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La Lettre du Pneumologue Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 23 MISE AU POINT La ventilation non invasive en postopératoire Noninvasive ventilation in the postoperative period G. Bouvier*, A. Kouatchet*, S. Jaffré**, A. Magnan** * Département de réanimation mé- dicale et médecine hyperbare, CHU d’Angers. ** Service de pneumologie, unité de soins intensifs de pneumologie, Institut du thorax, CHU de Nantes. L’ insuffisance respiratoire aiguë (IRA) grave requiert l’utilisation de dispositifs agressifs de ventilation mécanique afin de limiter le travail respiratoire et d’améliorer les échanges gazeux. La ventilation non inva- sive (VNI) présente l’avantage d’épargner une intubation endotrachéale. Elle est actuellement recommandée dans : les insuffisances respiratoires hypoxémiques des patients immunodéprimés ; les œdèmes aigus pulmonaires (OAP) cardiogéniques ; les insuffisances respiratoires hypercapniques des patients insuffisants respiratoires chroniques ; en cas de limitations des thérapeutiques invasives, mais aussi en postextubation chez les patients à risque de réintubation (1) [tableau I, p. 24]. Dans la période postopératoire, l’anesthésie générale (AG), l’acte chirurgical en lui-même et l’analgésie qui lui fait suite peuvent favoriser la survenue d’une IRA pouvant conduire à une réintubation. Essentiellement représentées par les atélectasies, les pneumopathies infectieuses, les dysfonctions diaphragmatiques et les décompensations de troubles ventilatoires chroniques, les complications pulmonaires postopératoires (CPP) augmentent la durée de séjour à l’hôpital, la morbidité et la mortalité liées à la chirurgie. Dans le but de prévenir les CPP et de limiter leurs conséquences, la VNI est actuellement proposée en postopératoire dans 2 indications distinctes : la VNI “prophylactique”, pour prévenir la survenue d’une IRA après l’extubation, et la VNI “curative”. L’objet de cet article est de présenter les arguments justi- fiant l’utilisation de la VNI en postopératoire, puis de présenter les différentes populations de patients chez qui une VNI “prophylactique” ou “curative” apparaît bénéfique. Arguments pour proposer la VNI dans la période postopératoire Conséquences postopératoires sur la ventilation d’une anesthésie générale et de la chirurgie L’acte chirurgical, l’AG, la douleur et les traitements analgésiques qui en découlent exposent à des modi- fications de la ventilation, sources de CPP. Les prin- cipaux facteurs de risque actuellement reconnus de CPP sont : l’âge, les antécédents de bronchopneumo- pathie chronique obstructive (BPCO), le tabagisme actif, la dénutrition, l’hypertension artérielle pulmo- naire et l’obésité. Les facteurs liés à la chirurgie sont : le type d’AG, le caractère urgent de la chirurgie, la durée de l’acte chirurgical et le type de chirurgie (2). Une des principales CPP est la survenue d’atélectasies. Au cours d’une AG, celles-ci apparaissent chez 90 % des patients. Suivant le type de chirurgie, plus de 50 % du parenchyme pulmonaire peut être le siège d’un collapsus qui peut perdurer plusieurs heures après la chirurgie (2, 3). En effet, 3 facteurs principaux stabi- lisent le parenchyme pulmonaire et luttent contre le collapsus : le surfactant, les fibres d’élastine et de collagène du parenchyme pulmonaire et la pression transpulmonaire (définie par la différence entre la pression alvéolaire et la pression pleurale). Or, ces facteurs sont altérés lors d’une AG (2). Une perte des volumes pulmonaires, authentifiée par une dimi- nution de la capacité résiduelle fonctionnelle, est expliquée par la résorption gazeuse liée à l’utilisation de hautes concentrations en oxygène durant l’induc- tion et le maintien de l’anesthésie, par les produits

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La Lettre du Pneumologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 23

MISE AU POINT

La ventilation non invasive en postopératoireNoninvasive ventilation in the postoperative period

G. Bouvier*, A. Kouatchet*, S. Jaffré**, A. Magnan**

* Département de réanimation mé-dicale et médecine hyperbare, CHU d’Angers.

