labyrinthe 12 2002 debaene les surrealistes et le musee d ethnographie

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    Labyrinthe12 (2002)Numro 12

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    Vincent Debaene

    Les surralistes et le musedethnographie................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    AvertissementLe contenu de ce site relve de la lgislation franaise sur la proprit intellectuelle et est la proprit exclusive del'diteur.Les uvres figurant sur ce site peuvent tre consultes et reproduites sur un support papier ou numrique sousrserve qu'elles soient strictement rserves un usage soit personnel, soit scientifique ou pdagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'diteur, le nom de la revue,l'auteur et la rfrence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord pralable de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislationen vigueur en France.

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    Rfrence lectronique

    Vincent Debaene, Les surralistes et le muse dethnographie ,Labyrinthe

    [En ligne], 12 | 2002, Recherche libre(n 12), mis en ligne le 12 avril 2006, consult le 31 aot 2012. URL : http://labyrinthe.revues.org/1209

    diteur : Editions Hermannhttp://labyrinthe.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur :http://labyrinthe.revues.org/1209Document gnr automatiquement le 31 aot 2012. La pagination ne correspond pas la pagination de l'ditionpapier.Proprit intellectuelle

    http://labyrinthe.revues.org/http://labyrinthe.revues.org/1209http://www.revues.org/http://labyrinthe.revues.org/
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    Vincent Debaene

    Les surralistes et le musedethnographie

    Pagination de ldition papier : p. 71-941 Cest autour des annes 1900 que le primitivisme prend naissance en France dans les

    milieux la fois culturels, littraires et artistiques. Les fauves dcouvrent lart ngre en1906 (lvnement souvent prsent comme fondateur est lacquisition par Vlaminck dunmasque Fang du Gabon rapidement vendu Derain), et Picasso date son illumination au muse dEthnographie du Trocadro de 19071. Dans le domaine littraire, on retrouveun intrt semblable pour lart primitif chez Apollinaire ou Cendrars, qui publie une Anthologie ngreen 1921, compilation de folklore des peuplades africaines , avant dcrirelui-mme des pomes ngres . Le milieu des annes 1920 marque cependant un tournantpar rapport cette vogue primitiviste, tournant que lon peut associer deux phnomnesconcomitants : dune part, lmergence du surralisme, dautre part, la constitution delethnologie comme discipline part entire (lethnologie existe certes dj, et dispose deson muse depuis 1878, mais elle est, jusquaux annes 1920, sous la dpendance des tudesprhistoriques)2. Cette tude vise mettre en vidence une proximit historique et thmatiqueentre le surralisme et lethnologie (re)naissante, puis montrer que cette proximit ne rsisterapas aux dynamiques propres de chacun des mouvements. Dans cette perspective, le museapparat comme le lieu de cristallisation de cette tension, et on peut lire la brve histoire du frontcommun des ethnologues et des surralistes comme celle du passage du muse du Trocadroau muse de lHomme3.

    2 Je rappellerai dabord brivement le contexte historique et idologique gnral qui a favorisla rencontre de lethnographie et du surralisme, puis jaborderai le problme particulier dumuse en distinguant le surralisme orthodoxe de Breton et les surralistes dissidents de la

    revue Documents.Concidences et affinits

    3 Mme si lon ne considre que la priode qui a suivi la guerre, il nest pas possible de brosserici un tableau complet du primitivisme ou de lintrt gnral des avant-gardes artistiquespour la chose ngre pendant les annes 1920, car cet intrt recouvre les manifestationsles plus diverses et les plus contradictoires depuis lexotisme le plus strotyp jusquce quApollinaire appelait la mlanomanie 4, en passant par la dcouverte du jazz quiconnut elle-mme plusieurs variantes5. Je me contenterai de la concidence de quelques datesqui signale la conjonction dun intrt renouvel pour les cultures primitives et duneeffervescence culturelle et artistique. En 1923, a lieu la premire reprsentation du balletla

    Cration du monde; la musique est de Darius Milhaud, les rythmes sont emprunts au jazz ;le texte de Cendrars est inspir des mythes Baoul ; les dcors, rideaux et costumes ont timagins par Fernand Lger partir de masques africains (Congo et Cte-dIvoire). Cestune des manifestations les plus caractristiques de la ngrophilie ambiante et de toutesles ambiguts quelle peut galement comporter (esthtisme, association du jazz et des artsafricains dans un mme mythe de primitivit rgnratrice, etc.). Un an aprs la publication dupremier manifeste, 1925 est une anne dactivisme surraliste (avec, par exemple, le fameuxbanquet organis en lhonneur du pote symboliste Saint-Pol Roux) ; 1925 est aussi lanneo est fond lInstitut dethnologie par Marcel Mauss, Paul Rivet et Lucien Lvy-Bruhl. Parailleurs, en 1925, le Tout-Paris mondain se presse la Revue ngreau Thtre des Champs-lyses pour admirer lexpressivit rythmique et rotique des danses de Josphine Baker : Josphine paraissait en scne, tout juste vtue de plumes dautruche sur le postrieur et dequelques bananes suspendues je ne sais o. Elle chantait, mieux vaut dire quelle poussait depetits cris ; elle dansait, mais cela se bornait quelques mouvements de larrire-train et un

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    hochement de la tte davant en arrire limitation dune poule. Elle ne faisait rien dautre.Elle tait irrsistible 6. Certes, limage donne du jazz et de la culture noire (cest avant toutle singulier qui pose problme) est factice, mais cela saccompagne, chez certains, dun intrtrel, ainsi dAndr Schaeffner lui-mme, futur fondateur de lethnomusicologie en France quiparticipera la revue Documents, puis la mission Dakar-Djibouti, et qui publie, ds 1926,le premier livre consacr au jazz7. cela sajoutent de nombreuses rencontres personnellesentre Breton, Eluard, Leiris, Masson, Bataille, Mtraux, etc. Dans un entretien de 1961, cedernier, auteur de l le de Pques(1934) et duVaudou hatien(1958), revient sur cette priodeen ces termes Ceci se situe vers les annes 1924, 1925, 1926, et lon sait ce que cesannes ont reprsent dans le mouvement de la pense. Jy songe encore avec une vritablemotion ; cest une priode dbullition, de rbellion et nous en tions tous secous. Pour ledire dun mot, le surralisme dbutait, et cest alors quil a t le plus vigoureux. Je nai pasfait partie du mouvement, mais jai connu beaucoup de surralistes, jai eu pour ami GeorgesBataille, bref, jai suivi ce courant, auquel lethnographie a apport des lments extrmementprcieux. Brusquement, les peuples exotiques venaient confirmer, en quelque sorte, lexistencedaspirations qui ne pouvaient pas sexprimer dans notre propre civilisation 8.

    4 Lun des lieux majeurs de cette effervescence est le palais du Trocadro, qui abrite la foisle muse des Monuments franais et, depuis 1878, le muse dEthnographie fond par E. T.

