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UNIVERSITÉ D’AVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE
L’USAGE DU NUMÉRIQUE AU MUSÉE PAR LES PROFESSIONNELS
Assema MoussaSous la direction de Marie-Sylvie Poli
et de Florence Andreacola
Master Médiation de la Culture et des PatrimoinesMention Stratégie du Développement Culturel
Année universitaire 2013-2014
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« Il y a par nature quelque chose de physique dans le contact avec une œuvre d’art, quelle qu’elle soit : peinture, théâtre, cinéma. Mais le rapport à l’art aujourd’hui,
peut passer par des médiations nouvelles, que permet le numérique »1
1 FILIPETTI (Aurélie), 2014, Quand le musée se réinvente dans le numérique, « Le musée du futur sera plus collaboratif et interactif », La Tribune.fr n°97, numéro spécial été 2014, p.9
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RESUMÉ
L’usage du numérique au musée par les professionnels
Alors que le numérique s’immisce de plus en plus dans nos pratiques quotidiennes et se développe continuellement dans le domaine professionnel, celui-ci modifie profondément les relations homme-machine. Le numérique et la technologie ont envahi nos habitudes et s’étendent dans tous les secteurs d’activités. Que ce soit le secteur scientifique, commercial, médical, artistique ou culturel, tous ont subi cette mutation vers le numérique. Certains l’ont adopté de manière rapide dans leurs pratiques professionnelles tandis que d’autres font l’objet d’un changement dont on ne mesure pas encore son importance. C’est le cas de l’évolution des musées liés à l’apparition du numérique.
Contrairement à ce que l’on peut croire, le numérique n’est pas une révolution qui modifie ou met en péril l’existence des musées. Au contraire, c’est une nouvelle étape qui consiste à enrichir et à faire évoluer l’organisation de la structure, sa médiation et ses métiers. Les structures culturelles sont confrontées à quatre grandes nouveautés : de nouveaux outils de médiation numérique, de nouveaux métiers, de nouvelles méthodes de travail et de nouvelles expériences pour le public. L’idée est d’analyser cette progression du numérique et de voir son influence chez les professionnels et le public. Comment les professionnels utilisent le numérique au musée ? En quoi ces professionnels de musées génèrent-ils de nouvelles méthodes de travail ? Comment ces nouveaux dispositifs numériques, mis en place par les professionnels, permettent-ils de concevoir de nouvelles expériences de médiation muséale ? Quels intérêts les musées ont-ils à développer ces dispositifs ? De quels outils numériques disposent-ils ?
Le projet de mémoire cherchera à comprendre les modifications qu’apportent le numérique dans les musées. L’intérêt sera d’analyser les attentes des professionnels du musée face au numérique notamment par l’étude d’un musée en cours de développement numérique, qui est en ses débuts mais qui reste toutefois très prometteur en terme d’avancée technologique.
Parallèlement à cette étude, l’analyse permettra de regarder les attentes en terme de services que des professionnels du numérique ont à offrir et les raisons de leurs intérêts pour les musées. L’objectif étant de réussir à comprendre les attentes des professionnels du numérique et du musée, de savoir si elles sont similaires ou différentes.
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The use of digital at museum by the professionals
This study is about the understanding the representations and modifications about the digital in museum by the professionals who work in the cultural and digital world. They give their contribution to encourage the new tools in their methods of work and digital devices in the exhibitions at museum. This thesis project is focus on the study of the Centre d'histoire de Montreal and the event Muséomix.
While digital interferes more in our daily practices and continually grows in the professional field, it alters the relationship between man and machine. The digital and the technology invaded our habits and extend in all sectors. Whether the commercial sector scientific, medical, cultural or artistic, all have undergone the change to digital. Some have adopted the digital quickly in their professional practices while others are subject to changes which we do not measure its importance. This is the case of the evolution of museums related to the emergence of digital.
Contrary to what some may believe, the digital revolution is not modifying or jeopardizes the existence of museums. It's a new step to enrich and evolve the museum. Cultural institutions are facing four major innovations: new tools for the digital in the exhibitions, new jobs, new working methods and new experiences for the public. The idea is to analyze the progression of digital technology and see its influence among professionals and the public. How professionals use the digital in museums? How these museum professionals generate new ways of working ? How these new digital devices, developed by professionals, allowed to design mediation's new experiments in museums ? What are the interests of museums for develop these devices? What are digital tools they have?
The thesis project seeks to understand the representations and modifications to the digital in museum. It will be interesting to analyze the museum professionals' expectations with digital. Indeed , the study of a museum that is being developed digital seems essential. This museum is only beginning to develop digital techniques however it is very promising in terms of technological advancement.
Moreover, this study will analyze expectations in terms of services that digital professionals have to offer and the reasons for their interest in museums. The objective is to understand the digital and museum professionals needs, and compare if these needs are similar or different.
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MOTS-CLÉSmusée, numérique, professionnels,
dispositifs numériques, travail collaboratif, open data.
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REMERCIEMENTS
Tout d’abord, j’adresse mes plus sincères remerciements à ma directrice de mémoire Marie-Sylvie Poli et à ma tutrice, Florence Andreacola pour leurs conseils, leur disponibilité, leur aide et leur suivi.
Ensuite, je tiens à remercier très chaleureusement toute l’équipe du Centre d’histoire de Montréal pour m’avoir suivie tout au long de cette période de réflexion et de recherche, pour leurs conseils, leur implication et leur disponibilité. Travailler au sein du Centre d’histoire de Montréal a été une expérience enrichissante et épanouissante pour moi. Je remercie tout particulièrement André Gauvreau, chargé de communication, pour m’avoir guidé et aidé pour la réalisation de l’enquête. Sa présence m’a été d‘une grande utilité.
Un grand merci à tous les Bénévoles de Muséomix Montréal particulièrement à Marine Lestrade sans qui je n’aurai jamais pu intégrer l’équipe. Je remercie le trio, Justine G. Chapleau, Lucie Brillouet et Arthur Schmitt, qui m’ont accueilli et m’ont conseillé tout au long de la réalisation de ce mémoire ainsi qu’à Aude Mathey et Caroline Emond avec qui j’ai beaucoup travaillé.
Enfin, je souhaite exprimer ma plus profonde reconnaissance à mes proches et aux professionnels interviewés qui ont pris le temps de me rencontrer.
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SOMMAIRE
RESUMÉ 03
REMERCIEMENT 06
INTRODUCTION 10
ÉVOLUTION DU NUMÉRIQUE : QUELLE PLACE DANS LES MUSÉES 14
Chapitre 1 : Qu’est-ce que le numérique ? 14
a. Une définition à la fois de l’ordre du technique et du culturel
b. Le numérique comme philosophie
c. Le changement des comportements et habitudes des publics
Chapitre 2 : Le numérique au musée : révolution ou adaptation ? 18
a. Qu’est-ce qu’un musée ?
b. Positionnement du numérique
c. L’intégration du numérique au musée
d. Construction d’une stratégie numérique
e. Vers une vision du participatif
f. Typologie des nouveaux dispositifs
ÉTUDE D’USAGES NUMÉRIQUES EN MILIEU MUSÉAL :
ENJEUX POUR LES PROFESSIONNELS ? 26
Chapitre 1 : Les professionnels : qui sont-ils ? 26a. Une multitude de professionnelsb. De l’usage du numérique à la naissance de nouveaux métiersc. Des professionnels au service des muséesd. Le numérique vu par les professionnels
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Chapitre 2 : Le web sémantique : un atout pour les professionnels ? 33a. Le travail collaboratifb. Vers un mouvement collaboratif : le web sémantiquec. L’enjeu des métadonnées culturelles
Chapitre 3 : Vers une stratégie Open Data pour les musées 37a. Contexteb. La notion d’Open Datac. La réutilisation des données
VERS DE NOUVEAUX DÉFIS NUMÉRIQUES 42
Chapitre 1 : Construction de la méthode et présentation du terrain 42a. Réflexion du sujet de mémoireb. Méthodologie de recherchec. Terrain de recherche
Chapitre 2 : Analyse d’enquête 46a. Contexte et objectif de l’enquêteb. Les démarches d’une analyse thématiquec. Traitement des entretiens
Chapitre 3 : Résultats 48a. Présentation des profils interviewésb. La vision du numérique en généralc. L’usage du numérique au muséed. Le numérique comme outil de travail
CONCLUSION 80
BIBLIOGRAPHIE 83
ANNEXES 87
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9
INTRODUCTION
Passionnée de muséologie et de multimédia, la chance de découvrir ces deux disciplines au sein de mon cursus scolaire m’a permis de rencontrer deux univers variés, deux méthodes de travail différentes. D’apparence, ces domaines ont l’air opposés mais, en réalité, ils développent quelques points de ressemblance. D’un côté on trouve des personnes spécialisées en muséologie et médiation culturelle et de l’autre, des personnes spécialisées en informatique et multimédia, qu’on pourrait qualifier de « geek », toujours friands de nouvelles technologies.
Après une licence d’histoire de l’art, je me suis retrouvée baigner dans un univers informatique où l’on parlait un langage que l’on pourrait qualifier de « différent du mien ». Ce langage informatique, qui m’était complètement inconnu à l’époque, me passionne aujourd’hui. Je réalise que les compétences informatiques peuvent être d’une grande utilité dans d’autres domaines. Lorsque je demandais à ces friands de nouvelles technologies s’ils visitaient des musées, beaucoup d’entre eux me répondaient que c’était sans intérêt. Pourtant ils sont passionnés par le développement de l’art numérique et des interfaces graphiques, notamment le design numérique et ils puisent leurs sources dans l’art pour leur travail. Ils sont parfois eux même artistes. Parallèlement, si je discutais avec des muséologues sur les logiciels de la suite Adobe, de la manière de créer un site web ou de la sortie de l’Oculus Rift, appareil de réalité virtuelle, ils ne semblaient pas maîtriser le sujet et étaient peu intéressés. Même chose pour ces muséologues, user de ces outils pourrait leur être d’une grande utilité dans leur travail.
En définitive, cette expérience révèle, à mon sens, la double nécessité de prendre en compte l’importance des autres disciplines afin de mettre en œuvre de multiples compétences. C’est sur l’existence de ces deux domaines que se penche ce mémoire.
Mon cursus universitaire m’a naturellement conduit à m’intéresser à un thème en rapport avec le numérique et le musée. Il m’a jugé d’abord intéressant de comprendre comment ces deux disciplines se sont rencontrées et la manière dont elles peuvent être complémentaires.
Ce mémoire expose les raisons qui m’ont amenée à réfléchir sur la question du numérique au musée et particulièrement sur la manière dont les professionnels l’utilisent.
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Pourquoi utiliser le numérique au musée ? Étudier la place qu’occupe l’usage du numérique par les professionnels au musée, requiert d’explorer les notions de musée, de numérique, de professionnel, de public et de travail collaboratif. Ce mémoire cherche à comprendre comment les musées conceptualisent l’usage du numérique. Au fil de mes recherches, j’ai constaté que le numérique ne se résume pas seulement à un dispositif placé dans une exposition à destination du visiteur. L’usage du numérique est plus réfléchi et utilisé. Qui sont ces personnes qui décident de cet usage numérique ? Est-ce ceux qui travaillent dans les musées ? Si oui, avec qui collaborent-ils ? Et comment font-ils ? Ils proposent un usage numérique mais pour quelles raisons ? S’ils proposent un usage numérique c’est qu’eux même l’utilisent. De cette façon, je me suis interrogée sur la manière dont ils utilisent le numérique dans leur méthode de travail et ce que cela apporterait.
En définitive, nous nous intéresserons particulièrement à la manière dont les professionnels utilisent le numérique au musée.
Ce à quoi s’ajoute un intérêt de la part des professionnels du milieu muséal mais aussi du milieu numérique. Que proposent-ils ? Comment développent-ils le numérique au sein du musée ? A qui s’adressent-t-ils ? Quelle est la stratégie numérique ?
Enfin, ce mémoire est un outil de travail pour l’avenir. Il vise à mieux comprendre le monde du travail des professionnels de musées et comment ils pourraient exploiter au mieux le numérique au sein de leur structure.
La première partie de ce travail sera donc consacrée à une synthèse de l’état de l’art de ce sujet. Elle vise à comprendre l’évolution du numérique dans les musées. Qu’appelle-t-on numérique ? Comment s’est-il immiscé dans nos pratiques quotidiennes ? De quelle manière est-il entré au sein des institutions culturelles ? Quelle est sa place au sein d’un musée ? Qui sont ces professionnels et quels types de professionnels sont-ils ? On étudiera la nature du rapport numérique / visiteur et numérique / professionnel ainsi que les objectifs poursuivis tout particulièrement lorsqu’il s’agit de numérique in situ et en ligne. Il sera indispensable de se pencher sur la définition du mot numérique de façon à saisir l’aspect à la fois technique et culturel du mot afin de comprendre comment le numérique s’immisce dans nos pratiques quotidiennes. Pour finir, on examinera les formes qu’empruntent le numérique au musée. Peut-on parler de révolution numérique ? Comment pourrait-on qualifier l’arrivée du numérique au musée ? Il conviendra de s'interroger sur les différentes stratégies numériques possibles et de s’intéresser à son usage en évoquant une typologie des usages numériques au musée.
La seconde partie se concentrera sur l’usage du numérique en milieu muséal afin de mieux cerner les enjeux des professionnels. Il conviendrait d’établir une définition claire des professionnels. Qui sont ces professionnels ? On verra par la suite qu’il s’agit de
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professionnels de musée et du milieu numérique. On constatera que l’usage du numérique fait naître de nouveaux métiers et de nouvelles méthodes de travail. Il conviendrait de s’interroger sur le travail collaboratif entre professionnels et comment le numérique joue un rôle essentiel au web sémantique et au développement des métadonnées culturelles. Enfin, ces interrogations nous permettront de mieux comprendre la notion d’open data et les raisons pour lesquelles de plus en plus de musées adoptent cette pratique en partageant et/ou en réutilisant les données accessible à tous. Quel est leur rapport au numérique ? Comment se sont-ils intéressés à l’ouverture des données ?La troisième partie concerne la question des nouveaux défis numériques pour les musées. Cette partie sera constituée de l’enquête effectuée pour ce mémoire. Celle-ci vise à mieux cerner les usages du numérique au musée par les professionnels. Faute de temps, l’enquête s’est focalisée sur l’usage du numérique comme dispositif et comme outil de travail. L’enquête se présente par une série d’entretiens de professionnels issus à la fois du domaine muséal et numérique. Cette enquête est également complétée par mes observations personnelles lors de réunions entre professionnels2. C’est pourquoi, afin de vérifier les différentes hypothèses établies lors de cette enquête, il est nécessaire d’étudier les pratiques numérique des professionnels et les dispositifs conçus in situ et en ligne. On s’intéressera notamment aux différents profils interviewés afin de cerner au mieux leurs attentes vis à vis du numérique au musée. A partir de cette étude, on verra également qu’il est possible d'établir plusieurs hypothèses quant à l’usage du numérique au musée. Enfin, on discutera des résultats finaux en s’interrogeant sur les deux objectifs principaux de cette enquête. Il s'agit de comprendre les représentations et les attentes du numérique au musée par les professionnels et d’évaluer les modifications potentielles qu’apporte le numérique dans le travail des professionnels.
2 Il s’agit d’observations durant ma période de stage au Centre d’Histoire de Montréal, des échanges lors de réunions avec les professionnels. Cela concerne également des réunions auxquelles j’ai participé pour l’organisation de l’événement de Museomix Montréal 2014
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Ce mémoire se propose d’établir quelques pistes de réflexions quant à l’usage du numérique au musée et ne prétend pas établir de vérités absolues. Il se base notamment sur des ouvrages et articles qui apportent des réponses aux questions et réflexions de ce mémoire. Enfin, les observations et les entretiens du groupe de professionnels interrogés visent à mieux cerner l’usage du numérique au musée et ne se prétendent pas exclusifs.
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L'ÉVOLUTION DU NUMÉRIQUE :
QUELLE PLACE DANS LES MUSÉES ?
Chapitre 1 : Qu’est-ce que le numérique ?
a. Une définition qui relève à la fois de l’ordre du technique et du culturel
Il est nécessaire de se poser cette question même si la définition du numérique ne renvoie
« souvent qu’à l’aspect étymologique et technique du terme et surtout aux dispositifs opposés
à l’analogie »3. Que désigne ce mot exactement ? Selon Milad Doueihi (2013), si on prend en
considération la représentation du numérique en tant que champ d’activité et de réflexion dans
son contexte, le numérique n’est pas informatique, il n’est qu’une partie. L’informatique est
un domaine qui fait appel au traitement automatique de l’information par la programmation,
le code, l’algorithme transmis à des machines. Il serait intéressant de distinguer les
deux parties. Le numérique est de l’ordre du culturel, par nos pratiques et usages alors que
l’informatique est de l’ordre du technique et de la programmation. Selon Milad Doueihi
(2013), cette émergence socio-culturelle du numérique date depuis 2005-20064, années où les
réseaux sociaux commencent à prendre de l’ampleur. Le numérique est devenu un quotidien
dans les pratiques culturelles qui s’imposent dans les outils informatiques des personnes
(ordinateurs, mobiles, tablettes...).
C’est un autre univers dématérialisé qui se détache de l’espace physique où les personnes
communiquent entre elles. Il s’agit d’un nouveau type de relation sociale qui émerge de ces
3 DOUEIHI (Milad), 2013, Qu’est-ce-que le numérique ?, Paris : PUF, p.54 France Culture, Intervention de Milad Doueihi, Qu’est-ce-que le numérique ?, émission du 12 novembre
2013, 5min10 Publication en ligne : <http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4732444>
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nouveaux usages numériques inscrits dans la continuité des pratiques existantes. A-t-on
affaire à une rupture radicale où est-on dans la continuité d’une société qui évolue
constamment ? On peut parler d’un « vivre ensemble à l’ère numérique » : Antonio Casilli
(2010), dans son ouvrage, Les liaisons numériques : vers une nouvelle sociabilité ?,5
s’interroge sur la manière dont le numérique occupe l’espace dans notre quotidien jusqu’au
développement des relations sociales par des communautés virtuelles qui s’établissent dans
l’espace physique. Il redessine la sociologie des réseaux en analysant les usages des pratiques
de présentation de soi sur les structures sociales virtuelles. Avec son regard sociologique,
l’auteur apporte une nouvelle dimension du rapport entre le public et le numérique. Par son
analyse, on constate que le numérique ne détruit en aucun cas les liens sociaux, au contraire,
ces liens permettent de relier les communautés entre elles. L’auteur remet en cause les idées
reçues sur l'espace numérique et son discours.
b. Le numérique comme philosophie
Cet espace numérique d’Antonio Casilli est défini par Milad Doueihi (2011) comme « un
humanisme numérique ». Ce que nous propose Milad Doueihi dans son dernier ouvrage paru
en 2011, Pour un humanisme numérique n’est pas une simple analyse des changements
apportés par les nouvelles technologies. C’est une approche philosophique à part entière qui
ne se centre pas seulement sur le domaine des technologies de l’information, mais qui
s’intéresse à une véritable plus grande vision du monde.
Dans son ouvrage, l’auteur définit le numérique comme étant « le résultat d’une convergence
entre notre héritage culturel complexe et une technique devenue un lieu de sociabilité.6 ». Il
affirme que l’humanisme numérique est le rapport de l’individu avec l’espace, qu’il modifie
sans cesse. Le numérique est un espace hybride ; nous vivons entre l’espace réseau et notre
espace en modifiant nos comportements. Aussi, au départ, la culture numérique était une
pratique assise, par l’obligation d’être sur une chaise devant un ordinateur.
Aujourd’hui, nous sommes dans une dimension de mobilité par des dispositifs tactiles. Dans
cette approche d’humanisme, l’humain devient de plus en plus important. En quoi
l’humanisme numérique se distingue-t-il de l’Humanisme démocratique des grands penseurs
des siècles précédents ? Il modifie notre rapport avec le patrimoine, l’héritage et notre regard
sur l’Histoire par l’usage du numérique dans la conservation du patrimoine.
On constate ainsi que le numérique n’est pas seulement technique. Il apporte une approche
culturelle dans nos pratiques. C’est un autre univers dématérialisé qui se détache de l’espace
physique où les personnes communiquent entre elles. Il s’agit d’un nouveau type de relation
5 CASILLI Antonio, 2010, Les liaisons numériques : vers une nouvelle sociabilité ?, Paris : Ed. du Seuil6 DOUEIHI (Milad), 2011, Pour un humanisme numérique, Paris : Ed. du Seuil, p.9
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sociale qui émerge de ces nouveaux usages numériques inscrits dans la continuité des
pratiques existantes. A-t-on affaire à une rupture radicale où est-on dans la continuité d’une
société qui évolue constamment ?
On peut parler d’un « vivre ensemble à l’ère numérique » : Antonio Casilli (2010), dans son
ouvrage, Les liaisons numériques, s’interroge sur la manière dont le numérique occupe
l’espace dans notre quotidien. Le numérique permet même de développer des relations
sociales par des communautés virtuelles qui vont, par la suite, s’établir dans l’espace
physique. Par cette analyse, on constate que le numérique ne détruit en aucun cas les liens
sociaux, au contraire, ces liens permettent de relier les communautés entre elles. Ces liens
sociaux se développent à travers la notion d’amitié qu’on retrouve dans les pratiques des
réseaux sociaux. Il faut alors comprendre comment le monde numérique s’approprie cette
notion, la façonne et en fait le fondement d’une nouvelle manière de structurer les liens
sociaux. De quelle manière elles modifient l’espace, le temps, les liens sociaux et, en général,
la façon qu’à l’homme de se rapporter au monde.
Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où le numérique a trouvé sa place. Doueihi va
imposer la notion de lettré numérique. La culture numérique émerge un nouveau modèle de
société dans lequel le partage est fondamental. La notion d’humanisme numérique prend tout
son sens : il s’agit donc d’une société dans laquelle les institutions de la connaissance vont
mettre à disposition leurs données via le numérique. Le fait d’avoir accès aux grandes œuvres
de l’humanité est une révolution.
c. Le changement des comportements et habitudes du public
La réalisation en 2008 d’une nouvelle enquête Pratiques culturelles des Français, permet de
faire le point sur les changements qu’a connu le monde de la culture avec l’arrivée du
numérique dans nos pratiques quotidiennes.
« Les conditions d’accès de l’art et de la culture ont profondément évolué sous les effets
conjugués de la dématérialisation des contenus. »7
Même si cette enquête date de 6 ans, celle-ci ne fait que prouver l’avancée impressionnante
du numérique dans les pratiques culturelles par la montée en puissance de la « culture des
écrans ». Cette évolution a définitivement consacré les écrans comme support privilégié de
nos rapports à la culture. Tout est désormais potentiellement visualisable sur un écran et
accessible via l’internet.
