le défi de gorgias

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Gilles PLANTE Ph.D., avocat et magistrat à la retraite. (2013) LE DÉFI DE GORGIAS Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: [email protected] Site web pédagogique : http://www.uqac.ca/jmt-sociologue/ Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales" Une bibliothèque numérique fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://classiques.uqac.ca/ Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/

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  • Gilles PLANTE Ph.D., avocat et magistrat la retraite.

    (2013)

    LE DFI DE GORGIAS

    Un document produit en version numrique par Jean-Marie Tremblay, bnvole, professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi

    Courriel: [email protected] Site web pdagogique : http://www.uqac.ca/jmt-sociologue/

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  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 2

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  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 3

    Cette dition lectronique a t ralise par Jean-Marie Tremblay, bnvole, professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi partir de :

    Gilles PLANTE LE DFI DE GORGIAS. Centre dtudes en humanits classiques. Qubec : La Socit scientifique parallle inc., 2013, 70 pp. [Autorisation formelle accorde par lauteur le 3 mars 2013 de diffuser cette

    uvre dans Les Classiques des sciences sociales.]

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    mailto:[email protected]

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 4

    Gilles Plante Ph.D., avocat et magistrat la retraite.

    Le dfi de Gorgias.

    Centre dtudes en humanits classiques. Qubec : La Socit scientifique parallle inc., 2013, 70 pp.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 5

    [ii] diteur : Socit Scientifique Parallle Inc. 4010 rue Cormier Notre-Dame-du-Mont-Carmel Qubec ISBN: 978-2-921344-26-5 Dpt lgal Bibliothque nationale du Qubec Bibliothque nationale du Canada 1er trimestre 2013 Gilles Plante, 28 fvrier 2013 350, De la terrasse Saint-tienne-des-Grs, Qubec Canada G0X 2P0

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 6

    Table des matires Avant-propos [iii] Chapitre I. Un personnage important [5] Chapitre 2. Le critre de vrit [7] Chapitre 3. Rien nexiste [11]

    Section 1. Le cas : le non-tre nest pas [15] Section 2. Le cas : ltre nest pas [17]

    Lopposition ternel-engendr [17]

    i. Ni ternel [18] ii. Ni engendr [23] iii. Ni les deux la fois [26] iv. Conclusion sur Ni ternel, ni engendr, ni les deux la

    fois [27] Lopposition un-plusieurs [29]

    Section 3. Le cas : le non-tre nest pas et ltre nest pas [33] Section 4. Conclusion sur Rien nexiste. [35]

    Chapitre 4. Si quelque chose existe, il nest pas apprhend. [37]

    Section 1. Position du problme [39] Section 2. Ce qui est aberrant [41] Section 3. Cela est absurde [43] Section 4. Chaque objet a pour critre un sens spcifique [45]

    Chapitre 5. Si quelque chose est apprhend, il est incommunicable autrui.

    [47]

    Section 1. Position du problme [49] Section 2. Ltre nest pas notre discours [51] Section 3. Le discours ne manifeste pas lobjet extrieur [53]

    Chapitre 6. Conclusion [57]

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 7

    [iii]

    Le dfi de Gorgias

    AVANT-PROPOS

    Retour la table des matires

    Cher lecteur

    Selon Diogne Larce, Parmnide voyait dans la raison le critrium du vrai [ ] . Par contre, Gorgias de Lontium appartient cette cat-gorie de philosophes qui ont supprim le critre de vrit , crivit Sextus Empiricus. Depuis cette lointaine poque, le dbat se poursuit de gnration en gnration.

    Devant le spectacle que donnent les philosophes, qui se partagent en deux camps, certains suivent lexemple de Sextus Empiricus ; ils tournent le dos ces spculations qui, somme toute, ne conduisent nulle part, disent-ils. Dautres ne renoncent pas ; ils cherchent une so-lution. Ainsi fait Thomas dAquin :

    Il s'impose que nous cherchions par nous-mmes [un dnouement] ; ou que, en ceci, nous soyons conseills par ceux qui le cherchent (...). Mais, comme, dans le choix de retenir ou de rejeter, l'homme ne doit pas tre conduit par l'amour ou la haine de qui introduit une opinion, mais plus par

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 8

    la certitude de la vrit, c'est pourquoi [Aristote] dit qu'il faut aimer l'un et l'autre, i.e. ceux dont nous suivons l'opinion, et ceux nous rejetons l'opi-nion. Car, les uns et les autres tudient pour chercher la vrit, et ils nous aident en cela. Mais il nous faut encore tre persuads par les plus cer-tains, i.e. suivre l'opinion de ceux qui sont parvenus la vrit avec plus de certitude. (Sententia libri Metaphysicae, livre. 12, leon 9, n 14)

    Pour ma part, dans ce livre, jai choisi de marcher dans la voie frquente par ceux qui recherchent une solution, sans prtendre avoir conquis la certitude de la vrit aussi parfaitement queux, bien que je sois persuad dtre dans la bonne voie. Et je crois oppor-tun doffrir cette conviction en partage ceux qui, comme moi, ju-gent que ltude des humanits classiques est plus que jamais nces-saire en ce sicle o la technologie, cet oracle de la nouvelle Pythie contemporaine, prtend un triomphe dont les lendemains risquent fort de dcevoir sa suite.

    Saint-tienne-des-Grs, 28 fvrier 2013

    Gilles Plante [iv]

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 9

    [5]

    Le dfi de Gorgias

    Chapitre 1

    Un personnage important

    Retour la table des matires

    Gorgias de Lontion (483-375 avant J.-C.) naquit Lontion (Lonti-noi), ville de Sicile indique sur la car-te ci-jointe, en cette poque o la Sicile fait partie de la Grande Grce 1d'Empdocle

    . lve dAgrigente (490-435

    avant J.-C.) et contemporain de Socra-te (470-399 avant J.-C.), il vint Athnes en 427 ; Agrigente est gale-ment en Sicile. Athnes, Gorgias connut une carrire de rhteur brillan-te ; on lui rigea dailleurs une statue en or massif Delphes. Platon (427-347 avant J.-C.), disciple de Socrate, lui a consacr un dialogue peu flatteur. Gorgias est clbre pour son ouvrage

    intitul : Sur le Non-tre ou sur la Nature.

    1 Voyage au cur de la civilisation grecque, Dossier pdagogique J.F. Bradu,

    professeur agrg histoire-gographie, La colonisation de la Grande Grce , URL.

    http://www.philo5.com/Les%20philosophes/Empedocle.htmhttp://jfbradu.free.fr/GRECEANTIQUE/GRANDE%20GRECE/CARTES/CARTES.php3?r1=3&r2=8&r3=0

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 10

    De cette uvre, qui ne nous est pas parvenue,

    nous avons deux recensions. Lune fut crite par Sextus Empiricus, un auteur dont la vie nous est trs peu connue, si ce nest quil vcut au second sicle aprs Jsus-Christ et quil crivit, entre au-tres, un ouvrage intitul : Contre les logiciens 2

    . Lautre recension fait partie du corpus aristotli-cien, bien que les experts jugent que louvrage ne fut pas crit par Aristote lui-mme : De Mlissus, de Xnophane, et de Gorgias.

    La recension que Sextus Empiricus fait du Sur le Non-tre ou sur la Na-ture crit par Gorgias tient en vingt-deux para-graphes ( 65-87), courts bien que fort denses, o le sophiste emploie la dialectique late, attentif seulement la rigueur du raisonnement et non au contenu mme de ses propositions 3

    2 Sextus Empiricus, Against the Logicians, I, 65-87. Traduction anglaise par R.

    G. Bury, Loeb Classical Library (bilingue, Grec & Anglais), Harvard Univer-sity Press, Cambridge, Massachusetts & London, England, 1935 (7e dition, 2006).

    , crit Jean Voilquin. Comme il est trs difficile de faire la part entre ce que Gorgias, dune part, et ce que Sextus, dautre part, ont respectivement crit, nous prenons le texte tel que Sextus nous le prsen-te.

