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Pollutions, dividendes, grands barrages, lobbying : GDF-Suez change de nom mais ses mauvaises pratiques demeurent

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  • JUIN 2015

  • Sommaire

    Chiffres cls 4

    L'empreinte de la privatisation 6

    Cot du capital, valeur du travail 8

    Quelle transition nergtique ? 10

    Sret nuclaire : quelques problmes 13

    Plein gaz sur les nergies fossiles 14

    Charbon, le ct obscur de l'lectricit 16

    Grands barrages : une "nergie verte" trs controverse 18

    Influence et procdures judiciaires 20

    Suez environnement 22

    rapport publi par lobServatoire deS multinationaleS.

    autant que poSSible, ce rapport mentionne la poSition d'enGie Sur le faitS en queStion et Sa rponSe aux critiqueS qui lui Sont adreSSeS.

  • EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl contre rapport i 3

    L e monde change et avec lui toutes nos nergies: tel est le slogan choisi par GDF Suez en 2015 pour annoncer sa mtamorphose en Engie. Un changement de nom qui ressemble davantage un rava-lement de faade qu une vritable transformation du groupe nergtique, hritier du service public du gaz en France (GDF, partiellement privatis en 2006) et de loprateur historique de llectricit belge (Electrabel, rachet int-gralement par Suez en 2005). Car, si le nom change, les sources de production dnergie dEngie, elles, sont toujours aussi polluantes, malgr lampleur des enjeux environnementaux, en particulier climatique, auxquels lhumanit est confronte.

    De grands enjeux auxquels les dirigeants du groupe paraissent impermables: seuls 4% des capacits de production dEngie sont issus des nergies renou-velables. Le reste provient du gaz, du charbon (qui met 30% de plus de CO2 que le gaz naturel), du nuclaire et des grands barrages, rigs notamment en Amazonie brsilienne. Ces centrales hydrolectriques gantes sont censes produire une nergie verte. Mais leur bilan environnemental en matire de dforestation et datteintes la biodiversit, et leur impact socital, notamment aux dpens des populations autochtones, sont trs critiqus.

    GDF Suez alias Engie continue dinvestir dans des centrales au charbon, main-tient en activit des centrales thermiques vtustes et trs polluantes, et est pointe du doigt pour la mauvaise gestion de certaines de ses infrastructures minires (lignite), comme en Australie. Le groupe a galement multipli ses actions et dpenses de lobbying, en Europe et ailleurs, pour freiner les politiques publiques en faveur des nergies renouvelables ou pour promouvoir le gaz, y compris le gaz de schiste. Bref, le dveloppement durable semble bien loign de ses proccupations. Ce passif na pas empch lentreprise dtre choisie par le gouvernement franais comme sponsor offi ciel de la confrence internationale sur le climat, la COP21, qui doit se tenir Paris fi n 2015.

    Ltat franais porte pourtant une responsabilit non ngligeable dans la conduite et la stratgie du groupe. Il possde 33% du capital et cinq reprsen-tants (sur 19) au sein de son Conseil dadministration. Mais le versement de gnreux dividendes aux actionnaires dont le premier dentre eux, ltat semble constituer le seul critre dapprciation. En trois ans, plus de dix milliards deuros de dividendes ont ainsi t pays. Soit deux fois plus que le bnfi ce de lentreprise sur la mme priode! Une courte vue qui est dnonce mme par la Cour des comptes. Et qui interdit tout investissement de long terme dans la transformation de lentreprise et de ses outils de production.

    Si le monde change pour Engie, pas question en revanche dinverser las-tronomique niveau des rmunrations de ses dirigeants: celle du PDG Grard Mestrallet a ainsi augment de 21% en un an, pour atteindre 3,4 millions deu-ros. Grard Mestrallet quittera son poste en 2016 et bnfi ciera encore dune retraite chapeau de 800000 euros par an. En bas de lchelle, la sous-traitance se rpand et les syndicats craignent la suppression de milliers demplois en Europe. La signature dun accord mondial sur la sant au travail est lun des rares points positifs sur le plan social. Au vu de ce pitre bilan, le monde selon Engie ne risque pas de damliorer.

  • FINANCES

    CHIFFRES CLS

    RMUNRATIONS

    3 452 330 Le montant total de rmunration, y compris lattribution dactions et doptions, Grard Mestrallet, PDG dEngie, au titre de lanne 2014, en hausse de 21% par rapport lanne prcdente. [2]

    63 964 Les dpenses moyennes par salari au sein du groupe en 2014, qui se situaient selon les chiffres du groupe 78 906 euros en 2013.

    INFLUENCE ET TRANSPARENCE

    ENTRE 2 500 000 ET 2 999 999 Les dpenses de lobbying dclares Bruxelles par Engie en 2014. Dans sa dclaration initiale au registre de transparence de lUnion europenne, corrige un mois plus tard, Engie avait dclar moins de 10 000 euros de dpenses.[5]

    3,9/10 Lvaluation par lONG Transparency international du niveau de transparence dEngie. Engie obtient une note honorable en termes de politique anti-corruption, mais une mauvaise note sur sa transparence organisationnelle et un zro point en ce qui concerne le reporting pays par pays. [7]

    MILLIONS DE REAIS BRSILIENS (1,7 millions deuros). Les versements dEngie des candidats ou des partis politiques au Brsil dans le cadre des lections locales et nationales de 2014.Dont 800 000 reais (230 000 euros) pour la prsidente rlue Dilma Roussef et 800 000 pour son rival Acio Neves.[6]

    5,97 RSULTAT NET

    DIVIDENDES (EN MILLIARDS DEUROS)

    DIVIDENDES

    -10 -8 -6 -4 -2 0 2 4

    2012

    2013

    2014 3,4

    3,6

    -9,3

    3,5

    1,6

    3,3

    90 673

    84 478

    97 038

    87 898

    74 686

    40000

    50000

    60000

    70000

    80000

    90000

    100000

    20142013201220112010

    CHIFFRE DAFFAIRES (EN MILLIONS DEUROS)

    52 976

    59 517 61 124

    52 944

    46 862

    40000

    50000

    60000

    70000

    80000

    90000

    100000

    20142013201220112010

    CHIFFRE DAFFAIRES HORS FRANCE (EN MILLIONS DEUROS)

    TARIFS

    Laugmentation du prix moyen de llectricit en Belgique entre 2005 et 2014 pour

    un mnage de taille moyenne, de 0,1442 0,2097 euros par KWh.[1]

    L'augmentation du prix moyen du gaz en France entre 2005 et 2014 pour un mnage de taille

    moyenne, de 10,57 19,47 euros par gigajoule.[1]

    CLIMAT

    La part des nergies renouvelables (hors grands barrages et nuclaire) dans le mix nergtique du groupe Engie.

    4%

    GAZ 53%

    GRANDS BARRAGES16%

    CHARBON15%

    NUCLAIRE8%

    N 1 MONDIAL Des centrales au charbon

    les plus inefcientes.[3]

    Les missions annuelles de carbone des 30 centrales charbon dEngie. Lquivalent des missions dun pays comme les Philippines (100 millions dhabitants).[4]

    81MILLIONS DE TONNES

    SOCIAL

    48,5%Part de leffectif en France

    21,6% La proportion de femmes dans leffectif du groupe Engie en 2014. La proposition de femmes dans lencadrement est de 21,9%.

    152 882 LEFFECTIF TOTAL DU GROUPE EN 2014, EN HAUSSE DE 9,3% DEPUIS 2012 (139 781).

    4 i contre rapport EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl

  • FINANCES

    CHIFFRES CLS

    RMUNRATIONS

    3 452 330 Le montant total de rmunration, y compris lattribution dactions et doptions, Grard Mestrallet, PDG dEngie, au titre de lanne 2014, en hausse de 21% par rapport lanne prcdente. [2]

    63 964 Les dpenses moyennes par salari au sein du groupe en 2014, qui se situaient selon les chiffres du groupe 78 906 euros en 2013.

    INFLUENCE ET TRANSPARENCE

    ENTRE 2 500 000 ET 2 999 999 Les dpenses de lobbying dclares Bruxelles par Engie en 2014. Dans sa dclaration initiale au registre de transparence de lUnion europenne, corrige un mois plus tard, Engie avait dclar moins de 10 000 euros de dpenses.[5]

    3,9/10 Lvaluation par lONG Transparency international du niveau de transparence dEngie. Engie obtient une note honorable en termes de politique anti-corruption, mais une mauvaise note sur sa transparence organisationnelle et un zro point en ce qui concerne le reporting pays par pays. [7]

    MILLIONS DE REAIS BRSILIENS (1,7 millions deuros). Les versements dEngie des candidats ou des partis politiques au Brsil dans le cadre des lections locales et nationales de 2014.Dont 800 000 reais (230 000 euros) pour la prsidente rlue Dilma Roussef et 800 000 pour son rival Acio Neves.[6]

    5,97 RSULTAT NET

    DIVIDENDES (EN MILLIARDS DEUROS)

    DIVIDENDES

    -10 -8 -6 -4 -2 0 2 4

    2012

    2013

    2014 3,4

    3,6

    -9,3

    3,5

    1,6

    3,3

    90 673

    84 478

    97 038

    87 898

    74 686

    40000

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    60000

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    CHIFFRE DAFFAIRES (EN MILLIONS DEUROS)

    52 976

    59 517 61 124

    52 944

    46 862

    40000

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    60000

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    80000

    90000

    100000

    20142013201220112010

    CHIFFRE DAFFAIRES HORS FRANCE (EN MILLIONS DEUROS)

    TARIFS

    Laugmentation du prix moyen de llectricit en Belgique entre 2005 et 2014 pour

    un mnage de taille moyenne, de 0,1442 0,2097 euros par KWh.[1]

    L'augmentation du prix moyen du gaz en France entre 2005 et 2014 pour un mnage de taille

    moyenne, de 10,57 19,47 euros par gigajoule.[1]

    CLIMAT

    La part des nergies renouvelables (hors grands barrages et nuclaire) dans le mix nergtique du groupe Engie.