7 DONNAT (Olivier), 2008, Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Éléments de synthèse 1997-2008, Secrétariat général, Délégation au développement et aux affaires internationales, Département des études, de la prospective et des statistiques, Publication en ligne :<http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/08synthese.pdf>
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Fréquence d’utilisation d’internet et pratiques culturelles à des fins personnelles
Par ce graphique, on constate que la fréquentation des musées par le public vient après le
cinéma. Chacune des activités culturelles s’est progressivement accentuée ces dernières
années. En même temps, nombreux sont les indices qui laissent entrevoir la profondeur du
changement en cours.
Le remplacement des objets et supports culturels non numériques par des outils numériques
habitue le public aux usages du numérique notamment le web auquel on peut y accéder par un
ordinateur ou en continu par des téléphones intelligents. Ce qui étend ces usages à des
situations de la vie courante. Les géants du numérique, comme Apple, Google, Microsoft,
Samsung, Nintendo, Amazon mettent en place de nouveaux dispositifs massifs et
concurrentiels d’accès à la culture par leurs outils numériques.
L’évolution technologique est faite ; c’est pourquoi il est tellement difficile de prévoir le
développement des nouvelles technologies et de parier sur une évolution plutôt que sur une
autre. La plupart des innovations récentes ont produit des bouleversements majeurs dans le
monde numérique, bouleversements imprévisibles. C’est le cas du réseau social Facebook qui
a connu un succès impressionnant de par son usage.
L’association d’objets de haute technologie avec des plateformes de services en ligne est une
nouvelle manière d’avoir accès à la culture. C’est de cette manière que le public va
17
vraisemblablement adopter ces usages pour communiquer avec le monde culturel. Alors que
le numérique s’immisce de plus en plus dans nos pratiques quotidiennes, celui-ci modifie
profondément les relations entre homme-machine. De nouveaux outils tels que le téléphone
intelligent, l’ordinateur, la tablette tactile, le web 2.0 modifieraient nos comportements et
apporteraient des changements dans nos pratiques quotidiennes.
D’autant plus que les innovations technologiques comme la réalité augmentée, la 3D, les
réseaux virtuels, le gyroscope remettent en question les frontières du virtuel et du réel. Que ce
soit le secteur scientifique, commercial, médical, artistique ou culturel, tous ont subi cette
mutation vers le numérique. Certains l’ont adopté de manière rapide dans leurs pratiques
professionnelles tandis que d’autres font l’objet d’un changement dont on ne mesure pas
encore son importance. C’est le cas de l’évolution des musées liés à l’apparition du
numérique.
Chapitre 2 : Le numérique au musée : révolution ou adaptation ?
a. Qu’est-ce qu’un musée ?
D’après le Conseil international des Musées, établi en 1974, le musée est « une institution
permanente, sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au
public, et qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l’homme et de son
environnement, acquiert ceux-là, les conserve, les communique et notamment les expose à
des fins d’étude, d’éducation et de délégation. »8
Toutefois avec l’évolution des musées, nous pouvons nous interroger sur une redéfinition du
terme. S’agit-il d’une définition « classique » du musée ? N’existe-t-il pas des musées avec
une approche différente mais avec les mêmes objectifs ? L’arrivée du numérique au musée
remet-elle en cause cette définition ?
Si nous nous interrogeons sur la place du numérique au musée, nous constatons que le musée
l’utilise pour des raisons spécifiques. Un musée présente plusieurs missions9:
Il doit d’abord établir une étude sur sa collection permettant de déterminer sa nature et son
époque afin de préserver et sauvegarder le patrimoine à transmettre et le conserver dans
les meilleures conditions par la protection empêchant les détériorations en le restaurant. En
effet, le musée détient un « patrimoine à la fois matériel » (objets tangibles) et immatériel
8 MAIRESSE (François) et Desvallees (André) (sous la direction de), 2007, Vers une redéfinition du musée ? Collection Muséologies, Paris : L’Harmattan, p.13
9 MAIRESSE (François) et Desvallees (André) (sous la direction de), 2007, Vers une redéfinition du musée ? Collection Muséologies, Paris, L’Harmattan, p.58
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(littérature, musique, mémoire, traditions…) qu’il va diffuser et mettre à disposition du
public le patrimoine conservé par sa médiation, sa communication, sa mise en exposition in
situ et en ligne.
Ces missions regroupent à la fois l’étude, la préservation, la diffusion et la transmission d’un
patrimoine matériel et immatériel.
Que viendrait faire le numérique dans cette approche ? Il servirait d’outils et de support pour
répondre à ces missions. C’est le contenu qui primerait face à la technologie numérique et qui
servirait seulement à faciliter l’accès à l’information devenant une pratique régulière chez le
public. Les musées s’adapteraient aux pratiques des visiteurs.
b. Positionnement du numérique
Avec les tablettes et les téléphones intelligents, il y a un accès au web, aux contenus et à
l’information en tout temps. Il y a encore et toujours ce besoin d’accéder à du contenu de
qualité et de référence. Il y a donc un grand défi de la culture numérique : celui de devoir
travailler avec le numérique mais aussi de devoir utiliser ces outils, de démocratiser l’accès
aux contenus et aussi à la manière de penser du numérique par le partage.
Le rapport à la culture est un outil important pour la société parce qu’il permet aux outils
numériques de contribuer à la conservation et la préservation de l’œuvre d’art en la rendant
accessible au public. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le numérique n’est pas une
révolution qui modifierait ou mettrait en péril l’existence des musées. Au contraire, il s’agirait
plutôt d’une nouvelle étape qui consisterait à enrichir et à aider les publics à organiser des
visites in situ ou à distance. Au delà de l’innovation technique des usages numériques, il serait
intéressant de se demander quelles valeurs spécifiques le numérique apporte au musée ? Il
serait également intéressant de confronter les intentions des concepteurs de ces dispositifs
numériques avec les intentions des professionnels de musée. Quelles sont les caractéristiques
propres au numérique ? Se distinguent-t-elles des autres outils déjà existants ?
c. L’intégration du numérique au musée
On a tendance à utiliser le terme de « révolution numérique » pour définir l’arrivée du
numérique au musée et même dans les pratiques quotidiennes. Avant d’utiliser ce terme, il
serait intéressant de connaître sa définition. Une révolution est une « évolution des opinions,
des courants de pensée, des sciences; découvertes, inventions entraînant un bouleversement,
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une transformation profonde de l'ordre social, moral, économique, dans un temps relativement
court. »10
Pourquoi parle-t-on souvent de révolution numérique au musée ? Le numérique révolutionne-
t-il vraiment les musées ? Entraînerait-il des ruptures quant à ce qu’il proposerait comme
dispositifs : applications mobile et tablette, internet, réalité augmentée ? Mais cette révolution
s’opérait surtout dans les usages et dans l’approche de chacun.
En quoi ces usages qui se développent autour des musées influenceraient nos pratiques
devenant différentes ? Selon Samuel Bausson11, fondateur de l’événement Muséomix, le tout
tournerait autour de grands principes qui sont l’ouverture et le code source : la possibilité de
lire et d’écrire, donc de participer.
Selon Ana Laura Baz, la révolution peut se présenter dans la société plutôt que dans les
musées. Elle s’opère plus dans les comportements des citoyens, sur la manière dont on agit,
dont on partage du contenu. Selon elle, aujourd’hui les musées peuvent faire abstraction du
numérique mais dans un futur proche, ils devraient probablement tous passer au numérique.
Toutefois, tout ne doit pas être numérique.
Alors parle-t-on de révolution numérique dans les musées ? Le musée doit s’adapter aux
pratiques des visiteurs pour que celui-ci continue de fréquenter et d’avoir accès au savoir en
tout temps par l’intermédiaire de l’usage du numérique qui deviendrait très pratique et utile
dans son quotidien. Toutefois, il ne s’agirait pas d’une révolution mais plutôt d’une continuité
dans l’avancement des pratiques quotidiennes du public.
Selon Nancy Proctor, directrice adjointe de l’expérience numérique au Baltimore Museum of
Art12, il devrait y avoir un véritable échange et une écoute entre le musée et le public afin de
transmettre des connaissances et d'avoir du contenu culturel à partager. La technologie
numérique deviendrait alors un outil : si la culture de base n’est pas présente, le numérique
n’aidera pas à changer les choses.
Y a-t-il une différence entre user d’un dispositif numérique durant une exposition et ne pas en
utiliser du tout ? Avec un dispositif numérique portatif, le visiteur met-il plus de temps à
découvrir le musée ?
Le Musée de la Civilisation à Québec s’est posé la question en interrogeant, dans un premier
10 Définition tirée de la lexicographie du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales11 Intervention de Samuel Bausson, fondateur de Museomix, lors du Forum :Les musées à l’ère du numérique,
Société des Musées de Québec, les 11 & 12 juin 2014 à Montréal12 Forum : Les musées à l’ère du numérique, Société des Musées de Québec, les 11 & 12 juin 2014 à Montréal
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temps, des visiteurs en possession d’un iPod durant leur visite et ceux qui n’en n’ont pas. Le
résultat présente une grande différence dans la durée de la visite : sans iPod, 75% des visiteurs
sont restés moins de 30 minutes et avec un iPod les visiteurs sont restés entre une heure et
trois heures.13
Dans les musées, le numérique transformerait nos pratiques, nos façons de faire. Ces
transformations toucheraient autant les contenus, les collections ou la médiation avec le
public, que les méthodes de travail des professionnels.
d. Construction d’une stratégie numérique
Avant d’élaborer une stratégie numérique, il serait intéressant de constater qu’il existe une
véritable vie sociale numérique. Cette vie sociale existe en dehors des musées. Il y a de plus
en plus de contribution et de participation citoyenne en dehors des musées qui existent déjà.
C’est un fait, les citoyens ont largement adopté le numérique dans leur pratique. Comment un
musée peut-il se positionner face à cette vie sociale numérique ? Quelle stratégie peut-il
proposer pour y pénétrer et en faire parti lui-aussi ? Que souhaiterait développer le musée ?
Presque tous les musées disent ne pas avoir de budget pour le développement du numérique.
Ils ont un budget mais l’utilisent pour d’autres priorités. Que faire avec ce budget ? La
stratégie numérique serait un moyen de clarifier au mieux un budget nécessaire pour l’usage
du numérique.
Prenons l’exemple d’une grande institution comme le musée de la civilisation à Québec et
d’une petite institution comme le Centre d’histoire de Montréal.
Le Musée de la Civilisation cherche à permettre aux citoyens d’accéder, d’interagir et de
partager avec des contenus et de l’information, avec d’autres visiteurs et avec le musée.
D’après Ana Laura Baz, chargée de projet numérique au Musée de la Civilisation à Québec,
lors de son intervention au Forum Les musées à l’ère du numérique14, la stratégie numérique
du musée se développe en cinq orientations :
• enrichir le contenu diffusé de façon numérique notamment sur le site internet avec
l’accès aux collections et aux contenus explicatifs des expositions.
• développer une expérience numérique en continuité avec l’expérience in situ qui
passerait notamment par les applications mobile et tablette durant la visite et par les médias
sociaux qui pourraient être « un véritable terrain de jeu »15 pour les musées notamment sur
13 Intervention d’Ana Laura Baz, chargée de projet numérique au Musée de la Civilisation à Québec lors du Forum : Les musées à l’ère du numérique, Société des Musées de Québec, les 11 & 12 juin 2014 à Montréal
14 Forum : Les musées à l’ère du numérique, Société des Musées de Québec, les 11 & 12 juin 2014 à Montréal15 Citation d’Ana Laura Baz lors du Forum, Les musées à l’ère du numérique, Montréal les 11 & 12 juin 2014
21
l’usage des contenus, l’interaction et l’interactivité entre le musée et le public.
• des projets favorisant la participation citoyenne grâce à la médiation pour les
expositions in situ et virtuelles.
• le numérique pourrait contribuer à l’augmentation des revenus notamment par les amis
du musée et des ventes en ligne (lever de fond)
• assurer une veille, la partager et développer les compétences des personnels.
Si l’on prend en considération les cinq points d’orientations de la stratégie du musée de la
Civilisation, on constate que chaque thématique est prise en compte. Que ce soit l’identité
numérique du musée, son lien avec le visiteur, les revenus et même le développement des
compétences du personnel, chaque partie est pensée de façon à ce que le numérique puisse
trouver sa place au sein de l’institution.
Il m’a été demandé durant mon stage au Centre d’histoire de Montréal de proposer une
stratégie numérique. J’ai alors fait face à la difficulté du budget, étant restreint au musée. Il
s’agit, en effet, d’une réalité et beaucoup de petites institutions ne peuvent pas se permettre de
développer des applications ou de mettre en place des outils de médiation numérique. Il a
alors fallu faire des concessions et proposer une stratégie adaptée au musée. Dans l’annexe16
se trouve une première piste proposée au Centre d’histoire de Montréal pour développer sa
stratégie numérique. Celle-ci s’intéresse particulièrement à l’animation des réseaux sociaux et
du site internet mais également à l’importance de partager leur contenu et leur collection en
ligne.
e. Vers une vision du participatif
La médiation numérique
Comment le numérique modifie-t-il l’expérience de visite ? Les visiteurs attendraient d’un
musée qu’ils leur apportent de l’information pendant leur visite. Ils ont besoin de comprendre
les sujets traités. Ce besoin d’information est recherché avant et/ou pendant la visite. En
fonction de ces pratiques et attentes, les médiations in situ, numérique ou non, pourraient être
utiles et répondraient à ces attentes de la part du visiteur.
Le participatif dans le travail collaboratif
Les technologies de l’information nous amèneraient à devoir travailler ensemble. Selon
Samuel Bausson17, l’idéal serait de mettre en place un environnement qui fera le lien entre les
16 La stratégie numérique du Centre d’histoire de Montréal se trouve en annexe17 Intervention de Samuel Bausson, fondateur de Museomix, lors du Forum :Les musées à l’ère du numérique,
Société des Musées de Québec, les 11 & 12 juin 2014 à Montréal
22
musées et les créatifs. L’idée est de créer un lien, une affinité, de la confiance entre
communauté et de fonctionner dans un mode de peer to peer, de sortir des logiques de
communication classique qui font appel à l’injonction presque à la participation et tourner sur
une logique de diffusionniste et participative.
Le dispositif numérique serait un objet socio-technique qui est à la fois complet et complexe.
Lorsque celui-ci est en mobilité, il envahit l’expérience du visiteur. En fonction de sa place, il
attirait le public pour un objectif précis. Mais le dispositif pourrait être perçu comme un objet
de confusion entre l’œuvre et le visiteur. Celui-ci ne remplace ni l’œuvre, ni l’expérience. En
effet, c’est l’authenticité de l’expérience du visiteur qui prime sur le reste.
De plus en plus de projets de médiation culturelle impliquent des pratiques participatives,
transformant à la fois le rôle des musées et des participants. L’intégration des technologies
numériques dans plusieurs types de médiation culturelle contribuerait significativement à la
mutation des pratiques et au développement d’une culture participative. Le développement de
projets de médiation culturelle intégrant la culture numérique participative contribuerait ainsi
à intégrer de nouveaux modes de création et de communication pour vivre une expérience
collective. Ces nouvelles approches participatives interrogent les professionnels sur la façon
dont ils doivent concevoir leurs expositions.
f. Typologie des nouveaux dispositifs
Parmi les dispositifs numériques les plus utilisés dans les musées, on retrouve les dispositifs
accessibles en ligne dont l’usage des réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter et
l’utilisation de site internet ou d’application mobile reflétant l’identité du musée en ligne.
Aussi, les expositions en ligne permettent de visiter un musée ou une exposition à partir d’un
ordinateur de chez soi. Google Art Project est un service mis en ligne par Google en février
2011, permettant de visiter virtuellement différents musées. Grâce à la technologie, Street
View a permis la numérisation en 3D, de 32 000 œuvres de 151 musées ou lieux différents à
travers 40 pays.
Concernant les dispositifs in situ qu’on retrouve généralement dans l’usage des musées, les
applications des téléphones mobiles, tablettes, iPod, sont souvent utilisés comme audioguide
ou support d’aide à la visite. Ces dispositifs permettent d’avoir du contenu visuel, audio et la
compréhension du discours. Les écrans tactiles sont les plus utilisés au musée, ils favorisent
l’interactivité avec le public. C’est le cas du Cleveland Museum of Art18 qui a ouvert, en
2012, une galerie interactive avec le plus grand écran multi-touche des États-Unis donnant
18 Vidéo présentant l’interface interactive du Cleveland Museum of Art<http://www.youtube.com/watch?v=qWJqd6lyJ-E#t=62>
23
accès aux images de plus de 3 500 objets de la collection permanente. Cet écran de 12.2
mètres permet aux visiteurs de créer et préparer leurs propres visites du musée et découvrir
toute l’étendue des collections. Le mur offre également une expérience d’orientation,
permettant aux visiteurs de télécharger des circuits existants ou de composer sa propre visite
et de la faire dans les galeries avec l’aide des iPads. La galerie propose également des iPads
connectés au mur, des écrans proposant des activités interactives et ludiques ainsi qu'un guide
de visite géo localisé et utilisant la reconnaissance d’images, téléchargeables sur iPad et iPod.
Parmi les dispositifs les moins fréquents ou en phase d’expérimentation au musée, on
retrouve plusieurs types d’interfaces interactives.
L’interface haptique est un dispositif permettant d’utiliser le sens du toucher par la dynamique
du corps humain pour interagir avec l’ordinateur comme la chirurgie à distance effectuée dans
les hôpitaux. Ces techniques sont en cours d’expérimentation pour permettre au public des
musées de découvrir par le toucher des objets qui ne sont pas disponibles ou qui ont disparu.
Prenons l’exemple du projet Touching Ghosts in museums : il s’agit d’une étude effectuée
en 2009 au Birmingham Institute of Art. Elle consiste à utiliser des dispositifs d'interface
haptique pour offrir des expériences tactiles d'objets de musée virtuel. C’est avec les poteries
Museum & Art Gallery qu’ils ont utilisé un système haptique. Après une sélection d'objets par
le personnel de la conservation, ils ont été scannés et numérisés en tant que modèles 3D, puis
optimisés pour l'affichage haptique et visuel. Les objets ont ensuite été testés avec les
visiteurs dans les musées.
L’interface cérébrale est une technologie permettant d’interagir avec un ordinateur par la
pensée. Il a surtout été testé dans le domaine médical et dans les jeux vidéo. Citons comme
exemple le logiciel OpenViBE, créé en 2010, pour faciliter le développement des interfaces
cerveau-ordinateurs et leurs applications, notamment aux environnements de réalité virtuelle.
L'utilisation du logiciel est montrée à travers trois applications où l'on voit l'utilisateur
déplacer des objets virtuels ou naviguer dans un musée virtuel uniquement grâce à son
activité cérébrale. Le « musée virtuel » est une application qui permet à l’utilisateur de se
déplacer dans un musée « par la pensée » en utilisant trois commandes mentales :
mouvements imaginaires des pieds, de la main droite ou de la main gauche. L’utilisateur peut
sélectionner progressivement sa destination finale par un enchaînement de choix binaires
gauche/droite. En plus de ces deux commandes, il peut annuler n'importe lequel de ces choix
à l'aide de mouvements imaginés des pieds. Une fois qu'un point de navigation a été
sélectionné, l'application se charge d'emmener automatiquement l'utilisateur jusqu'à sa
destination et il peut pleinement profiter de la visite.
24
Les lunettes de vision immersive ou réalité virtuelle sont une technologie utilisée dans
certains musées comme interface de visite virtuelle ou de réalité augmentée. Il s’agit d’un
dispositif encore en expérimentation. En novembre 2013, le Musée de la civilisation
égyptienne antique de Turin, a lancé le dispositif GoogleGlass4Lis19, un guide visuel utilisant
les lunettes connectées de Google. Les visiteurs sourds et malentendants peuvent maintenant
accéder à différentes informations, à travers un avatar virtuel parlant le langage des signes
projeté sur l’écran vidéo intégré dans les lunettes, fournissant ainsi des informations
historiques et des explications aux visiteurs tout au long de l’exposition. Cet outil de
médiation numérique permet également, à l’aide d’une commande vocale, de contrôler la
diffusion des commentaires, de prendre une photo, d’enregistrer une vidéo et de partager avis
et contenu sur les réseaux sociaux.
Certains robots participent à l’informatique ambiante dans les musées en étant des médiateurs
proposant des parcours de visite. C’est le cas de Docent20, un robot «savant » pour les
musées. Ce robot-guide est le seul ayant été conçu spécialement pour les musées. Il est
d’ailleurs déjà utilisé comme « agent de médiation » au Daegu Art Museum en Corée du Sud.
Docent est le dernier né de la marque sud-coréenne Corebell, distribuée par Big Robots.
L’écran situé au niveau de la tête de ce petit cosmonaute lui permet de changer d’expression.
Il se déplace selon un itinéraire prédéfini, tout en évitant les obstacles et il s’arrête devant des
gommettes placées sur des plaques transparentes au niveau des points d’intérêt qui doivent
être commentés par le robot. Grâce aux informations et aux contenus fournis par le musée,
Docent serait en mesure de présenter vocalement et en plusieurs langues chaque point
d’intérêt aux visiteurs. Son vidéoprojecteur, installé à l’arrière, lui permettrait également
d’étayer son propos en présentant sur le mur des documents complémentaires, comme des
vidéos, des plans ou des images.
Les professionnels utilisent le numérique de deux façons distinctes. La première approche
amène le professionnel à user du numérique comme un dispositif dans les musées.
La seconde approche vise à user du numérique comme un outil collaboratif de travail. Il est
question ici d’analyser un nouveau type de travail collaboratif qui est apparu à partir de 2007,
l’open data ou l’ouverture des données donnant accès à différents types d’informations
librement et gratuitement. De plus en plus de professionnels dans le milieu muséal s’ouvrent à
cette pratique. Il serait intéressant d’examiner la manière dont le numérique est en train de
modifier les méthodes de travail en introduisant de nouveaux outils et plates-formes qui
transforment notre rapport au savoir et qui se présentent comme une pratique de sociabilité
numérique.
19 Vidéo présentant les GoogleGlass4Lis : <https://www.youtube.com/watch?v=3nn4JaQsj0Q>20 Vidéo présentant le robot Docent : <http://www.youtube.com/watch?v=tjeQDw6rdVw>
25
ÉTUDE D’USAGES NUMÉRIQUES EN MILIEU MUSÉAL :
ENJEUX POUR LES PROFESSIONNELS
Chapitre 1 : Les professionnels : qui sont-ils ?
a. Une multitude de professionnels
On s’interroge souvent sur la manière dont le numérique interagit avec le public des musées et
comment cette notion du participatif permet de nouvelles pratiques de médiation culturelle et
de nouvelles expériences muséales. Mais on s’interroge moins sur la façon dont on réfléchit à
cette interactivité et pourquoi on ajoute le numérique à cette médiation culturelle. C’est par le
biais des professionnels que cette réflexion débute. Ce sont eux qui pensent l’exposition et le
lien avec le visiteur. Si on veut aller plus loin dans cette réflexion, on s’intéressera aussi à la
manière dont eux-mêmes cherchent à utiliser le numérique dans leur travail. Toutefois, les
professionnels du milieu muséal ne maîtrisent pas le numérique au point de pouvoir
développer eux-mêmes leur propre interface ou application.