    3 Penseurs grecs avant Socrate, de Thals de Milet Prodicos, traduction, in-troduction et notes par Jean Voil- quin, GF-Flammarion (Garnier Frres, Pa-ris), 1964 , p. 216.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 11

    la dialectique late, est dabord associ le nom de Znon dle

    (480-420 avant J.-C.), son fondateur , ce quaurait crit Aristote selon Diogne Larce 4. Et le nom de Znon est lui-mme associ celui de Parmnide dle (530-444 avant J.-C.) 5, matre de Znon et auteur dun ouvrage en vers intitul Sur la nature 6

    Dans son pome, Parmnide dle exprime ce critrium en ces termes :

    , dont seule-ment des fragments nous sont parvenus ; pour Parmnide : (Il voyait dans la raison le crit-rium du vrai. , dit Diogne Larce.

    4 ' ,

    . (Aristote, dans le Sophiste, attribue Znon l'in-vention de la dialectique, et Empdocle celle de la rhtorique.) : Diog-ne Larce, Vies et doctrines des philosophes de l'Antiquit, traduction nou-velle de Charles Zevort, Tome second, Paris, 1847, Livre IX, Chapitre V. URL.

    5 , . . (C'est en vers qu'il avait expos ses ides philosophiques, aussi bien qu'Hsiode, Xnophane et Empdocle. Il voyait dans la raison le critrium du vrai et n'admettait pas la certitude des donnes sensibles.) : Diogne Larce, Vies et doctrines des philosophes de l'Antiquit, traduction nouvelle de Charles Zevort, Tome second, Paris, 1847, Livre IX, Chapitre III. URL.

    6 Jean Bollack, Parmnide De ltant au Monde, Paris, 2006, ditions Verdier, Verdier Poche.

    http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/laerce/9zenon1.htmhttp://remacle.org/bloodwolf/philosophes/laerce/9parmenide1.htm

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 12

    [6] II. ' ' ,

    , , - , [5] ' , - - . ...III. .

    II. Allons, je vais te dire et tu vas entendre quelles

    sont les seules voies de recherche ouvertes lintelligence ; lune, que ltre est, que le non-tre nest pas, chemin de la certitude qui accompagne la vrit ; [5] lautre, que ltre nest pas : et que le non-tre est forcment, route o je te le dis, tu ne dois aucunement te laisser sduire. Tu ne peux avoir connais-sance de ce qui nest pas, tu ne peux le saisir ni lexprimer ; [III] car le pens et ltre sont une mme chose. 7

    La conclusion de la recension que Sextus Empiricus fait du Sur le Non-tre ou sur la Nature, crit par Gorgias, est

    nonce au paragraphe (87) en des termes opposs la thse sou-tenue par Parmnide sur le critrium du vrai :

    (87)

    (87) Telles sont, donc, les apories ( ) que lon

    trouve chez Gorgias : pour autant quon sy arrte, le critre de la vrit ( ) svanouit.

    7 Le pome de Parmnide, traduction franaise de Paul Tannery : Pour l'histoire

    de la science hellne, de Thals Empdocle (1887). URL.

    http://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ei&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ei&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ag&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=egwn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=erew&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=komisai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=de&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=su&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=muqon&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=akousas&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=aiper&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=odoi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=mounai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=dizhsios&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=eisi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=nohsai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=h&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=men&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=opws&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=estin&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=te&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=kai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ws&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ouk&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=esti&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=mh&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=einai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=peiqous&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=esti&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=keleuqos&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=alhqeihi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=gar&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ofdei&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=h&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=d&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ws&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ouk&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=estin&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=te&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=kai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ws&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=chrewn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=esti&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=mh&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=einai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=qn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=dh&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=toi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=frazw&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=panapeuqea&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=emmen&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=atarpon&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=oute&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=gar&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=an&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=gnoihs&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=to&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ge&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=mh&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=eon&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ou&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=gar&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=anuston&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=oute&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=frasais&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=to&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=gar&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=auto&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=noein&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=estin&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=te&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=kai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=einai&la=greekhttp://philoctetes.free.fr/uniparmenide.htm

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 13

    Dans notre examen de ces apories , le texte grec que nous em-

    ploierons est celui du Die Fragmente der Vorsokratiker, de Hermann Diels. 8 Il existe plusieurs traductions franaises du Contre les logi-ciens : Louis Campos en propose une bibliographie nourrie. 9 Pour notre part, nous emploierons la traduction franaise de Jean-Paul Du-mont. 10

    8 Hermann Diels, Die Fragmente der Vorsokratiker, Berlin, 1906, Weidmann-

    sche Buchhandlung.

    URL. 9 Louis Campos , Gorgias de Lontion , Sur le non-tre ou Sur la nature. URL. 10 "Les coles prsocratiques". dition tablie par Jean-Paul Dumont, Fo-

    lio/essais, Gallimard, 1991 Premire dition dans la collection "La Pliade", 1988.

    http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/gorgias/diels.htmhttp://gorgias.voila.net/page8/index.html

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 14

    [7]

    Le dfi de Gorgias

    Chapitre 2

    Le critre de vrit

    Retour la table des matires Sextus Empiricus prsente Gorgias et son ouvrage comme suit :

    (65) , . , , , , , .

    (65) Gorgias de Lontium appartient cette catgorie de philosophes qui ont supprim le critre de vrit. Mais ce nest pas de la mme manire que les tenants de Protagoras. Dans son livre intitul Du non-tre, ou de la nature il met en place, dans lordre, trois propositions fondamentales : premirement, et pour commencer, que rien nexiste ; deuximement que, mme sil existe quelque chose, lhomme ne peut lapprhender ; troisimement, que mme si on peut

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 15

    lapprhender, on ne peut ni le formuler ni lexpliquer aux au-tres.

    Comment Gorgias parvient-il supprimer le critre de vrit ? En

    mettant en place trois propositions fondamentales, et ce, dans lordre suivant :

    premirement, et pour commencer, que rien nexiste (

    ) ; deuximement que, mme sil existe quelque chose (

    ), lhomme ne peut lapprhender ( ) ;

    troisimement, que mme si on peut lapprhender ( ), on ne peut ni le formuler ni lexpliquer aux autres ( ).

    Comment peut-on tre attentif seulement la rigueur du raison-

    nement et non au contenu mme de ses propositions , comme lcrit Jean Voilquin, devant : rien nexiste ( ) ?

    Dabord, soyons attentif , dont une traduction littrale est : Rien nest. . Si on forme le carr dApule 11

    [8]

    Apu-le vcut aussi, comme Sextus Empiricus, au second sicle aprs J-sus-Christ des oppositions en A (affirmatif universel), E (ngatif universel), I (affirmatif particulier) et O (ngatif particulier), on ob-tient :

    11 Apule de Madaure, De la doctrine de Platon, Livre I, uvres compltes

    d'Apure, traduites en franais par Victor Btolaud, Tome troisime, Paris, 1836, C.L.F. Panckoucke. URL.

    http://remacle.org/bloodwolf/apulee/platon.htm

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 16

    A : Tout est.

    I : Quelque partie [du tout]

    E : Rien [du tout] nest. O. Quelque partie [du tout] nest

    Que faut-il entendre par tout dans : A. To ut est. ? Gorgias

    crit : ) , dont une traduction littrale est : Rien nest. (Tout nest pas.). Dans le carr dApule, nous plaons ce mot de Gorgias en E. Pour dcouvrir son oppos en A, il faut chercher chez Parmnide, qui crit : VIII [5] [L'tre] (...) est maintenant tout

    entier ( ). [24] To ut est plein de ltre. ( ' ). 12 Le de Parmnide, cest le tout dans : To ut

    Dans le carr dApule, les propositions en A, E, I et O prsentent certaines proprits logiques quil convient de mentionner :

    est.

    A et E sont en opposition de contraires. Elles sopposent

    dans le vrai de telle manire que A et E ne peuvent pas tre tous les deux vraies ; si lune est connue comme vraie, lautre est ncessairement fausse. Mais, elles ne sopposent pas de la mme manire dans le faux, parce que A et E peuvent tre tous les deux fausses ; si lune est connue comme fausse, lautre peut tre vraie ou fausse.