    4%

    GAZ 53%

    GRANDS BARRAGES16%

    CHARBON15%

    NUCLAIRE8%

    N 1 MONDIAL Des centrales au charbon

    les plus inefcientes.[3]

    Les missions annuelles de carbone des 30 centrales charbon dEngie. Lquivalent des missions dun pays comme les Philippines (100 millions dhabitants).[4]

    81MILLIONS DE TONNES

    SOCIAL

    48,5%Part de leffectif en France

    21,6% La proportion de femmes dans leffectif du groupe Engie en 2014. La proposition de femmes dans lencadrement est de 21,9%.

    152 882 LEFFECTIF TOTAL DU GROUPE EN 2014, EN HAUSSE DE 9,3% DEPUIS 2012 (139 781).

    EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl contre rapport i 5

    Sources : Les chiffres sont tirs du Document de rfrence 2014 dEngie sauf : [1] Eurostat. [2] La Tribune/Facta: http://www.latribune.fr/economie/france/remunerations-des-dirigeants-du-cac-40-hausse-de-10-en-2014-472331.html. [3] Oxford University, SSEE, Strand Assets Programme, http://www.smithschool.ox.ac.uk/research-programmes/stranded-assets/Stranded%20Assets%20and%20Subcritcial%20Coal%20-%20The%20Risk%20to%20Investors%20and%20Companies%20-%20April15.pdf. [4] Amis de la terre, Oxfam, Oxford University, SSEE, Strand Assets Programme. http://oxfamfrance.org/rapports/changement-climatique/emissions-etat-charbon-edf-engie [5] Registre de transparence de lUnion europenne. [6] Tribunal suprieur lectoral du Brsil. [7] Transparency international : http://www.transparency.org/whatwedo/publication/transparency_in_corporate_reporting_assessing_worlds_largest_companies_2014.

  • Engie est emblmatique des grands groupes nergtiques qui ont merg dans le cadre des poli-tiques de privatisation et de la librali-sation du secteur de lnergie en Europe. Une libralisation qui a concid avec une hausse gnralise des tarifs de llectri-cit et du gaz et une perte de contrle des gouvernements: dsormais, ils doivent ngocier avec de grandes firmes prives et satisfaire les exigences financires de leurs actionnaires pour pouvoir atteindre leurs objectifs de politique nergtique, quil sagisse de transition vers les nergies renouvelables ou de scurit dapprovisionnement.

    Le rapport 2014 du mdiateur de lnergie illustre bien les consquences de cette politique de libralisation pour les usa-

    gers. Il tire la sonnette dalarme sur la hausse des prix et laugmentation de la prcarit nergtique en France, dautant que les rponses officielles (tarifs sociaux) sont mal adaptes. Le mdiateur signale galement une augmentation significa-tive des litiges entre usagers et fournis-seurs (73 litiges pour 100000 contrats chez Engie) et dnonce les mthodes brutales de ces derniers: coupures de gaz ou dlectricit, mme lorsque les clients ont accept un chancier de paiement de leur dette, rsiliation unilatrale de contrat aprs coupure....

    Dans le mme temps, les dirigeants dEn-gie, ont mis l'arrt plusieurs centrales lectriques en Europe au motif quelles ne seraient plus profitables conomi-quement. Tout en continuant rmun-

    rer gnreusement leurs actionnaires, ils rclament des mesures politiques pour rendre leurs centrales au gaz plus profitables, y compris des aides publiques (comme les marchs de capacit en France), nhsitant pas brandir depuis quelques annes le spectre de possible black-outs en hiver en cas de pic de demande. Paralllement, ils demandent la rduction des aides publiques aux nergies renouvelables.

    Contrairement ce que suggrent volon-tiers les dirigeants de lentreprise, les oprateurs historiques (GDF en France et Electrabel en Belgique) continuent tre rentables pour Engie. Ce sont ses nou-velles acquisitions - et notamment celles lies au rachat dInternational Power en 2011 - qui subissent des dprciations.

    l'empreinte de la privatiSation

    Les activits dEngie restent marques du sceau de la privatisation et de tous les dbats que celle-ci suscite. Dabord parce que le groupe repose sur un conglomrat dentreprises privatises, commencer par Gaz de France et Electrabel (en Belgique). Ensuite, parce quil opre dans un domaine, lnergie, relevant des services collectifs essentiels, souvent trs encadr par les pouvoirs publics. En dcoulent des controverses sur la distribution des bnfices entre usagers (prix du gaz) et actionnaires (dividendes), sur linfluence des nouveaux gants de lnergie sur les politiques publiques europennes, ou encore sur les ventuels abus rendus possibles par sa position doprateur historique.

    libraliSation du Secteur de lnerGie : au profit deS actionnaireS, aux dpenS deS uSaGerS ?

    6 i contre rapport EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl

  • un Groupe cr Grce la privatiSation dentrepriSeS publiqueSUne grande partie des activits ner-gtiques du groupe est issu du rachat des oprateurs publics Gaz de France (2006) et Electrabel (1999-2005) en Belgique. Sy sont ajoutes plusieurs acquisitions, en particulier celle dIn-ternational Power, une entreprise elle-mme de la privatisation du service public de llectricit britannique, mais dtenant des actifs ailleurs dans le monde, notamment en Australie et aux tats-Unis.

    Au Brsil galement, les activits dEn-gie sont issues de la privatisation dune entreprise publique, Gerasul. Les actifs australiens dInternational Power, comme les centrales au charbon de Hazelwood et Loy Yang B, proviennent eux aussi de la privatisation de lan-cienne entreprise publique de llec-tricit de ltat de Victoria.

    dSenGaGement de ltat franaiSEn juillet 2014, ltat franais a vendu 3,66% du capital dEngie, faisant des-cendre ses participations dans len-treprise nergtique 33,03%. Selon les syndicats CGT et CFE-CGC, qui ont saisi le Conseil dtat en octobre, cette cession nest pas valide car elle ferait

    descendre la part de ltat moins dun tiers du capital, en dessous de la mino-rit de blocage. Ltat explique quavec la mise en uvre des droits de vote doubles pour les actionnaires de long terme, il continuera bnfi cier de plus du tiers des droits de vote dans lentre-prise. Une justifi cation qui ne rassure pas les syndicats, dans la mesure o elle ouvre la porte un dsengage-ment plus important, alors que ltat devrait garder une part importante du capital de GDFSuezpour garantir les intrts des consommateurs comme des citoyens.

    comment la privatiSation deS ServiceS publicS britanniqueS enricHit ltat franaiSDepuis les annes 1980, la Grande-Bretagne sest engage dans une vaste politique de privatisation de ses entre-prises et services publics, un niveau bien plus pouss que chez ses voisins europens, depuis le rail et llectri-cit jusquaux services postaux, la gestion des prisons et mme certains fonctions gouvernementales.

    Cette politique de privatisations tous azimuts fait le bonheur de nombreuses grandes entreprises trangres, y com-pris, paradoxalement, des entreprises publiques dautres tats. Cest particu-lirement le cas des entreprises fran-aises: EDF et la SNCF, en particulier,

    sont leaders en Grande-Bretagne dans leurs secteurs dactivits respectifs, lnergie et le transport ferroviaire. Cest aussi le cas dEngie, qui possde une activit de fourniture dnergie aux entreprises dans le pays. Le quo-tidien britannique The Independent a calcul que les activits britanniques dEngie ont rapport 25,6 millions de livres sterling (35,6 millions deuros) en dividendes ltat franais au cours des deux dernires annes.

    leS aSSociationS de conSommateurS dnoncent deS pratiqueS anti-concurrentielleS En juin 2014, lUFC-Que Choisir saisit lAutorit de la concurrence face ce quelle considre comme un abus de position dominante de la part dEngie. Oprateur historique du gaz, celle-ci aurait utilis les fi chiers dont elle dis-posait dans le cadre de sa mission de service public (tarifs rglements) pour renforcer son avantage compti-tif et dmarcher des clients. LUFC-Que Choisir accuse galement lentreprise de faire croire ses clients quils se sont engags sur une dure minimale, ce qui est contraire la loi. Saisie par des concurrents, lAutorit de la concur-rence a ordonn en septembre 2014 Engie douvrir ses fi chiers aux autres entreprises de sorte que les usagers seront dmarchs plusieurs fois!

    EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl contre rapport i 7

  • cot du capital, valeur du travail Lanne coule a t marque par des polmiques sur la rmunration des dirigeants dEngie et sur sa politique de distribution de dividendes particulirement gnreuse. lautre bout de lchelle, si la direction dEngie a pris des engagements signifi catifs vis--vis des syndicats mondiaux, les craintes restent vives sur les suppressions demploi futures, notamment en France et en Europe, et les travailleurs dnoncent un recours accru la sous-traitance.

    un cHampion franaiS... de la diStribution de dividendeSCompagnie fi nancire devenue gant de lnergie, Engie est aujourdhui lun des champions franais de la distri-bution de dividendes. Entre 2008 et 2011, GDF Suez na jamais distribu moins de 71% de ses pro-fits sous forme de divi-dendes. partir de 2012, le groupe est pass ltape suprieure, en distribuant des dividendes suprieurs son rsultat net : 220% en 2012 et 122% en 2014 et 3,5 milliards deuros en 2013 alors qu'il accusait une perte de plus de 9 milliards!

    Le tout avec, semble-t-il, la complai-sance de son principal actionnaire: ltat franais (33% des parts). Mme

    la Cour des comptes, dans son rapport sur le budget 2014 de la France, tire la sonnette dalarme: les dividendes verses cette anne l ltat fran-ais par Engie slvent un milliard deuros alors mme que le groupe avait enregistr une perte record

    l'anne prcdente. Et la Cour de regretter que ltat franais semble privilgier un rendement court terme de ses participations au dtri-ment, potentiellement, des intrts de long terme des entreprises et des siens.

    une retraite cHapeau de 800 000 euroS par anGrard Mestrallet, PDG dEngie, sapprte cder la tte du groupe dbut 2016, non sans un cadeau de dpart. Outre sa retraite normale, il touchera une retraite complmentaire dite retraite cha-

    peau de plus de 800000 euros par an. Selon le Canard enchan, Engie aurait pro-visionn 21 millions deuros pour payer ce bonus. Comme dans dautres cas similaires, cette annonce a choqu lopi-nion publique franaise. Via

    le ministre de lconomie Emmanuel Macron, le gouvernement franais a dclar dsapprouver cette retraite chapeau, mais la accept, alors que ses reprsentants sigent au conseil dadministration. Suite cette affaire, la loi Macron devrait nanmoins inclure

    privilgiEr un rEnDEmEnt court tErmE DE SES participationS au DtrimEnt, potEntiEllEmEnt, DES intrtS DE long tErmE DES EntrEpriSES Et DES SiEnS

    8 i contre rapport EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl

  • des dispositions visant limiter et enca-drer la pratique des retraites chapeau. Quelques mois plus tt, Philippe Varin, PDG de Peugeot PSA, a d renoncer par-tiellement la sienne, sous la pression de lopinion. Grard Mestrallet a choisi de la garder.

    deS millierS de SuppreSSionS demploi en europe ?La direction dEngie a annonc en avril 2015 un plan de rorganisation du groupe. Ce plan est offi ciellement pr-sent comme une manire de le posi-tionner en acteur cl de la transition nergtique. Mais il nimplique aucun changement de primtre dactivits. Pour les syndicats franais, il sagit surtout de faire des conomies et de supprimer des emplois. De rforme en rforme, le principal objectif assign lEurope et la France, cest de faire des conomies, dnonce la CGT, qui voque la perte de 3000 emplois dans le groupe. La direction dEngie indique quil ny aura pas de licenciements.

    leS SyndicatS dnoncent un recourS maSSif la SouS-traitanceEn juin 2014, le Comit dentreprise europen dEngie dnonce publique-ment le recours accru la sous-trai-

    tance et lexternalisation au sein du groupe, qui se traduirait par une dgra-dation des conditions de travail et de la scurit des employs. La recrudes-cence des accidents mortels dans la sous-traitance interpelle fortement les reprsentants du personnel. Il est ncessaire dans toutes les fi liales du groupes, dans chacun des pays, que () les salaris de la sous-traitance aient des conditions de travail, des droits et des garanties sociales quivalentes celles des salaris des fi liales. Il est urgent de mettre un terme cette forme de dumping social qui se dve-loppe dans tous les pays.

    Des accusations reprises notam-ment en France et en Belgique. En novembre 2014, le syndicat belge FGTB organise une action nationale pour dnoncer la politique de dum-ping social dEngie dans le pays, o lentreprise emploie 19000 personnes. En cause, un plan de rorganisation qui va faire passer une partie du personnel sous une convention collective moins protectrice. La FGTB dnonce aussi un recours massif la sous-traitance.

    accord mondial Sur la Sant au travailDj signataire dun accord cadre international avec les fdrations syn-

    dicales mondiales concernes, Engie signe en mai 2014 un accord com-plmentaire portant spcifi quement sur le sujet de la sant et la scurit au travail. Un accord dont sest fli-cit un reprsentant de la fdration IndustriALL: GDF Suez rejoint un cercle restreint dentreprises qui ont la volont duvrer en commun avec les syndicats pour transposer au plan mondial leurs meilleures pratiques en matire de sant et scurit. Nous visons protger les travailleurs et travailleuses au niveau de toutes les activits de la multinationale, ainsi que tous ceux qui y oprent en sous-traitance.

    menaceS de GrveS en norvGeEn mai et juin 2014, un syndicat nor-vgien menace de bloquer les opra-tions de plateformes offshore dEngie et ExxonMobil en Mer du Nord, si ces dernires naccdent pas ses demandes daugmentation de salaires et dabaissement de lge de dpart la retraite pour certaines catgories de travailleurs dfavorises. La grve est vite grce une mdiation. Une grve pour les mmes motifs en 2012 a dur 16 jours et entran une rduc-tion de 13% de la production ptrolire norvgienne sur lanne.

    EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl contre rapport i 9

  • quelle tranSition nerGtique ?Engie saffiche comme un champion de la transition nergtique en Europe. Pourtant, les nergies renouvelables ne reprsentent encore que 4% de sa production en 2014. Elle continue exploiter et dvelopper des sources fossiles comme le gaz et mme le charbon. Pire encore, les dirigeants de lentreprise ont cherch remettre en cause le soutien excessif dont jouiraient selon eux les nergies renouvelables en Europe.

    L a 21e Confrence des parties sur le climat (COP21) doit se tenir Paris en dcembre 2015. Pour boucler le budget de lvnement, le gouverne-ment franais a dcid de faire appel au mcnat du secteur priv. Les organisa-teurs de la COP21 affirmaient avoir tir les leons des controverses qui avaient marqu la COP19, organise en Pologne en 2013, sponsorise par des grandes entreprises prives ouver-tement favorables au char-bon. Les sponsors finalement annoncs fin mai 2015 ont cependant suscit lindigna-tion de nombreux acteurs de la lutte contre le rchauffement clima-tique, puisquils incluent des entreprises franaises trs investies dans le char-bon, comme EDF, BNP Paribas et Engie. Engie qui figure parmi les principaux metteurs mondiaux de gaz effet de

    serre sest empresse de faire figurer le logo officiel de la COP21 sur son site internet.

    Les organisateurs de la COP21 se sont dfendus en argumentant que ces entre-prises avaient pris des engagements pour rduire leurs missions de gaz effet de serre. Les engagements dEngie dans ce domaine (une rduction de 10% de ses

    missions de gaz effet de serre en 2020 par rapport 2012) paraissent cependant modestes par rapport aux annonces de plusieurs de ses concurrentes euro-pennes, comme Enel ou E.On. Le groupe dtient des actifs majeurs dans le char-

    bon et, loin dabandonner ce secteur dac-tivit, il sest engag dans la construction de nouvelles centrales utilisant cette source fossile, comme au Maroc ou aux Pays-Bas.

    Engie fait aussi partie des 100 premires entreprises mondiales en termes de rserves prouves de ptrole et de gaz. Selon les calculs de Fossil Free Indexes,

    ces rserves, si elles taient extraites, entraneraient l'mission de 155 millions de tonnes de carbone dans l'atmosphre. Une perspec-tive que sefforce dviter le

    mouvement global pour le dsinves-tissement des nergies fossiles, lequel appelle tous les investisseurs se dsengager des 200 principales entre-prises du secteur des nergies fossiles dans le monde, parmi lesquelles Engie.

    confrence climat : un SponSor controverS

    lES SponSorS FinalEmEnt annoncS Fin mai 2015 ont [...] SuScit linDignation DE nombrEux actEurS DE la luttE contrE lE rchauFFEmEnt climatiquE,

    10 i contre rapport EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl

  • lobbyinG contre leS nerGieS renouvelableS

    GreenWaSHinG : le GaZ, une nerGie propre ?