C’est pourquoi ce mémoire s’intéresse à deux types de professionnels : le professionnel en
milieu muséal et le professionnel du numérique.
Le professionnel en milieu muséal concerne toute personne travaillant dans un musée qui
apporte sa contribution au développement du numérique. Il peut s’agir d’un muséologue, d’un
chargé d’exposition, d’un responsable de communication ou d’un médiateur culturel. Le
professionnel du numérique rassemble les personnes travaillant dans les agences ou
entreprises spécialisées dans le domaine du multimédia ou de l’informatique proposant leurs
compétences au service des musées. A titre d’exemple, on peut citer, l’informaticien, le
développeur, le designer, le codeur, le concepteur ou le chargé de projet audiovisuel. Il est
également question de s’intéresser aux chercheurs et étudiants en muséologie et en
informatique, multimédia qui s’intéressent de près au numérique dans les musées.
26
Dans cette étude, nous utilisons la définition du professionnel en milieu muséal et numérique
comme une référence générale, sur laquelle repose différentes classifications selon les
fonctions. Cependant, la présente étude a pour but d'évaluer l'évolution de ces professionnels
dans un contexte muséal changeant, en particulier par l’influence de la technologie numérique
sur pratiquement tous les aspects des pratiques muséales.
b. De l’usage du numérique à la naissance de nouveaux métiers
Si l’on considère le fait que le numérique est devenu une pratique quotidienne, le
professionnel de musée se doit de manipuler ces outils numériques d’autant plus que :
« la plupart des musées ont un site Web, au moins un ordinateur, et une partie de leur collection
est décrite dans une base de données ou dans un système de gestion des collections, ou encore
un inventaire a été dressé et enregistré sous forme de fichier électronique. Ces technologies ont
une incidence considérable sur la façon de fonctionner des musées et d'interagir avec leurs
publics dans toutes les activités de l'exploitation du musée : administration, collections et
conservation, et interaction avec le public (expositions, programmation et communication).21 »
Il est alors difficile de ne pas arriver à la conclusion que le numérique au musée deviendrait
de plus en plus important. Il ne s’agirait plus d’un domaine de compétences pour les
professionnels du numérique mais aussi d’une pratique quotidienne qui prend de l’ampleur
dans tous les milieux. Toutefois, il est nécessaire de rappeler que le numérique n’est qu’un
outil permettant d’y mettre du contenu ; un contenu au cœur de la fonction même de musée.
C’est pourquoi, aujourd’hui, de nouveaux métiers sont créés pour répondre à ce besoin. Aussi,
les professionnels de musée devraient maîtriser certains outils numériques afin de faciliter le
développement du musée.
On s’interroge également sur cette naissance de nouveaux métiers et ce besoin de former les
professionnels du musée au numérique. La thèse L’action culturelle mise à nu par ses métiers
d’Isabelle Mathieu (2011), maître de conférence à l’université de Bourgogne, fait l’objet de la
question de la professionnalisation des acteurs de la culture, notamment comment ils
contribuent à la mise en œuvre de la médiation. L’auteur s’intéresse particulièrement aux
questions des formations aux métiers de la Culture suscitant la création de nouveaux métiers.
L’irruption du numérique chez les professionnels forme deux types de réactions : les
21 DUFF (Wendy), CARTER (Jennifer), DALLAS (Costis), HOWARTH (Lynne), ROSS (Seamus), SHEFFIELD (Rebecka) et TILSON (Cassandra), 2009 Travailleurs du savoir dans les musées du XXIe siècle, Toronto : Faculté de l'information, Université de Toronto, 24 avril 2009. Publication en ligne :<http://www.pro.rcip-chin.gc.ca/carrefour-du-savoir-knowledge-exchange/travailleurs_savoir-knowledge_workers/2_1-fra.jsp>
27
professionnels qui font intervenir les nouvelles technologies dans leurs pratiques et les
réticents face à ces nouveaux dispositifs. L’auteur dresse ainsi une analyse concernant la
réorganisation des métiers de la Culture en y intégrant l’apparition du numérique. La question
est de s’approprier des technologies pour en faire des pratiques d’échanges en les intégrant
dans la médiation à destination du public.
Si l’on prend l’exemple de l’université du Québec en Outaouais, les objectifs du programme
de formation des étudiants, tels qu'ils sont énoncés dans le site Web, sont les suivants :
« La formation en cybermuséologie vise à former des praticiens maîtrisant les aspects essentiels
de ce domaine novateur et en émergence. Elle permet aux étudiants d'approfondir tous les
principes théoriques et pratiques relatifs à la nature du média Internet et à l'action muséale
qu'on y accomplit. Ce plan d'étude est élaboré afin de favoriser une acquisition des notions
inhérentes aux contenus scientifiques, aux stratégies de diffusion numériques, aux bases de
données patrimoniales, à l'éducation muséale, au graphisme d'interface et à l'exploitation
pertinente des éléments multimédias. […] Globalement, les cybermuséologues ainsi formés
s'inscrivent dans une pratique pertinente et professionnelle au sein de notre société numérique
du savoir. »22
Il s’agit donc de cours axés sur les nouvelles technologies qu’on nomme « cybermuséologie ».
On forme à de nouveaux métiers qui émergent au sein des institutions muséales. Prenons
l’exemple du Community Manager et du chargé de projet numérique.
Le Community Manager et l’enjeu des réseaux sociaux
L’émergence du web a crée une multitude de communauté avec des internautes différents les
uns des autres (âges, intérêts, passions…). Il faut donc adopter une nouvelle façon de
communiquer. C’est ce que doit faire un Community Manager. Son rôle est de construire une
relation durable avec l’internaute grâce aux différents outils du web 2.0. Internet devient alors
un nouveau terrain de jeu pour les musées qui peuvent cibler un public divers. Le but est de
donner une identité au musée pour que l’internaute puisse l’identifier et ainsi parvenir à
découvrir ses actualités. Pour cela, il suffit d’user des technologies numériques en diffusant
des contenus multimédia notamment en se créant une personnalité virtuelle, une image dédiée
au musée pour passer du virtuel au réel.
Les médias sociaux font partis de notre quotidien. Pourquoi avoir de l’intérêt pour le web
social ? De plus en plus de personnes se connectent via les réseaux sociaux et se tiennent
informer des nouvelles. Chaque réseau social à son utilité et son importance. Ainsi le web
social met en valeur le musée tout en partageant de l’information. Le but est de simplement
22 Université du Québec en Outaouais. Mineure en cybermuséologie-8742. Publication en ligne : <http://services.uqo.ca/ConsultationBanqueProgrammes/programmes/8742.html.>
28
connaître le fonctionnement et la logique des réseaux tout en se les appropriant. Alors
comment les musées peuvent-ils adopter le web social ? Quelle est la stratégie de présence?
C’est pourquoi plusieurs musées engagent des personnes spécialement pour gérer ces réseaux
sociaux.
Le chargé de projet numérique
Ce métier consiste à gérer et mettre en place des dispositifs numériques et de médiation au
musée. Avec l’avancée technologique et le passage numérique qui bouleverse notre rapport
aux choses, il est nécessaire de s’interroger sur une nouvelle démarche de mise en valeur du
patrimoine culturel. C’est pourquoi, le chargé de projet numérique contribue à l’élaboration et
à la mise en œuvre de la stratégie numérique. Il reste en contact direct avec les professionnels
du numérique et ensemble développent des projets pour le musée.
c. Des professionnels au service des musées
Il existe également des entreprises qui sont spécialisées dans le développement d’applications,
d’interfaces numériques et de réalisations de contenus pour audioguides et tablettes. Ces
entreprises proposent leurs services aux musées et collaborent, de manière générale, avec
diverses institutions culturelles. L’usage du numérique pour ces professionnels est courant
puisqu’il s’agit de leur domaine de compétence. Il serait alors pertinent de s’interroger sur les
raisons qu’ont ces entreprises à s’intéresser au monde de la culture. Selon ces professionnels,
les différentes hypothèses23 existantes incitant l’usage du numérique au musée seraient que le
public apprendrait mieux grâce à ces dispositifs en raison de la variété des formats et des
contenus proposés ce qui conduit à une forme d’apprentissage. Aussi, cela permettrait d’attirer
et d'élargir le public (les technophiles ou ceux qui n’aiment pas venir par exemple). Toutefois,
les dispositifs numériques ne compensent en rien le caractère distant associé à la fréquentation
des musées. Si le public n’a pas le goût de cette expérience, le numérique ne le changera pas.
Pour le professionnel, le numérique pourrait alors proposer une expérience immersive au
musée. De cette manière, on pourrait mieux s’adapter à la diversité des visiteurs sous réserve
de comprendre que les visiteurs peuvent user du dispositif de manière détournée de ce qui
était au départ proposé. Enfin, l’usage du numérique instaurerait un lien individuel entre le
visiteur et le musée sous réserve que le public prenne l’initiative d’endosser ce rôle. Toutefois,
il s’agirait d’une pratique relativement délaissée par le public. Ces professionnels de musées
sont divers mais proposent généralement aux musées des applications ou audioguides comme
23 Musée du Louvre, services études et recherche, Intervention d’Anne KREBS aux Rencontres Culture Numériques, Médiation & numérique dans les équipements culturels, 22 octobre 2013
29
aide à la visite. À titre d’exemple, on peut citer le leader mondial, Antenna International. Il
s’agit d’une entreprise qui conçoit des audioguides, guides multimédia et applications mobiles
qui permettent aux musées et plus largement à l’ensemble des sites historiques, touristiques et
culturels de façonner et d’enrichir l’expérience de leurs visiteurs.
L’entreprise Simbioz est un exemple intéressant concernant les projets effectués pour les
musées. En effet, il s’agit d’une entreprise qui propose des applications et des interfaces
tactiles pour favoriser l’interactivité et la compréhension de l’utilisateur. Avec une clientèle
diverse, Simbioz s’est, petit à petit, spécialisée dans le secteur muséal et offre ses
compétences pour améliorer le numérique au musée. En plus des applications mobiles et des
interfaces tactiles que l’agence propose, elle a crée MuzéUs. Il s’agit d’une application
mobile entièrement programmée pour faciliter l’accès au professionnel du musée afin d’y
ajouter un contenu pour audioguide. De ce fait, cette application améliore l’interface en
fournissant un modèle déjà développé et personnalisable pour l’intégration de la voix-off et
des textes complémentaires, des images et des vidéos sur leur téléphone intelligent. Le
professionnel du musée peut créer son propre audioguide en téléchargeant simplement les
textes, images et vidéos, tandis que le générateur de texte en parole crée automatiquement la
voix-off. Le visiteur télécharge simplement l’application et accède à l’interface du musée pour
commencer la visite et accéder aux informations.
d. Le numérique vu par les professionnels
Les professionnels de musées cherchent à s'approprier le numérique dans leurs méthodes et
leurs actions au profit des publics. Certaines initiatives ont été lancées depuis quelques années
pour favoriser les conditions de diffusion et de réception des œuvres et des produits culturels.
On distingue plusieurs types d’initiatives complémentaires les unes des autres.
Les conférences, rencontres et colloques
Ce type d’initiative vise à réunir les professionnels, amateurs, passionnés, étudiants de la
culture et à partager leurs expérimentations du numérique dans leurs recherches et dans leurs
structures culturelles. L’objectif est de découvrir les méthodes de travail utilisées, les résultats
et surtout d’échanger, de débattre sur la culture et le numérique.
On peut citer les “Rencontres Culture Numérique” qui permettent de valoriser et de partager
expériences, projets et pratiques dans les équipements et à susciter réflexions entre
professionnels. C’est le cas du colloque Rencontre Médiation & numérique dans les
équipements culturels, organisé par le Ministère de la culture et de la communication en
30
partenariat avec la BNF dans lequel plusieurs thèmes sont abordés autour de la question du
numérique, des professionnels, du public et des structures culturelles. Depuis sa création, ces
rencontres témoignent de l’intérêt à ces thématiques chez les professionnels qui ont un besoin
de voir émerger des interrogations et des expériences autour de la façon dont les structures
peuvent user du numérique dans leur relation au public.
Les forums permettent également de réunir un grand nombre de professionnels pour débattre
et partager sur le sujet du numérique au musée. A titre d’exemple, on peut citer le Forum
d’Avignon, reconnu en qualité d’innovation culturelle, qui se déroule chaque année depuis
2008. Ce forum propose des pistes de réflexions sur les financements, les modèles
économiques culturels ainsi que l’innovation numérique, l’attractivité et le développement des
territoires.
On peut également citer le Forum Le musée à l’ère du numérique organisé par la Société des
Musées Québécois. Ce forum veut être un lieu d’échanges et de réflexion sur la diffusion et le
partage des contenus, la médiation, la communication, le marketing, l’expérience et la
participation des publics à l'ère numérique. Il permet alors de mettre en commun les diverses
expériences des professionnels pour mieux cerner l’apport du numérique au musée.
Les communautés virtuelles des professionnels
On entend par communautés virtuelles l’ensemble des pratiques sociales sur le web présent
sur des sites internet, des blogs et sur les réseaux sociaux. D’après l’ouvrage de Rheingold
(1993), The Virtual Community, voici comment l’auteur définit les communautés virtuelles:
« Les communautés virtuelles sont des regroupements socioculturels qui émergent du réseau
lorsqu’un nombre suffisant d’individus participent à ces discussions publiques pendant assez de
temps en y mettant suffisamment de cœur pour que des réseaux de relations humaines se tissent au
sein du cyberespace. »24
Le principe est de réunir, sur un site internet, des internautes possédant un centre d’intérêt
commun : l’art, la culture et le numérique. Sur le web, les membres de la communauté vont
trouver des informations et des outils pratiques ainsi que des lieux d’expression
communautaire en relation avec leurs travaux et leurs passions. Blogs de culture et de
communication, groupes et pages Facebook, wikis, hashtags sur Twitter, toutes ces plates-
formes permettent de se créer un réseau, de partager de l’information, de communiquer
(structures et professionnels) et d’organiser des événements. Dans l’ouvrage d'Imed
24 RHEINGOLD (Howard), 1993, The virtual Community, Publication en ligne : <http://www.rheingold.com/vc/book/>
31
Boughzala (2007), maître de conférence au GENT/INT25, ce genre de communauté est appelé
« communauté de pratique » et « s’organise autour du développement de compétences
collectives et l’amélioration de pratiques. Elles sont caractérisées par l’entraide, l’échange de
l’information, la construction des relations, le partage des idées et des pratiques. » 26
On constate une réelle volonté d’un travail collaboratif en ligne et qui se développe autour de
ces professionnels. Ces communautés professionnelles virtuelles partagent un ensemble de
connaissances et de savoir-faire qui contribuent à la création de nouveaux services. Les
professionnels utilisent un espace virtuel comme support d’interaction avec un ensemble
d’outils collaboratifs. De manière générale, ce genre de communauté virtuelle de
professionnels est accessible à tous sur demande. Cette initiative d’accès aux contenus
d’informations, permet à n’importe quel internaute intéressé par le projet de le suivre, de s’y
engager ou d’y prendre du contenu et d’y fournir des informations supplémentaires. Cela
permet une forte homogénéité de professionnels notamment au niveau de leur formation
professionnelle. Selon Imed Boughzala (2007), « ils partagent un ensemble commun de
valeurs et de normes professionnelles auxquelles ils doivent se conformer. Le non-respect de
ces valeurs ou de ces normes peut être sanctionné et conduire à l’exclusion de la
communauté. »27
Le wiki Museonum
Parmi ces communautés, le wiki Muzeonum s’est investi dans un certain nombre de projets
autour d’une plate-forme de ressources sur le numérique au musée et dans la culture. Il s’agit
d’un espace virtuel partagé comme média d’interaction auxquels plusieurs participants
peuvent s’y joindre. Généralement, il s’agit de professionnels, de chercheurs, d’étudiants et
d’amateurs de culture et de numérique. L’intérêt de ce site internet est que chaque internaute
peut y participer et y déposer un certain nombre d’informations relatives au musée, à la
culture et au numérique. C’est la communauté museogeek qui est à l’initiative de ce projet.
“Les #museogeeks (de muséo, préfixe évoquant le musée et -geeks, suffixe qui fait référence à
l’intérêt pour le numérique et les TIC), forment une communauté informelle qui s’est agrégée
en France autour de l’été 2011, après de nombreux échanges entre divers acteurs du
numérique au musée…”28
Ce terme évoque l’image du jeune “geek” portant un grand intérêt à la culture pouvant mettre
à disposition ses compétences techniques au service des musées pour enrichir les différents
dispositifs numériques mis en place. Il est intéressant d’analyser ce terme pouvant sous-
25 Télécom Paris et ENST Bretagne, INT26 BOUGHZALA (Imed), 2007, Ingénierie de la collaboration, théories, technologies et pratiques, Paris : GET
et Lavoisier, p.6227 BOUGHZALA (Imed), 2007, Ingénierie de la collaboration, théories, technologies et pratiques, Paris : GET
et Lavoisier, p.6628 MAGRO (Sébastien), 2013, Extrait de Qui sont les #museogeeks? - avril 2013
32
entendre qu’une partie de l’avenir des structures culturelles se fera par l’initiative des futurs
professionnels du numérique étant des technophiles.
Chapitre 2 : Le web sémantique : un atout pour les professionnels ?
a. Le travail collaboratif
Selon Imed Boughzala (2007), dans son ouvrage, Ingénierie de la collaboration, théories,
technologies et pratiques, le travail collaboratif désigne « un phénomène social qui implique
plusieurs personnes dès lors que l’action d’un seul ne permet pas d’obtenir le résultat
escompté. »29 Le travail collaboratif permet alors la coopération entre plusieurs individus
compétents dans différents domaines. L’auteur explique comment le travail collaboratif est un
processus permettant de développer l’ingénierie du collaboratif, un nouveau courant de
recherche qui vise à faire évoluer des systèmes d’informations collaboratifs. Ce qui nous
intéresse dans cet ouvrage, c’est la manière dont l’auteur a répertorié certaines formes du
travail collaboratif. C’est notamment le travail collaboratif en mode communautaire que nous
allons développer dans cette partie.
Le travail collaboratif en mode communautaire consiste à travailler sur un réseau avec une
communauté de personnes. Plusieurs organisations ont adopté cette démarche en mettant en
place des méthodes de travail collaboratif en ligne. Dans son ouvrage, Imed Boughzala donne
l’exemple des réseaux sociaux à travers lesquels peuvent naître des réseaux de collaboration
par un travail collaboratif via un réseau informatique. Il parle alors de travail collaboratif
médiatisé faisant appel aux TIC. Avec l’apparition des TIC et des possibilités qu’ils offrent au
travail collaboratif, certains modes de travail ont évolué. Les professionnels utilisent le
domaine des technologies numériques pour travailler en collaboration. On trouve des logiciels
de travail collaboratif qui permettent aux professionnels de partager de l’information entre
eux : c’est la définition du terme Groupware.
D’après Imed Boughzala (2007), il s’agit « de l’ensemble des technologies et des méthodes de
travail associés qui, par l’intermédiaire de la communication électronique, permettent le
partage de l’information sur un support numérique à un groupe engagé dans un travail
collaboratif et/ou coopératif. »30 Les logiciels Groupware permettent alors de faciliter la
communication, la coordination et la collaboration entre les membres d’un groupe. Avec le
développement des technologies web, nous assistons à l’évolution des logiciels de travail
collaboratif par Groupware vers des technologies orientées Web appelées GroupWeb pour
29 BOUGHZALA (Imed), 2007, Ingénierie de la collaboration, théories, technologies et pratiques, Paris : GET et Lavoisier, p.23
30 BOUGHZALA (Imed), 2007, Ingénierie de la collaboration, théories, technologies et pratiques, Paris : GET et Lavoisier, p.76
33
désigner les outils de travail collaboratif sur Internet.
À la différence du GroupWeb, le Groupware est disponible par un logiciel qu’on installe sur
l’ordinateur. Le GroupWeb permet d’accéder à une plateforme en ligne de collaboration. La
plupart des entreprises utilisent ces deux types de technologies dans leur méthode de travail.
Le numérique est alors constamment utilisé par les professionnels comme un outil de travail.
Le GroupWeb dans les musées : un travail collaboratif en ligne
La technologie Groupware/GroupWeb se répand de plus en plus dans le monde de la culture.
Bien que son utilisation reste encore peu pratiquée par les professionnels de musée, cette
technologie est exploitée par certains professionnels et sa propagation vers d’autres musées
reste positive. En effet, le Ministère de la Culture et de la Communication favorise le travail
collaboratif par le partage des données sur le Web. Aussi, le travail collaboratif sur le Web se
présente autour de professionnels ne faisant pas forcément parti du même musée ou de la
même entreprise. Et c’est généralement ce genre de procédé qui reste le plus intéressant
puisqu’on a affaire à des profils hétérogènes de divers univers avec différentes spécialités.
Prenons l’exemple des outils de travail collaboratif de Museomix Montréal 2014.
Étant bénévole pour l’organisation de l’événement au Musée des Beaux Arts de Montréal, j’ai
pu user des différents outils offerts par les technologies GroupWeb. C’est notamment par
l’outil de gestion de projet en ligne Trello et par le site Google proposant de multiples
technologies de travail collaboratif, que les organisateurs de Muséomix travaillent ensemble.
Trello est un outil permettant de collaborer simplement avec les autres membres de la
communauté. Il permet d’avoir un suivi de l’avancé du travail effectué et de communiquer
avec les membres du groupe. Tandis que Google est utilisé notamment pour la communication
par mail (Google group), l’accès aux documents en ligne en temps réel (Google Drive) et
l’agenda des événements (Google Calendar). La gestion de toute la communauté
internationale de Muséomix se fait par les réseaux sociaux, notamment par Facebook. Trois
outils de GroupWeb sont les plus utilisés.
b. Vers un mouvement collaboratif : le web sémantique
Qu’est-ce que le web sémantique ?
Le web sémantique désigne un ensemble de technologies visant à rendre les ressources du
web plus largement utilisables ou plus pertinentes grâce à un système de métadonnées qui
utilisent notamment la famille des langages développés par le W3C (World Wide Web
Consortium).
