l'appropriation organisationnelle d'un projet intrapreneurial

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L’appropriation organisationnelle d’un projet intrapreneurial spontan ´ e : le r ˆ ole des slackholders Pascale Bueno Merino * Samuel Grandval ebastien Ronteau Communication pr´ esent´ ee aux 3` emes Journ´ ees Georges Doriot « L’Intrapreneuriat : Au-del` a des discours, quelles pratiques ? » 4 et 5 Mars 2010 - Caen - France esum´ e Dans ce papier, nous insistons sur l’importance du slack organisationnel dans l’´ emergence de pro- cessus intrapreneuriaux spontan´ es, c’est-` a-dire r´ esultant d’initiatives individuelles de la part d’em- ploy´ es. Nous concentrons notre attention sur le rˆ ole des acteurs d´ etenteurs d’un pouvoir sur l’uti- lisation des ressources et des comp´ etences en exc´ edent dans l’organisation. Ces acteurs, pr´ esents`a diff´ erents niveaux hi´ erarchiques de l’entreprise, vont faciliter l’appropriation organisationnelle du nou- veau projet intrapreneurial. A l’image des concepts de shareholder ou de stakeholder dans l’analyse de la cr´ eation de valeur, nous retiendrons et proposons celui de « slackholder » afin de mettre en exergue les enjeux li´ es ` a l’existence au sein de l’organisation d’une coalition d’acteurs ` a l’origine de la mise en œuvre et de l’appropriation par l’organisation d’un nouveau projet intrapreneurial. Mots Cl´ es : Intrapreneuriat spontan´ e, Slack organisationnel, Slackholder, Appropriation organisation- nelle Introduction L’innovation tient une place importante dans les pr´ eoccupations strat´ egiques des dirigeants. Se- lon une ´ etude du Boston Consulting Group 1 (2007), 66% des dirigeants d’entreprise interrog´ es placent l’innovation parmi leurs trois principales priori- es strat´ egiques et 67% des r´ epondants comptent accroˆ ıtre leurs investissements dans l’innovation. « Une innovation se traduit en nouveaux produits et services, ou en nouveaux mod` eles de penser et d’agir, d’organiser, de g´ erer ses relations et ses modes d’appropriation » (Tabatoni, 2005, p.10). Les chercheurs en Sciences de Gestion se sont in- eress´ es ` a la mani` ere dont les individus et les groupes agissent pour produire des id´ ees nouvelles et les transformer en de nouveaux produits, de nou- veaux processus et de nouvelles formes organisa- tionnelles. Il ressort de ces travaux que les processus qui sous-tendent la production d’innovations sont multiformes et complexes. A ce titre, les enjeux qui incombent aux organisations reposent autant sur l’identification et l’accompagnement d’entrepre- neurs internes que sur leur capacit´ e` a entretenir un slack organisationnel dans un souci de revitalisation de l’entreprise (Penrose, 1959). Dans ce papier, nous insisterons sur l’importance du slack organisationnel dans l’´ emergence de pro- cessus intrapreneuriaux spontan´ es. Nous concentre- rons notre attention sur le rˆ ole des acteurs d´ eten- teurs d’un pouvoir sur l’utilisation des ressources et des comp´ etences en exc´ edent dans l’organisation. Ces acteurs, pr´ esents ` a diff´ erents niveaux hi´ erar- chiques de l’entreprise, vont faciliter l’appropriation organisationnelle d’un nouveau projet intrapreneu- rial, que nous assimilons dans la pr´ esente recherche ` a l’int´ egration progressive du projet dans l’activit´ e courante de l’entreprise. A l’image des concepts de shareholder ou de stakeholder dans l’analyse de la cr´ eation de valeur, nous retiendrons et proposons celui de « slackholder » afin de mettre en exergue les enjeux li´ es ` a l’existence au sein de l’organisa- * ESSCA - [email protected] ESSCA ESSCA 1

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Communication de Sébastien RONTEAU, Pascale BUENO-MERINO et Samuel GRANDVAL aux Journées de Doriot 2010

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Page 1: L'appropriation organisationnelle d'un projet intrapreneurial

L’appropriation organisationnelle d’un projet

intrapreneurial spontane : le role des

slackholders

Pascale Bueno Merino ∗

Samuel Grandval †

Sebastien Ronteau ‡

Communication presentee aux 3emes Journees Georges Doriot« L’Intrapreneuriat : Au-dela des discours, quelles pratiques ? »

4 et 5 Mars 2010 - Caen - France

Resume

Dans ce papier, nous insistons sur l’importance du slack organisationnel dans l’emergence de pro-cessus intrapreneuriaux spontanes, c’est-a-dire resultant d’initiatives individuelles de la part d’em-ployes. Nous concentrons notre attention sur le role des acteurs detenteurs d’un pouvoir sur l’uti-lisation des ressources et des competences en excedent dans l’organisation. Ces acteurs, presents adifferents niveaux hierarchiques de l’entreprise, vont faciliter l’appropriation organisationnelle du nou-veau projet intrapreneurial. A l’image des concepts de shareholder ou de stakeholder dans l’analysede la creation de valeur, nous retiendrons et proposons celui de « slackholder » afin de mettre enexergue les enjeux lies a l’existence au sein de l’organisation d’une coalition d’acteurs a l’origine dela mise en œuvre et de l’appropriation par l’organisation d’un nouveau projet intrapreneurial.

Mots Cles : Intrapreneuriat spontane, Slack organisationnel, Slackholder, Appropriation organisation-nelle

Introduction

L’innovation tient une place importante dansles preoccupations strategiques des dirigeants. Se-lon une etude du Boston Consulting Group1 (2007),66% des dirigeants d’entreprise interroges placentl’innovation parmi leurs trois principales priori-tes strategiques et 67% des repondants comptentaccroıtre leurs investissements dans l’innovation.« Une innovation se traduit en nouveaux produitset services, ou en nouveaux modeles de penser etd’agir, d’organiser, de gerer ses relations et sesmodes d’appropriation » (Tabatoni, 2005, p.10).Les chercheurs en Sciences de Gestion se sont in-teresses a la maniere dont les individus et lesgroupes agissent pour produire des idees nouvelleset les transformer en de nouveaux produits, de nou-veaux processus et de nouvelles formes organisa-tionnelles. Il ressort de ces travaux que les processusqui sous-tendent la production d’innovations sontmultiformes et complexes. A ce titre, les enjeuxqui incombent aux organisations reposent autant

sur l’identification et l’accompagnement d’entrepre-neurs internes que sur leur capacite a entretenir unslack organisationnel dans un souci de revitalisationde l’entreprise (Penrose, 1959).

