la santé pour tous : plus que jamais un enjeu territorial atelier « précarité et difficultés...
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La santé pour tous : plus que jamais un enjeu territorial
Atelier « Précarité et difficultés d’accès à la santé des étrangers »
« L’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière précarisé »
Nancy 25-26 juin 2007
Christel [email protected]
Maître de conférences en droit public
Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (Iris)Unité mixte de recherche CNRS-Inserm-EHESS-Université Paris 13
• Populations exilées vulnérables – Motifs d’exil (tortures, traumatismes, conflits armés, etc.)
– Conditions difficiles de migration (famine, pauvreté, etc.)
• Étrangers particulièrement exposés (études COMEDE)– Affections graves (psycho-traumatismes, maladies
infectieuses et chroniques)
– Sous dépistés
– Attente des manifestations cliniques pour consulter
Contexte
Accès aux soins des étrangers dans le pays d’accueil est un enjeu crucial de politique de
santé publique
Le droit à la santé des étrangers est-il à la hauteur de cet enjeu ?
- Influence “ larvée ” des contrôles migratoires dans
l’accès aux soins des étrangers
- Réformes justifiées par la rationalisation des flux
migratoires et la lutte contre l’immigration clandestine
- « Fantasme » de l’appel d’air et des détournements des
procédures d’accès aux soins gratuits - Économies budgétaires de santé publique
1) De l’universalité des droits sociaux aux restrictions apportées par les politiques
migratoires
2) La lente dégradation de l’accès à l’aide médicale d’État pour les étrangers en situation
irrégulière
3) Un accès aux soins limité, partiellement condamné par les juges
De l’universalisme des droits sociaux...
• L’accès aux soins fait partie des droits sociaux – Droits dits « de la 2ème génération » (après la 2GM)
– Loi 1945 sur la sécurité sociale et Décret 1953 portant reforme de l’assistance : intègrent les étrangers
• L’accès aux soins est un droit fondamental qui découle du droit à la santé– Constitution 1958 (alinéa 11 du Préambule de Constitution 46)
– Principes universalistes d’après guerre
– Multiples engagements internationaux
...à la remise en cause de l’égal accès aux soins de tous les étrangers
Lecture systémique des textes : égalité des droits sociaux
Pourtant:
• La loi 1993 « Pasqua » : généralise la condition de régularité de séjour pour l’octroi de certains droits sociaux
• Loi 1999 CMU : confirme la différence de traitement entre les étrangers en situation régulière et irrégulière en matière d’accès aux soins
Tendance générale en Europe
Étude de législation comparée du Sénat
mars 2006
L'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière dans les pays membres
• Angleterre : Depuis 2004, les soins hospitaliers gratuits sont réservés aux résidents « habituels »
• Danemark & Pays Bas : Le dispositif d’accès aux soins est exceptionnel pour les étrangers en situation irrégulière
• Allemagne: Loi 2004 : une obligation de signalement de la présence d’étrangers en situation irrégulière & politique de santé publique
2) La lente dégradation de l’accès à l’aide médicale d’État (AME) pour les
étrangers en situation irrégulière
Successives réformes de l’AME
Précarité de l’accès à l’AME
Triple niveau d’accès aux soins
Loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU
Création de la CMU Modification de l’Aide médicale d’État (AME)
(art. L. 251-1 du Code de l'action sociale)
Exclus de la CMU
Étrangers qui n’obtiennent pas leurs titres de séjour : Basculent vers l’AME car il ne peuvent plus montrer la régularité du séjour
Bénéficiaires de la CMU
Les étrangers qui prouvent :
La résidence régulière (titre de séjour)+
La résidence stable depuis plus de 3 mois
Les bénéficiaires de l’AME
Les étrangers en situation irrégulière :
•Résidence habituelle en France depuis plus de 3 mois de manière ininterrompue
•Les étrangers ne remplissant pas les conditions ci-dessus mais qui nécessitant des soins urgents dispensés par les établissements de santé :
-dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou
-pourrait conduire à une altération grave et durable de la santé de la personne, d’un enfant à naître
Les Exclus de l’AME
Les étrangers en situation irrégulière :
qui n’ont pas rempli la condition de résidence de 3 mois ininterrompuequi ne nécessitent pas de soins urgents
Ils ont toutefois accès :
au centre de lutte contre la tuberculose, au centre de dépistage, au centre planning et éducation familiale, au centre de protection
maternelle et infantile, au centre de vaccination pour les enfants, aux permanences d’accès aux soins de certains hôpitaux.
