le délit

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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill delitfrancais.com Le mardi 16 octobre 2012 | Volume 101 Numéro 05 Clayton est mort, longue vie à Clayton depuis 1977 Cahier Spécial: Conflits Internationaux AG de l’AÉUM p.3

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Édition du 16 octobre 2012.

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Page 1: Le Délit

Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

delitfrancais.com

Le mardi 16 octobre 2012 | Volume 101 Numéro 05 Clayton est mort, longue vie à Clayton depuis 1977

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AG de l’AÉUM p.3

Page 2: Le Délit

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318Rédacteur en chef [email protected] Nicolas QuiazuaActualité[email protected]étaires de rédaction Mathilde Michaud Camille Gris Roy Alexandra Nadeau Arts&[email protected] de section

Anselme Le TexierSecrétaire de rédaction

Anne PouzarguesSociété[email protected]

Fanny DeveauxCoordonnateur de la production [email protected]

Samuel SigereCoordonnatrice [email protected]

Lindsay P. [email protected]

VacantCoordonnatrice de la [email protected]

Myriam LahmidiCoordonnateur [email protected]

Mathieu Ménard CollaborationSimon Albert-Lebrun, Sophie Blais,

Louis Baudoin, Jonathan Brosseau, Karina Fortier, Sofia El Mouderrib, Katia Habra, Romain Hainaut, Alexie Labelle, Annick Lavogiez, Thy Anne Chu Quang, Doriane Randria, Valentine Rinner, William Sanger, Matthieu Santerre, Lily Schwarzbaum, Guy Sie, Jean-François TrudelleCouvertureImage : Lindsay P. CameronMontage: Lindsay P. Cameron

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6790

Télécopieur : +1 514 [email protected]

Publicité et direction générale Boris Shedov

Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert

The McGill [email protected]

Queen Arsem-O’MalleyConseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD)Nicolas Quiazua, Olivia Messer, Sheehan Moore, Erin Hudson, Joseph Henry, Matthew Milne, Farid Muttalib, Shannon Pauls, Boris Sheldov, Queen Arsem-O’Malley, Rebecca Katzman, Anselme Le Texier

le seul journal francophone de l’université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la repro-duction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 101 Numéro 05

2 Éditorial x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

É[email protected]

Le weekend dernier, du 11 au 14 octobre, la communauté des diplômé de McGill invitait les anciens élèves à l’occasion du weekend

de Retrouvailles 2012. Annoncé comme étant un moment de retrouvailles entre anciens et l’opportu-nité de découvrir les développements des dernières années, l’événement était aussi le moment propice pour l’administration de McGill de demander des fonds auprès de ses anciens élèves.

Inaugurée le 18 octobre 2007, la Campagne officielle de financement de McGill remplit préci-sément cet objectif avec comme cible l’amassement de 750M de dollars en dons privés. Ces dons consti-tuent le fond de dotation de l’Université. Marc Weinstein, Vice Président du dévelopement et des relations aux diplomés dans un entretien avec Le Délit, The McGill Daily et The Tribune vendredi der-nier, se disait content de voir l’Université atteindre et même dépasser cet objectif.

Selon le budget de l’Université en 2012, la valeur de marché totale du fond de dotation a augmenté de 10,4% depuis l’exercice financier de 2010 pour atteindre 849 millions de dollars et «devrait encore augmenter d›environ 11% pour l’exercice 2011». De plus, la recette annuelle des dons recueillis est passée d’environ $55.0M dans l’année financière de 2005 à 87 millions en 2012, soit un bond de 63%.

Selon Weinstein, les dons privés «joueront un rôle encore plus important dans les dix prochaines années».

Le privé et le système publicL’administration de McGill affirme depuis plu-

sieurs années dans son budget que «les universités financés au travers des fonds publics doivent diver-sifier leurs sources de revenus et augmenter le flux de [ces] sources». Ce qui, en d’autres mots, semble vouloir dire laisser une plus grande place au privé.

Sur son site web l›Université dit compter sur la «générosité des entreprises pour s’assurer de ce que nous ayons les ressources nécessaires» au point même d’avoir un bureau dédié à aider les fondations et les entreprises à donner à l’Université. Ces dons privés ne constituent pas un substitut aux fonds publics, mais servent plutôt à «accroître le standard d’excellence de l’Université que les fonds publics ne peuvent fournir».

Le VP a ajouté que l’universite « ne peut pas compter sur l’argent du gouvernement pour avoir une autonomie financière». Mais autonomie semble un grand mot sachant que 90% des revenus tirés du fond de donation sont investis selon les demandes spéci-fiques des donateurs.

Weinstein se refuse tout de même à dire que ceci puisse constituer une poussé vers une privati-sation de l’Université, surtout en sachant que «les dons des entreprises représente moins de 15% du total de dons recueillis à ce jour». Par contre, sur ce point, McGill ne fait aucune différence entre les dons individuels et les dons provenant des cadres supérieurs desdites corporations. «En fin de compte, c’est celui qui rédige le chèque» qui est considéré en tant que donateur.

Côté positif, sur les 849 millions, plus d’un quart (230 millions) est exclusivement destinée aux étudiants, sous formes de bourses d’études, de stages et de conseillers étudiants. Le reste est reparti dans les programmes de support (22%), la recherche (18%) et le support aux facultés (16%).

Politique d’acceptation des donsL’Université ne dispose d’aucune politique for-

melle par rapport à l’acceptation des dons. Les déci-sions éthiques sur ce sujet sont donc faites par Vice Principaux Academiques sur la base de bonne foi et de phrases telles que «on fait de notre mieux» et «basé sur le meilleur de nos connaissances».

Cette absence de politique véritable de dons, couplée avec le manque de transparence de l’iden-tité des donateurs, pourrait donner lieu à des pro-blèmes éthiques concernant l’acceptation de dons par l’Université. Weinstein affirme que l’Université a «déjà refusé des dons» et que, sous son mandat, aucun don relié à la recherche militaire n’a été accepté.

Il est vrai que McGill à déjà refusé des dons, tels qu’une offre en 1993 par Ryoichi Sasakawa, accusé de crime de guerre au Japon en 1945. (voir The Mcgill Daily, «Get dirty money out of McGill», Volume 99, Numéro 23). Par contre, sur l’absence de dons reliés à l’industrie militaire fait pendant son mandat, bien que ce ne soit pas totalement faux, Weinstein ne semble pas prendre en compte les dif-férentes aspects des entreprises.

Trois de celles-ci, ayant des branches explici-tement dirigées vers la recherche et production de matériel de défense, ont des engagements de dons à vie allant de 300 000 à un peu plus de 900 000 dol-lars. Leur implication dans le secteur de la défense est clairement indiquée sur leurs sites web respec-tifs en anglais:

Teradyne :«Nos équipements de test et produits

d›instrumentation contribuent à assurer la prépara-tion de missions de défense et de clients du secteur aéronautique en tous lieux.»3M :

«3M Défense se concentre sur la compréhen-sion et l’inclusion de tous les secteurs du ministère de la Défense et de la Sécurité iwntérieure.»Pratt and Whitney 

«Aujourd’hui, près de 11 000 moteurs mili-taires Pratt & Whitney sont en service auprès de 27 groupes armés dans le monde.» En guise de réponse, Derek Cassoff, directeur des com-munications du bureau du dévelopement et des relations avec les diplômés, souligne que «même si certaines de leurs opérations impliquent [la re-cherche] militaire», ces entreprises doivent être considérées comme des multinationales impli-quées dans de nombreux domaines de travail et de productivité.

«La plupart des gens, quand ils pensent à 3M, ne pensent pas à la recherche militaire», ajoute Doug Sweet, directeur des relations médias de McGill.

WikiLeaksFinalement, lors de l’entretien, la réaction de

l’administration face à la publication par McGill Leaks d’information sur les donateurs jusque là gardée confidentielle laisse entendre que l’impact a été beaucoup moins important qu’elle l’a laissé entendre l’année dernière. L’université avait alors menacé la Société de Publication du Daily avec une action en justice pour avoir publié un article incluant un lien vers le site.

Lorsque contactés d’urgence pour les informer de la fuite, les donateurs ont répondu à Weinstein «tout ça pour ça?!» x

Aumône, s’il vous plaît

Page 3: Le Délit

3Actualitésx le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Actualité[email protected]

AÉUM : Assemblée Générale Lors d’une assemblée mieux organisée qu’à l’habitude, les étudiants se sont positionnés sur deux motions, faute de quorum.

POLITIQUE CAMPUS

Un mur d’escalade pour les étudiants et le «Break Out Room» renommé, voilà les motions

adoptées lors de l’assemblée générale de l’AÉUM du lundi 15 octobre.

L’assemblée générale devait commencer à 16h30, mais le quorum requérant un minimum de 100 personnes n’étant pas encore atteint, le comité exécutif a d’abord commencé par rapporter ses activités. Le comité finance a notamment annoncé que le café géré par les étudiants devrait voir le jour d’ici la fin du semestre à McGill. Une fois le quorum atteint, à 17h53, l’ordre du jour de l’assemblée a pu être adopté.

Cette assemblée générale de l’AÉUM semblait être mieux organisée et plus supervisée qu’à l’habitude. En effet, pour une première fois, une table d’accueil vérifiait les cartes étudiantes et des bénévoles étaient identifiés pour répondre aux questions des participants durant la séance, rendant la rencontre plus accessible aux étudiants qui y sont moins habitués.

Toutefois, alors que les participants débattaient de la troisième motion, on a

demandé un recomptage et la présidence de l’assemblée a constaté la perte du quorum, transformant l’assemblée générale en organe consultatif. Dans ces situations, il est possible de reporter les motions pour une future assemblée et de voter sur les motions

sans qu’elles ne soient formellement adoptées. L’assemblée générale s’est donc poursuivie et les motions ont été débattues et votées symboliquement. Les deux premières motions votées avec quorum en début d’assemblée sont donc officiellement passées, tandis que les quatre autres ont été reportées au futur conseil de l’AÉUM.

Il est important de spécifier que les motions peuvent passer en assemblée générale, mais qu’elles ne sont pas pour autant adoptées officiellement. Celles ayant obtenu une majorité en AG doivent être soumises à la ratification en ligne où 10% des étudiants doivent voter afin d’avoir le quorum nécessaire, et où plus de 50% de ces étudiants doivent voter en faveur de la motion afin qu’elle puisse être officiellement adoptée.

La première motion concernait l’installation d’un mur d’escalade dans le bâtiment William Shatner afin de permettre aux étudiants d’améliorer leur condition physique et pour le plaisir d’y grimper entre leurs cours. L’aspect financier du projet a semblé être une préoccupation pour certains étudiants présents, mais les initiateurs de la motion ont assuré que les coûts avaient été évalués et seraient tous couverts. La motion a été adoptée avec une nette

majorité.La deuxième motion visait à

renommer le «SSMU Breakout Room» en l’honneur de Madeleine Parent, activiste pour l’égalité des sexes et des travailleurs sous Maurice Duplessis, femme décédée en mars 2012 et qui avait étudié à McGill pour son baccalauréat. La motion a été adoptée: 83 en faveur, 15 contre.

Malheureusement, le quorum a été perdu alors que l’assemblée était sur le point de voter pour la troisième motion qui voulait que l’AÉUM se positionne contre le développement des sables bitumineux canadiens. L’assemblée générale s’est poursuivie mais s’est transformée en organe consultatif. 100 personnes étaient toujours présentes, mais la règle exige qu’un maximum de 50% des gens présents puisse provenir d’une même faculté, ce qui était excédé à ce moment.

La quatrième motion visait à remettre de l’avant le soutien pour une éducation accessible, la cinquième motion visait à ce que l’AÉUM se positionne contre une intervention militaire en Iran et la dernière motion qui a été ajoutée en début d’assemblée voulait que l’AÉUM se positionne contre le Plan Nord. Ces 4 motions feront l’objet d’un vote lors du prochain conseil de l’AÉUM. x

Alexandra NadeauLe Délit

Le jeudi 11 octobre s’est tenu le troisième conseil législatif de l’année de l’Association

des Étudiants de l’Université McGill (AÉUM).

L’AÉUM innovait cette fois-ci en lançant une série de «conseils itinérants»: le conseil s’est réuni jeudi soir, non pas dans l’habituelle salle Lev Bukhman du bâtiment Shatner, mais au Campus Macdonald.

Ce n’est pas l’AÉUM qui représente les étudiants à Sainte-Anne-de-Bellevue, mais plutôt l’Association des Étudiants du Campus Macdonald. Le président de l’AÉUM, Josh Redel, a toutefois rappelé que les deux campus font partie de la même université et que plusieurs étudiants de Macdonald prennent part à des activités au campus du centre-ville (dans des clubs par exemple). La présence de l’AÉUM sur le campus Macdonald était donc pertinente.

Le conseil a débuté à 19h26 et a duré

un peu plus d’une heure. Une motion a été passée (à 21 contre

2, et une abstention) au sujet d’une question référendaire pour augmenter les frais de base de l’AÉUM aux profits du McGill Student Emergency Response Team. Cette équipe étudiante procure des services de premiers soins à la communauté mcgilloise et montréalaise. Les étudiants de McGill auront donc à décider pendant la période référendaire s’ils veulent oui ou non payer 0.50 $ de plus pour ce service.

