la vie et l'entretien du

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LA VIE ET par B. GUELPA Ingénieur Horticole Ingénieur en Che a la Direction des Parcs et Jardins du Domaine de sceaux Faire prospérer, ou s implement ma intenir de la verdure au cœur des agglomé rations urbaines n'est pas si simple. Dans les centres industriels, le . s arbres qui ne disparaissent pas doivent b ien souvent se contenter d e suivre. Même dans les zones moi ns , polluées, les plante s supportent mal les conditions qui leur sont faites : la longévité de l a plupart d'entre el les est considérablement réduite ; leur croissance est ralenti e ; les maladi es parasita ires sont exa- cerbées ; les accidents physiol ogique s sont plus fréque nts et plus graves. Bien souvent, les mesures de sauvegarde se soldent par des échecs ; paois aussi les plantations nouvelles vé- gètent �. et ne donnent jamais les amples frondai·sons des arbres de pleine nature. Quelles sont do nc les attei ntes dont souffrent les a rbres des villes ? TROP SOUVENT, LES VEGETAUX SONT PLACES DANS UN MILIEU QUI NE LEUR CONVI ENT PAS : Le sol Généraleme nt, la qua ntité de terr e mise à la dissit ion des plantes est nettement i nsuffisante. Il faut savoir que les racine s explorent normale ment un volume seiblement égal à celui de la plante. R1ves de la Seine à Paris . ' hoto R. BECHMANN doc. A & N L'ENTR ETI EN DU E ncor e faut-il que cette terre soit de qualité sati sfais ante. Bien souvent, les arb res ne disposent que de mauvais· ma· tériaux de remblais où la vie est très longue à s'établir. Mais le défaut le plus fréquent est la comp acité du sol. Le passage d e camions et d'engins peu t détruire en quel- ques min utes le l ent travail des micro-organismes et rere la terre inculte pour de longues a nnées. Un sol compact entraî ne souvent une humid ité perma- nent e du sol. 1! n'est pas r are de voir des t rous de planta- tion pleins d'eau dès la premiè re pluie : il est inut ile d'y planter quoi que ce soit, les racines o nt besoin d'une aération, et aucun arbre ne peut prospérer dans s conditions. Dans d'autres cas, au contraire, le sol est beaucoup trop sec : quand l'épaiss eur de terr e est trop faible, sur les terrain s en פnte, imper méabil isés ou dans des endroits exposés au soleil. Ne voit-on s aussi trè s souvent des végétaux dépéri r sous les avancées des t oitures ou des balcons d' immbles ? L'air C'est bien co nnu : l'air des villes co ntien t de fortes quan- ti tés de produits et de particule s toxiques.

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Page 1: LA VIE ET L'ENTRETIEN DU

LA VI E ET

pa r B. GUELPA I ngénieur Horticole

I ngénieur en Chef' a l a Di rection des Parcs

et Jardins d u Domaine de sceaux

Faire prospérer, ou s implement maintenir de la verdure au cœur des agglomérations urbai nes n'est pas si simple. Dans les centres industriels, le.s a rbres qu i ne d ispara issent pas doivent bien souvent se contenter de survivre. Même dans les zones moins ,polluées, les plantes supportent mal les conditions qui leur sont faites : la longévité de la plupart d'entre elles est considérablement réduite ; leur croissance est ralentie ; les maladies parasitaires sont exa­cerbées ; les accidents physiolog iques sont plus fréquents et plus graves.

Bien souvent, les mesures de sauvegarde se soldent par des échecs ; parfois aussi les plantations nouvelles • vé­gètent �. et ne donnent jamais les amples frondai·sons des a rbres de pleine nature. Quelles sont donc les atte i ntes dont souffrent les a rbres des vi l les ? TROP SOUVENT, LES VEGETAUX SONT PLACES DANS UN MIL IEU QUI NE LEUR CONVI ENT PAS :

• Le sol

Généralement, la quantité de terre mise à la disposition des plantes est nettement insuffisante. I l faut savoir que les racines explorent normalement un volume sensiblement égal à celui de la plante.

R 1 v e s de la S e i n e à Pa r i s .'J> hoto R. B EC H M A N N • d o c . A & N

L' ENTRETI EN

D U Encore faut-i l que cette terre soit de qual ité satisfaisante. Bien souvent, les arbres ne disposent que de m auvais· ma· tériaux de rembla is où la vie est très longue à s'établir. Mais le défaut le plus fréquent est la compacité du sol. Le passage de camions et d'engins peut détrui re en quel­ques minutes le lent travai l des micro-organismes et rendre la terre inculte pour de longues années.

Un sol compact entraîne souvent une humidité perma­nente du sol. 1 ! n'est pas rare de voir des trous de planta­tion pleins d'ea u dès la première pluie : i l est inutile d'y planter quoi que ce soit, les racines ont besoin d'une aération, et aucun a rbre ne peut prospérer dans ces conditions.

