’elle le dévisageait.

Visiblement, le jeune homme lui plaisait physiquement beaucoup et elle devait se

demander à qui il lui faisait penser. Jason savait qu’être admis dans le cercle fermé

des amis de la star lui permettrait de rencontrer les musiciens les plus talentueux de la

planète. Il prit Marcy sur ses genoux avant même qu’elle n’ait eu le temps de

s’asseoir. Perplexe, elle le regarda droit dans les yeux et elle comprit à son expression

qu’il avait une idée en tête. Quelques minutes plus tard, résonnèrent les premiers

notes d’une des chansons de Jason. Il commença à jouer de la guitare sur le corps de

Marcy comme il en avait l’habitude lorsqu’ils étaient adolescents et qu’ils écoutaient

Page 105: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

ensemble un morceau connus à la radio. Jason chantait doucement les paroles du

disque. « Tu es si belle, tu es si douce, je ne rêve que de toi, pourquoi m’interdis-tu

de t’aimer ?… Laisse-moi découvrir ton âme, laisse-moi aller au plus profond de

toi… » Marcy connaissait la chanson par cœur et laissait les mains de Jason parcourir

son corps. Extasia s’était mise à sourire et elle lança un regard entendu à son

producteur et à Jason. La chanson touchait à sa fin et Marcy tourna machinalement la

tête vers l’entrée du salon VIP car plusieurs personnes venaient d’arriver. Elle

découvrit avec horreur que Luke l’observait les dents serrés, tandis que Lisa et John

avaient baissé la tête avec tristesse. A la fin de la chanson, Extasia demanda au

chanteur langoureusement :

- Et vous changez souvent de guitare ?

- Non, rarement.

- Voilà un défi bien tentant.

Marcy sentit que Jason était gêné. Il ne voulait surtout pas vexer la star mais il

ne voulait pas trahir Jenny. Elle s’assit à côté du chanteur et proposa d’une voix

suave :

- Ce serait une scène parfaite pour un concert, non ? Vous, guitare de Jason avec

une lumière tamisée…

- Ecrivez-moi une chanson et vous allez découvrir ce que c’est que de faire de la

musique et des concerts, déclara Extasia à Jason en mettant sa main sur la

sienne.

- Quel genre de chanson ?

- Le plus difficile : du genre qui me surprend…

- Entendu.

- Et bien, Pat, dit Extasia au producteur en levant sa coupe de champagne, pour

une fois, tu avais raison, ta soirée est réussie !

Tout le monde trinqua et Marcy but sa troisième coupe de la soirée. Elle

commençait à ne plus avoir les idées claires mais cela lui permettait de moins

ressentir le regard colérique de Luke sur elle. Ce dernier avait de plus été rejoint

par la jeune femme brune du restaurant et Marcy était dévorée par la jalousie. Il y

Page 106: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

avait de plus en plus de monde dans le salon particulier et à un moment, elle crut

même apercevoir Pricetown en pleine discussion avec Luke. Elle secoua la tête et

se persuada que cela était le fruit de son imagination. Elle se jura de ne plus boire

d’alcool de sitôt !

Cependant, il ne s’agissait pas du fruit de son imagination. Pricetown était

effectivement là, et il avait compris en voyant Marcy et Jason ensemble qu’il

pourrait s’assurer un peu plus de la séparation de Taylor et Marcy. Il s’approcha

de Luke en levant sa coupe de champagne.

- Alors, que pensez-vous de notre musicien. Il a une charmante guitare, n’est ce

pas ?

- Taisez-vous !

- Une guitare pas très craintive, n’est-ce pas ? Je vous avais prévenu pourtant

qu’il ne faut pas croire les belles jeunes filles sur parole. Elle fait partie du

monde de la mode et du show-biz avec tout ce que cela signifie : l’alcool, les

médicaments, les relations faciles…

- Ça suffit !

- Non, je veux que vous compreniez à quel point vous avez été manipulé !

- Pricetown, si vous ne vous taisez pas, je vous broie le cou.

- J’ai fini, au revoir, répliqua l’homme en relevant sa coupe de champagne avec

un fin sourire méprisant. Quoique, regardez…, ajouta-t-il en lançant un signe

discret de la main au disc-jockey.

Au même moment, Marcy et Jason relevèrent la tête en entendant le début d’une

chanson qu’il connaissait par cœur de la comédie musicale Grease. Ils avaient gagné

plusieurs concours de danse en présentant une chorégraphie sur ce morceaux et,

emportée par l‘alcool, Marcy ne put résister à Jason qui l’entraînait au milieu de la

piste de danse. Les autres danseurs s’écartèrent et se mirent à taper le rythme de la

musique : ils avaient compris qu’ils avaient affaire à des professionnels. Marcy

commença la chorégraphie tandis que Jason enlevait sa veste, la jetait à ses pieds puis

tombait à genoux devant la jeune fille en chantant en même temps que John Travolta.