Le vice-président aux Finances Jean Paul Briggs a annoncé que le budget de l’AÉUM est actuellement en cours d’élaboration. Il sera présenté au conseil législatif le 1er novembre prochain.

Haley Dinel, Vice-Présidente aux Affaires Universitaires, a apporté une clarification au sujet du programme d’Études Indigènes créé récemment. En principe, le programme a été approuvé, mais techniquement, il n’a pas encore été formellement approuvé par le processus de l’Université.

Le prochain conseil législatif de l’AÉUM aura lieu le jeudi 18 octobre. x

Camille Gris RoyLe Délit

Crédit photo: Lindsay P. Cameron

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AÉUM: Conseil législatifBRÈVE - CAMPUS

Page 4: Le Délit

4 Actualités x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Sommet de la FrancophonieMalgré des critiques, la RDC a été l’hôte du Sommet de la Francophonie 2012.

FRANCOPHONIE

Le 14e Sommet de la Francophonie s’est déroulé du 13 au 14 octobre en République Démocratique du

Congo (RDC), malgré de multiples dénon-ciations de violations de droits humains et de fraude électorale au sein du pays.

Le Sommet de la Francophonie réu-nit bi-annuellement les représentants de 75 états et gouvernements faisant par-tie de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Les membres se réunissent afin de définir l’orientation de la Francophonie à l’échelle mondiale. Le mandat de l’OIF couvre, entre autres:  le maintien de la langue française, l’éducation, l’égalité homme-femme, la diversité culturelle, la paix, la démocratie, les droits humains et le développement durable.

Le thème de cette conférence autom-nale était Francophonie, enjeux environne-mentaux et économiques face à la gouvernance mondiale. Le discours d’ouverture d’Abdou Diouf, secrétaire de l’OIF, était représentatif de ce thème. Il a profité de l’occasion pour dénoncer l’absence d’éthique et de régula-

tion de l’économie mondiale et pour sou-ligner les inégalités qui en découlent. Il a également critiqué l’inaction de la commu-nauté internationale par rapport aux vio-lations des droits humains dans de nom-breux pays et énoncé le besoin de réformer le conseil de sécurité des Nations Unies, le FMI et la Banque mondiale. En igno-rant ces problèmes, M. Diouf a affirmé que «nous mettons en danger le rôle et la stabi-lité de l’État et la vitalité de la démocratie, en même temps que la stabilité et l’avenir de la planète».

Selon Abdou Diouf, le Sommet de la Francophonie est preuve qu’en vue de cet engagement, les nations représentées croient en la valeur de la solidarité humaine au-delà des frontières. «Au moins avons-nous compris, de par la nature du lien ori-

ginal qui nous unit, que la famille humaine est une et indivisible», dit-il.

La question de violation des droits humains et d’instabilité politique a été abordée à plusieurs reprises au cours du Sommet, duquel trois pays étaient sus-pendus suite à une décision antérieure de l’OIF  (Madagascar, la Guinée-Bissau et le Mali). Lors de son discours, le président de la RDC Joseph Kabila a accusé des «forces négatives à la solde des intérêts extérieurs» de tenter de «déstabiliser notre pays dans la province du Nord-Kivu». Il faisait référence aux Forces Démocratiques de Libération du Rwanda, un groupe armé qui défend les intérêts des Hutus Rwandais réfugiés en RDC. M. Kabila a ajouté que malgré cette instabilité, le Congo «affirme sa vo-lonté d’être un État de droit, respectueux des principes de démocratie et des droits et libertés fondamentaux, conformément à la Charte de l’Organisation Internationale de la Francophonie».

Toutefois, certains représentants ont dénoncé les violations récurrentes des droits humains en RDC, ainsi que les ac-cusation de fraude électorale lors des élec-tions présidentielles de 2011: «J’hésitais à

être présent lors du Sommet [en raison des violations des droits humains], mais je suis content d’y être allé parce que j’ai pu ren-contrer des activistes congolais qui ont le courage d’exprimer leur opposition malgré les difficultés que cela implique ici», a dit le premier ministre canadien Stephen Harper sur les ondes de CBC News. Il a ajouté qu’il espérait que le prochain sommet se dérou-lerait «dans un pays qui promeut des va-leurs démocratiques». x

Karina FortierLe Délit

Crédit photo:Lindsay P. Cameron

Manif-éclair pour la langue françaiseLe Mouvement Québec Français proteste contre le Tribunal fédéral de l’immigration.

MONTRÉAL

Le trottoir situé devant le tribunal fédéral de l’immigration à Montréal – aussi connu sous le

nom de Commission de l’Immigration et du Statut de Réfugié (CISR) – a accueilli le mardi 9 octobre une manifestation-éclair, organisée par le Mouvement Québec Français (MQF). Le choix du lieu n’a pas été laissé au hasard: la manifestation avait comme principale revendication de dénoncer des restrictions à l’usage du français imposées par ce même tribunal. Plus précisément, le regroupement a mis de l’avant un cas où la CSIR avait refusé la demande d’interprète faite par un demandeur d’asile, afin que son avocat Me Stephane Handfield puisse plaider en français.

Mario Beaulieu, président du MQF, s’est exprimé devant la soixantaine de personnes présentes: «C’est inacceptable qu’on soit obligés de descendre dans la rue pour qu’une institution fédérale respecte le français». Monsieur Beaulieu a souligné le fait que ce n’était pas la première fois qu’une telle situation se produisait (le tribunal a déjà été rappelé à l’ordre par le Commissaire aux langues officielles) et a proposé l’application de la loi 101 aux institutions sous juridiction fédérale. Ses propos ont pris un air indépendantiste lorsqu’il a déclaré: «le refus du gouvernement à nous reconnaître comme nation indique que l’indépendance du Québec semble être le seul moyen pour assurer l’avenir du français».

Mario Beaulieu a tenu à rappeler un

principe de la Charte des droits et libertés de la personne: «Tous les peuples ont le droit d’assurer l’avenir de leur culture, et donc de leur langue». L’avocat Stephane Handfield, présent lors de l’événement, a ensuite pris la parole. Il a lui aussi souligné l’importance de cette cause au-delà du cas particulier de son client, qui a finalement eu gain de cause face au tribunal qui a reculé sur sa décision en lui fournissant un interprète. La bataille fut remportée selon lui grâce aux nombreuses pressions portées

sur l’institution fédérale, notamment de la part du MQF. Il a déploré le fait «qu’un avocat à Montréal doit se battre pour pouvoir plaider en français, alors qu’un avocat à Toronto peut facilement travailler en anglais».

Le français et McGill, un autre débat non résolu

Comment les universités anglophones au Québec sont-elles perçues par le MQF et les fervents partisans de la langue française? Le Délit

a demandé au président du MQF de s’exprimer sur la présence de grandes universités anglophones à Montréal telles McGill. «Nous ne nous opposons pas au financement d’universités anglophones par le gouvernement du Québec. Ce que nous voulons c’est que ce financement soit fait de façon équitable». Selon Mario Beaulieu, les universités anglophones reçoivent trois fois plus de financement  proportionnellement à leurs effectifs par rapport aux universités francophones. x

Sophie BlaisLe Délit

Crédit photo: Collabration Spéciale

«Le Sommet de la Francopho-nie réunit bi-anuellement les pays de l’Organisation Inter-nationale de la Francophonie (OIF).»

Page 5: Le Délit

5Actualitésx le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

La politique extérieure de Stephen HarperL’activiste politique et auteur Yves Engler s’insurge contre le gouvernement conservateur.

POLITIQUE FÉDÉRALE

«Stephen Harper a reçu à New York le prix d’Homme d’État de l’année. Moi je lui donne un

autre prix, le Prix Richard Nixon». C’est sur cette note ironique que l’activiste politique Yves Engler a lancé mardi dernier sa confé-rence sur la politique extérieure du gouver-nement Harper.

Yves Engler est l’auteur de plusieurs livres sur la politique canadienne (notam-ment la politique extérieure). Son plus récent ouvrage, The Ugly Canadian: Stephen Harper’s Foreign Policy a été publié en sep-tembre dernier.

Le 9 octobre dernier, Yves Engler était invité à discuter de son livre à l’Université Concordia. L’événement était comman-dité par l’École des Affaires Publiques et Communautaires de Concordia et l’organi-sation Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient (CJPMO). Le collectif Action Citoyenne était également associé à la conférence.

Féroces critiquesLa discussion a tourné autour des

principales caractéristiques de la politique étrangère de Stephen Harper et de ses «cri-mes contre l’Humanité».

Selon Yves Engler, cette politique est trop «militarisée». À titre d’exemple, l’acti-viste a cité l’Afghanistan, la Libye, et surtout l’Iran. «On est actuellement dans un état de “guerre” de bas niveau avec l’Iran». «Mais la situation est bien plus répressive en Arabie Saoudite qu’en Iran. Pourtant, le Canada entretient actuellement de bonnes relations avec les Saoudiens», a fait remarquer Yves Engler. Selon lui, la politique des conserva-teurs est pleine de «contradictions».

Le gouvernement est aussi beaucoup

trop «pro-Israël». Yves Engler a mentionné le fait qu’un citoyen canadien peut mainte-nant recevoir un crédit d’impôt pour avoir fait un don aux colons israëliens, mais qu’il est illégal de soutenir financièrement la cause palestinienne lorsqu’elle est en lien avec des organisations comme le Hamas.

Le Canada sous Harper devient éga-lement de plus en plus «anti-ONU», selon Yves Engler.

«Quand on parle des crimes contre l’Humanité de Harper, le crime qui concer-ne l’environnement est l’un des plus gra-ves». Le Canada est le premier pays à s’être retiré du Protocole de Kyoto. Pour Yves Engler, le gouvernement porte bien plus d’attention au profit des grandes compa-gnies, notamment des compagnies miniè-res, qu’à la protection de la planète.

«La situation est terrible. Alors qu’est-ce qu’on fait?», a demandé Yves Engler après avoir exposé les grands problèmes. Il a alors souligné l’importance de «défier» le gouvernement, de le «critiquer» et de «pro-tester». La politique extérieure des conser-vateurs a des conséquences en sol canadien (les citoyens dépensent plus d’argent pour le militaire que pour la santé, par exem-ple), mais a également des conséquences à l’étranger. Il en va donc de la responsabilité des Canadiens de changer les choses. «Vous êtes tous ici pour faire une différence. Ne soyez pas découragés», a-t-il déclaré à l’as-semblée présente.

Quelle réponse à ces accusations?Le président de Conservative McGill

Brendan Steven connaît Yves Engler de réputation. Mais n’ayant pas lu son dernier livre, il n’a pas pu y répondre directement.

À propos de la politique étrangère de Harper en général, Brendan Steven croit que «ce gouvernement est différent et doit avoir une politique étrangère différente, qui

diffuse les valeurs canadiennes à l’étran-ger».

En particulier, pour ce qui est de la «militarisation» de la politique étrangère pointée du doigt par Yves Engler, Brendan Steven croit que l’ancien gouvernement libéral n’a pas assez porté attention aux for-ces militaires. «Notre gouvernement se doit donc maintenant d’être plus attentif».

En ce qui concerne l’environnement, Conservative McGill pense que le gou-vernement a adopté une bonne politique, compte tenu du fait qu’on est dans une période de «récession» et qu’il faut donc

trouver «un équilibre pour à la fois créer de l’emploi, permettre aux industries cana-diennes de prospérer, et assurer la protec-tion de l’environnement». «Certaines régle-mentations sont inutiles et contreproducti-ves», a déclaré Brendan Steven. x

Camille Gris RoyLe Délit

Crédit photo: Matthieu Santerre

La lutte qui avait été entamée par l’Office Québécois de la Langue Française (OQLF) et certaines mul-

tinationales en mai dernier se concrétise à présent. Des compagnies multinationales se lancent dans une poursuite judiciaire, qui n’en est qu’à ses débuts. Alors que l’affichage des marques de commerce en anglais était toléré depuis près de dix ans,

nombreuses sont les compagnies qui sont surprises, voire frustrées par un revirement de situation. L’OQLF fait planer la menace d’amendes pouvant s’élever jusqu’à 20 000$ ainsi que la perte du certificat de francisation pour les compagnies et dé-taillants qui ne se soumettraient pas à la demande d’ajouter un descriptif français à l’affichage de la marque de commerce.

Plusieurs sont ceux qui s’étonnent de la demande de l’OQLF, car ni la loi ni le règlement n’ont changé depuis l’obten-tion de leur certificat (obtenu depuis par-

fois plus de 10 ans). À cela l’OQLF répond que ça fait des années que les conseillers à la francisation ont soulevé la question. Depuis quelques années des campagnes de sensibilisation ont été mises sur pied par l’Office mais «[c]’est sûr que si à un moment donné, la souplesse et la sensibi-lisation ne fonctionnent plus, il faut passer à une autre étape», a affirmé le porte-pa-role Martin Bergeron lors d’une entrevue au quotidien Le Devoir. Six grandes com-pagnies ont cependant décidé de ne pas se laisser marcher sur les pieds. Best Buy,

Costco, Gap, Old Navy, Guess et Wal-Mart se sont regroupés et ont fait appel à la Cour supérieur pour juger la légi-timité de l’OQLF d’exiger l’ajout d’un descriptif français. La lutte s’annonce difficile. Comme le dit Nathalie St-Pierre, vice-présidente pour le Québec du Conseil Canadien du Commerce de Détail, en obtempérant, les compagnies pourraient remettre en question l’intégrité de leurs marques et livreront une bataille acharnée à l’OQLF et à sa nouvelle interprétation de la loi 101. x

La guerre des affichesBRÈVE

Mathilde MichaudLe Délit

Le journalisme vous intéresse? Collaborez avec [email protected]

Yves Engler est actuellement en tournée partout au Canada pour parler de son livre et dénoncer la politique extérieure du gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Page 6: Le Délit

6 Actualités x le délit · le mardi 16 octobre 2012· delitfrancais.com

Dans le cadre du  mois de la «sensibilisation à la cybersécurité» le service des

Technologies de l’Information (TI) de McGill propose trois ateliers d’initiation aux menaces de l’Internet. Le premier atelier (10 et 11 octobre) consistait en un aperçu des différents types de menaces auxquelles un individu fait face au quotidien. Les prochains (17-18 et 24-25 octobre) seront axés sur la protection individuelle et la protection des serveurs administratifs mcgillois.