    Hamy. Cest un trange btiment sans chauffage ni clairage : Log dans un palais construitpour un tout autre objet, sombre et non chauff, garni de vitrines improvises, mal protgescontre la poussire, lhumidit et les insectes, sans salles de manipulation, sans salles de travail,sans laboratoires, sans fichier de collection, le Muse donnait limpression dun magasin debric--brac 9. Ds 1907, Picasso y avait relev une odeur de moisi et dabandon [qui lavait]saisi la gorge : Jtais si dprim que jaurais voulu partir tout de suite, mais je me suisforc rester et examiner ces masques, tous ces objets que des hommes avaient excuts dansun dessein sacr, magique 10. Diffrentes manifestations de tous ordres y sont organises, enparticulier partir de 1928, date laquelle Paul Rivet en prend la direction, des expositionsbien sr, mais aussi des galas ou des dfils de mode inspirs de modles exotiques Pourtrouver des fonds afin de financer la mission Dakar-Djibouti, Rivet organisera aussi un gala

    de charit au Cirque dhiver o la lgende veut quait eu lieu un combat de boxe vide entre Marcel Mauss et le champion du monde noir amricain des poids plumes, Al Brown11.Par ailleurs, cette mme mission sera en partie finance par Raymond Roussel, auteur proto-surraliste des Impressions dAfrique.

    5 Outre ce vaste contexte qui mriterait de plus amples analyses, on peut considrer que deuxthmatiques fondamentales sont communes lethnographie et au surralisme : le rejet duvoyage exotique et lobjet sauvage . La nouvelle discipline se constitue en effet autour dedeux axes, le terrain et la collecte. Le premier de ces deux impratifs soppose dabord autravail de cabinet, lethnologie en chambre ; on ne peut plus se contenter de collationnerdes donnes rcoltes par des missionnaires ou des administrateurs coloniaux, il faut se rendresur place, rester souvent longtemps, et pntrer la culture observe. Mais le terrain soppose

    aussi au voyage (et, indirectement, au survol impressionniste, au got superficiel pour la couleur locale ) ; le terrain de lethnologue commence justement quand le voyage cesse.Quant limpratif de collecte, mme sil est une sorte de dgradation empiriste du positivismedominant, il est dabord lire comme un rejet du principe des collections ethnographiquesexistantes, fondes sur le modle du cabinet de curiosits o seul le degr de bizarreriecommande la slection de lobjet ; il apparat ncessaire au contraire de recueillir un maximumdobjets tmoignant des cultures primitives, sans se contenter dun exotisme tape--lil. Chezles surralistes, on trouve un mme rejet du voyage romantique et de lexotisme la Loti ;en 1928, Aragon dnonce la rverie sur les lointains comme une des envahissantes petitesnostalgies bourgeoises : Lvasion impossible chacun songe paisiblement svader. []Ils se sont rebtis un paradis virtuel, qui niche quelque part en Afrique. Anodine transformationdes Msopotamies. Comme nimporte quel fils papa, loptimisme est devenu rimbaldien : ilne manquait plus que cela ! 12. Ds 1920, on trouve ces mots sous la double plume de Soupaultet Breton : Les affiches enchantes ne nous touchent plus []. Les gares merveilleuses ne

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    nous abritent plus jamais 13. Les consquences de ce rejet sont, bien sr, opposes : dun ctle sjour sur le terrain, de lautre le choix de Paris, le voyage plus ou moins parodique Blois etltude du sentiment de la nature aux Buttes Chaumont (selon le titre de la deuxime partiedu Paysan de Paris) ; il reste que ces deux attitudes procdent bien dune mme source. Parailleurs, les surralistes se passionnent pour lobjet sauvage (Breton) ; il sagit de rhabiliterles arts primitifs dans leur ensemble, et pas seulement africains Breton comme Eluard leurprfraient dailleurs lart ocanien ou mlansien14. En ce sens, le primitivisme surralisteest un dpassement de la ngrophilie ambiante ; il sagit dabord de prendre au srieux les productions des arts que lon dit aujourdhui premiers, mais aussi de comprendre (pourventuellement sen inspirer) les logiques sociales ou psychiques dont elles relvent. Cestainsi que les surralistes prcdent mme les ethnographes dans leur dnonciation de la voguede lart ngre, ressentie comme superficielle, esthtisante et, qui plus est, passe de mode, envoie de rcupration ; lenqute lance par la revue Actionen 1920 qui voulait recueillir des opinions sur lart ngre , Jean Cocteau rpond : La crise ngre est devenue aussi ennuyeuseque le japonisme mallarmen ; Picasso, quant lui, se contenta dun cinglant : Lart ngre ?connais pas 15. Sans doute ni Cocteau ni Picasso ntaient surralistes, mais leurs rponsesdemeurent significatives de ltat desprit dune certaine frange de lavant-garde au dbut desannes 1920.

    6 Cest donc en raison de leurs virtualits subversives que les objets sauvages suscitentlintrt des surralistes. Comme on le sait, le mouvement est, en grande partie, une raction la guerre, qui a montr quel point la civilisation occidentale pouvait se rvler destructrice, etces proccupations rencontrent opportunment le discours de lethnologie, car celle-ci insiste justement sur la multiplicit des logiques sociales, sur lexistence dalternatives la civilisationeuropenne (rationaliste, mcanique, alinante, destructrice), et remet en cause le primatde cette civilisation et de ses productions artistiques. Lethnologie en voie de constitutionparticipe ainsi au procs de la pense et, en particulier, la relativisation des valeursesthtiques occidentales puisquelle exige une attitude de dsapprentissage culturel et uneredistribution des catgories comme le beau ou lart. Par ailleurs, le surralisme cherche, ettrouve parfois, dans les thories ethnologiques de lpoque des arguments pour confirmer ou

    renforcer ses intuitions fondamentales, en particulier lide dun fond psychique commun lhumanit. Le premier manifeste prtend luniversalit : on y lit la volont de ne pas treune cole littraire de plus mais de toucher au fonctionnement rel de la pense commun tous les hommes, de tous les lieux et de tous les temps. Jean-Claude Blachre explique ainsiquavant de basculer dans la catgorie des auteurs ne pas lire, le nom de Lvy-Bruhl (pour quiles primitifs sont dans un tat de communication ininterrompue avec les esprits) est bienune rfrence16, mais rapidement, les surralistes vont sloigner de ces thories qui tracentune frontire entre mentalits primitive et rationnelle ; lethnologue qui fournit Breton sesarguments devient alors Olivier Leroy qui veut rtablir une continuit entre monde primitif et civilis et retrouver la logique exprimentale du savant sauvage 17. On peut encorenoter les allusions de Breton Freud (qui tablit, dansTotem et Tabou,une continuit entre

    lartiste et le magicien (chapitre Animisme, magie et toute-puissance des ides ) ou auclbre Rameau dor de Frazer (1908). Lethnologue britannique y tudie en particulier lesfonctions du rve, et cite plusieurs exemples de cultures primitives o le rve est considrcomme porteur dune vrit plus leve que les expriences de la conscience pendant la veille.