Dans ce papier, nous insisterons sur l’importancedu slack organisationnel dans l’emergence de pro-cessus intrapreneuriaux spontanes. Nous concentre-rons notre attention sur le role des acteurs deten-teurs d’un pouvoir sur l’utilisation des ressources etdes competences en excedent dans l’organisation.Ces acteurs, presents a differents niveaux hierar-chiques de l’entreprise, vont faciliter l’appropriationorganisationnelle d’un nouveau projet intrapreneu-rial, que nous assimilons dans la presente recherchea l’integration progressive du projet dans l’activitecourante de l’entreprise. A l’image des concepts deshareholder ou de stakeholder dans l’analyse de lacreation de valeur, nous retiendrons et proposonscelui de « slackholder » afin de mettre en exergueles enjeux lies a l’existence au sein de l’organisa-

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tion d’une coalition d’acteurs a l’origine de la miseen œuvre et l’appropriation par l’organisation d’unnouveau projet intrapreneurial.

Cadre theorique

En premier lieu, nous presenterons des ele-ments de definition du processus intrapreneurial. Endeuxieme lieu, nous soulignerons l’importance duconcept de slack organisationnel dans l’emergenced’un tel processus, notamment s’agissant d’initia-tives spontanees de la part d’employes. En troisiemelieu, nous mobiliserons les travaux de Burgelman(1983b) qui ont le merite d’identifier les differentsacteurs a l’œuvre dans le processus intrapreneurial.

L’intrapreneuriat : une pluralite deconcepts et d’approches

Les travaux relevant de l’entrepreneuriat organi-sationnel sont caracterises par un foisonnement determes et de situations qui peuvent conduire a l’in-comprehension de realites dans l’entreprise (Sharmaet Chrisman, 1999). De plus, ils emploient parfoisdes termes identiques pour parler de realites biendifferentes. Comme le rappellent Zahra, Nielsen etal. (1999), la litterature sur le Corporate Entrepre-neurship fait desormais partie integrante de la litte-rature du management strategique. Nourris par lesquestions actuelles de revitalisation des entreprises,les travaux se focalisent sur les manifestations, lesantecedents et sur les effets des activites relevant del’entrepreneuriat d’entreprise.

Aujourd’hui encore, ce courant de l’entrepre-neuriat organisationnel souffre d’une multitude deconcepts qui gravitent autour de faits et actions di-rectement observables. L’examen de la terminolo-gie employee nous montre a quel point les defini-tions ne font pas l’unanimite au sein d’un memecorpus. Toutefois, malgre les divergences, la plu-part des auteurs s’accordent sur la definition pro-posee par Guth et Ginsberg (1990), a savoir que« l’entrepreneuriat d’entreprise peut regrouper a lafois la genese de nouvelles activites dans des acti-vites preexistantes et la transformation, ou la re-naissance, des organisations par un renouvellementdes concepts-cœurs, sur lesquels elles se sont deve-loppees2 » . Neanmoins, cette definition ne permetpas d’apprehender les differentes logiques d’institu-tionnalisation des idees dans l’organisation (Van deVen, 1986). C’est notamment le cas pour la ques-tion de la mise en tension dans l’organisation entreles ambitions et les ressources. Les logiques d’insti-tutionnalisation des idees adoptent des dynamiquesdifferentes selon qu’elles prennent pied dans des en-treprises deja existantes ou qu’elles relevent de l’en-trepreneuriat individuel.

Ainsi, dans un souci de clarte et d’exhaustivite,nous choisissons d’adopter une definition adapteedes travaux de Sharma et Chrisman, a savoir quel’entrepreneuriat organisationnel - ou intrapreneu-riat - s’entend comme « le processus par lequel unindividu ou un groupe d’individus, au sein d’une en-treprise existante ou en association avec elle, creentune nouvelle activite ou innovent pour renouvelertout ou partie d’une activite existante » (adapte deSharma et Chrisman, 1999, p. 17-20). Cette defi-nition a pour avantage d’attraper une diversite desituations dans lesquelles se creent de nouvelles acti-vites ou innovations au sein d’entreprises deja exis-tantes. En effet, on s’apercoit, par la diversite destravaux sous-tendant le corpus, que les auteurs mo-bilisent le concept pour rendre compte de pheno-menes bien differents. Neanmoins, il est possible dedistinguer plusieurs points d’accords representantautant d’enjeux manageriaux. Ces derniers vonts’exprimer notamment a travers le degre d’autono-mie de l’action entrepreneuriale.

Pour des individus ou des groupes d’individus,l’autonomie concerne leur capacite a s’approprier lapoursuite d’une opportunite. Dans un contexte or-ganisationnel, l’autonomie englobe l’ensemble desactions autorisees ou acceptables pour s’extrairede contraintes organisationnelles etouffantes (Dess,Lumpkin et McGee, 1999). L’autonomie, octroyeeet/ou conquise, va varier selon la nature et le degrede formalisation de l’autorisation d’entreprendre(Zahra, 1993). Celle-ci peut etre formelle et in-duite par le sommet strategique qui delivre un man-dat strategique a des unites operationnelles, des in-dividus ou des groupes, pour œuvrer de maniereautonome dans l’organisation (Burgelman, 1983b ;1983a ; 1991). Ou a l’inverse, elle peut etre infor-melle et conquise des lors qu’elle releve d’activi-tes non prescrites, non attendues et non autori-sees, dans lesquelles s’engagent des individus quise fraient un chemin a eux, dans un contexte pe-sant, parfois complice et souvent hostile, parce qu’ilscroient a une opportunite et veulent avancer. Cetteseconde approche a ete popularisee par les travauxde Gifford Pinchot sous la terminologie d’intrapre-neuriat (Pinchot, 1985). Dans sa version la plusinformelle, l’action entrepreneuriale se deroule enl’absence de toutes contraintes de type planifica-tion, controle financier ou meme revue de produits- ce qui est communement appele « developpementen perruque ». Cette question de la formalisationde l’autorisation d’entreprendre fait reference a lanature du soutien par le sommet strategique.

L’autonomie peut egalement resulter du designorganisationnel. Comme le rappelle Olivier Bassoqui reprend des travaux de Burgelman (1984), lelocus de l’action entrepreneuriale decoule de la

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conjonction de deux dimensions que sont l’impor-tance strategique associee a la nouvelle activite etla nature du lien operationnel qui la relie a l’entre-prise mere. Du croisement de ces deux dimensionsdecoulent neuf options organisationnelles pour abri-ter l’entrepreneuriat organisationnel (Basso, 2004,pp.44-47). Le degre d’autonomie de l’action entre-preneuriale, et donc la nature de l’encastrement desactions entrepreneuriales dans des structures pre-existantes, dependent a la fois de la necessite d’unsuivi, du degre d’apprentissage necessaire, de l’al-location specifique de ressources et du traitementdes antagonismes entre departements et/ou groupesd’individus (Stephen, 2000). Les formes de l’entre-preneuriat interne sont multiples : essaimage, start-up interne, unites operationnelles ou structures detype « new venture division », etc. Autant de formesqui dependent a la fois du niveau d’apprentissagenecessaire que de la prise de risque et de la protec-tion contre les « corporate antagonisms ».