Les statistiques sont effroyables. Les attaques sur Internet et notamment les vols d’identité sont en croissance exponentielle partout dans le monde. L’utilisateur moyen n’a pas la moindre idée de l’ampleur du danger auquel il s’expose simplement en surfant sur le web, en étant connecté sur Facebook ou en se promenant avec le WiFi de son téléphone intelligent activé dans sa poche.

Par exemple, un étudiant dans un cours de systèmes informatiques présent à la rencontre explique comment il a un jour créé avec quelques lignes de code

une fausse interface MSN. Il avait ainsi récolté tous les noms d’utilisateurs et mots de passe entrés sur le serveur de son école. Il n’a heureusement rien fait des

données, mais la simplicité avec laquelle l’adolescent inexpérimenté qu’il était les a récoltés donne matière à réfléchir.

Aujourd’hui, il est difficile d’échapper au monde digital qui touche chaque aspect de notre vie: communication, finances, transports, santé, éducation, etc. Le principe de «bout à bout» d’Internet, ou le fait que «l’intelligence» du réseau Internet est aux extrémités - donc dans les mains des utilisateurs - et non pas au sein même du réseau, nous donne à chacun une part importante de responsabilité face au problème de la sécurité digitale. Il fait aussi de nous – en tant qu’individus – des cibles de choix. Selon l’Association des Banquiers Canadiens, «les banques et autres organisations ont mis en place des systèmes de sécurité de pointe qui sont très difficiles à percer. Pour cette raison, les criminels en ligne essaient plutôt d’obtenir directement les renseignements personnels et confidentiels de la part des Canadiennes et des Canadiens inconscients du danger».

Nous - et 95% de notre entourage- sommes des utilisateurs vulnérables. Beaucoup d’internautes ont des questions de sécurité (bancaire, administrative, etc.) très générales telles que «quel est le nom de jeune fille de votre mère?», «quel

école secondaire avez-vous fréquentée?», «dans quelle ville êtes-vous né?». Il est facile pour une personne, même peu expérimentée en informatique, de récolter les réponses à ces questions dites «personnelles».

Sans forcément tomber dans une paranoïa paralysante, les ateliers organisés par les services techniques de McGill font prendre conscience de ces problèmes et appellent à la responsabilité de chacun. x

Valentine RinnerLe Délit

Crédit photo: Romain Hainaut

La lutte continue à l’UQAMRetour sur la grève étudiante de 2012 et discussions sur le futur du mouvement.

SYNDICALISME ÉTUDIANT

Les 13 et 14 octobre s’est tenu à l’UQAM le Forum sur le Syndicalisme Étudiant, une plate-

forme de discussion destinée à informer les étudiants militants du Québec sur le syndicalisme et la possible continuation du mouvement étudiant. Ce Forum, organisé par l’Association Facultaire Étudiante des Sciences Humaines (AFESH) de l’UQAM était également destiné à promouvoir rencontres et discussions entre les différents militants présents.

Frank Lévesque-Nicol, un des organisateurs de l’événement, soutient que ce forum est une «opportunité de se rencontrer, de discuter, de former des réseaux pour envisager de lutter». Il ajoute que «le plus gros gain que puisse avoir une lutte, c’est celui d’éveiller les gens».

Dans une atmosphère de camaraderie plutôt détendue, de nombreux conférenciers ont pris la parole. Certains provenaient de diverses associations étudiantes, comme Camille Robert de la CLASSE. D’autres, aux allures plus marxistes comme Richard St-Pierre du Groupe Internationaliste ouvrier, étaient aussi présents. Et, plus généralement des étudiants étaient venus partager leur opinion sur la grève ou le syndicalisme.

Dans le public, qui est passé de 80 personnes présentes dans la matinée

à 150 dans l’après-midi, on pouvait compter de nombreux étudiants venus d’universités et cégeps de Montréal et d’ailleurs au Québec. Mais le public n’était pas uniquement composé d’étudiants. Professeurs, représentants de diverses associations et même militants

de la dernière heure étaient également présents.

Pour Jacques Yves-Roy, étudiant au cégep de Maisonneuve, «c’est bien de faire un retour justement sur ce que c’est le syndicalisme étudiant, sur ce qu’on a fait, sur ce qui n’a pas marché».

Le forum comprenait entre autres des

ateliers sur l’histoire des luttes étudiantes au Québec, des discussions sur la grève sociale ou encore sur «quoi faire» après et en dehors du mouvement étudiant. Si les divers ateliers et panels était menés par les différents orateurs, le but était cependant de promouvoir une discussion entre les

personnes présentes, la discussion étant le pilier central de cette rencontre.

Les participant-es faisaient plutôt partie de la branche plus à gauche (voire radicale) du mouvement étudiant (presque «jusqu’au-boutiste»). Pour la plupart des personnes au Québec la grève est finie, mais l’idée dominante du

forum était justement la continuation de la lutte sociale jusqu’à la gratuité scolaire demandée entre autres par la CLASSE. Richard St-Pierre affirme que «bien qu’il y ait eu une suspension de la hausse, la grève a été étouffée».

Le débat était d’ailleurs plutôt dominé par les partisans de la Coalition Large de l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (CLASSE) et une certaine distance était gardée avec la Fédération Étudiante Collégiale du Québec (FECQ) ou la Fédération Étudiante Universitaire du Québec (FEUQ), ainsi qu’avec le Parti Québécois. En effet, aucun des représentants de ces dernières n’étaient présents. Lors du premier atelier, qui portait sur l’histoire du mouvement étudiant au Québec de 1960 à 2012, Camille Robert, co-porte-parole de la CLASSE, a souligné la rupture entre la CLASSE et d’autres associations étudiantes: «la rupture avec la FECQ et la FEUQ est très nette. Les fédérations étudiantes se sont collées sur le Parti Québécois depuis son élection, je pense qu’on ne peut plus compter sur elles en tant qu’alliées». Elle a ajouté que «le Parti Québécois n’est pas un allié mais un adversaire».

Quoi qu’il en soit, le Forum sur le Syndicalisme Étudiant a réuni de nombreux militants de tous âges et groupes, et a confirmé que l’UQAM est bien le centre du mouvement étudiant au Québec et le point de rassemblement pour ses militants. x

Louis Baudoin-LaarmanLe Délit

McGill et la «cyber-sécurité»Le Service des Technologies de l’Information de McGill en appelle à la responsabilité des internautes.

CAMPUS

Crédit photo: Lindsay P. Cameron

Pour de l’information sur les prochaines séances:

- McGill ICS Service Desk: [email protected] ou 514-398-3398http://www.mcgill.ca/it/information-security/workshops

Quelques sites recommandés reliés au sujet :- Gouvernement du Canada: www.pensezcybersecurite.gc.ca- SANS Institute: www.securingthehuman.org - www.stopbadware.org- www.stopthinkconnect.com

«Nous - et 95% de notre entourage - sommes des uti-lisateurs vulnérables.»

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7Actualitésx le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Crédit photo: Lily Schwarzbaum

Depuis 7 ans, tous les 4 octobre se rassemblent les familles et amis des femmes autochtones

disparues et assassinées partout à travers le Canada. L’événement a été initialement créé par Bridget Tolley afin de commémorer la mort de sa mère tuée par une voiture de police de la Sûreté du Québec en 2001. L’enquête qui avait suivi la mort de Gladys Tolley avait choqué sa famille et ses amis par son manque de rigueur et d’objectivité. Effectivement, plutôt que de contacter le poste de police du village dans lequel l’accident s’était produit, les policiers avaient plutôt appelé leur propre poste de police et l’enquête avaient été menée par le frère du conducteur de la voiture. De nombreuses démarches avaient été entreprises par la famille de la victime afin de mieux comprendre les circonstances de l’accident, mais au final elles ont toutes échoué, en raison entre autres du refus du gouvernement de tenir une enquête indépendante sur la mort de leur mère. C’est dans ces circonstances qu’a été mise sur

pied la marche de  Sisters In Spirit qui vise à mettre en lumière le manque d’éthique déontologique des unités policières envers les communautés amérindiennes, plus particulièrement auprès des femmes. Cette année, il y aura au moins 158 marches différentes au Canada et partout ailleurs dans le monde qui seront dédiées à la cause des femmes autochtones. C’est le plus grand nombre de marche enregistré depuis le début du mouvement.

La marche de Montréal a considérablement grossit depuis sa première édition en 2006, alors qu’une trentaine de manifestants s’étaient rassemblés à la place Émilie Gamelin. En cette 7e édition, près de 300 participants, dont au moins une trentaine d’étudiants de McGill, se sont regroupés, encore une fois à la place Émilie Gamelin pour une manifestation qui a débuté par les chants des Buffalo Hat Singers, un groupe de musique Pow Wow contemporain. Une série de discours se sont succédés et la marche a ensuite débuté. Rythmée par les voix et tambours des participants, la marche a paisiblement traversé une partie du centre-ville pour se conclure à la place Philippe où la foule s’est

recueillie durant de nombreuses minutes en silence, éclairée aux chandelles. Par la suite, il y a eu quelques autres discours et les manifestants se sont finalement calmement dispersés. L’événement s’est terminé sans qu’il n’y ait eu d’accrocs.

La tenue de cet événement revêtait une très grande signification pour plusieurs des participants. Le cas de Gladys Tolley n’est pas unique. Depuis 1980, plus de 600 femmes autochtones ont été portées disparues, rapportent les porte-paroles de Missing Justice, un groupe de solidarité collective basé à Montréal qui a pour but d’éliminer la violence et la discrimination envers les femmes autochtones du Québec. Amnistie Internationale soutient aussi la cause, rappelant que les problèmes de discrimination, autant dans les pensées qu’à l’intérieur même de nos lois, sont un problème. Dans son discours à la foule, Nina Segalowitz, une artiste autochtone, rappelle finalement qu’il est important de protéger les femmes, car «ce sont elles qui donnent la vie, elles qui transmettent la tradtion» et elle appelle les hommes à protéger leurs soeurs, leurs filles et leurs femmes. x

Sisters in SpiritRassemblement pour les femmes autochtones disparues et assassinées.

MONTRÉAL

Mathilde MichaudLe Délit

Vous avez peut-être aperçu des spor-tifs bariolés samedi matin… Ne vous étonnez plus!

La course annuelle The Color Run™ a eu lieu samedi dernier. Depuis 2011, cette organisme organise des courses de 5km dans 50 villes des États-Unis, 8 villes en Australie, 2 au Brésil et à Montréal.

Le but de cette course est d’être les 5km les plus heureux, colorés et fous de sa vie. Il y avait la possibilité de le courir en solo ou de former une «équipe de cou-leur».

Les trois règles sont simples: tous les participants sont les bienvenus: rapides, lents, coureurs, marcheurs de tous âges. Tous les participants doivent porter un chandail complètement blanc à la ligne de départ officielle et, prêts à bouger à 08:30, être complètement colorés à la ligne d’ar-rivée. Les coureurs ont pu récupéré leur matériel la veille de la course: bandeau pour les cheveux et tee-shirt à l’effigie de l’événement, numéro de coureur, et pour la partie amusante: de la poudre colorée et des tatouages.

Teresa Gerner confie au Délit: «Je me suis rendue compte que ça al-lait être vraiment une super course quand j’ai ouvert mon sac et décou-vert la poudre!  Et la course était exacte-ment comme je l’avais imaginée: super!» Dans la fraîcheur matinale montréalaise, l’île Notre-Dame se réveille: les premiers

arrivés sont là, la musique démarre. À 9h pétantes, des milliers de coureurs s’élancent sur les bords de l’eau. Jusqu’à 10h30, des

salves de coureurs ont franchi la ligne de départ d’où on voit déjà la première station de repos: le jaune. Le ton est donné: le but

n’est pas d’arriver mais de profiter du tra-jet, pas la performance mais la course en elle-même. Les «danseurs-marcheurs» sur la droite et les coureurs sur la gauche. On assiste à une espèce de défilé hétérogène: des jeunes filles en tutu, des quinquagé-naires en costume, une vieille dame et ses petits enfants qui marche, un adolescent en costume de dinosaure. La Color Run c’est vraiment pour tout le monde.

Au total quatre arrêts: jaune, orange, bleu et rose où les coureurs peuvent s’arrê-ter plus au moins longtemps pour se faire colorer.

