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Tous droits réservés © Recma, 2005 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 10/10/2020 3:08 p.m. Revue internationale de l'économie sociale Recma L’économie solidaire entre le local et le global : l’exemple de la microfinance The solidarity economy between local and global levels: the case of micro-finance Isabelle Guérin and Jean Michel Servet Économie sociale et territoires Social Economy and Local Communities Number 296, May 2005 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1021864ar DOI: https://doi.org/10.7202/1021864ar See table of contents Publisher(s) Institut de l’économie sociale (IES) ISSN 1626-1682 (print) 2261-2599 (digital) Explore this journal Cite this article Guérin, I. & Servet, J. M. (2005). L’économie solidaire entre le local et le global : l’exemple de la microfinance. Revue internationale de l'économie sociale, (296), 83–99. https://doi.org/10.7202/1021864ar Article abstract Micro-finance, the subject of this article, encompasses financial services aimed at population groups with limited access to formal sources of finance and is characterized by small unitary amounts that are often considered in their local context. Following the example of solidarity economy initiatives, micro-finance's legitimacy and effectiveness depend on strong ties with the local community. The authors show, however, that micro-finance is globalized more than the other parts of the social economy in the sense that analogous models can be found in the world's most diverse regions. On the global level, micro-finance programs enable flows of technology, information and capital that link together diverse public authorities and institutions. Community organizations, international NGOs, foundations, pressure groups, local, national and federal government, and bilateral and multilateral development agencies create an environment favorable to resource hybridization.

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Tous droits réservés © Recma, 2005 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit(including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can beviewed online.https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/

This article is disseminated and preserved by Érudit.Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal,Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is topromote and disseminate research.https://www.erudit.org/en/

Document generated on 10/10/2020 3:08 p.m.

Revue internationale de l'économie socialeRecma

L’économie solidaire entre le local et le global : l’exemple de lamicrofinanceThe solidarity economy between local and global levels: thecase of micro-financeIsabelle Guérin and Jean Michel Servet

Économie sociale et territoiresSocial Economy and Local CommunitiesNumber 296, May 2005

URI: https://id.erudit.org/iderudit/1021864arDOI: https://doi.org/10.7202/1021864ar

See table of contents

Publisher(s)Institut de l’économie sociale (IES)

ISSN1626-1682 (print)2261-2599 (digital)

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Cite this articleGuérin, I. & Servet, J. M. (2005). L’économie solidaire entre le local et le global :l’exemple de la microfinance. Revue internationale de l'économie sociale, (296),83–99. https://doi.org/10.7202/1021864ar

Article abstractMicro-finance, the subject of this article, encompasses financial services aimedat population groups with limited access to formal sources of finance and ischaracterized by small unitary amounts that are often considered in their localcontext. Following the example of solidarity economy initiatives,micro-finance's legitimacy and effectiveness depend on strong ties with thelocal community. The authors show, however, that micro-finance is globalizedmore than the other parts of the social economy in the sense that analogousmodels can be found in the world's most diverse regions. On the global level,micro-finance programs enable flows of technology, information and capitalthat link together diverse public authorities and institutions. Communityorganizations, international NGOs, foundations, pressure groups, local,national and federal government, and bilateral and multilateral developmentagencies create an environment favorable to resource hybridization.

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L’ÉCONOMIE SOLIDAIRE ENTRE LE LOCAL ET LE GLOBAL :L’EXEMPLE DE LA MICROFINANCE (*)

par Isabelle Guérin (**) et Jean Michel Servet (***)

La microfinance, au cœur de cet article, recouvre des services financiersdestinés à des populations en marge de la finance dite formelle, caracté-risés par des montants unitaires faibles, qui sont souvent envisagés dansleur dimension locale. A l’instar de l’ensemble des initiatives d’économiesolidaire, la légitimité et l’efficacité de la microfinance supposent un ancrageterritorial fort. Les auteurs montrent toutefois que, plus que d’autreséléments constitutifs de l’économie solidaire, la microfinance est mon-dialisée, au sens où des modèles analogues se rencontrent dans les régionsles plus diverses du globe. Les dispositifs de microfinance sont à l’échelleplanétaire des supports de flux de techniques, d’informations et de capitauxqui relient des instances et des institutions diverses. ONG locales, ONGinternationales, fondations et groupes de pression institués, gouvernementslocaux, nationaux et fédéraux et institutions de coopération bilatérales etmultilatérales contribuent à une dynamique d’hybridation des ressources.

l

L es services financiers désignés comme microfinance (destinés à despopulations en marge de la finance dite formelle et caractérisés pardes montants unitaires faibles) sont souvent donnés à voir dans leur

dimension locale. En fait, les dispositifs de microfinance sont à l’échellemondiale des supports de flux de techniques – entendues ici au sens demodes de gestion et de management de ces systèmes –, d’informations etde capitaux qui relient des instances et des institutions diverses : ONGlocales, ONG internationales, fondations et groupes de pression insti-tués, gouvernements locaux, nationaux et fédéraux et institutions de coopé-ration bilatérales et multilatérales.La microfinance occupe, par rapport aux nouveaux modes de productionde biens et de services réunis sous l’appellation économie solidaire, uneposition particulière. A l’instar de l’ensemble des initiatives d’économiesolidaire, la légitimité et l’efficacité de la microfinance supposent un ancrageterritorial fort : tant la mobilisation d’épargne que l’octroi de crédit ne peu-vent faire l’économie de relations de proximité avec les populations localesbénéficiaires de ces services. Simultanément, la microfinance, plus qued’autres éléments constitutifs de cet ensemble qu’est l’économie solidaire,est mondialisée, au sens où des modèles analogues se rencontrent dans les

(*) Cet article reprend un certainnombre d’éléments des introduc-tions données par I. Guérin et J.-M.Servet (édit.) au rapport « Exclu-sion et liens financiers 2003 », etpar D. Gentil et J.-M. Servet aunuméro de la Revue Tiers-Mondede décembre 2002, et de l’ouvragede J.-M. Servet Banquières et ban-quiers aux pieds nus, mirages etespoirs de la microfinance, àparaître à Paris, chez Odile Jacob,en 2005.(**) LPED-IFP Pondichéry.(***) IUED Genève.