Beaucoup de travaux demeurent actuellement fo-calises sur les manifestations de l’intrapreneuriat.Cette approche descriptive ne permet pas de rendrecompte de la dynamique d’emergence et d’appro-priation organisationnelle du projet intrapreneurial.Nous proposons en consequence de recourir aux tra-vaux sur le slack organisationnel, afin de mieux ap-prehender le processus d’emergence et d’appropria-tion organisationnelle du projet intrapreneurial.

L’importance du slack organisationneldans l’emergence de processus intra-preneuriaux

Le slack organisationnel peut etre defini commeun excedent de ressources qui permet a l’organisa-tion de s’adapter aux transformations de son envi-ronnement et notamment a des evolutions dans lecœur de metier. Les theoriciens de l’organisation ontparticulierement insiste sur ses enjeux strategiquesen termes d’innovation et de creativite (Cyert etMarch, 1963) puisqu’il favoriserait la prise de risqueen fournissant des ressources pour la recherche etl’experimentation de nouveaux projets innovantstels que la creation de nouveaux produits. Il contri-buerait ainsi a la flexibilite strategique de la firmeet faciliterait la mise en œuvre de comportementsentrepreneuriaux au sein de la firme.

Les theoriciens de l’agence ont par opposition unevision beaucoup plus negative de l’utilite du slackorganisationnel (Jensen et Meckling, 1976 ; Jensen,1993). Selon ces auteurs, l’accumulation de slack re-pond a des preoccupations individuelles et oppor-tunistes des managers et doit etre percue commeun signe d’inefficience. Nohria et Gulati tenteront

en 1997 de reconcilier ces deux interpretations di-vergentes en soulignant l’existence d’une courbe encloche dans la relation entre slack et innovation etpar consequent l’existence d’un point d’inflexion au-dela duquel le niveau de slack exercerait un impactnegatif sur l’innovation.

La litterature sur le slack organisationnel (Bour-geois, 1981 ; Singh, 1986 ; Sharfman et al., 1988 ;Love et Nohria, 2005) distingue principalementdeux types de slack en se basant sur le caractereplus ou moins redeployable des ressources et compe-tences en exces dans l’organisation : le slack « dis-ponible » et le slack « absorbe ». Le slack dispo-nible est par nature flexible, facilement recuperableou redeployable et peut etre illustre par l’exempledes benefices non distribues (Love et Nohria, 2005)qui constituent des ressources excedentaires imme-diatement disponibles. Par opposition, le slack ab-sorbe correspond aux ressources et competences ex-cedentaires qui sont enracinees dans des routinesorganisationnelles (Nelson et Winter, 1982 ; Han-nan et Freeman, 1984). En d’autres termes, ellessont enchassees dans des reflexes organisationnelselabores au cours du temps et destines a faciliter letraitement de l’incertitude dans un contexte parti-culier. Ce type de ressources et competences n’estdonc pas par definition immediatement disponible.A titre d’illustration peut etre cite l’exemple du per-sonnel en exces qui dedie une partie de son activitea des routines et des taches specifiques ou bien dufonds de roulement dont la recuperation va affecterles relations avec les clients et les fournisseurs in-tegres dans le cycle d’exploitation (Love et Nohria,2005).

La notion de slack revet un caractere fondamentalpour Penrose (1959) dans son analyse de la crois-sance de la firme. En effet, selon cet auteur, les ser-vices productifs inutilises sont une incitation a l’in-novation et a la croissance en facilitant dans l’en-treprise l’introduction de nouvelles combinaisonsde facteurs de production. Cette valorisation supe-rieure des ressources peut constituer la base d’unavantage concurrentiel durable. Ainsi pour Penrose(1959), la croissance de l’entreprise est rendue pos-sible par les excedents de capacites dont elle dis-pose. Le slack organisationnel est le carburant de lastrategie de developpement de l’entreprise.

L’appropriation organisationnelled’un nouveau projet intrapreneurial :le role des slackholders

Pour Burgelman (1983b ; 1983a ; 1986), l’en-trepreneuriat organisationnel tient, au moins engrande partie, aux comportements autonomes desindividus ou groupes d’individus qu’il convient de

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relier aux considerations strategiques de l’entreprisepour en assurer une certaine viabilite strategique.Ce processus qu’il nomme Internal Corporate Ven-turing (ICV) repose sur des acteurs cles du pro-cessus : les managers intermediaires (Middle Ma-nagers). Ils sont les garants dans l’organisation dela transaction des idees (Van de Ven, 1986) entreles « champions operationnels », qui jouent un rolede declencheurs, et le sommet strategique de l’orga-nisation, qui doit canaliser les efforts au regard del’innovation pour garder une certaine consistanceentre ses pratiques et ses ambitions (figure 1). Danscette approche largement reconnue par les auteursdu champ, il apparaıt que le succes du processusintrapreneurial ne saurait etre attribuable a un seulet unique acteur. En effet, on voit qu’explicitementse dessinent des profils intrapreneuriaux qu’il seraitdifficile voire impossible de retrouver concentres enune seule et meme personne au sein d’une organi-sation preexistante. Ainsi, comme le reprend notrefigure 1, Burgelman met en evidence dans le proces-sus intrapreneurial un chemin critique assurant laperennite d’un projet intrapreneurial et la reappro-priation par l’organisation de l’initiative emergeantdu niveau operationnel. Et initiative intrapreneu-riale pour laquelle l’organisation doit construire uncontexte de routinisation des lors que l’objet inno-vant est abouti.

Ce faisant, comme le montre Burgelman, le pre-mier profil intrapreneurial s’apparente a un « cham-pion produit ». Cet individu ou groupe d’individusancres dans les processus operationnels sont ceuxqui vont construire le fondement « innovant » duprocessus intrapreneurial. En effet, c’est a ce niveauque se dessinent les premisses et les contours du pro-jet dans la rencontre entre une technologie et des be-soins pour lesquels les « champions produit » vontdefinir un concept a meme de repondre a la pro-blematique qu’ils se sont construits (projets infor-mels) ou pour lesquels ils ont ete missionnes (projetsformels). Des lors que le concept gagne en consis-tance, les « champions produit » vont chercher unrelais aupres de leurs managers pour les accompa-gner dans la promotion de leur concept aupres de la

direction. Ces managers vont les aider a construireune strategie et communiquer a leurs superieurs hie-rarchiques afin de chercher un relais par l’organisa-tion pour assurer l’industrialisation du concept etla poursuite legitime du projet, avec le cas echeantdes moyens dedies. Dans cette seconde phase emergecomme central le role du manager intermediaire - ou« champion organisationnel ». C’est lui qui devientle promoteur du projet pour en assurer autant la vi-sibilite aupres de la direction de l’entreprise, seule ameme de liberer des ressources complementaires auprojet (phase de coup de pouce par l’organisation),que pour assurer progressivement l’ancrage organi-sationnel de l’activite en devenir.