** Service de pneumologie, unité de soins intensifs de pneumologie, Institut du thorax, CHU de Nantes.

L’ insuffisance respiratoire aiguë (IRA) grave requiert l’utilisation de dispositifs agressifs de ventilation mécanique afin

de limiter le travail respiratoire et d’améliorer les échanges gazeux. La ventilation non inva-sive (VNI) présente l’avantage d’épargner une intubation endotrachéale. Elle est actuellement recommandée dans : les insuffisances respiratoires hypoxémiques des patients immunodéprimés ; les œdèmes aigus pulmonaires (OAP) cardiogéniques ; les insuffisances respiratoires hypercapniques des patients insuffisants respiratoires chroniques ; en cas de limitations des thérapeutiques invasives, mais aussi en postextubation chez les patients à risque de réintubation (1) [tableau I, p. 24]. Dans la période postopératoire, l’anesthésie générale (AG), l’acte chirurgical en lui-même et l’analgésie qui lui fait suite peuvent favoriser la survenue d’une IRA pouvant conduire à une réintubation. Essentiellement représentées par les atélectasies, les pneumopathies infectieuses, les dysfonctions diaphragmatiques et les décompensations de troubles ventilatoires chroniques, les complications pulmonaires postopératoires (CPP) augmentent la durée de séjour à l’hôpital, la morbidité et la mortalité liées à la chirurgie. Dans le but de prévenir les CPP et de limiter leurs conséquences, la VNI est actuellement proposée en postopératoire dans 2 indications distinctes : la VNI “prophylactique”, pour prévenir la survenue d’une IRA après l’extubation, et la VNI “curative”. L’objet de cet article est de présenter les arguments justi-fiant l’utilisation de la VNI en postopératoire, puis de présenter les différentes populations de patients chez qui une VNI “prophylactique” ou “curative” apparaît bénéfique.

Arguments pour proposer la VNI dans la période postopératoire

Conséquences postopératoires sur la ventilation d’une anesthésie générale et de la chirurgie

L’acte chirurgical, l’AG, la douleur et les traitements analgésiques qui en découlent exposent à des modi-fications de la ventilation, sources de CPP. Les prin-cipaux facteurs de risque actuellement reconnus de CPP sont : l’âge, les antécédents de bronchopneumo-pathie chronique obstructive (BPCO), le tabagisme actif, la dénutrition, l’hypertension artérielle pulmo-naire et l’obésité. Les facteurs liés à la chirurgie sont : le type d’AG, le caractère urgent de la chirurgie, la durée de l’acte chirurgical et le type de chirurgie (2). Une des principales CPP est la survenue d’atélectasies. Au cours d’une AG, celles-ci apparaissent chez 90 % des patients. Suivant le type de chirurgie, plus de 50 % du parenchyme pulmonaire peut être le siège d’un collapsus qui peut perdurer plusieurs heures après la chirurgie (2, 3). En effet, 3 facteurs principaux stabi-lisent le parenchyme pulmonaire et luttent contre le collapsus : le surfactant, les fibres d’élastine et de collagène du parenchyme pulmonaire et la pression transpulmonaire (définie par la différence entre la pression alvéolaire et la pression pleurale). Or, ces facteurs sont altérés lors d’une AG (2). Une perte des volumes pulmonaires, authentifiée par une dimi-nution de la capacité résiduelle fonctionnelle, est expliquée par la résorption gazeuse liée à l’utilisation de hautes concentrations en oxygène durant l’induc-tion et le maintien de l’anesthésie, par les produits

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24 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014

Points forts » La chirurgie et l’anesthésie générale peuvent être à l’origine de complications pulmonaires respon-

sables d’une détresse respiratoire aiguë en postopératoire. La ventilation non invasive (VNI) fait partie des techniques disponibles permettant de diminuer le travail respiratoire et d’améliorer les échanges gazeux. En postopératoire, elle permet de prévenir les détresses respiratoires aiguës (“VNI prophylactique”) ou de les traiter lorsqu’elles surviennent (“VNI curative”).