    L Europe devrait-elle ralentir la transition nergtique pour sauvegarder la profitabilit des gants de lnergie? Cest apparem-ment ce que souhaitent les patrons de ces groupes. Runis par le PDG dEn-gie Grard Mestrallet dans le cadre du groupe Magritte, ils se sont lancs dans une offensive contre les ner-gies renouvelables. Ces entreprises, au premier rang desquels Engie, ont trop investi dans la cration de nou-velles capacits de production ces dernires annes, notamment parce quils ont sous-estim le dveloppe-ment des nergies renouvelables. Le changement des conditions de mar-ch a affect la viabilit conomique de leurs centrales, dont une partie d tre mise sous cocon .

    Pour sortir de cette ornire, le PDG dEn-gie a propos ses propres solutions aux dirigeants europens: augmenter le prix du carbone, mais aussi rduire les aides publiques aux nergies renouve-lables afin de restaurer la comptitivit

    du gaz, construire des gazoducs et des terminaux dimportation de GNL, et lever tout obstacle lexploitation des gaz de schiste en Europe. Le lobbying des grandes entreprises nergtiques

    europennes a russi faire disparatre tout objectif contraignant en matire dnergies renouvelables et defficacit nergtique du paquet nergie-cli-mat annonc par lUnion en 2014.

    Confrontes la crise climatique, les majors ptrolires et gazires comme Engie ont choisi une solution de repli : dfendre le gaz comme la plus propre des nergies fossiles. De combustion bien moins polluante que lquivalent charbon ou fuel lourd, le gaz naturel est un choix idal pour une production nerg-tique plus respectueuse de lenviron-nement, dclare ainsi Engie sur son site web. Le 26e Congrs mondial de lindustrie gazire, organis dbut juin 2015 Paris, a encore fourni une occa-sion aux majors ptrolires de plaider la cause du gaz. En fait, cette offen-sive de charme de lindustrie gazire semble surtout avoir pour objectif de se dbarrasser de la concurrence du charbon. Lextraction de gaz na rien de propre et est certains gards plus nfaste pour lenvironnement et les populations locales que celle du ptrole, cause de sa diffusion plus large et plus rapide. Lorsquil sagit de

    gaz non conventionnel extrait grce la fracturation hydraulique, comme le gaz de schiste, des tudes scientifiques montrent que les forages occasionnent des fuites importantes de mthane, qui rendent ces ressources fossiles aussi nocives pour le climat que le charbon.

    Enfin et surtout, la promotion de gaz a pour objectif plus ou moins explicite de freiner le dveloppement des nergies renouvelables, en dtournant la fois la volont politique et les investissements ncessaires une vritable transition nergtique.

    Jai t lE prEmiEr, En mai 2013, alErtEr [la commiSSion EuropEnnE] Et DirE quon tait all trop vitE Et trop loin Sur lES rEnouvElablES.

    Grard Mestrallet, entretien au Monde.

    EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl contre rapport i 11

  • la biomaSSe au SecourS du cHarbon ?Pour continuer oprer ou construire des centrales lectriques au charbon, lune des stratgies privilgies par Engie et ses concurrentes est de les associer la combustion de biomasse (autrement dit, du bois), laquelle est classifi e par lUnion europenne comme une nergie verte. Problme: cela offre une porte de sortie facile aux gouvernements et aux oprateurs de centrales au charbon, et alimente une demande de bois qui encourage les plantations forestires industrielles et le dboisement en Europe et jusquaux tats-Unis sans aucun bnfi ce au fi nal pour le climat. Le recours la biomasse comme carburant complmentaire dans les centrales lectriques au charbon est la seule manire dont un pays comme la Pologne arrive satisfaire ses engage-ments europens en matire de dveloppement des nergies vertes. Engie y a inaugur en 2013 une nouvelle unit de production lectrique partir de la biomasse (190 MW) ct de sa centrale au charbon de Polaniec (1800 MW). Aux Pays-Bas, lusage de la biomasse comme combustible de complment permet Engie de construire une toute nouvelle centrale au charbon Rotterdam.

    double Jeu danS leS ServiceS nerGtiqueS en france

    Engie, comme EDF, ont considra-blement dvelopp leurs activits de services nergtiques. Celles-ci consistent conseiller des collec-tivits locales ou dautres organisa-tions publiques et prives pour les aider mieux grer leur utilisation dnergie, afi n de rduire la fois leurs factures et leurs missions de gaz effet de serre. En France, le march du conseil aux collectivits reprsente plusieurs milliards deuros et est lar-gement domin par les deux gants nergtiques nationaux. Lenjeu est de taille, puisque les consommations dnergie dans les btiments, chauf-fage ou autres, reprsentent le quart des missions de gaz effet de serre franaises. Mais peut-on vraiment la fois vendre de lnergie dun ct et

    se voir confi er de lautre lessentiel de leffort de rduction de nos consom-mations nergtiques?

    Une enqute de Mediapart a mis en lumire plusieurs exemples o les fi liales dEDF ou dEngie (Cofely) avaient jou un rle ambigu, contri-buant rduire les objectifs dcono-mies dnergie initialement requis par les collectivits. Rcemment encore, la presse voque le confl it qui oppose une petite ville de lEssonne Engie, qui lui rclame plusieurs milliers deuros pour navoir pas suffi samment consomm de gaz... Consquence? Malgr des objectifs offi ciels ambi-tieux, la consommation nergtique du bti, logements ou bureaux, conti-nue daugmenter en France.

    miSSionS de GaZ effet de Serre : une rduction en trompe lil

    En 2013, lorganisation britannique Carbon Disclosure Project (CDP) classe Engie en 3e position des entre-prises les plus mettrices de gaz effet de serre (GES) au niveau mon-dial, aprs lallemand RWE et lespa-gnol Endesa. Selon une autre tude, ralise par Thomson Reuters, Engie tait en 2013 au 6e rang des plus gros metteurs mondiaux de gaz effet de serre, avec plus de 153 millions de tonnes mises, en hausse de 36% par rapport 2010 (suite au rachat dInternational Power).

    Le rapport 2014 du CDP pointe du doigt la faiblesse des efforts consentis par Engie comme de ses consurs franaises en matire de rduction de leurs mis-sions de gaz effet de serre. De 2013 2014, les missions dclares des fi rmes franaises baissent globale-ment de 2%. Cette baisse est essen-tiellement due des changements de primtres de dclaration au sein des cinq entreprises respon-sables, en France, des trois quarts des missions industrielles: Total, Engie, EDF, Lafarge et ArcelorMittal. Ainsi, selon le CDP, la diminution des missions de GDF Suez est lie des mesures de rduction dmis-sions, mais galement la ferme-ture dusines fortement mettrices de gaz effet de serre et la rduc-tion de son primtre de dclaration (sortie de Suez Environnement). Idem pour Lafarge ou Total. Chez EDF et ArcelorMittal, les missions ont augment. On attend encore un vritable changement chez les industriels franais.

    12 i contre rapport EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl

  • L a Belgique a vot en 2003 une loi de sortie du nuclaire, mais celle-ci est de plus en plus remise en cause sous la pression des indus-triels, notamment le premier concern: Engie. Le groupe exploite en effet, depuis le rachat de lentreprise natio-nale dlectricit Electrabel, les sept racteurs nuclaires belges, dune capacit totale de 6000 MW, dans deux centrales, Doel (sur lEscaut, prs dAnvers) et Tihange (sur la Meuse, prs de Lige). Ce parc est vieillissant, et les signes de fragi-lit se multiplient. En aot 2014, un sabotage allgu dont ne sait toujours pas la nature exacte a entrain larrt pour trois mois du racteur Doel4. Tihange4 a d fermer brivement en novembre en raison dun incendie.

    Surtout, deux des racteurs dEngie, Doel3 et Tihange2, reprsentant environ le tiers de la capacit nuclaire totale de la Belgique, sont larrt depuis mars 2014 en raison de la dcouverte de fi ssures dans leurs cuves. Ils avaient dj t arrts une premire fois en 2012, et relancs en 2013. Leur remise en service ne cesse dtre repousse, et semble dsormais pr-

    vue en novembre 2015, sur fonds de bras de fer avec les autorits belges. Comme ailleurs, Engie ne se prive pas de brandir la menace de black-outs en Belgique pour donner plus

    de poids ses arguments. Il reviendra lAgence fdrale de contrle nuclaire (AFCN), quivalent belge de lAutorit de sret nuclaire, de dcider si ces deux racteurs pourront reprendre du service ou non.

    Malgr tous ces doutes sur la sret des centrales, Engie a russi obtenir la pro-longation pour dix ans de la dure de vie des racteurs nuclaires de Tihange 1 et Doel 1 et 2, qui devaient initialement fer-mer en 2015-2016. La teneur des conven-tions de prolongation signes avec le gouvernement belge est tenue secrte. Et le patron dElectrabel annonce dj de futures hausses du prix de llectricit dans le pays, afi n dassurer la rentabilit de ses investissements.