Progressivement le role du « champion organisa-tionnel » se substitue au role de « champion pro-duit » dans la reappropriation par l’organisation del’initiative locale intrapreneuriale. On voit en ef-fet qu’au fil du processus intrapreneurial le ou les« champions produit » sont progressivement depos-sedes du projet au profit du manager intermediairequi cherche progressivement a defendre sa positionet sa promotion dans la structuration de l’activite.Les processus d’ancrage organisationnel du projetintrapreneurial, phases de contextualisations stra-tegique et structurelle, laissent une place plus im-portante au sommet strategique de l’organisation.En effet, charge aux dirigeants de mener une re-flexion sur l’incidence que peut avoir le projet intra-preneurial sur le perimetre strategique et structurelde l’organisation. Il ne convient pas ici de considererla direction de l’entreprise comme un intrapreneur.Neanmoins, ils sont les garants de l’organisation etles promoteurs de l’orientation entrepreneuriale dela firme (Dess, Lumpkin et McGee, 1999). En cesens, meme s’ils n’apparaissent pas comme centrauxdans le processus de selection interne des initiativesintrapreneuriales (traduction litterale que l’on pour-rait faire de internal corporate venturing), ils jouentun role crucial tant sur la capacite des « championsproduit » a s’engager dans la valorisation d’oppor-tunites que dans la capacite de l’organisation a re-cuperer ces initiatives (Ronteau et Durand, 2009).

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Figure 1 – Activites cles et peripheriques dans le processus intrapreneurial (d’apres Burgelman, 1983b)

Bien que les travaux de Burgelman soient lar-gement reconnus par la communaute scientifique, ilreste neanmoins difficile d’identifier dans les faitsqui est veritablement l’intrapreneur ou l’innovateurdans un projet intrapreneurial. Ce simple constatrepose essentiellement sur le partage de proprieteet de responsabilite quant au succes du processusintrapreneurial. Il convient en effet de reconnaıtrea une coalition d’acteurs, situes le long de la chaınehierarchique, leurs roles conjoints assurant autantle caractere innovant que progressivement la reap-propriation du projet par l’organisation jusqu’a saconcretisation dans des activites routinieres exis-tantes voire dans l’emergence de nouvelles activites.Nous proposons en ce sens de completer et d’ap-profondir l’approche de Burgelman en recourant auconcept de slackholder. Le slackholder sera appre-hende dans la presente recherche a tout acteur de-tenteur d’un pouvoir sur l’utilisation des ressourceset des competences en excedent dans l’organisation.Grace a ce pouvoir, les slackholders sont en me-sure d’influer sur l’appropriation organisationnelledu projet intrapreneurial.

Methodologie de la recherche

Nous justifierons dans un premier temps le re-cours a l’« extension theorique enracinee dans lescas » dans le cadre de notre recherche. Nous presen-terons dans un second temps le contexte de notreetude de cas dediee a l’analyse d’un projet intrapre-neurial spontane.

Methodologie : l’extension theoriqueenracinee dans les cas

Comme l’observe Burawoy (1991, 1998), perefondateur de l’extension theorique enracinee dansles cas, « la generation de theories depuis des ter-rains de recherche etait peut-etre un imperatif audebut de l’entreprise sociologique [y compris pourles Sciences de Gestion]. Cependant, avec la prolife-ration des theories, la reconstruction semble devenirplus urgente encore. Ainsi, au lieu de prendre uneposture de chercheur naıf et de generer de nouvellestheories, nous devrions plutot consolider et develop-per ce que nous avons deja produit » (1991, p.26).L’ambition d’une telle posture de recherche consistedavantage a combler les asperites entre theoriesexistantes par les etudes de cas sur lesquelles le cher-cheur s’appuie pour approfondir la comprehensiond’un phenomene en ayant recours a des conjecturestheoriques.

La connaissance du phenomene de l’entrepreneu-riat organisationnel fait l’objet de nombreuses in-terpretations theoriques qui s’entrechoquent. Parailleurs, la question du slack organisationnel restesouvent absente de ce champ, bien que les liensparaissent legitimes avec le processus intrapreneu-rial. Aussi nous enrichissons la comprehension duphenomene initial (l’entrepreneuriat organisation-nel) en croisant les discours theoriques (processusintrapreneurial et gestion du slack organisationnel)et en lui offrant un ancrage operationnel dans descontextes locaux (notre etude de cas). Qui plus est,nous enracinons dans ces contextes locaux les exten-sions theoriques sur la theorie principale (au tra-vers de la proposition du concept de slackholder

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comme concept mediateur entre deux champs theo-riques a priori distincts). Dans cette recherche, lerecours a l’etude de cas facilite l’analyse longitu-dinale de processus ancres dans des contextes or-ganisationnels par definition complexes (diversitedes slackholders et diversite des etapes de l’ap-propriation organisationnelle du projet intrapreneu-rial). A cette fin, deux types de donnees ont etecollectes : des donnees primaires obtenues grace ades entretiens semi-directifs et des donnees secon-daires issues de la presse professionnelle et de do-cuments internes a l’entreprise. Dans cette commu-nication, nous concentrerons notre attention sur lecas SnowbladeTM, projet intrapreneurial qui a vu lejour dans l’entreprise Salomon. Il s’agit d’une etudede cas issue d’une recherche doctorale aboutie (Ron-teau 2007).

L’etude de cas : le ProjetSnowbladeTM, un projet intrapreneu-rial spontane chez Salomon

L’histoire de l’entreprise Salomon est jalonneed’innovations qui ont assis sa diversification concen-trique sur pres de 60 ans. Ce sont ces innovationsregulieres qui ont consolide les competences clefs decette entreprise que sont la mecanique, les mate-riaux composites et les chaussants. Salomon a suexploiter ces competences pour aborder des mar-ches avec toujours une envie d’y presenter des pro-duits qui revolutionnaient la pratique. Le projet in-trapreneurial que nous nous proposons ici de de-peindre prend ses racines au debut des annees 1990.A cette epoque, Salomon est une entreprise diver-sifiee dans le domaine des sports de loisir de pleinair et sort d’un projet qui a mobilise toute l’entre-prise sur pres de 6 ans (1985-1991) pour proposerun ski monocoque en rupture avec les canons in-dustriels de l’epoque. Le contexte d’incrustation duprojet SnowbladeTMest essentiel pour saisir les op-portunites qui ont vu le jour dans une periode decrise autant interne qu’externe pour l’entreprise. Eneffet, au debut des annees 1990, Salomon avait bous-cule la hierarchie etablie entre les fabricants de skien presentant un nouveau concept monocoque quirevolutionnait le mode de production industrielle.Mais en 1995, de nouveaux skis sont venus boule-verser le paysage de l’industrie : les skis carving ouparaboliques. L’entreprise HEAD a sorti le premiermodele polyvalent au salon 1995, le cyber, qui aconnu un franc succes et qui etait l’un des premiersskis paraboliques polyvalents. Avec l’arrivee du skicarving, les firmes autrichiennes ont commence areagir et se sont engouffrees dans le carving. Sa-lomon et Dynastar, qui dominaient l’industrie, ontdu reagir face a ce qui representait une veritablelame de fond. Des 1996, ces deux entreprises ontpropose des produits presque identiques a ceux de