» Une insuffisance respiratoire aiguë en postopératoire peut être le symptôme d’une complication chirurgicale. » La VNI appliquée après certaines chirurgies ou sur des terrains fragiles améliorerait les échanges

gazeux, pourrait prévenir les détresses respiratoires aiguës après une extubation et éviter d’éventuelles réintubations. Un échec de la VNI ne doit pas retarder une éventuelle réintubation.

Mots-clésDétresse respiratoire aiguëVentilation non invasivePériode postopératoireComplications pulmonairesAtélectasies

Highlights » In the postoperative period,

surgery and anaesthesia can be associated with pulmo-nary complications leading to respiratory failure. The use of non-invasive ventilation (NIV) may be considered in order to prevent the risk of respiratory complications by reducing the work of breathing and improving gas exchange. Two main types of NIV are used in the postoperative period: “prophylactic” to prevent acute respiratory failure or “curative” to treat ARF avoiding intuba-tion.

» Acute respiratory failure can be the symptom of surgical complication.

» NIV could be an important tool to improve gas exchange in the postoperative period, could prevent acute respira-tory distress, and could prevent reintubation. If NIV fails, reintu-bation should not be delayed.

KeywordsAcute respiratory failure

Non-invasive ventilation

Postoperative period

Pulmonary complications

Atelectasis

anesthésiques, dont les curares, qui entraînent un relâchement musculaire avec compression du tissu pulmonaire, par la fermeture intermittente des voies aériennes lors de la ventilation invasive qui majore le collapsus pulmonaire et par une altération du surfactant (2-4). Les atélectasies après intubation sont d’autant plus fréquentes que l’encombrement bronchique est important (5). La survenue d’atélec-tasies postopératoires expose à des pneumopathies infectieuses. De plus, elles sont responsables d’une diminution de la compliance pulmonaire et d’une modification des rapports ventilation/perfusion (5, 6). L’altération des paramètres ventilatoires secondaires est marquée par une diminution du volume courant et une augmentation de la fréquence respiratoire. Ainsi, les atélectasies peuvent conduire à une dégradation des échanges gazeux marquée par l’apparition d’une hypoxémie et d’une hypercapnie (6). Indépendamment du risque anesthésique, le type de chirurgie influe sur la fréquence et le type des CPP. Probablement sous-estimées dans des études essen-tiellement rétrospectives où ne sont incluses que les paralysies diaphragmatiques documentées, l’incidence des lésions des nerfs phréniques est estimée entre

1 et 60 % après une chirurgie cardiaque et entre 3 et 30 % après une transplantation pulmonaire. La dégradation de la fonction diaphragmatique qui en découle aboutit à une altération de la mécanique respiratoire marquée par un syndrome restrictif et à des difficultés de sevrage de la ventilation invasive. De plus, la baisse du tonus musculaire, en provoquant le déplacement du diaphragme en position céphalique lors d’une AG, conduit à une altération fonctionnelle. La douleur en postopératoire provoque une augmen-tation du tonus des muscles abdominaux qui majore la dysfonction diaphragmatique. Elle entraîne égale-ment une réduction des volumes pulmonaires et de la compliance thoracique par inhibition de la toux. De plus, l’utilisation fréquente de la morphine, étant donné l’intensité des douleurs postopératoires, peut être responsable d’un certain degré d’hypoventilation alvéolaire (6). Enfin, les autres principales CPP incluent le bronchos-pasme, les atteints pleurales (pneumothorax, hémo-thorax, fistule bronchopleurale), les média stinites et les complications thromboemboliques, et peuvent toutes être à l’origine d’une dégradation de la mécanique respiratoire ou de la qualité d’échangeur des poumons.

Tableau I. Différentes indications de la ventilation non invasive, d’après la conférence de consensus commune de la Société de réanimation de langue française (SRLF), de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) et de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) sur la ventilation non invasive au cours de l’insuffisance respiratoire aiguë (nouveau-né exclu) de 2006 (1).

Intérêt certainIl faut faire...

Décompensation de bronchopathie chronique obstructiveOAP cardiogénique

Intérêt non établi de façon certaineIl faut probablement faire...