Dans d'autres cas, au contra i re, le sol est beaucoup trop sec : quand l 'épaisseur de terre est trop fa i ble, sur les terra ins en pente, imperméabi l isés ou dans des endroits exposés au solei l .

Ne voit-on pas aussi très souvent des végétaux dépérir sous les avancées des toitures ou des balcons d ' immeubles ?

• L'air

C'est bien connu : l 'a ir des vi l les contient de fortes quan­tités de produits et de particules toxiques.

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VEG ETAL DANS LA VILLE

Les courants d'air entre les g rands immeubles o u sur les terrasses élevées agissent aussi sur les plantes. Elles se dessèchent à proximité des bouches d'aération et des extracteurs d 'a i r v ic ié ; d 'autres fois , ballottées par le vent, el les ne parviennent jamais à s'enraciner normalement.

• La lumière

la réverbération d1,1 soleil sur les façades, chaussées et trottoi rs de béton ou d'asphalte causent des brûlures sur les feui l lages (marronniers, t i l leuls de Hol lande, . . . ) . Au contraire, il est fréquent de' voir des ,plantes mal choi­s ies s'étioler dans des • patio • sans lumière ou au Nord de hautes façades.

MAIS LES ARBRES SONT AUSSI VICTIMES DE NOM­BREUSES AGRESSIONS :

• Les fu ites souterra ines de gaz :

Depuis l 'a.pparition du gaz naturel, les fuites se sont mul­

t ipl iées : ce gaz, pourtant moins toxique, semble agir sur la structure du sol : i l le rend pulvérulent, provoquant le dessèchement des arbres en période sèche et chaud!! : dans une g rande vi l le de France, 200 arbres ont -péri en quelques jours pendant le moi.s d'août 1 963. Comme le gaz naturel détruit les jo i nts des conduites, i l n'existe d'autre parade que de les rem placer, ce qu i est fait progressive­ment . . . mais souvent trop tard pour les a rbres.

• les désherbants :

Employés pour l 'entretien des trottoi rs sablés, les désher­bants sont dangereux pour les plantes :

- dans certains cas, les projections de produits sur les feui l les ·provoq,uent le dessèchement immédiat des arbres

- d'autre part, l 'accumulat ion de désherbant dans le sol par des traitements répétés entraine la mort d'arbres même très gros.

la S imaz ine est le produit de base , le plus largement uti­l i sé. Certa ines espèces y sont particulièrement sensibles : robin ier, peupl ier, ti l leul , buis, etc. D'autres sont p lus ré­s istantes : thuya, hypericum, rosiers. Des produits nouveaux appara issent chaque année ; ils doivent être uti l i sés avec précaution.

• les produits de déneigement :

Le sel, et autres ·produits de déneigement, occasionnent des dommages importants. Des avenues entières ont a insi été détruites, notamment dans l ' Est de la France où le salage préventif est so.uvent pratiqué. Toutes les plantes habituel­lement uti l i sées sont sensib les aux brû lures du sel. Des recherches ont été faites en Suisse pour acclimater certa ins végétaux du bord de mer.

• Les produ its b i tum i neux :

Les goudrons n'agissent pas directement par leur toxicité, mais i ls imperméabil isent le sol et accentuent les effets de réverbération.

Aménagement et Nature - N• 32 25

• Le gaz et poussières toxiques :

Les poussières se déposent sur les feu i lles duveteuses et asphyxient partiel lement les arbres. Les gaz sulfureux, chlorhydrique et autres provoquent des brûlures parfois graves sur des feuilles. Des études o nt été faites depuis longtemps sur !a toxicité de ce.s gaz pour les hommes ; on comnience à peine à connaître leur effet sur les plantes ; pourtant certa ins végétaux sont si facilement atteints qu' i ls peuvent servir de tests de pollution (Pin strobus aux Etats­Unis) . • Les blessures :

Les pla ies de taille, les blessures accidentelles, celles provoquées aux racines par le ,passage de canalisatiou souterra ines réduisent beaucoup la durée de vie des arbres. Les bois tendres (ti l leul, marronnier, vernis et même érable) présentent, après. des tailles mal soignées,. des pourritures profondes. Les grosses plaies doivent être parées et mas­tiquées. Mais il fàudrait surtout éviter les travaux à proxi­mité des arbres. Dans une rue, i ls doivent avoir leur place ; le passage des conduites dans des galeries techniques résoudrait bien des problèmes.

LES PLANTES PLACEES DANS DE MAUVAISES CONDI­TIONS DE VEGETATION SONT TRES EXPOSEES AUX MALADI ES.

A titre d'exemple, voici q uelques cas de :parasites, particu­l ièrement favorisés 1par le mi l ieu urbain :

Araignées rouges

Elles s'attaquent principalement au tilleul de Hollande, surtout aux expositions ensoleil lées. La plupart de ces arbres jaunissent dès le- début ju il let et perdent leurs feui l les très tôt.

Cochenilles Mûriers et catalpas sont les plus atteints.