    Andr Breton et lobjet ethnographique : la collection contrele muse

    7 Une chose runit avant tout Breton et les ethnographes : limportance accorde lobjetmatriel. la diffrence de lethnologie volutionniste duXIXe sicle pour laquelle lobjetest avant tout indicateur dun stade de dveloppement, lethnologie des annes 1920-1930envisage lobjet rel comme une sorte de condensation des reprsentations collectives, de prcipit de la culture , d idogramme matriel 18. Comme lexplique Jean Jamin,les origines pistmologiques dune telle conception sont chercher la fois du ct du

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    positivisme sociologique durkheimien, de limportance accorde par Mauss aux techniquescomme conditions de ltat social, et enfin dune sorte de fonctionnalisme implicite puisque laquestion pose lobjet nest jamais celle du style ou de la variation mais de son intgration,soit une logique sociale (change, technique), soit des reprsentations collectives quonpostule toujours unanimes. Quoi quil en soit, on retrouve chez les surralistes un mme soucide la matrialit li au refus trs gnral du dualisme. Laccs la surralit exige certes unengation de la ralit mais ce nest que pour la soustraire [] lempire de la connaissancerationnelle et de la logique 19 ; cest bien la vie relle et quotidienne dans sa matrialit mmequi est explorer ; ce qui est chez les ethnologues une forme dempirisme dgrad est, chezles surralistes, un principe : lobjet de connaissance et lobjet rel ne font quun.

    8 Par ailleurs, Breton retrouve beaucoup de ses conceptions esthtiques dans le discours desethnographes sur les arts primitifs tel quil commence se dessiner : outre le caractre(suppos) magique de lobjet sauvage ou du ftiche, cest surtout son intgration la viequotidienne qui limpressionne ; quun manche de cuiller soit sculpt leffigie dun dieu (cartoutes les reprsentations anthropomorphes ne peuvent tre dautre chose quun dieu ouquun esprit), et cest une brche qui souvre entre deux mondes. Autre lment qui sduit lessurralistes : lactivit onirique de lartiste primitif apparat avant tout impersonnelle ; cessocits ne connaissent pas le talent individuel (ce qui renforce les convictions de Breton pour

    qui cette notion est lie une idologie romantique et bourgeoise, et qui voit l une rponse sa recherche du chef-duvre sans auteur). Mme si de telles ides sont largement remisesen cause aujourdhui, elles taient la confluence des deux discours, comme dailleurs lesentiment durgence face ces populations en voie dextinction.

    9 Mais on devine dj que devant la revendication de scientificit des ethnographes et devantleur souci de fonder la discipline comme entit la fois pistmologique et institutionnelle,Breton ne pouvait que se raidir, et la question du muse est un excellent rvlateur de cetteincompatibilit fondamentale. En 1928, Paul Rivet (qui, trois ans auparavant, a fond lInstitutdethnologie avec Mauss et Lvy-Bruhl) est nomm la chaire danthropologie du Musum,chaire quil rebaptise ethnologie des hommes actuels et des hommes fossiles , et se voitconfier, avec Georges-Henri Rivire, la rorganisation du bric--brac du vieux muse duTrocadro. Mme si aucun texte de Breton de cette poque ne fait directement allusion cette rorganisation, on peut voir que son discours sur lobjet sauvage reproduit la grandeopposition nostalgique et moderne entre la collection et le muse. Cette opposition repose surtrois lments. Dabord, la slection des pices. Pour Breton, la collection nobit aucunprincipe de slection prdtermin ; elle est dabord fonde sur le hasard objectif et la chargemotive. De l son indiffrence la valeur, lanciennet ou lauthenticit des pices. Dansun article davril 1923 intitul Le problme des muses , Valry prsentait lrudition enmatire dart comme une sorte de dfaite : Elle substitue ses hypothses la sensation,sa mmoire prodigieuse la prsence de la merveille ; et elle annexe au muse immense unebibliothque illimite. Vnus change en document. 20Breton radicalise en quelque sorte ceconstat en ltendant au principe mme du choix des objets : le savoir livresque ne doit pasy intervenir. Aussi le discours de Breton lgard des ethnologues se durcira-t-il avec lesannes ; il dnonce leur scientisme , leur regard glac et distant, leurs appareils toutdtecter, sauf prcisment ce qui [] importe, soit ce qui dtermine la fusion de lesprit etdu cur dans un moule verbal ou plastique 21. Selon Breton, pour comprendre telle ou telleculture primitive, il faut avoir lil non prvenu , non instruit de ce quil va voir 22: Lessavantes gloses [des] spcialistes des groupes ethniques [] se drobent toute approchesensible de lobjet considr. Peut-on douter que ce mode dapprhension qui prsuppose ledtachement et la froideur, constituea prioriun obstacle insurmontable la connaissance ? 23

    10 Second grief de Breton lencontre du muse : lorganisation. Qui dit muse dit classement,rationalisation. Or on peut, sans grand risque derreur, supposer que ce qui sduisait lessurralistes dans le muse dEthnographie du Trocadro, ctait justement labsence declassement, laspect magasin de bric--brac . partir de 1928, Paul Rivet et Georges-Henri Rivire distinguent les vitrines ethnogographiques et les vitrines synthtiques qui illustrent certains thmes comme la royaut ou linitiation : alors que le vieux Troca

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    tait une brche dans lunivers confin des galeries, voil que, l aussi, on se met ranger des units de plaisir incompatibles sous des numros matricules, et selon des principesabstraits 24. linverse, la collection ne connat dautre principe de classement que laprdilection personnelle. Celle de Breton lui-mme, qui occupait plusieurs murs de son atelierde la rue Fontaine et qui est aujourdhui en partie reconstitue et prsente au public aumuse national dArt moderne du Centre Pompidou, faisait voisiner les arts primitifs, les objetstrouvs, les objets naturels et les uvres des contemporains (Braque, Miro, Dali)25. Ainsi,pour Breton, le muse ethnographique, sous prtexte dobjectivit, prsente les objets dansune quivalence, une indiffrence inacceptables. Il savre incapable de restituer la puissancepotique de lobjet, alors que lessentiel, pour lauteur de Nadja,est avant tout de respecterson rayonnement et sa capacit mtamorphoser, en retour, lesprit.

    11 Enfin, Breton reprend son compte les rcriminations habituelles contre la cohue desbadauds, vritable torrent de lave , linterminable dfil des ahuris et les cargaisonsde touristes congnitalement blass 26. Pour Breton comme pour bien dautres, le dialogueentre lobjet et le pote nest possible que dans le silence du temple. On retrouve dans cetteopposition entre le priv et le public lune des grandes nostalgies de la modernit : le museachve de dpayser lobjet et, linverse de la collection qui peut, dans une certaine mesure,corriger cette perte de la sacralit et, par une frquentation intime, restaurer lambiance

    cultuelle dont il mane et rtablir la chane motionnelle qui a t brise27

    , il multiplieles mdiations, mais rien [nest] moins propice lapprhension en profondeur [de luvredu primitif ] que de devoir en passer par le regard trop souvent glac de lethnographe quicroirait, sinon dchoir, du moins faillir ses disciplines sil se portait vers elle avec quelqueardeur ou mme sil se montrait [] moins rebelle lmotion. 28

    12 Pour tre complet, il faut encore ajouter qu cette srie doppositions entre surralistes etethnographes sajoute un autre conflit, dordre politique cette fois, autour de la questioncoloniale. Au dbut des annes trente, en effet, lethnologie est, de fait, solidaire de lentreprisecoloniale ; le muse dEthnographie du Trocadro participe dailleurs lexposition de 1931.Les surralistes y sont au contraire violemment opposs (Breton, Eluard, Pret, Dali sont alorsmembres du PCF) ; ils diffusent aussi massivement que possible le tract Ne visitez pas

    lExposition coloniale et participent activement la contre-exposition organise par la Ligueanti-imprialiste intitule La vrit sur les colonies o Paul Eluard et Yves Tanguy fontvoisiner des ftiches africains et des ftiches occidentaux, ex-voto, ou statues de Vierge lEnfant.