Des bénévoles attendent à chacune des quatre stations pour asperger les spor-tifs de poudre colorée. Charlotte Delon, bénévole à la station bleue, partage son expérience avec Le Délit: «je ne cours pas, donc j’ai préféré aider à l’organisa-tion vu que mes amis y participent aussi. L’ambiance est sympa mais ce que je pré-fère, c’est voir comme tous les partici-pants s’éclatent. Tout le monde sourit!». À l’arrivée, une estrade avec de la musique très forte, gérée par DJ Abeille, et un jet de couleur toutes les 15 minutes.

La Color Run représente une expérience unique, l’occasion de se dépenser tout en profitant du ciel bleu montréalais et c’est en plus une bonne action! En effet, les profits de l’événement sont versés à la Fondation des Canadiens pour l’enfance. D’ailleurs, la mascotte des Canadiens, Youpi, était là pour mettre l’ambiance après la course.

Si vous avez raté la Color Run 2012, ne manquez pas celle de l’an prochain! x

La course des couleursUne course amusante au profit de la Fondation des Canadiens pour l’enfance.

MONTRÉAL

Crédit photo: Fanny Devaux

Fanny DevauxLe Délit

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8 Société x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Société[email protected]

J’ai mal à ma fédérationet c’est peu dire.

J’ai toujours eu la volonté de défendre la fédération cana-dienne aux yeux de la souverai-neté québécoise. J’ai longtemps résisté à la tentation passagère de perdre la foi et de me transfor-mer en transfuge malgré moi. En

vain, je suis devenue une fédéra-liste molle.

«Assez, c’est assez» a dépassé le seuil de son dire. Voilà pour-quoi je vous invite à me suivre et à rejoindre le camp des fédéralistes mous.

Mais comprenez-moi bien, être une fédéraliste molle n’im-plique pas pour autant un change-ment de camp radical. S’identifier ainsi stipule au contraire une ambivalence inévitable dans le paysage politique actuel.

Certitude numéro un: Stephen Harper n’est pas un fédéraliste. Disons simplement qu’il milite pour les profits alber-tains, ainsi que pour avoir son nom en gras à la page deux du recueil sur le «Nouveau Canada», en tant que premier Empereur du Oh-Canada-terre-de-nos-sables-bitumineux. Fervent défenseur de la fédération canadienne, Pierre-Elliott Trudeau doit pré-

sentement se retourner dans sa tombe.

Certitude numéro deux: Stephen Harper ignore la démo-cratie. Vous avez eu vent de la rentrée parlementaire? Comme l’a rapporté Aaron Wherry dans le Maclean’s, le gouvernement conservateur s’est apparem-ment passé le mot d’attaquer Thomas Mulcair par rapport à une supposée taxe sur le car-bone. Subséquemment, à chaque question de l’opposition, on rétorque avec cette taxe. Par exemple, lorsque la députée néo-démocrate Linda Duncan a questionné le gouvernement Harper concernant ses dépenses publicitaires, Tony Clement a exigé de Madame Ducan qu’elle s’excuse sur l’imposition de cette soi-disant taxe. On se croirait aux Parlementeries.

Certitude numéro trois: Pauline Marois ne fera pas la sou-

veraineté québécoise. Surprise! Alors pourquoi ne pas tronquer le fédéralisme et se joindre aux rangs péquistes? Après tout, avec la taxation rétroactive, les riches vont déguerpir; puis, avec la fer-meture de Gentilly-II, une coa-lition opportuniste verra le jour entre les Libéraux et les Coalisés. Autrement dit, l’indépendance du Québec n’est pas pour de-main.

Certitude numéro quatre: le Québec n’est pas Stephen Harper. Fini le déni. Voyons la réalité telle qu’elle est: une pro-vince orange dans un pays bleu. On dirait presque une œuvre de Claude Monet. Or, comme l’impressionnisme, qui se défi-nit par des impressions fugi-tives, les fédéralistes québécois et francophones doivent fuir une fédération expirée et désuète.

***

C’est alors avec jubilation que j’ai accueilli les propos de Justin Trudeau qui a déclaré intempestivement qu’il préférerait un Québec souverain à un Canada sous Stephen Harper. Et dans cette optique s’inscrivent les sages paroles de la députée néo-démocrate Hélène Laverdière, telles que prononcées lors d’une entrevue accordée au Délit: «J’ai mal à ma démocratie». (Volume 101, Numéro 20, 13 mars 2012)

Somme toute, la situation politique à Ottawa sert malen-contreusement de catalyseur souverainiste. Bien que je refuse de croire que la souveraineté québécoise ne puisse se réaliser que sur des bases contextuelles, je ne peux nier que je suis enfin devenue une fédéraliste molle.

À tous mes amis incertains de ce coming-out soudain, je vous réponds sereinement : «Advienne que pourra ». x

Je suis une fédéraliste molleAlexie Labelle | Court-circuit politique

toUtES lES médEcinES alternatives dites «douces» sont tendances. On voit en général d’un bon œil tout ce qui est «na-turel» et donc moins «chimique» que la thérapie par médicament. L’homéopathie, par exemple, génère annuellement environ 3 milliards de dollars aux États-Unis. Il ne s’agit donc pas de pratiques occultes, bobos ou païennes, mais de thérapies très répandues en occident. Je m’ex-plique ce phénomène de trois façons:

La traditionLes humains ont pris l’habitude

de partager leurs connaissances et observations de la nature

aux générations suivantes. Ainsi, avant l’avènement des sciences, les observations de l’effet de certaines plantes sur la fièvre, les plaies, ou encore les cheveux, étaient partagées à tout le monde et particulièrement aux générations suivantes. Que ce soit de mères en filles ou de chaman en apprentis, la guérison empiriquement prouvée dans une population suffisait à convaincre. De nos jours, ce peut être notre ami ou un professionnel qui conseille des médecines alternatives. Que l’acuponcture aide des gens depuis des milliers d’année arrive même à convaincre les plus sceptiques comme moi. Que la science ne soit pas arrivée à démontrer son efficacité ne la proscrit pas forcément.   

La détresse du maladeFace à la maladie, et parti-

culièrement à la souffrance, un individu cherche à optimiser ses chances de guérir. Je crois que cela tient de l’instinct de survie. S’il y a la moindre possibilité qu’une méthode arrive à soula-ger la douleur et ainsi à apaiser l’âme, chacun s’y laisserait tenter. Surtout si c’est sans risque.

Les dérapages de la médecine moderne

Le système de santé actuel

doit être mis en cause dans la popularité des méthodes alter-natives. En fait, c’est même la philosophie de la médecine moderne qui met l’accent sur le traitement plutôt que sur le pa-tient. Les médecins n’impliquent pas suffisamment le patient dans le traitement. Combien de gens savent réellement la teneur et le but des médicaments qu’ils prennent? Connaissent-ils les risques encourus et les bénéfices engrangés? Un patient atteint de cholestérolémie, d’hypertension, de constipation chronique, d’in-somnie ou de diabète sait-il qu’en faisant de l’exercice de façon heb-domadaire et qu’en changeant son alimentation il n’aurait plus à consommer des médicaments et à en subir les effets secondaires? Le patient voulant s’impliquer dans sa santé ira donc vers les produits de santé naturels pour se sentir maître de son corps.

L’accès restreint à un méde-cin de famille peut également être une des raisons. C’est avec ce professionnel qu’une fois par année, au moins, nous pou-vons discuter longuement des choix de thérapies, des alterna-tives approuvées par la science (chiropractie, physiothérapie, diététique), des enjeux et de notre implication dans ces traitements.

Nombreux sont ceux et celles qui voguent d’un médecin à l’autre, d’une clinique de sans rendez-vous à l’autre, sans suivi régulier.

Mais à trop dénigrer la mé-decine moderne, on tombe dans l’encensement des méthodes alternatives qui, elles aussi, com-portent leur lot de problèmes. D’abord, les diverses substances qualifiées de «naturelles» sont des molécules actives dans le corps au même titre que les mé-dicaments. Nos cellules ne font pas la distinction à savoir si la substance provient d’une plante ou d’un laboratoire. Les effets secondaires existent, les interac-tions avec d’autres médicaments aussi.

De plus, les charlatans pro-fitent de la souffrance des malades. Dans ce cas-là, les connaissances ne sont plus fa-miliales et dans un contexte de consumérisme et d’appât du gain, il est facile de flouer les gens.

Un mélange des genresL’émission Une heure sur terre

que l’on pouvait écouter vendredi dernier sur les ondes de la SRC proposait un excellent reportage sur le système de santé français. J’ai été étonnée d’apprendre, vers la 25e minute de l’épisode, qu’un médecin de famille prescrivait de l’homéopathie... Le reporter

souligne aussi qu’ils sont 15 000 médecins à pratiquer à la fois la médecine moderne et une médecine alternative.

Je trouve qu’il s’agit là d’un mélange des genres présentant un problème éthique. D’un côté, le médecin bâtit sa réputation sur le consensus social qu’est la science. On trouve une molé-cule, on la teste, on en expose les limites et les conséquences de façon chiffrée, puis on auto-rise les médecins à l’utiliser. De plus, l’acte médical est imputable. Si le docteur prescrit trop ou mal, il y a des chiffres, des références pour affirmer qu’il a mal fait.

D’un autre côté, le médecin se base sur des croyances, des simi-lis de preuves scientifiques et des dosages infondés. Aucun consen-sus social n’appuie ces méthodes et on ne peut imputer le médecin puisque, sans données scienti-fiques, on ne peut affirmer qu’un tort causé à une personne est dû à la thérapie alternative.

  Dans une société, il peut y avoir une cohabitation des méde-cines alternative et moderne. Le choix existe et l’offre est là, mais mêler références scientifiques et croyances, qu’elles soient fondées ou infondées, ne peut que nuire au patient et à la médecine en général. x

La médecine alternativeSofia El-Mouderrib | Science Ça!

CHRONIQUE

Page 9: Le Délit

Cahier Special

Conflits Internationaux

v

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2 Cahier Spécial x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Contre une guerre en IranLes étudiants de McGill se préparent à une éventuelle guerre.

CONFLITS INTERNATIONAUX

Alexandra NadeauLe Délit

Mercredi le 3 octobre, un teach-in sur le campus de McGill a donné le coup d’envoi pour

une mobilisation contre la guerre en Iran.   Assis en rond, à côté des kios-ques bruyants de l’association Right to Play, une cinquantaine de personnes se sont retrouvées à l’Intersection Y afin de discuter d’une nécessité de se mobiliser contre une éventuelle guerre en Iran.

Sur la page Facebook de l’événe-ment, on pouvait lire que le but de cette rencontre était «de créer un espace de dialogue au sujet des liens entre l’uni-versité et les industries de la guerre; de discussion au sujet de la présente esca-lade jusqu’à la guerre contre l’Iran; et de réflexion sur l’histoire, le présent et le futur de la mobilisation contre la guerre dans le mouvement étudiant québécois».

Le haut-parleur passait de mains en mains afin que quelques courts textes thématiques sur le sujet soient lus.

Mona Luxion, une des organisa-trices de l’événement, explique qu’il est important de sensibiliser les étudiants de McGill afin de pouvoir les mobiliser si une guerre en Iran était déclenchée. En 2003, une mobilisation impor-tante avait eu lieu au Québec contre la guerre en Irak, et l’événement du 3 octobre cherche à recréer une éventuelle mobilisation à McGill.

Au-delà du nucléaireLa liste des raisons qui pourraient

mener vers une guerre en Iran est lon-gue. Mona Luxion explique que la cause d’une potentielle guerre en Iran ne se limite pas à la possession iranienne de l’arme nucléaire, mais que d’autres fac-teurs sont impliqués.

«D’une part, c’est une guerre économique. Il y a toutes sortes d’inté-rêts des firmes de sécurité privées qui sont en Irak et en Afghanistan mainte-nant. Au fur et à mesure que les occu-pations américaines de ces deux pays-là diminuent, ces firmes pseudo-militai-res veulent peut-être trouver un nou-vel endroit où se placer. C’est aussi la géopolitique Israël-Iran qui vient jouer beaucoup et qui n’a pas nécessairement grand-chose à voir avec les armes nu-cléaires, mais plutôt avec le désir d’Israël d’imposer son pouvoir dans la région. Il y a également beaucoup de pétrole dans la région et l’Iran contrôle certaines des lignes de passage des bateaux pétroliers. Avoir un gouvernement sympathique en Iran pourrait aider à contrôler le marché international du pétrole», énonce Mona Luxion.

Selon Brendan Steven, président de l’association conservatrice de l’Uni-versité McGill, la raison majeure qui pourrait inciter un conflit entre l’Iran et la communauté internationale est le fait que ce pays, gouverné par Mahmoud Ahmadinejad, ne peut posséder l’arme nucléaire. Il explique aussi que le régime iranien est actuellement illégitime pour diverses raisons: trafic d’armes avec le régime de Bachar el-Assad en Syrie, sou-tien matériel au Hezbollah (considéré comme un groupe militant terroriste par le Canada), violation des droits humains

concernant particulièrement les femmes et les homosexuels, développement de l’arme nucléaire à des fins militaires, et non-respect de l’avis du conseil de sécu-rité de l’ONU de cesser ses activités nu-cléaires. Selon Brendan Steven, «l’Iran est la seule grande menace pour la stabi-lité de la paix mondiale en ce moment».