Art. 57 de la loi de finances rectificative pour 2002
Instaure un ticket modérateur à la charge du bénéficiaire de l’AME
Supprime l’accès « privilégié » à la CMU des enfants mineurs isolés ou à la charge de ressortissants étrangers en situation irrégulière
Successives réformes de l’AME
Art. 97 de la loi de finances rectificative pour 2003
Condition de résidence ininterrompue d'au moins trois mois en France (Nouvelle condition d’ancienneté de la résidence)
Suppression de l’admission immédiate ou accélérée des étrangers en situation irrégulière qui ont rapidement besoin de soins alors qu’ils n’ont pas déposé leur demande d’AME
Remplacement par un dispositif de prise en charge des seuls soins urgents
Deux décrets d’application du 28 juillet 2005
Mettent fin au système déclaratif de la preuve de la résidence sur le territoire:
-Les étrangers devant désormais produire un ensemble de pièces justifiant leur présence ininterrompue
-Difficulté pour certains étrangers de prouver leur présence
Le bénéfice de l'AME :
• N'est pas automatique
• Attribué pour une période d'un an
• Peut être reconduit chaque année sur demande.
Précarité de l’accès à l’AME
Triple niveau d’accès aux soins pour 3 « catégories » d’étrangers
Étrangers irréguliers ne prouvant pas de
résidence ininterrompue de plus
de 3 mois
= Accès aux seuls soins urgents et
vitaux
Étrangers irréguliers prouvant leur
résidence ininterrompue de
plus de 3 mois
= AME
Étrangers réguliers =
CMU
3) Un accès aux soins limité, partiellement condamné par les juges
•Juge constitutionnel
•Justice européenne
•Juge administratif
Juge constitutionnel
• Réforme approuvée dans son ensemble par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel
• Loi de finances rectificative de 2003 jugée constitutionnelle
Justice européenne2003
• Saisine du Comité européen des droits sociaux (CEDS) par la FIDH
• Conteste la réforme des lois rectificatives de 2002 et 2003
• Porte atteinte à la Charte sociale Européenne (CSE) (art. 13 et 17)
2004-2005
• Le CEDS montre la violation art. 17 CSE (art. inspiré de la Convention internationale relative au droit des enfants (CIDE))
• Dispositif de l’AME porte atteinte aux droits des enfants
• Les enfants étrangers ne bénéficiant que des seuls soins urgents = contraire à la CSE
• Impact politique fort et influence juridique
Juge administratif
Conseil d’État 7 juin 2006:• Estime que le dispositif CMU-AME mettait en place une différence
de traitement fondée entre les étrangers en situation régulière et irrégulière
• Valide et cautionne la différence de traitement dans l’accès aux soins entre les étrangers réguliers et irréguliers
• La logique d’universalité des droits sociaux est neutralisée avec la condition de régularité de séjour.
Mais
Estime que le nouveau dispositif de l’AME à l’égard des enfants étrangers est incompatible avec les
exigences posées par l’article 3 de la CIDE “ l’intérêt supérieur de l’enfant ”
Impact de cette décision du CE
• Dialogue des « juges » administratif et européen
– Le CE fait écho à la constatation du CEDS
– Conflit entre la jurisprudence constitutionnelle et administrative
• Consécration d’un droit d’accès aux soins aux mineurs étrangers indépendamment de la régularité de leur situation ou de celle des personnes qui en ont la charge.
– Retour au point de départ pour les mineurs étrangers et l’AME
– Obligation de réécrire la loi pour les mineurs étrangers !!
Triple niveau d’accès aux soins pour 3 catégories d’étrangers
Étrangers irréguliers ne prouvant pas de
résidence ininterrompue de plus
de 3 mois
= Accès aux seuls soins urgents et
vitaux
Étrangers irréguliers prouvant leur
résidence ininterrompue de
plus de 3 mois
= AME
Étrangers réguliers =
CMU
Cas particuliers des mineurs dont les ayant-droits ne peuvent pas prouver 3 mois de résidenceAttente d’un nouveau régime
• 192 000 bénéficiaires AME en 2006 malgré les divers durcissements.
• Depuis 2002, crédits budgétaires ont été de 220 millions d’€/ an en moyenne pour une dépense de 326 millions d’€
• Dette cumulée de l’État envers l’assurance maladie d’1 milliard d’€, car sous-budgétisé par les gouvernements successifs !
• Rapport IGAS sur l’AME mai 2007 • Dépenses santé par bénéficiaire étrangers sont proches de la moyenne
générale malgré la sur-représentation de certaines maladies (VIH, hépatite C)
• Les dépenses correspondent à de véritables soins avec des risques de fraude limités
• Dépenses AME parfaitement justifiées en termes de santé publique.
• Plus de 40% des praticiens consultés refusent de soigner les bénéficiaires de l’AME … (pratiques dénoncées par la HALDE)