leurs concurrents. Neanmoins, a grands coups decampagnes publicitaires, Dynastar s’est appropriele succes du ski parabolique aupres du grand pu-blic. Salomon, qui n’etait arrivee qu’en 1991 sur lemarche des skis, a du faire face a un vieillissementpremature de sa gamme et a subi une chute de sesventes consecutivement a l’engouement du publicpour les skis paraboliques. La baisse des volumesde vente a ete accentuee par une deception de la di-rection et des salaries, qui, apres s’etre investis dansun projet long comme le ski monocoque (plus de 5ans), ne comprenaient pas comment les equipes eninterne (pres de 300 personnes) avaient pu passer acote d’une tendance de marche aussi lourde.

Face a ce raz de maree dans l’industrie des sportsd’hiver, des 1995 la reponse de Salomon a consistea suivre la tendance pour eviter de disparaıtre duchamp des fabricants de skis. L’entreprise a donc de-cide d’investir le carving, mais sans disposer de reelsmoyens pour se demarquer des concurrents. Pour-tant, Salomon s’etait jusqu’alors fait reconnaıtre surses marches par cette identite innovante. « Chez Sa-lomon, l’innovation est un point d’orgue, dans lesens ou elle permet a l’entreprise de casser les regleset de ne pas s’arreter sur l’existant. », declare Jean-Louis de Marchi, responsable Bureau d’Etudes In-line Skate au debut des annees 2000. Il etait inconce-vable pour Salomon de s’afficher et de se presentersur le marche du ski avec une image de suiveur.Des lors, la direction de l’entreprise et les direc-teurs de l’activite ski ont liste un certain nombrede solutions envisageables et ont decide de se lan-cer dans un projet intrapreneurial formel : « le ski3V », dont le cahier des charges se limitait a cettedescription : « Proposer un ski parabolique mono-coque pouvant realiser trois virages la ou un skiparabolique classique ne peut en realiser qu’un ».A l’epoque la direction d’activite ski etait organi-see en trois gammes. Il y avait un pole ou circuit« course » ; un pole ou circuit « haut de gamme » ;et un circuit « intermediaire » davantage grand pu-blic. Les deux premiers poles avaient ete sollicitespar la direction de l’entreprise pour rechercher dessolutions et s’engager sur le projet « ski 3V », le pole« haut de gamme » ayant pour mission de declinerune offre parabolique et d’accompagner le circuitcourse dans ce nouveau projet. Le circuit « interme-diaire » avait quant a lui ete davantage « laisse pourcompte » au regard de ce projet majeur pour l’or-ganisation, charge pour son bureau d’etudes (BE)de travailler a l’amelioration des gammes existantes.La remobilisation des poles « haut-de-gamme » et« course » a permis d’attenuer la crise emotion-nelle liee au statut de suiveur que la « vague para-bolique » semblait imposer comme comportementstrategique a Salomon. Cependant, le circuit « in-termediaire » est reste en retrait avec un sentiment

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amer d’echec.

C’est precisement au sein du BE de la gamme« intermediaire » qu’est ne en septembre 1995 leprojet qui allait donner le jour au SnowbladeTM.« Le projet SnowbladeTMs’est developpe dans uneperiode de crise externe assez grave pour l’en-semble des fabricants de ski, mais egalement dansun contexte de crise en interne, puisqu’il regnait cesentiment general d’etre passe a cote de la plaquesur le carving. Tout cela nous donnait envie de tra-vailler sur des concepts completement differents. »,nous a indique Pierre Desarmaux, directeur de l’ac-tivite Gear Alpin au debut des annees 2000 et an-cien responsable du projet SnowbladeTM. Membredu BE sur le circuit « intermediaire », Pierre De-sarmaux faisait parti de ces personnes qui avaientete « laissees pour compte » et qui n’avaient pasete mobilisees sur le projet « 3V ». Reprenant lesjalons du ski « 3V » en travaillant sur des « skiscourts », il a ainsi pris la tete d’une petite equipede huit personnes issues de son BE, qui travaillaitsur des concepts qui existaient deja. Cette equipes’est structuree sans etre directement missionneepar la direction, mais avec le souci de participer ala recherche de solutions « differenciantes » dans latradition de l’identite Salomon. Ce faisant, ils s’en-gageaient dans un projet intrapreneurial de natureinformelle, de type « developpement en perruque »,c’est-a-dire sans le consentement prealable de la di-rection generale. En effet, dans cette version la plusinformelle de l’action intrapreneuriale, le projet sederoule en l’absence de toutes contraintes de typeplanification, controle financier ou meme revue deproduits.

A l’origine du projet, l’utilisateur des ressourcesest Pierre Desarmaux qui, en tant que developpeurdu projet intrapreneurial, va etre contraint de de-tourner des ressources excedentaires. En effet, il vamobiliser une partie des ressources de son Bureaud’Etudes, partie non occupee a plein temps, pourles utiliser dans un projet pour lequel il n’est pasdirectement missionne. Ainsi pour ce projet, PierreDesarmaux mobilise le slack organisationnel du Bu-reau d’Etudes du circuit « intermediaire » - a sa-voir huit personnes non missionnees pour le pro-jet « 3V ». Il parvient d’autant mieux a mobiliserce slack que les membres de l’equipe partagent unsentiment de « mise de cote ». Ils ressentent en ef-fet le besoin de prouver en interne qu’ils peuventetre innovateurs et qu’ils sont capables de prendreleur revanche quant a l’empreinte negative qu’avaitlaisse le projet monocoque dans les echanges entresalaries. Dans un premier temps, l’equipe a ainsitravaille « en perruque » sur des modeles decoulantdirectement des « big foot », sortes de miniskis quipechaient par un niveau de skiabilite execrable. Ils

ont travaille sur deux prototypes : l’un de 90 cm delong et l’autre de 140 cm. Tres rapidement l’equipea reussi a developper des prototypes dont les per-formances supplantaient celles de l’existant. Sur lesbases de ces prototypes, l’equipe a structure dansson coin des plans et un prototype de », qui furentsoumis a la direction de l’entreprise en esperant uncoup de pouce pour prolonger le projet et beneficierdes ressources du reste de l’organisation. Le projetrentrait des lors dans une phase ou il etait neces-saire de lui conferer une visibilite au regard de ladirection d’activite et de la direction generale, et cepour capter des ressources necessaires au prolonge-ment de l’aventure.