    A et O sont en opposition de contradictoires. Elles sopposent de la mme manire dans le vrai et dans le faux ; si lune est connue comme vraie, lautre est connue comme faus-se.

    E et I sont aussi en opposition de contradictoires. Elles sopposent de la mme manire dans le vrai et dans le faux ; si lune est connue comme vraie, lautre est connue comme faus-se.

    12 Le pome de Parmnide, traduction franaise de Paul Tannery : Pour l'histoi-

    re de la science hellne, de Thals Empdocle (1887). URL.

    http://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=epei&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=nun&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=estin&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=omou&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=pan&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=pan&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=d&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=empleon&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=estin&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=eontos&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=pan&la=greekhttp://philoctetes.free.fr/uniparmenide.htm

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 17

    I et O sont en opposition de sous-contraires. Elles sopposent dans le faux de telle manire que I et O ne peuvent pas tre tous les deux fausses ; si lune est connue comme fausse, lautre est ncessairement vraie. Mais, elles ne sopposent pas de la mme manire dans le vrai, parce que I et O peuvent tre tous les deux vraies ; si lune est connue comme vraie, lautre peut tre vraie ou fausse.

    partir du carr dApule des oppositions en A (affirmatif uni-

    versel), E (ngatif universel), I (affirmatif particulier) et O (ngatif particulier), on obtient un hexagone de Blanch 13

    Dans lhexagone de Blanch, o sont dj identifies deux paires de contradictoires (A-O et E-I), une paires de contraires (A-E), une paire de sous-contraires (I-O) et certains quipollents (U : soit A soit E ; Y : I et O), peuvent aussi tre identifies des relations dantcdent consquent, certains autres quipollents, une troisime paire de contradictoires, un trilemme strict de contraires et un trilemme large de sous-contraires :

    tel que trac la page suivante.

    1. autres quipollents

    :

    1.1. A : I et O ; 1.2. E : O et U ;

    13 Robert Blanch, Structures intellectuelles Essai sur lorganisation systmati-

    que des concepts, Paris, 1969, 2e dition, Librairie philosophique J. Vrin, pas-sim.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 18

    [9]

    HEXAGONE DE BLANCH

    U : soit tout est soit rien nest.

    U : soit A soit E

    A : Tout est.

    I : Quelque partie [du tout] est.

    E :Rien [du tout] nest. O. Quelque partie [du tout] nest pas.

    Y : en partie est et en partie nest pas

    Y : I et O ni A ni E : ni tout ni rien

    1.3. O : soit E soit Y ; 1.4. I : soit A soit Y ;

    2. relations dantcdent consquent

    :

    2.1. U est consquent de A ; 2.2. U est consquent de E ; 2.3. I est consquent de Y ; 2.4. O est consquent de Y ; 2.5. I est consquent de A ; 2.6. O est consquent de Y ;

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 19

    3. une troisime paire de contradictoires

    :

    3.1. U-Y

    4. un trilemme strict de contraires

    :

    4.1. la triade AEY constitue un trilemme strict : AEY sont mu-tuellement exclusifs, mais collectivement exhaustifs : po-ser lun exige de nier les deux autres, mais nier lun exige de poser lun ou lautre de la paire qui reste et exige enco-re de nier celui qui nest pas pos : de trois, un ;

    5.un trilemme large de sous-contraires

    :

    5.1. la triade UIO constitue un trilemme large : en poser deux exige de nier celui qui reste, et en nier un exige de poser lun et lautre de la paire qui reste : de trois, deux.

    Selon Gorgias, qui met en place, dans lordre, trois propositions fondamentales dont premirement, et pour commencer, que rien nexiste , si nous situons cette position dans le carr dApule en : E - Rien nest., alors doivent tre ni :

    [10]

    a) I : Quelque partie [du tout] est. (chez Gorgias : il existe quelque chose) qui est la contradictoire de E ;

    b) A : Tout est. (innomm chez Gorgias) qui est la contraire de E.

    Autrement dit, si Gorgias pose que rien nexiste est vraie,

    alors il existe quelque chose est fausse ; et tout est est fausse.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 20

    Comme il existe quelque chose est fausse, sa sous-contraire il nexiste pas quelque chose est vraie.

    Chez Gorgias, semble-t-il, le Rien nexiste. vise lenseignement de Parmnide, pour qui les seules voies de recher-che ouvertes lintelligence sont au nombre de deux :

    1. lune, que ltre est, que le non-tre nest pas, chemin de

    la certitude, qui accompagne la vrit ; 2. lautre, que ltre nest pas : et que le non-tre est for-

    cment, route o je te le dis, tu ne dois aucunement te laisser sduire .

    Et Parmnide en conclut : Tu ne peux avoir connaissance de ce

    qui nest pas, tu ne peux le saisir ni lexprimer ; car le pens et ltre sont une mme chose .

    Selon Sextus Empiricus, dans son discours, Gorgias soutient trois positions :

    1. premirement, et pour commencer, que rien nexiste

    ( ) exclut toute apprhension positive du non-tre : en cela, elle rejoint celle de Parmnide pour qui on ne peut ni avoir connaissance de ce qui nest pas , ni le saisir ni lexprimer ;

    2. deuximement que, mme sil existe quelque cho-se ( ), lhomme ne peut lapprhender ( ) exclut encore toute apprhension positive : en cela, elle soppose celle de Parmnide pour qui le pens et ltre sont une mme chose ;

    3. troisimement, que mme si on peut lapprhender ( ), on ne peut ni le formuler ni lexpliquer aux autres ( ) exige une apprhension positive, bien que ni formulable ni explicable lgard dautrui : en cela, elle soppose celle de Parmnide pour qui emprunter la seconde

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 21

    route ne conduit qu te laisser sduire , tche quexplore le rhteur Gorgias.

    Cest, en effet, la question qui est dbattue dans le Gorgias de Pla-

    ton, alors que Socrate sadresse Gorgias en ces termes : Tu es ca-pable (...) de rendre habile parler (...) sur tous les sujets, de faon tre (...) persuasif sans instruire 14

    14 Platon, uvres compltes, Bibliothque de la Pleiade, traduction nouvelle et

    notes par Lon Robin, Gorgias, 458 e.

    . Mme si la parole de lorateur sadresse autrui et peut mme lmouvoir, ce en quoi elle est per-suasive, elle ne linstruit en rien sur quoi que ce soit. Bref, le Sur la nature de Parmnide est peut-tre persuasif, mais il ne nous instruit en rien sur le chemin de la certitude, qui accompagne la vrit : ltre est et le non-tre nest pas. Explorons la thse quexpose Gor-gias, selon ce que nous en rapporte Sextus Empiricus.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 22

    [11]

    Le dfi de Gorgias

    Chapitre 3

    Rien nexiste

    Retour la table des matires Au paragraphe (66), Sextus Empiricus soutient que Gorgias expri-

    me sa thse comme suit :

    (66) , , , . , , , , , .

    (66) Pour le fait que rien nexiste, son argumentation se d-veloppe de la manire suivante : sil existe quelque chose, cest ou ltre, ou le non-tre, ou la fois ltre et le non-tre. Or, ltre nest pas, comme il ltablira, ni le non-tre, comme il le confirmera, ni non plus la fois ltre et le non-tre, chose quil expliquera galement. Ainsi donc, rien nexiste.

    Et, ce mme paragraphe (66), Sextus Empiricus nous annonce la

    manire quadopte Gorgias pour tablir sa premire proposition fondamentale : Il n'y a rien. Gorgias raisonne en modus tollens.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 23

    Lantcdent est : s'il existe quelque chose , qui est la contradictoi-re de : rien nexiste ; alors, selon ce que soutient Gorgias, trois consquents possibles de cet antcdent sont annoncs par cest en ces termes :

    ou l'tre [cest ltre qui existe] ou le non-tre [cest le non-tre qui existe] ou la fois l'tre et le non-tre [cest ... qui existent].

    Et, ajoute Sextus Empiricus, Gorgias va rpondre en niant chacun

    de ces trois consquents de s'il existe quelque chose , ce qui don-ne :

    l'tre n'est pas, ni le non-tre, ni non plus la fois l'tre et le non-tre.