Les élections américaines, moment décisif?

Selon Mona Luxion, ce sera au cours du mois de novembre, alors que les États-Unis auront élu leur nouveau président, que le sort d’une éventuelle guerre en Iran se décidera.

«Si Obama est réélu, il a le mandat dès début novembre pour faire ce qu’il veut, tandis que si Romney est élu, il y a une période entre le début du mois de novembre et la fin du mois de janvier où ce sera toujours Obama qui sera prési-dent mais Romney qui est élu, et donc il y aura une marge de manœuvre pour une

mobilisation qui pourra peut-être chan-ger le cours des choses.»

Mona Luxion dit d’ailleurs qu’il est important que les étudiants de McGill soient informés des enjeux maintenant afin qu’il y ait déjà une conscience et un plan d’action au mois de novembre.

Brendan Steven soutient que Romney semble tenir un discours plus dur envers l’Iran qu’Obama, mais que les deux par-tis possèdent une opinion similaire sur le sujet.

Le Canada en mode sécuritéLes relations diplomatiques améri-

caines avec l’Iran n’existent plus depuis les années 1970. Comme on l’apprenait au début septembre, le Canada a lui aussi terminé ses relations avec l’Iran en fermant ses ambassades canadien-nes là-bas et en renvoyant du Canada les diplomates iraniens présents. Monsieur Steven de Conservative McGill explique que cette décision du Canada ne veut pas nécessairement dire que le pays soutiendrait une guerre en Iran. Selon lui, cette décision repo-sait plutôt sur la sécurité menacée des diplomates qui se trouvaient en Iran. Il croit que cette action du gouverne-ment canadien était une bonne idée, car les actions actuelles en Iran «ne sont simplement pas acceptables». Il explique que pour le moment, il n’y pas lieu de dire qu’une guerre en Iran se dessine à l’horizon puisque les sanc-tions qui y sont actuellement appliquées calmeraient les ardeurs de ce pays cher-chant à se munir de l’arme nucléaire. Selon lui, tant et aussi longtemps que l’Iran se pliera aux pressions de la com-munauté internationale, aucune guerre ne sera déclenchée. Il croit d’ailleurs que le sujet n’est même pas sur la table. «Une guerre en Iran est vraiment la dernière option, mais il doit être clair qu’un Iran nucléaire n’est pas non plus une option», précise Monsieur Steven.

L’implication de McGillMona Luxion explique que le grou-

pe derrière la mobilisation contre la guerre en Iran s’intéressera au cours du mois d’octobre au rôle que McGill joue dans ce conflit. En effet, l’université produirait des armes thermobariques et le groupe de mobilisation aimerait faire de la recherche sur ce qui se fait d’un point de vue militaire à McGill.

Le groupe aimerait aussi éta-blir des liens avec l’activité militaire de l’université et les décisions mili-taires canadiennes et américaines. Le groupe Demilitarize McGill avait déjà fait de la recherche à ce sujet auparavant afin de s’assurer que McGill mène des recherches «transparentes et éthiques». Mona Luxion explique que le groupe de mobilisation aimerait reprendre leurs recherches afin de les approfondir.

D’autres événements de sensibilisa-tion auront lieu au cours du mois d’oc-tobre au sujet d’une potentielle guerre en Iran. x

Crédit photos: Lindsay P. Cameron

«Il est important de sensibiliser les étudiants de McGill afin de pouvoir les mobiliser si une guerre en Iran était déclenchée.»

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3Cahier Spécialx le délit · le mardi 16 ocotbre 2012 · delitfrancais.com

Mourir contre la peine de mortAmnistie Internationale entend déboulonner les mythes sur la peine de mort.

CONFLITS INTERNATIONAUX

Le 10 octobre 2012 était la 10e journée internationale contre la peine de mort. Simultanément,

dans quelques villes au Québec et à plusieurs endroits à Montréal, des groupes de manifestants se sont rassemblés pour participer à des Die-In. Au cours de cette activité, les participants jouent les morts tandis qu’une personne fait la lecture émouvante de textes, comme des extraits du Dernier jour d’un condamné à mort de Victor Hugo.

À l’Université de Montréal, quelques dizaines de personnes ont participé à l’événement. Près d’une centaine de manifestants se sont aussi emparés de la Place de Arts, revêtant les masques blancs caractéristiques des manifestations d’Amnistie Internationale. Ils ont uni à quelques reprises leurs voix pour scander le slogan «Non à la peine de mort».

Les articles 3 et 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 stipulent que «tout individu a droit à la vie» et que «nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». Amnistie Internationale affirme que «la peine de mort est une violation de ces articles: elle est immorale, inefficace, irrémédiable, injuste, coûteuse et discriminatoire». Le groupe «s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances».

Des objectifs à plus grande échelleEn cette journée mondiale contre la

peine de mort, les membres d’Amnistie Internationale ont tenu à mentionner que ce châtiment est encore largement soutenu au Québec. En effet, 69% des Québécois seraient en faveur de son rétablissement selon un sondage Angus-Reid publié il y a deux ans. Ce phénomène s’explique en grande partie

par les mythes entretenus par la société. Comme l’explique au Délit Anne Sainte-Marie, responsable des communications pour Amnistie Internationale Canada Francophone, il faut «déboulonner ces mythes». C’est par l’information que cela peut être fait. Effectivement, nombreux sont ceux qui croient encore que «la peine de mort a un effet dissuasif sur les crimes violents et rend la société plus sûre» ou encore que «la peine de mort est acceptable si la majorité de la population y est favorable». Amnistie Internationale a cependant démontré qu’au Canada, entre l’abolition de la peine de mort, en 1975, et 2003, le taux d’homicide a chuté de 44%. Malgré le fait qu’Amnistie Internationale «reconnaît que les États ont le droit d’édicter des lois», l’organisme croit que «ces lois doivent respecter les droits humains». Les manifestations des derniers jours avaient donc aussi pour but de déconstruire les nombreux mythes qui entourent la peine de mort et d’informer la population.

Tout au long de l’année, Amnistie Internationale fait campagne pour faire libérer des prisonniers politiques et ce notamment à l’aide de nombreuses pétitions. Le comité Canada Francophone a ainsi profité de la journée internationale contre la peine de mort pour faire circuler des pétitions demandant un procès juste et équitable, ou encore la libération pour le Canadien-Iranien Hamid Ghassemi-Shall qui se trouve présentement dans le couloir de la mort en Iran.

Amnistie à McGillLe comité Amnistie Internationale de

McGill a pour sa part décidé de ne pas faire de Die-in à proprement parlé sur le campus. «Ça a été discuté; je sais que le comité de l’Université de Montréal en fait un sur leur campus, mais on pense que la meilleure chose à faire est d’aller grossir les effectifs de celui qui va avoir lieu à la

Place des Arts», explique Margot Fortin, responsable de la publicité du comité de McGill, lors d’une entrevue quelques jours avant l’activité.

Parallèlement avec leur engagement dans la campagne contre la peine capitale, Amnistie Internationale McGill a décidé de faire un panel sur la situation actuelle en Syrie. Le panel serait constitué de professeurs de l’université et d’activistes impliqués de près ou de loin dans les événements syriens.

Le comité a l’intention de profiter du contexte universitaire pour pousser plus loin les discussions. «Je pense que c’est ce qui peut différencier un comité Amnistie dans une université d’un comité Amnistie ailleurs. Le contexte rend les discussions, les débats sur les enjeux plus favorables», ajoute l’exécutante du comité de McGill. Le comité a aussi l’intention de réitérer son expérience de l’an passé en organisant pour la troisième fois l’activité Free

Verse for Freedom (un événement qui mêle poésie et droits humains), qui avait été grandement appréciée par les participants. Des campagnes parallèles pourront se déclencher au cours de l’année selon les intérêts et disponibilité des membres.

Le comité Amnistie Internationale se qualifie de «members-driven organisation», soit un groupe sans hiérarchie au sein duquel les décisions sont prises par les membres lors des assemblées générales. Il en va de même pour l’organisation des différentes campagnes de sensibilisation. Comme l’explique Margot Fortin: «les membres peuvent prendre eux-même l’initiative d’un événement ou d’une signature de pétition». Tous ceux qui aimeraient s’impliquer sont les bienvenus aux réunions du comité qui se déroulent tous les mardi à 18h00. Le groupe possède une page Facebook: Amnesty International McGill. x

Mathilde MichaudLe Délit

Crédit photos: Hera Chan

Crédit photos: Hera Chan

Page 12: Le Délit

4 Cahier Spécial x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Duel en mer de Chine Quand les relations sino-japonaises se dégradent de jour en jour...

SOCIÉTÉ

Des manifestations sans précédent ont éclaté en Chine après l’annon-ce de la volonté du gouvernement

de racheter des îles revendiquées par les deux parties. Les tensions entre les deux géants asiatiques ne font que grandir de-puis plusieurs mois, des tensions à la fois politiques, économiques et culturelles.

En tant qu’Européens ou Nord-Américains, on a souvent tendance à considérer l’Asie comme un tout, un en-semble assez flou et exotique qu’on pense vaguement connaître à travers les films de Jackie Chan et les mangas. On parle de cuisine asiatique, de personnes asiatiques sans vraiment comprendre les nuances que ce terme englobe. Alors que je m’ins-tallais à Shanghai en 2009, une connais-sance me dit: «Oh, trop cool, tu vas pou-voir manger des sushis!». Bien qu’il y ait en effet un grand nombre de restaurants japonais à Shanghai, ce n’est pas vraiment ce qui caractérise la gastronomie locale. Je m’amusai de sa remarque, non pas parce que c’était particulièrement drôle, mais parce que nous nous imaginions ledit ami dire à un Japonais que les sushis étaient chinois. Comment le Japonais aurait-il réagi alors? Aurait-il été profondément offensé, ou aurait-il juste méprisé ce petit Français qui connaît si peu la cuisine asia-tique? En cette période de crise sino-japo-naise, le Japonais l’aurait sans doute très mal pris. Les relations politiques et cultu-relles entre les deux pays semblent en effet se dégrader de jour en jour, et particuliè-rement depuis ces derniers mois. Lumière sur des tensions géopolitiques aux réper-cussions sans précédent.

Le contexteLa cause de toutes ces turbulences

réside en premier lieu dans la revendica-tion d’un archipèle, appelé Diaoyu (côté chinois) et Senkaku (côté japonais), entre la Chine et le Japon. La dispute autour de ces deux îles remonte à 1895, date à laquelle les îles seraient passées, avec Taïwan, sous contrôle japonais. En 1952, les Américains réquisitionnent Senkaku sans la moindre protestation de Beijing. Ce n’est qu’à par-tir de 1972, lorsque les îles sont restituées au Japon, que la Chine commence à grincer des dents. Et, depuis, la tension autour de leur propriété n’a cessé de croître: d’abord en 1994, lorsque la convention des Nations Unies détermine une limite de souveraineté de 200 milles au large des côtes; une régula-

tion qui était sensée limiter les conflits entre les deux puissances. Le problème demeure, étant donné que les îles se trouvent à égale distance d’Okinawa (Japon) et du littoral chinois. Depuis début 2012, différents inci-dents n’ont fait que détériorer les relations sino-japonaises – vous aurez peut-être en-tendu parler de ces manuels japonais qui, en 2005, minimisaient les conséquences de l’invasion japonaise des années 1930, et qui ont été la cause d’importantes manifestions en Chine.

Début 2012, les débats sont ravivés autour des îles. La Chine n’est pas seu-lement en plein boom économique, elle cherche aussi des points stratégiques pour augmenter son influence. En Avril 2012, le gouverneur de Tokyo se mêle à la discorde et menace de racheter les îles. Comme toujours, les querelles diploma-tiques entre les deux pays sont largement médiatisées, s’ajoute par conséquent un entrain populaire considérable. Dès avril, la Chine commençait à s’ébranler et quel-ques manifestations eurent lieu dans des villes du nord du pays (Mandchourie) en particulier, où l’invasion japonaise de 1931

est encore vivante dans la conscience col-lective. Enfin, le 11 Septembre dernier, les îles sont officiellement rachetées par l’Etat japonais, provoquant des manifesta-tions dans une vingtaine de grandes villes chinoises.

Il faut rappeler que la Chine et le Japon ont une histoire bien particulière et les relations des deux pays n’ont jamais été franchement amicales. Particulièrement du côté chinois, où les blessures de l’His-toire sont encore perceptibles  : l’anniver-

saire de commémoration de l’incident du Moukden de 1931 a été marqué par des manifestations anti-japonaises plus vio-lentes que jamais. Malgré une normalisa-tion des relations en 1972, leurs relations demeurent dominées par une méfiance mutuelle. L’importance accordée aux îles peut nous sembler, de notre point de vue occidental, incompréhensible, voire même risible – The Economist a d’ailleurs publié une couverture titrant: «Could China and Japan go to war over these?». Mais Diaoyu-Senkaku sont bien plus que des îlots inha-bités et sont la source d’enjeux importants pour les deux puissances.

Les enjeuxCette querelle historique révèle des

conflits qui durent depuis des siècles et qui pourraient être liés à l’impérialisme des deux pays. Les frontières des pays de l’Asie de l’Extrême-Orient ont été sujets à un nombre incroyable de changements au cours des siècles passés. La soif d’impé-rialisme des deux puissances dominant cette région – la Chine et le Japon – se reflète dans les expansions et revendi-cations territoriales, et chacune semble vouloir donner tort à l’autre. Au Japon, le premier ministre Yoshihiko Noda expli-que que les îles font «partie intégrale du Japon» et qu’il «ne pourrait pas y avoir de compromis». Un discours similaire s’ap-plique de l’autre côté de la mer de Chine.