« Je tremble, je suis électrisé… » « J’ai besoin d’un homme et c’est toi que j’ai

Page 107: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

choisi » répondit Marcy en tendant la main vers celle de Jason avec une parfaite

synchronisation. « Tu es celui que je veux, tu es trop timide, suis moi, j’ai besoin d’un

homme, d’un vrai », reprit-elle en s’élançant dans le couloir qui faisait le tour de la

piste de danse. Jason la suivait en dansant « Il faut que je te prouve que je suis celui-

là » et ils reprirent en cœur « tu es celui que je veux… » Une fois le tour de la piste

terminé, ils se retrouvèrent devant les escaliers ce qui correspondait exactement à la

chorégraphie. Ils descendirent côte à côte les escaliers en dansant les mains sur les

hanches puis Jason sauta les dernières marches et attrapa Marcy dans ses bras. Il la fit

virevolter autour de lui tandis que la musique s’achevait et que de nombreuses

personnes les applaudissaient. Une nouvelle musique débuta et les danseurs

retournèrent sur la piste.

Jason proposa à Marcy un nouveau verre mais elle refusa.

- Surtout pas ! Jason, je crois que si tu veux rester incognito, il vaudrait mieux

partir…

- Oui, on en a un peu trop fait…

- Oui, je crois. Je n’aurai jamais dansé ainsi si je n’étais pas saoule.

- Tu n’es pas saoule, juste gaie…

- Un peu trop quand même à mon goût !

Après lui avoir commandé un verre d’eau minérale, Jason laissa Marcy au bar

pour aller dire au revoir à son producteur et à Extasy. Marcy sursauta en sentant une

main ferme et dure sur son épaule. Elle se retourna et se retrouva face à Luke.

- Nous avons eu droit à deux charmantes prestations ce soir ! Tu t’es bien moqué

de moi, n’est-ce pas ? Le contact physique ne semble plus te poser de

problème.

- Ce n’est pas ce que tu crois.

- Arrête, Marcy. Je suis juste venu te dire que je me suis conduit comme un

imbécile avec toi, tu m’as bien ridiculisé, mais sache que désormais je ne me

laisserai plus prendre par ton visage angélique. Je ne sais pas ce que tu

recherchais, peut-être juste un jeu après tout, ce n’est pas important. Je te

Page 108: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

souhaite d’être heureuse Marcy, mais vu le chemin que tu as choisie de

prendre, je ne sais pas si tu y parviendras.

Luke tourna les talons et partit rejoindre John, Lisa et la jeune femme brune.

Marcy avait été trop surprise par sa présence pour pouvoir lui répondre ou se

défendre. Elle comprenait sa colère mais elle n’en oubliait pas moins qu’il avait tenté

de se servir d’elle. En fait, se persuada-t-elle, il n’était pas blessé parce qu’il l’aimait

mais il était blessé dans son orgueil. Il n’avait que ce qu’il méritait…

Jason revenait vers elle et ils partirent aussitôt. En sortant, Marcy croisa Lisa

qui détourna le regard. Marcy eut le temps de voir de la déception sur son visage. Elle

se sentit triste d’avoir déçue la jeune femme. Elles ne seraient plus amies…

Page 109: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

X

Le jour de l’élection arriva enfin. Jason était fou d’angoisse. Il ne pouvait

s’empêcher de douter de la réaction du mari de Jenny. Tiendrait-il parole ? La

laisserait-il partir ? Et s’il perdait les élections ? Quelle serait alors sa réaction ?

Marcy tentait de le rassurer de son mieux. Peu après dix-huit heures, Jenny appela

enfin Jason mais elle était en larme. La jeune femme semblait terrorisée.

- Jason, je ne sais plus quoi faire. Je suis au QG de campagne et les rumeurs sont

mauvaises. Je crois qu’il a perdu ! Il va être furieux. Personne n’a encore osé

lui annoncer qu’une défaite est possible !

- Calme-toi, il faut que tu partes tant qu’il est occupé avec son équipe. Tu as ton

passeport sur toi ?

- Oui.

- Alors pars tout de suite ! Va à l’aéroport et prends le premier vol pour l’Europe

quelle que soit la destination. Je te rejoindrai là où tu arriveras.

- Partir comme ça, sans rien…

- Jenny, ta vie est en danger, tout le reste n’a aucune importance. Fais tout de

suite ce que je te dis.

- Entendu. Je t’appelle dès que je sais où je vais atterrir.

- Je t’aime.

- Moi aussi, je t’aime. Je ne sais pas ce que je ferai sans toi…

Une heure plus tard, Jenny rappela. Elle était à l’aéroport et avait un billet dans le

prochain vol pour Paris.

- J’arrive demain matin à l’aéroport Charles de Gaulle.

- Parfait, je serai là. Donne-moi le numéro de ton vol.

- 118 673.

- Appelle-moi dès que tu es dans l’avion pour que je sois sûr que tout va bien. Je

pars tout de suite pour Paris.

Page 110: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- D’accord.

Tandis que Marcy faisait des réservations pour un vol Leeds/Londres puis

Londres/Paris, Jason fit rapidement ses bagages.

- Tu prends le vol pou Londres dans deux heures.

- Parfait. On a juste le temps d’aller à l’aéroport.

- Pourquoi ne reviendriez-vous pas ensemble ici ?

- Pas pour l’instant, on a besoin d’être ensemble, tu comprends ?

- Bien sûr !

- J’ai l’impression de t’abandonner…

- Pas du tout. Grâce à toi, je me sens beaucoup mieux et je me sens prête pour un

nouveau départ. J’ai fait une croix sur Luke.

- Tu fais toujours autant de cauchemars…

- Je pense que pour ça, j’ai encore besoin de temps… Allez, il faut y aller et

n’oublie pas que vous êtes les bienvenus à Angelview !