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régions les plus diverses du globe. Si l’innovation peut d’une forme à l’autreapparaître moins forte, comparée à certaines autres initiatives d’économiesolidaire, le nombre de ses systèmes de financement et leur dispersion sonttels aujourd’hui que, pris ensemble, ceux-ci peuvent constituer un champd’expériences à ce jour sans nul doute encore inégalé à une telle échelle dediffusion dans tout autre domaine de l’économie solidaire. Cela fait aussique l’hybridation des ressources et ce mixage atteignent des degrés trèsvariables, qui peuvent lui engendrer des formes allant de l’autonomie popu-laire à des dispositifs administrés.

lLa microfinance dans le mouvement de mondialisation

Les dispositifs semi-formels de microfinance qui se développent depuisune vingtaine d’années en matière d’épargne, de prêt, d’assurance et detransfert de fonds pour les migrants, et dont, pour le microcrédit, laGrameen Bank au Bangladesh est devenue l’un des principaux élémentsemblématiques, sont généralement étudiés uniquement dans une pers-pective de développement local. Or, ces dispositifs à la charnière du publicet du privé participent pleinement au processus général de mondialisa-tion. L’affirmation de la dimension planétaire de la microfinance, y compris dans sa mise en scène par les médias, en est une premièreillustration. La mondialisation est en grande partie, comme mise en scène,un processus virtuel par la télévision, image largement diffusée par lesréseaux et par les paraboles (au fin fond des bidonvilles et parmi des popu-lations extrêmement démunies, la télévision est présente, ce qui fait quemême si la circulation des travailleurs migrants connaît des entraves consi-dérables, il existe une connaissance virtuelle du monde par l’image du« petit écran »). Or, il est peu de questions économiques et financières quireçoivent du Nord au Sud et d’Est en Ouest une sympathie aussi forte etlargement partagée des médias que la microfinance. Dans l’univers pla-nétaire des médias, elle a ses grandes cérémonies et ses prophètes. Citonsles Sommets du microcrédit et la figure emblématique du professeur Yunus.De toute évidence, les Sommets du microcrédit, dont la force repose surun discours simpliste et de ce fait très attractif, ont très largementcontribué à diffuser les multiples « vertus » du microcrédit et à en faire un outil privilégié de la « lutte contre la pauvreté » (Guérin, 2002 b). Au niveau régional, ces images sont ensuite démultipliées et se renvoientles unes aux autres pour s’autojustifier.Deux autres aspects illustrent la contribution de la microfinance au mou-vement de mondialisation : tout d’abord, sa forte intégration aux mytheséconomistes néolibéraux, qui sont une armature idéologique forte de lamondialisation ; ensuite, son fonctionnement comme mode de subsidia-rité de l’action publique, caractéristique du nouveau visage de l’Etat quin’est plus l’Etat réduit au tout ou rien de l’Etat gendarme ou de l’Etat inter-ventionniste, mais l’Etat qui « fait faire ».

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Une forte intégration aux mythes néolibérauxQu’entendons-nous ici par mythe ? Le propre d’un mythe n’est pas d’êtrepensé comme une croyance, car dans ce cas il cesse de fonctionner commemythe ; au contraire, le mythe est un mode d’organisation des représenta-tions du réel. C’est un cadre mental permettant d’agir efficacement dansune société donnée à un moment donné. En cela, par cette action pratique,le mythe, bien qu’imaginaire, est une part de la réalité idéalisée.Le premier élément du mythe qui supporte la mondialisation est l’idéemême de marché. Nous n’analyserons pas ici les ingrédients mythiques dumarché, en particulier ceux qui résultent de l’opposition générique entrerelations contractuelles et relations de clientèle (Servet, 2003 a). Notonssimplement que, du fait de l’effondrement du bloc soviétique, du fait del’ouverture commerciale de la Chine, du fait de la pénétration des régionsles plus reculées de la planète devenues des espaces touristiques, maisaussi en raison du développement encore faible quantitativement des alter-natives dites d’économie solidaire, la mondialisation se trouve aujourd’huisans utopie concurrente suffisamment forte pour contester le marché entant que croyance universelle et principe organisateur. La microfinance s’estdéveloppée précisément dans ce contexte de la « libéralisation des marchés »et des plans d’ajustement structurel, comme un élément de lutte contre lasituation présumée de « répression financière » née des entraves à la concur-rence. La microfinance serait elle-même un élément concurrentiel essen-tiel. Ce serait ainsi, selon l’expression d’un des plus hauts responsables dela Banque mondiale, la « vibration du marché » offerte aux plus pauvres.Une large fraction de la littérature sur le rôle du taux d’intérêt (commerévélateur du « prix de marché ») et sur la répression du secteur financieret sa libération grâce aux opérateurs de microfinance participe de cettecroyance dans les capacités qu’aurait le « marché » à répondre aux besoinsde financement des populations, y compris celles dites les plus pauvres.Un deuxième élément du mythe économiste est la séparation de l’écono-mique et du social. Si le marché est réalité, l’économie devient le savoirou la croyance permettant de produire les outils nécessaires à sa compré-hension. C’est cette coupure entre l’économique et le social qui expliquecette abondante littérature ayant pour objet essentiel la pérennité et la via-bilité des systèmes financiers décentralisés. Ces questions sont abordéesd’un point de vue strictement économique et financier, alors que lesquestions de définition et de mesure de leur impact sont beaucoup plusrares. On constate également que la plupart des textes adoptent une approchestrictement financière des taux de remboursement, alors que les réflexionsanthropologiques sur les mécanismes sociaux de la dette, qui éclairent lesobligations ou non au remboursement, sont exceptionnelles. Ce primat del’économique comme déterminant des systèmes sociaux explique large-ment la croyance selon laquelle la lutte contre la pauvreté est susceptiblede venir à bout des inégalités, et la microfinance est à ce titre largementenrôlée dans l’objectif onusien de diminuer la pauvreté de moitié à l’échellemondiale à l’horizon de 2015. L’approche de la microfinance à travers