Les îles Diaoyu-Senkaku ne sont pas seulement un symbole fort pour les deux pays; elles sont aussi riches d’un poten-tiel économique. Bien qu’il soit difficile d’y habiter compte tenu de leur déni-velé et de leur petite superficie, les eaux les entourant sont très poissonneuses et pourraient contenir un important nom-bre d’hydrocarbures. Pour la Chine, la possession des îles aurait été un élément de stratégie socio-politique majeur: l’ac-cès à la mer du pays est problématique, dans le sens où la côte de la mer de Chine est encerclée de morceaux de terre, d’îles ou de pays alliés aux États-Unis avec qui les relations sont conflictuelles (la Corée du Sud au nord, les Philippines au sud, Okinawa et Taiwan au centre). Cet encer-clement limite les agissements maritimes et économiques de la Chine et favorise ainsi sa surveillance; la possession des îles aurait déverrouillé un accès plus faci-le au Pacifique pour les chinois.

Les réactions de la communauté in-ternationale

Les pays étrangers demeurent majo-ritairement neutres au débat. Les pays européens de l’ouest comme la France restent prudents et sont déterminés à ne pas se mêler aux débats, par peur de voir leurs relations commerciales se dégrader par un débat qui demeure régional. De son côté, l’ONU s’inquiète des tensions et invite les deux pays à «arrêter leurs provocations». La position des États-Unis est plus ambigüe; Washington a davan-tage intérêt, comme les pays européens, à rester en retrait. Bien que la première puissance mondiale soit liée par un traité d’alliance avec le Japon, elle ne s’engage pas officiellement en sa faveur et craint un conflit futur entre deux de ses plus importants partenaires commerciaux. «Notre objectif est que les États-Unis et la Chine établissent le plus important partenariat bilatéral du monde», a déclaré Leon Panetta, le chef du Pentagone en visite à Beijing fin septembre. La pré-sence des États-Unis dans la région Asie-Pacifique est en tout cas renforcée; Pékin désapprouve et demande à Washington de ne pas intervenir.

Crédit photo : BilabialBoxing

Louis SoulardLe Délit

«La fureur anti-japonaise s’exprime par des rassem-blements violents, la ferme-ture d’écoles japonaises et la destruction par la foule de magasins et hôtels japonais. »

Page 13: Le Délit

5Cahier Spécialx le délit · le mardi 16 ocotbre 2012 · delitfrancais.com

Duel en mer de Chine Quand les relations sino-japonaises se dégradent de jour en jour...

SOCIÉTÉ

Un conflit qui mobilise les populationsLes tensions entre Tokyo et Beijing

ne demeurent pas uniquement diplomati-ques, bien au contraire. Les difficultés de communication entre les deux puissances s’illustrent avant tout dans les attitudes respectives du peuple face à cette crise diplomatique. Les médias, dans les deux pays, ont pris l’affaire très à cœur et n’ont pas hésité à en faire à plusieurs reprises leurs sujets de couverture. Le magazine pékinois Zhongguo Xinwen Zhoukan titrait par exemple «Ne pas céder un pouce de terre»; Sukan Asahi, journal japonais, répli-quait par un «Non à cet égoïsme qu’ils ap-pellent «patriotisme». Les différentes pro-vocations de l’un et l’autre ne manquent pas d’être rapportées dans des articles propagandistes qui nourrissent l’ardeur des manifestants.

En Chine, les manifestations ont commencé dès l’annonce du gouverneur de Tokyo de racheter les îles. Les mou-vements de foule n’ont fait qu’accroître depuis, et ont véritablement commencé à attirer l’attention de l’international en sep-tembre. L’annonce de l’achat des îles a été l’élément déclencheur d’une vague de pro-testations systématiques et incontrôlables. Elles étaient principalement localisées devant les consulats japonais de grandes villes chinoises (Changsha, Shenyang, Xi’an, Qingdao comptent parmi les plus violentes) et devant l’ambassade de Beijing. Voitures de marques japonaises brûlées, incendies, usines nippones saccagées.

Midori Maki-Larrieu, expatriée japo-naise à Shanghai, témoigne de l’impossi-bilité d’accéder au consulat du Japon le 18 septembre, date marquant la commémora-tion de l’incident du Mukden, témoignant de l’intensité des manifestations. Midori confiait au Délit le fait que l’école japonaise de Shanghai ait dû fermer ses portes pen-dant deux jours, et qu’un certain nombre de femmes dont les maris travaillent pour des entreprises japonaises ont été forcé de quitter la Chine dès le 15 septembre. Elles n’avaient aucun moyen de savoir quand elles allaient pouvoir y revenir. La plupart des grandes villes chinoises ont été touchées. La fureur anti-japonaise ne s’exprimait pas uniquement par des ras-semblements violents; des supermarchés, hôtels et autres magasins japonais ont été pris pour cible par la foule et saccagés. Les produits japonais sont toujours à 100% contrôlés à la douane et ont même tendan-ce à être boycottés – nourriture, voitures, livres, etc.

L’implication du gouvernement chinois n’est pas totalement innocente. C’est en effet le ministère de la Culture qui a rapidement ordonné de retirer les livres

japonais des rayons de librairies; la propa-gande a interdit la diffusion de toute indi-cation de marque japonaise dans les médias de masse; Beijing a mis du temps à prendre des mesures concrètes contre les mani-festations qui ont touché tout de même plus d’une vingtaine de villes en Chine. Hu Jintao, l’actuel président du parti com-muniste, a laissé implicitement compren-dre pendant la semaine suivant la déclara-tion d’achat des îles par le Japon, aux lea-ders des associations manifestantes qu’ils avaient son feu vert. D’autres membres du parti auraient même encouragé, guidé

et organisé les révoltes. Xi Jinping, futur chef du parti communiste qui se prépare à relayer Hu Jintao, semble avoir disparu des médias pendant cette période de crise. Les liens renforcés entre le parti et l’armée, organe ultra-conservateur, ont renforcé le mouvement anti-japonais. Celle-ci n’a pas hésité, semble-t-il, à attiser la ferveur des manifestants et à pousser à un patriotisme excessif.

Il est évident que ces manifestations et les nombreux boycotts ont été encou-ragés par le gouvernement pour déstabi-liser l’économie japonaise. Rappelons que la Chine est un des premiers partenaires commerciaux du Japon, et que cette situa-tion est extrêmement déstabilisante pour Tokyo. Le gouvernement chinois a rappelé la population au calme dès le 17 septem-bre.

Regain de nationalismeCe «patriotisme raisonné» - terme

employé par Beijing pour calmer les fou-les – n’a cependant pas freiné la montée d’un nationalisme excessif chez beaucoup de Chinois. Durant les manifestations, des posters de Mao étaient brandi en masse par les protestants. C’est là un phé-nomène inhabituel depuis l’ouverture du

pays aux échanges en 1979, qui peut être interprété comme un regain d’influence de l’extrême-gauche nationaliste. Le natio-nalisme chinois a pour source un certain nombre d’influentes associations et blogs sur Internet, dont l’Alliance des patriotes chinois. Son fondateur, résidant à Beijing, souligne le fait que le conflit sino-japonais remonte bien plus loin que la question des îles. «Nous exigeons seulement que le gouvernement japonais […] demande par-don pour la guerre, comme l’a fait le gou-vernement allemand» (Source : South China Morning Post, interview de Lu Yunfei).

Il est intéressant de noter que la mon-tée du patriotisme s’effectue également au Japon. Bien que le pays est était habi-tué, depuis les années 2000, à un régime conservateur et relativement nationaliste et que le Japon est pétri d’un grand patrio-tisme en général, on assiste à une poussée d’un sentiment de fierté nationale encore plus grand. Des manifestations anti-chi-noises, plus pacifiques, ont également eu lieu dans quelques villes japonaises. L’attitude de la population japonaise face à cette crise est plus calme que celle de leurs voisins. La presse japonaise met l’accent sur une chronologie qui n’est pas partagée par les deux pays - le fait que l’île ait appar-tenu au Japon depuis la fin du 19ème siècle et que son administration, depuis 1972, ait toujours été primairement japonaise -, et, en Chine l’impact de la presse dans la conscience collective opère comme un lavage de cerveau.

Quelques figures publiques renom-mées, comme le romancier Haruki Muramaki, ont cependant participé à calmer les ardeurs nationalistes. Dans un article publié dans un quotidien japo-nais, l’auteur de renommée internationale dénonce l’hystérie des deux pays et les appelle à repartir sur des bases de com-

munication sereines. Il fait remarquer les dérives nationalistes qu’un conflit d’une trame si risible a provoqué des deux côtés. Il finit en demandant à ses compatriotes de ne pas contre-attaquer. Un argument similaire est repris par le japonais et sino-phile Yoshikazu Kato, qui explique que le problème des deux pays est le manque de communication. Alors qu’ils sont des partenaires commerciaux majeurs, que la nature de leur relation est également déci-sive sur le plan international, il est impen-sable que les relations politiques soient en si grande dégradation, quarante ans après la normalisation de leur relation.

Un futur ambivalent?  Selon la japonaise Midori Maki, une

amélioration des relations entre les deux pays, de sa perspective chinoise, est diffi-cile à imaginer avant longtemps. Bien que la situation des manifestations semble se calmer depuis ces derniers jours, le sen-timent général d’hostilité entre les deux pays n’est pas atténué. Le 3 octobre, des banques chinoises ont annulé leur par-ticipation aux réunions du FMI et de la Banque Nationale à Tokyo, boycottant ouvertement ce sommet de la plus haute importance. Et ces tensions culturelles ne sont pas seulement valables en Asie.

La présidente de l’association des étudiants Japonais de McGill m’a racon-té qu’un vendeur de magasin d’origine chinoise l’a prise à part en lui disant quel-que chose comme «vous n’avez pas honte de ce que vous avez commis pendant la Seconde Guerre mondiale?». A quoi elle répondit qu’elle n’avait rien avoir avec les crimes de guerre commis par les Japonais à l’époque; d’une perspective japonaise, la solution serait de mettre le passé de côté et de reprendre les relations sino-japonaises sur des bases nouvelles, de confiance et d’amitié. Pour les Chinois, une revendication demeure: comme le disait le fondateur de l’Alliance des pa-triotes chinois, le gouvernement du Japon doit s’excuser publiquement pour les évè-nements tragiques de 1931-1945. Il y a un détail que j’ai trouvé rassurant, en allant à une soirée de l’association japonaise de l’université. Chinois, Coréens, Taiwanais et Japonais se côtoyaient, certains d’entre eux étant les meilleurs amis du monde, et les clashs culturels qui avaient lieu dans leurs pays respectifs semblaient être à mille lieues de leurs préoccupations. Quand je demandai à certains d’entre eux ce qu’ils en pensaient, ils me regar-dèrent avec étonnement et me dirent: «on est tous amis ici!». x

Crédit illustration : Lindsay P. Cameron

«Le gouvernement chinois a appelé la population au calme après les excès de violence.»

«Le conflit sino-japonais remonte bien plus loin que la question de rattachement des îles à un territoire.»

Page 14: Le Délit

6 Cahier Spécial x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

QUIET ou le désespoir d’une causeArkadi Zaides présente sa pièce à Montréal: un quatuor de danseurs entre la Palestine et Israël

DANSE

Quatre hommes étendus au sol. Chacun se lève, mu par une pul-sion de désespoir, une rage vio-

lente. Le corps épuisé, la tête continuelle-ment rabattue vers le sol, les yeux fermés, les bras las. Se succèdent de multiples pas de deux entre des hommes frustrés, déçus,

qui s’effleurent sans jamais se toucher. La pièce Quiet du chorégraphe israélien Arkadi Zaides cherche à représenter la difficile co-habitation entre les citoyens arabes et juifs au sein de l’État Hébreu.

Le travail exceptionnel d’Arkadi Zaides lui a valu plusieurs prix depuis son séjour à la Batsheva Dance Company de Tel-Aviv. Danseur israélien d’origine russe, Zaides s’inspire de ses nombreux voyages,

de Tokyo à Amsterdam en passant par New York, pour créer des ponts entre diverses cultures à travers ses œuvres. De passage pour la première fois à Montréal les 12 et 13 octobre, il a présenté sa pièce Quiet au centre MAI (Montréal Arts Interculturels), lieu d’expression artistique interculturelle et interdisciplinaire par excellence.

Le concept en soi est original: quatre danseurs israéliens, deux issus de la commu-nauté juive et deux de la minorité arabe, pré-sentent une vision intime et masculine de leur réalité quotidienne à travers des mouvements saccadés, crus, dénués d’artifice. On ressort de Quiet avec une sensation d’inconfort, un malaise face à tant d’humanité et de candeur. Le ton utilisé est juste, Zaides ne versant ja-mais dans le tragique. Des moments de danse originaux et fascinants, comme celui où on observe un danseur en endoctriner un autre, alors qu’il le traîne par le crâne sur la scène tout en le martelant de mots. Ou celui, insup-portable, où le spectateur entend à répétition «Min anta, inta min?» (Qui es-tu, toi t’es qui?) alors qu’un danseur hurle en arabe qu’il est le roi (malek) et que tous les autres sont ses esclaves (abd). Tout au long de la pièce, les quatre danseurs sont reliés par un magnétis-me qui les révolte, tentant tantôt de se décou-vrir, tantôt de se repousser. La notion de dis-tance et de mur est omniprésente, tant dans le décor (un mur couvert de graffitis), que dans les gestes. Certains mouvements sont même reproduits à plusieurs reprises pour repré-senter le cycle de la violence.