D’après l’ouvrage de Jean-Noël Anderruthy, Du Web 2.0 au Web 3.0: les nouveaux services
34
Internet31, les métadonnées forment la clé de voûte du web sémantique qui favorise des
méthodes communes pour échanger des données. Dans cet ouvrage, l’auteur s’adresse
particulièrement aux webmasters en offrant les outils nécessaires pour développer des
applications à destination des internautes. En effet, le Web 2.0 qu’on appelle également le web
collaboratif a marqué une étape majeure par son caractère participatif. Le Web sémantique a
renforcé d'une part, la recherche d’informations sur Internet et d'autre part, la qualification des
données et des relations entre elles pour classer et exploiter l’information. Dans le cadre du
développement du numérique dans les musées, nous nous intéresserons plus précisément au
Web 2.0 et au Web sémantique dit « Web 3.0 ».
Le Web 2.0 est utilisé comme un espace à part entière de socialisation par plusieurs systèmes
sociaux tels que les blogs, les wikis ou les réseaux sociaux. Alors que le Web 3.0 fait de la
sémantique des données dans le sens où il attribue des données. L’enjeu, pour le Web
sémantique, n’est pas de construire des plates-formes de consultation de données, mais bien
de rendre accessible de l’information de référence dans des formats permettant leur
consultation et leur diffusion, tout en favorisant leur croisement et leur transformation. Les
technologies du Web sémantique permettent dans ces conditions d’établir des liens entre des
corpus autrefois isolés les uns des autres, voire d’autoriser de la sorte des découvertes de
l'ordre de l'inattendu. Cet échange de données est bénéfique aussi bien pour la personne qui
met à disposition que pour le réutilisateur. Le nouveau service, consommateur de données,
gagne en utilité pour ses utilisateurs et le système producteur voit sa position compétitive
renforcée par la dépendance accrue du marché à ses services. Il ne faut pas oublier que la
donnée isolée ne présente que peu d’intérêt en tant que telle. Sa véritable valeur dérive de son
agrégation, de son recoupement, de son analyse et de la réutilisation qui en est faite.
c. L’enjeu des métadonnées culturelles
Une métadonnée est littéralement une donnée sur une donnée. Plus précisément, c'est un
ensemble structuré d'informations décrivant une ressource quelconque.
Les ressources décrites par des métadonnées ne sont pas nécessairement sous forme digitale:
un catalogue de bibliothèque ou de musée contient aussi des métadonnées décrivant les
ressources que sont les ouvrages de la bibliothèque ou les objets du musée. Les musées
utilisent couramment les métadonnées pour gérer et documenter leurs collections, et pour
partager l'information concernant leurs collections. Dans ce contexte, il est primordial que le
secteur culturel s’intéresse aux métadonnées numériques en s’imposant de manière plus
31 ANDERRUTHY (Jean-Noël), 2009, Du web 2.0 au Web 3.0 : les nouveaux services, Nantes : Ed. ENI
35
directe sur le net. Comment les institutions culturelles peuvent-elles mettre en place des
stratégies de développement trouvant leur fondement dans les métadonnées, ou plus
généralement par la collaboration avec leurs publics? Le Web des données liées et les
technologies du Web sémantique restent aujourd’hui très peu connus du grand public y
compris pour certains professionnels de la culture.
Les institutions culturelles détiennent ou produisent, depuis longtemps, des métadonnées
structurantes dans leurs divers domaines de connaissance mais ne pensent pas à mettre ces
données sur le web. Toutefois, de plus en plus de musées s’adonnent à cette pratique
permettant ainsi d’augmenter l’usage des ressources culturelles sur le web sémantique.
Dans ce contexte, si l’on prend en considération la Feuille de route stratégique, métadonnées
culturelles et transition Web 3.0 du Ministère de la Culture et de la Communication (2014),
« les données seront de moins en moins dupliquées mais de plus en plus liées, chaque
producteur pouvant alors concentrer ses efforts sur sa propre valeur ajoutée. Cela favorisera
l’émergence d’opérateurs tels que, par exemple, des méta-moteurs spécialisés.32 »
Ce texte parle du Web 3.0 qui est en continuité avec le Web 2.0 mais à la différence de celui-
ci, le Web 3.0 devrait être envisagé comme un mouvement collaboratif entre individu au sein
de Web. Les technologies sémantiques apportent une nouvelle génération d’outils.
« Le Web des données liées et les technologies du Web sémantique, qu’on appelle
communément le « Web 3.0 », ne remettent aucunement en cause les acquis du Web 2.0. Les
référentiels sémantiques n’auront de sens et de viabilité que s’ils sont produits et réutilisés
dans le cadre du Web social ou collaboratif. (…) Les technologies 3.0 permettent non
seulement de traiter l’information à un niveau de granularité très fin, la donnée, mais aussi de
représenter les relations logiques entre ces données de telle sorte qu’elles soient interprétables
par des machines. »33
En exposant leurs données ainsi traitées, les institutions culturelles interagissent avec les
internautes qui pourront partagés leurs connaissances, et qui pourront être ainsi «en mode
collaboratif ouvert ».
C’est le cas de la Sémanticipédia proposée par le Ministère de la Culture et de la
Communication. Il s’agit d’une plate-forme de collaboration entre le ministère de la Culture et
de la Communication, Inria et Wikimedia France pour réaliser des programmes de recherche
32 Ministère de la Culture et de la Communication, 2014, Feuille de route stratégique, métadonnées culturelles et transition Web 3.0, Janvier 2014, p.8. Publication en ligne :http://fr.slideshare.net/culturefr/feuille-de-route-mtadonnes-et-30-camille-domange
33 Ministère de la Culture et de la Communication, 2014, Feuille de route stratégique, métadonnées culturelles et transition Web 3.0, Janvier 2014, p.12. Publication en ligne :http://fr.slideshare.net/culturefr/feuille-de-route-mtadonnes-et-30-camille-domange
36
et développement appliqués à des corpus ou des projets collaboratifs culturels, utilisant des
données extraites des projets de Wikimedia. Le principe est d’avoir des retours d'expériences
existants pour améliorer la qualité des données publiées. En continuité avec le web
sémantique, le Ministère de la Culture et de la Communication a développé le principe de
Silicon Valois en mai 2014. Il s’agit « d’un espace partagé dédié à l’innovation culturelle ». A
la différence de la Sémanticipédia, la Silicon Valois permet la collaboration entre le secteur
culturel et celui du numérique pour accueillir au sein du ministère, développeurs,
entrepreneurs, créatifs et designers. Ils travaillent ensemble dans un espace numérique partagé
afin de favoriser un échange entre développeurs et acteurs de la culture. L’objectif étant de
valoriser la richesse culturelle et d’élargir les connaissances par l’utilisation de nouvelles
technologies.
Chapitre 3 : Vers une stratégie Open Data pour les musées
Le développement du numérique a induit une transformation des modes de consommation des
biens culturels ainsi que des pratiques et des usages. Le choix de rendre accessibles et
réutilisables les données publiques s'inscrit dans une recherche du meilleur partage et d'une
plus grande diffusion de l'information. L’objectif est de présenter le mouvement de l'open data
en y apportant un regard sur les différents acteurs culturels qui engagent une stratégie
numérique de diffusion et de réutilisation de leurs données publiques.
a. La notion d’Open Data
Cette partie vise à mieux comprendre le phénomène de partage de données et de travail
collaboratif grâce au développement du numérique dans nos pratiques culturelles. Il s’agit de
s’interroger sur la place qu’occupe l’open data dans les musées vu comme un outil de travail
pour les professionnels.
L’open data, ou donnée ouverte, est utilisé pour désigner des données en libre accès et
ouvertes à la réutilisation. Les data ou données sont des informations numérisées manipulées
par les ordinateurs. L’objectif repose sur un modèle participatif où l’usager partage de
nombreux contenus en ligne. La donnée se trouve aujourd'hui au cœur des échanges du Web.
Dans ce contexte, le mouvement open data connaît un écho considérable chez l'ensemble des
acteurs du numérique. Le terme « web de données » désigne un ensemble de technologies
visant à rendre l’ensemble des données du web intelligibles et utilisables notamment par des
agents logiciels via la mise en place d'un système de métadonnées. Ces « machines » pourront
ainsi opérer un traitement des données pour les relier et les combiner automatiquement.
37
Le mouvement d'ouverture des données naît aux États-Unis en 2009, et trouve rapidement son
essor dans la communauté des développeurs notamment parmi les contributeurs de projets
open source dont le mouvement d'ouverture des données est philosophiquement proche. Le
partage de contenus a longtemps été associé au non respect du droit d’auteur, l’open data
s’affirme aujourd’hui comme une clé de la diffusion de la culture pour les professionnels et le
public. Certains musées offrent la possibilité pour les internautes de partager leurs données au
sein de l’ensemble de l’écosystème muséal (artistes, professionnels de musées, publics…).
L’open data participe à un service collaboratif permettant au musée d’établir un contact avec
les autres institutions, le public, les chercheurs et étudiants pour compléter leurs contenus par
l’ajout de nouvelles données. D’après Simon Chignard, dans son ouvrage, Open Data,
comprendre l’ouverture des données publiques, l’auteur explique que « le domaine culturel
demeure le parent pauvre des démarches open data en France »34.
Cette situation de pauvreté est étonnante puisque le monde de la culture a une longue tradition
d'indexation et de catalogage de ses données. Les musées, par exemple, ont constitué
d'immenses catalogues de données dont la consultation est possible parfois en ligne et/ou
souvent sur place. Plus encore, les institutions culturelles ont produit depuis de longues
années des outils et standards qui facilitent l'échange de données entre elles. Cela permet
d'exposer des données structurées sur le web et de les ouvrir. Enfin, l'accès à la culture, la
culture pour tous sont des problématiques anciennes et qui ont fait l'objet de nombreuses
politiques et initiatives.
Comment peut-on l’expliquer ?
Selon le rapport du Ministère de la Culture et de la Communication de mars 2013, Guide
Data Culture : pour une stratégie numérique de diffusion et de réutilisation des données
publiques numériques du secteur culturel, le manque de données publiques s’explique par
trois raisons :
- « une confusion sur le périmètre de ce que recouvre avec exactitude le champ de
l'ouverture des données publiques […] (il s’agit) d’offrir une réutilisation de
l’ensemble des données publiques qui ont permis de produire ces contenus.
- une méconnaissance du cadre juridique et réglementaire relatif à la réutilisation des
données publiques.
- une incertitude sur la définition de la notion de « donnée publique culturelle »35
34 CHIGNARD (Simon), 2012, Open Data, comprendre l’ouverture des données publiques, Paris : Ed. FYP, p. 83
35 Rapport du Ministère de la Culture et de la Communication, 2013, Guide Data Culture : pour une stratégie numérique de diffusion et de réutilisation des données publiques numériques du secteur culturel, mars 2013, p.9
38
C’est pourquoi, le Ministère de la Culture et de la Communication incite les
institutions culturelles à favoriser l’accès à leurs données en ligne en développant le
portail <data.gouv.fr>, un site concernant les données du patrimoine en France.
Le numérique et le développement des technologies de l'information et de la communication
ont démultiplié les circuits d'accès à l'information, à sa contextualisation, à son
enrichissement, à sa diffusion et à sa réutilisation par le plus grand nombre. Selon Simon
Chignard, il existe quatre classes de réutilisations des données. La première consiste à la
consultation directe des données par le public. Celui-ci réutilise les données qu’il a consulté
en devenant l’utilisateur final. La seconde permet au public de devenir un médiateur des
données puisqu'elles donnent lieu à une visualisation d’un public plus large. La troisième
permet aux développeurs de réutiliser les données pour construire des services et des
applications pour des usages finaux. Enfin, la quatrième classe offre une réutilisation
spécialisée des données. A partir de ces quatre classes de réutilisations des données publiques,
nous nous intéresserons à la manière dont les professionnels favorisent l’usage de l’open data
et dans quelle classe ils se situent. Le professionnel du numérique va davantage se retrouver à
l’intérieur de la troisième classe tandis que le professionnel de musée sera plus adepte de la
seconde classe. « En matière d'open data, il ne s'agit pas de rendre les contenus culturels
automatiquement réutilisables mais d'offrir à la réutilisation l'accès à l'ensemble des données
publiques qui ont permis de produire ces contenus.36 »
Les musées vont ainsi mettre en place une stratégie d’ouverture des données publiques en
inscrivant leur action dans une démarche analytique afin de permettre l’émergence de l’open
data. En effet, la plupart y voit à la fois des coûts, des risques et des chances que l’ouverture
des données publiques puisse se développer au sein de leurs structures. Tous vont alors se
confronter à une remise en cause de leurs systèmes d’informations. Ont-ils fourni assez
d’informations ? Comment se positionner face aux autres musées ou aux autres structures
culturelles ? Il s’agit encore d’une utilisation toute récente en terme d’usage pour les musées
mais petit à petit beaucoup d’entre eux l’adoptent. Il serait intéressant de comprendre
comment l’open data va agir dans la méthode de travail du professionnel.
Afin de mobiliser le travail collaboratif autour de l’open data et de la réutilisation des
données, de comprendre les usages et les attentes des réutilisateurs, différents événements
sont organisés faisant de l'open data un axe principal de développement numérique.
36 Rapport du Ministère de la Culture et de la Communication, 2013, Guide Data Culture : pour une stratégie numérique de diffusion et de réutilisation des données publiques numériques du secteur culturel, mars 2013, p.38
39
b. Contexte de l’open data
La donnée se trouve aujourd'hui au cœur des échanges du Web et participe activement à la
structuration d'une stratégie numérique dans laquelle les entreprises prennent une place de
plus en plus importante dans son développement. La naissance du mouvement de l'open data
en France a entraîné plusieurs interrogations quant à la question de l’usage de l’ouverture des
données. Considéré pour certains comme un simple mode dont il ne serait plus question dans
quelques années, d'autres affirment au contraire que le mouvement de l'open data est un fort
atout « faisant de la « data » le nouvel eldorado des acteurs de l'Internet 37».
Le mouvement de l'open data trouvé en France s’est notamment développé le 21 février 2011
lors de la mise en place de la mission Etalab dont l’objectif était de coordonner et recenser les
informations publiques de l'État et de les mettre à disposition des citoyens.
Dans ce contexte, le mouvement d'ouverture des données publiques (« open data ») connaît un
écho considérable chez l'ensemble des acteurs du numérique. Malgré les nombreux colloques,
études, ateliers organisés sur cette thématique, les professionnels ont du mal à l’adopter
totalement dans leurs pratiques. Ces sentiments sont légitimes. L'ouverture des données
publiques est une problématique relativement récente.
Précurseur de l'open data, <data.gov>, le portail américain des données publiques a été mis en
ligne le 21 mai 2009. Ce mouvement s'est traduit dans les stratégies numériques des
institutions culturelles étrangères ainsi que des collectivités territoriales (Rennes, Brest, Paris,
Marseille, Nantes, Montpellier, etc.). <Data.gouv.fr> est une plate-forme qui permet aux
collectivités territoriales qui le souhaitent, de mettre leurs données publiques sur cette plate-
forme qui offre aux utilisateurs toute la visibilité d'un portail national unique.
c. La réutilisation des données
Le cheminement du numérique réinterroge profondément les missions des musées en les
réaffirmant par un contenu en réseau ouvert et évolutif. Nous sommes en pleine phase de
partage sur les réseaux ouverts et accessibles à tous en ligne avec la réappropriation du travail
des gens. L’idée est de mettre à disposition des morceaux de contenus et de laisser le public se
les réapproprier. Cela apparaît possible seulement si le contenu reste ouvert comme un code
source ouvert permettant de faire un logiciel et de le réadapter à ses usages.
37 Ministère de la Culture et de la Communication, Feuille de route stratégique, métadonnées culturelles et transition Web 3.0, Janvier 2014. Publication en ligne :http://fr.slideshare.net/culturefr/feuille-de-route-mtadonnes-et-30-camille-domange
40
Les musées peuvent ainsi mettre à disposition un contenu divers comme les collections, les
méthodes de médiation et de travail pour créer à travers les contenus des liens autour de gens
qui se retrouvent à travers un centre d’intérêt à partager. Il s’agit d’une architecture
participative de base. Le besoin du contenu sur le web est toujours le même, les gens veulent
avoir accès à du contenu validé et de qualité et les musées en sont la référence. L’idée est
d’avoir une visibilité du musée sur le web et une reconnaissance en tant que référence dans un
domaine et donc une certaine notoriété.
41
VERS DE NOUVEAUX DÉFIS NUMÉRIQUES
Chapitre 1 : Construction de la méthode et présentation du terrain
Réflexion du sujet de mémoire
Le numérique constitue désormais une importante préoccupation dans la muséologie,
préoccupation qui se retrouve dans la littérature. En effet, il revendique son existence dans les
musées par le biais de dispositifs facilitant la compréhension des œuvres. Ainsi, l’élaboration
d’un discours muséal mobilise également une approche numérique.
Cette approche tournée vers le visiteur nous amène à nous interroger sur la manière dont les
professionnels développent ce genre d’outils numériques. Comment et pourquoi les utilisent-
ils ? Si l’exposition montre des objets, elle cherche à dévoiler le sens de ces objets. Le
numérique vient alors appuyer ce discours pour avoir une meilleure compréhension et une
meilleure approche de l’objet. C’est pourquoi, la muséologie soutenue par des outils
numériques adaptés, construit un discours visant à intégrer les différents objets dans un
ensemble cohérent.
Comment les professionnels utilisent le numérique au musée ? On a montré précédemment
que l’usage du numérique au musée se fait de deux manières. Une première utilise le
numérique comme un dispositif de visite accessible au public in situ ou en ligne. Une seconde
manière favorise l’usage du numérique comme un outil de travail pour les professionnels par
l’usage de l’open data. Or, l’usage du numérique demande une certaine maîtrise de l’outil.
C’est le cas pour le professionnel mais aussi pour le visiteur. Si nous nous intéressons au
professionnel, nous constatons qu’il y en a deux sortes : le professionnel du numérique et
celui en milieu muséal. L’un sait incontestablement user du numérique puisqu’il s’agit de son
domaine d’intervention mais l’autre n’est pas forcément capable de maîtriser l’outil. Et même
dans certains cas, il ne sait pas du tout l’utiliser. Aujourd’hui, le professionnel en milieu
muséal doit-il maîtriser le numérique ? Si l’on considère que la pratique numérique est
devenue courante dans notre quotidien, il serait jugé préférable que, par exemple, le
42
muséologue puisse également en user pour favoriser le discours qu’il cherche à transmettre.
La première approche serait peut être de revoir les formations de la culture et de proposer un
enseignement spécialisé du numérique au musée. Mais encore faudrait-il savoir si cet
enseignement sera obligatoire ou non. Cela reviendrait à dire que le numérique deviendrait
alors indispensable au musée. Toutefois, cette démarche n'est pas nécessairement obligatoire.
Le muséologue est avant tout un historien de l’art et sa formation est spécialisée dans ce
domaine. En d’autres termes, le professionnel doit connaître certaines bases pour
comprendre, à différents degrés, les pratiques culturelles et numériques d’aujourd’hui. La
question n’est donc pas de savoir si le professionnel en milieu muséal doit ou non maîtriser le
numérique mais bien de s’interroger sur la place que tient le numérique au sein des musées et
comment il est utilisé.
D’autre part, notre analyse ne se concentre pas seulement sur les professionnels en milieu
muséal mais également sur les professionnels du numérique. Dans ce cas, il nous faudrait
identifier les moyens mis en œuvre par les concepteurs du numérique pour favoriser l’usage
du numérique au musée. Par conséquent, l’aspect numérique « technique » ne peut être
compris par les professionnels de musée mais bien par les professionnels du numérique qui
proposent leurs compétences au service d’institutions culturelles.
Méthodologie de recherche
La prise en compte des professionnels requiert avant tout de connaître ces professionnels. Par
conséquent, la méthode la plus simple pour comprendre les représentations de l’usage du
numérique par les professionnels consiste à interroger ceux-là même qui conçoivent le
numérique sur un plan culturel ou technique. On se propose donc de rencontrer et de
questionner les muséologues, les directeurs et les informaticiens. Cette méthode d’enquête est
loin d’être exclusive. Nous nous intéresserons d’abord au numérique comme dispositif
notamment sur la manière dont les professionnels conçoivent une exposition, son parcours et
les dispositifs qu’ils usent pour la médiation au profit du public. L’intérêt sera de connaître
l’usage du numérique du côté des professionnels de musée et l’usage du numérique du côté
des professionnels du numérique.
Outre l’analyse du numérique comme dispositif, nous nous intéresserons au numérique
comme outil de travail par la démarche de l’open data. L’outil de travail jugé le plus pertinent
serait alors de voir la manière dont les professionnels de musée et du numérique collaborent
pour proposer un libre accès aux données. Il s’agit donc d’un outil collaboratif de travail en
ligne qui favorise l’échange et le partage entre musées, professionnels, chercheurs, étudiants
et public. C’est notamment cet aspect là qui sera traité dans ce mémoire. Comme annoncé
43
précédemment, on choisira de se baser sur les paroles des professionnels du musée, plus
exactement sur une approche qualitative par des entretiens semi-directifs réalisés sur un petit
échantillon de professionnels.
Cela exige d’élaborer au préalable un guide d’entretien38 comportant des questions ouvertes
qui diffère selon le profil du professionnel. Ce guide a pour fonction de révéler un rappel des
objectifs, le type de questions posées, les thèmes abordés et l’outil d’enquête. Le nombre
d’échantillonnage sera de 10 professionnels avec des profils différents. Il nous faudra donc
examiner la correspondance entre les personnes travaillant dans le milieu muséal et les
personnes proposant leurs compétences numériques.
Terrain de recherche
Aussi se pose la question de la sélection du terrain qui constituera le sujet de cette recherche.
Il est certain que les résultats de ce travail ne seront pas généralisables, car ce mémoire ne
porte pas sur un échantillon représentatif des professionnels. Afin de répondre au mieux à la
problématique de ce mémoire, il serait intéressant d’analyser un exemple de travail
collaboratif entre les professionnels de musée et les professionnels du numérique. Il existe
plusieurs types d’événements de type hackathon rassemblant un groupe de personnes avec
différentes compétences techniques (graphistes, développeurs, informaticiens…) sur plusieurs
jours pour répondre à une mission. Durant ces quelques jours, l’objectif est d'imaginer et de
développer un prototype d’application technique. L’événement Museomix sera le terrain de
recherche principal. Même si cet événement n’est pas un hackathon, celui-ci s’en inspire et
devient alors un marathon créatif. La majorité des personnes participantes sont des
professionnels du numérique qui proposent leurs compétences au service des musées.
Auquel cas, pourquoi ne pas se limiter à l’événement Museomix au Musée dauphinois
(l’événement de l’année 2013) et au Musée des Beaux Arts de Montréal (l’événement de
l’année 2014) ? Tout simplement parce qu’il me semble néanmoins plus pertinent de faire
également l’analyse d’un musée où le numérique est en phase de développement. Au
commencement de cette enquête, je pensais faire mon analyse seulement sur Museomix. Mais
il s’est avéré que j’ai obtenu un stage au Centre d’histoire de Montréal. C’est notamment
l’idée d’analyser les méthodes de travail d’un musée encore en développement numérique et
de comprendre comment ils ont décidé d’exploiter leurs données en les rendant publiques.