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le prisme du mythe économiste donne aussi à voir une négation des conflitsd’intérêt et des conflits sociaux : le marché serait ce qui « pacifie », alors quediverses monographies de terrain montrent à quel point la microfinanceest capable de révéler, mais aussi de renforcer, voire de susciter des tensionssociales (1).Les arguments développés par les Campagnes du microcrédit (2) ne peu-vent être plus explicites : depuis le départ, le microcrédit y est bel et bienprésenté comme un outil au service de la loi de l’offre et de la demande,et de surcroît un outil strictement économique (3). En responsabilisant lespauvres et en leur donnant les moyens de prendre des initiatives tout ense contentant d’un Etat minimal, le microcrédit est supposé remplir l’en-semble des conditions favorables à l’épanouissement du libre jeu des mar-chés. Le fonctionnement même des sommets est un autre aspect de cettedimension néolibérale du microcrédit : ces réunions s’apparentent à unvéritable « marché » de subventions, où se confrontent offreurs (bailleursde fonds) et demandeurs (organisations de microfinance). Depuis 1997,date de lancement du premier sommet, les efforts de la campagne ont étéen large partie consacrés à démontrer la validité de ce raisonnement: s’adres-ser aux plus pauvres, et plus particulièrement aux femmes au travers d’unpetit crédit, tout en visant l’autonomie financière des organisations quidélivrent ces services, est non seulement réaliste, mais plus encore légitimeet nécessaire. Aujourd’hui, alors que le paysage de la microfinance s’est pro-fondément transformé (faillites de certaines grandes organisations, concur-rence accrue, études d’impact mettant en évidence des résultats positifs,mais aussi négatifs), même si le discours s’est quelque peu modifié, tenantcompte notamment du caractère évolutif, diversifié et complexe du champde la microfinance, par opposition au discours souvent simpliste des pre-mières années, le raisonnement de fond reste sensiblement identique. Accé-lérer le rythme de croissance de l’offre de microcrédit est le maître mot desdernières campagnes, non pas nécessairement en créant de nouvelles orga-nisations, mais en permettant aux organisations existantes d’atteindreune masse critique de clients (l’idée d’une dizaine d’organisations capablesde toucher 500 000 clients est évoquée (4)). Comment y parvenir ? Seull’accès aux marchés financiers peut permettre un tel développement. End’autres mots, si l’on souhaite qu’un plus grand nombre de pauvres accè-dent aux services financiers, il faut également que les organismes de micro-finance eux-mêmes puissent accéder au marché financier. Les organisationsde microfinance doivent donc confirmer leur capacité à être rentables, celaafin d’attirer des capitaux privés. Elaborer un « nouveau paradigme finan-cier », pour reprendre l’expression de David Gibbons, directeur généralde Cashpor (5) et l’une des têtes pensantes de la campagne depuis son démar-rage, doit être une priorité. La solution, purement technique, serait fina-lement assez simple. Afin de maximiser la capacité de la microfinance àmobiliser des fonds privés auprès de banques commerciales ou semi-commerciales, l’auteur plaide en faveur des mesures suivantes : démontrerla rentabilité des opérations, ce qui suppose de faire preuve de transparence,

(1) Diverses études de cas sont don-nées dans l’ouvrage collectif deGuérin et Palier (2005) portant prin-cipalement sur l’Inde.(2) La « campagne » du Sommet dumicrocrédit s’est donné pour objec-tif d’aider, « d’ici à 2005, 100 mil-lions de familles parmi les pluspauvres du monde, notamment lesfemmes de ces familles, en leuraccordant des crédits leur permet-tant d’exercer une activité indé-pendante et en leur offrant d’autresservices financiers et d’aide audéveloppement d’entreprise ». Pourcela, elle s’appuie sur des « assem-blées » chargées de mettre enœuvre les objectifs fixés et regrou-pant l’ensemble des catégoriesd’acteurs (ONG, bailleurs, etc.) sus-ceptibles d’être impliqués via des« plans d’action institutionnels »que les acteurs s’engagent à res-pecter.(3) Pour une analyse plus détailléedu discours des promoteurs de lacampagne du microcrédit, nous ren-voyons le lecteur à Guérin (2002 b).

(4) Certes, ces chiffres ne sont pascomplètement absurdes lorsquel’on observe les données actuelles;d’après les statistiques de la cam-pagne, sur les 2186 organisationsde microfinance qui ont souscrit unplan d’action, 5 d’entre elles (soit0,02 %) regroupent 31,6 % du totalde la clientèle ; 1583 (72 %) ne cou-vrent que 3,1 % du marché (Micro-credit Summit Campaign, 2002,p. 11).(5) Cashpor est une très grosseorganisation de microfinance, quis’appuie sur un modèle qui lui estspécifique et qui est implanté surl’ensemble de la planète.

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mais aussi imaginer des indicateurs financiers plus adaptés aux réalités dela microfinance. L’argument « gagnant-gagnant », selon lequel la recherchede pérennité financière profiterait autant aux clients qu’aux organisationsde microfinance (6), n’aura probablement jamais été autant d’actualité.Ce discours est désormais adopté par l’ensemble des organisations interna-tionales. Alors que l’année 2005 avait déjà été déclarée « Année du micro-crédit » par les Nations unies, les pays membres du G8 viennent de réaffirmerl’importance cruciale de la microfinance comme outil de développement.Le plan d’action 2004 du G8, adopté à Sea Island en juin 2004, s’intitule« Utiliser les potentialités du secteur privé pour réduire la pauvreté ». Renforcerle secteur privé est donc une priorité, et le développement des marchés finan-ciers et de la microfinance en constitue le cœur. « Faciliter les transferts d’argentdes travailleurs migrants en direction de leur pays d’origine », « favoriser l’accèsà la microfinance partout dans le monde », « aider les pays les plus pauvres àdévelopper des marchés locaux d’épargne et de crédit » et, enfin, « aider ces paysà adopter des réformes qui créent un environnement favorable aux entrepre-neurs et aux investisseurs locaux » sont les quatre principales stratégies annon-cées. Le plan d’action mentionne également qu’« une microfinance pérennereprésente une composante clef dans le renforcement des marchés financiers despays les plus pauvres » et le document prévoit qu’« avec le soutien du Groupeconsultatif d’assistance aux pauvres (CGAP) basé à la Banque mondiale, lespays du G8 s’attacheront à lancer une initiative mondiale de microfinancefaisant appel aux mécanismes de marché » (7).Ce dernier point fait écho à des processus déjà amplement engagés. Deuxpublications récentes, l’une du Fonds monétaire international (Littlefieldand Rosenberg, 2004), l’autre de la Banque asiatique de développement(Nimal, 2004), plaident également pour une intégration complète de lamicrofinance aux systèmes financiers formels. En 1992, la transforma-tion de l’ONG Fundación para la promoción y el desarrollo de la microem-presa en institution financière (Bancosol) en Bolivie amorçait le processusd’intégration entre microfinance et système financier formel. Depuis, ladémarcation entre le microfinancement et le secteur financier formel necesse de s’estomper. Selon le rapport réalisé pour le Fonds monétaire inter-national, les organisations de microfinance sont de plus en plus nombreusesà laisser jouer les forces du marché en s’appuyant sur les techniques et lesrègles de la finance commerciale. Elles investissent dans des systèmes degestion et d’information plus perfectionnés, appliquent les normescomptables internationales, confient la vérification annuelle de leurs comptesà des cabinets d’audit traditionnels et se soumettent à l’évaluation d’agencesde notation commerciales (Littlefield et Rosenberg, 2004). Les nouvellestechnologies réduisent les coûts et les risques, rendant ainsi plus rentablela prestation de services à la clientèle supposée pauvre. Le succès com-mercial de certaines organisations de microfinance a commencé à attirerde nouveaux opérateurs du secteur traditionnel. L’information financière,les évaluations et les audits sont aujourd’hui meilleurs et plus aisés à comparer,et des investisseurs nationaux et internationaux font des placements dans