    13 On peut noter, pour conclure, quil ne faut sans doute pas rabattre trop rapidement loppositionentre Breton et les ethnographes sur une banale opposition entre science et posie, etla rduire un conflit invitable entre objectivit et subjectivisme esthte (et ce, malgrlanecdote des pois sauteurs du Mexique diffuse par Roger Caillois29) ; comme le signaleJean-Claude Blachre, Breton avait une connaissance relative des textes des ethnologues surles arts primitifs. On doit plutt lire dans ce conflit une opposition entre deux modes deconnaissance. Pour Breton, renoncer lenchantement est une perte non seulement du pointde vue de lmotion, mais aussi du point de vue de la connaissance : Je ne prche pas icilinintelligibilit. Je dis que le besoin de comprendre est limit en nous comme le reste, neserait-ce que par leffort auquel il nous astreint . propos de Rimbaud, Breton se souvientdes derniers mots de la Lettre-Ocan dApollinaire, Tu ne connatras jamais bien lesMayas , qui sonnent comme une admonestation aux ethnologues ; il faut maintenir la part delnigme , ce coin de voile qui demande expressment ne pas tre lev , faute de perdredans un crasement du dsir ce qui faisait lintrt mme de la qute30. Le savoir livresqueet la collection de bois morts expose au muse demeurent extrieurs la culture quil sagitdinvestir. Il faut tcher au contraire de progresser du dehors vers le dedans, de passer de laperception superficielle des aspects gographiques, sociaux et culturels des socits primitives la connaissance intime de lesprit qui explique, en dernier ressort, lorganisation sociale etla production culturelle. Cest sans doute l tout ce qui oppose une connaissance fonde surlobservation (mme participante) et une connaissance conue avant tout comme activit delesprit dsirant.

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    dailleurs, lui seul, une revendication : un document est un objet dnu de valeur artistique.La dploration de Valry Vnus change en document aurait pu servir de mot dordre auxanimateurs de la revue. Pour Rivet et Rivire, il nest mme pas question darts primitifs, maisdethnographie (en 1928, la nomination de Paul Rivet la chaire danthropologie du Musumavait dailleurs, de fait, plac le muse du Trocadro sous la tutelle du Musum dhistoirenaturelle). Ds le premier numro, dans un article qui prsente les travaux musographiques venir, Georges-Henri Rivire crit :

    la suite de nos derniers potes artistes, artistes et musiciens, la faveur des lites se porte verslart des peuples rputs primitifs et sauvages. [] Ceci provoque dans lethnographie dtrangesincursions, accrot une confusion quon prtendait rduire. Le Trocadro rnov pouvait se fondersur ce contresens, devenir un muse des beaux-arts, o les objets se rpartiraient sous lgide dela seule esthtique. Pauvre principe la vrit, qui naboutit qu distraire du tableau et au hasard,quelques-uns seulement de ses lments essentiels37 .

    18 Quelques mois plus tard, Leiris dnonce quant lui lesthtisme musographique quitransforme un masque ou une statue construite en vue de fins rituelles et compliques envulgaire objet dart :

    Ce qui est beau dans un tel art, ce nest pas son ct exotique, ce nest pas non plus ce quilcontient de strictement moderne (ce modernisme nest quune pure concidence), mais dabord

    quil ne constitue pas un Art proprement parler. Il semble, en effet, minemment absurdedappliquer des productions si claires, si spontanes, cet affreux mot majuscule quon ne devraitcrire quavec une plume pleine de toiles daraignes38 .

    19 Les ethnographes et les surralistes dissidents ont donc en commun une mme volont de toutdire, de tout montrer : lethnologue qui collecte ne doit rien exclure et ne doit surtout pas seconformer des critres esthtiques ; lethnographie, crit Griaule, doit se mfier du beau,qui est bien souvent une manifestation rare, cest--dire monstrueuse, dune civilisation [],et elle ne refusera pas une valeur esthtique un objet parce quil est courant et fabriqu ensrie.39 Conformment aux instructions de Marcel Mauss qui invitait considrer surtoutles manifestations moyennes dune culture plutt que ses manifestations monstrueuses oumarginales (grossirement, la cuiller plutt que le bijou), la distinction entre le haut et le bas

    de la culture est abandonne ; tout, dans une culture, mrite dtre recueilli et de devenir document .20 Documentsest par ailleurs anim par une raction densemble contre la dcontextualisation

    formaliste. Dans lombre des jeunes filles en fleurs, le narrateur de La Recherchedploraitla tyrannie du Particulier laquelle luvre doit se soumettre puisque lglise de Balbecne peut tre contemple que sur la place de Balbec, insparable du dbouch de la grand-rue,[] du caf et du bureau domnibus ; linverse, la salle de muse symbolise bien mieuxpar sa nudit et son dpouillement de toutes particularits, les espaces intrieurs o lartistesest abstrait pour crer40 . loppos dun tel idalisme, les ethnologues (ou, le plus souvent,futurs ethnologues) insistent sur la ncessit de la rinscription de lobjet dans un lieu, unehistoire, une pratique. Griaule raille ainsi les archologues et les esthtes [qui admirent] laforme dune anse, mais [se gardent] bien dtudier la position de lhomme qui boit. 41AndrSchaeffner est, lui, plus explicite :

    Sur les conservatoires de musique et sur les muses dart, [le muse dethnographie] offre djla supriorit de navoir rien omis de lexprience artistique de lhomme. Il admet, de plus, quunart serve encore dautres fins religion, magie, guerre, chasse, jeu, langage , quil puissesisoler mal ntant point n seul. [] ct de linstrument expos doit figurer une photographiedu joueur de celui-ci ; lobjet muet et sa position entre les mains de qui lveille et soudain lemultiplie. [] la reproduction photographique [sera] double toujours de son synonyme lephonographe42 .

    21 Encore une fois, il y a l un cho des cours que Mauss professait lpoque lInstitutdethnologie :

    Un dessin sera joint chaque fois quil faudra montrer le maniement de lobjet, un mouvementde la main ou du pied (exemple : pour larc et les flches, il est important de fixer la mthode

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    de lancement par la position des bras, des doigts aux divers moments ; le mtier tisser estincomprhensible sans documents montrant son fonctionnement)43 .