C’est lors d’une journee de tests de produits dansla vallee de la Tarentaise courant decembre 1995que le « miniski » est presente parmi d’autres pro-totypes a la direction. Jean-Francois Gautier, alorsdirecteur general de l’entreprise prend part aux es-sais avec les directeurs de l’activite ski, qui n’avaientjusque-la d’yeux que pour le projet « 3V ». «On fai-sait un peu image de fous avec dans le ski un grosinvestissement consenti sur la course et l’entretiende teams (Franck Picard pour le « 3V ») et on ar-rivait avec un petit ski sans aucune caution. », adeclare Pierre Desarmaux. Le projet n’a pas a cemoment la de legitimite interne. Jusqu’a cette jour-nee les ressources mobilisees par l’equipe projet ontete detournees par Pierre Desarmaux. C’est sur laphase de test et sous l’impulsion directe de Jean-Francois Gautier qu’il a ete decide de donner unesuite au projet SnowbladeTM. Durand (2003) rap-porte comment la direction generale en est venue alegitimer le projet : « Un matin de fevrier 1996, lepresident de Salomon, Jean-Francois Gautier, choi-sit d’accompagner une equipe de developpeurs pourfaire des tests d’equipements de ski dans une sta-tion de la Tarentaise. [...] Ce matin-la, ils sont 6 ou7 plus le president, la matinee est harassante, ilsfont test sur test, virage sur virage... Ils regardentsi les prototypes repondent bien aux objectifs fixespar les directions marketing, techniques... La fin dela matinee arrive et ils s’appretent a aller dejeu-ner quand l’un des developpeurs [Pierre Desarmaux]evoque l’un de ses prototypes. » Chacun souhaitealors voir l’objet, presente par Pierre Desarmauxcomme un jouet, un gadget... Ce n’est pas un ski, cen’est pas un patin, c’est la moitie d’un ski. Pendantune demi-heure le groupe teste le produit et y prendvisiblement beaucoup de plaisir. L’apres-midi, dansune arriere-salle du restaurant ou ils ont dejeune, ilsetudient, tests apres tests, tous les equipements surlesquels ils ont travaille le matin meme. La fin de lajournee arrive et personne n’a reparle de ces demi-skis. Jean-Francois Gautier remet alors la questionsur la table. Il demandera finalement a ses collabo-rateurs de debroussailler cette piste, convaincu de

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l’existence possible d’un marche pour ce produit...Le projet a ce moment la va gagner en officialisationet en visibilite, et ce en depit des investissementslourds qui ont ete dedies au projet « 3V ». La pos-sibilite est laissee a l’equipe initiale de poursuivrele projet « miniskis » mais sans ressources dedieeset donc l’affectation d’un budget propre. L’equipeinitiale est cependant autorisee a recuperer du slackabsorbe dans les autres services de la direction ski(marketing et industrialisation).

Ayant recu un « coup de pouce » de la direc-tion apres 4 mois de developpement en perruque,le projet pouvait des lors rentrer dans une phasede « contextualisation strategique » au cours de la-quelle l’equipe projet pouvait se lancer dans desiterations de prototypes et rentrer dans une phased’industrialisation. De maniere concourante, la di-rection ski allait pouvoir mobiliser les reseaux dedistribution pour convenir de leurs demandes au re-gard de ce nouveau produit. C’est dans cette phaseque vont se dessiner les conditions du succes in-dustriel et economique du projet. Du fait du sta-tut « semi-officiel » du projet, Pierre Desarmauxpeut dorenavant mobiliser d’autres membres du bu-reau d’etudes pour travailler sur le SnowbladeTM,personnes qui travaillaient jusqu’a maintenant surd’autres projets. L’equipe peut ainsi regler les pro-blemes de faible resistance des prototypes en faisantrealiser des etudes sur la geometrie (solidite, lignesde cote) des SnowbladeTMet par la meme amelio-rer leurs caracteristiques de flexion (du 15/12/1995au 15/04/1996). Le projet ne disposant pas d’unbudget propre et ne pouvant investir dans de nou-velles infrastructures industrielles, il convenait dece point de vue de rechercher des solutions inno-vantes pour echapper aux investissements inherentsa l’industrialisation d’un nouveau ski (plus ou moins

180.000A amortis sur 4 ou 5 tailles de skis). C’estprecisement sur ce point que s’est dessine le succeseconomique du projet. En effet, le prototype finaldu SnowbladeTMfaisait 90 cm de long et les lignesde production ne pouvaient accepter des skis d’unelongueur inferieure a 110 cm. Aussi, l’equipe pro-jet a developpe une solution ingenieuse (innovationde procede) pour pouvoir utiliser l’outil industrielexistant : la « production en siamois ». L’equipe aainsi imagine de produire un corps de 190 cm delong, puis de le couper en deux et de redresser lesspatules sans pour autant compromettre les perfor-mances et les contraintes geometriques du produit.Progressivement le projet gagne en legitimite et ladirection ski mobilise des ressources marketing pourcommencer a envisager les volumes de vente atten-dus et la publicite de ce nouveau concept de glisse.On voit ainsi que progressivement du slack absorbed’autres activites se libere pour l’activite a naıtre(notamment en marketing et en production).

Le projet aura dure un peu plus d’un an, pe-riode durant laquelle l’equipe a leve progressive-ment les contraintes de performance et celles liees al’industrialisation. Le SnowbladeTMfut presente enfevrier 1997 au Salon des fabricants. Le succes duSnowbladeTMa depasse les attentes de la direction,qui prevoyait la vente de 25.000 paires sur la pre-miere annee. Elle a du faire face a l’engouementdu public, puisqu’en quelques mois pres de 100.000paires se sont vendues. En amont, le succes econo-mique du projet tient dans les innovations de pro-cede qui ont ete amenees pour limiter l’investisse-ment dans un produit non budgete. En effet, comptetenu du statut « bottom-up » du projet, l’equipea su developper le produit pour un cout global del’ordre de 100.000A, ce qui reste un cout bien endeca du developpement d’un nouveau ski.

Discussion

Grace a leur pouvoir sur l’utilisation des res-sources et des competences excedentaires, les slack-holders sont en mesure d’influer sur l’appropriationorganisationnelle du projet intrapreneurial. Le suc-ces de cette appropriation va dependre de leur pre-sence a differents niveaux hierarchiques de l’organi-sation.