Quiet provoque, étouffe, enrage, par-venant donc à stimuler le spectateur, qui se remet en question à la sortie de la salle. Les danseurs, Yuval Goldstein,

Muhammed Mugrabi, Ofir Yudilevitch et Arkadi Zaides, se donnent avec sincérité. Arkadi Zaides est certainement un nom à retenir, puisque sa popularité grandissante le ramènera sans doute à Montréal, à gui-chets fermés cette fois. x

Katia HabraLe Délit

Crédit photo: Gadi Gadon

Crédit photo: Gadi Gadon

Montréal Arts Interculturels (MAI)

Créé en 1999, le MAI revendique une vision avant-gardiste de la scène artistique à la fois montréalaise et internationale.

Le centre mise sur la pluridisciplinarité de ses spectacles et expositions : il présente notamment des créations de danse, de mu-sique, d’arts visuels et médiatiques.

Programmation du MAI pour l’automne 2012 (octobre-décembre):

*jusqu’au 20 octobre: Transitioning: between line 02, de Tania Ursomarzo: une installation entre art et architecture.

*du 25 au 27 octobre: Colonial, de Alvin Erasga Tolentino: performance de danse et théâtre.

*du 4 au 10 novembre: Où ai-je déjà vu cela? par Parissa Mohit: installation vidéo en extérieur, sur les fenêtres et les murs du MAI.

*les 9 et 10 novembre: The Burning Skies of Bogotà, de Daniel Àñez García: marria-ge de musique classique et électronique autour du piano.

*du 17 au 15 décembre: Blown Up: ga-ming and war: par trois artistes, Wafaa Bilal, Harun Farocki et Mohammed Mohsen: installation de vidéos interactives autour du thème de la guerre et des jeux vidéos.

De nombreuses rencontres avec les artis-tes sont aussi organisées: tous les vendre-dis après les spectacles, le public peut ainsi rencontrer les artistes. L’événement du lun-di soir, le Lundi Pluriel, est aussi l’occasion d’une rencontre informelle avec des artistes issus de milieux variés.

«Une vision intime et masculine de leur réalité quotidienne à travers des mouvements saccadés, crus, dénués d’artifice.»

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7Cahier Spécialx le délit · le mardi 16 ocotbre 2012 · delitfrancais.com

Crédit photo: Gadi Gadon

Le Délit: Quelle était votre prin-cipale source d’inspiration pour la conception de Quiet? Quel est l’objec-tif de cette œuvre?

Arkadi Zaides: Il n’y avait pas vrai-ment d’inspiration derrière Quiet. En fait, j’ai souvent l’impression que je perds mon inspiration quand je suis en Israël et que je la retrouve uniquement à travers mes séjours à l’étranger. Il s’agit plutôt d’un besoin, d’une pulsion inté-rieure qui veut s’exprimer en réponse à la situation en Israël, surtout depuis les événements de 2008. Je trouve que Tel-Aviv, où j’habite, a besoin de se réveiller, de réagir. Bien que plusieurs disciplines artistiques abordent le conflit politique israélo-palestinien, il demeure absent dans le domaine de la danse.

LD: Était-ce difficile, pour vos collaborateurs ainsi que pour vous-même, de vous défaire de votre bagage émotionnel personnel afin de créer?

AZ: Au contraire, la chorégraphie embrasse ce bagage émotionnel et l’uti-lise. Ma recherche s’interroge sur les moyens et les besoins nécessaires à la rencontre avec l’autre, à l’équilibre en-tre les communautés. J’aborde la ques-tion des murs, l’idée que l’on veuille se toucher, mais qu’on en soit incapable. Le but est donc de rendre ces murs plus flexibles, de les faire disparaître peu à peu.

LD: Croyez-vous que la choré-graphie aurait été différente si vos danseurs n’étaient pas issus des com-munautés juive et arabe? Un danseur n’est-il pas un acteur qui interprète un rôle, même s’il lui est étranger?

AZ: En tant que chorégraphe, je ne dicte pas un mouvement particulier, mais je crée une structure à travers laquelle tous les collaborateurs travaillent pour trouver le mouvement adéquat. Chacun s’inspire de son expérience personnelle en quête d’un langage du mouvement qui exprime sa colère et ses désirs. C’est pourquoi Quiet n’est pas une chorégra-phie très technique. Chaque représen-tation n’est pas improvisée, mais plutôt revécue, reproduite selon les émotions du moment: il s’agit d’une rencontre.

LD: Pourquoi n’y a-t-il que des danseurs masculins dans Quiet?

AZ: Je pense que l’énergie de l’occu-pation et du conflit est très masculine. Je désire à la fois exprimer cette masculi-nité, cette agressivité, mais aussi toutes les émotions refoulées, pour démontrer les différents niveaux de l’homme. Je tra-vaille présentement avec un ONG: nous rencontrons des soldats qui nous parlent de leur expérience, alors qu’un soldat ne devrait pas avoir d’émotion. Il s’agit de révéler la fragilité humaine.

LD: Comment Tom Tlalim (le concepteur musical) et vous-même avez conçu l’environnement sonore de la pièce? Avez-vous choisi de la musique contenant des paroles en arabe ou en hébreu?

AZ: Tom a fait un travail remarqua-ble, il s’est inspiré du bruit des vagues qui, cycliques, tout comme la violence, ne cessent jamais, et peuvent à la fois susci-ter la tranquillité et l’anxiété, selon leur manipulation. Muhammed Mugrabi, un des danseurs, a écrit des paroles en arabe qui reflètent sa frustration face à l’État

Hébreu. En effet, bien que la commu-nauté arabe représente 20% de la popu-lation israélienne, il existe très peu d’af-fichage et de documentation disponible en arabe. Cette minorité est donc victime d’un déséquilibre, puisqu’elle parle ara-be et hébreu, alors que la majorité juive ne comprend souvent pas l’arabe. Ces paroles présentées dans Quiet visent à provoquer l’audience israélienne qui ne les comprend pas. Pourtant, l’arabe et l’hébreu se ressemblent beaucoup, et en écoutant attentivement, il est possible de comprendre le discours de l’autre.

LD: Étant donné qu’il y a très peu de danseurs contemporains mascu-lins dans le monde arabe, était-ce dif-ficile de recruter des collaborateurs arabes? Pensez-vous que votre travail puisse aider à éradiquer les stéréoty-pes associés à la danse dans la com-munauté arabophone?

AZ: Effectivement, il existe des res-trictions culturelles, particulièrement dans la religion musulmane, par rapport à la danse, un domaine presque exclusi-vement féminin. J’ai recruté des acteurs très physiques et ouverts à l’idée de s’ini-tier à la danse. Je crois que l’expérience a d’abord été déterminante pour les dan-seurs eux-mêmes, qui ont pu exprimer par le mouvement leur identité et leurs craintes. Le mouvement permet la circu-lation des idées et des émotions, et c’est pourquoi je collabore fréquemment avec des non-danseurs.

LD: Avez-vous été invité à présen-ter le spectacle dans un pays arabe?

AZ: Je n’en ai malheureusement ja-mais eu l’occasion, malgré des tentatives

de collaboration avec des artistes liba-nais et algériens. Ce serait fantastique. Nous avons participé au festival Dancing on the Edge aux Pays-Bas, qui regrou-pait des artistes du monde arabe, et les échanges ont été très enrichissants.

LD: Parlez-moi de vos autres pro-jets à venir, Land Research et Moves without Borders.

Land Research est en quelque sorte la continuation de Quiet, en probléma-tisant davantage le conflit à travers la notion essentielle du territoire. Je consi-dère le corps comme un terrain privé. La pièce regroupe cinq solos et incorpore la photographie à la danse. Moves without Borders fait partie de mon travail tutoriel. Il s’agit d’une initiative pour inviter des danseurs étrangers en Israël, en espérant que cela suscite de l’intérêt pour des ar-tistes israéliens ailleurs.

Le Délit a eu l’occasion de rencontrer le chorégraphe. Entrevue avec un artiste visionnaire.

Crédit photo: Itay Weiser

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8 Cahier Spécial x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Tour du monde des conflitsCONFLITS INTERNATIONAUX

Alexandra Nadeau, Camille Gris Roy, Mathilde MichaudLe Délit

Mexique: La guerre des cartels de la drogue au Mexique se déroule toujours et ce, depuis 2006, alors que le président Felipe Calderon avait décidé de s’attaquer au narcotrafic. Opposant les authorités légitimes du pays et les groupes associés aux cartels, ce conflit a entraîné la mort d’environ 50 000 personnes et les car-tels ont réussi à infiltrer environ 80% de l’économie du pays. Le groupe le plus actif dans ce conflit est celui des Zetas qui pos-sèdent la majorité des États du pays et son principal rival est le cartel de Sinaoa.  En juillet 2013, un nouveau président sera élu au Mexique qui réussira peut-être à calmer les tensions.

Syrie: Les combats font toujours rage en Syrie.

Turquie et Syrie: Les relations en-tre Ankara et Damas sont de plus en plus tendues. La Turquie a annoncé qu’elle envisageait une action militaire contre la Syrie. La semaine dernière, les autorités turques ont intercepté un avion de ligne syrien en provenance de Moscou qui transportait des armes. La Syrie a ensuite accusé la Turquie de dissimuler des infor-mations et d’être hostile.

Égypte: Partisans et opposants au Président Morsi se sont affrontés sur la Place Tahrir, au Caire.

Mali: Les tensions avec le nord du pays et les Touaregs remontent à très longtemps. L’année 2012 a été marquée par la résurgence du conflit Touareg.

Le Mali doit aussi faire face à des pro-blèmes de terrorisme. Des mouve-ments religieux extrémistes se sont étendus à la région du Sahara. On parle maintenant notamment d’Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI). Ces problèmes se sont intensifiés dans l’ère post-Kadhafi, avec le re-tour au Mali de nombreux touaregs très armés qui s’étaient exilés en Libye. En mars dernier, il y a eu un coup d’état au Mali. Depuis, la situation est dif-ficilement gérable. Il n’y a pas de gou-vernement solide, et le nord est hors de contrôle. Au nord, les Touaregs ont d’abord profité de la situation, puis des groupes Islamistes ont pris le contrôle. Le conseil de sécurité de l’ONU a adopté vendredi dernier une résolution appelant

les organisations régionales africaines et l’ONU à préciser leur plan pour une in-tervention militaire au Nord-Mali. Un “premier pas” pour Gert Rosenthal, am-bassadeur du Guatemala et actuellement président du Conseil.

Pakistan: La jeune Malala blessée par balle par les Talibans en raison de sa participation active dans la lutte pour le droit des jeunes filles d’aller à l’école est maintenant hors de danger et a été trans-portée lundi par avion jusqu’en Grande-Bretagne afin d‘y être soignée.

Iran: Conflit avec plusieurs pays oc-cidentaux et avec des pays voisins dans le monde arabe. Débat autour de l’arme nucléaire.

Europe et vagues indépendan-tistes:

Espagne: La Croix-Rouge interna-tionale vient de lancer l’alarme sociale accompagnée de nombreux autres or-ganismes. La situation du pays se détéri-ore graduellement et un appel aux dons est lancé pour subvenir aux besoins des quelques 3 000 nouveaux bénéficiaires de l’assistance de la Croix Rouge. L’Espagne, comme certains pays membres de l’Union Européenne, doit présentement faire face à une crise économique importante. La Catalogne semble vivre un regain de dé-sir pour son indépendance, car la région estime qu’elle aide davantage l’Espagne économiquement qu’elle en bénificie. D’autres raisons sont en cause pour ce dé-sir toujours réclamé d’autodétermination, mais la situation pourrait être décisive alors que la Catalogne a demandé une

plus grande autonomie à Madrid, ce qui lui a été refusé et qui a incité Artur Mas, président de la Catalogne, à devancer les prochaines élections régionales de 2 ans, soit le 25 novembre 2012. Si l’Espagne refuse, la Catalogne pourrait tenter un référendum.

Belgique: Les indépendantistes flammands ont triomphé aux dernières élections municipales en Belgique, ce qui suggère une montée du mouvement sou-verainiste dans la région.

Écosse: L’Écosse organisera un référendum sur l’indépendance d’ici 2014. Un accord a été signé lundi entre les premiers ministres de la Grande-Bretagne et de l’Écosse.

Territoires contestés encore en 2012:

Îles Malouines: Territoire anglais

mais revendiqué par l’Argentine.Tibet: Territoire chinois revendiqué

par les tibétains.Cahemire: Territoire de facto dis-

puté entre l’Inde, la Chine et le PakistanHaut-Karabagh: Territoire récla-

mé par l’Arménie et l’AzerbaïdjanDiaoyu-Senkaku: Îles sous contrô-

le japonais mais revendiqué par la ChineSahara occidental: Territoire re-

vendiqué par le Maroc et les Sahraouies.Thétchénie: Territoire en Russie

qui réclame son indépendance.Israël et la Palestine...