IRA hypoxémique de l’immunodépriméAprès une chirurgie thoracique et abdominaleStratégie de sevrage de la ventilation invasive chez les patients atteints de BPCOPrévention d’une IRA postextubationTraumatisme thoracique fermé isoléDécompensation de maladies neuromusculaires chroniques et autres insuffisances respiratoires chroniques restrictivesMucoviscidose décompenséeForme apnéisante de la bronchiolite aiguëLaryngo-trachéo-malacie

Aucun avantage démontréIl ne faut probablement pas faire...

Pneumopathie hypoxémianteSyndrome de détresse respiratoire aiguëTraitement de l’IRA postextubationMaladies neuromusculaires aiguës réversibles

Situations sans cotation possible Asthme aigu graveSyndrome d’obésité-hypoventilationBronchiolite aiguë du nourrisson (hors forme apnéisante)

OAP : œdème aigu pulmonaire ; IRA : insuffisance respiratoire aiguë ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive.

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La Lettre du Pneumologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 25

MISE AU POINT

Pourquoi proposer la VNI en postopératoire ?

Au cours de la ventilation invasive pour IRA, la prothèse endotrachéale expose à de nombreuses complications, en particulier aux pneumonies noso-comiales, dont la morbidité et la mortalité restent élevées (7). Dans ce contexte, la VNI est actuellement recommandée dans la prise en charge des décompen-sations de BPCO et d’une insuffisance respiratoire restrictive, des OAP cardiogéniques, des IRA hypoxé-miques des patients immunodéprimés, et en cas de sevrage de la ventilation invasive difficile dans des populations sélectionnées (BPCO, insuffisants respi-ratoires chroniques, patients obèses) [1, 7]. De plus, des études physiologiques ont montré que la VNI permettait une amélioration du travail respiratoire, des échanges gazeux en augmentant la ventilation alvéolaire et des scores de dyspnée, principalement chez les patients atteints de BPCO (7, 8). Ainsi, l’appli-cation de la VNI pourrait permettre de pallier les différents désordres physiopathologiques d’échec potentiel d’extubation et d’IRA en postopératoire.

Principales études cliniques sur la VNI en postopératoire : indication “prophylactique” et indication “curative”

De nombreuses travaux confirment l’intérêt actuel de la VNI en postopératoire, dans des populations de patients ciblées (chirurgie d’exérèse pulmonaire, chirurgie cardiaque, thoracoabdominale ou baria-trique, après transplantation d’organes solides), en termes d’amélioration des échanges gazeux (amélioration de l’oxygénation et diminution de l’hypercapnie) et de lutte contre la réduction des volumes pulmonaires. Certaines études retrouvent une diminution du taux de réintubation. Une revue récente des essais contrôlés randomisés évaluant l’efficacité de la VNI en postopératoire a relevé 29 articles représentant 2 279 patients dans différents types de chirurgie (9) [tableau II]. Dans ces études, la VNI a été proposée dans 2 stratégies distinctes. La première est dite “prophylactique” et a pour but de prévenir une éventuelle détresse respiratoire après l’extubation chez des patients à risque. La seconde est dite “curative” et a pour but de traiter une détresse respiratoire aiguë survenant après l’extubation et d’éviter une réintubation. Dans cette revue de la littérature, la VNI “prophylactique”

a permis d’améliorer la gazométrie artérielle dans 15 études sur 22, et la VNI “curative”, dans 4 études sur 7. L’utilisation de la VNI dans les 2 indications a permis de réduire le taux de réintubation dans 11 études sur 29 (9). Il est à noter que la VNI “prophylactique” corres-pond, dans 18 études sur 22, à une ventilation à un niveau de pression (pression positive continue [PPC], ou Continue Positive Airway Pressure en anglais [CPAP]). Dans l’indication “curative”, il s’agit d’une ventilation à 2 niveaux de pression (ventilation en aide inspiratoire) dans 5 études sur 7 (9) [tableau II].Parmi les travaux présentés dans l’indication “prophy-lactique”, dans un essai prospectif randomisé récent, incluant 468 patients après une chirurgie cardiaque, et comparant un traitement médical standard après

Tableau II. Principaux essais contrôlés comparant l’utilisation de la VNI en postopératoire à un traitement standard (oxygénothérapie seule ou associée à une kinésithérapie respiratoire) [9].