Insectes du bois I ls sont nombreux et dangereux : Saperde du peuplier, Cossus du sorbier, Zeuzère, Capricorne . . . Des plantations entières peuvent être détruites par ces parasites. La destruCtion des oiseaux qui les chassaient est certa inement la cause principale de leur dévelop­pement.

Pucerons Ils attaquent surtout les pousses vigoureuses des tail­les sévères, principalement sur les robiniers, aubépines, peupl iers, érables .

Anthracnose du platane Le platane, réputé indestr,uctible, est en voie de dispa­rition dans beaucoup de régions depuis l'apparition de cette maladie qui se complète d'un dé,périssement. Les arbres malades perdent leurs feui l les une première fois vers le mois de juin. Dans les vil les du midi; beaucoup de platanes sont maintenant remplacés par des mico­coul iers.

Page 3: LA VIE ET L'ENTRETIEN DU

- Graphiose de l 'orme

Avec le concours d'un insecte, la galéruque, cette ma­ladie a fait disparaître l 'orme de nos plantations d'ali­gnement vers 1 920/1 930. I l existe cependant dea espèces résistantes (Uimua pumila, Ulmua Bea Schwartz et au­tres) qu' i l conviendrait de réintroduire, l 'orme étant un arbre d'al ignement de grand intérêt.

Oïdium du rosier

Le rosier est particulièrement sensible à cette maladie lorsqu' i l est exposé à la réverbération. C'est le cas dans les îlots directionnels.

Certaines variétés (orange triomphe) sont extrêmement sensibles, d'autres le sont beaucoup moins (Sarabande par exemple). Il convient donc de sélectionner les va­riétés à uti l iser dans ce cas .

L'ENTRETIEN DES PLANTATIONS URBAINES POSE DE

SERIEUX PROBLEMES.

Les i nterventions permettant le développement normal des Yégétaux sont nécessairement fréquentes, et la dispersion actuelle des plantations rend les travaux diffici les et coû­teux.

Des techniques mieux adaptées permettront de rédu i re le coût de l 'entretien, mais ne supprimeront pas certains soins ind ispensables.

I l s'agit donc de ne pas multipl ier à l ' i nfini les espaces verts minuscules, d'accès diffici le ; i l faut &Urtout donner aux plantes les conditions les plus favorables à leur déve­loppement nature l ( = sans i ntervention de l 'homme). Faute de respecter ces impératifs, les cha rges d'entretien de­viendraient rapidement i nsupportables. I l est d'ai l leurs facile de constater ici ou là des plantations fort mal entretenues qui deviennent à la fois inesthétiques et malpropres.

COMMENT ASSURER LA VIE DES VEGETAUX DANS

LA VILLE ?

• Il y a tout d 'abord des mesures conservatoires :

La conservàtion des plantations existantes doit être pour­suivie, et même sérieusement accentuée. Mais elle doit se fa ire de manière plus judicieuse, peut-être moins • senti­

mentale • .

En dehors du cas particulier des spécimens remarquables, la' sauvegarde des sites écologiquement ou esthétiquement intéressants est plus importante que cel le des arbres pour eux-mêmes. La préservation de quelques individus repar­quablea ne doit pas être notre bonne conscience et noua dispenser de planter les grandes forêts nécessaires aux générations futures.

• Une mei l leure conception des espaces verts est égale­

ment nécessaire.

L'urbaniste doit comprendre que l 'espace vert n'est pas un accessoire. Les parcs ont leur intérêt propre ; Les plan­tations • d 'accompagnement • n'ont qu'un rôle secondai re.

Une meilleure architecture éviterait sans doute bien dea plantations mesquines et coûteuses ; un urbanisme plus rationnel réserverait l es vastes zones où les végétaux se développeraient normalement.

Les paysag istes, quand on veut b ien fa i re appel à eux, proposent toujours que l 'on donne aux plantes l 'espace, la, terre, l 'eau et la lumière qui sont indispensab les à leur vie.

• Quant à l ' ut i l isation de maté riaux de remplacement (• gazons . artificie ls ou • arbres • de plastique), elle se­rait absurde, mais le seul fa it de l 'envisager indique que l 'on n'a pas réussi à donner aux plantes leur place véri­table dans le;; vi l les d'aujourd 'hu i .

A ins i , les plantations de nos vil les sont soumises à , dea conditions de vie très diffic i les. La longévité dea arbres est réduite (entre 40 et 60 a ns selon les espèces). Les plus âgés d 'entre eux sont mutilés, ou malades. Leur esthé­t ique en souffre ; mais , dans de tel les conditions, c'est leu r existence même qu i est contestable.

Pourtant, l 'homme et l 'arbre des vi l les sont sol idaires :

I l s échangent leurs resp irations ; leurs poumons et leurs feui l les partagent les poussières ; i ls subissent ensemble les effets néfastes d'une excessive arid ité de l 'air ou de la réverbération. . . Nous devrions être plus conscients de la né-cessité et des avantages de cette cohabitation .

En assurant la vie de• arbres dans la v i l le , c 'est aussi l a nôtre que nous préservons.

B. G U ELPA

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