- On viendra, c’est promis.

Ils partirent aussitôt pour l’aéroport de Leeds. Une fois les formalités

d’embarquement effectuées, Marcy et Jason se quittèrent après de longues

embrassades.

- Appelle-moi dès que vous vous serez retrouvés pour me donner des nouvelles.

- Bien sûr et toi, prends soin de toi. Et je suis là si tu as besoin pour payer les

réparations du toit…

- Merci, mais je dois me prendre en charge…

- Réfléchis pour le duo. Pat aimerait le sortir pour l’été. Et cela ta ferait une

rentrée d’argent.

- Je vais réfléchir. La célébrité me fait peur… J’ai encore envie de me cacher

dans un trou de souris.

- Et cela est bien dommage… Laisse passer quelques semaines et on en reparle.

- D’accord.

Ils se serrèrent une dernière fois dans les bras et Jason franchit les portes vitrées

pour passer les services de sécurité en levant une dernière fois la main en signe

Page 111: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

d’adieu. Marcy lui répondit et lorsqu’il eut disparu, elle se détourna, les larmes aux

yeux. Comme il allait lui manquer ! Elle s’apprêtait à repartir quand elle heurta un

homme sur son passage. Elle reconnut immédiatement le corps de Luke et leva les

yeux vers lui avec appréhension. Elle ne se sentait pas le courage d’avoir une

conversation avec lui à ce moment précis.

- Quelle charmante scène de départ. Qui sera le prochain ?

- Ça suffit Luke. Je n’ai pas envie de discuter.

- Pas envie ou pas le courage ? Il faut affronter les conséquences de ses actes,

jeune fille.

- Qu’est-ce que cela signifie ?

- Cela signifie que lorsqu’on joue avec un homme, il ne faut pas s’étonner

ensuite de ses réactions.

- Tu es en train de me dire que j’ai mérité ce qui s’est passé avec Pricetown.

- C’est une évidence.

- On n’a plus rien à se dire Luke, répondit Marcy en lui tournant le dos.

Furieuse, elle était furieuse… Et triste, si triste… Comme elle avait frémi à son

contact, comme son corps avait besoin de lui… Mais elle devait faire preuve de

raison : il avait été ignoble et elle devait absolument se faire à l’idée que rien ne serait

jamais possible entre eux…

Luke, quant à lui, se sentit tout à coup misérable dans ce hall d’aéroport. Les

adieux de Marcy et Jason l’avaient rendu furieux. Il s’en voulait d’avoir fait

confiance à la jeune fille ; il était évident que Jason était son amant ! Comme elle

jouait bien la comédie ! Comme elle avait de l’emprise sur lui ! Décidément, il avait

le don pour attirer des femmes fausses, intéressées et manipulatrices ! Il alla

récupérer ses bagages sur le tapis roulant puis sa voiture dans un des parkings de

l’aéroport. Il fallait qu’il oublie cette fille au lieu d’être obsédé ainsi par elle !

Marcy reprit le volant encore sous le coup de la colère. Le cabriolet ne

demandait qu’à prendre de la vitesse et elle se raisonna pour ne pas rouler trop vite. Il

faisait nuit et peu de véhicules circulaient sur la route. Quelques kilomètres avant

d’arriver à Angelview, la voiture devint moins stable. Inquiète, Marcy s’arrêta sur le

Page 112: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

bas-côté et découvrit avec horreur qu’elle avait crevé ! Elle était incapable de changer

une roue et de rage, elle donna un coup de pied dans le pneu de la voiture qui avait

décidément le chic pour l’abandonner aux plus mauvais moments ! Elle ferma le

cabriolet à clefs et commença à regagner Angelview à pied. Elle téléphonerait demain

à Ted pour qu’il vienne la dépanner… Mais dès qu’elle entendit derrière elle le bruit

d’un moteur, elle sut aussitôt qu’il s’agissait de la Jaguar de Luke. Elle serra les dents

et accéléra son pas illusoirement. De toute manière, il ne s’arrêterait certainement pas

après leur altercation de l’aéroport… Il la dépassa puis freina brusquement devant

elle. Marcy stoppa sa marche et attendit, tête baissée, qu’il vienne lui parler.

- Monte. Il est tard, c’est dangereux de marcher ainsi la nuit.

- C’est encore plus dangereux de monter en voiture avec un inconnu.

- Un inconnu ?! Tu as du toupet !

- Celui qui m’a parlé à l’aéroport est un inconnu pour moi. Laisse-moi passer.

Va t en.

- Non, je te ramène, affirma-t-il en la prenant doucement par le bras. Et je suis

désolé pour ce que je t’ai dit. Je n’aurai jamais dû mettre en doute ton

agression par Pricetown.

Marcy leva enfin la tête vers lui et plongea son regard dans le sien.

- C’est pour cela que les femmes n’osent pas porter plainte. Elles ont trop peur

que l’on dise que c’est de leur faute ou que ce n’est pas vrai.

- Je sais, je suis désolé. J’étais en colère, tu comprends ? Viens, Angelview est

encore loin…

Marcy hésita quelques secondes puis fit signe qu’elle acceptait. Ils montèrent en

voiture et un silence pesant s’installa entre eux. Luke ne lui adressa la parole qu’une

fois garé devant le perron du manoir.

- Ton… ami est parti pour longtemps ?

- Oui.

- Vous… vous êtes séparés ?