Type de chirurgie

Indication de la VNI

Type de VNI

Nombre d’études (nombre de patients dans chaque étude)

Résultats dans le groupe VNI (nombre d’études positives)

Thora-cique

Exérèse pulmo-naire

C AI 1 (48)Amélioration des gaz du sangDiminution du taux d’intubationDiminution de la mortalité

P AI 2 (19 et 39)Amélioration des gaz du sang (2 études)Amélioration de la spirométrie (1 étude)

Chirurgie cardiaque

P PPC6 (38, 30, 58, 468, 28 et 96)

Pas de différence significative (2 études)Amélioration des gaz du sang (4 études) Diminution du taux d’intubation (1 étude)Amélioration de la spirométrie (1 étude)

Chirurgie thoraco-abdomi-nale

C AI 1 (243) Diminution du taux d’intubation

P PPC 2 (70 et 56)Amélioration des gaz du sang (2 études)Diminution du taux d’intubation (2 études)Diminution des atélectasies (1 étude)

Chirurgie abdomi-nale

P PPC8 (65, 30, 204, 24, 58, 34, 50 et 209)

Diminution des atélectasies (2 études)Amélioration de la spirométrie (3 études)Amélioration des gaz du sang (4 études)Diminution du taux d’intubation (2 études)

Chirurgie baria-trique

P

AI 2 (27 et 33)Amélioration de la spirométrie (2 études)Amélioration des gaz du sang (2 études)

PPC 2 (19 et 40)Amélioration de la spirométrie (1 étude)Amélioration des gaz du sang (1 étude)

Trans-plantation d’organe solide

C AI 1 (40)Amélioration des gaz du sangDiminution du taux d’intubation

Trans-plantation pulmo-naire

C AI 1 (21)Amélioration des gaz du sangDiminution du taux d’intubation

C : curative ; P : prophylactique ; AI : VNI en aide inspiratoire ; PPC : pression positive continue.

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La ventilation non invasive en postopératoireMISE AU POINT

l’extubation (qui comprenait 10 minutes de venti-lation à PPC toutes les 4 heures) et une VNI systé-matique de façon préventive (ventilation à PPC d’au moins 6 heures par jour), Zarbock et al. ont montré une amélioration de l’oxygénation, une réduction de l’incidence des complications pulmonaires incluant les pneumonies, une réduction des réintubations et une diminution des réadmissions en réanimation avec la VNI (10). De même, elle a montré son efficacité chez des patients obèses en améliorant les échanges gazeux après une gastroplastie (9). En chirurgie thora-cique, Perrin et al. ont démontré que l’utilisation de la VNI comme aide inspiratoire en pré- et postchirurgie de résection pulmonaire (mise en place 7 jours avant la chirurgie et poursuivie au minimum 3 jours après) améliore la gazométrie artérielle et la spirométrie en postopératoire (11). Ces résultats sont confirmés par Aguilo et al., qui retrouvent, après chirurgie pulmo-naire, une amélioration de l’oxygénation sous VNI, l’amélioration se poursuivant 1 heure après l’arrêt de celle-ci (12). Cette indication prophylactique de la VNI après chirurgie pulmonaire reste néanmoins actuellement débattue. En effet, 2 études prospec-tives randomisées récentes ne confirment pas ces résultats et ne retrouvent pas de différence en termes de CPP entre les 2 groupes (13, 14). La première de ces études, réalisée par Liao et al., concerne 50 patients sans autre critère d’inclusion que la chirurgie pulmo-naire (13) ; la seconde, réalisée par Lorut et al., a inclus 360 patients atteints de BPCO (14). Une des hypo-thèses pouvant expliquer la différence de résultats entre cette dernière et l’étude de Perrin et al. (11) est que l’étude de Lorut et al. a inclus des patients porteurs d’une BPCO moins sévère (VEMS à 54 et 62 %, respectivement). L’indication de VNI “prophy-lactique” après résection pulmonaire nécessite donc d’autres travaux afin de sélectionner les populations de patients qui pourraient en bénéficier.Dans l’indication “curative” de traitement d’une IRA postopératoire, Auriant et al. ont montré une réduction de la mortalité et du taux de réintuba-tion sous VNI en aide inspiratoire par rapport au traitement médical standard, après une chirurgie pulmonaire lourde (lobectomie et pneumectomie) [15]. Ces résultats sont confirmés par une autre étude, observationnelle, portant sur 21 patients ayant développé une IRA après transplantation pulmonaire, qui établit que l’utilisation de la VNI a permis de prévenir l’intubation chez 18 patients (16). Dans cette série, l’évolution favorable sur le plan respiratoire a permis à 90 % des patients de sortir de réanimation. Ces 2 études soutiennent l’hypothèse selon laquelle la VNI pourrait permettre de pallier