(6) Sur ce point, voir Morduch(1999).

( 7 ) L e t e x t e c o m p l e t e s t d i s p o n i b l e s u r l e s i t e :www.g8usa.gov/d_060904a.htm.

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ce secteur. Ainsi en juillet 2004, la Fondation Grameen USA (GF-USA)a annoncé le lancement de la première obligation significative en microfi-nance émise par le marché des capitaux américains. Cette opération, d’unevaleur de 40 millions de dollars américains, est considérée comme la plusimportante jamais réalisée dans le monde de la microfinance (8).

La microfinance comme forme de subsidiarité de l’action publiqueUn autre élément peut être retenu comme symptôme de la contributionde la microfinance au mouvement de mondialisation : le fait que la micro-finance apparaisse comme une forme de subsidiarité de l’action publique.Le dépassement des frontières nationales sous l’impulsion de la mondiali-sation induit une redéfinition du rôle des Etats nationaux. La subsidiaritése fait par le haut (les organisations dites internationales) et par le bas (lescollectivités régionales et locales), mais aussi par un transfert via les mou-vements de type associatif. A la place d’un développement directementimpulsé par les gouvernements des Etats-nations, dans la logique de ce quel’on a appelé l’interventionnisme keynésien, se diffuse la croyance selonlaquelle l’intérêt privé est à même de répondre aux besoins collectifs de lasociété. Les organisations dites non gouvernementales, et leur poids dansla diffusion des dispositifs de microfinance est considérable, sont dès lorsun vecteur essentiel de cette pseudo-privatisation des actions publiques.Le financement de la microfinance illustre parfaitement ce processus depseudo-privatisation. En dépit de tous les discours relatifs à l’autonomiefinancière des organisations de microfinance, et même si la société civileest à l’origine de l’émergence du mouvement à travers des groupes de mili-tants de filiations diverses, l’intervention des autorités publiques est irré-futable dans le développement des initiatives, dans leurs formes et dansleur ampleur. Plus des trois quarts des ressources de la microfinance pro-viennent de fonds publics. Citons pour appuyer nos propos quelquesexemples, empruntés au Nord comme au Sud. Les programmes publicsd’aide à la création d’entreprise – que l’on trouve aujourd’hui dans la plu-part des pays du Nord comme composantes désormais incontournablesdes politiques publiques dites d’activation des dépenses passives (9) –s’appuient aujourd’hui quasi systématiquement sur des organisations éma-nant de la société civile, capables d’établir des relations de proximitéavec les créateurs. Ainsi en Irlande, la complémentarité entre les pro-grammes nationaux (« Back to Work Allowance » et « Area Allowance »)et les organismes de proximité, notamment les area based partnership com-panies, est très forte et explique en partie le succès de ce programme(Crowley, 2000 ; Crowley et Baiton, 2000). En France, les politiquespubliques d’aide à la création d’entreprise par les chômeurs ont fortementévolué au cours des dernières années en ce sens : alors que la prime Accre (10)

était gérée de manière centralisée, par des services publics peu sensibilisésà la problématique de la création d’entreprise, l’octroi et le suivi de la primeEden (11) sont désormais délégués à des organismes spécialisés, tant dansle domaine de la microfinance que dans celui de l’accompagnement

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(8) Cette obligation qui financerales IMF dans neuf pays en déve-loppement est garantie parl’Overseas Private InvestmentCorporation (OPIC).

(9) La France est probablementpionnière dans ce domaine, en ins-taurant, en 1977, l’aide aux chô-meurs créateurs ou repreneursd’entreprise (Accre), réservéed’abord aux cadres, puis étendueprogressivement à toutes les caté-gories de chômeurs. Le Royaume-Uni suit en 1983, avec l’EnterpriseAllowance Scheme (EAS), remplacéensuite par le Business Start-UpScheme. A l’heure actuelle, la plu-part des pays européens disposentde politiques de ce type, plus oumoins généreuses. Pour plus dedétails, voir Balkenhol (2001) etGuérin (2002 a).(10) Aide aux chômeurs créateursou repreneurs d’entreprise.(11) Encouragement pour le déve-loppement d’entreprises nouvelles.