    Cette ngation de ces trois consquents, selon Gorgias, emporte

    logiquement la ngation de lantcdent s'il existe quelque chose , ce qui donne : Rien nexiste . Au moment o Gorgias crit son ouvrage, ni le carr dApule ni lhexagone de Blanch nexistent encore dans la littrature ; au moment o Gorgias meurt, en 375, Aristote (384-322 avant J.C.), lauteur de lOrganon, nest g que de neuf (9) ans. Comparons nanmoins la thse de Gorgias avec ce qucrit Aristote dans ce passage :

    [12]

    , , ( , ,

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 24

    ), .

    , . , , , .

    L'affirmation exprime qu'une chose est une autre ; la cho-

    se, d'ailleurs, tant dtermine ou tant indtermine. Et ce qui forme l'affirmation doit tre un objet unique et s'appliquer un objet unique. Nous avons dit prcdemment ce que c'est qu'une chose dtermine et indtermine. Non-homme, par exemple, n'est pas prcisment ce que j'appelle un nom, c'est un nom indtermin ; car l'indtermin exprime encore en quelque sorte un objet unique. Et de mme : Il ne se porte pas bien, n'est pas un verbe, c'est un verbe indtermin. Toute affirma-tion et toute ngation seront donc composes ou d'un nom et d'un verbe dtermins, ou d'un nom et d'un verbe indtermi-ns. Sans verbe, il n'y a ni affirmation ni ngation possible. Est, sera, a t, devient, ou toute autre expression analogue, ce sont l des verbes, comme on l'a tabli plus haut ; ils embras-sent, outre leur signification propre ; l'ide de temps. Ainsi la premire affirmation et la premire ngation seront : L'homme est, l'homme n'est pas. Vient ensuite : Le non-homme est, le non-homme n'est pas. Et aprs : Tout homme est, tout homme n'est pas. - Tout non-homme est, tout non-homme n'est pas. Le raisonnement serait le mme pour les temps en dehors du pr-sent. 15

    15 J. Barthelemy Saint-Hilaire, Logique dAristote, Tome I, Peri Hermeneia,

    Paris, 1844, Librairie de Ladrange, 19b 5-18.

    URL.

    http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia10.htm

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 25

    Remarquons-y la position de la particule ngative non , en grec , dans les diverses locutions cites. Dans : Lhomme nest pas. , elle affecte le verbe est ; mais, dans Le non-homme est. , elle affecte le nom homme , et non le verbe est ; par contre, dans Le non-homme nest pas. , elle affecte le nom homme , dune part, et le verbe est , dautre part. Etc. Cest ainsi que laffirmation L'homme est est nie par la ngation L'homme n'est pas , et non par laffirmation Le non-homme est .

    Aristote semble trs attentif cet ordre de problmes, si tant est que ces positions de la particule ngative non , en grec , soient importantes ; il crit encore :

    , .

    Non-homme n'est pas un nom ; car il n'y a pas de limite de

    nom qu'on puisse lui appliquer ; ce n'est ni une nonciation ni une ngation ; c'est ce que j'appellerai un nom indtermin, parce qu'il convient galement tout, l'tre et au non-tre.

    , , .

    [13] Il ne se porte pas bien, il n'est pas malade, ne sont pas selon

    moi des verbes ; pourtant, outre leur signification propre, ils in-diquent le temps et se rapportent ncessairement quelque cho-se. Mais cette diffrence n'a pas reu de nom spcial ; je l'appel-

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 26

    lerai, si l'on veut, le verbe indtermin, parce qu'il s'applique aussi tout, l'tre comme au non-tre. 16

    Si nous reprenons lenseignement de Parmnide que nous avons ci-t plus haut :

    II. (...) quelles sont les seules voies de recherche ouvertes

    lintelligence ; lune, que ltre est, que le non-tre nest pas, chemin de la certitude, qui accompagne la vrit ; [5] lautre, que ltre nest pas : et que le non-tre est

    forcment, route o je te le dis, tu ne dois aucunement te laisser sduire. Tu ne peux avoir connaissance de ce qui nest pas, tu ne peux le saisir ni lexprimer ; car le pens et ltre sont une mme chose

    et que nous le reportons dans un carr dApule modifi, i.e. sans d-termination de la quantit (universelle, particulire) des propositions, donc en les prenant dans lindtermination avec laquelle Parmnide les exprime, nous obtenons :

    1. Ltre est.

    3. Le non-tre nest pas.

    2. Le non-tre est. 4. Ltre nest pas.

    Sont des contradictoires : 1 et 4 ; ainsi que 2 et 3. Sont des contrai-

    res : 1 et 2 ; 3 et 4. Ainsi : si 1. Ltre est. est vraie, sa contradictoire 4. Ltre nest pas. est fausse ; et 2. Le non-tre est., sa contraire, est fausse ; ds lors, 3. Le non-tre nest pas., la contradictoire de 2. Le non-tre est., et aussi la contraire de 4. Ltre nest pas., est vraie. Et tel semble bien tre la position que Parmnide exprime, bien quil ne lexprime pas en ces termes puisque, pour lui aussi, le carr dApule

    16 . Barthelemy Saint-Hilaire, Logique dAristote, Tome I, Peri Hermeneia, Pa-

    ris, 1844, Librairie de Ladrange, 1 6 a 3 0 e t 1 6 b 1 2. URL 1. URL 2.

    http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote%20/her%20meneia2.htmhttp://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia3.htm

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 27

    est encore inconnu dans la littrature, et Aristote nest pas encore n au moment de son dcs.

    Quoi quil en soit, poursuivons notre lecture de lexpos que fait

    Sextus Empiricus du discours que tient Gorgias. Ce dernier expose dabord le cas du le non-tre nest pas au paragraphe (67) ; ensui-te, aux paragraphes (68) (74), il expose le cas du l'tre n'est pas ; enfin, aux paragraphes (75) et (76), il expose le cas du la fois, l'tre nest pas et le non-tre nest pas .

    [14]

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 28

    [15]

    Chapitre 3. Rien nexiste

    SECTION 1.

    Le cas : le non-tre nest pas

    Retour la table des matires

    Selon Sextus Empiricus, Gorgias exprime sa thse comme suit :

    (67) . , , , , . . , , , , . .

    (67) Pour le fait que le non-tre nexiste pas, voici largumentation : si le non-tre existe, il sera et la fois il ne sera pas, car si on le pense comme ntant pas, il ne sera pas ; mais en tant que non-tre, en revanche, il existera. Or il est tout fait absurde que quelque chose soit et ne soit pas la fois. Donc le non-tre nest pas. Dailleurs, si le non-tre est, ltre ne sera pas : car ces notions sont contradictoires : si ltre est attribu au non-tre, le non-tre sera attribu ltre. En tous cas, il ne peut pas tre vrai que ce qui est ne soit pas ; et le non-tre ne sera pas non plus.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 29

    Le paragraphe (67) commence par annoncer la conclusion : le non-tre n'existe pas , conclusion laquelle largumentation de Gorgias va aboutir avec : Donc, le non-tre n'est pas. Quelle est cette argumentation ?

    Selon Sextus Empiricus, le raisonnement de Gorgias se soumet au

    principe de non-contradiction, ainsi exprim : Or il est tout fait absurde que quelque chose soit et ne soit pas la fois Le raisonne-ment que formule Gorgias prend la forme dune proposition condi-tionnelle : Si le non-tre existe, il sera et la fois il ne sera pas. Comme le principe de non-contradiction exige la ngation du cons-quent : il sera et la fois il ne sera pas , sensuit, selon Gorgias, la ncessaire ngation de lantcdent : le non-tre existe , ce qui donne : Donc, le non-tre n'est pas . Mais, Gorgias ajoute une autre raison que le principe de non-contradiction, en ces termes : Car si on le pense comme ntant pas, il ne sera pas ; mais en tant que non-tre, en revanche, il existera.

    Que faut-il en penser ? Commenons par remplacer les pronoms par les noms auxquelles

    ils sont substitus : Car si on pense [le non-tre] comme ntant pas, [le non-tre] ne sera pas, mais en tant que non-tre, en revanche, [le non-tre] existe ra.