De l’intrapreneur au slackholder :emergence d’un nouveau concept

Le cas SnowbladeTMnous incite a envisager deuxcategories d’individus dans la mise en œuvre d’unprojet intrapreneurial spontane : l’intrapreneur,c’est-a-dire l’individu (ou le petit groupe d’indivi-dus) a l’origine de l’idee innovante, et le slackhol-der, c’est-a-dire l’individu qui va disposer d’un pou-voir sur les ressources excedentaires lui permettantde contribuer a la mise en œuvre du projet intra-preneurial. Cette capacite a recuperer du slack ab-sorbe facilite l’appropriation organisationnelle duprojet intrapreneurial, assimilee dans la presenterecherche a l’integration progressive du projet al’activite courante de l’entreprise. L’affectation deressources au projet intrapreneurial revet en effetdans notre etude de cas un caractere incremen-tal : des ressources excedentaires sont dans un pre-mier temps detournees par l’intrapreneur (l’equipede Desarmaux) puis recuperees officiellement par lemanagement intermediaire suite au coup de poucede la direction generale. Le processus d’appropria-tion organisationnelle s’achevera au moment de l’in-tegration definitive du projet intrapreneurial dansl’activite courante de l’entreprise. A ce stade, leprojet se transforme en activite de l’entreprise avecaffectation de ressources officielles dediees et doncattribution d’un budget de fonctionnement. L’orga-

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nisation s’approprie en effet le projet en lui fournis-sant legitimite et ressources (Bouchard, 2009, p.15).

L’intrapreneur « spontane » est necessairementun slackholder, il n’a pas le choix. Ne disposantpas d’un budget preetabli, sa capacite a mobiliserdes ressources excedentaires est primordiale, afind’assurer la mise en œuvre de son idee et d’œu-vrer pour son integration dans l’activite courantede l’entreprise. On parlera dans ce cas de « mobi-lisation de ressources en perruque » ou encore de« management clandestin de l’innovation » (Basso,2004, p.20) afin d’insister sur le caractere informeldu pouvoir dont dispose l’intrapreneur sur les res-sources excedentaires. Pour developper son projet,l’intrapreneur doit detourner du slack organisation-nel, autrement dit des ressources qui sont officiel-lement affectees au fonctionnement normal de l’en-treprise. Sa reussite est donc subordonnee a sa ca-pacite a convaincre d’autres collegues a le rejoindredans le developpement de son projet. L’intrapre-neur doit disposer en consequence d’un savoir-fairepolitique et relationnel et etre capable de generer laconfiance et l’adhesion de ses collaborateurs. Dansle cas du projet SnowbladeTM, l’intrapreneur (De-sarmaux) a detourne des ressources dans son envi-ronnement interne proche : le bureau d’etude danslequel il travaillait avait en effet pour mission d’ame-liorer les gammes existantes. Par ailleurs, il a suobtenir un coup de pouce de la part de sa direc-tion generale. Le concept de slackholder permet icid’insister sur la necessite, pour l’intrapreneur, dedevelopper un comportement organisationnel spe-cifique assimile par certains a celui d’un « animalpolitique » (Basso, 2004, p.28). Selon Basso (2004),la capacite a collecter des ressources hors des pro-cedures budgetaires implique pour l’intrapreneur lapratique de jeux politiques pour influer sur l’or-ganisation. D’Amboise et Verna (1993) ont egale-ment souligne la capacite de l’entrepreneur internea federer et a s’approprier temporairement du slackorganisationnel : « Sachant rassembler les energieset les ressources et les combiner pour mettre enœuvre son projet, [l’entrepreneur interne] trouveratoujours, dans une grande organisation, des res-sources non utilisees et des personnes mal employeeset desireuses de participer a une tache plus in-teressante. Cet entrepreneur interne s’associera ad’autres collaborateurs, organisera son equipe etse mettra a l’œuvre. ». Bouchard (2009), quant aelle, met en avant l’importance du premier soutienofficiel, que nous avons assimile a un « coup depouce » de la direction generale dans notre etudede cas : « Tot ou tard, cependant, tous les intrapre-neurs sont confrontes aux limites de l’informalite etdoivent se mettre en quete d’un appui officiel. Pouraller de l’avant, ils ont besoin de ressources maisegalement de legitimite : n’oublions pas que les in-trapreneurs sont de simples employes et qu’ils ont

des comptes a rendre... » (p.154).

L’etude du cas SnowbladeTMa facilite l’identifi-cation de deux categories de slackholders, reprisesdans le tableau 1. D’une part, le « slackholder-intrapreneur » (l’equipe de Desarmaux) dispose dedeux competences-cles : une capacite a innover,c’est-a-dire a proposer un nouveau produit sur lemarche, et une capacite a s’approprier temporaire-ment et dans l’ombre du slack absorbe (un personnelsous-utilise affecte uniquement a l’amelioration desgammes existantes) afin d’assurer le developpementde son projet. C’est l’initiateur du projet intrapre-neurial. D’autre part, le « slackholder-manager »(la direction des skis) qui, suite au coup de poucedonne par la direction generale au projet, doit par-venir a recuperer du slack absorbe, afin de per-mettre a l’intrapreneur de lever ses contraintes tech-niques et industrielles en lui fournissant ressourceset competences complementaires. Contrairement al’intrapreneur, le role du slackholder-manager sem-blerait se limiter a l’affectation de ressources man-quantes a l’intrapreneur mais necessaires a la miseen œuvre et a l’appropriation organisationnelle duprojet. Cette affectation supplementaire de res-sources peut contribuer a donner lieu a d’autresinnovations (exemple de la production en siamoispour laquelle la direction des skis a affecte des res-sources complementaires d’industrialisation ; cetteinnovation de procede reste cependant a l’initiativede l’equipe de Desarmaux). Neanmoins, il s’agirasurtout d’innovations d’adaptation destinees a faci-liter la mise en œuvre du projet intrapreneurial. Parailleurs, la prise de risque quant a la recuperation deslack organisationnel semble plus importante dansle cas du slackholder-intrapreneur qui, pour assu-rer le developpement de son projet, doit dans unpremier temps agir dans l’ombre et detourner desressources de leur utilisation normale par l’organi-sation. La capacite a innover et a s’appuyer surun reseau informel semble etre le principal criteredistinctif entre nos deux categories de slackholders.Dans notre etude de cas, l’intrapreneur est neces-sairement un slackholder, de par sa capacite a mo-biliser des ressources excedentaires afin d’assurer lamise en œuvre et l’appropriation organisationnellede son projet. Mais le slackholder n’est pas necessai-rement un intrapreneur... Toutefois, ces deux cate-gories d’acteurs se revelent complementaires dansle developpement et l’appropriation organisation-nelle du projet, l’intrapreneur devant faire appela des ressources et des competences en dehors deson controle. L’intrapreneur a besoin du soutiend’autres slackholders pour assurer la poursuite deson projet. Comme l’ont montre certains auteurs(Burgelman, 1983b ; Brunaker et Kurviner, 2006),le middle-management a donc un role a jouer dansle processus intrapreneurial, autrement dit dans leprocessus de mise en œuvre de l’innovation.