- Non, dit Marcy tout en sachant qu’il comprenait ainsi qu’elle avait une relation

avec Jason. Mais aussitôt prise de remords, elle ajouta malgré elle en voyant le

Page 113: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

visage figé de Luke, Non, ce n’est pas ce que tu penses. Nous sommes juste

amis.

- Amis ? On n’a pas les mêmes conceptions en matière d’amitié alors !

- Jason est mon meilleur ami depuis l’adolescence. On suivait les mêmes cours

de danse et c’était mon partenaire. C’est pour cela qu’il y a une telle complicité

entre nous. On se connaît par cœur et je n’ai pas peur de le toucher ou qu’il me

touche parce que cela est normal entre nous.

- Il n’y a jamais rien eu entre vous ?

- Un petit flirt sans conséquence quand on était ados mais on s’est vite rendu

compte que l’on était amis et pas amoureux. On est enfant unique tous les

deux ; je le considère comme mon frère et je suis sûre qu’il me considère

comme sa sœur.

Luke respira profondément puis rétorqua.

- Excuse-moi mais votre relation est plutôt incestueuse alors.

- Pas du tout, je t’assure. Quand on a dansé sur l’air de Grease, c’était plus fort

que nous. On a si souvent dansé sur cette musique dans des concours de

danse ! Et on a souvent gagné, tu sais.

- Je n’en doute pas une minute, répliqua t il cyniquement.

- Jason est parti retrouver la femme qu’il aime ce soir. Ce sera certainement dans

tous les journaux people dans quelques jours.

- Pourquoi ?

- Et bien, je ne sais pas si tu l’as reconnu avec sa barbe, mais c’est Jason Barnes.

- Le chanteur ? C’est pour cela qu’il jouait tout le temps de la guitare sur la

terrasse…

- Oui, et je suis sa première fan je l’avoue.

- Sa guitare aussi…

- Oui, c’est un truc que fait souvent Jason et je comprends que tu aies pensé

que… Enfin, en tout cas, c’est vrai qu’il est amoureux mais ce n’est pas de

moi. Il est amoureux de la femme d’un politicien américain. C’est pour cela

qu’il est venu à Leeds, il ne voulait pas que la presse l’apprenne. Mais

Page 114: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

aujourd’hui Jenny a quitté son mari parce qu’il est très violent avec elle et

Jason et elle doivent se retrouver demain à Paris.

- J’ai du mal à te croire…

- C’est effectivement peu commun…

- Est-ce que tu vas mieux Marcy ? Tu es moins malheureuse ?

- Je pleure de moins en moins et je pense que petit à petit je vais oublier…

- Les réparations avancent ?

- Ne t’en fais pas pour cela. J’arriverai à entretenir Angelview et je te redis que

le manoir n’est pas et ne sera pas à vendre ! répondit Marcy séchement,

furieuse qu’il en soit ainsi venu à ce qui le préoccupait vraiment. Merci de

m’avoir ramenée. Au revoir, ajouta-t-elle en descendant de voiture et en

claquant la porte.

- Marcy ! Voyons ! s’écria Luke tandis qu’elle montait le perron et entrait

rapidement dans le manoir.

Luke secoua la tête incrédule. Mais pourquoi diable réagissait-elle ainsi dès qu’il

parlait d’Angelview ? Pourquoi était-elle si en colère contre lui ? En tout cas, il était

heureux d’avoir eu cette conversation avec la jeune femme. Les griffes de la jalousie

ne pressaient plus son cœur et il se sentait enfin libéré de cette souffrance

insupportable…

Page 115: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

XI

Une fois couchée, Marcy ne put s’empêcher de pleurer. Elle avait tenté toutes

ces dernières semaines de se persuader qu’elle ne l’aimait pas, que tout cela n’était

pas grave, qu’il ne valait pas la peine qu’elle pleure à cause de lui… Et il avait suffit

d’un regard, d’un frôlement, pour que toute la peine qu’elle avait enfouie au fond

d’elle resurgisse. Elle devait se rendre à l’évidence : elle l’aimait plus que tout, elle

l‘aimait malgré elle et elle ne désirait qu’une chose, c’était qu’il la prenne contre lui

comme avant… Elle ne se sentait à l’abri que dans ses bras…Pourquoi avait-il fallu

qu’elle tombe amoureuse d’un homme qui ne pensait qu’à assouvir ses rêves

d’enfant ? Pourquoi ne pensait-il qu’à obtenir Angelview à travers elle ? Comment

allait-elle faire pour sauver le manoir ? Même si elle acceptait de redevenir

mannequin, ses cachets ne suffiraient jamais à couvrir tous les frais… De plus, il lui

faudrait se refaire une place dans un univers sans pitié et elle n’avait plus envie de

parcourir sans cesse le monde sans prendre le temps de vivre… Seule dans cette

grande maison, elle se sentait désespérément abandonnée et trahie.

Le lendemain, elle reçut un appel en fin de matinée de Jason. Il était fou de

joie d’avoir retrouvé Jenny. Ils avaient décidé de rester à Paris, la ville des amoureux,

et ensemble, ils se sentaient prêts à affronter les paparazzis. Marcy les félicita

chaleureusement et leur rappela qu’ils étaient les bienvenus à Angelview. Elle avait

hâte de faire la connaissance de Jenny !