    22 Les analyses de Walter Benjamin dansluvre dart lpoque de sa reproduction mcanise,quoique postrieures la revue Documentspuisquelles datent de 1936, peuvent tre luescomme lexpression synthtique de ce refus de la dcontextualisation. Sinspirant des analysesde Marx au dbut duCapitalet sur le modle de lopposition valeur dusage/valeur dchange,Benjamin reconnat deux ples luvre dart : sa valeur rituelle insparable duhic et nuncde luvre, de son existence unique au lieu o elle se trouve et sa valeur dexposition.Selon lui, lhistoire de lart peut tre lue comme lhistoire de lopposition entre ces deuxples. Lobjet dart est lorigine un objet magique, sacr, intgr dans une tradition et unrituel ; il est porteur dhistoire et est insparable de son lieu ; cest cette double conjonction,cette singulire trame de temps et despace qui fait sonaura. Mais lpoque moderne estmarque par la dchance de laura et par le poids absolu de la valeur dexposition , audtriment de la valeur rituelle qui, pourtant, est premire44. Autrement dit, et comme le notetrs justement Denis Hollier, le muse menace lauthenticit de luvre dart avant mme laphotographie et la reproduction mcanise. la faon dont le march est un dtournement dela marchandise puisquil consiste diffrer la consommation, mettre lobjet hors dusagepour quil soit chang, le muse est un dtournement de luvre dart puisque les objets ny

    entrent quabstraits du contexte de leur valeur dusage : Il y a un contrat symbolique autour de la beaut : de mme quon ne parle pas dargent table,on doit taire au muse les origines laborieuses des objets quon expose. Comme largent, la beautna pas dodeur. On passe lponge. Ainsi lexige larrivisme esthtique. [] Les ethnographesde Documentssen prennent ce contrat et au refoulement de la valeur dusage quil implique.Ils veulent un muse qui ne rduirait pas automatiquement les objets leurs proprits formelles,esthtiques, un espace dexposition do la valeur dusage ne serait pas exclue, mais dans lequelelle pourrait tre non pas simplement prsente, mais expose, manifeste. Il voudrait djouerlalternative qui veut quon se serve dun outil et quon regarde un tableau. Que lentre de loutilau muse nait pas pour condition quil renie ses origines. Au lieu de la remplacer par une valeurdchange ou dexposition, cet espace prserverait la valeur dusage, lui permettrait de survivre la dcontextualisation, coupe de sa fin mais valeur dusage quand mme, une valeur dusage ensabbatique. la fois utile et dsuvre. Cest lutopie dun espace o on pourrait, comme disentles Amricains,have ones cake and eat it too45

    23 Cette nostalgie de la valeur rituelle constitue, Documents, un axe fdrateur ; elle estcommune aux ethnologues et lavant-garde qui partagent lide que la chose na lieu que surplace et insistent sur la ncessit de la contextualisation.

    24 Cependant, encore une fois, cette rencontre ponctuelle autour de revendications communes nesurvivra pas la dynamique de chacun des mouvements. On peut tenter de retracer loriginede ces divergences en reprenant les deux points prcdents. Lanti-esthtisme dabord. Lanti-esthtisme des ethnologues nest pas celui de Bataille. Pour les premiers, tout dire ce quinest pas tout fait la mme chose que dire oui tout est un impratif scientifique ; lescultures doivent tre envisages comme des ensembles cohrents dont chaque objet tmoigne.Pour le second, en revanche, lanti-esthtisme est avant tout un anti-idalisme ; le sacrilgeest une ncessit pour qui veut rendre compte de la monstruosit imprsentable du tout .Comme le dit lgamment Denis Hollier, lavant-garde ne veut pas du droit de choquerque lui offrent les ethnographes. Si quelquun se formalise, on montre son permis. Licencedethnographe ? Mais que serait un sacrilge dans les limites de la simple raison ? Et plusloin dajouter : Les ethnographes veulent le continu, Bataille veut la rupture 46. Les notesde Griaule sur le crachat ou lintrt de Schaeffner pour linstrument de musique si informeapparaisse-t-il 47 visent en dernire analyse une rinscription dans le tout dune culture ;leur anti-esthtisme est dabord statistique ; si le beau est cart, cest quil est monstrueux,exceptionnel, hors de la commune mesure ; pour Bataille, au contraire, si le beau est cart,cest que, paradoxalement, il est la commune mesure et ce sera la fonction du document quedexposer le caractre commun de lincongruit personnelle et du monstre48 .

    25 Quant lexigence de contextualisation, elle masque elle aussi une divergence plus profondecar, Documents, la nostalgie de la valeur dusage suit deux pentes diffrentes, lune profane,

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    lautre sacre 49. Pour les ethnologues, retrouver la valeur dusage, cest retrouver la valeurtechnique, sociale, conomique de lobjet, reconstituer le contexte et le circuit o il sintgre.Pour Bataille, en revanche, retrouver la valeur dusage, cest retrouver le sacr. Il y a unmatre mot Documents, celui de ftichisme, et bizarrement, ce ne sont pas les ethnologuesqui lemploient dj mfiants sans doute devant ce pseudo-concept un peu trop mallable.Le ftichisme soppose lesthtisme de lamateur. Je dfie nimporte quel amateur depeinture daimer une toile autant quun ftichiste aime une chaussure , crit Bataille50. Leirisdistingue quant lui le vrai ftichisme et le ftichisme transpos : le ftiche transposest prcisment celui qui a t mis hors dusage pour entrer sur le march, qui a t dgraden marchandise ou en objet de collection. Giacometti serait un des premiers depuis longtemps crer de vrais ftiches 51. La rflexion sur le sacr de Leiris et Bataille reprendra quelquesannes plus tard dans le cadre du Collge de sociologie (1937-1939), mais un sacr sinondtach de tout support matriel, au moins dlivr de la connexion systmatique un objet ;une fois dpass ce ftichisme du document, version empiriste du bas matrialisme deBataille, le questionnement sur la possibilit dune science dont lhomme serait la fois lesujet et lobjet nen sera que plus vif 52.