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Competences-cles Nature du pouvoir sur les ressources ex-cedentaires

Slackholder nr1 :l’equipe de Desarmaux

- Capacite a innover (nouvelle combinai-son technologie-marche) « champion produit »,concepteur de l’idee

INFORMEL/NON VISIBLE (en perruque ») :pour assurer le developpement de son projet,l’intrapreneur doit detourner des ressources ex-cedentaires. Il agit dans un premier temps dansl’ombre (l’organisation n’a pas connaissancedu projet). Sa competence politique (sa capa-cite a convaincre) est essentielle dans la pour-suite du projet.

- Capacite a mobiliser des ressources exceden-taires afin d’assurer la mise en œuvre du projetintrapreneurial et son appropriation organisa-tionnelle

Slackholder nr2 : la di-rection des skis (mana-gement intermediaire)

- Capacite a mobiliser des ressources exceden-taires afin d’assurer la mise en œuvre du projetintrapreneurial et son appropriation organisa-tionnelle

OFFICIEL/VISIBLE : pour contribuer au de-veloppement du projet intrapreneurial et fairesuite au coup de pouce donne par la directiongenerale, la direction des skis doit liberer desressources excedentaires. Elle agit cependantde facon officielle (l’organisation a desormaisconnaissance du projet auquel elle a decide dedonner un coup de pouce, sans allocation ce-pendant de ressources dediees).

Table 1 – Les slackholders dans le projet SnowbladeTM

Le role du management intermediairedans le cas SnowbladeTM : analyse apartir des travaux de Burgelman

La figure 2 propose une analyse du casSnowbladeTMa partir des travaux de Burgelman(1983b) et permet d’insister sur la complementa-rite qui existe entre les differentes categories deslackholders dans le processus intrapreneurial. Toutd’abord, le premier slackholder, qui peut s’appa-renter au champion produit dans les travaux deBurgelman est celui qui, pour initier le develop-pement de son projet, est contraint de detournerdes ressources excedentaires. Cette premiere phased’utilisation du slack organisationnel requiert descompetences specifiques de la part du slackholder-intrapreneur. Il doit etre capable de communiquersa motivation a ses proches collaborateurs et de lesconvaincre a prendre part a l’initiative. Dans notreetude de cas, c’est le sentiment de « mise a l’ecart »sur un projet phare de l’organisation qui poussePierre Desarmaux a mobiliser les membres de sonBureau d’Etudes en complement de leurs activitesroutinieres (l’amelioration des gammes existantes).Ensuite, apres avoir epuise son stock de ressourcesexcedentaires, il doit acceder a d’autres ressourceset competences complementaires visibles du restede l’organisation, afin de pouvoir progresser sur lesprototypes. A cette fin, il doit obtenir legitimite etsoutien de la part de son organisation. Nous sommesbien ici en phase avec les travaux de Burgelmanlorsque ce dernier precise que succede a la phase

de definition une phase de coup de pouce (impetus)dans laquelle l’organisation va jouer le role de relaispour assurer une perennite au projet intrapreneu-rial.

Ce faisant, le premier slackholder transfere aumanagement intermediaire la responsabilite de re-cuperer du slack organisationnel afin de lever lescontraintes techniques et industrielles pesant surle projet et d’acceder a des ressources complemen-taires. Au fur et a mesure que le projet doit mo-biliser des ressources excedentaires enracinees dansdes routines eloignees (marketing pour un bureaud’etudes), le pouvoir sur l’utilisation du slack orga-nisationnel est egalement transfere. Ainsi le secondslackholder (ici la direction ski), qui peut s’apparen-ter au champion organisationnel dans les travauxde Burgelman, prend le relais du champion pro-duit pour assurer la contextualisation strategiquedu projet intrapreneurial et la structuration nais-sante de l’activite. On assiste en ce sens a une reap-propriation par l’organisation de l’excedent de res-sources initialement active par l’intrapreneur. Lacompetence que doit developper ici le second slack-holder (le slackholder-manager) tient davantage aune capacite a utiliser de maniere efficiente des res-sources limitees que sur des competences de leader-ship et de visionnaire. Enfin, une fois que le projetintrapreneurial a abouti a son « objet » innovant,ce dernier dispose de toute la legitimite pour etrestructure en activite ou reintegre dans une activitepreexistante.

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Figure 2 – Activites cles et peripheriques dans le processus intrapreneurial (d’apres Burgelman, 1983b)

Conclusion

En guise de conclusion, il nous paraıt impor-tant de reflechir a la valeur ajoutee du concept deslackholder dans l’etude des projets intrapreneu-riaux de type spontane. Etant donne que la pre-sente recherche repose sur une etude de cas unique,nous souhaitons rester prudents quant a la generali-sation de nos propos. Notre objectif consiste surtoutdans un premier temps a emettre certaines proposi-tions quant aux contributions respectives de l’intra-preneur et du slackholder dans le processus intra-preneurial. Le concept de slackholder, en focalisantl’attention du chercheur uniquement sur la capa-cite a detourner ou a liberer de facon officielle desressources excedentaires, permet de decomposer leprocessus intrapreneurial en deux phases distinctes :la phase d’innovation (ou phase de « reconnaissanced’opportunites »3), correspondant a un acte creatifindividuel (assure par un individu ou dans le casdu projet SnowbladeTMpar un petit groupe d’indi-vidus), et la phase de mise en œuvre de l’innova-tion, correspondant a son appropriation progressivepar l’organisation. Le role du slackholder se limite,

dans notre proposition de definition, a concourir a ladeuxieme phase. Ce nouveau concept permet donc,selon nous, de recentrer la definition de l’intrapre-neur sur l’acte creatif individuel, autrement dit surla phase d’innovation. Pour Krueger (2000 ; cite parCarrier et Champagne, 2004, p.6), « les organisa-tions n’innovent pas, ce sont les individus dans cesorganisations qui innovent ». Le concept de slack-holder s’avere de plus particulierement pertinent encontexte d’intrapreneuriat spontane puisque par de-finition les individus a l’initiative du projet intra-preneurial le developpent dans un premier tempssans budget preetabli et dans l’ombre. Leur capa-cite a detourner des ressources est donc essentiellea la poursuite du projet.

Notes

1Innovation 2007, a BCG Senior Management Survey -Aout 2007 - BCG Report. Etude conduite aupres de 2468dirigeants de 58 pays et des principales industries.

2”Corporate Entrepreneurship encompasses the birth ofnew businesses within existing businesses and the transfor-mation (or rebirth) of organizations through a renewal oftheir key ideas on which they are built” (Guth et Ginsberg,

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1990, p. 5).3Voir sur ce point les travaux de Carrier et Champagne

(2004, p.5).

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