Les semaines qui suivirent furent longues et éreintantes pour la jeune fille. Elle

faisait de son mieux pour réaménager le manoir mais elle vivait dans la crainte que le

vent n’arrache la bâche du toit. Il devenait urgent qu’elle trouve les moyens de faire

cette réparation. Depuis quelques temps, Luke semblait avoir disparu. Elle devait

avouer qu’elle guettait ses passages sur la route. Larry l’appelait régulièrement et à

chaque fois, elle déclinait ses propositions de contrats. Elle n’avait pas envie de

reprendre son ancienne vie. Cependant, un jour, il l’appela tout excité :

Page 116: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Ma chérie, ma chérie, c’est incroyable. Tu ne va pas pouvoir refuser cette fois.

C’est extraordinaire !

- Du calme, du calme, rit Marcy qui était habituée à l‘exubérance de son ancien

patron. Que se passe-t-il ?

- Tu as vu que la publicité que tu avais tournée l’année dernière pour les parfums

Xanadu repassent depuis quelques semaines à la télévision ?

- Oui, pourquoi ?

- Et bien le PDG d’un très grand groupe a flashé sur toi. Il a décrété que tu étais

celle qu’il lui faut pour représenter sa marque et sa chaine de magasins et il te

propose pour cela un contrat d’exclusivité. Tu ne travailleras que quelques

jours par an et tu seras payée une fortune !

Larry lui annonça alors le montant de son cachet et la jeune fille crut qu’elle avait

mal compris.

- Combien ?

- Oui, ma chérie, tu as bien entendu ! Ils cherchent depuis des mois une fille et

toutes les agences étaient sur le coup. Je n’avais pas envoyé ton book à

l’époque puisque tu avais arrêté de travailler. Mais le PDG n’en démord pas :

c’est toi qu’il veut. Tu corresponds exactement à l’image qu’il veut donner.

- Je te rappelle que je porte une perruque noire dans cette pub. Cela devait faire

penser aux robes noires du créateur.

- Justement, c’était le seul problème pour lui et quand je lui ai envoyé ton book,

il a été ravi : il veut une jeune femme blonde pleine de distinction. Tout toi,

non ?

- Ne te moque pas de moi. Et puis d’abord, c’est quel groupe de mode ? Il y a

certainement anguille sous roche.

- Je ne peux pas te dire leur nom. Ils tiennent à garder leur campagne secrète

jusqu’au dernier moment.

- Laisse tomber. Je ne veux pas me retrouver lier par un contrat à une firme que

je ne connais pas. C’est trop dangereux !

Page 117: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Attends, ce n’est pas ce que je voulais dire. Ils souhaitent te rencontrer

vendredi prochain à leur siège de Londres et discuter avec toi des termes du

contrat. Tu sauras alors de quelle firme il s’agit. Ils sont sérieux et ont une

excellente réputation. Fais-moi confiance.

- Je ne sais pas… Un tel contrat, j’ai peur de ne pas être à la hauteur…

- Ne dis pas n’importe quoi ! Tu es splendide et ils ont craqué sur ton regard,

Jewel… De toute manière, venir vendredi ne t’engage à rien.

- Je vais réfléchir…

- Tu es incorrigible ! dit il en raccrochant.

Marcy resta longtemps assise à côté du téléphone. Cette proposition était

inespérée. Elle serait pour toujours à l’abri des soucis financiers et pourrait faire

réaliser tous les travaux nécessaires d’Angelview. Elle deviendrait totalement

indépendante. Cela ne pouvait se refuser. Elle fit un geste en direction du téléphone

puis se ravisa. Mieux valait se faire désirer, décida-t-elle en souriant.

Page 118: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

XII

Marcy avait finalement rejoint Larry quelques jours avant la réunion du

vendredi et elle avait retrouvé Londres avec plaisir. Elle adorait cette ville et elle

passa de longues heures à se promener dans les rues animées de la capitale. Larry lui

avait concocté tout un programme de remise en forme pour qu’elle redevienne

Marcia… Le jour de la réunion avec le conseil d’administration de la société qui

souhaitait l’engager, elle passa l’après-midi chez un des plus grands coiffeurs et un

des plus grands maquilleurs de Londres.

Lorsqu’elle retrouva Larry, il la détailla de la tête au pied puis hocha la tête

comme il en avait l’habitude lorsqu’il était satisfait. Le coiffeur et le maquilleur

avaient fait des merveilles et avaient redonné vie à Marcia. Le tailleur noir, d’une rare

élégance, allait à Marcy à merveille : il mettait en valeur sa taille étroite et son allure

élancée.

- Parfaite, tu es parfaite, ma chérie !

- Tu es sûr ? Tu crois que je peux avoir un tel contrat d’exclusivité ?

- La balle est dans ton camp. C’est eux qui te veulent. Ils n’ont pas arrêté de

m’appeler depuis que leur PDG a flashé sur toi en voyant la publicité pour

Xanadu.

- Mais je suis brune dans cette pub…

- Justement, ils ont été conquis quand ils ont vu ton book. Ils recherchent depuis

des mois une fille blonde, distinguée, de bonne éducation qui puisse

symbolisait la distinction de leur société. Leur PDG avait une idée

extrêmement précise et toutes les agences étaient sur le coup. Je n’avais pas

envoyé ton book puisque tu ne voulais plus entendre parler de ce métier mais

quand ils m’ont appelé, j’ai craqué. Il te propose un contrat en or. Tu n’auras

plus jamais de problèmes d’argent, tu n’auras que quelques photos et quelques

Page 119: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

spots publicitaires par an à faire, et surtout, tu vas être l’image d’une grande

société de luxe.