Quelles sont ces données ? A qui s’adressent-t-elles ? De quelle manière ont-elles été abordées
et mises en place ?
Museomix permettra la rencontre avec des professionnels en contact direct avec le numérique.
Quant au centre d’histoire de Montréal, il permettra d’être en contact avec des professionnels
38 Le guide d’entretien est accessible dans l’annexe.
44
qui commencent à développer le numérique dans leur structure.
D’un côté, nous chercherons à connaître les attentes des professionnels, notamment les
partenaires, de l’événement Museomix et de l’autre nous analyserons les attentes des
professionnels du Centre d’histoire de Montréal concernant l’usage du numérique au musée.
Il ne s’agit pas d’une étude comparative mais d’une étude analytique générale pour recueillir
un maximum de variété de professionnels qui s’intéressent à l’usage du numérique au musée.
L’événement Museomix
Il existe un événement depuis 2011 consacré à la médiation numérique qui a lieu dans les
musées. Museomix est un événement de type hackathon dont le but est de s’approprier les
musées à l’ère du numérique. Les participants sont nommés les « museomixeurs ». Ce terme
englobe à la fois les professionnels de musées, du numérique, de la médiation, les amateurs,
les passionnés et les étudiants. Ce type d’événement se déroule au cœur des musées faisant
participer chaque personne (visiteurs, internautes, professionnels, amateurs, passionnés…).
L’objectif de Museomix est d’imaginer, de concevoir et d’expérimenter de nouvelles
expériences de médiation au musée. Il conviendrait d’analyser l’usage du numérique par les
museomixeurs et comment cette interaction produit de la valeur au musée. Il est intéressant de
voir la manière dont cet événement a réussi à mélanger un travail sur les contenus, les
expériences des visiteurs et sur les nouvelles technologies.
L’intérêt, pour ce mémoire, est d’entretenir des rencontres avec les partenaires de Museomix
et de savoir les raisons pour lesquels ils ont accepté de soutenir l’événement. Pour quelles
raisons les professionnels ouvrent les portes de leurs structures pour accueillir cet
événement ? Qu’est-ce que Museomix apporte au musée et aux professionnels ? Quelles
conclusions peut-on tirer de ces types de projets collaboratifs « open source » ?
Le Centre d’histoire de Montréal
Le Centre d’histoire de Montréal (CHM) est une institution muséale municipale qui a pour
mission de transmettre une meilleure compréhension de Montréal, de sa diversité culturelle et
de ses patrimoines matériels et immatériels. L’idée est de traiter de la même façon toutes les
périodes historiques connues de la Ville jusqu’à aujourd’hui. L’exposition doit aussi restituer
la réalité du vivre à Montréal. Par des clefs de compréhension de la Ville en elle-même, elle
doit inciter à repérer des traces de l’histoire et de l’évolution de la Ville dans les rues et
arrondissements couramment fréquentés. La particularité du musée est que les expositions se
basent sur l’histoire orale avec un discours centré sur les témoignages récoltés des habitants
de la ville. Le CHM s’engage dans un projet d’ouverture des données par le développement
d’une encyclopédie en ligne de l’histoire montréalaise. Ce mémoire s’intéressera à l'analyse
45
du contenu qui sera mis en ligne et à la connaissance de la collaboration du public consultant
les données. L’intérêt est d’étudier le développement numérique de ce musée et de
comprendre comment il utilise le numérique. Il serait intéressant d’avoir un point de vue de
professionnels d’un musée qui est en train de s’agrandir, de se développer et de voir la place
qu’il accordera au numérique dans l’avenir.
Chapitre 2 : Analyse d’enquête
Contexte et objectif de l’enquête
Au commencement de cette enquête, j’ai voulu m’intéresser seulement à l’événement
Museomix. En effet, il m’a semblé que cet événement offre une remarquable diversité, tant
chez les professionnels qui y participent, que dans leur programmation, ou simplement dans
leur méthode de travail. Museomix présente aussi l’avantage d’être particulièrement récent.
Créé en 2011 cet événement revendique sa manière de « remixer » les musées. Il m’a donc
paru intéressant d’y rencontrer les professionnels favorables aux changements dans les
musées par l’usage du numérique. Finalement, j’ai décidé d’utiliser également le Centre
d’histoire de Montréal me permettant de voir de plus près un musée en constante progression
cherchant à développer le numérique au sein de leur structure.
Si, comme on l’a dit, cette enquête se développera autour d’une analyse des réponses
formulées par les professionnels des musées lors d’entretiens semi-directifs, on s’attachera en
contre partie à distinguer les intentions de ces professionnels pour favoriser le numérique au
musée, notamment lors de rencontres comme le forum, les musées à l’ère du numérique.
Il nous faudra donc examiner la correspondance entre les déclarations des professionnels et
les véritables stratégies numériques développées dans les musées. C’est pourquoi, on veillera
à analyser les déclarations des personnes rencontrées avec les problèmes que rencontrent les
musées aujourd’hui par rapport à l’usage du numérique.
La problématique de ce mémoire ouvre de multiples interrogations pouvant traiter différents
sujets à la fois. Je me propose donc d’employer ce mémoire pour faire une analyse non
exhaustive de l’usage du numérique au musée par les professionnels de musée et du
numérique.
L’hypothèse serait de comprendre le point de vue des professionnels sur les représentations et
46
les modifications du numérique au musée. Ce travail préliminaire doit nous permettre
désormais de regarder les attentes des professionnels du musée vis à vis du numérique et de
regarder les attentes en terme de services que des professionnels du numérique ont à offrir et
les raisons de leur intérêt pour les musées. Les attentes sont-elles les mêmes ? Utilisent-ils le
numérique dans le même but ? Comment conçoivent-ils l’usage du numérique au musée ?
Les démarches d’une analyse thématique
Le choix d’une analyse thématique semble le plus pertinent pour tirer un meilleur résultat de
l’enquête. Le travail et le découpage des entretiens permettent de regrouper des propos au sein
d'un même thème avec une approche déductive tout en catégorisant les thématiques. Axé sur
une analyse de contenu, cette enquête cherchera à faire ressortir « les principaux thèmes, leur
récurrence, leur association (…) dans les différents contextes d’énonciation. L’objectif est
alors de segmenter le texte et d’interpréter sociologiquement des catégories constituées à
partir du découpage des entretiens. »39
Afin de mieux comprendre les différents usages du numérique au musée par les
professionnels, il serait intéressant d’explorer quatre domaines distincts allant des
connaissances numériques du professionnel aux méthodes de travail de celui-ci.
Le premier thème traite de la question du numérique en général et de la vision que se font les
professionnels du numérique et des musées sur le numérique. Ont-ils la même vision ?
Le deuxième thème aborde les questions du rapport existant entre le numérique et l’espace
muséal, l’objectif étant de savoir si le musée et le dispositif numérique sont complémentaires.
L'analyse porte également sur la présence du numérique à la fois en ligne et in situ.
Le troisième thème se réfère à la connaissance du numérique ainsi qu'aux compétences et
aux formations des professionnels en matière de numérique. Le musée dispose-t-il une
stratégie numérique et si oui de quelle nature? Quels types de dispositifs proposent les
professionnels du numérique ? Quelles sont les raisons de l’usage du numérique ? Les
professionnels du numérique disposent-ils des compétences numériques de base ? Quels types
de compétences ?
Le quatrième thème regroupe les questions relatives à l’open data et au domaine de la
réutilisation des données. Il s’agit de déterminer si l’ouverture des données apporte un
changement dans la manière de travailler des professionnels. On interroge également les
raisons de ce choix. Les professionnels du numérique et des musées favorisent-ils l’open
39 BRECHON (Pierre), Enquêtes qualitatives, enquêtes quantitatives, Presses universitaires de Grenoble, 2011, p 65
47
data ? Partagent-ils le même type de données ? Faut-il tout partager pour tout réutiliser ? Pour
quelles raisons la réutilisation des données favorise-t-elle de nouvelles manières de travailler ?
Traitement des entretiens
La méthode de recueil d’informations s’est faite en deux temps :
- Par une retranscription des propos des personnes interviewées et par la mise en forme
du corpus. L’objectif étant de comprendre les attentes des professionnels et leur point
de vue sur l’usage du numérique au musée.
- Par une méthode d’observation et de prise de notes lors des rencontres entre
professionnels. L’objectif étant d’analyser les retours d’expériences des professionnels
ayant utilisé le numérique et notamment les retombées et influences sur les autres
professionnels.
Une fois cette étape terminée, l’analyse se poursuit sur le logiciel Nvivo 10 pour faciliter
l’accès au contenu des différents entretiens en même temps et ainsi croiser les réponses et
trouver les similitudes entre les personnes interrogées.
L’objectif de cette enquête permet de catégoriser les thématiques et d’en ressortir les grandes
tendances. Pour cela, l’analyse cherche à répondre à deux types de problématiques :
- comprendre les représentations et les attentes du numérique au musée par les
professionnels.
- évaluer les modifications potentielles qu’apportent le numérique dans le travail des
professionnels.
Au total nous interrogerons 10 professionnels.
Chapitre 3 : Résultats
Présentation des profils interviewés
Afin de mener à bien cette enquête, nous avons jugé pertinent de sélectionner des
professionnels avec des profils variés. Il s’agit d’avoir une meilleure idée de l’usage du
numérique à destination des musées par différents professionnels. Ils ne travaillent pas tous
pour des musées mais ils ont déjà collaboré avec ces structures. Il nous a jugé alors intéressant
de se pencher sur une diversité de profils ciblés sur les musées et le numérique et de voir
comment ils s’approprient l’usage du numérique.
48
Cette diversité de profil met l’accent sur l’importance d’analyser toutes les compétences
jugées nécessaires pour mieux comprendre l’usage du numérique au musée.
Il en découle ce tableau ci-dessous :
Nom Fonction Entreprise / Institution Lieu
Josée LefebreResponsable des publics au Centre
d'histoire de Montréalmusée d'histoire Montréal
Eve-lyne Cayouette
Ashby
Professionnel de recherche en sciences
humaines à l'université ConcordiaUniversité Concordia Montréal
Gérald Dulac Directeur et fondateur d'Eolasagence web spécialisée en
webmarketingGrenoble
Jean-François
LeclercDirecteur du Centre d'histoire de Montréalmusée d'histoire Montréa
Juliette Giraud
Coordinatrice Museomix Rhône-Alpes
2013 et consultante indépendante en
développement de projet culturelle
marathon créatif Grenoble
Laurent Chicoineau Directeur du CCSTI centre de culture scientifique Grenoble
Samuel BaussonWebmaster à Les Champs Libres et
fondateur de Museomix
équipement de la communauté
d'agglomération de RennesRennes
Stéphanie Mondor Responsable des Collections / Techniques Musée d’histoire Montréal
Tanguy Sélo Directeur d'Imaginovpôle de compétitivité de la filière
numériquesGrenoble
Yannick Gosselin Chef de projet à Simbiozproduction multimédia et
technologies interactivesMontréal
Le professionnel de musée
Le premier type de profil est le professionnel de musée. Parmi les personnes interrogées, on
distingue quatre types de profils :
les directeurs d'institutions culturelles engagés dans l'apport du numérique dans leur
institution
Laurent Chicoineau est directeur du CCSTI (Centre de Culture Scientifique, Technique et
Industrielle) appelé aussi « la Casemate » de Grenoble. En étroite collaboration avec les
collectivités locales, les universités et principaux organismes de recherche grenoblois et des
entreprises, il travaille au développement du CCSTI comme centre d’interprétation et
d’appropriation de l’innovation scientifique et industrielle du territoire métropolitain. C’est
dans cette optique qu’il a décidé d’être partenaire avec Museomix 2013.
« On connait bien Museomix parce qu’on a beaucoup participé depuis le début. A chaque
49
fois, il y a des gens de l’équipe qui ont participé à Paris ou à Lyon. Ce qui nous intéresse
nous, en ce moment, on travaille beaucoup sur la question de l’innovation culturelle et la
question du nouveau rapport au public, donc en terme de médiation culturelle que ce soit
pour le patrimoine, la science, l’innovation technologique etc…
Et du coup Museomix c’est une action innovante qui vise justement à faire un peu bouger
les pratiques dans les musées. »
Jean-François Leclerc est directeur du Centre d’histoire de Montréal. D’une formation
d’historien, Jean-François est muséologue mais également artiste peintre. Il contribue à
recueillir les récits des montréalais et leurs objets. Il s’intéresse particulièrement à l’histoire
orale qu'il cherche à développer au sein du musée. Il cherche également à faire partager les
archives et contenus du CHM à profit du public. Pour cela, il se tourne vers l’usage de l’open
data.
Nous avons deux profils : un qui contribue au développement du numérique au musée et
l’autre qui est ouvert aux opportunités pour l’usage du numérique.
les professionnels qui proposent des solutions numériques au musée
Il s’agit de deux personnes ayant le même type de profil. Elles sont toutes les deux
coordinatrices de l’événement Museomix.
Juliette Giraud est le type de profil qui possède les stratégies nécessaires pour favoriser le
développement du numérique dans les institutions culturelles. C’est dans cette perspective
qu’elle a coordonné l’événement Museomix à Lyon en 2012 et à Grenoble en 2013.
« Je suis Juliette Giraud et je coordonne Museomix Rhônes Alpes. Je coordonne l’activité,
l’association, les gens, son développement euh… et donc le gros événement de Museomix
en collaboration avec le musée et toute l’équipe. »
« Je suis consultante indépendante en développement de projet culturel et j’accompagne
des collectivités, des institutions, des lieux à développer leur projet culturel et notamment
plus particulièrement sur la rencontre avec leur public. »
le fondateur et novateur qui cherche à dynamiser les musées
Samuel Bausson s’intéresse aux cultures et à leurs langages par les communications actuelles
avec les médias. Il est webmaster et co-fondateur de Museomix. Pour lui, cet événement est
une alternative pour expérimenter des idées et des projets difficilement réalisables dans la
structure par le fonctionnement habituel des institutions muséales. Il s’intéresse notamment à
50
la notion de participatif et aux communautés de partages qui se développent de plus en plus
depuis quelques années.
« Je suis Samuel Bausson et je travaille en ce moment aux Champs Libres à Rennes qui
est une structure qui réunit trois entités : bibliothèque, musée d’histoire et un espace de
sciences et il y a aussi en tenant à ça, une quantité numérique. Mon rôle est de faire du
lien entre ces entités autour de projet participatif en lien avec les communautés etc…
donc je suis arrivé là il y a 6 mois donc c’est nouveau pour moi. Avant, je travaillais au
Museum de Toulouse ou j’y ai travaillé pendant 7 ans. Et c’est là où j’ai pu initié pas
mal de choses autour des réseaux sociaux quand c’était le début. Et sinon, je suis co-
fondateur de Museomix. »
les muséologues responsables des publics et des collections qui s'intéressent plus au
contenu et à la collection qu'au numérique
Josée Lefèbre est responsable des publics au Centre d’histoire de Montréal. Elle s’intéresse à
la mise en place d’expositions mettant en valeur l’histoire orale. Ce sont les témoignages et
leurs contenus (oraux et textuels) qui l’amènent à utiliser le numérique. Elle gère également le
site internet et les projets éducatifs notamment Vous faites partie de l’histoire !40.
Stéphanie Mondor est responsable des collections et du technique au Centre d’histoire de
Montréal. Elle est chargée de la numérisation et de la gestion de la collection du musée.
Il s’agit de deux profils qui se ressemblent mais qui utilisent le numérique de différentes
manières. L’une à destination du public et l’autre afin de conserver le patrimoine du musée.
Le professionnel du numérique
Le second type de profil est le professionnel du numérique. Parmi les personnes interrogées
on distingue trois types de profils :
les directeurs qui proposent de nouveaux usages numériques
Tanguy Sélo a été partenaire de Museomix 2013 à Grenoble. Il s’intéresse à lier le numérique
et la culture en proposant des outils numériques.
40 L’objectif du programme Vous faites partie de l’histoire! est de faire découvrir aux élèves issus des communautés culturelles l’histoire de Montréal, leur ville d’adoption, en leur parlant entre autres d’immigration et de l’importance de leur patrimoine familial. Au cœur du projet : la recherche et le partage d’un trésor de famille, afin que chaque élève sente que son histoire fait partie de l’histoire de la ville.
51
"Je m’appelle Tanguy Sélo, je dirige un pôle de compétitivité dédié aux contenus et
usages numériques basé en Rhones-Alpes qui s’appelle Imaginov. C’est une structure où
il y a à la fois des entreprises, des laboratoires de recherches et des instituts de
formations supérieures et l’univers c’est la production audiovisuelle, la vidéo, le
multimédia, le web, tout ce qui est contenu pour les lieux culturels."
Gérald Dulac a été partenaire de Muséomix 2013 à Grenoble. Durant cet événement, il s’est
penché sur la manière dont les museomixeurs ont usé de sa plate forme de partage de contenu
libre pour développer leur prototype.
"Je m’appelle Gérald Dulac. Je suis le fondateur d’une société qui s’appelle Eolas et qui
est partenaire de cet événement Dans le cadre de ce partenariat est testé une première
plate-forme open data en mettant à disposition des données du patrimoine qui ont été
fournis par le Conseil Général dans le cadre de Muséomix. Donc on est dans une chose
assez innovante, dans un moment spécial avec une façon de faire un peu « pas
classique»."
Il s’agit de deux professionnels dont l’intérêt commun est de proposer leurs compétences
numériques au service des musées même si leurs entreprises ne sont pas spécialisées dans le
secteur muséal. On constate qu’ils proposent à la fois du matériel, des données et une main
d’œuvre numérique afin de faciliter l’usage du numérique.
le professionnel qui propose la meilleure solution numérique aux musées
Yannick Gosselin est un chargé de projet à Simbioz, une agence de production multimédia et
technologies interactives dont la spécialité est le musée. Il travaille avec son équipe à proposer
les meilleures dispositifs numériques à développer pour les musées durant les expositions.
« En fait je m'occupe de tout le côté hardware ou matériel chez Simbioz, tout ce qui est
les installations interactives, aller installer chez le client, faire le suivi ou le support, des
choses comme ça. Puis je m'occupe aussi des clients dans les premières étapes, dans les
premières rencontres avec les clients surtout avec les musées. C'est quoi leurs besoins,
quels sont les besoins comme application interactive comme solution interactive donc
on développe un peu le scénario de base puis ensuite c’est au tour des codeurs, qui, eux,
vont faire vraiment la solution et la développer. »
« C'est surtout des programmeurs qu'on a besoin en fait la moitié de l'équipe c'est des
programmeurs qui vont vraiment faire soit des applications mobiles soit des applications
interactives donc on a besoin de programmeurs qui soient capables autant de
programmer, c'est ce qu'on appelle le back in donc c'est vraiment du code qu'on ne voit
pas, tout ce qu'il y a derrière mais aussi qui sont capables de programmer des interfaces
qui ont le souci du design d'être capable de faire quelque chose de beau si on peut dire
52
« je sais pas programmer l'interface utilisateur » ou donc avoir ce souci là de
fonctionnalité puis d'ergonomie, de navigation des applications. »
Le chercheur
Le second type de profil est le chercheur à l’université qui s'intéresse de près au secteur
culturel et numérique.
le chercheur qui s'intéresse plus au résultat et au contenu qu'au numérique
Eve-lyne Cayouette-Ashbee est la directrice adjointe du Centre d’histoire oral et de récits
numérisés de l’Université Concordia et la directrice de la recherche et de la mise en valeur de
l’histoire orale pour la Chaire de recherche du Canada en histoire orale. Elle s’intéresse à la
transmission de la mémoire et du patrimoine culturel ainsi qu’à l’(auto)représentation des
groupes minorisés par la mise en exposition et l’utilisation des médias numériques. Ses
recherches ont porté sur la représentation de la diversité culturelle dans les musées d'histoire
de Montréal.
« Je suis professionnelle de recherche en fait. Donc là en ce moment mon poste je suis
directrice adjointe du centre d'histoire orale. »
« Quand le centre a été crée en 2006, il y avait vraiment deux laboratoires qui
coexistaient, qui cohabitaient dans le même centre de recherche donc il y avait un
laboratoire d'histoire orale spécifiquement puis un laboratoire d'histoire numérique. Puis
les deux étaient dirigés par deux co-directeurs et puis au départ, ils voyaient un peu leur
discipline comme un peu séparément. Puis avec les années, ils se sont aperçus que
finalement bon l'histoire orale utilisait l'histoire numérique, et le numérique s'intéressait
aussi à l'histoire orale donc tout ça s'est un peu fusionné depuis les six sept plus que ça
presque les dix dernières années (rires). »
Constats
Parmi ces 10 professionnels, nous avons :
6 professionnels de musées dont :
- 2 directeurs d’institutions culturelles
- 1 webmaster de musée
- 1 chargée de projet culturel
- 1 muséologue et responsable de public
- 1 responsable des collections / techniques
53
3 professionnels du numérique dont :
- 2 directeurs d’entreprises
- 1 chargé de projet ingénieur multimédia
1 chercheur dont :
- 1 professionnel de recherche en histoire orale
RubriquesSous-
RubriquesThèmes Profils
1- Profils de professionnels
1.1 le professionnel
de musée
1.1.1 les directeurs d'institutions culturelles curieux de l'apport du numérique dans leur
institution
Laurent Chicoineau
Jean-François Leclerc
1.1.2 le fondateur et novateur qui cherche à dynamiser les musées
Samuel Bausson
1.1.3 les créatrices qui proposent des solutions numériques au musée
Juliette Giraud
1.1.4 la responsable des publics qui s'intéresse plus au contenu qu'au numérique
1.1.5 la responsable des collections qui s’intéresse au numérique
Josée Lefèbre
Stéphanie Mondor
1.2 le professionnel du numérique
1.2.1 les directeurs qui proposent de nouveaux usages numériques
Tanguy Sélo
Gérald Dulac
1.2.2 le professionnel qui propose la meilleure solution numérique aux musées
Yannick Gosselin
1.3 le chercheur
1.3.1 le chercheur qui s'intéresse plus au résultat et au contenu qu'au numérique
Eve-lyne Cayouette-Ashbee
Il s’agit donc de profils assez divers dont les attentes du numérique au musée peuvent varier
selon le secteur de travail. Ont-ils le même point de vue ? Proposent-ils les mêmes solutions
numériques ? Ont-ils les mêmes attentes ? Les attentes sont-elles les mêmes entre un
professionnel de musée, un chercheur et un professionnel du numérique ? Quelles sont les
retombées sur les musées ?
La vision du numérique en général
Cette partie vise à comprendre comment les professionnels perçoivent le numérique en
général. Trois grandes thématiques s'en déclinent :
Le numérique c’est quoi ?