    Cette phrase vise, semble-t-il, une partie de lenseignement de

    Parmnide : Tu ne peux avoir connaissance de ce qui nest pas, tu ne peux le saisir ni lexprimer ; car le pens et ltre sont une mme chose. Si le pens et ltre sont une mme chose , et quon pen-se [le non-tre] comme ntant pas , [le non-tre] existera prci-sment dans cette mesure, bien que, par ailleurs, [le non-tre] ne sera pas . Beau dfi lanc Parmnide !

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 30

    [16] videmment, le problme que pose laffirmation : le pens et

    ltre sont une mme chose tient une distinction qui simpose quant mme chose . Que ltre est soit une chose , et que le pens [de ltre qui est] est une autre chose , il demeure que le pens [de ltre qui est] est un pens ayant pour objet : Ltre est. , lobjet tant distinct du pens . Cest ainsi que le pens et ltre sont une mme chose

    , dune mmet qui nest pas une identit, mais une similitude.

    Gorgias poursuit lexpos de son dfi en ces termes : Dailleurs, si le non-tre est, ltre ne sera pas. Pourquoi ? Car ces notions sont contradictoires : si ltre est attribu au non-tre, le non-tre sera attribu ltre. En tous cas, il ne peut pas tre vrai que ce qui est ne soit pas ; et le non-tre ne sera pas non plus.

    Si nous situons le discours de Gorgias dans le carr dApule mo-difi cit plus haut, i.e. un carr sans quantit dtermine

    , nous obte-nons : si ltre est attribu au non-tre , avec 2. Le non-tre est. pose comme vraie, alors le non-tre sera attribu ltre , avec 4. Ltre nest pas. est poser comme vraie puisquelle est la contradictoire de 1. Ltre est. qui est est fausse parce que contraire 2. Le non-tre est. pose comme vraie. Ds lors, 3. Le non-tre nest pas. est fausse puisquelle est la contraire de 4. Ltre nest pas. , qui est vraie, et la contradictoire de 2. Le non-tre est. , pose comme vraie. Il sensuit que : Donc, le non-tre n'est pas , comme le dit Gorgias.

    Sauf que, selon notre hypothse, Gorgias raisonne implicitement dans un carr dApule qui retient la quantit des propositions : en effet, lantcdent retenu tait : s'il existe quelque chose , qui est bien la contradictoire de : rien nexiste dans un carr dApule qui retient la quantit des propositions. Ici, cest Gorgias qui doit relever un beau dfi de la part de Parmnide.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 31

    Mais, il est encore trop tt pour solder les comptes. Si lantcdent retenu, qui est bien la contradictoire de : rien nexiste , est : s'il existe quelque chose , dune part, et que, parmi les trois consquents possibles de cet antcdent, annoncs par le cest de Gorgias, soient :

    l'tre est ou le non-tre est ou, la fois, l'tre est et le non-tre est.

    ce dernier vient de nier le second : Le non-tre est. , avec : Le non-tre nest pas. , dautre part, il lui en reste encore deux nier pour conclure son projet.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 32

    [17]

    Chapitre 3. Rien nexiste

    SECTION 2.

    Le cas : ltre nest pas

    Retour la table des matires

    Cest aux paragraphes (68) (74) que Gorgias expose le cas du ltre nest pas . Lexpos se divise en deux parties :

    du paragraphe (68) au paragraphe (72), lauteur discute de

    lopposition ternel-engendr et aux paragraphes (73) et (74), de l

    ; opposition un-multiple

    . Examinons-les.

    Lopposition ter nel-engendr Selon Sextus, Gorgias crit :

    (68) . , , . ( ), .

    (68) Et, assurment, pas mme ltre nexiste : car si ltre existe, il est soit ternel, soit engendr, soit les deux la fois.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 33

    Or, il nest ni ternel, ni engendr, ni les deux la fois, comme nous allons le dmontrer. Ainsi, ltre nexiste pas : car si ltre est ternel (cest par l quil faut commencer), il na pas de commencement.

    Au paragraphe (68), Gorgias est conduit poser que : Pas

    mme ltre nexiste. Pourquoi ? Car, si l'tre existe, il est soit ternel, soit engendr, soit les deux la fois. Or, il nest ni ternel, ni engendr, ni les deux la fois. Ainsi, ltre nexiste pas : car si ltre est ternel (cest par l quil faut commencer), il na pas de commen-cement.

    Ici, Gorgias raisonne encore en modus tollens. Lantcdent est :

    si l'tre existe , qui est la contradictoire de : l'tre n'existe pas ; et les trois consquents possibles de cet antcdent, selon ce que soutient Gorgias, sont :

    soit ternel soit engendr soit les deux la fois.

    Et, Gorgias va rpondre en niant chacun de ces trois consquents :

    il nest i. ni ternel, ii. ni engendr, iii. ni les deux la fois.

    Ds lors, la ngation de lantcdent doit suivre : Ainsi, ltre

    nexiste pas. Prenons-les un un.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 34

    [18] i. Ni ter nel Cet expos de lopposition ternel-engendr commence avec cette

    dernire phrase du paragraphe (68) o on lit et c'est par l qu'il faut commencer :

    (

    Ainsi, ltre nexiste pas : car si ltre est ternel (

    ), .

    cest par l quil faut commencer

    ), il na pas de commencement.

    Gorgias commence par lternel : si l'tre est ternel (...), il n'a pas de commencement. Et, il va explorer cet aspect du problme en deux paragraphes, les paragraphes (69) et (70) :

    (69) ,

    . . , . , , , , .

    (69) En effet, tout ce qui est engendr a un commencement, et, ce qui est ternel tant par constitution inengendr, ce qui est ternel na pas de commencement. Or, ce qui na pas de commencement est illimit, et sil est illimit, il nest nulle part. En effet, sil est dans un lieu, ce lieu dans lequel il est, est autre que lui et ainsi, tant envelopp par quelque chose, cet tre ne sera pas illimit. Car ce qui enveloppe est plus grand que ce qui est envelopp, et rien ne saurait tre plus grand que ce qui est illimit : ainsi, lillimit nest pas dans un lieu.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 35

    (70) . , , ( , ). . . , , , , , . , .

    (70) Et il ne senveloppe pas non plus lui-mme : car alors le contenant et le contenu seront une seule et mme chose, et ltre sera deux : le lieu et le corps (car le contenant, cest le lieu, et le contenu, le corps). Or cela est absurde. Assurment, ltre nest pas non plus en lui-mme. Par suite, si ltre est ternel, il est illimit ; sil est illimit, il nest nulle part ; sil nest nulle part, il nest pas. Ainsi, si ltre est ternel, il nexiste en aucune faon.

    Pour saisir le propos de Gorgias, il convient, semble-t-il, de rappe-

    ler ce passage crit par Parmnide :

    VIII ' ' ' ', , ' [5] ' ' , , ,

    [19] VIII II nest plus quune voie pour le discours, cest que

    ltre soit ; par l sont des preuves nombreuses quil est inen-gendr et imprissable, universel, unique, immobile et sans fin. [5] Il na pas t et ne sera pas ; il est maintenant tout entier, un, continu. 17

    17 Le pome de Parmnide, traduction franaise de Paul Tannery : Pour l'histoi-

    re de la science hellne, de Thals Empdocle (1887). URL.

    http://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=monos&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=d&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=eti&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=muqos&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=odoio&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=leipetai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ws&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=estin&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=tauqi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=d&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=epi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=shmat&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=easi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=polla&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=mal&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ws&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=agenhton&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=eon&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=kai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=anwleqron&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=estin&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=esti&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=gar&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=oulomeles&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=te&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=kai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=atremes&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=hd&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ateleston&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=oude&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=pot&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=hn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=oud&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=estai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=epei&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=nun&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=estin&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=omou&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=pan&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=en&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=suneches&la=greekhttp://philoctetes.free.fr/uniparmenide.htm

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 36

    Remarquons bien ce ' , que Paul Tannery traduit ici par preuve . Le Greek-English Lexicon, qui accompagne le texte grec traduit en franais par Paul Tannery, nous enseigne que ' vient de , quil traduit par : sign, mark, token : si-gne , marque , indice 18

    Lorsque, VIII , Parmnide crit quil nest plus quune voie pour le discours, cest que ltre soit , il voque la conclusion la-quelle les paragraphes prcdents lont conduit en partant de : II Allons, je vais te dire et tu vas entendre quelles sont les seules voies de recherche ouvertes lintelligence , voies quil pose comme suit :

    .

    lune, que ltre est, que le non-tre nest paschemin de la certitude, qui accompagne la vrit ;

    ,

    [5] lautre, que ltre nest pas : et que le non-tre est for-

    cmentroute o je te le dis, tu ne dois aucunement te laisser sduire.