    Sret nuclaire : quelqueS problmeS8% de llectricit produite par Engie dans le monde est dorigine nuclaire. Le groupe sappuie principalement sur les sept racteurs belges acquis lors du rachat dElectrabel, complts par des droits de tirage en France. Lactivit nuclaire du groupe en Belgique est marque par des controverses rptes sur la sret des centrales, ainsi que sur le partage des bnfi ces fi nanciers de leur production dlectricit entre lentreprise, les usagers et ltat belge

    centraleS nuclaireS vieilliSSanteS en belGique

    ailleurS danS le mondeAu Royaume-Uni, Engie a fi nalis en 2014 un accord avec Toshiba pour le projet nuclaire NuGen (3,4 GW). Les deux entreprises esprent bnfi cier du mme tarif garanti que celui ngoci par EDF pour son projet de centrale EPR Hinkley Point. Nombre dob-servateurs doutent que NuGen, et mme Hinkley Point, voient jamais le jour du fait de ces cots levs et des obstacles politiques et environnementaux.

    En France, Engie possde de droits de tirage de 1,2 GW sur les centrales de Chooz, dans les Ardennes, et du Tricastin (Drme). Le groupe lorgne sur la reprise de certaines activits dAreva, qui semblent promises EDF.

    En Turquie, Engie est associe des entreprises japonaises pour construire une centrale nuclaire potentielle Sinop, sur la cte turque de la Mer noire.

    avant, ctait unE botE DingniEurS o la tEchniquE

    primait. maintEnant, lE pluS important ESt DE FairE

    DE largEnt.

    Jan Bens, direCteur de laGenCe Fdrale de COntrle nuClaire, PrOPOs de sOn

    anCien eMPlOYeur eleCtraBel.

    EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl contre rapport i 13

  • plein GaZ Sur leS nerGieS foSSileS

    Au-del de ses activits de gnration et de distribution dlectricit et de gaz, Engie cherche dsormais se positionner comme un acteur mondial de l'extraction d'hydrocarbures. Avec lappoint de capitaux chinois, le groupe stend au-del de ses positions historiques en Europe du Nord en prospectant sur les cinq continents. travers gazoducs et terminaux de GNL, Engie est aussi un acteur majeur du commerce mondial du gaz.

    lobbyinG pour lever le blo-caGe franaiS Sur leS GaZ de ScHiSte Engie a offi ciellement renonc lex-ploitation du gaz de schiste en France, en raison de linterdiction de la frac-turation hydraulique. Lentreprise, aux cts dautres industriels, poursuit cependant ses efforts de lobbying en France et en Europe pour promouvoir cette technologie trs controverse. En France, elle a ainsi particip avec dautres entreprises la cration fi n 2014 du Centre hydrocarbures non conventionnels, une nouvelle struc-ture de lobbying destin lever le blocage franais sur les gaz de schiste.

    Engie continue par ailleurs investir dans le gaz de schiste dans dautres pays. Au Royaume-Uni, elle a pris des

    participations symboliques dans ce secteur en octobre 2013. Elle a acquis, pour plus de 28 millions deuros, 25% des concessions de Dart Energy (rachet depuis par IGas), sur une zone de prospection de 1378 kilomtres car-rs dans le bassin de Bowland, dans le Lancashire. Les concessions de gaz dEngie au Brsil pourraient aussi receler du gaz de schiste.

    une expanSion internationale avec le Soutien de capitaux cHinoiSLe groupe Engie est un acteur impor-tant de exploration-production de ptrole et de gaz, avec 55,5 millions de barils quivalent ptrole (bep) de production au 31 dcembre 2014 (67% de gaz et 33% de ptrole) et 759 mil-lions de bep de rserves prouves (75% de gaz et 24% de ptrole). Ce qui en fait

    lune des 100 principales entreprises mondiales de ptrole et de gaz, cible de la campagne mondiale pour le dsin-vestissement des nergies fossiles. Les principales zones de production dEngie se situent dans le Nord de lEurope, notamment en Allemagne, en Norvge, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Avec lappoint de capitaux publics chinois (China Investment Corporation, lun des prin-cipaux fonds souverains du pays), qui ont pris 30% de ses activits dexplo-ration-production, Engie sest lance dans la recherche et le dveloppement de nouveaux gisements sur tous les continents, notamment en Afrique du Nord (Algrie, Libye, gypte), au Qatar, en Malaisie et Indonsie, et au Brsil. Le groupe annonce mme vouloir se lancer dans lextraction de ptrole et de gaz en Arctique, au Groenland et dans la mer de Barents!

    14 i contre rapport EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl

  • ymen : du GaZ paS aSSeZ cHer pay ?Bien avant le conflit actuel qui dchire le Ymen, Engie et Total ont t la cible de contestations sociales. Dimportantes manifestations se sont notamment droules au dbut de lan-ne 2014, emmenes par des fi gures du mouvement dmocratique qui avait renvers en 2012 lancien dictateur Ali Abdallah Saleh. Les manifestants dnonaient la teneur des contrats signs par Engie et Total (ainsi que le coren Kogas) avec ltat ymnite sous le rgime de Saleh, accusant les entreprises davoir dlibrment sous-estim le prix de vente du gaz ymnite sur le march mondial, et de ne reverser quune partie infi me des revenus gnrs aux caisses de ltat. Le nouveau gouvernement rclamait alors une hausse du prix de vente de son gaz naturel liqufi , ce quil a obtenu du coren Kogas mais non des deux parties franaises.

    coSSe : critiqueS deS indpendantiSteSEn octobre 2014, quelques semaines aprs le rfrendum sur lind-pendance de lcosse, BP et Engie annoncent la dcouverte conjointe dun nouveau gisement de ptrole offshore en Mer du Nord. Le camp indpendantiste cossais reproche aux deux fi rmes davoir dlibrment attendu que le rfrendum soit pass pour annoncer cette dcouverte. La

    question de la viabilit conomique dune cosse indpendante viabi-lit laquelle ces nouvelles royalties ptrolires auraient fortement contri-bu taient en effet au centre des dbats. Les indpendantistes assurent que lcosse dispose encore denviron 25 milliards de barils de rserves, tan-dis que dautres estiment ces rserves aux environs de 15 milliards. BP a explicitement appel voter non lindpendance.

    enGie Se poSitionne pour exporter le GaZ de ScHiSte tatS-unienVia sa participation au projet de ter-minal de gaz naturel liqufi (GNL) de Cameron, sur la cte de la Louisiane aux tats-Unis, Engie se positionne en vue de lexportation du surplus de gaz amricain vers lAsie ou lEurope. La libralisation des exportations de gaz est au cur des dbats actuels sur les projets daccords commerciaux trans-pacifi que (TPP) et transatlantique (dit TTIP ou TAFTA). Les multinationales de lnergie esprent que ces accords permettront douvrir des dbouchs ltranger pour le gaz amricain, donc de relancer lexploitation des gaz de schiste dans le pays, un moment o le secteur connat un ralentissement conomique. Dans le mme temps, Engie a sign un contrat au Mexique pour construire un gazoduc gant destin y acheminer du gaz issu des gisements texans, de lautre ct de la frontire.

    terminaux mtHanierS : GrandS proJetS au cHili et en indonSieEn 2014, Engie a sign un accord pour la construction dun terminal mtha-nier en Indonsie. Ses dirigeants ont en revanche suspendu le projet Bonaparte LNG en Australie, dont la viabilit conomique est mise en cause par linfl ation de projets simi-laires dans le pays. Au Chili, Engie a inaugur le terminal gant de gaz-ifi cation de Mejillones, destin ali-menter en nergie les exploitations minires du nord du pays. Cette solu-tion a t retenue pour approvision-ner le pays en dpit du fait que deux pays voisins, lArgentine et la Bolivie, possdent dimportantes ressources gazires. En 2004, lArgentine a bru-talement coup l'approvisionnement en gaz du Chili. Engie espre rditer lopration au Maroc, qui a lui aussi des relations dlicates avec son voi-sin algrien, important producteur de gaz. Le groupe a galement des pro-jets dusines de liqufaction de GNL au Cameroun et dusine de gazifi cation en Uruguay.

    la criSe uKrainienne, une aubaine ?Au plus fort de la crise diplomatique entre la Russie et lEurope propos de lUkraine, au printemps 2014, les noms dEngie et de lallemande RWE ont t cits comme fournisseurs potentiels de gaz lUkraine, au cas o la Russie dcidait de cesser ses livraisons (ce qui na fi nalement pas t le cas).

    plus long terme, la crise ukrainienne relance la question de la scurisation de lapprovisionnement en gaz au sein de lUnion europenne. Avec la cl, des investissements publics importants dans les infrastructures gazires (gazoducs, terminaux GNL), dont Engie sest fait une spcialit, et une coopration renforce avec des pays o lentreprise a des intrts, comme lAlgrie et lAzerbadjan. Engie est notamment partenaire du projet Nabucco, qui vise acheminer en Europe le gaz azri via la Turquie.

    EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl contre rapport i 15

  • Engie exploite 30 centrales lec-triques au charbon dans le monde, parmi lesquelles on trouve dix centrales dites subcri-tiques: elles sont les plus ineffi cientes du point de vue des missions de gaz effet de serre, de la pollution de lair et de la consommation deau pour le refroidissement. Une tude de luni-versit dOxford a mme conclu quEn-gie possdait la fl otte de centrales au charbon la plus ineffi ciente au monde (derrire deux petites entreprises indiennes)! Les 30 centrales au char-bon dEngie dans le monde mettent chaque anne 81 millions de tonnes de CO2 dans latmosphre, lquivalent des missions dun pays comme les Philippines, selon un rapport dOxfam et des Amis de la terre. Ces deux ONG ont calcul quEDF et Engie, dont ltat franais dtient respectivement 84

    et 33%, possdent pas moins de 46 centrales charbon dans le monde, lesquelles dversent chaque anne 151 millions de tonnes de CO2 dans latmosphre. Cest lquivalent des missions du Vietnam et environ cent fois les missions du Togo. Les ONG

    dnoncent donc lhypocrisie de ltat franais: Alors que Franois Hollande parcourt la plante en multipliant les appels action pour lutter contre le changement climatique, la France pollue allgrement ltranger via ses entreprises capital public.

    cHarbon : le ct obScur de llectricitAvec ses 30 centrales lectriques au charbon dans le monde, Engie met annuellement autant de carbone dans latmosphre que les 100 millions dhabitants des Philippines. Le groupe continue investir dans de nouveaux projets de centrales fonctionnant avec ce combustible fossile, responsable de plus du tiers des missions mondiales de gaz effet de serre.

    un cHampion mondial de la pollution au cHarbon

    une centrale polluante ferme par la JuStice en italieDbut mars 2014, la Justice italienne ordonne la fermeture de deux units au charbon de la centrale lectrique de Vado Ligure, proximit de Savone, proprit 50% dEngie. Des tudes scientifi ques montrent que cette centrale, qualifi e de vtuste, est source de pollutions importantes dans la rgion, avec des rpercus-sions sanitaires considrables, values plusieurs centaines de dcs et des milliers dhospitalisation supplmentaires depuis 2000. Les responsables de la centrale nauraient pas daign la mettre aux normes malgr les injonctions de la justice. Les deux units au charbon de la centrale de Vado Ligure restent fermes. 47 personnes sont dsormais poursuivies dans le cadre de cette affaire pour mise en danger de lenvironnement et homicide par imprudence.

    16 i contre rapport EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl

  • le Scandale de la mine de cHarbon d'HaZelWood, en auStralie

    Dans ltat de Victoria, en Australie, Engie opre une mine et une cen-trale lectrique au lignite (char-bon brun), considre comme la plus polluante et ineffi ciente de tout le pays. La mine et la centrale de Hazelwood sont depuis plusieurs annes la cible de manifestations des cologistes aus-traliens, qui en rclament la fermeture.

    Le 9 fvrier 2014, un incendie se dclare dans la mine de lignite ciel ouvert. Il dure plus de 45 jours avant dtre fi nalement circonscrit. La ville voisine de Morwell et les villes alentour se retrouvent couvertes de nuages de fume. Les rsidents sont inquiets des consquences long terme pour leur sant. La catastrophe a entran un changement dopinion des habitants de la rgion sur la mine et la centrale, quils voyaient auparavant dun il positif, en tant que source demplois.

    Engie sest rapidement retrouve sous le feu des critiques pour la lenteur de sa raction et labsence de compensa-tion des rsidents affects. Lentreprise est accuse davoir rduit au minimum les mesures de scurit et de prven-tion des incendies dans la mine pour des raisons dconomies. Un incendie stait galement dclar dans une mine voisine, laquelle avait t adquatement

    entretenue par son oprateur, et a t rapidement contrl. Hazelwood, il a dur un mois et demi. Une commission denqute offi cielle mise en place suite lincendie a conclu que, contrairement aux affi rmations du groupe franais, le dsastre aurait facilement pu tre vit.

    La centrale et la mine de Hazelwood ont t privatises au cours des annes 1990. Selon les travailleurs et les militants locaux, depuis son rachat par Engie, celle-ci ny a ralis aucun investisse-ment signifi catif, se contentant de grer les installations vieillissantes pour en extraire le plus de profits possibles. Beaucoup craignent que le groupe se contente un jour de fermer la mine, sans

    aucun effort de rhabilitation du site ni de reconversion des travailleurs.

    Engie dclare dsormais avoir mis en uvre toutes les recommandations de la commission denqute et rachet ou rinstall les quipements ncessaires pour lutter contre de nouveaux incen-dies. En revanche, lentreprise na pas offi ciellement indiqu si et quelle hauteur elle contribuerait aux cots de la catastrophe, dont la facture est estime plus de 100 millions de dollars australiens pour les pouvoirs publics. Le nouveau gouvernement de ltat de Victoria a rcemment annonc la rou-verture de lenqute sur les causes et les consquences de lincendie de 2014.

    produire de llectricit SanS cHarbon : queStion taboueMalgr ces graves problmes avec ses centrales vtustes, Engie conti-nue construire ou acheter de nou-velles centrales au charbon, comme au Maroc, en Thalande, en Turquie, en Inde, en Mongolie, aux Pays-Bas ou en Allemagne. Un autre projet en Pologne semble pour linstant en sus-pens. Sous la pression de la socit civile, le PDG dEngie Grard Mestrallet a rcemment annonc que le groupe ne simpliquerait pas dans le projet de centrale au charbon de Thabametsi, en Afrique du Sud. Les dirigeants de lentreprise continuent daffi rmer que le charbon, mme banni dEurope,

    est indispensable au reste du monde. Outre ses impacts climatiques, la com-bustion du charbon pour produire de llectricit est pourtant source de pollution de lair (particules fi nes) et dasschement des ressources en eau. En plus, ces nouvelles centrales sont souvent destines alimenter des mines ou des industries, et non les populations locales, qui continuent ne pas avoir accs lnergie.

    du cHarbon de SanG import en europe ?Une partie du charbon brl dans les centrales europennes dEngie pro-vient de Colombie, o il est extrait dans des conditions extrmement

    problmatiques. Une enqute mene par des ONG nerlandaises a rvl des violations de droits humains et le recours des forces paramilitaires dex-trme-droite chez deux des principaux fournisseurs des centrales charbon nerlandaises, Drummond et Prodeco (proprit de Glencore). Ces associa-tions parlent de charbon de sang, par rfrence aux minerais de sang extraits dans la zone de confl it de la RDC. Les cinq principaux producteurs dlectricit nerlandais, parmi lesquels Engie, se sont engags pousser leurs fournisseurs amliorer leurs pratiques. Le charbon import de Colombie via les ports nerlandais alimente galement des centrales au charbon en Allemagne, en France et en Italie.

    EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl contre rapport i 17

  • GrandS barraGeS : une nerGie verte trS controverSeCest principalement au Brsil, et particulirement en Amazonie, quEngie sest engage dans lopration et la construction de grands barrages, commencer par le projet emblmatique de Jirau. Prsents comme une nergie verte par lentreprise, les grands barrages, particulirement en rgion de fort tropicale, occasionnent des bouleversements sociaux et des destructions environnementales majeures. Les avantages de ces ouvrages pour le climat sont de plus sujets caution. En sinvestissant dans ce secteur trs controvers, Engie participe aussi la monte des tensions entre indignes et gouvernement brsilien.

    barraGeS GantS en amaZonie : dforeStationS, meuteS ouvrireS et travail eSclave

    Avec le barrage de Jirau (3750 MW), Engie sest affirme comme un acteur majeur du secteur extrmement controvers des grands barrages au Brsil. Lun des premiers ouvrages dune nouvelle gnration de mgabarrages en construction ou en projet dans la rgion amazonienne du pays, Jirau sest rvl un vritable dsastre environnemental et humain. Des tribus indignes isoles ont t chas-ses de leurs territoires ancestraux. La dforestation a considrablement aug-ment dans la zone, cause du chantier lui-mme et de lafflux de population quil a entran. Le chantier a t le thtre de deux meutes ouvrires massives en 2011 et 2012, et des cas de travail forc y ont t identifis. Les consquences plus long terme de louvrage sur les co-systmes en amont et en aval font lobjet de toutes les craintes, les tudes dim-pact ayant t dlibrment minimises. La viabilit conomique du projet pour Engie, avec ses cots astronomiques, est sujette caution.

    Mme si les dirigeants du groupe admettent officieusement des erreurs, Engie continue prsenter officiellement Jirau comme un modle de dvelop-pement durable, arguant du fait quil sagirait dune nergie verte et que des programmes de compensation adquats ont t mis en place. En ralit, de plus en plus dtudes scientifiques montrent que les grands barrages en milieu tropical sont dimportantes sources dmissions de mthane, ce qui pourrait annuler leurs bnfices climatiques allgus. Et les pro-grammes de compensation restent trs limits et partiels eu gard aux dgts directs et indirects du projet.