la dysfonction diaphragmatique après une chirurgie thoracique, car elles concernent des patients chez qui cette complication est fréquente.

Faut-il utiliser la VNI systématiquement en cas d’IRA postopératoire ?En cas d’IRA postopératoire, la première cause à rechercher est une complication chirurgicale, poten-tiellement grave, et qui peut nécessiter une reprise chirurgicale rapide. Dans ce cas, la mise en place d’une VNI est contre-indiquée, et une réintubation doit être effectuée si le patient doit être réopéré. Lorsque la complication chirurgicale est éliminée, la VNI a démontré son intérêt dans le traitement d’une IRA postopératoire dans des populations sélectionnées de patients (principalement après une exérèse pulmo-naire et après la transplantation d’organes solides) [9]. Son utilisation systématique en cas d’IRA postopé-ratoire, dans des populations plus hétérogènes de patients, reste actuellement controversée. On peut rapprocher cette question de celle de l’utilisation cura-tive de la VNI au cours de l’IRA survenant après une extubation programmée en réanimation. Deux études ont été menées dans cette circonstance dans des populations non sélectionnées de patients de réanima-tion et ont des résultats différents. Après un premier essai randomisé monocentrique qui n’a montré aucun bénéfice de la VNI par rapport au traitement médical standard sur l’incidence des réintubations (17), une deuxième étude, multicentrique, incluant 221 patients en réanimation médico chirurgicale, a retrouvé une augmentation de la mortalité dans le groupe VNI (18). La principale explication donnée est que la mise en place systématique d’une VNI en cas d’IRA post-extubation, dans une population de patients non sélec-tionnés, peut augmenter le délai entre la survenue de la détresse respiratoire aiguë et la ré intubation alors que celle-ci s’avère nécessaire. Cette étude incite donc à la prudence dans l’application de la VNI dans la stratégie curative.

Conclusion

En conclusion, l’anesthésie générale et l’acte chirur-gical peuvent être responsables de complications pulmonaires et d’une altération à la fois de la méca-nique respiratoire et de la fonction d’échangeur des poumons, pouvant mener à une détresse respiratoire dans la période postopératoire.

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N° 1 Janvier-février 2014

MISE AU POINT

Traitement prolongé par les macrolides

dans les bronchopathies chroniques

par J. Frija-Masson et P.R. Burgel

L’acceptation de la maladie

par A. Grimaldi

TRIBUNE

Stratégie de maintenance

dans les CBNPC avancés :

un nouveau standard

en 1re ligne ?

ONCO-PNEUMOLOGIE

ÉDITORIAL Au sujet des macrolidesH. Corvold

MISES AU POINT Place des macrolides dans les bronchectasies non mucoviscidosiquesM. Murris-Espin

Rémission dans l’asthme : un mythe ou une réalité ? A. Bourdin

Hémorragies alvéolaires diffuses : diagnostic et causesJ. Traclet, V. Cottin

Repérage des micronodules avant chirurgie thoraciqueS. Bommart, H. Kovacsik, A. Micheau, A. Bourdin

ONCO-PNEUMOLOGIE Oncologie orpheline thoraciqueN. Girard

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Au sommaire du prochain numéroà paraître en avril 2014