    26 Des proccupations partages, donc, mais pas de conciliation possible sur le fond, pasd ethnographie surraliste ni de surralisme ethnographique en dpit de la sduction

    exerce par ces deux expressions de James Clifford ; les dynamiques de chacun des mouvements lethnographie et lavant-garde taient diffrentes, voire contradictoires.Griaule, Leiris ou Schaeffner ntaient pas encore, lpoque de Documents, les professionnelsde lethnographie quils deviendront. Comme le note Jean Jamin, ce que Bataille et sescompagnons retiennent [alors] de lethnographie, cest non pas la mthode ou le savoir, maisune pose : la distanciation, le dcentrement, le dpaysement. Ce quils en attendent, cest,non pas une connaissance positive, mais un choc, un branlement, un drglement de tousles sens 53. Lethnographie, de son ct, tait en qute de lgitimation ; elle revendiquaitsa scientificit et entamait un processus dinstitutionnalisation et de professionnalisation quidevait aboutir en 1937-193854. Par ailleurs, elle tenait sintgrer au projet humaniste etprogressiste de la IIIe Rpublique et voulait sassocier lentreprise de civilisation des

    colonies, ce qui ntait compatible ni avec lidologie politique ni avec lanticonformisme delavant-garde. En 1934, Paul Rivet annonce que le muse du Trocadro va tre ras et remplacpar une construction grandiose : le palais de Chaillot. Lobjectif est clair ; il sagit de dpasserle cosmopolitisme anarchique des annes 1920 dans une unit monumentale : lhumanit ;le changement darchitecture sera lui seul un signe de cette rorientation. En 1937, le palaisest inaugur et lon peut considrer que lorsque le muse dEthnographie devient le musede lHomme en 1938, le divorce entre avant-garde et ethnographie est consomm. La revuesurraliste Minotaure(1933-1939) laquelle collaborent la fois Breton et Bataille apportepeut-tre un autre indice de ce divorce : le mot ethnographie figure bien au programme,mais lexception du deuxime numro entirement consacr la mission Dakar-Djibouti,la revue tte de bte naccueillera aucune contribution ethnologique dans ses colonnes.

    Du reste, il est difficile de ne pas voir dans les luxueuses couvertures et les reproductionsquadrichromes un retour aux beaux-arts .27 La proximit du surralisme et de lethnographie naissante est donc indniable ; elle repose sur

    un certain nombre de soucis partags et de thmatiques communes, ainsi, vraisemblablement,que sur une srie de concidences historiques ; mais les motivations et les dynamiques taientdiffrentes : le surralisme attendait des ethnographes des confirmations de ses principesfondamentaux, alors que lethnographie, discipline en cours de constitution, se dfinissaitet svaluait en se frottant aux avant-gardes malgr lincompatibilit fondamentale desprojets. Lhistoire de cette proximit est donc en quelque sorte celle du passage du musedEthnographie du Trocadro au muse de lHomme ; et le bel article de Michel Leiris publidans La Nouvelle Revue franaise loccasion de linauguration de 1938 est, cet gard,rvlateur ; il concentre presque tous les arguments des controverses o les ethnologues etlavant-garde ont t associs, et, malgr sa conclusion rsolument progressiste, laisse percer

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    une certaine nostalgie du vieux btiment byzantino-mauresque que Viollet-le-Duc avaitconstruit :

    On peut se demander sil ny a pas contradiction dans les termes, tant ce mot homme apparatsurprenant accol au morne terme de muse , puisque par ce dernier mot est communmentdsign le lieu froid o se trouvent dposs des objets que lhomme est fier davoir produits, maisqui nexistent plus que pour eux-mmes et spars de lui. [] Comment procder pour que lesdocuments, dont la valeur est lie au fait quils sont choses cueillies sur le vif, puissent garderquelque fracheur une fois consigns dans des livres ou mis en cage dans des vitrines ? Toute unetechnique de la prsentation devra intervenir comme suite la technique de collecte, si lon tient ce que les documents ne deviennent pas de simples matriaux pour une rudition pesante [].Il se peut que daucuns regrettent, de lancien muse dEthnographie, un certain air familier, sansroideur didactique [] ; le nouveau muse de lHomme nen marque pas moins un grand pasen avant dans la constitution de ces archives universelles qui ne doivent pas cesser dtre le butde tous ceux qui ont fait de ltude de lhomme, tant physique que psychique ou social, le pointdapplication de leur aspiration vers plus de rationnel.55

    28 La rfrence au surralisme na pourtant pas fini de hanter lethnologie ; elle resurgira enparticulier chez Lvi-Strauss qui fuira la France occupe sur le mme navire que Breton et qui, plusieurs reprises dans la suite, comparera ses mthodes dlaboration des Mythologiquesla technique du collage, emprunte Max Ernst56

    Bibliographie

    ***, Documents, rimpression, ditions Jean-Michel Place, 1991.BENJAMIN Walter, Luvre dart lpoque de sa reproduction mcanise (1936), crits franais,Gallimard, 1970, pp. 141-171.BLACHRE Jean-Claude, Les Totems dAndr Breton. Surralisme et primitivisme littraire,LHarmattan, 1996.BRETON Andr, Flagrant Dlit , La Cl des champs, ditions du Sagittaire, 1953, pp. 134-143. Phnix du masque (1960), Perspective cavalire, pp. 182-186. Main premire (1962), Perspective cavalire, Gallimard, 1970, pp. 221-225.CAILLOIS Roger, Divergences et complicits , La Nouvelle Revue franaise, n 172, 1967, pp.686-698.CLIFFORD James, Ethnographie, polyphonie, collage , Revue de musicologie, t. 68, n 1-2, 1982,pp. 42-56.

    Malaise dans la culture. Lethnographie, la littrature et lart au xxe sicle (1988), cole nationalesuprieure des beaux-arts, 1996.HOLLIER Denis, La valeur dusage de limpossible , introduction la rimpression de la revue Documents, ditions Jean-Michel Place, 1991, pp. VII-XXXIV.JAMIN Jean, Objets trouvs des paradis perdus. propos de la mission Dakar-Djibouti ,Collections passion,ditions Jacques Hainard et Roland Kaehr, muse dEthnographie, Neuchtel, 1982, pp. 69-100. Les objets ethnographiques sont-ils des choses perdues ? ,Temps perdu, temps retrouv , ditionsJacques Hainard et Roland Kaehr, muse dEthnographie, Neuchtel, 1985, pp. 51-74. Lethnographie mode dinemploi. De quelques rapports de lethnologie avec le malaise dans lacivilisation , Le Mal et la Douleur , d. Jacques Hainard et Roland Kaehr, muse dEthnographie,Neuchtel, 1986, pp. 45-79. Documentsrevue. La part maudite de lethnographie , LHommen151, juillet-septembre 1999,pp. 257-266.LEIRIS Michel, Du muse dEthnographie au muse de lHomme ,la Nouvelle Revue franaise,1938, pp. 344-345. De Bataille limpossible limpossible Documents (1963) ; Brises, Mercure de France, 1966,pp. 256-266. Le muse de lHomme, o lart et lanthropologie se rencontrent , Ralits, n 182, 1966, pp. 57-63.LVI-STRAUSS Claude, De prs et de loin, entretiens avec Didier ribon, ditions Odile Jacob, 1990.

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    Une peinture mditative , Le Regard loign , Plon, 1983, pp. 327-331. New York post- et prfiguratif , Le Regard loign , Plon, 1983, pp. 345-356.MTRAUX Alfred, Rencontre avec les ethnologues ,Critique, n 195-196, 1963, pp. 677-684. Entretiens avec Alfred Mtraux , LHomme, mai-aot 1964, pp. 20-32.

    RUBIN William (ed.), Primitivism in xxe Century Art. Affinity of the Tribal and the Modern, TheMuseum of Modern Arts, New York, 1984.

    VALRY Paul, Le problme des muses ,uvres, vol. 2, Pliade, Gallimard, 1960, pp. 1290-1293.