54
Les différents entretiens ont permis de constater que deux professionnels se sont intéressés à
la définition du terme numérique.
« Je le définis par opposition à l’analogie c'est à dire c'est un mode d'enregistrement puis de
diffusion qui utilise un code binaire (rires). »
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
« Pour nous le numérique c'est beaucoup d'interactif parce que c'est là-dedans qu'on travaille
tous les jours. Pour nous le numérique c'est les ordinateurs, c'est des moniteurs qui sont
interactifs ou non. C'est l'internet avec tout ce qui est aujourd'hui et puis toute l'information qui
peut être accessible de n'importe où. Donc pour des musées qui veulent modifier l'information
dans une borne interactive, dans plusieurs bornes interactives dans leur musée, ils peuvent
accéder de chez eux ou d'un musée. »
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz
Ainsi si l’un considère le numérique comme opposé à l’analogie, l’autre l’assimile à son
environnement de travail et le définit d’interactif. Il est probablement plus difficile au
professionnel du numérique de donner une définition générale du terme qu’au chercheur qui
le définit comme une grande majorité de personnes41.
Le numérique comme outil
Parmi tous les entretiens, une personne a qualifié, à plusieurs reprises, le numérique comme
étant un outil de travail dans sa recherche. Puisque celui-ci s’est développé dans nos
pratiques, il est donc naturel de s’en servir.
« Le nom du centre de recherche c'est : « Centre d'histoire orale et de récits numérisés » qui est
la version française du nom. Euh le numérique c'est un outil. Maintenant pour dans la recherche
en sciences humaines en général c'est une palette d'outils si on veut qui sont de plus en plus
utilisés. (…) Je pense qu'ici à Concordia ou dans notre centre de recherches on le voit vraiment
comme une gamme d'outils (…). »
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
« Est ce qu'on met de l'avant ? Je sais pas, comment je dirais ça, je ne pense pas qu'on ait un a
priori favorable ou défavorable au numérique c'est juste un outil, une gamme d'outils comme
les autres qui, parfois sont pertinents ou non à utiliser pour les objectifs qu'on veut atteindre. »
41 Rapport d’enquête de publics pendant l’événement Museomix , Musée dauphinois de Grenoble, 2013
55
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
« Oui c'est complètement intégré dans notre pratique à tous les niveaux donc j'ai pas tellement
de recul sur ça mais je le vois vraiment comme un outil et pour moi ça n'a pas d'autres... un
outil de communication, d'échanges, de documentation, de création aussi évidemment,
d'éducation. »
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
Le numérique comme ressource
On entend par ressource un moyen permettant d’améliorer l’accès au contenu. Dans le cas
présent, le numérique est une ressource favorable et un élément en plus pour mettre en valeur
l’histoire orale. Une personne a déterminé le numérique comme étant une ressource parmi
d’autres tout en restant probablement l’une des meilleures ressources.
« Avant les chercheurs faisaient des entrevues sur cassette audio en général (…) Avec l'audio où
le passage de l'oral au texte c'était, j'imagine, plus pratique à l'époque sauf qu'en même temps on
perdait beaucoup d'informations tout ce qui était l'accent, les émotions, la gestuelle, l'ambiance,
tout l'engagement verbal qu'on peut voir dans un texte même si on essaie de transcrire les détails
et tout on perd toujours ouais et puis on interprète forcément aussi en transcrivant. Donc tout ça
pour dire que quand les outils numériques se sont un peu démocratisés (…) il y a plusieurs
chercheurs, en tout cas une majorité de personnes, qui se sont intéressés aux outils parce que ça
permet de rechercher puis de diffuser plus facilement. »
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
« C'est surtout ce qui tourne autour de l'enregistrement des récits donc par l'audio, par la vidéo et
puis après donc c'est l'enregistrement, le traitement, l'archivage puis la diffusion. Ces trois
étapes-là utilisent des outils numériques. »
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
« La question ne se pose pas à l'étape de l'enregistrement parce que, je veux dire l'enregistrement
analogique, on recueille des témoignages, c'est du numérique, c'est tout. Il ne faut pas se poser la
question. »
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
Ainsi le numérique n’est probablement pas une référence d’usage mais il reste utile. Cette
utilité fait du numérique un outil dont on peut faire appel pour faciliter l’accès au contenu.
56
Constats
Parmi les 10 professionnels, deux ont parlé du numérique en général concernant :
- la définition du numérique
- l’usage du numérique comme outil et comme ressource
Un professionnel de recherche s’est intéressé à la question du numérique comme usage dans
nos pratiques en donnant l’exemple de son cas.
Du fait du manque de contenu important pour cette partie, nous supposons que les
professionnels ont acquis cette vision du numérique comme étant une logique dans un usage
quotidien. En effet, pour chaque question en rapport au numérique en général, le professionnel
répondait directement en ciblant sur le numérique au musée. Cela est probablement dû au fait
qu’ils étaient à l’avance avertis du fait que nous aborderons la thématique du numérique au
musée et aussi du fait que leur milieu de travail concerne les institutions culturelles.
L’usage du numérique au musée
Cette partie cherche à comprendre les attentes des professionnels quant à l’usage du
numérique au musée. Il en découle trois grandes thématiques :
Des musées en développement à l’ère du numérique
Les musées se développent de plus en plus en adoptant des dispositifs numériques à l’usage
du public. On constate que les personnes interviewées dans cette partie sont des partenaires ou
organisateurs de l’événement Museomix. Il en découle deux thématiques :
Des musées en marge mais ouverts aux opportunités
Quatre professionnels ont abordé la question du numérique au musée en constatant qu’il y a
un besoin pour les musées en marge.
Les trois premiers témoignages abordent le numérique au musée par un constat en évoquant
un besoin de changer le musée par le numérique. Les termes utilisés sont : « changer des
choses », « frustration », « un peu en marge », « on reste sur des habitudes de
fonctionnement », « pas intégré », « un fort besoin d’évolution », « réinventer ».
57
L’idée serait que les musées auraient besoin de modifier leur approche culturelle par l’usage
du numérique. Le numérique permettrait au musée de ne plus être en marge.
« La vision qu’apporte Museomix. En tout cas, ce n’est pas la vision mais la proposition qui est
faite. C’est l’expérience qui m’intéresse voila. Qu’on puisse expérimenter des choses. Euh…
changer des choses, faire des choses en tout cas qu’un musée n’aurait pas mené de cette
manière-là et j’aime bien cette rencontre de fonctionnement de cultures différentes. »
Juliette Giraud, organisatrice de Museomix 2013 Grenoble
« L’idée de Museomix est née à plusieurs têtes. Un peu de moi parce que la première impulsion
c’était ma part parce qu’en fait c’est venu d’une frustration. Moi, j’ai plus partagé un constat et
puis une connaissance de ce qui marche ou plutôt de ce qui ne marche pas dans les musées. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
« Euh et donc du coup, je suis venu avec ça et puis je travaille dans des musées depuis 14 ans et
en tant que webmaster on se confronte à des difficultés en internet, à faire avancer le projet, à
travailler avec les collègues parce que ça reste toujours un peu en marge et qu’on reste sur
des habitudes de fonctionnement qui centrent le musée autour de l’exposition, qui lui donnent
son rythme, qui lui donnent sa raison d’être finalement et le numérique et le service web est
souvent un peu collé à ça en marge. Et donc c’est pour ça qu’on a souvent des bornes à la fin des
expositions parce que c’est à la fin des projets qu’on se dit : bah mince on n'a pas pensé au
numérique donc on fait une borne. Et donc souvent ce n’est pas articulé, ce n’est pas intégré dans
le propos, ce n’est pas intégré encore moins dans l’expérience du visiteur. Donc tout ça crée un
petit peu de difficulté quand on travaille en interne et quand on conserve ces enjeux là. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
« On avait identifié le besoin, un fort besoin d’évolution des lieux culturels d’une façon
générale. Il y a un vrai besoin, une réelle volonté de réinventer ces lieux culturels et notamment
les musées. Et nous sommes persuadés au sein d’Imaginov car avec nos entreprises à la fois de
contenu et de techno au service de contenu, on a une vraie valeur ajoutée enfin les entreprises ont
une vraie valeur ajoutée avoir. Il y en a quelques unes qui sont présentes aujourd’hui. Et c’est
dans cet esprit-là qu’on suit l’évolution de Museomix. »
Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix
Deux professionnels abordent la question des formations numériques des professionnels de
musées. Il s’agit probablement d'une des raisons pour laquelle les musées seraient en marge.
« Les professionnels de musées n’ont pas forcément la formation. Alors en terme de nouveau
contenu, ils voient des choses, c’est des gens très curieux. C’est pour ça que ça les intéresse
58
d’avoir des dispositifs-là. Je crois que c’est vraiment intéressant pour l’évolution des musées.
C’est complètement évident. »
Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix
« Non les professionnels de musées ne sont pas formés, de plus en plus, les nouvelles
générations, les jeunes le sont mais sinon on offre un service pour les aider, on peut se
connecter à distance sur leur borne puis leur montrer à distance comment faire, ça reste quand
même assez facile mais c’est vrai que souvent les musées, une fois qu’ils ont fait leur exposition
par exemple qui ont installé leur borne même s’ils savent qu’on a la possibilité d’aller changer
les choses souvent ça va rester comme ça pendant plusieurs années parce que des fois, il y en a
qui ont peur de changer ou qui sont débordés puis ils n’ont pas le temps de le faire puis une fois
qu’ils sont habitués et ben il n’y a pas de raison non plus de trop changer les choses. »
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz
Le numérique au musée reste toutefois favorable puisque qu’il y a une réelle volonté de la
part des professionnels de l’utiliser.
« En plus, c’était super intéressant cette démarche parce que là on n'avait que deux musées. Le
musée de la Houille Blanche à Villard Bonnot, un tout petit musée, je crois que c’est 25 000
visiteurs par an et à côté c’était à Turin, c’était La Venaria Reale, c’est en gros l’équivalent du
Louvre quoi. C’est une sorte de Louvre turinois. C’était intéressant parce que quand on a fait la
restitution finale des dispositifs et de l’évaluation qui n’était pas aussi poussée que va être celle
d’aujourd’hui. Mais c’était vraiment intéressant et les conservateurs disaient “bah oui c’est
évident qu’on a besoin du numérique”. »
Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix
« Oui et je pense qu’il y a une vraie curiosité. Il y a un peu une peur en fait de ça, de ces
dispositifs parce que ça va un peu dénaturer les œuvres. Il y a aussi toute cette approche-là. Donc
il faudrait arriver à faire plusieurs Muséomix, je dirais, pour arriver à prendre conscience à plus
de conservateurs possible qu’effectivement ça ne dénaturalise pas les œuvres. Bien au
contraire, ça peut permettre de les mettre en valeur différemment. »
Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix
Des musées avec des stratégies numériques développées
Certains musées disposent déjà de dispositifs numériques avec une stratégie développée. Les
musées veulent utiliser le numérique, ce n’est pas un rejet de la part des professionnels.
Si l’on prend l’exemple de Museomix, pour les professionnels, il s’agit d’un événement qui
favorise l’intégration du numérique au musée en parlant « d’action innovante », « faire bouger
59
les pratiques dans les musées ».
« On connaît bien Museomix parce qu’on a beaucoup participé depuis le début. A chaque fois il
y a des gens de l’équipe qui ont participé à Paris ou à Lyon. Ce qui nous intéresse nous, en ce
moment on travaille beaucoup sur la question de l’innovation culturelle et la question du
nouveau rapport au public, donc en terme de médiation culturelle que ce soit pour le
patrimoine, la science, l’innovation technologique etc.. »
« Et du coup Museomix c’est une action innovante qui vise justement à faire un peu bouger
les pratiques dans les musées. Et donc ça nous intéressait de travailler avec le Musée
dauphinois sur ce projet. Et puis en plus comme on a un fablab à la Casmate juste à côté du
Musée dauphinois ça permettait aussi d’avoir très concrètement des moyens techniques et une
équipe pour travailler en partenariat là-dessus. »
Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI
« Comme j'ai dit tous les musées pratiquement maintenant veulent du numérique, il y a de
moins en moins de personnes qui disent que le numérique n'a pas sa place. Pour nous c'est
plus l'interactif. L'interactif reprend sa place dans les musées du fait que c'est un peu toutes
les sortes de musées. »
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz
Oui pour l’usage du numérique… mais pourquoi ?
Le besoin d'utiliser le numérique est donc présent. Chaque professionnel affirme l’importance
de son usage. La question n’est pas de savoir s’il faut oui ou non utiliser le numérique au
musée. La réponse de la part des professionnels est affirmative. La question serait de savoir
comment on utilise le numérique au musée. Doit-on l’utiliser parce que tout le monde l’utilise
dans ses pratiques quotidiennes ? Doit-on l’utiliser parce que les autres musées l’utilisent ?
Doit-on l’utiliser comme complément d’informations ? Doit-on l’utiliser pour faciliter l’accès
aux contenus et aux œuvres ?
Pour faciliter l'accès au contenu
La première raison pouvant justifier l'utilisation du numérique au musée serait de faciliter le
contenu au public. Les professionnels parlent de « mettre en valeur différemment » les œuvres
tout en évoquant la problématique de l’apprentissage de la manipulation du dispositif.
« C'est pas tant pour le volet technique c'est plutôt pour la méthodologie en histoire orale qui
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nous intéresse. Donc c'est ça, pour nous le numérique c'est la matière première, c'est pas comme
si on avait une collection d'artefacts à mettre en valeur ou autre chose. C'est surtout le récit en
fait plutôt que le numérique.»
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
« Pour arriver à prendre conscience à plus de conservateurs possibles qu’effectivement ça ne
dénaturalise pas les œuvres. Bien au contraire, ça peut permettre de les mettre en valeur
différemment. Peut-être de créer des musées hors les murs. C’est aussi intéressant parce
qu’aujourd’hui avec le numérique on peut créer des plates-formes des sites un peu évolué, on
peut permettre de donner envie de venir dans les murs. Et ce n’est pas seulement un discours
intellectuel, je crois que c’est une vraie possibilité qu’on peut avoir. »
Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix
« Avant il faut trouver de belles applications c’est cool à voir, c’est fun mais après ça il faut que
ça serve aussi dans un musée, il faut que ce soit robuste, il faut que ça fonctionne bien, il faut
que la courbe d’apprentissage soit très rapide. Donc quelqu’un qui arrive devant le dispositif,
il ne faut pas qu’il prenne cinq minutes à comprendre comment ça fonctionne. Des fois c’est un
petit peu le problème des nouvelles technologies. »
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz
Pour un contenu qui prime sur la technologie numérique
La deuxième raison pouvant expliquer l’usage du numérique au musée serait d’avoir un
contenu de qualité au sein du dispositif numérique. Le contenu devient alors plus important
que le dispositif numérique. Cela sous entend qu’il ne faut pas utiliser du numérique pour du
numérique mais bien utiliser le numérique pour apporter un contenu utile et de qualité.
« La logique derrière c'est plutôt dans l'autre sens que ça se fait. Pour nous la question c'est pas
on va faire une exposition puis on va intégrer de l'audiovisuel ou du numérique c'est plutôt
l'inverse. On a ces ressources-là, ces archives-là qui sont numériques puis on veut les mettre en
valeur potentiellement dans une exposition mais ça peut être montré d'une autre façon. Puis donc
on les met en valeur dans une exposition il faut qu'on réfléchisse à comment on présente des
récits qui sont enregistrés sur format numérique. « Nous sommes ici » c'était l'exposition finale
d'un projet très long, d'une durée de 7 ans, l'histoire de vie de Montréal qui a commencé en 2005
qui s'est terminée en 2012 puis l'idée c'était ça, c'est qu'on interviewait 500 personnes avec leur
expérience de déplacement, de la guerre, de violence, de génocide. Puis donc on avait toutes ces
archives puis à la fin on voulait les présenter au public (…). »
« Ben tu vois récemment on a crée un parcours audio guidé autour du canal Lachine ; c'est une
marche d'une heure avec une bande son, avec des extraits d'entrevues tout ça. Au début on nous
demandait souvent pourquoi vous faites pas une application avec positionnement GPS, téléphone
intelligent. C'est bien beau tout ça mais en gros nous c'est des anciens ouvriers, des anciens
résidents de secteurs qui ont été interviewés. On veut qu'ils puissent faire le parcours avec l'état
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audio numérique le plus de base qui existe sans connexion internet, sans manipulation ou quoi
que ce soit donc oui le numérique c'est bien mais le numérique à tout prix, outil et
technologie à tout prix, si ça desserre l'objectif non. »
« Je pense qu'il y a une grande naïveté autour des communautés virtuelles. Je veux dire, le Musée
de la Personne42 c'était un bon exemple, sur le site web il y avait un formulaire, il y avait une
section genre "partager votre histoire" quelque chose comme ça et puis c'était un formulaire de
textes. Les gens pouvaient écrire leur histoire et jamais personne jamais, peut-être que c'est
arrivé une fois que quelqu'un prenne trois heures de sa vie devant son écran à écrire son histoire
sur le formulaire texte. Jamais alors que quand on approchait les gens pour leur demander on
veut passer du temps avec vous, on va vous écouter, on va prendre un café, on va enregistrer ben
je pense que les contacts humains peuvent être aidés, encouragés par le numérique mais de tout
laisser reposer sur, de se fier là-dessus pour créer des interactions, je pense que ça marche pour
une certaine clientèle mais pas pour toutes et puis il y a toutes les questions d'accès. »
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
La question de l’apprentissage est également d’actualité. Le contenu doit être facilement
accessible à tous et rapidement. La difficulté serait notamment présente pour des personnes
qui n’ont pas l’habitude d’utiliser les dispositifs numériques dans leur quotidien.
« Avant de pouvoir bien utiliser on a une certaine courbe d’apprentissage puis dans les
musées les personnes passent 5 minutes ou 2 minutes devant la borne interactive ou le système
interactif mais il faut qu’en quelques secondes elle soit capable de l’utiliser comme elle va
utiliser par exemple son téléphone intelligent. Le visiteur s’attend à ce que ça fonctionne tout de
suite comme son téléphone ou comme son ordinateur. »
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl
« Pour l’instant les iPods, la plupart des gens ont leur téléphone. Et ceux qui empruntent les
iPods, c’est en général toutes les personnes âgées qui ne comprennent pas grand chose. Puis ça
met ½ heure à expliquer comment fonctionne l’appareil. Puis de l’autre côté on a celui qui
est très habitué et qui utilise son propre appareil. Ça aussi il faudra comparer et voir le degré
de personnes et le temps d’adaptation à l’appareil. »
Stéphanie Mondor, responsable des collections / techniques
au Centre d’histoire de Montréal
Pour le rapport avec le public
42 Le Musée de la Personne était un site internet dont l’origine est à l’initiative du Centre d'histoire de Montréal. Les citoyens sont invités à déposer leur témoignage en ligne et ainsi, préserver et partager leur histoire tout en créant «leur musée». Toute personne peut donc individuellement ou collectivement, à titre d'acteur de l'histoire, enrichir la collection virtuelle vouée à la mise en valeur du patrimoine immatériel.Toutefois, cette initiative de 2006, n’a pas abouti sur du long terme, Eve-lyne Cayouette-Ashbee nous en explique les raisons dans son entretien.
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On constate que les professionnels interviewés s’intéressent particulièrement au rapport avec
le public par l’usage du numérique. On pourrait dire que le numérique permet de donner le
choix au visiteur et de ne plus lui imposer un contenu. Grâce au numérique, il dispose d’une
multitude de contenus qu'il peut exploiter à sa guise. Les professionnels évoquent des termes
tels que « interactivité », « participatif », « dimension sociale » et « expérience muséale».
« Et je suis allé en disant : bah voilà, moi j’ai envie de faire des choses où les publics sont un
peu plus acteurs où ils ont une présence plus importante. En tout cas, la possibilité de
déterminer la présence qu’ils veulent avoir et que ça soit pas uniquement une assignation de ce
qu’il faut faire, de ce qui est beau, de ce qu'il faut retenir, de ce qu'il faut apprendre. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
« Il faut offrir toutes les possibilités au visiteur, c'est pas de simplement appuyer sur play sur
une borne interactive mais c'est de lui offrir aussi par exemple des onglets dans un contenu on a
plein d'avantages sur la vidéo sur des galeries d'images des choses comme ça donc c'est de lui
offrir un contenu complexe, c'est lui qui va consulter ce qu'il veut quand il veut et puis comme il
le veut. (…) C’est peut être de pouvoir montrer des choses maintenant qu’on pouvait pas montrer
avant, montrer d’une façon un peu plus participative. »
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl
« Nous on pense que l’interactivité est vraiment une valeur ajoutée dans l’expérience du
musée, ça prouve un petit aussi du parcours standard dans un musée où est ce qu’on voit des
objets, on lit le panneau qu’il y a à côté puis ça se limite souvent à ça dans un musée. Nous on
va faire participer un peu plus le visiteur en lui donnant des options puis en le faisant bouger un
petit peu puis c’est lui maintenant qui décide de consulter ce qu’il veut consulter dans l’ordre
qu’il veut le consulter. C’est aussi un moyen je pense d’attirer un peu plus la clientèle jeune
dans les musées ; mettre le numérique, ils sont beaucoup plus attirés vers ça puis pour le musée
pour lui c’est une façon de facilement pouvoir mettre à jour ses contenus interactifs dans les
musées. »
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl
Le numérique serait un moyen de créer des liens entre les personnes. Toutefois, Laurent
Chicoineau s’interroge sur « le paradoxe de l’interactivité qui n’est pas pensé collectivement
mais pensé pour une seule personne ». Cette phrase porte à réflexion puisque de manière
générale le dispositif est habituellement utilisé par une seule personne à la fois. Grâce au
numérique, la dimension participative est présente mais assez peu collectivement.
« Je trouve que la réalité augmentée avec les sous-vêtements43 c’est amusant parce que le visiteur
43 Les dessous menteurs : Il s’agit d’un prototype Museomix 2013 installé dans l’exposition « Les Dessous de l’Isère » au Musée dauphinois de Grenoble. Dans ce dispositif, le visiteur peut essayer des sous-vêtements de
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s’amuse avec le patrimoine en fait, avec les images. C’est pas des objets, c’est que des images.
Donc ça c’est assez marrant. Le fait que les autres puissent regarder aussi. Il y a une dimension
sociale dans cette manipulation qui est intéressante. (…) C’est quand même aussi un des
handicaps de ces dispositifs interactifs. Finalement ça fonctionne quand il y a peu de monde. Ce
qui est assez curieux de la part des musées de soutenir des dispositifs pour peu de visiteurs. Il y a
un paradoxe dans l’interactivité qui n’est pas pensé collectivement mais pensé pour une
seule personne. Et c’est ce que j’aime bien dans les sous-vêtements augmentés c’est que ce n’est
pas juste pour soi pour rigoler dans une cabine mais tout le monde peut le regarder. Du coup là
c’est plus collectif. »
Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI
L’usage de dispositifs variés… Lesquels choisir ?