- Pourquoi ne veux-tu pas me dire son nom ?

- Ils veulent que ce soit une surprise. Il est un peu excentrique leur boss, tu ne

trouves pas ?

- Il a l’air en effet…

Ils prirent un taxi et arrivèrent rapidement au siège de la société. Ils étaient

attendus par l’ensemble du conseil d’administration au dernier étage de l’immeuble.

Une fois dans l’ascenseur, Marcy lissa sa jupe puis serra ses mains anxieusement. Il

fallait qu’elle remporte ce contrat pour sauver Angelview et ne plus jamais dépendre

de personne. L’ascenseur parvint enfin au dernier étage et Larry la conduisit vers la

salle de réunion du conseil. Une secrétaire ouvrit les deux pans d’une immense porte

coulissante et Marcy découvrit alors une vaste table en forme de U où siégeait une

vingtaine de personnes. Au centre, elle reconnut aussitôt le Président Directeur

Général de la firme : c’était Luke. Elle ouvrit légèrement la bouche sous l’effet de la

surprise et Larry crut qu’elle était trop impressionnée par cet accueil pour entrer. Il la

prit par le coude et la conduisit vers deux sièges qui se trouvaient en face de Luke. Ils

s’assirent tous les deux et Larry commença à parler avec un homme qui était

visiblement le chef de la publicité. Marcy n’entendait rien de ce qu’ils se disaient,

elle était hypnotisée par Luke qui lui aussi ne l’avait pas quittée du regard. Des

images de leur bonheur passé défilaient en elle : leur étreinte au milieu de la Ronde

des Pierres, sa douceur quand ils avaient dormi ensemble, les balades à cheval, leur

fous rires, l’émerveillement de Lilly quand elle avait découvert les robes de princesse

du grenier d’Angelview, le tour qu’ils avaient fait en grande roue… Elle n’avait

qu’une envie, se jeter dans ses bras… Mais que faisait Luke ici ? Quel message

voulait-il lui faire passer ? Ainsi, c’était lui le fameux PDG qui ne voulait qu’elle

pour représenter sa marque ? Ainsi, c’était lui qui lui offrait un si haut cachet ? Un

violent coup de coude la tira de sa rêverie. Elle se tourna vers Larry qui attendait

visiblement sa réponse. Elle le regarda interloquée et il lui fit signe de dire oui.

Page 120: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Ou…i, oui mais…, pourriez-vous me rappeler les principales caractéristiques

du contrat ?

Larry leva les yeux au ciel, le chef de publicité lui lança un regard surpris.

Visiblement, ils venaient d’en parler à l’instant… Ce fut Luke qui prit la parole.

- Nous recherchons, Miss Stoneway, une personne pour représenter nos marques

et magasins de luxe dans nos différentes campagnes publicitaires. Pour cela,

nous souhaitons une exclusivité dans le domaine publicitaire pour cinq ans,

mais vous serez libre de faire tout projet artistique. Vous êtes, à mes yeux, la

personne qui correspond le mieux à l’image que je veux transmettre de ma

compagnie, et j’espère que vous accepterez cette collaboration même si je sais

que vous aviez décidé de mettre un terme à votre carrière.

John, qui se trouvait à la droite de son frère, adressa un sourire plein de

connivence à la jeune fille.

- Monsieur Taylor, répondit Marcy d’une voix qu’elle voulait la plus ferme

possible, je serai très flattée de représenter votre société et je vous promets de

le faire de mon mieux.

- Dans ce cas, il ne nous reste plus qu’à signer les contrats.

Macy rejoignit Luke et le regarda signer d’un trait ferme et décidé, puis elle signa

à son tour. Des applaudissements retentirent dans la salle tandis qu’elle se redressait

et que Luke lui adressait doucement un sourire. Les personnes présentes se dirigèrent

alors vers une salle où avait été installé un buffet, et Marcy se retrouva seul avec le

jeune homme.

- Cela fait si longtemps, Marcy..., murmura-t-il en la prenant contre lui.

- Je croyais que tu ne m’aimais pas… Que tu ne voulais qu’Angelview à travers

moi.

- Idiote ! Je suis fou de toi ! Je rêvais d’acheter Angelview parce que je pensais

la maison abandonnée. Mais heureusement, tu as décidé de revenir, sinon, je ne

t’aurai jamais rencontrée. Grâce à Angelview, nous nous sommes connus et

c’est cela le plus important ! Je t’aime Marcy, plus que tout, tu me crois ?

- Oui.

Page 121: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- J’ai voulu te le prouver à travers ce contrat. Tu seras à l’abri du besoin quoique

tu décides. Mais bien sûr, j’espère plus que tout que tu désires la même chose

que moi… Marcy, veux-tu m’épouser ?

- Oh oui Luke, je t’aime tant. Cela a été si dur de ne plus te voir et je m’en veux

tellement d’avoir douté de toi…

- N’y pense plus… Le plus important, c’est que nous nous soyons retrouvés…

Ils s’embrassèrent longuement, passionnément… Finalement, Luke s’écarta à

regret de la jeune fille.