    Notes

    1 Des objets quil observa lors de sa premire visite au muse du Trocadro, Picasso dira quillui firent comprendre le sens mme de la peinture : Ce nest pas un processus esthtique ;cest une forme de magie qui sinterpose entre lunivers hostile et nous, une faon de saisirle pouvoir, en imposant une forme nos terreurs comme nos dsirs. Le jour o je compriscela, je sus que javais trouv mon chemin. (cit par Franoise Gilot et Carlton Lake dansVivre avec Picasso, Calmann-Lvy, 1965, p. 249). Sur le primitivisme et lart moderne au xxesicle, voir louvrage dirig par William Rubin, Primitivism in xxth Century Art . Sur le

    fameux masque Fang achet par Vlaminck, voir p. 13 ; sur lillumination du Trocadro,voir ltude trs documente de Rubin lui-mme, en particulier les pages 254 et suivantes.2 Sur cette prhistoire de lethnologie franaise, voir louvrage de Nlia Dias, Le MusedEthnographie d u Trocadro : 1878-1908 : anthropologie et musologie en France(ditionsdu CNRS, 1991),ainsi que son dition critique des ouvrages de Ernest-Thodore Hamy, LesOrigines du muse dEthnographie du Trocadro( Les cahiers de Gradhiva , ditions Jean-Michel Place, 1988).3 Ce travail a t, dans une premire version, lobjet dune intervention dans le sminaire de M.Antoine Compagnon sur Littrature et muse , en mai 2000. Il sagit surtout dune tentativede synthse des travaux de James Clifford, Jean Jamin, Denis Hollier et Jean-Claude Blachreautour de la question particulire du muse.4 Mlanophilie ou mlanomanie (1917),uvres en prose compltes, vol. III, Pliade,Gallimard, 1993,pp. 252-254.5 Sur cette question, voir dans le numro rcent de LHomme, Jazz et anthropologie , n 158-159, avril-septembre 2001, les contributions de Jean Jamin, Olivier Roueff et DenisConstant-Martin.6 Andr Schaeffner, cit par Jean Jamin dans Objets trouvs des paradis perdus. propos dela mission Dakar-Djibouti ,Collections passion, ditions Jacques Hainard et Roland Kaehr,muse dEthnographie, Neuchtel, 1982, pp. 69-100, p. 76.7 Andr Schaeffner, Le Jazz(1926), Les cahiers de Gradhiva , ditions Jean-Michel Place,1988.8 Entretiens avec Alfred Mtraux , LHomme, mai-aot 1964, p. 21.9 Paul Rivet et Georges-Henri Rivire, chargs de la rorganisation du muse, cits par JeanJamin dans Objets trouvs des paradis perdus , p. 72.10Vivre avec Picasso, op. cit., pp. 248-249.11 Lgende rapporte par James Clifford daprs des tmoignages de Georges-Henri Rivire( Malaise dans la culture. Lethnographie, la littrature et lart au xxe sicle[1988], colenationale suprieure des beaux-arts, 1996, p. 139).12Trait du style(1928), Gallimard, LImaginaire , 1980, pp. 84-85.13 Les Champs magntiques(1920), Gallimard, Posie , 1971, p. 27.14 Voir lexplication de William Rubin ce sujet, p. 55sqq.15 Action, n 3, rimpression Jean-Michel Place, 1999, p. 24. Il sagit l des tendancesdominantes du discours surraliste ; dans les faits, lattitude des surralistes la fois face lexotisme et face lart ngre est parfois plus ambigu. Voir en particulier le chapitre IV delouvrage de Jean-Claude Blachre,les Totems dAndr Breton. Surralisme et primitivismelittraire, LHarmattan, 1996.16 Cest en 1931 que, au dos dun catalogue de livres et publications surralistes dit parJos Corti, le groupe tablit une liste : Lisez/Ne lisez pas (Tracts surralistes et dclarations collectives, 1922-1939, Le Terrain vague, 1980, p. 202).

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    17 Olivier Leroy, La Raison primitive, essai de rfutation de la thorie du prlogisme, P.Geuthner, 1927.18 Ces deux expressions sont de Jean Jamin ; la premire provient de larticle Objetstrouvs (p. 94), la seconde, de larticle Les objets ethnographiques sont-ils des chosesperdues ? (Temps perdu, temps retrouv , ditions Jacques Hainard et Roland Kaehr, musedEthnographie, Neuchtel, 1985, p. 68).19 Ferdinand Alqui, Philosophie du surralisme, Paris, Flammarion, 1955, p. 98.20 Le problme des muses ,uvres, vol. II, Pliade, Paris, Gallimard, 1960, pp.1290-1293.21 Flagrant Dlit , La Cl des champs, Paris, ditions du Sagittaire, 1953, p. 140.22 Main premire (1962), Perspective cavalire, Paris, Gallimard, p. 221.23 Phnix du masque (1960), Perspective cavalire, pp. 183-184.24 Valry,art. cit ., p. 1292.25 Jusquau 24 juin 2002, le mur de latelier (celui face auquel Breton travaillait) estprsent dans le cadre de lexposition La rvolution surraliste . On ne peut que noter lecaractre paradoxal de cette reconstitution, non seulement parce quelle soumet la collection linterminable dfil des ahuris devant la vitrine, mais surtout parce quelle fige le murdobjets tel quil tait en 1966 la mort de Breton, alors que, de son vivant, celui-ci navaitde cesse den modifier lagencement pour dcouvrir de nouvelles associations et crer denouvelles rencontres productives mais une exposition sur le surralisme doit-elle tre uneexposition surraliste ?26 Flagrant Dlit , pp. 137 et 140.27 Phnix du masque , p. 184.28 Main premire , p. 222. On doit cependant noter un malaise persistant des surralistesface au principe de la collection : celle-ci renvoie non seulement au besoin bourgeois depossder, mais participe en plus un pillage qui hte lextinction des cultures primitives (cf .Blachre pp. 136-142).29 Roger Caillois raconte que, peu avant son exclusion du mouvement en 1934, il tait entr enconflit avec Breton propos de ltrange phnomne de ces pois venus du Mexique et agitsdun mouvementincomprhensible. Caillois, futur ethnologue, aurait propos douvrir lesgraines pour vrifier la prsence ventuelle dinsectes sous la cosse ce qui tait effectivementle cas , et Breton serait entr dans une violente colre devant un tel rationalisme. Celui-ci sexpliquera plus tard sur cet pisode dans un entretien, prcisant quil sagissait dabordd puiser toutes les conjectures .30 Flagrant Dlit , p. 138.31 VoirTracts surralistes et dclarations collectives, 1922-1939, op. cit., pp. 19-25 pour lepamphlet original; pp. 132-148 pour lagressif pastiche rdig par Limbour, Desnos, Bataille,etc.32 La bibliographie concernant Documentsest norme et, force est de le constater, quelquepeu disproportionne en regard du faible nombre de livraisons qua connues la revue ; outrelexcellente introduction de Denis Hollier la rimpression chez Jean-Michel Place (dont jereprends trs largement les analyses), on peut noter louvrage de Georges Didi-Huberman, La Ressemblance inf or me ou le Gai-Savoir visuel selon Georges Bataille(Macula, 1995), celuide James Clifford, Malaise dans la culture(chapitre 4) et les articles de Michel Leiris ( DeBataille limpossible limpossible Documents) et Jean Jamin ( Documentsrevue. La partmaudite de lethnographie ) (rfrences exactes en bibliographie).33 La culture devient chose recueillir et collectionner et Documentsest lui-mme unesorte de vitrine ethnographique o sont exposs objets, images, textes, tiquettes, un muse pour riredont les spcimens sont reclasss en mme temps que collects. ( Ethnographiepolyphonie collage , Revue de musicologie,t. 68, n 1-2, 1982, p. 51.)34 Documents, 1929, n 4, p. 215.35 Documents, 1930, n 5, p. 300.36 Denis Hollier, La valeur dusage de limpossible , introduction la rimpression dela revue Documents, ditions Jean-Michel Place, 1991, p. XV. Comme on le voit, cest cette poque que se dfinissent pour ne plus vraiment changer les termes du dbatentre ethnologues et esthtes tel quil se poursuit aujourdhui autour du transfert des