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à l’entrepreneuriat (Centre Walras, 2000 ; Guérin et Ferraton, 2002 ;Ferraton et Vallat, 2003) (12).Dans la même optique, la pertinence des fonds de prêt entièrement publics– pratique relativement répandue au cours des décennies 70 et 80,consistant à octroyer des prêts à conditions avantageuses – est de plus enplus remise en question : inefficacité du point de vue du dynamisme éco-nomique local (concurrence déloyale à l’égard d’entreprises existantes),faible pérennité financière et, enfin, inefficacité vis-à-vis des emprunteurs(difficulté à s’adresser à ceux qui en ont réellement besoin, aucun appren-tissage de la relation bancaire) sont autant de facteurs de dysfonctionne-ment (Balkenhol et Guérin, 2003). On s’oriente donc de plus en plus surdes fonds hybrides, mêlant ressources publiques et privées. L’intérêt de l’im-plication publique réside dans l’effet de levier qu’elle est susceptible de sus-citer, en incitant d’autres partenaires à s’associer : l’Etat abonde le fonds àcondition qu’une somme équivalente soit mobilisée auprès d’autres acteurslocaux (13). Par ailleurs, le fait d’associer différents partenaires autorise géné-ralement un meilleur arbitrage, même minimal, entre mission d’intérêtgénéral et impératif de rentabilité financière. Le fonctionnement partena-rial offre des garanties, tant financières que politiques, que l’Etat ne peutoffrir à lui seul (Lévesque et Mendell, 2000, p. 136). Lorsque les organismesde microfinance ont le statut de société financière, le soutien public peutégalement prendre la forme d’une prise de participation. Bon nombre de sociétés financières spécialisées dans la microfinance ou le financementde l’économie sociale et solidaire n’auraient pu voir le jour sans une parti-cipation publique. En France, c’est le cas de la Caisse solidaire du Nord-Pas-de-Calais (1997) et de la Caisse solidaire de Besançon (2022) : dans lesdeux cas, une large part du capital initial provient de fonds publics (un tierspour la première). Outre-Atlantique, l’interventionnisme public se mani-feste en premier lieu par des incitations fiscales. Aux Etats-Unis, les fon-dations, en particulier la Fondation Ford et la Fondation Charles StewartMott, ont largement facilité l’émergence de la microfinance (14). Or indé-pendamment d’une quelconque spécificité américaine en matière de phi-lanthropie, les incitations fiscales expliquent pour beaucoup l’importancedes dons caritatifs (Abélès, 2001). Au Québec, les incitations fiscales enmatière d’épargne-retraite ont grandement contribué à la constitution duFonds de solidarité, puis de fonds locaux de microfinance, notammentles Solides. L’intérêt de ce type de mesure réside dans le « partage collectifdes risques » qui en résulte. Elle illustre parfaitement la manière dont legouvernement québécois a choisi de s’impliquer dans le domaine de lamicrofinance au cours des deux dernières décennies : miser sur la décen-tralisation, la subsidiarité et le partenariat (Lévesque et Mendell, 2000,p. 136) (15).Dans les pays du Sud, on retrouve également le rôle décisif des finance-ments publics dans l’apparition puis le renforcement de la microfinance,de manière plus ou moins directe et plus ou moins centralisée en fonc-tion du degré et de la nature de l’interventionnisme public en vigueur

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(12) En 2000, on recensait en Franceprès de quatre cents structures definancement de proximité (Bothorelet Rollinde, 2000).(13) Citons à titre d’exemple les com-munity development financial ins-titutions (CFDI) aux Etats-Unis, lesSolides au Québec, les communityloan funds au Royaume-Uni ouencore les plates-formes d’initiativelocale en France. Pour plus dedétails, voir Guérin (2002 a).(14) Le rôle des fondations a surtoutété manifeste lors du démarrage dela microfinance sous forme de sub-ventions, à la fois à des opérateursdirects (qui offrent des servicesdirectement aux créateurs de micro-entreprises) et à des organisationsd’aide, sous forme de soutien à lamise en place de formation des opé-rateurs, au développement descapacités organisationnelles desorganismes et à la mise au point deméthodes d’évaluation, ou encoresous forme de lobbying auprès despouvoirs publics. Les deux fonda-tions les plus impliquées sont laFord Foundation (son soutien à lamicrofinance s’élève à 49,8 millionsde dollars entre 1983 et 1999) et laCharles Stewart Mott Foundation(20,9 millions de dollars entre 1986et 1999) [Else et Gallagher, 2000,p. 10]. On assiste aujourd’hui à uncertain désengagement des fonda-tions (certaines se sont déjà retirées,d’autres l’envisagent): elles estimentque les organismes ont fait preuvede leur mission d’intérêt général etque c’est désormais à l’Etat deprendre le relais. L’avenir de lamicrofinance repose donc étroite-ment sur l’implication des autoritéspubliques (Servon, 2000, pp. 39-41).(15) Notons que ce type indirect d’in-terventionnisme public est beau-coup moins développé en Europe.Citons néanmoins deux exceptionsrécentes. Le programme néerlandais« Tante Agathe » propose depuis1996 différents aménagements fis-caux pour les particuliers désirantinvestir en capital dans de nouvellesentreprises (Brander et alii, 2000). EnFrance, sous la pression du collec-tif Finansol, des efforts récents ontété faits, avec tout d’abord la recon-naissance de la notion d’entreprisesolidaire dans la loi sur l’épargnesalariale (article 19 de la loi du19 février 2001), puis la mise en placed’une déduction fiscale de 25 % desparticipations prises par les contri-buables dans des entreprises soli-daires (loi de finances 2002). Pourune description du rôle de lobbyingde Finansol dans l’obtention de cettemesure, voir Rouillé d’Orfeuil (2002).