    Ces controverses nempchent en rien Engie de poursuivre ses activits dans le secteur des grands barrages ailleurs en Amazonie. Engie est ainsi partie pre-nante du barrage de Belo Monte, , tra-vers une filiale qui en a ralis les tudes dimpact et conu les programmes de compensation sociale. Au Brsil, elle a rcemment mis en service un autre

    barrage de 1087 MW, Estreito. Et elle est prsente sur dautres projets au Prou.

    Surtout, Engie est directement impli-que dans les nouveaux projets de mgabarrages dans le bassin du Tapajs le dernier affluent de lAma-zone dont le bassin soit encore relati-vement prserv, et o gouvernement et industriels brsiliens envisagent de construire une douzaine de nouveaux barrages. Ces ouvrages pourraient occasionner directement et indirec-tement la perte de presque un million dhectares de fort vierge abritant une biodiversit inestimable.

    Engie est membre (comme EDF) du Groupe dtudes Tapajs (GET), offi-ciellement charg de raliser des tudes dimpacts et de faisabilit. Les dtracteurs du GET estiment que son rle est surtout de prparer le terrain et de mettre les populations locales devant le fait accompli. Les indignes Munduruku, lune des principales tribus amazoniennes, ont dclar quils sop-poseraient par tous les moyens ces barrages. Rsultat: le gouvernement brsilien a d faire appel larme pour accompagner les ingnieurs chargs de raliser les tudes.

    Engie envisage de se porter candidate la construction du principal mga-barrage prvu dans le bassin, celui de So Luiz do Tapajs (8040 MW). Les enchres pour ce barrage ont toutefois t repousses cause de dissensions au sein de ltat brsilien sur la recon-naissance des droits des indignes.

    18 i contre rapport EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl

  • le Grand prix du GreenWaSHinG pour Son obliGation verte

    E n 2014, Engie a lanc la plus importante mission obligataire verte jamais ralise par une entreprise ce jour. Cette obligation verte (green bond) lui a permis de rcolter deux milliards et demi deu-ros, majoritairement auprs dinves-tisseurs thiques, pour fi nancer des projets nergtiques cologiques. Hlas, il est apparu trs rapidement que le principal souci dEngie tait de boucler le fi nancement du barrage gant de Jirau au Brsil, qui semble stre rvl un trou fi nancier. Or les bnfices climatiques des grands barrages en milieu tropical outre leur impact souvent dvastateur sur lenvironnement et les communauts locales sont de plus en plus sujets caution. Pour cette raison, la plupart des autres acteurs des obligations vertes, y compris EDF ou des banques

    comme Barclays, ont exclus les grands barrages des projets pouvant tre fi nancs par des obligations vertes.

    Non seulement Engie continuer dvelopper allgrement les nergies fossiles tout en soffrant une image

    cologique grce ce green bond, mais elle a choisi de lutiliser pour combler les pertes dun projet controvers, dont le caractre cologique est sujet cau-tion. Pour ces raisons, Engie a t lue l'entreprise la plus hypocrite de l'anne 2014 dans le cadre des "prix Pinocchio".

    Dbut 2014, des inondations histo-riques ont frapp la rgion Ouest du Brsil et la Bolivie, dans la bassin du Rio Madeira, un affl uent de lAmazone. Rapidement, le rle des deux immenses barrages construits sur cette rivire par Engie (Jirau) et Odebrecht (Santo Antonio) est point du doigt. Ces bar-rages sont accuss davoir contribu directement et indirectement en favorisant le dboisement aggra-ver ces inondations. Ltude dimpact environnemental de ces deux barrages

    avait t artifi ciellement restreinte au ct brsilien de la frontire, et leur capacit a t augmente signifi cative-ment entre-temps Le gouvernement bolivien a demand des explications offi cielles au Brsil. Le 10 mars 2014, un juge fdral brsilien, saisi en urgence par le ministre public, a rendu une dcision obligeant les deux consor-tiums responsables des barrages refaire toutes leurs tudes dimpact environnemental et indemniser les victimes des inondations.

    brSil, laoS, Soudan : deS miSSion dinGnierieS controverSeSOutre ses activits directes de construction et dopration de grands barrages, le groupe Engie est ga-lement impliqu dans des projets hydrolectriques controverss via ses fi liales spcialises dans ling-nierie. Sous couvert de neutralit technique, ces missions dingnierie servent souvent lgitimer des pro-jets critiqus et critiquables. Sa fi liale Tractebel Engineering a ainsi particip aux tudes de faisabilit et daccom-pagnement du barrage de Belo Monte au Brsil, tandis que la fi liale franaise Compagnie nationale du Rhne a contribu lgitimer un autre projet extrmement controvers, celui de Xayaburi au Laos. En 2014, Tractebel a absorb une autre fi rme dingnierie, Lahmeyer, qui sest fait connatre pour sa participation au projet de barrage de Merowe, au Soudan participation qui lui a valu des poursuites devant la justice allemande. Ce barrage aurait notamment t utilis par le gouver-nement soudanais pour punir cer-taines communauts en ouvrant les vannes sur leurs villages, sans pravis.

    inondationS HiStoriqueS : le barraGe de Jirau point du doiGt

    EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl contre rapport i 19

  • lobbyinG et affaireS JudiciaireSDe par ses activits, Engie est amene nouer des relations avec de nombreux gouvernements, que se soit sur les questions de rgulation du secteur de lnergie, pour la ralisation de grands projets ou pour participer des marchs publics. Le groupe est actif aussi bien en termes de lobbying que de financement de la vie politique. Les relations entre Engie et certains dirigeants politiques sont parfois au centre daffaires judiciaires ou de commissions denqute.

    20 i contre rapport EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl

    une entrepriSe trS procHe deS politiqueS

    inStitutionS europenneSEngie est directement concerne par la politique nergie-climat de lUnion europenne et a pris ouvertement position sur diffrents aspects de cette politique, notamment pour obtenir une rduction des aides aux nergies renou-velables. Le groupe nergtique est lun des leaders franais en termes de dpenses de lobbying Bruxelles, avec prs de 4 millions deuros de dpenses dclares en 2013 ce qui la plaait au sixime rang europen. Pour 2014, Engie a initialement dclar moins de 10000 euros de dpenses signe pour les associations spcialises du peu de srieux avec lequel elle et ses concurrentes considrent leurs obliga-tions de transparence. La dclaration a finalement t corrige un mois plus tard. Les dpenses dsormais dclares pour 2014 se situent dans la fourchette 2250000-2499999.

    tranSparence Zro en franceLe Parlement franais a mis en place, lui aussi, un registre de transparence pour les reprsentants dintrts, o les entreprises et regroupements patro-

    naux peuvent dclarer leurs dpenses de lobbying. Ce dispositif est encore plus limit que ce qui existe au niveau europen. Engie, contrairement un grand nombre dentreprises du CAC40 dont EDF ou Total, na pas daign y par-ticip en dclarant ses dpenses.

    tatS-uniS : enGie vote rpublicainComme dautres entreprises franaises, Engie participe activement au finan-cement des campagnes lectorales amricaines travers notamment le systme des PACs (political action committees). Le groupe a galement dclar plus de 2,3 millions de dollars de dpenses de lobbying Washington depuis 2010. Comme pour la plupart des autres entreprises franaises concernes, les PACs dEngie bnfi-cient majoritairement aux candidats rpublicains, y compris les plus obs-curantistes sur les questions socitales ou environnementales. Engie a ainsi contribu au financement des cam-pagnes de climato-sceptiques notoires. On rappellera que le groupe gre des centrales au charbon parmi les plus

    polluantes des tats-Unis, comme Nepco Power en Pennsylvanie et Coleto Creek au Texas.

    brSil : 1,7 million deuroS inveStiS danS leS campaGneS lectoraleSEngie a galement financ les cam-pagnes lectorales de divers candidats et partis politiques locaux et nationaux dans le cadre des lections qui se sont tenues au Brsil en 2014. Le groupe a dclar des dpenses totales de 5,97 millions de reais brsiliens (1,7 mil-lions deuros). Au niveau national, il a vers 800000 reais la campagne de la prsidente finalement rlue Dilma Roussef (PT, centre-gauche), et la mme somme la campagne de son challen-ger Acio Neves (PSDB, centre-droit). Au niveau local, Engie a surtout financ des candidats dans les tats du Brsil o elle est implante (Rondnia avec le barrage de Jirau, Tocantins pour celui dEstreito, Santa Catarina...).

    corruption en eSpaGneQuatre dirigeants de la filiale espa-gnole de Cofely sont impliqus dans une affaire de marchs publics truqus en Espagne, dans la rgion de Madrid. Cette affaire sinscrit dans le cadre dun vaste scandale de corruption concer-nant des personnalits politiques, notamment du Parti populaire (PP) au pouvoir. Cofely Espagne avait obtenu plusieurs contrats dans les com-munes de la rgion madrilne au cours des mois prcdents contrats qui auraient donn lieu, selon les enqu-teurs, au versement de commissions occultes. 51 personnes sont inculpes en tout, dont plusieurs maires. Engie a dcid de dmettre de leurs fonctions les quatre dirigeants impliqus, dont le directeur gnral de Cofely Espagne.