Cette partie vise à comprendre quels types de dispositifs numériques les professionnels
mettent en place auprès des visiteurs. Quels types de dispositifs sont les plus utilisés ? Pour
quelles raisons ?
Favoriser l'accès au contenu par des tablettes / bornes interactives
D’après les professionnels interviewés, nous pouvons déduire que les dispositifs les plus
utilisés sont les Smartphones, les tablettes et les bornes interactives. Il s’agit probablement des
dispositifs les plus faciles à manipuler pour le visiteur puisque celui-ci peut posséder une
tablette ou un Smartphone dans ses pratiques quotidiennes. L’idée serait de rendre accessible
le contenu par des dispositifs que le visiteur a l’habitude d’utiliser pour que la manipulation
soit facile et rapide pour lui.
« C'est comme notre audioguide. Chaque fois qu'on le fait c'est le plus simple possible : il y a
un bouton clé lecture, pause, avancer, reculer et puis même ça les personnes âgées il faut leur
expliquer : le bouton qui est là c'est pour le volume… »
Evelyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
Aussi les professionnels du numérique développent de plus en plus d’applications pour
faciliter l’accès au contenu du professionnel de musée par une interface qu’il pourra lui même
manipuler. Le professionnel du numérique cherche à rendre autonome et à former le
diverses époques. Face à un miroir sans tain, le visiteur se sait observer ou peut-être l’oublie-t-il en vivant l’expérience de l’essayage qui lui est proposé. Il se confronte alors à l’évolution du corps de la femme et à celle de son image, modelés tous deux par les dessous féminins.Une tablette tactile, présentant un “catalogue” de sous-vêtements classés par époque (4 époques, des codes du trousseau fin 19ème siècle au Wonderbra fin 20ème siècle, en passant par les silhouettes garçonnes de l’entre-deux-guerres et les pin’up des 50′s) se trouve sur sa droite. Il sélectionne le sous-vêtements qu’il souhaite “essayer”, 3 ou 4 par période – corset, cache-corset, fond de robe, soutien-gorge en obus, cœur croisé…) : l’image du sous-vêtement est projetée dans son dos, donnant au visiteur qui se regarde dans le miroir l’impression qu’il est habillé. Le sous-vêtement peut être ajusté sur la tablette à sa morphologie. Le visiteur juge de l’attrait de ces sous-vêtements anciens ou très récents sur lui-même, tandis que la projection et l’éclairage dessinent son corps en ombre chinoise sur le voilage de la cabine pour les visiteurs à l’extérieur.
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professionnel du musée. Ce qui est le cas de MuzéUs proposant un CMS44 déjà tout fait
(équivalent au Wordpress sur le web par exemple).
« Donc nous on fait tout ce qui est application interactive que ce soit des applications sur un
kiosque interactif par exemple sur un PC avec un moniteur tactile et tous les formats. Ça peut
aller d'une petite télévision de 17 pouces jusqu'à un mur vidéo interactif au complet. Puis on
fait aussi des applications mobiles tablettes, téléphones intelligents. On a aussi développé un
produit pour les musées qui s'appelle MuzéUs donc ça c'est une solution d'audioguide
interactif. Les musées, plutôt que développer leur propre audioguide, développent une
application sur mesure. Ils peuvent utiliser MuzéUs. Ils se créent un compte sur le site de
MuzéUs puis peuvent accéder à un CMS sur lequel ils peuvent construire facilement leur
audioguide en mettant des images, des textes, des vidéos donc ils construisent leur audioguide
comme ça (…).
Comme je disais souvent les musées où les clients ne savent pas exactement ce qu’ils veulent,
ils veulent l’interactif donc la meilleure façon de leur donner des idées ou d’en arriver à des
premiers scénarios ou des maquettes, c’est de leur montrer déjà un peu ce qu’on a fait donc eux
vont piger les idées à gauche à droite de projets antérieurs qu’on a fait. Ils voient ce qu’ils
aiment, ils voient ce qu’ils n’aiment pas puis c’est avec ça qu’on est capable de mieux
comprendre puis d’aller dans une direction mais souvent ça reste ou dans le tactile ou dans
l’application mobile. »
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl
L’exploitation du web
Le web est une plate-forme énormément exploitée par les musées. Sites internet, réseaux
sociaux ou expositions virtuelles, tous les musées y participent permettant ainsi de se faire une
identité numérique. De plus en plus de professionnels s’intéressent au web participatif et de la
manière dont le public peut participer à la vie du musée.
« Et ça vient des principes même de ce que a permis le web. C’est à dire, le web et l’architecture
du web plutôt de pair à pair, en réseaux horizontaux, le web qui est basé sur le principe du read-
write, donc on peut lire mais aussi écrire : donc ça c’est la notion de participation. Et donc le web
qui est par défaut jusqu’à aujourd’hui en tout cas et ça pose des questions aujourd’hui,
ouvertes. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
Certains musées exploitent les réseaux sociaux dans leur stratégie. Il s’agirait d’un moyen de
fidéliser le public et de communiquer avec. Toutefois, l’intérêt serait de cibler les réseaux
sociaux et d’être présent dans les réseaux les plus stratégiques et favorables au musée et non
d’être partout car il faut prendre le temps d’animer ces médias sociaux.
44 CMS : Content Management System ou Système de Gestion de Contenu une famille de logiciels destinés à la conception et à la mise à jour dynamique de site web ou d'applications multimédias.
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« Il y a le musée du Quai Branly qui a plusieurs comptes Facebook. T’imagines ça ! Et même
Twitter ! Selon les projets. Enfin là, ce qui pourrait être intéressant dans notre cas, c’est d’en
avoir un pour Vous faites partie de l’histoire !, parce que là, les jeunes ne vont pas devenir amis
avec le CHM mais s’il y a un Facebook du projet ça peut les retenir pendant un certain temps
avec un dialogue qui s’établit. Ça veut que ça prenne quelqu’un qui est vraiment à plein temps
aussi. »
Josée Lefèbre, responsable des publics
au Centre d’histoire de Montréal
« Tu sais je regarde ma jeune et elle communique beaucoup par Facebook. Tu sais ils n’utilisent
plus beaucoup le téléphone et vont s’écrire des messages sur Facebook. C’est plus une façon de
communiquer. Ils vont quand même regarder les nouvelles mais vont moins commenter et
intervenir sur les publications. Après ça ne sert à rien non plus d’être partout dans les
réseaux sociaux. Puis de ne pas avoir le temps d’animer. Enfin il faut bien choisir qu’est-ce
qui est utile au musée. Il y a Instagram ou je m’étais posé la question parce que je vois qu'il est
de plus en plus utilisé par les musées mais je ne connais pas trop. Mais tu vois Flickr ça
fonctionne bien on le voit surtout avec les photos du concours photo et ça a été énormément vu
par les internautes. Puis après on a pas mal de personnes qui nous suivent. Ça rejoint. Pour
Twitter, on avait choisi de le fermer parce que justement ça nous en faisait trop et qu’on
n’arrivait pas à l’alimenter puis on a constaté qu’il y avait pas mal de personnes sur ce réseau
social. Donc au final on a refait un compte. Ça marche bien même si on ne l’alimente pas aussi
souvent que Facebook. »
Jean-François Leclerc, historien et directeur au Centre d’histoire de Montréal
Les musées s’inspireraient d’autres musées pour trouver des idées à exploiter dans les médias
sociaux. Ils s’intéresseraient également à la manière dont l’internaute exploitent lui-même le
réseau social et s’adapteraient en fonction de son utilisation. Enfin, animer les réseaux sociaux
demande du temps et des moyens humains conséquents.
La question du budget
La question du budget reste primordiale dans l’usage du numérique au musée. Il s’agit de
l’une des principales raisons pour lesquels les musées n’exploitent pas le numérique.
Pour les professionnels du numérique, il s’agit de proposer des dispositifs avec un coût
raisonnable notamment pour les petites structures qui n’ont pas les moyens.
« Avant on faisait beaucoup moins de mobiles on faisait plus les écrits interactifs avec PC puis à
force d'assister à des conférences (…) on parle avec beaucoup beaucoup de musées. Puis on s'est
aperçu qu'il y avait beaucoup de musées mais très peu de gros musées avec des moyens. Il y a
une tonne de petits musées qui n'ont pas vraiment de moyens puis eux, se payer une
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application mobile je sais pas 25000 dollars, ils n'ont pas les moyens mais tous les musées
veulent maintenant du numérique, veulent de l'interactif dans leur musée donc souvent on
rencontre des clients qui nous disent ben nous on veut de l'interactif mais on sait pas ce
qu'on veut (…). Donc la plupart des musées veulent une application mobile. On s’est dit
qu’on pourrait construire une application interactive, une application mobile que tous les musées
pourraient utiliser plutôt que développer pratiquement la même application interactive pour tous
les musées on en développe une puis on y va sur des forfaits mensuels par exemple que les
musées peuvent s'inscrire et faire parti de MuzéUs. »
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl
Pour les professionnels des musées, c’est un facteur qu’il faut prendre en compte surtout s’il
s’agit d’une petite structure. L’usage du numérique est toutefois présent mais exploité
différemment.
« A part les grands musées comme le Musée de la Civilisation qui ont une équipe, cinq personnes
spécialisées dans le numérique sinon les autres musées sont comme nous autres. Souvent les gens
vont avoir une subvention pour faire quelque chose pour mettre en place un méga truc mais après
ça il vont rouler avec ça pendant des années puis après comment le mettre à jour quand on a
plus le budget. C’est pour ça que nous il faut penser vraiment à l’échelle du CHM. Dans un
but qui peut être développé mais qui on est capable de le gérer tant qu’on n’a pas atteint notre
idéal. »
Josée Lefèbre, responsable des publics au Centre d’histoire de Montréal
Constats
Tous les musées souhaiteraient utiliser le numérique mais pour certains facteurs, tous ne
peuvent pas l’exploiter dans sa totalité.
Il existerait ainsi deux types de musées :
- le musée en marge présent en général dans les petites structures
- le musée à la pointe de la technologie présent en général dans les grandes institutions
Les professionnels affirmeraient la nécessité de l’usage du numérique au musée pour deux
raisons :
- Afin de faciliter l’accès au contenu : il s’agirait de favoriser le contenu sur la
technologie.
- Afin de créer une relation de proximité avec le public : le numérique est utilisé dans
les pratiques quotidiennes donc l’accès au contenu serait adapté aux pratiques du
public. Toutefois, le problème de la difficulté d’accès au contenu est présent par la
familiarisation de l’objet numérique qui n’est pas toujours facile à manipuler.
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Ces deux types de musées utiliseraient le numérique mais à échelles différentes. L’usage du
numérique varie selon les institutions et selon les moyens. On trouve alors deux types
d’usages :
- l’accès par les tablettes, bornes interactives et téléphones intelligents : il s’agirait
d’une pratique de plus en plus présente dans les institutions. Même les petites
structures peuvent y trouver un moyen de développer une application mobile.
- L’exploitation du web permettrait de se donner une identité virtuelle et de se
positionner dans la toile. Le site internet et les réseaux sociaux seraient les plus
favorables aux musées. Certains développeraient de plus en plus d’expositions
virtuelles.
La question du budget reste assez présente. Les moyens humains seraient généralement
insuffisants pour les petites structures afin de consacrer une section numérique dans leur
travail et de l’alimenter. Aussi il serait difficile pour certains d’établir des dispositifs
numériques sur du long terme.
Ainsi, il s’agirait de petites structures avec peu de moyens qui se trouveraient dans ce cas. On
pourrait alors constater un écart pouvant se créer entre petites et grandes institutions. La
médiation numérique est quasi absente dans les petits musées tandis que dans les grands
musées elle se développerait constamment.
Concernant les professionnels du numérique, ils prendraient conscience de cet écart et
proposeraient des solutions adaptées aux petites institutions.
Le numérique comme outil de travail
Nous nous intéresserons à comprendre et à évaluer les modifications potentielles qu’apportent
le numérique dans le travail des professionnels. Il en ressort trois grandes thématiques :
- les professionnels qui sont en faveur ou en défaveur de l’open data
- les professionnels qui s’intéressent au travail collaboratif
- les professionnels qui proposent des méthodes de partages de contenus variés
Pour ou contre l’ouverture des données ?
La question de savoir si l’ouverture des données est favorable au musée a suscité plusieurs
sous thématiques.
Toutes les personnes interviewées sont favorables à l’open data. Certains professionnels
partagent leurs données et les réutilisent, tandis que d’autres professionnels ne partagent pas
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leurs contenus mais réutilisent les données partagées.
Pour l’open data
Les professionnels qualifient l’open data comme étant « un bien commun » permettant la
création de « communauté ».
D’un côté, il y a le fait de partager un logiciel et de l’autre, le fait de partager une méthode de
travail permettant aux personnes de s’en inspirer.
« Oui mais pourquoi on proposerait ce logiciel45 à la vente, je pense que le but c'est au contraire,
de créer une communauté autour du Centre évidemment mais autour d'un logiciel aussi puis de
continuer à le faire évoluer nous même et à le voir évoluer aussi pour d'autres utilisations, pour
d'autres besoins (…). Pour créer quelque chose, il y a de la recherche qui se fait autour puis après
d'essayer de le partager ou de le diffuser et que ça reste ici parce que personne ne veut
l'acheter, personne n'a les moyens, tu sais on est pas dans une logique mercantile (…). Nous, tout
ce qu'on fait nous, on est dans la transparence totale, dans le partage en permanence. »
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
« Et donc le web (…) on peut voir le code source, on peut voir ce qu’il a construit et on peut
le reprendre et en refaire une version à soi. C’est comment on peut transformer et malaxer le
musée et le patrimoine sous cette même optique-là. Avec toutes les difficultés, on ne peut pas le
transposer, on ne peut pas le copier-coller sinon ça serait faire de l’internet centrisme. Mais on
essaie de voir qu’est-ce qui fait que ça fonctionne et comment on peut s’en inspirer pour le
transcrire et sortir de l’inertie, sortir de la difficulté à être plus agile dans le musée. »
« Les hackatons sont souvent organisés par des grosses boîtes ; et souvent les résultats sont
privatisés et ré exploités. Et nous on ne veut pas faire ça. On veut créer du bien commun. Et
on voudrait que les musées créent du bien commun. Et pour faire ça, il faut que les choses
restent libres, ouvertes, en circulation, en flux, que n’importe qui d’autre puisse le
récupérer et en refaire le sien tant qu’il le reverse. (…) Quand tu privatises, tu gardes pour toi,
t’es dans une logique de canal. Alors qu’avec du bien commun tu exploites mieux la logique
de réseau. Et on voit bien Museomix en soi essaie de mettre en œuvre ça. En passant par un
Museomix les uns après les autres. Là, on aide des gens à faire eux-mêmes leur communauté.
Et on n’aurait jamais pu le faire nous tout seul. C’est parce que c’est ouvert. Parce que la
recette, le code source de Museomix est ouvert que d’autres peuvent se l’approprier. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
Ne pas tout partager
Si tous les professionnels sont favorables à l’open data, un professionnel du numérique
45 Eve-lyne Cayouette-Ashbee parle du logiciel open source d’histoire orale qui s’appelle Stories Matter développé par l’université Concordia et libre d’accès.
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s’interroge sur le fait de devoir tout partager ou non.
« Si on pratique l’open data… oui et non en fait ça c’est peut être un plus pour les musées qui
vont des fois partager leurs collections. Nous c’est sûr que le travail qu’on fait c’est des
applications interactives, une fois qu’on l’a fait, on essaye plus de la vendre que de la
partager avec le reste de la communauté. Ben après, les musées c’est plus le partage des
collections après ça, ils peuvent pas vraiment partager ce qu’on leur livre parce que nous c’est
livré sous les licences justement pour empêcher les musées de revendre ou de donner ce
qu’on leur a livré. »
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz
et partenaire de MuseomixMtl
L’objectif de l’open data entre un musée et une entreprise n’est pas le même puisque le musée
partage le plus souvent le contenu de ses collections.
Le travail collaboratif
Le travail collaboratif est nécessaire pour le bon fonctionnement d’un projet. Les
professionnels interviewés se sont notamment intéressés aux raisons qui nous poussent à
collaborer. Il en découle quatre thématiques :
un investissement commun
Le travail collaboratif permet à chacun d’y apporter sa contribution et d’en apprendre sur le
travail des autres. L’exemple de Museomix est la thématique principale. Les personnes ont été
interviewées durant cet événement. Chacun a défini les attentes de Museomix.
« Museomix c’est le fait de participer à quelque chose. Dans ce que j’ai compris, il fallait
qu’il y ait un ensemble de ressources et ces ressources étaient à disposition aux gens des
projets. »
Gérald Dulac, directeur d’Eolas, partenaire de Museomix
« Nos attentes de Museomix c’est à la fois de la curiosité, l’idée de voir ce que ces équipes
Museomix qui ont été constituées pour l’événement vont produire. Donc qu’est-ce qui va
sortir de tout ça ? Donc, il y a quand même une attente sur les résultats puisque le processus on
le connaît bien maintenant et c’est un processus qui est intéressant, stimulant, qui travaille sur
la transversalité, sur la pluridisciplinarité des équipes donc ça c’est bien. En un temps réduit
aussi, c’est le côté sprint qui est intéressant. Le côté aussi du prototypage rapide, puisqu’il
ne suffit pas seulement d'avoir des idées et des scénarios mais c’est aussi de les mettre en œuvre
jusqu’à la mise en public avec le regard par le public, le test avec le public et l’innovation par
le public. Donc toute cette démarche nous intéresse beaucoup.»
70
Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI
« Pendant ce week-end il y a 140 personnes qui travaillent, entre les museomixeurs,
l’organisation, les partenaires et tout ça. Donc c’est intéressant et on sait bien qu’un dispositif
comme celui-là ne se vend pas tout seul. A partir du moment où on avait décidé de s’y engager,
on pouvait s’y engager avec des ressources humaines et éventuellement donner un petit
coup de pouce financier si ça pouvait aider à l’organisation. »
« Nos attentes c’est vraiment de voir un peu les… moi j’attends aussi beaucoup de la partie
évaluation qui est faite. (…) Nous croyons beaucoup en ça parce que dans cette évaluation y
aura l’approche des museomixeurs, pourquoi ils se sont investis? Pourquoi ils étaient là?
Pourquoi ils sont venus trois jours? Même gratuitement. Quelles étaient leurs logiques par
rapport au lieu? Comment ils voulaient le réhabiliter? Toute cette approche là. Il y a tout un
intérêt de l’évaluation des partenaires, des organisateurs, de voir tout ça. Est-ce qu’il y a des
choses à optimiser? Quels peuvent être les apports des uns des autres? Nous misons beaucoup là-
dessus. ça nous intéresse beaucoup. »
Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix
l'importance de personnes venant de divers horizons
Quatre professionnels ont insisté sur l’importance de travailler avec des personnes aux
compétences variées. Le contexte d’entretien (pendant Museomix, lors du forum Les musées
à l’ère du numérique et pendant une prise de rendez-vous) et les profils des professionnels
sont assez divers. Tous ont été favorables à un travail collaboratif réunissant des personnes
venant de divers horizons.
« On va bientôt changer notre texte officiel d’instruction de gouvernance justement pour éliminer
cette distinction46 là qui n'est plus du tout réelle. Puis au centre de recherche, on accueille 150 à
160 affiliés. (…) C'est une majorité d'individus qui sont soit des chercheurs académiques, soit
des étudiants mais aussi des gens de la communauté : des artistes, des éducateurs, des activistes
(…). Il y a certains projets ou certains affiliés ont vraiment (…) qui s'intéressent plus aux
technologies numériques alors qu'il y en a d'autres qui travaillent de façon plus traditionnelle
sans s'investir nécessairement dans ces méthodes là. Donc on a une variété de pratiques et puis
de projets. »
Cette collaboration entre deux domaines de compétences a permis la création d’un logiciel
open source accessible à tous depuis internet :
« Pour le logiciel Stories Matter, on s'est dit pourquoi pas en développer un avec des historiens
46Eve-lyne Cayouette-Ashbee parle de la distinction dans le nom du centre de recherche « Centre
d’histoire orale et de récits numérisés ».
71
spécialisés en histoire orale qui connaissent les besoins du milieu et des informaticiens qui
savent comment programmer puis créer un logiciel donc ils se sont mis ensembles, ils ont
travaillé pendant deux ans là-dessus, il y a eu plusieurs versions du logiciel qui ont été créées
puis ils continuent à se développer avec le temps. »
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheuse en histoire orale
Museomix est cité comme étant un exemple de référence en matière de travail collaboratif aux
multiples compétences :
« Par exemple, cette année47, on avait des gens qui sont partenaires en art sciences qui nous ont
proposé deux metteurs en scène. On n’avait pas vraiment imaginé d’exploiter cette ressource-là
et ça a été vraiment quelque chose d’important, toutes les équipes l’ont utilisé comme
ressources. »
Juliette Giraud, organisatrice de Museomix 2013 Grenoble
« Est-ce que ça a changé leurs méthode de travail? Est ce qu’il y a un avant ou un après
Museomix ? Par exemple, je pense au premier Museomix au musée des Arts déco à Paris. Euh…
changer c’est difficile… disons qu’il y a cette idée mais je pense que les gens s’ils viennent
participer à Muséomix c’est parce qu’ils sont aussi convaincus que c’est important de
travailler en transversalité, avec d’autres disciplines, de ne pas être dans une approche plus
scientifique qui va ensuite être vulgarisé par les réalisateurs techniques etc… Donc je pense que
c’est une dynamique. Muséomix c’est un moment qui vient à la fois le confirmer puis le
développer, lui donner de la visibilité, cette dynamique. »
Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI
« Donc l’idée c’était de dire comment on fait pour faire autrement. Moi, j’avais pas du tout
la réponse, j’avais plutôt les problèmes. Et donc je suis allé voir des gens avec qui j’avais
une forte affinité, avec qui je m’entendais bien, qui était Julien Doras, qui était Nod-A, une
agence qui faisait des choses autour de la co-création dans le domaine du design notamment.