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aux échelles nationales. Au Bangladesh, même si la Grameen Bank est àl’heure actuelle un établissement financier à part entière reconnu par laBanque centrale, il faut bien reconnaître le rôle décisif des subventions dela Banque mondiale dans la croissance et l’évolution de l’organisation, nonseulement au départ, mais encore aujourd’hui à travers le soutien régulierà divers programmes permettant à la Grameen de continuer à innover età élargir sa clientèle. L’organisation BRAC, certes moins médiatisée quela Grameen, mais probablement tout aussi efficace, est quant à elle uneorganisation parapublique. Au Vietnam, où le socialisme de marché restela ligne directrice de l’interventionnisme public, l’essor de la microfinancea emprunté deux voies principales : les coopératives publiques de crédit,qui assurent l’essentiel de l’offre, et quelques grands programmes dedéveloppement dits intégrés, promus par des organisations internationalestype Unifem ou Unicef. En Inde, et en dépit des politiques de libéralisa-tion en vigueur depuis le début des années 90, l’extension relativementrécente de la microfinance (que l’on peut dater du milieu de la décennie 90)est essentiellement le fruit d’un interventionnisme public massif, basé surune politique incitative destinée en premier lieu aux établissements ban-caires et visant à développer non pas des organisations autonomes de micro-finance, mais un modèle partenarial banques-ONG-groupes locauxd’emprunteurs. En Amérique latine, où le processus de privatisation desorganisations de microfinance est probablement le plus abouti de la pla-nète (CGAP, 2003), il ne s’agit que d’une « pseudo-privatisation »: à l’heureactuelle, les actionnaires sont encore principalement des ONG et des auto-rités publiques (Drake et Rhyne, 2002). Ce phénomène d’hybridation desressources illustre bel et bien le fait que la recherche de rentabilité et deprofit ne s’oppose pas nécessairement à celle de l’intérêt collectif ou général.On pourrait multiplier les exemples de ce type. Retenons simplement que,quels que soient les contextes, et bien au-delà des discours sur la préten-due viabilité des institutions de microfinance, ce sont directement ou indi-rectement les Etats qui les subventionnent. Ces trois facettes de lamicrofinance (la microfinance comme mouvement planétaire, commeexpression des mythes économistes néolibéraux et comme forme de sub-sidiarité de l’action publique) se forgent puis se retransmettent en très largepartie par le biais de manuels, d’outils et de sessions de formation dont lecontenu est entièrement standardisé. Elaborées par un nombre très limitéd’institutions et de groupes de pression institués (16) qui détiennent, par leurcapacité à mobiliser un très grand nombre d’acteurs et de bailleurs de fonds,une certaine forme de « monopole » du savoir, ces informations et ces tech-niques sont ensuite diffusées sur l’ensemble de la planète. Le recours à desméthodes de formation à distance ainsi qu’à des systèmes de formationen « cascade » (les stagiaires sont supposés former à leur tour leur proprepersonnel, lui-même supposé former d’autres personnes, etc.) augmenteconsidérablement la vitesse et l’étendue de cette diffusion. Si bien que lapetite commerçante sahélienne se voit offrir exactement le même servicefinancier que la paysanne himalayenne. Cette uniformisation ne concerne

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(16) Nous faisons référence notam-ment à l’USAID (coopération amé-ricaine), à travers son programmede recherche AIMS, au CGAP(Multi-donor Consultative Group toAssist the Poor).

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pas seulement le discours véhiculé en direction des praticiens ; elle concerneégalement les arguments employés pour séduire les bailleurs de fonds. LaCampagne du microcrédit, dont l’objectif explicite est de convaincre lacommunauté internationale de donateurs de la pertinence de l’outil, joueici un rôle décisif, à la fois dans l’inscription de la microfinance dans lemythe néolibéral (toute organisation de microfinance à la recherche definancement, quelle qu’elle soit, est obligée se s’y référer) et dans le carac-tère autojustifié de ce mythe.La propagation de la microfinance à l’échelle mondiale fait qu’il est simul-tanément possible de rencontrer des modèles similaires aux quatre coinsdu monde. Toutefois, sa diffusion étant relayée de plus en plus par desinstances nationales de régulation, on observe la prévalence de tel modèleplutôt que tel autre à une échelle nationale. Cet encouragement des autoritéspubliques permet d’expliquer pourquoi prédominent dans deux Etatsvoisins, le Bangladesh et l’Union indienne, des modèles différents de micro-finance, ici le modèle « Grameen », basé sur la caution solidaire de petitsgroupes d’emprunteurs, là les self help groups. Cela explique pourquoi lesmodèles latino-américains prédominants sont différents des programmesouest-africains.

lL’ancrage local de la microfinance

Une lecture attentive des pratiques de microfinance montre que, parce quenous sommes dans l’univers de liens financiers, le mythe économiste de laséparation de l’économique et du social et son corrélat qu’est la logiquede l’intérêt individuel ne permettent ni de comprendre ni de faire fonctionnerdurablement un dispositif financier. L’idéologie économiste centrale de lamondialisation se trouve dès lors battue en brèche pour qui veut observerattentivement les pratiques financières (et non seulement construire ununivers rationnel à finalité seulement de modèles pédagogiques acadé-miques).Une observation fine des mécanismes de la microfinance montre aussi que,au-delà de fonctions financières sommaires et des réponses à des indica-teurs financiers qui le sont tout autant, les dispositifs, pour réussir, doiventse mouler dans le quotidien des sociétés et de leur culture. Il n’y a donc pasuniformité, mais adaptations incessantes. La microfinance illustre parfai-tement les processus d’hybridation entre « tradition » et « modernité » etla production de « modernités locales » qui en résultent (Appadurai, 1996).Contrairement à ce que croient certains contestataires d’éléments emblé-matiques de la mondialisation comme McDonald ou Coca-Cola, lamondialisation n’est pas un processus univoque et irrésistible conduisantà plus ou moins brève échéance à une uniformisation totale des sociétéshumaines. N’en déplaise aux partisans d’un développement linéaire et uni-voque, le « vrai » développement, celui qui se vit sur le terrain, résulte d’unemultitude d’actions localisées, qui ne sont pas nécessairement anticipées

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ni savamment calculées, mais qui sont le fruit du doute, de l’incertitude etdes volonté et capacité d’adaptation des populations concernées et de débatscitoyens sur les choix nécessaires (Hirschman, 1964). Quelle que soit laforce des discours dominants et des systèmes de représentation qui leursont liés, ceux-ci subissent nécessairement un processus d’appropriation,éventuellement de détournement, par les populations locales : le caractèrenécessairement « endogène » de tout projet de développement – nousreprenons ici l’expression d’Albert O. Hirschman (1964) – explique ainsien partie la diversité des formes locales de la microfinance. La spécificitédes contextes socioéconomiques et politiques locaux explique l’adoptionde tel ou tel modèle organisationnel et institutionnel et plus encore l’adap-tation des modèles. Se mettent ainsi en place de véritables « trajectoires »nationales, voire régionales – en témoigne par exemple la diversité desscénarios européens en matière de microfinance (Guérin, 2002 a). Cestrajectoires donnent parfois lieu à de véritables effets d’irréversibilité ; onpeut citer ici à titre d’illustration l’opposition entre les modèles indien etbangladais (Palier, 2004 ; Servet, 2003 b).Les échanges qui caractérisent la mondialisation donnent aussi les moyensd’un enrichissement mutuel des différences par emprunts croisés. Les dis-positifs connaissent au-delà de principes sommaires de fonctionnementdes spécificités nationales plus ou moins fortes. C’est par ces empruntsmêmes que se reconstruisent des différences. En matière de microfinance,au-delà de principes généraux de fonctionnement d’un nombre limité demodèles, chaque système révèle des particularités fortes qui conditionnentl’efficacité des dispositifs, que ce soit en matière de mobilisation d’épargne (17)