    ,

    Cette autre voie, il va en commencer lexposition VIII , au

    paragraphe (60), l o il va opposer la vraisemblance au chemin de la certitude, qui accompagne la vrit , en ces termes :

    [60] Je vais ten exposer tout larrangement selon la vrai-

    semblance

    , en sorte que rien ne tchappe de ce que connaissent les mortels.

    VIII , cest aprs avoir crit : il nest plus quune voie pour le discours, cest que ltre soit que Parmnide introduit le mot ' , traduit par preuve , et il prcise que cette introduction

    18 Henry George Liddell, Robert Scott, A Greek-English Lexicon, revised and

    augmented throughout by. Sir Henry Stuart Jones. with the assistance of. Ro-derick McKenzie, Oxford, 1940, Clarendon Press. URL.

    http://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=shmat&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=shmat&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=sh%3Dma&la=greek&can=sh%3Dma0http://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=shmat&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/text?doc=Perseus%3Atext%3A1999.04.0057%3Aentry%3Dsh%3Dmahttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/text?doc=Perseus%3Atext%3A1999.04.0057%3Aentry%3Dsh%3Dma

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 37

    suit dun par l qui est situ comme un antcdent ; ce par l dsigne cette voie : II nest plus quune voie pour le discours, cest que ltre soit . Cette voie tant pose, cest par l [que] sont des preuves nombreuses quil est inengendr et imprissable, universel, unique, immobile et sans fin , quil na pas t et ne se-ra pas et quil est maintenant tout entier, un, continu.

    Cependant, dans son texte, Parmnide nexplique pas beaucoup comment est-ce que cest par l [que] sont des preuves nombreu-ses des caractres dont la liste suit : inengendr et imprissable, universel, unique, immobile et sans fin, na pas t et ne sera pas, est maintenant tout entier, un, continu . Et cest au comment de ce par l que, semble-t-il, Gorgias va sattaquer.

    Dans la premire phrase du paragraphe (69), Gorgias crit : Tout ce qui est engendr a un commencement, et, ce qui est ternel tant par constitution inengendr, ce qui est ternel na pas de commence-ment. Est-ce que le bout de phrase : ce qui est ternel na pas de commencement suit de la conjonction des deux bouts de phrase prcdents : tout ce qui est engendr a un commencement, et

    , ce qui est ternel tant par constitution inengendr ? Formulons le pro-blme :

    Tout ce qui est engendr a un commencement. [Tout] ce qui est ternel est par constitution inengendr. Donc ? : [rien de] ce qui est ternel na de commencement.

    [20] Si cest le cas, un problme se pose Gorgias : les deux prmisses

    sont affirmatives, alors que la conclusion est ngative. Peut-tre que Gorgias se sert implicitement de lobversion :

    Nous appelons obversion lopration qui modifie la forme

    de la copule et transforme en mme temps le prdicat en son contradictoire. Elle ne modifie pas la valeur de vrit. Elle permet donc de conclure de la vrit de la donne la vrit de

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 38

    la transforme, et de la fausset de la donne la fausset de la transforme.

    Schmas : Cet A est B, donc cet A nest pas non-B, et vice-versa. Il est faux que cet A est B, donc il est faux que cet A nest pas non-B, et vice-versa. Cet A est non-B, donc cet A nest pas B, et vice-versa. 19

    Lemploi de lobversion semble manifeste dans : [Tout] ce qui est ternel est par constitution inengendr. Cette transforme vien-drait de la donne : [Tout] ce qui est ternel nest pas par constitu-tion engendr. Ainsi, peut-tre que Gorgias entendait crire :

    Tout ce qui est par constitution inengendr est sans com-

    mencement. [Tout] ce qui est ternel est par constitution inen-gendr.

    Donc : [tout] ce qui est ternel est sans commencement. Mais, il est aussi possible que Gorgias nentende pas sexprimer

    en un syllogisme ainsi rigoureusement formul, et entend plutt noncer trois postulats :

    Tout ce qui est engendr a un commencement. Ce qui est ternel [est] par constitution inengendr. Ce qui

    est ternel na pas de commencement. Cependant, au paragraphe (69), Gorgias poursuit son expos en ces

    termes : Or, ce qui na pas de commencement est illimit, et sil est illimit, il nest nulle part.

    19 Joseph Dopp, Notions de logique formelle, Louvain et Paris, 1965, Publica-

    tions universitaires de Louvain et dition Batrice-Nauwelaerts, p. 112.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 39

    Ici, assurment, Gorgias propose un syllogisme conditionnel en modus ponens :

    Si ce qui na pas de commencement est illimit, alors il nest

    nulle part. Or, il est illimit. Donc, il nest nulle part.

    La premire phrase se transforme en un syllogisme attributif Bar-

    bara comme suit :

    Tout illimit nest nulle part. Or, tout ce qui na pas de commencement est illimit. Donc, tout ce qui na pas de commencement nest nulle part.

    On peut remdier linlgance du franais ici utilis en em-

    ployant lobversion :

    Tout illimit est sans lieu. Or, tout ce qui na pas de commencement est illimit.

    [21] Donc, tout ce qui na pas de commencement est sans lieu.

    Et Gorgias poursuit sur sa lance en sexpliquant comme suit :

    En effet, sil est dans un lieu, ce lieu dans lequel il est, est autre que lui et ainsi, tant envelopp par quelque chose, cet tre ne sera pas illimit. Car ce qui enveloppe est plus grand que ce qui est envelopp, et rien ne saurait tre plus grand que ce qui est illimit : ainsi, lillimit nest pas dans un lieu.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 40

    Il est parfaitement clair que, sil est dans un lieu, et que son lieu est autre que lui-mme, lillimit est alors envelopp par un autre que lui-mme qui, forcment, le limite ; en effet, ce qui enveloppe est plus grand que ce qui est envelopp , dune part, et rien ne sau-rait tre plus grand que ce qui est illimit , dautre part. Ds lors, non seulement lillimit nest pas dans un lieu , mais encore il ne peut pas tre dans un lieu : il est sans lieu possible.

    tre dans un lieu impose une limite, ce pourquoi il est impossible ce qui est illimit dun point de vue local dtre dans un lieu. Sauf que Gorgias nexprime pas clairement cette restriction quant au point de vue lorsquil crit : Si ce qui na pas de commencement est illimit, alors il nest nulle part. Au contraire, il exprime un lien dantcdent consquent en partant de ce qui est ternel pour aboutir nest nulle part :

    Ce qui est ternel (1) na pas de commencement (2). Or, ce qui na pas de commencement (2) est illimit (3), et sil est illimit (3), il nest nulle part (4).

    Cette consquence est-elle valide ? Navoir aucune limite, tre il-limit, de telle faon quon nest nulle part , et navoir aucune limi-te, tre illimit, de telle faon quon est ternel , semblent fondre deux faons, pourtant bien distinctes lune de lautre, en une seule, et ce, de telle manire quil est prtendu que lune ne va pas sans lautre. Si ce qui na pas de commencement est illimit , et que ce qui est ternel na pas de commencement , on peut, certes, en conclure que ce qui est ternel est illimit . Mais, est-ce que, de ce qui est ternel, tant illimit parce que nayant pas de commencement du point de vue de la gnration, on peut dire, pour autant, quil nest nulle part ?