    collections du muse de lHomme et du projet de muse des Arts premiers du quai Branly.Seul Michel Leiris tentera de jeter les bases dune ethno-esthtique dans Afrique noire :

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    la cration plastique(1967), mais, comme lcrit Jean Jamin, lapproche et les perspectivesfortement novatrices de louvrage sont demeures en grande partie lettre morte alorsque, depuis les annes 1980, sest dvelopp un anti-ethnologisme , un intuitionnismeesthtique dans lapprhension et la prsentation des uvres dart africain, dont leclassement sous la rubrique prtendument nouvelle, mais certainement ambigu, d artpremier ne fait quajouter la confusion et lindtermination auxquelles elles se voient dslors voues. ( Prsentation de Afrique noire : la cration plastique, Miroir de lAfrique,1996, Quarto , Paris, Gallimard, pp. 1112-1114.)37 Le muse dEthnographie du Trocadro , Documents, 1929, n 1, p. 58.38 Civilisation , Documents, 1929, n 4, pp. 221-222.39 Un coup de fusil , Documents, n 1, p. 46.40 Marcel Proust, lombre des jeunes filles en fleurs, Paris, Folio, pp. 227-230 et 213-214.41 Poterie , Documents, 1930, n 4.42 Des instruments de musique dans un muse dethnographie , Documents, 1929, n 5,pp. 249 et 252.43 Manuel dethnographie(1947), Payot, 1967, p. 17. Ce manuel est la transcription descours donns par Mauss lInstitut dethnologie entre 1925 et 1940 sous le titre Instructionsdethnographie descriptive lusage des voyageurs, administrateurs et missionnaires .44 Luvre dart lpoque de sa reproduction mcanise , crits franais, Paris,Gallimard, 1970, pp. 141 et 147.45 Denis Hollier, La valeur dusage de limpossible , p. XI.46 Ibid., p. XIX.47 Des instruments de musique dans un muse dethnographie ,art. cit., p. 248.48 Georges Bataille, Les carts de la nature , Documents, 1930, n 2, p. 82.49 La valeur dusage de limpossible , p. XIV.50 Documents, 1930, n 7, p. 489.51 Alberto Giacometti , Documents, 1929, n 4.52 Sur le Collgedesociologie, voir le recueil dit par Denis Hollier en 1979, Le Collge desociologie, 1937-1939(rdit en Folio/essais en 1995) ainsi que larticle de Jean Jamin, Un sacr collge ou les apprentis sorciers de la sociologie ,Cahiers internationaux desociologie, n 68,1980, pp. 5-30.53 Documentsrevue. La part maudite de lethnographie , LHomme, n 151, juillet-septembre 1999,p. 266.54 Sur ces questions, voir larticle de Victor Karady, Le problme de la lgitimit danslorganisation de lethnologie historique franaise , Revue franaise de sociologie, vol.XXIII, 1982, pp. 17-35.55 Du muse dEthnographie au muse de lHomme , La Nouvelle Revue franaise, aot1938, pp. 344-345.56 VoirTristes Tr opiques, chap. 2 et, pour la rfrence au collage, voir dans Le Regard loign ,larticle Une peinture mditative , pp. 327-331.

    Pour citer cet article

    Rfrence lectroniqueVincent Debaene, Les surralistes et le muse dethnographie , Labyrinthe[En ligne], 12 | 2002,Recherche libre (n 12), mis en ligne le 12 avril 2006, consult le 31 aot 2012. URL : http:// labyrinthe.revues.org/1209

    Rfrence papier

    Vincent Debaene, Les surralistes et le muse dethnographie , Labyrinthe, 12 | 2002,Recherche libre (n 12), 71-94.

    propos de lauteurVincent Debaene

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    Vincent Debaene est ancien lve de lcole normale suprieure et agrg de lettres modernes. Sesrecherches portent sur les rapports entre anthropologie et littrature. Il enseigne luniversit Paris IVet prpare une thse sur le rcit de voyage ethnographique entre 1930 et 1960.

    Droits dauteur

    Proprit intellectuelle

    Rsums

    LInstitut dethnologie est fond en 1925 ; en 1928, Paul Rivet et Georges-Henri Riviresont chargs de rorganiser le vieux muse dEthnographie du Trocadro o les fauves et lescubistes avaient dcouvert lart ngre au dbut du sicle. En 1934, on dcide finalementde raser le btiment ; sa place est rig le palais de Chaillot o sera inaugur le muse delHomme en 1938. Ces quelques annes sont marques par une effervescence culturelle etartistique o se croisent et se mlent les proccupations des ethnologues et de lavant-gardesurraliste. Mais cette proximit naura quun temps, les exigences de lavant-garde ntantgure compatibles avec linstitutionnalisation de la discipline autour du muse de lHomme.Cest aussi pendant cette priode que se mettent en place les oppositions entre ethnologueset esthtes telles que lon peut les observer aujourdhui encore dans les controverses quientourent le transfert des collections du muse de lHomme et le projet de muse des Artspremiers du quai Branly. Surrealists and the Ethnography MuseumThe Institute of Ethnology was founded in 1925 ; in 1928, Paul Rivet and Georges-HenriRivire were put in charge of reorganizing the old Museum of Ethnography in the Trocadrowhere the Fauves and the Cubists had discovered the Negro art at the begining of the century.In 1934, the building was finally destroyed and replaced by the Palais de Chaillot where theMuse de lHomme would be inaugurated in 1938. These years are marked by an artistic andcultural dynamism where ethnologist's and avant-garde surrealists'interests intersected. Butthis proximity would not last because the avant-garde's demands were incompatible with theinstitutionalization of the discipline of ethnology around the Muse de lHomme. During thisperiod oppositions between ethnologists and "esthetes" also appeared as we may still see ittoday in the controversies concerning the transfer of the Muse de lHommes collections andthe Muse des Arts Premierss project at the quai Branly.