ou d’octroi de crédit (18). De multiples recherches, au Nord comme au Sud,ont bien montré à quel point la proximité, qu’elle soit d’ordre spatial,culturel, social ou encore cognitif, assure la légitimité, mais aussi l’effica-cité des organisations de microfinance (19). Le fait qu’il s’agisse de financerenforce le primat du local : plus que tout autre type de projet de déve-loppement, l’offre de services microfinanciers suppose la création de rela-tions de confiance, seules à même de lutter contre le risque inhérent à touterelation financière.Nous avons affirmé les changements des formes d’interventions publiquespar l’activation de principes de subsidiarité, tant pour ce qui est de l’im-plication des mouvements associatifs que par des collectivités locales. Lamicrofinance participe largement à ce mouvement à travers les organisa-tions dites non gouvernementales ou organisations de la société civile. Cesformes d’actions publiques nouvelles sont les conditions mêmes d’un déve-loppement localisé, qui mobilise le plus possible des acteurs locaux et desénergies inexploitées. Au Nord, les actions territoriales de microfinanceproduisent des externalités positives diverses : elles contribuent à la fois aurenouvellement du tissu économique et social du territoire et à la trans-formation de l’économie locale par leur action de « démocratisation » dudroit entrepreneurial (Guérin, 2002 a ; Richez-Battesti et Gianfaldoni,2003). Au Sud, diverses études menées à une échelle méso-économique (20)

(17) Pour une diversité des formeseuropéennes de mobilisationd’épargne solidaire, voir Taupin-Lucas (2002). Pour une diversité desformes régionales de mobilisa-tion d’épargne solidaire en France,voir le rapport Tygat (2001), réaliséà la demande du secrétariat d’Etatà l’Economie solidaire.(18) Pour une présentation de ladiversité des scénarios européensen matière d’offre de microcrédit,voir Guérin (2002), Guérin et Ser-vet (édit.) (2002), et plus particuliè-rement Evers (2002 a) pourl’Allemagne, Sullivan (2002) pourl’Irlande et enfin Reifner (2002) pourla diversité des cadres réglemen-taires à l’échelle européenne.(19) Pour la microfinance au Sud,voir en particulier Gentil et Four-nier (1993), Guérin (2000 b), Servet(1996), ainsi que les divers rapports« Exclusion et liens financiers »du Centre Walras. Pour la microfi-nance au Nord, voir pour uneapproche comparative Balkenholet Guérin (2002), Eficéa et Inaise(1997), ILO (2000), Lebossé (1998),New Economic Foundation et alii,(2001). Pour une analyse par pays,voir les divers rapports réaliséspour le Bureau international du tra-vail et mentionnés en bibliographie.Voir également French (2000) pourle contexte britannique. Pour uneanalyse spécifiquement française,voir Guérin et Ferraton (2002), Gué-rin et Vallat (1999, 2000 a, 2000 b),Vallat (1999). Pour une analyse plusfine à l’échelle régionale, voirRichez-Battesti et Gianfaldoni (2003)pour la région Paca ; voir Ferratonet Vallat (2003) pour la régionRhône-Alpes.(20) Voir notamment Doligez (2002)pour une analyse portant sur lescontinents africain et sud-américainet la partie 3 de Guérin et Palier(2004) pour diverses études de casasiatiques.

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confirment la capacité de la microfinance à produire de « l’utilité sociale »,au sens défini par Jean Gadrey (2005) (21). Par ailleurs, la microfinance peutcontribuer à la mise en place d’une démocratie à la base et être capable detranscender des oppositions notamment d’âge, de genre ou de caste. Dansles pays dits en développement, les carences de l’intervention publique sontsi fortes en matière de production de services collectifs non rentablespour les entreprises à but lucratif que ces initiatives collectives sont engénéral favorablement accueillies et soutenues aujourd’hui par les pouvoirspublics locaux, nationaux et fédéraux, et bien évidemment dans le cadredes coopérations bilatérales et multilatérales, avec une ampleur sansdoute encore inégalée au Nord. On peut observer de très nombreuses actionsen matière de soins et de protection sanitaire, d’éducation, d’accueil dehandicapés, d’orphelins ou de réfugiés, de fourniture d’eau, de construc-tion de latrines, de ramassage d’ordures transformées en compost, etc., quipeuvent être comprises comme des formes d’économie solidaire activantles mêmes ressorts des intérêts privés et collectifs. La microfinance n’a pasd’originalité en ce domaine et certaines de ses formes sont, parmi de nom-breuses autres initiatives, un élément constitutif de cette nouvelle formede l’économie sociale.Les renouvellements récents des théories de la justice sociale, en particulierla théorie des capabilités de Sen (1985), ont mis en évidence la nécessitéd’un couplage entre liberté économique et politique, la seconde étantconsidérée comme essentielle, non pas seulement pour elle-même, maisaussi pour l’expression et la formulation des besoins et des préférences per-sonnelles. Promouvoir une démocratie de type participatif se justifieraitdonc tant pour des raisons d’équité que d’efficacité. La microfinance, dansla mesure où elle s’appuie souvent sur une dynamique collective (groupessolidaires d’emprunteurs, caisses villageoises, etc.) (22), apparaît dès lorscomme une opportunité inespérée d’apprentissage de cette démocratielocale. Certes, l’instrumentation de la microfinance par les autorités publiques(y compris sous forme décentralisée ou supranationale) est un risque per-manent. Certes, les groupes d’emprunteurs, à l’instar de toute formed’action collective, sont sujets à de multiples formes de dérives et il n’estpas question de tomber dans une vision romantique et naïve du dévelop-pement « par le bas » (23). Toutefois, dès lors que l’on tient compte de la fai-blesse des pratiques démocratiques de bon nombre de pays du Sud et dupoids d’un certain nombre d’institutions dites « traditionnelles », commenous y invitent Jean Drèze et Amartya Sen (2002), on est nécessairementamené à être moins ambitieux quant aux « vertus » attendues de la sociétécivile et de la démocratie locale, tout en accordant à ce type d’initiativesun rôle encore plus central d’un point de vue normatif. La démocratie par-ticipative et locale ne saurait être un processus linéaire et sans embûche,qu’il suffirait de proclamer pour le voir mis en œuvre. La démocratie comme pratique réelle (à distinguer de la démocratie comme institutionet comme droit formel) est nécessairement le fruit d’un apprentissage parl’action, une succession d’avancées et de reculs et suppose la création