    Rappelons-nous ce que Parmnide crit : II nest plus quune voie pour le discours, cest que ltre soit ; et il ajoute que des preuves nombreuses tablissent quil est inengendr et imprissa-ble, universel, unique, immobile et sans fin ; et il poursuit en ajou-tant encore quil na pas t et ne sera pas , quil est maintenant tout entier, un, continu. Cette conjonction que pose Parmnide entre

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 41

    inengendr et sans fin , et ce, sans sen expliquer, est, semble-t-il, ce qui retient lattention de Gorgias, et ce, sans quil ne lexprime explicitement lorsquil crit : Sil est illimit, il nest nulle part.

    Dans la mme veine, cette autre conjonction que pose Parmnide entre inengendr et un, continu

    est, peut-tre, ce qui retient lattention de Gorgias lorsquil envisage, en son paragraphe (70), que :

    Et il ne senveloppe pas non plus lui-mme : car alors le contenant et le contenu seront une seule et mme chose, et ltre sera deux : le lieu et le corps (car le contenant, cest le lieu, et le contenu, le corps). Or cela est absurde. Assurment, ltre nest pas non plus en lui-mme.

    [22] Gorgias donne deux dfinitions : Le contenant, cest le lieu, et le

    contenu, le corps. Selon Gorgias, si lillimit senveloppe lui-mme, alors le contenant et le contenu seront une seule et mme chose, et ltre sera deux : le lieu et le corps. Or cela est absurde.

    Quest-ce qui est absurde ? Si le contenant, cest le lieu, et le contenu, le corps , le contenant et le contenu font deux : le lieu et le corps. Or, lillimit inengendr est unique, tout entier, un, et continu, enseigne Parmnide, alors que ltre [est] deux : le lieu et le corps dans lhypothse examine par Gorgias. Il semble que, pour ce dernier, ltre [est] deux : le lieu et le corps , dans la mesure o on ne peut pas douter quil existe bien des corps et des lieux. Or, cette diversit du corps et du lieu soppose, selon Gorgias, lenseignement de Parmnide selon lequel ltre est un et continu.

    Sauf que, cet gard, Parmnide renvoie explicitement la question du lieu et du corps au-del du discours certain , i.e. dans le domai-ne de la vraisemblance , lorsquil crit :

    [50]

    '

    http://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=en&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=twi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=soi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=pauw&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=piston&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=logon&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=hde&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=nohma&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=amfis&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=alhqeihs&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=doxas&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=d&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=apo&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=toude&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=broteias&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=manqane&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=kosmon&la=greek

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 42

    . - -

    [55] ' ' ' , , , ' , , ' ' ' , .

    [60] , .

    [50] Jarrte ici le discours certain, ce qui se pense selon la vrit

    [55]

    ; apprends maintenant les opinions humaines ; coute le dcevant arrangement de mes vers. - On a constitu pour la connaissance deux formes sous deux noms ; cest une de trop, et cest en cela que consiste lerreur.

    On a spar et oppos les corps, pos les limites qui les bornent rciproquement

    [60]

    ; dune part, le feu thrien, la flamme bienfaisante, subtile, lgre, partout identique elle-mme, mais diffrente de la seconde forme ; dautre part, celle-ci, oppose la premire, nuit obscure, corps dense et lourd.

    Je vais ten exposer tout larrangement selon la vrai-semblance, en sorte que rien ne tchappe de ce que connais-sent les mortels. 20

    Pour Parmnide, la question de ltre et la question du corps et de ses limites appartiennent lune la premire voie, celle du discours certain (...) qui se pense selon la vrit , lautre la seconde, celle de larrangement selon la vraisemblance (...) de ce que connaissent [aussi] les mortels .

    Quoi quil en soit, Gorgias conclut son expos avec ce bout de la dernire phrase du paragraphe (70) :

    20 Le pome de Parmnide, traduction franaise de Paul Tannery : Pour l'histoi-

    re de la science hellne, de Thals Empdocle (1887). URL.

    http://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=emwn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=epewn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=apaqlon&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=akouwn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=morphas&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=gar&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=kateqento&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=duo&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=gnwmas&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=onomazein&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=twn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=mian&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ou&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=chrewn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=estin&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=en&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=wi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=peplanhmenoi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=eisin&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=tantia&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=d&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ekrinanto&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=demas&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=kai&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=shmat&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=eqento&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=chwris&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ap&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=allhlwn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=qi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=men&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=flogos&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=aiqerion&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=pur&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=hpion&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=on&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=meg&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=meg&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ewutwi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=pantose&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=twuton&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=twi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=d&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=eterwi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=mh&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=twuton&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=atar&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=kakeino&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=kat&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=auto&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=tantia&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=nukt&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=adah&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=pukinon&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=demas&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=embriqes&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=te&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ton&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=soi&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=egw&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=diakosmon&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=eoikota&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=panta&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=fatizw&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ws&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=ou&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=mh&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=pote&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=tis&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=se&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=brotwn&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=gnwmh&la=greekhttp://www.perseus.tufts.edu/hopper/morph?l=parelasshi&la=greekhttp://philoctetes.free.fr/uniparmenide.htm

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 43

    Par suite, si ltre est ternel, il est illimit ; sil est illimit, il nest nulle part ; sil nest nulle part, il nest pas.

    En ayant lesprit que Parmnide crit : II nest plus quune

    voie pour le discours, cest que ltre soit , et que, par l , il exis-te des preuves nombreuses de ce quil est inengendr et imp-rissable, universel, unique, immobile [23] et sans fin ,de ce quil na pas t et ne sera pas , de ce quil est maintenant tout entier, un, continu , Gorgias remet en question quil nest plus quune voie pour le discours, cest que ltre soit

    Cependant, le texte de Gorgias introduit ici une ellipse. Son ex-pos de lopposition ternel-engendr commence avec cette dernire phrase du paragraphe (68) o on lit et c'est par l qu'il faut commen-cer :

    , et ce, dans la mesure o il soulve les difficults que nous avons lues. Elles ne sont peut-tre pas aussi dcisives que Gorgias ne le prtend, mais elles exigent, tout au moins, certains claircissements de la part de Parmnide.

    (

    Ainsi, ltre nexiste pas : car si ltre est ternel (

    ), .

    cest par l quil faut commencer

    ), il na pas de commencement.

    Gorgias vient de terminer ce par quoi il faut commencer , soit que ltre est ternel . Sa conclusion ne peut aller au-del de ce seul point : ltre est ternel .

    En effet, rappelons-nous que Gorgias raisonne en modus tollens. Lantcdent est : si l'tre existe , qui est la contradictoire de : l'tre n'existe pas ; et les trois consquents possibles de cet ant-cdent, selon ce que soutient Gorgias, sont :

    soit ternel soit engendr soit les deux la fois.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 44

    Et, Gorgias a annonc quil rpondrait en niant chacun de ces trois

    consquents : il nest

    ni ternel, ni engendr, ni les deux la fois.

    Il vient, certes, de conclure sur le point : nest ni ternel . Il

    lui reste encore conclure sur les deux autres points : ni engen-dr et ni les deux la fois , avant de pouvoir en venir la nga-tion de lantcdent qui doit suivre : Ainsi, ltre nexiste pas.

    Venons-en donc au second point que Gorgias a annonc, et lisons ce quil crit dans son raisonnement en modus tollens propos du second des trois consquents possibles de lantcdent : si l'tre existe , contradictoire de : l'tre n'existe pas , selon ce quil sou-tient :

    soit ternel soit engendr soit les deux la fois.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 45

    ii. Ni engendr Lisons ce que Gorgias crit pour nier le second des trois cons-

    quents suivant :

    il nest

    ni ternel, ni engendr, ni les deux la fois.

    [24] Largumentation quil dveloppe ce propos se lit ainsi :

    (71) . , . , . .

    (71) En outre, ltre ne peut pas non plus tre engendr. Car sil a t engendr, cest partir de ltre ou partir du non-tre quil a t engendr. Or il na pas t engendr partir de ltre : car si ltre existe, il na pas t engendr, mais il existe dj ; ce nest pas non plus partir du non-tre, car le non-tre ne peut rien engendrer, puisque ncessairement ltre gnra-teur doit participer de lexistence. Donc, ltre nest pas non plus engendr.