- Il faut y aller. Tu as fait une très forte impression sur tous les membres du

conseil…

- Tu crois ?

- J’en suis certain…

Ils se rendirent au cocktail à regret. Luke fut aussitôt pris dans une conversation

avec des membres du conseil et Marcy rejoignit Larry qui la présenta à diverses

personnes. A un moment, il se pencha vers elle et lui murmura à l’oreille :

- Dis-moi, Luke Taylor a l’air subjugué… Il ne te lâchait pas du regard et tu

m’avais l’air tout aussi envoutée… N’aurait-on pas assisté à un coup de

foudre ? J’ai même l’impression que tu le connaissais déjà…

- Oui, c’est vrai…

- Tu es amoureuse… C’est lui l’homme qui t’a tant déçue ?

- Oui, mais je m’étais trompée. Il m’aime vraiment. Oh, Larry, je suis si

heureuse !

- Je suis si content que tu tournes enfin la page.

Luke observait Marcy de l’autre bout de la salle et en avait visiblement assez de

répondre aux questions des uns et des autres. Discrètement, il fit signe à la jeune fille

de le rejoindre à l’extérieur et ils s’éclipsèrent… Dès qu’ils furent dans le couloir à

l’abri des regards indiscrets, Luke l’enlaça et l’entraina vers les ascenseurs. Une fois

à l’intérieur, ils s’embrassèrent passionnément.

- Tu veux que l’on aille à mon appartement où tu préfères diner en ville ?

- Je préfère aller chez toi. J’ai envie que l’on soit seul…

Page 122: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Moi aussi, je n’en pouvais plus de te voir sans te toucher, t’embrasser…

L’appartement londonien de Luke se trouvait à quelques minutes de ses bureaux.

C’était un immense loft moderne au style épuré. Il était tard et ils commençaient à

avoir faim.

- Le frigo doit être vide, dit Luke penaud. J’aurais dû t’emmener au restaurant.

- Non, je vais préparer quelque chose rapidement. Pour une fois que c’est moi

qui m’occuperai du repas…

Ils éclatèrent de rire en repensant aux efforts de Luke pour lui redonner l’appétit.

- Grâce à toi, j’ai retrouvé l’appétit de manger et l’appétit de vivre, murmura

Marcy en se blottissant dans les bras de Luke.

- C’était mon vœu le plus cher…

- Ton vœu de la Ronde des Pierres ?

- En partie. Mon vœu de la Ronde des Pierres, c’est de t’épouser et de vivre

toujours avec toi… Tu crois qu’il va se réaliser ?

- Oui, et j’avais fait le même…

Marcy se dégagea après un nouveau baiser pour s’occuper du repas. Le frigo était

effectivement peu rempli mais elle put faire une omelette accompagnée d’une salade.

Luke s’occupa quant à lui de trouver une bonne bouteille de vin. Ils s’installèrent sur

la table basse du salon.

- Comment as-tu eu l’idée de me proposer ce contrat ?

- Et bien tout d’abord, cela fait plusieurs mois que je recherchais un top-model

pour représenter nos marques et nos magasins de luxe. Mais j’avais une idée

bien précise de la personne que je recherchai et aucune des mannequins que

l’on m’a proposées ne convenait. En plus, quand tu as commencé à devenir

célèbre, je vivais aux Etats-Unis et donc je ne connaissais pas ton visage. J’ai

vu le sport publicitaire pour Xanadu pour la première fois il y a quelques

semaines et aussitôt, en voyant ce regard, j’ai pensé que j’avais trouvé le

mannequin que je recherchais. Le seul problème, c’était la couleur des cheveux

mais je pensais qu’avec une teinture cela pourrait aller.

- Tu ne m’as pas reconnue alors ?

Page 123: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Pas la première fois. Entre la perruque et le maquillage, on a du mal à te

reconnaître. Puis, j’en ai parlé à John et à Lisa et en voyant le spot pour la

deuxième fois, j’ai compris que c’était toi. Je n’aurai jamais pensé à te

proposer ce travail puisque je ne savais pas que tu étais mannequin. Mai à ce

moment-là, tout est devenu évident. Je pouvais non seulement avoir enfin la

personne idéale pour représenter la firme et te donner la preuve qu’Angelview

n’est pas et n’a jamais été la raison pour laquelle je m’intéressai à toi. J’ai mis

du temps à comprendre que tu m’en voulais parce que tu croyais cela, mais

lorsque je l’ai enfin compris, j’ai cherché la solution pour te démontrer que

cela était faux. Maintenant, c’est chose faite… Et s’il te faut une preuve de

plus, nous vivrons chez moi et non au manoir !

- Idiot ! Bien sûr que l’on vivra à Angelview ! C’est grâce au manoir que l’on

s’est rencontré… A croire que c’est lui qui fait en sorte de ne pas rester

inoccupé…

- C’est vrai… Au fait, j’ai trouvé un nom pour ma maison, Angelheart…

- C’est un très beau nom.

- Cela sera un souvenir de notre histoire pour nos petits petits enfants… Je suis

si heureux que tu aies à nouveau confiance en moi…

- C’est Pricetown qui avait instillé ce doute en moi. Il est vraiment vicieux.

- Et c’est lui qui m’avait fait douter de toi et de ta sincérité… Mais je vais lui

régler son compte…

- Que veux-tu dire ?