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(21) L’auteur donne cinq compo-santes possibles de l’utilité sociale:utilité sociale à composante éco-nomique ; développement humainet développement durable ; liensocial de proximité et démocratieparticipative ; innovation sociale etsolidaire ; enfin, utilité sociale« interne », issue de formes de gou-vernance originales. On retrouveces cinq composantes dans lesétudes mentionnées en note 20.

(22) D’après les statistiques de l’Ifpri(probablement la base de donnéesla plus fiable à ce jour), environ50 % des dispositifs de micro-finance à l’échelle de la planètereposent sur une approche collec-tive (Lapenu et Zeller, 2001).

(23) De multiples exemples dedérives sont donnés dans Guérinet Palier (2005). Voir égalementHoffman et Marius-Gnanou (2003).

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progressive d’une « culture de la participation » (Drèze et Sen, 2002).Compte tenu de l’ineffectivité actuelle des pratiques démocratiques dansbon nombre de pays du Sud, toute tentative – même imparfaite ou sujetteà récupération – visant à lutter contre les inégalités de participationdémocratique et à promouvoir la responsabilité et la transparence publiquesdoit être considérée comme une opportunité. La microfinance, de touteévidence, en fait partie (24).

lPour conclure

L’analyse de la microfinance apporte un regard neuf sur les processus dedéveloppement ainsi que sur les nouvelles formes d’intervention publique.Alors que le local et le global sont souvent pensés en opposition, l’analysede la microfinance montre avec quelle intensité le local et le global sont lefruit d’une coproduction et d’une dialectique permanente faite d’hybri-dation, de métissage et d’emprunts croisés. La microfinance mobilise desfonds par des mécanismes qui échappent à la logique du strict intérêt indi-viduel, auquel certains penseurs assimilent le marché, et qui impliquentla solidarité à une échelle tant de proximités locales que de réseaux inter-nationaux. La montée même de préoccupations éthiques dans les pays ditsdéveloppés est susceptible de lui apporter des ressources et des soutiensnouveaux. Les processus de globalisation ont rendu et rendent aujourd’huipossibles ces solidarités propices à l’apport de ressources additionnelles pourun essor des capacités des personnes à maîtriser, de façon en partie auto-nome, leurs destins individuels et collectifs.Pour comprendre la diversité de la microfinance, il semble égalementvain d’opposer l’Etat (à travers ses multiples composantes, y compris l’actiondécentralisée), le marché, spécialement les établissements bancaires, etl’action associative, entendue ici au sens large d’une action collective n’ayantpas pour ressort le profit individuel. Du point de vue historique, lestrajectoires et la construction de ces trois entités sont indissociables (25).On observe tout d’abord que la configuration de l’offre bancaire et finan-cière ainsi que les formes et degrés d’exclusion financière qui en résultentsont largement issus des législations et des réglementations en vigueuraux échelles nationales ou fédérales. On observe ensuite que l’histoire dela microfinance est le fruit d’une dialectique permanente entre l’actionpublique et l’action associative. Qu’il s’agisse de la lutte contre l’exclusionsociale et le chômage ou du soutien à la création de micro-entreprises, onobserve également que les politiques publiques n’atteignent leurs objec-tifs qu’à la condition d’être mises en œuvre et appropriées par des acteurscapables d’agir dans la proximité et seuls à même de détecter les besoins etde fournir les réponses adaptées. Réciproquement, les initiatives « à la base »ne trouvent les conditions de leur efficacité et de leur pérennité qu’à traversle soutien (financier et institutionnel) des politiques publiques, qui elles-mêmes évoluent sous la pression des initiatives du milieu associatif

(24) La partie 3 de l’ouvrage Gué-rin et Palier (2004) donne diversexemples.

(25) Nous rejoignons ici le cadred’analyse proposé dans une étudecomparative européenne récente,relative aux services sociaux des-tinés aux personnes âgées (Lavilleet Nyssen, édit., 2001).

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de la microfinance. Celui-ci, détectant de nouveaux besoins et les trans-formant en demande sociale, participe au renouvellement des modes del’intervention publique. L’action collective des organismes de microfinance– même si ceux-ci constituent rarement un champ unifié et consensuel,même si l’instrumentation par les autorités publiques ainsi que la concur-rence entre dispositifs limitent leur potentiel de « prise de parole » (26) –est incontestable.La microfinance donne ainsi, au cours des deux dernières décennies duXXe siècle, avec l’expansion de ses services (de prêts, mais aussi d’épargne,de garantie du capital, d’assurance et de transfert de fonds par des migrantsà leur pays d’origine) grâce à plus de 10 000 organisations, qui compte-raient plus de 80 millions de clients ou membres, un exemple à la fois desolidarités et d’interdépendances, qui dépassent les clivages Nord-Sud, etd’un processus d’adaptation aux cultures locales de modèles universelsfortement standardisés. Cette adaptation de modèles standardisés estcaractéristique des formes contemporaines de globalisation impulsées parle néolibéralisme. l

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(26) Sur ce point, voir Richez-Battesti et Gianfaldoni (2003) pourune analyse du scénario français ;voir Guérin et Palier (2004) pourune analyse des pays du Sud, enparticulier l’Inde.

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L’économie sociale entre le local et le global : l’exemple de la microfinance

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