  • conflitS fiScaux en belGiqueEngie suscite beaucoup de ressenti-ment en Belgique depuis que le groupe a rachet loprateur lectrique natio-nal, Electrabel. Engie est notamment accuse de tirer des profi ts exces-sifs de lexploitation des centrales nuclaires belges dj largement amorties: la rente nuclaire. En rponse, le gouvernement belge a introduit en 2003, puis augment en 2012, une taxe nuclaire, forant les oprateurs (principalement Engie) provisionner les centaines de mil-lions deuros ncessaires au dman-tlement des centrales et la gestion des dchets radioactifs. Engie a saisi par trois fois la Cour constitutionnelle belge pour faire invalider cette taxe. Par trois fois, son recours a t rejet le dernier rejet en date est intervenu en juillet 2014.

    Dans le mme temps, Engie se retrou-vait au cur dun scandale fiscal, accuse par la presse belge davoir volontairement achet trop cher son

    gaz sa maison-mre franaise. Un manque--gagner de 500 millions deuros pour la fi liale belge dEngie concerne, qui se serait traduite direc-tement par de moindres recettes fi s-cales pour le gouvernement belge et une perte fi nancire pour les collecti-vits locales associes Engie au sein de cette fi liale. Un audit interne dEn-gie a conclu quil ny avait pas eu dir-rgularits. Dans le cadre dun autre litige, le fi sc belge a accept en 2014 de rembourser Engie la somme de 265 millions deuros. Ladministration accusait le groupe davoir cherch chapper limpt travers un mon-tage juridique au Luxembourg, mais un tribunal belge lui a donn tort en premire instance.

    connexionS aZrieS au parlement europenDbut 2014, le groupe Engie sest retrouv au centre dun polmique sur les confl its dintrts au Parlement europen. En cause, les activits de leurodpute Rachida Dati, accuse

    par deux ONG europennes de navoir pas dclar ses relations commer-ciales avec Engie. Lentreprise a ni lexistence de ces relations, mais des journalistes ont montr que Rachida Dati, dans le cadre de son travail parlementaire, stait effectivement montre une infatigable promotrice des intrts de lindustrie gazire. galement en arrire-plan de ces rela-tions troites, la dfense des intrts du gouvernement de lAzerbadjan auprs des institutions europennes. Un pays qui est lun des moins dmo-cratiques de toute lEurasie, mais o Engie dtient des intrts importants, puisquil est un des partenaires (avec Total) du projet Absheron, et le prin-cipal acheteur du gaz du projet Shah

    Deniz II.

    manipulation deS prix : enqute aux tatS-uniSLe rgulateur amricain des pro-duits drivs a lanc une enqute aux tats-Unis sur les pratiques d'Engie sur le march de lnergie au Texas. Deux maisons de ngoce concurrentes ont dpos plainte contre le gant franais, laccusant davoir artifi ciellement diminu sa production pour faire monter les prix. Engie dment ces allgations.

    enqute au parlement KoWetienEn fvrier 2014, le Parlement kowe-tien a dcid de crer une commis-sion denqute pour examiner des soupons dirrgularit dans lattri-bution du contrat de construction de la centrale lectrique dAz Zour. Ce contrat de 2,5 milliards de dol-lars, qui inclut aussi une usine de dessalement, avait t attribu un consortium emmen par Engie.

    enqute pour corruption en france concernant le marcH olien

    En mai 2014, Engie remportait le second appel doffres de ltat franais pour la construction de parcs oliens offshore au large du Trport et de Noirmoutier. Une information judiciaire pour corruption active et abus de biens sociaux a t ouverte en mai 2015 par le parquet de Montpellier. En cause: le versement dhonoraires anormalement levs un mandataire judiciaire pour obtenir son vote, lors dun conseil dadministration dcisif de la Compagnie du Vent, dont Engie dtient 60%. Engie est accuse depuis plusieurs annes davoir pill le savoir-faire et lexpertise de cette PME pour concourir directement aux appels doffres franais dans lolien offshore, un march la rentabilit garantie par ltat.

    EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl contre rapport i 21

  • la privatiSation de leau miSe en cHec en Grce Dans le cadre du programme daus-trit impos la Grce par ses cranciers, le pays devait privatiser les services de leau dAthnes et de Thessalonique. Suez environnement partait grande favorite pour racheter les deux entreprises publiques. Les citoyens grecs et les employs de ces fi rmes se sont mobiliss contre cette perspective. Dans le cadre dun rfrendum populaire organis Thessalonique en mai 2014, 98% des votants se sont prononcs contre la privatisation. La Cour suprme grecque, saisie par des syndicats, a fi nalement jug que la privatisation de leau tait inconstitutionnelle, au motif que le service de leau et de lassainis-sement touche aux besoins essentiels des citoyens.

    JaKarta remunicipaliSe Son eauEn mars 2015, un tribunal de Jakarta a annul le contrat de privatisation du ser-vice de leau de la capitale indonsienne, sign la fi n des annes 1990. Il a ainsi donn raison un collectif de citoyens, qui estimait que ce contrat tait illgal, car contraire aux dispositions de la constitution indonsienne. Suez envi-ronnement est prsente depuis 16 ans Jakarta, et, selon les critiques, le taux de couverture du rseau na pas augment et leau distribue est de pitre qualit, malgr un prix parmi les plus levs de toute lAsie du Sud-Est. Dans le mme temps, les prestataires privs conti-nuent engranger des profi ts assurs, et les autorits publiques accumulent les dettes. Sous pression, les autorits de Jakarta avaient dj annonc leur intention de remunicipaliser le service en rachetant les parts de Suez. Cette dernire a fait appel de la dcision du tribunal.

    un nouvel incinrateur Gant aux porteS de pariSEn matire de gestion des dchets, la spcialit des deux gants franais du secteur, Suez et Veolia, reste lincinra-tion. Un modle limpact environne-mental et sanitaire contest, mais que les deux groupes sefforcent dexporter dans dautres pays. Dans la rgion pari-sienne, o elle dtient dj une position de quasi-monopole dans le domaine de lincinration, Suez a remport en 2014 le march de la reconstruction de lin-cinrateur gant dIvry-sur-Seine. Une solution qui a t privilgie la mise en place dune politique plus ambitieuse de tri et de recyclage, plus cologique et moins coteuse long terme, et malgr lopposition des riverains et des lus locaux. Selon les cologistes, la ncessit dalimenter en dchets les incinrateurs, mme agrments de technologies vertes, empche la mise en place dune politique de prvention la source.

    SueZ environnement, filiale denGie

    Le pacte dactionnaires entre Engie et les autres actionnaires de Suez environnement a pris fi n offi ciellement en juillet 2013, de sorte que lentreprise de gestion de leau et des dchets ne fait plus offi ciellement partie du groupe. Engie continue toutefois de dtenir une minorit de contrle (35,7%), et Grard Mestrallet, PDG dEngie, reste prsident du Conseil dadministration de Suez environnement. Lopration semble avoir surtout eu pour objectif de rduire la dette affi che par Engie. Nous rappelons ici quelques-uns des faits qui ont marqu lanne coule pour Suez environnement.

    22 i contre rapport EngiE (gDF SuEz) : lE vritablE bilan annuEl

  • Juin 2015 Licence Creative Commons BY-NC-ND

    Rdaction: Olivier Petitjean avec Ivan du Roy

    Mise en pages: Guillaume Seyral Remerciements: Julien Vincent, Wendy Farmer, Christian Poirier, Rachel Knaebel, Satoko Kishimoto, Florent Lacaille-Albiges, Juliette Renaud, Maxime Combes, Stephen Thomas.

    Photos : Alan Jamieson Bilfi nger SE ActuaLitt Dean Beyett Digicla UN Photo Roland Peschetz Olivier Peulen Anita Gould Ken Doerr Rich Carstensen Mriya Amazon Watch Wenderson Araujo Marcos Antonio Grutzmacher Kgabe / European Union 2014 - European Parliament Pietro Naj-Oleari Xavier JULIE Groume / CC BY-ND 2.0

  • LObservatoire des multinationales est un mdia dinformation et dinvestigation sur les activits des grandes multinationales franaises, et plus gnralement sur les enjeux de responsabilit des entreprises et de dmocratie conomique.

    LObservatoire ralise et publie des enqutes et des reportages sur limpact social et environnemental et le rle politique des grands groupes franais, aussi bien en France qu ltranger. Il mne galement un travail de veille plus large sur ces questions. Le site de lObservatoire des multinationales propose des tableaux de bord sur les grands groupes franais ainsi que des dossiers thmatiques sur des sujets comme lnergie nuclaire, leau, les accords de commerce, le textile ou les paradis scaux.

    LObservatoire des multinationales est un projet de lassociation Alter-mdias, qui publie galement le site dinformations environnementales et sociales Basta ! (www.bastamag.net)

    touS leS articleS de lobServatoire deS multinationaleS Sur enGie : Http://multinationaleS.orG/Gdf-SueZ