- Il a agressé et violé une autre mannequin et elle veut porter plainte. Elle avait

peur au début mais je l’ai rencontrée et je l’ai assurée que je ferai en sorte

qu’elle ait les meilleurs avocats. Elle tient à faire ce procès pour que plus

jamais il ne recommence…

- Cela me rassure. Il a du faire du mal à tant de filles.

- Oui. Quant à Berckely, il s’est puni tout seul.

- Comment ?

Page 124: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Il était ivre et a eu un grave accident de voiture. Heureusement, il a été la seule

victime.

- La justice divine…

- Quelque chose comme cela… Pour le dessert, il y a des glaces, reprit Luke.

- Je n’ai plus faim…

- Moi, j’ai très faim, faim de toi, murmura Luke en l’attirant contre lui sur le

canapé.

Allongés sur le canapé, ils s’enlacèrent étroitement. Les baisers de Luke se firent

de plus en plus passionnés, ses mains expertes caressées tout le corps de la jeune

femme. Marcy avait passé ses bras autour du cou de Luke et elle sentait son corps

s’embrasait.

- Tu es sûre d’être prête, Marcy ? lui demanda Luke avec douceur.

- Oui, mon amour… Je t’ai tellement attendu…

Luke l’a pris dans ses bras et l’emmena jusqu’à sa chambre. Il la déposa sur un

immense lit et baissa les lumières.

- J’ai tellement rêvé de ce moment Marcy…

- Moi aussi.

- N’ai pas peur, je serai doux…

- Je n’ai pas peur avec toi…

- Je serai toujours là pour te protéger, mon amour.

Luke baissa la tête et embrassa Marcy, doucement puis avec de plus en plus de

passion. Sa bouche descendit dans le creux de son cou et Marcy laissa échapper un

soupir de bonheur. Luke défit un à un les boutons de la veste du tailleur de la jeune

fille puis déposa des baisers sur sa poitrine. Il fit glisser doucement la fermeture éclair

de sa jupe et la lui retira avec douceur.

Ils s’endormirent épuisés mais comblés dans les bras l’un de l’autre. Le

lendemain matin, Marcy fut réveillée par les rayons du soleil. Son visage respirait le

bonheur. Elle passa la main sur le visage de Luke qui dormait contre son épaule, un

bras autour de sa taille. Il ouvrit les yeux et lui sourit.

Page 125: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Tu as bien dormi ?

- Oh oui. Je n’ai pas fait de cauchemars, tu te rends compte, Luke, c’est la

première fois en huit mois !

- Tu faisais toujours ces horribles cauchemars ?

- Oui…

- Oh mon amour, j’aurais dû venir te parler au lieu d’attendre et d’être jaloux…

- Non, tu as très bien fait. J’avais tellement peur de ne pas pouvoir te faire

confiance… Maintenant, tout cela est du passé, je peux tourner la page sur tout

ce qui s’est passé avec Pricetown et je peux être complètement ta femme.

- Je veux dès aujourd’hui annoncer à tout le monde nos fiançailles ! On va aller

choisir la plus belle des bagues de fiançailles !

- Pas trop lourde j’espère, dit Marcy en riant.

- Ne te moque pas. Je veux que tout le monde sache que tu es à moi.

- Et que toi tu es à moi…

- Exactement.

- A propos de jalousie, qui était la fille brune ave toi au restaurant et au concert ?

Luke éclata de rire.

- Alors, toi aussi tu as été jalouse.

- Atrocement, tu ne peux pas imaginer.

- Oh si, répondit tristement Luke en repensant à Jason.

- Pardonne-moi, je ne voulais pas te faire souffrir… Je m’en veux de ma

conduite avec Jason…

- Mais non, tu as le droit de t’amuser. C’est juste qu’il était impossible

d’imaginer que vous étiez juste amis… Pour répondre à ta question, Diana est

une amie de Lisa. Elle a passé trois semaines de vacances à la maison. Elle

était sans doute attirée par moi mais j’étais incapable de penser à une autre

femme que toi. Tu m’as envouté…

- J’espère bien ! Trois semaines sous le même toit ! Luke, jure-moi qu’il ne s’est

rien passé, ne put s’empêcher de demander Marcy dont le cœur se serrait

encore sous l’effet de la jalousie.

Page 126: LA RONDE DES PIERRES - e-monsite

- Je te le jure, ma chérie. Je suis incapable de penser à une autre femme…

- Vraiment ?

- Vraiment ! Je ne t’épouserai pas sinon… Au fait, on va appeler Lilly pour le lui

annoncer. Elle va être la plus heureuse. Elle t’adore, tu sais. Elle était

malheureuse de ne plus te voir.

- Moi aussi, j’adore ta nièce. J’étais triste de ne plus la voir et de ne plus voir

Lisa. Et comment vont les relations entre Lisa et ses parents ?

- Meilleures, ils commencent à apprécier John. Et puis, Lisa est enceinte d’un

petit garçon. Alors les Turner sont aux anges… Enfin un héritier mâle ! ajouta

Luke en riant.

- Lilly doit être contente !

- Oui, mais elle attend aussi d’avoir un petit cousin ou une petite cousine…

- Penses-tu que cela soit envisageable…

- Oui et j’ai bien l’intention de m’entrainer dès maintenant, ajouta Luke en riant

et en l’enlaçant plus étroitement.

Marcy se mit à rire avec lui et ils roulèrent enlacés dans l’immense lit.