MISE AU POINT

1. Robert R, Bengler C, Beuret P et al. Ventilation non invasive au cours de l’insuffisance respiratoire aiguë (nouveau-né exclu). Conférence de consensus commune SFAR, SPLF, SRLF 2006:13-20.2. Duggan M, Kavanagh BP. Perioperative modifications of respiratory function. Best Pract Res Clin Anaesthesiol 2010;24(2):145-55.3. Hedenstierna G, Edmark L. Mechanisms of atelectasis in the perioperative period. Best Pract Res Clin Anaesthesiol 2010;24(2):157-69.4. Tusman G, Böhm SH. Prevention and reversal of lung collapse during the intra-operative period. Best Pract Res Clin Anaesthesiol 2010;24(2):183-97.5. Duggan M, Kavanagh BP. Pulmonary atelectasis: A pathogenic perioperative entity. Anesthesiology 2005;102:838-54.6. Jaber S, Michelet P, Chanques G. Role of non-invasive ventilation (NIV) in the perioperative period. Best Pract Res Clin Anaesthesiol 2010;24:253-65.7. Girault C, Lamia B, Beduneau G, Auriant I. La ventila-tion non-invasive au décours de l’intubation. Réanimation 2005;14:94-103.

8. Meduri GU, Abou-Shala N, Fox RC, Jones CB, Leeper KV, Wunderink RG. Noninvasive face mask mechanical ventila-tion in patients with acute hypercapnic respiratory failure. Chest 1991;100(2):445-54.9. Chiumello D, Chevallard G, Gregoretti C. Non-invasive ventilation in postoperative patients: A systematic review. Intensive Care Med 2011;37:918-29.10. Zarbock A, Mueller E, Netzer S, Gabriel A, Feindt P, Kindgen-Milles D. Prophylactic nasal continuous positive airway pressure following cardiac surgery protects from postoperative pulmonary complications: A prospec-tive, randomized, controlled trial in 500 patients. Chest 2009;135:1252-9.11. Perrin C, Jullien V, Venissac N et al. Prophylactic use of noninvasive ventilation in patients undergoing lung resec-tional surgery. Respir Med 2007;101:1572-8.12. Aguilo R, Togores B, Pons S, Rubi M, Barbe F, Agusti AG. Noninvasive ventilatory support after lung resectional surgery. Chest 1997;112:117-21.13. Liao G, Chen R, He J. Prophylactic use of noninvasive positive pressure ventilation in post-thoracic surgery

patients: A prospective randomized control study. J Thorac Dis 2010;2(4):205-9. 14. Lorut C, Lefebvre A, Planquette B et al. Early post-operative prophylactic noninvasive ventilation after major lung resection in COPD patients: a randomized controlled trial. Intensive Care Med 2013 Nov 29. [Epub ahead of print] 15. Auriant I, Jallot A, Herve P et al. Noninvasive ventilation reduces mortality in acute respiratory failure following lung resection. Am J Respir Crit Care Med 2001;164:1231-5.16. Rocco M, Conti G, Antonelli M et al. Non-invasive pres-sure support ventilation in patients with acute respiratory failure after bilateral lung transplantation. Intensive Care Med 2001;27:1622-6.17. Keenan SP, Powers C, McCormack DG, Block G. Nonin-vasive positive-pressure ventilation for postextubation respiratory distress: A randomized controlled trial. JAMA 2002;287:3238-44.18. Esteban A, Frutos-Vivar F, Ferguson ND et al. Noninvasive positive-pressure ventilation for respiratory failure after extubation. N Engl J Med 2004;350:2452-60.

Références bibliographiques

Même si les données actuelles de la littérature sont limitées et doivent être renforcées par d’autres essais contrôlés randomisés, la VNI appliquée en postopératoire semble améliorer les échanges gazeux. Bien que le bénéfice sur le devenir des patients d’une stratégie “prophylactique” de VNI en postopératoire semble être actuellement démontré, dans des population sélectionnées de

patients (insuffisants respiratoires chroniques, obèses, en postopératoire de chirurgie cardiaque, de transplantation d’organes solides, voire d’exérèse pulmonaire chez certains patients), l’indication “curative” a comme possible écueil de retarder le recours à l’intubation et la recherche d’une compli-cation chirurgicale nécessitant éventuellement une reprise chirurgicale. ■

G. Bouvier déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.