Julien qui organise les dorkbot à Paris donc beaucoup autour de la créativité numérique, plutôt
les codeurs et puis avec le centre ERASME que je connaissais aussi depuis très longtemps qui
est un espace muséographique d’expérimentation à Lyon et Diane, qui nous a quitté depuis et qui
a ouvert un des tout premiers blogues qui parlait autour de la communication 2.0 comme on
disait à l’époque dans les musées. Elle est aussi une amie avec qui on a organisé toutes nos
conférences en France sur les musées et le web 2.0 justement. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
« Oui c’est important le fait qu’ils viennent de différents horizons. Parce qu’on voit bien…
par exemple, aujourd’hui on est dans une conférence48 et il y a que des gens de musées et c’est
très bien mais on ne peut pas sortir de notre bocal si on fait ça. Je pense qu’il faut bien se
connaître d’abord, c’est sûr. Il faut faire de l’entre soi, ça ne l’exclut pas mais il faut un
47 Juliette Giraud parle de l’événement Museomix Rhône-Alpes 2013 au Musée dauphinois de Grenoble48 Samuel Bausson fait référence au Forum Les musées à l’ère du numérique organisé par la SMQ les 11 et 12
juin 2014 à Montréal
72
moment aussi être bousculer et sortir de sa zone de confort et ça, ça se fait en allant se
frotter à d’autres univers avec des gens qui parlent différemment, qui nous énervent parce
qu’ils ne nous comprennent pas et réciproquement pour arriver à quelque chose de plus
riche. C’est ce qui permet la richesse des propositions. Je suis de musée et on était avec
d’autres qui sont d’autres horizons et c’est ça qui a créé Museomix. Nod-A n’aurait pas créer
Museomix sans moi parce qu’il n’aurait pas eu connaissance des fonctionnements des problèmes
de l’univers des musées. Et moi je ne l’aurais pas fait sans eux et sans Julien et sans le centre
ERASME parce que je n’avais pas une approche, une méthodo, voilà. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
une communauté
Le travail collaboratif crée des liens et amène à développer une communauté. Chacun apprend
de l’autre en donnant et en recevant. Museomix est cité comme exemple pour la création de
communauté.
« Oui oui bien sûr ça m’apporte des rencontres, des contacts professionnels et puis ça
m’apporte… j’apprends des fonctionnements de travail. Euh… j’apprends même au-delà
de ça une expérience humaine et donc ça c’est très enrichissant. »
Juliette Giraud, organisatrice de Museomix 2013 Grenoble
« Donc on se connaissait bien, ça a permis de se créer un noyau où il y avait une confiance
qui permet de lancer ce type de projet où les choses ne sont pas trop cadrés comme ça peut
être comme dans des projets plus classiques où il y a un postulat au départ, une envie, quelques
principes. On a formalisé assez vite les principes de base de Museomix qui étaient de dire "on
rend le musée plus ouvert, on rend le musée plus connecté et on rend le musée plus
participatif." Ce qui m’intéresse c’est fondamentalement qu’est ce qui fait que des gens
arrivent à s’associer pour faire des choses créatives ensemble. Là, on aide des gens à faire
eux-mêmes leur communauté. Et on n’aurait jamais pu le faire nous tout seul. C’est parce
que c’est ouvert. Parce que la recette, le code source de Museomix est ouvert que d’autres
peuvent se l’approprier. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
une complicité
Cette communauté de travail collaboratif permet de se créer des liens forts entre
professionnels. On parle alors de Museomix et de la manière dont ça a développé une
« relation humaine », une « complicité » et une « relation encore plus forte » entre la
communauté Muséomix.
« (…) il se trouve que je connais assez bien Jean Guibal et à une occasion grenobloise je le
rencontre et je lui dis : "Tu sais on fait un truc sur les open data super bien et il faudrait qu’on
73
t’en parle". Et donc on a invité l’entreprise et on lui en a parlé. Et il m’a dit : "Mais ça c’est
génial pour Museomix on en a besoin." »
Gérald Dulac, directeur d’Eolas, partenaire de Museomix
« Humainement ça a été très fort car il y a beaucoup de gens qui se sont impliqués, des gens
curieux, des gens ouverts. Voilà, donc les partenaires nous proposent aussi des choses qu’on
n’avait pas envisagé pour Museomix. Et puis je dis collaboration et je dis complicité. Et on a
vu qu’il y avait plein de partenaires qui, au départ, nous ont dit : “Bon Bah je vous prête une
techno, ou un objet ou un outil et puis, qui, finalement sont passés nous voir le samedi et n’ont
pas pu repartir et sont restés jusqu’à dimanche parce qu’ils sont rentrés dans l’aventure. C’est
au-delà de la collaboration c’est de la complicité, c’est le partage de valeur et d’envie.
J’apprends même au-delà de ça une expérience humaine et donc ça c’est très
enrichissant. »
Juliette Giraud, organisatrice de Museomix 2013 Grenoble
« Après ce que l’on attend aussi concrètement c’est d’avoir une nouvelle… enfin c’est une
relation encore plus forte avec le Musée dauphinois mais qui existe déjà. On a déjà des tas de
projets en parallèle donc ça fait partie de la dynamique locale. »
Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI
« Des gens disent qu’on est un hackaton mais en fait on n’en est pas un. On préfère appeler ça un
marathon créatif. On joue sur les mots peut être mais en fait la difficulté c’est qu’on ne voudrait
pas être associé justement à un hackaton parce que souvent il y a l’esprit de compétition
qui n’est pas du tout le cas dans Museomix. Même s’il y a une émulation mais c’est plutôt
une compétition joyeuse. Ça c’est important, le sens de la fête aussi. Jouer et prendre du
plaisir au musée c’est quand même en soi déjà pour moi important donc si on commence à
être en compétition on risque de rentrer dans des logiques productivistes et des choses
comme ça et on ne veut pas ça. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
Des méthodes de partages variées
Plusieurs professionnels parlent de leur expérience dans la manière dont ils ont partagé leurs
données. Il en découle 3 thématiques :
le Fork
Un professionnel a évoqué la possibilité de réutiliser les données afin de les réutiliser à sa
guise pour pouvoir créer ou améliorer de nouveaux contenus.
« Que d’autres d’ailleurs ont fait dans leur développement la fork, traduit en français ça rend
fourchette. C’est quand un logiciel ne te plaît pas et que plutôt que de contribuer à un
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logiciel qui ne te plaît pas, bah tu prends le code source et tu refais ta propre version. Il y
a des gens qui ont fait le fork de Museomix dans les bibliothèques. Là c’est pas parce que
ça ne leur plaît pas mais c’est pour les réadapter. Il y a des Biblioremix maintenant. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
partager du contenu et le réutiliser
Les professionnels parlent de réutilisation de données et de la manière dont les autres se les
réapproprient. C’est le cas du programme de recherche Datalise ou de Museomix.
« Dans le cadre de ce partenariat, est testé une première plate-forme open data en mettant à
disposition des données du patrimoine qui ont été fournies par le Conseil Général dans le
cadre de Museomix. Donc on est dans une chose assez innovante, dans un moment spécial
avec une façon de faire un peu pas classique. Il se trouve que, dans ma fonction actuelle, je
dirige un programme de recherche qui s’appelle Datalise qui porte sur le traitement des Big
data et dans ce traitement de big data on piste un certain nombre de sujets dont l’open
data. Et dans le cadre de ce programme d’investissement à venir, il y a un plan de travail sur
une plate-forme open data à disposition des collectivités territoriales mais aussi des
entreprises. Et là on est dans le prototype.
Gérald Dulac, directeur d’Eolas, partenaire de Museomix
« Je pense que ça inspire maintenant d’autres. Mais ça permet en fait de faciliter et de
libérer la diffusion et la réappropriation du code ouvert ou le fonctionnement ouvert on
va dire. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
« Là, il y a peut être des dispositifs, des outils technologiques, enfin des dispositifs
numériques qui vont être réutiliser. Donc c’est pour ça que tout ça c’est intéressant. Il y a
énormément de choses à faire. Surtout qu’on en est tout au début. »
Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix
Pour les musées, il s’agirait de partager leur collection et leur contenu. L’idée serait de « faire participer le public » également dans cette quête de partage de données.
« On se dit « muséologie citoyenne ». On l’est. Et c’est peut être notre façon de se différencier des autres musées d’histoire de Montréal. Faire participer le public et lui demander de l’aide pour identifier un artefact par exemple ou pour avoir son témoignage. En fait, ça serait recueillir toutes les informations que nous fournissent le public. »
Jean François Leclerc, historien et directeur au Centre d’histoire de Montréal
Ainsi le partage des données serait favorable dans la mesure où l’intérêt est utile pour les deux : celui qui partage et celui qui reçoit pour les réutiliser. Mais le problème de droits est toujours présent.
« A partir du moment où on aura notre contenu historique en ligne c’est sûr que ça va servir à
75
alimenter les réseaux sociaux. Si on a 4 à 5 articles par mois. Il faut montrer qu’on a une expertise basée sur des connaissances et il faut que ça apparaisse à quelque part et le numérique peut permettre ça.On a aussi un centre de documentation a disposition de tous sur rendez-vous pour consultation. L’idéal serait que notre catalogue soit disponible en ligne et même partager dans les bibliothèques de la ville. Puis on peut se montrer comme référence concernant l’histoire de la ville de Montréal. Mais le problème c’est qu’on a des articles, des dossiers documentaires ou des ouvrages d’autres auteurs. On n'a pas numériser ça puis c’est toujours une question de droits. Bon on a quand pas mal de contenus faits par la ville donc là, j’imagine qu’on a moins de problèmes. C’est pas évident. »
Stéphanie Mondor, responsable des collections au Centre d’histoire de Montréal
Le musée chercherait alors une autre alternative pour diffuser le contenu. L’objectif est donc présent : il y aurait une véritable envie de partager le contenu du musée gratuitement et accessible à tous en ligne. Le musée serait alors au service du public en lui donnant les ressources nécessaires qu’il souhaite en plus de la visite d’une exposition.
« On pourrait être des relais. Plutôt que de dire que c’est notre contenu, on renvoie à des choses extraordinaires mais il faut que tu connaisses un peu l’histoire pour le savoir. Et c’est ça notre rôle d’interprétation. Nous on n'a pas vraiment d’archives Centre d’histoire. On a des ouvrages publiés ailleurs et le dire au public. On pourrait être le relais et des conseillers. Par exemple, trouver un contenu qu’on nous demande, trouver l’adresse d’un endroit précis. Les gens nous contacte parce qu’on s’appelle le Centre d’histoire de Montréal et veulent par exemple savoir ce qui s’est passé avec leur maison. On ne le sait pas mais on a le contenu pour le savoir. Alors ça pourrait être ça. On cherche l’information et on pourrait faire un article et le mettre en ligne. »
Jean François Leclerc, historien et directeur au Centre d’histoire de Montréal
des bases de données et logiciels
Certains professionnels offrent des bases de données ou des logiciels afin de les rendre
accessibles à tous. On peut citer des exemples de partages de logiciels comme Stories Matter
ou de l’open source.
« On a aussi développer un logiciel qu'on a crée ici au centre avec des informaticiens parce
qu'on n’est pas des informaticiens. On a crée un logiciel qui s'appelle Stories Matter et que
tout le monde peut utiliser qui sert justement à traiter toutes les entrevues numériques
donc à voir l'entrevue, la séparer en clés, associer des mots clés, faire de la recherche entre les
entrevues et tout ça. Ça, c'est beaucoup utilisé autant par nous que par nos affiliés que d'autres
institutions (…). Ça permet donc de mettre toutes les entrevues d'un projet ou d'un organisme
ou peu importe dans un même environnement puis de faire des recherches transversales entre
les entrevues ou à l’intérieur d'une même entrevue. (…) Le centre d'histoire de Montréal utilise
notre logiciel depuis quelques années déjà. (…) C’est un logiciel gratuit pour tous, (..),
ouvert à tous donc on est dans le partage d'informations en permanence donc de se le
garder pour soi, ça sert à rien (…).
Eve-lyne Cayouette-Ashbee, chercheur en histoire orale
« Mais c’est sûr qu’on va souvent utiliser des logiciels ou des bouts de code qui sont en
open source49, qu’on peut utiliser (…). »
49 La désignation open source ou « code source ouvert », s'applique aux logiciels qui sont accessibles par tous
76
Yannick Gosselin, chargé de projet chez Simbioz et partenaire de MuseomixMtl
partager une méthode de travail collaboratif
Certains professionnels partagent une méthode de travail collaboratif pour que les autres
puissent s’en inspirer. C’est le cas des professionnels qui travaillent pour Museomix.
« Parce qu’après il y a plusieurs niveaux de motivations à contribuer dans Museomix. (…) Moi
ce qui m’intéresse (…) c’est les modèles de fonctionnement en groupe. Pour un participant,
ça va être un prototype, donc le design, le code. Parce que là, nous on ne partage pas tellement
du code, on partage plutôt une méthodo. Sur le site c’est écrit comment fonctionne
Museomix, on l’a rédigé. D’autres peuvent s’en inspirer pour faire d’autres choses. L’idée
c’est, qu’au final, ce n’est pas que Museomix perdure en tant que tel, c’est son impact qui
soit le plus fort possible.
Et son impact c’est quoi ? C’est changer les musées profondément dans la façon dont ils
sont en relation avec le public et la façon dont ils travaillent en interne avec le public.
Justement pour dépasser ce travail interne – externe. »
Samuel Bausson, webmaster et co-fondateur de Museomix
Pour moi c’est complètement évident que Museomix peut changer les méthodes de travail.
Complètement évident que oui parce que (…) les conservateurs ont des équipes autour
d’eux qui n’ont pas forcément connaissance de tout ce que le numérique peut leur
apporter.
Tanguy Sélo, directeur d’Imaginov, partenaire de Museomix
Constat
En plus d’un dispositif à destination du public, le numérique serait perçu comme un
outil de travail pour les professionnels. Aussi, l’avis de l’ouverture des données reste
partagé :
- les professionnels de musée seraient favorables à l’ouverture des
données. Un musée reste au service du public et cherche à lui procurer le savoir
nécessaire.
- Les professionnels du numérique seraient favorables mais il ne faudrait
pas tout partager. Il s’agirait d’un autre type de partage pour eux. Certains
parlent d’open source : le fait de partager un code source et de le réutiliser. Ainsi
d’autres professionnels du numérique conçoivent des bases de données pour
stocker des données ouvertes.
L’ouverture des données reste acceptée par les professionnels mais avec une limite de
gratuitement. Les personnes peuvent alors récupérer le code source et le réutiliser et/ou le modifier librement.
77
partage.
C’est pourquoi les méthodes de partages seraient variées :
- Les professionnels s’approprieraient l’open data en fonction de leur
besoin en l’adaptant par le fork.
- Le fait de partager du contenu servirait aux autres à le réutiliser.
- Certains professionnels développeraient des logiciels accessibles à tous
pour faciliter le partage de contenu.
- Le partage serait également une méthode de travail collaboratif. Ainsi
certains professionnels rendent accessible leur méthode de travail afin que
d’autres puissent les réutiliser.
Le numérique comme outil de travail serait développé également dans le travail
collaboratif entre professionnels :
- il s’agirait avant tout d’un investissement commun où chacun apprend
de l’autre et partage des compétences.
- Ces différentes compétences s’articulent autour de personnes venant de
différents horizons. Les professionnels accordent une grande importance à ce
mélange de personnes. Le travail collaboratif serait plus constructif.
- D’autres professionnels qualifient ce travail collaboratif comme une
communauté créant une complicité. Le numérique permettrait de créer des liens
sociaux grâce aux communautés virtuelles où les professionnels peuvent
travailler en collaboration.
- Ce qui permettrait ainsi de créer une complicité entre les personnes et
faciliterait le travail collaboratif.
Le travail entre professionnels se développe notamment par le partage et la réutilisation.
Ce serait également un moyen de partager un contenu au public et de créer une
proximité entre professionnels et public.
Conclusion
L’objectif de cette analyse a été de :
- comprendre les représentations et les attentes du numérique au musée par les
78
professionnels.
- évaluer les modifications potentielles qu’apportent le numérique dans le travail des
professionnels.
Cette analyse a permis de faire ressortir deux grands axes de réflexions :
Axe 1 : L’usage du numérique est utile au musée si le contenu est de qualité. Il ne faut pas
mettre du numérique pour du numérique. Il s'agit davantage de contenu que de technologie
numérique.
Axe 2 : L’usage du numérique se développe à travers l’utilisation de l’open data dans le
travail des professionnels. Ce travail collaboratif est plus enrichissant lorsque les personnes
viennent de divers horizons. En effet, cela permet de tisser des liens entre les personnes.
Cette enquête a permis d’éclairer les deux grands objectifs de réflexion autour de ce mémoire.
Toutefois, cette conclusion offre principalement des pistes de réflexion qui pourraient être
exploitées, questionnées dans de nouvelles enquêtes.
79
CONCLUSION
Dans la première partie de ce mémoire, nous avons expliqué que le numérique n’est pas seulement de l’ordre du technique. Nous avons ainsi révélé la dimension culturelle de ce terme par nos pratiques et usages quotidiens. Nous nous sommes par la suite interrogés sur les liens sociaux que peuvent permettre l’usage numérique notamment par la création de communautés dans un espace numérique. Milad Doueihi s’interroge sur cette question en qualifiant cette tendance « d’humanisme numérique » qui s’est développée dans nos pratiques quotidiennes par de nouveaux modes d’accès à l’information et aux contenus. Peut-on parler de révolution numérique ? Et qu’en est-il dans les musées ? Nous avons vu que cette révolution numérique n’est pas une révolution en terme de concept. C’est une nouvelle étape et une continuité dans la société. Le musée s’inscrit donc dans cette continuité. Dans cette approche, les professionnels de musée collaborent avec les professionnels du numérique afin de proposer des solutions pour développer un usage du numérique au musée.
« Ainsi près de 75% des musées français ont une identité virtuelle (site internet et réseaux sociaux) mais seulement 5 à 10% de ces institutions proposent une médiation utilisant un support numérique. » 50
Ces chiffres évoquent un intérêt pour les musées de se développer à l’ère du numérique, de se donner une identité dans la toile. On constate qu’il existe un fossé qui sépare l’identité virtuelle et la médiation numérique. Presque tous les musées ont adopté l’usage du numérique en ligne mais son usage in situ est très peu développé et reste présent seulement dans les plus grandes institutions. Il s’agit en grande majorité de petites institutions n’ayant pas les moyens financiers de développer ce genre de médiation. Alors, comment développer l’usage du numérique quand les moyens ne le permettent pas ? Ce mémoire a permis d’analyser cette problématique avec l’exemple du Centre d’histoire de Montréal qui a développé une stratégie numérique même s’il s’agit d’une petite institution. Certes, il va de soi que proposer une médiation numérique requiert un financement conséquent pour développer des dispositifs interactifs dans un musée. Mais l’usage du numérique ne se concentre pas seulement sur les dispositifs, il existe d’autres moyens.
« S’il y a bien un axe d’avenir, c’est celui de la contribution de tous. Et c’est pour cela que j’ai souhaité m’engager dans une politique d’ouverture des données, de sensibilisation aux licences libres ou au Web sémantique. »51 (Aurélie Filipetti, LaTribune.fr n°97, 2014)
50 La Tribune.fr n°97, Quand le musée se réinvente dans le numérique, numéro spécial, été 2014, p.351 La Tribune.fr n°97, 2014, Quand le musée se réinvente dans le numérique, numéro spécial, été 2014, p.9
80
Une seconde partie de ce mémoire s’est centrée sur le travail collaboratif entre les professionnels. Ce travail collaboratif a probablement permis le développement de l’ouverture et de la réutilisation des données en ligne. Le web sémantique se présente alors comme l’une des solutions les plus favorables aux petites et grandes institutions dans l’usage du numérique au musée. Le numérique offre l’opportunité de valoriser le contenu des musées. Nancy Proctor, chargée de projet numérique au Baltimore Museum of Art, disait52 que le contenu devait primer sur le numérique. L’enquête de ce mémoire a pu confirmer son affirmation.
L’objectif de l’enquête était de comprendre les représentations et les attentes du numérique au musée par les professionnels et d’évaluer les modifications potentielles qu’apportent le numérique dans le travail des professionnels.
L’intérêt de ce mémoire est de se questionner sur l’usage du numérique au musée par les professionnels à travers une enquête. En outre, il est question de connaître les raisons de l’usage du numérique dans les musées et la manière dont il est utilisé. Nous avons vu que les musées utilisent tous les accès numériques pour mettre leur patrimoine au service du public qui reste constamment connecté au quotidien. Il s’agirait alors de proposer un service en continuité avec les usages d’un public habitué. Mais est-ce la seule raison permettant un usage numérique au musée ?
Les résultats de cette enquête sont pertinents. En premier lieu, l’enquête confirme que les professionnels affirment la primauté du contenu par rapport au numérique. Il en découlerait donc un usage présentant une certaine utilité qui ne se baserait pas seulement sur l'utilisation croissante et fréquente de cet outil par le public. Par ailleurs, l’enquête en a conclut que ce contenu se développe notamment à travers l’usage de l’open data. Le fait de rendre accessible son contenu, de le partager et de le réutiliser, engendre une relation de proximité entre institutions et entre le musée et le public. Cela pourrait amener à collaborer avec des personnes venant de divers horizons.L’exemple de Muséomix peut le prouver. En effet, il s’agit d’une expérience qui vise avant tout à faire collaborer plusieurs professionnels aux compétences diverses. L’objectif n’est pas de créer le meilleur prototype, mais bien de tisser des liens entre personnes tout en acquérant de nouvelles méthodes de travail.
Cette étude constitue ainsi une première piste de recherche sur l’usage du numérique au musée par les professionnels. Il serait alors jugé pertinent de développer cette analyse notamment sur la question de l’ouverture des données qui pourrait être, selon moi, une des clés de réussite pour les musées en terme de développement du numérique au sein de la structure. Une enquête sociologique approfondie permettrait de révéler plus précisément comment cette contribution de tous pour un accès au contenu gratuit démocratise l’accès à la culture sans empêcher sa disparition. Il s’agit seulement d’une complémentarité.
52 Intervention de Nancy Proctor au Forum les musées à l’ère du numérique à Montréal
81
82
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Rencontres Numériqueshttp://www.rencontres-numeriques.org/
Forum d’Avignon
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Muséomixhttp://www.museomix.org/
Muzeonumhttp://www.muzeonum.org/wiki/doku.php
Musées et patrimoines numériqueshttp://cursus.edu/dossiers-articles/dossiers/108/musees-patrimoines-numeriques/2/#.UyrIJq15PAY
Exemples de dispositifs numériques au musée
Cleveland Museum of Arthttp://www.club-innovation-culture.fr/avec-un-mur-multi-touch-de-12-metres-le-cleveland-museum-fait-entrer-la-mediation-numerique-dans-une-nouvelle-dimension/
Touching Ghosts in museumshttp://www.ucl.ac.uk/conservation-c-22/news/fourtharticle
OpenVibehttp://www.universcience.tv/video-openvibe-interaction-cerveau-ordinateur-via-le-logiciel-openvibe-985.html
GoogleGlass4Lishttp://www.club-innovation-culture.fr/le-musee-egyptien-de-turin-propose-un-guide-visuel-pour-les-malentendants-utilisant-des-lunettes-google-glass/
Docent, le robot savanthttp://www.club-innovation-culture.fr/bientot-des-robots-pour-laccueil-et-la-mediation-dans-les-musees/
Google Art Projecthttps://www.google.com/culturalinstitute/project/art-project?hl=fr
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