    Avant de prendre connaissance de largumentation que dveloppe

    Gorgias, il convient, semble-t-il, de rappeler lenseignement que Parmnide propose cet gard :

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 46

    VIII [5] (...) ;

    ; ' . '

    [10] , , ; . ' ' ' ,

    [15] ' ' , , ( ), ' . ' ; ' ;

    [20] ', , ' . . , , , , ' .

    [25] . VIII [5] (...) Car quelle origine lui chercheras-tu ? Do et

    dans quel sens aurait-il grandi ? De ce qui nest pas ? Je ne te permets ni de dire ni de le penser ; car cest inexprimable et inintelligible que ce qui est ne soit pas. Quelle ncessit let oblig [10] plus tt ou plus tard natre en commenant de rien ? Il faut quil soit tout fait ou ne soit pas. Et la force de la raison ne te laissera pas non plus, de ce qui est, faire natre quelque autre chose. Ainsi ni la gense ni la destruction ne lui sont permises par la Justice ; elle ne relchera pas les liens [15] o elle le tient. [ L-dessus le jugement rside en ceci ] : Il est ou nest pas ; mais il a t dcid quil fallait abandonner lune des routes, incomprhensible et sans nom, comme sans vrit, prendre lautre, que ltre est vritablement. Mais comment ce qui est pourrait-il tre plus tard ? Comment aurait-il pu deve-nir ?

    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  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 47

    [25]

    [20] Sil est devenu, il nest pas, pas plus que sil doit tre un jour. Ainsi disparaissent la gense et la mort inexplicables. II nest pas non plus divis, car Il est partout semblable ; nulle part rien ne fait obstacle sa continuit, soit plus, soit moins ; tout est plein de ltre,

    [25] tout est donc continu, et ce qui est touche ce qui est. 21

    Pourquoi est-ce que ltre ne peut pas non plus tre engendr ? Pour dcouvrir la rponse cette question, il convient de soulever cet-te autre question : Si ltre en engendr, quelle origine lui cherche-ras-tu

    Cest exactement le chemin que prend Gorgias en nonant deux origines possibles :

    ? , comme lcrit Parmnide.

    Sil a t engendr, cest 1) soit : partir de ltre2) soit :

    partir du non-tre

    quil a t engendr.

    Pourquoi est-ce quil na pas t engendr

    1) partir de ltre(1a) si ltre existe,

    ? Parce que :

    (2a) il na pas t engendr, (3a) [puisquil] existe dj selon (1a).

    21 Le pome de Parmnide, traduction franaise de Paul Tannery : Pour l'histoi-

    re de la science hellne, de Thals Empdocle (1887). URL.

    http://philoctetes.free.fr/uniparmenide.htm

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 48

    Pourquoi est-ce quil na pas t engendr

    2) partir du non-tre

    (2a) le non-tre ne peut rien engendrer, ? Parce que :

    (2b) puisque ncessairement ltre gnrateur doit participer de lexistence, tel pos en 1).

    Et Gorgias conclut son paragraphe (71) ainsi : Donc, ltre

    nest pas non plus engendr. Pourquoi non plus ? Parce que Gorgias entend nier le second des trois consquents suivant : il nest

    ni ternel, ni engendr, ni les deux la fois.

    Or, ce second consquent vient aprs un premier : ni ternel ,

    quil vient de nier ; le non plus est ainsi justifi. De plus, Gorgias entend tre cohrent et, ici, il lest : il ny a pas dellipse comme dans le cas du ni ternel .

    Cependant, ce non plus ne risque-t-il pas dtre gnant pour lui, et ce, deux points de vue ? Dabord, la valeur de son argumen-tation repose entirement sur lantcdent 1a) ltre existe pour lhypothse 1) partir de ltre , et mme pour lhypothse 2) partir du non-tre . Cest dj passablement gnant. Ensuite, il y a pire. Que peut-il y avoir de pire ? Ce quil peut y avoir de pire pour quelquun qui entend attaquer la thse de Parmnide : II nest plus quune voie pour le discours, cest que ltre soit. cest daccrditer la thse attaque au cours de lattaque, et ce, pour prci-sment prtendre conduire lattaque son terme. Autrement dit, cest slancer en avant avec une fougue qui gne llan.

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 49

    [26] Or, cette accrditation ressort dautant mieux que, dans cette dis-

    cussion sur lengendr , Gorgias nonce son argument en ne rete-nant que lopposition partir de ltre et partir du non-tre

    Lisons, nanmoins, ce que Gorgias propose dans cette dernire voie : celle du ni les deux la fois .

    dans : Car sil a t engendr, cest partir de ltre ou partir du non-tre quil a t engendr. Il ne propose pas une troisime posi-tion faite des deux premires, comme au paragraphe (66) : ni non plus la fois ltre et le non-tre , ou comme au paragraphe (68) : ni les deux la fois .

    iii. Ni les deux la fois Rappelons que Gorgias raisonne en modus tollens. Lantcdent

    est : si l'tre existe , contradictoire de : l'tre n'existe pas ; et les trois consquents possibles de cet antcdent, selon ce que soutient Gorgias, sont :

    soit ternel soit engendr soit les deux la fois.

    Gorgias vient de nier les deux premiers de ces trois consquents :

    il nest

    ni ternel, ni engendr, ni les deux la fois.

    Il lui reste nier le troisime pour parvenir la ngation de

    lantcdent : Ainsi, ltre nexiste pas. cette fin, il crit :

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 50

    (72) ,

    , , , , . , .

    (72) De la mme manire, il nest pas non plus la fois ternel et engendr : ces deux propositions se dtruisent mu-tuellement ; si ltre est ternel, il ne peut avoir t engendr ; sil est engendr, il nest pas ternel. Ainsi, si ltre nest ni ternel, ni engendr, ni les deux la fois, alors, ltre nest pas.

    Le paragraphe (71) se terminait par la phrase : Donc, ltre

    nest pas non plus engendr. Au paragraphe (70), nous lavons vu, Gorgias terminait avec : Ainsi, si ltre est ternel, il nexiste en au-cune faon. , alors quil concluait en allant au-del du premier mem-bre de lopposition ternel-engendr, ce qui exigeait une correction limitant cette conclusion : Ltre nest pas ternel . Gorgias ve-nait ainsi de nier les deux premiers de ces trois consquents : il nest

    ni ternel

    , ni engendr

    ni les deux la fois. ,

    Son non plus , au paragraphe (71), consiste, comme nous

    lavons vu, prendre acte de ce que : il nest pas ternel, non plus quengendr . Et le paragraphe (72) souvre avec la phrase : De la mme manire, il nest pas non plus la fois ternel et engendr. La mme manire tient cette reprise de pas non plus . Soit ! Mais, au del de cette itration de la forme grammaticale, trouve-t-on aussi une mme manire quant au fond ?

  • Gilles Plante, Le dfi de Gorgias. (2013) 51

    [27] Il semble bien que oui, puisque Gorgias crit : ces deux propo-

    sitions se dtruisent mutuellement ; si ltre est ternel, il ne peut avoir t engendr ; sil est engendr, il nest pas ternel. Or, cest pourtant ce que nous venons de lire propos du non engendr , ce que nous voquions comme pire que gnant.

    Mais, Gorgias ne semble pas en tre gn ; il termine son para-graphe avec cette dernire phrase : Ainsi, si ltre nest ni ternel, ni engendr, ni les deux la fois, alors, ltre nest pas. Il semble mme satisfait davoir accompli son programme.

    Pourtant, la premire partie, ici soulign, de son antcdent : si ltre nest ni ternel, ni engendr sen trouve ananti. Et, dans Ni les deux la fois , il vient den anantir la seconde partie, ici souli-gn, de son antcdent : si (...) ni les deux la fois

    .

    iv. Conclusion sur Ni ternel, ni engendr, ni les deux la fois

    Gorgias proposait un raisonnement en modus tollens, avec

    lantcdent : si l'tre existe , contradictoire de : l'tre n'existe pa