Russie: Conflit avec les membres du groupe de musique anti-Poutine Pussy Riots. Une des membres a été récemment libérée. Cependant, trois des participantes de l’action controversée avaient été initia-

lement arrêtées. Les deux autres accusées n’ont pour leur part pas eu la chance de voir leur sentence annulée et ont même perdu en appel alors qu’elles demandaient de ne pas être transférées du centre de détention de Moscou à la colonie péni-tentiaire.

* Paix *Union Européenne: L’UE a reçu

vendredi dernier le prix Nobel de la paix 2012, pour avoir contribué à la pacifica-tion du continent européen après deux guerres mondiales. Le Devoir rapporte ainsi les propos du président du comité Nobel, Thorbjoern Jagland: «L’UE et ses précurseurs contribuent depuis plus de six décennies à promouvoir la paix, la réc-onciliation, la démocratie et les droits de l’Homme en Europe». x

* NB: la liste est non-exhaustive.

Crédit photo: GuySie

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9Sociétéx le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

John Lennon, BoB Marley, Marilyn Monroe, James Dean, Edith Piaf - courte liste d ’ i m m o r t e l s …C r o y e z - m o i quand je vous dis que ce n’est pas en se gavant de jus orga-niques, de carottes et d’avocats qu’ils y sont parvenu.

Pour nous, les sportifs mor-tels qui ne vivent pas à deux mille à l’heure, on se pose des questions; irais-je au paradis, en enfer, nulle part? Drôles d’images qu’on s’imagine de ces endroits divins, tirées directe-ment de la mythologie Grecque bien sûr, avec Hadès dans son royaume enflammé sous-terrain et Zeus dans ses nuages avec sa belle barbe, ses sandales, son portail en or et un drap blanc pour habit.

Mon petit doigt me dit que ce n’est rien de tout ça. Mais pour vous expliquer ma version du Paradis et de l’Enfer il vous faudra d’abord répondre à cette question: croyez-vous qu’après votre mort, la terre continue de tourner et les gens qui existent continuent à vivre?

Si votre réponse est «non», je me désole pour vous, de devoir

vivre dans un monde que vous imaginez et qui existe unique-ment dans votre tête. Votre idée de l’après-vie doit être vraiment apathique.

Si votre réponse est «oui», alors je pense savoir ce qui pour-rait unir les religions du monde - rien que ça!

Toute religion a en commun une seule chose, «la règle d’or»: traitez les autres de la manière dont vous aimeriez être traité.

Si vous suivez cette règle, et que vous l’appliquez pour modérer les autres commande-ments de votre religion, les gens garderont une bonne mémoire de vous sur terre. Et n’est-ce pas cela le Paradis? Si les petits nuages n’existent pas, alors les seules choses qui restent de vous sur terre sont les sou-venirs que les gens gardent de vous. Si vous étiez gentils, vous

étiez bien aimé et les gens gar-deront une bonne mémoire de vous - ce qui reste de vous après votre mort est donc positif: vous êtes au Paradis. L’inverse marche aussi, Hitler par exemple, est en enfer dans de nombreux esprits, car il est sur le trône du fascisme et tient le prix d’or du CMMI («Compétition de Moustaches Moches Internationale — 1935»). De cette manière, le Paradis ne dépend pas d’une décision divine mais plutôt de l’avis que votre entourage a de vous — et, après tout, qu’est-ce d’autre que la religion si ce n’est un moyen de trouver une har-monie en communauté?

Logique! Il suffit donc de se tracer une ligne droite avec la règle en or et le «Paradis» vous ouvrira grand ses bras. Mais comme toute théorie, celle du

Paradis Terrestre tient une su-prême faille…

Il suffit de mentir pour rendre les gens heureux - si le mensonge n’est pas découvert, le débonnaire trompé s’en va avec une belle image de vous, un souvenir heureux: vous voilà au paradis grâce à un péché!

J’écris ces mots en me disant que les lecteurs prendront le tout avec un grain de zèle. Nous vivons dans une ville vibrante, remplie de voyageurs ou personne n’est vraiment Montréalais, un bras-sage culturel où on peut presque tout dire sans peur. Donc voici ce que, moi, je dis: quelques mots sur le coin d’une page de jour-nal - journal français dans une université anglaise, dans une province française, dans un pays anglais. Montréal tient bien droit sa règle d’or, alors attention à vos doigts! x

La règle d’or de MontréalSimon Albert-Lebrun | Jeux de maux

Le 7 octoBre dernier,André-Philippe Côté du Soleil dessinait une caricature disant qu’il y a deux moyens de ne pas payer de l’impôt: aller vivre dans la rue ou devenir millionnaire.

Les dernières semaines auront été riches en matière de

débat fiscal. Les nantis doivent faire leur part, disait Nicolas Marceau, le nouveau ministre des Finances. Il fallait donc les taxer généreusement, comme s’ils étaient un puit sans fond, même si ce n’était pas prévu dans le budget de l’année fiscale en cours. Vous vous douterez que je trouvais ces mesures ridicules, inutiles et contre-productives. Elles ont cependant mis deux choses en relief: au Québec, nous n’aimons pas les riches et nous ne désirons pas parler d’impôt sans sombrer dans l’idéologie.

Au cours du boycott étu-diant, Gabriel Nadeau-Dubois a souvent avancé une propo-sition de l’IRIS. Il faut instau-rer dix paliers d’imposition et payer la gratuité scolaire ainsi. Cela aurait permis de répondre à ces demandes et de faire payer

ceux qui s’en «mettent plein les poches». Le Parti Québécois et la Coalition Avenir Québec ont fait écho à ces idées, sans aller aussi loin. Les deux pro-posaient de taxer davantage les «hauts» revenus, ainsi que les gains en capital. Petit détail, on n’est pas riche quand on gagne 100 000$ par an. On est aisé, mais certainement pas riche. Il y a cette vieille conception au Québec comme quoi quelqu’un de fortuné ne peut avoir at-teint ce statut qu’en abusant de ceux l’entourant. Il doit avoir gagner son argent sur le dos des autres. Jamais cela ne nous vient à l’esprit que nos «riches» sont des entrepreneurs qui ont, pour atteindre ce niveau de vie, sûrement connu de nombreuses fois la faillite. Cessons donc de percevoir nos nantis comme des

voleurs. Ils sont des citoyens honnêtes comme nous tous. Ils servent à notre économie et mé-ritent d’être parfois considérés autrement que comme porte-feuilles à la disposition de l’État.

Cette conception nuit au dé-bat sur la fiscalité québécoise. Si des problèmes fiscaux pointent, il est facile de dire que ceux qui ont les moyens paieront la note et hop! On passe à un autre appel. Nous n’entendons jamais que notre système est si complexe et labyrinthique que bien des riches se sauvent du fisc en toute léga-lité. Ils n’ont qu’à embaucher un comptable brillant qui saura leur dire tous les crédits, déductions et exonérations auxquels ils ont droit et la facture du gouver-nement s’en verra directement réduite. Le vrai débat se trouve là. Nos taux d’imposition sont

suffisamment élevés, voire trop, pour toutes les catégories de re-venu. Il faut maintenant mieux percevoir l’impôt et cela passe par une fiscalité plus simple pour le commun des mortels.

Avez-vous entendu Nicolas Marceau parler de ça? Non. Aucun politicien ne voudra vous emmerder avec du blabla fiscal. C’est un sujet plutôt aride et vous ne ferez pas la manchette à TVA en mettant cela en avant. Cependant, maintenant qu’il est ministre des Finances, il doit voir plus loin que la prochaine une du Journal de Montréal. Un grand pas vers une fiscalité moderne demande une révision en pro-fondeur de nos lois de l’impôt.

Ainsi, au Québec, le seul moyen de ne pas payer d’im-pôts sera d’avoir un revenu trop faible. x

Les deux manières de ne pas payer d’impôtsJean-François Trudelle | Attention chronique de droite!

VoiLà, une saison des Nobel s’est terminée! Et hier, dans un magnifique équi-noxe médiatique, le Prix Nobel d’économie a été décerné aux américains Roth et Shapley pour leur travail sur l’optimisation de l’offre et la demande. La mémoire pleine d’images et d’émotions, l’excitation retombée, il est main-tenant venu le temps des bilans, le temps du souvenir de cette éphé-mère semaine automnale.

Quelle excitation nous nouait l’estomac avant l’annonce du Prix Nobel de médecine attri-bué au britannique John Gurdon et au Japonais Shinya Yamanaka pour leur travail sur les cellules souches? Quelle impatience

nous faisait piétiner mardi ma-tin à l’annonce du Prix Nobel de Physique, donné au français Serge Haroche et à l’américain Dane Wineland pour leurs tra-vaux sur les particules quan-tiques?

Quel bonheur que le prix Nobel de chimie soit allé mer-credi aux américains Kobilka et Lefkowitz pour leur études des récepteurs couplés aux protéines G. Nous nous sentions intel-ligents pendant les annonces, confiants dans notre compré-hension de ces sciences  avan-cées. Finalement ce cours de physique de secondaire a servi à quelque chose à part nous mener la vie dure. Et nous ne pouvions qu’être soulagés de ne pas voir un autre Européen récipiendaire du Prix Nobel de Littérature

et qu’acquiescer du choix du chinois Mo Yan. Ainsi, dans l’attente de la prochaine saison des Nobel, on ne peut que com-plimenter les experts des comités des prix Nobel pour leurs choix judicieux.

Choix judicieux, vraiment, que l’Union Européene ait reçu le prix Nobel pour «avoir contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix, la réconcilia-tion, la démocratie et les droits de l’homme en Europe». Profanes, nous ne gratterons pas la surface, ni ne trouverons à redire à cette justification, à ce choix presque providentiel. Providentiel, que dis-je? J’entends déjà crier au sacri-lège! Il n’y a aucune coïncidence entre la remise du prix et la tour-mente économique et sociale que L’Union Européenne traverse en

ce moment. Ce prix ne serait-il vraiment pas une accolade amicale d’un Européen à un autre, façon de se dire bon travail, continuons.

Il n’y avait non plus aucune coïncidence entre la remise du prix et l’entrée de Barack Obama à la Maison Blanche en 2009, le premier noir américain à rentrer à la Maison Blanche. L’Europe est universellement reconnue comme terre d’égalité des droits; entre les expulsions forcées des Roms ici et là, les lois discrimi-nantes à l’égard des musulmans et interdiction des marches de fier-tés dans certain pays, on ne peut que se féliciter de la situation. En 2009, Barack Obama, quelques mois après son investiture avait déjà «renforcé la diplomatie et la coopération internationales entre les peuples», si bien que

l’on voit toujours les fruits d’un tel travail dans le renforcement des sanctions américaines contre l’Iran ou dans l’inaction occiden-tal dans le conflit syrien.

Profanes, nous nierons tout – ce ne sont que des coïncidences. Les experts savent ce qu’ils font et n’oseraient jamais faire de la po-litique. Ce n’est pas dans l’esprit de Nobel, grand esprit qui a ré-compensé de grands hommes et femmes de la paix telle que Mère Theresa et Nelson Mandela, pour ne citer qu’eux. Profanes, nos esprits apaisés, réconfortés, qu’un travail ait été récompensé à juste titre dans la plus grande tra-dition du prix Nobel, nous pas-serons de délicieuses soirées, un verre à la main, au bon souvenir de cette semaine jusqu’à la pro-chaine saison. x

samuel sigereLe Délit

OPINION

De la politique du Nobel

CHRONIQUE

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10 Société x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

OpinionRéponses à la chronique «Science ça!»

Le débat proposé par le député conservateur Stephen Woodworth au Parlement fédéral n’a rien de l’absurdité

qu’on voudrait lui prêter. L’autorisation de l’avortement repose sur le postulat que le fœtus qui grandit dans le ventre de la mère n’est pas un être vivant avant sa naissance, pour le Canada, ou avant un certain nombre de semaines pour d’autres pays du monde.

L’avortement est souvent excusé pour des raisons émotionnelles ou extérieures (enfant non désiré, incapacité financière ou psychologique de la mère, abandon du père, viol…). Pourquoi pas. Mais pourquoi interdire de vouloir se mettre dans la position

de l’enfant? Pourquoi ne pas vouloir étudier sereinement et objectivement si ce fœtus n’est pas déjà un Homme, et donc pourrait accéder à un certain nombre de droits? Si la mère n’est pas capable de le prendre en charge, la société ne peut-elle pas s’en charger?

Certains estiment que la vie démarre à la fécondation, à la rencontre effective de l’ovule maternelle et du spermatozoïde paternel. D’autres, qu’il faille que le cerveau se soit formé, d’autres qu’il faille que le cœur batte. D’autres encore veulent que ce fœtus soit né pour devenir un Homme. Laissons la science continuer sa recherche. Et si celle-ci ne peut pas trancher, cette question touche alors à la philosophie et ne pourra peut-être jamais être élucidée. La partie n’est donc pas jouée d’avance.

La semaine dernière on parlait de la campagne pro-vie qui aura lieu au Canada durant quarante jours.

Cette même semaine, le 7 octobre, plu-sieurs villes espagnoles ont célébré une marche pour la vie. Depuis la réforme de février 2010 sur la loi de l’avortement, le sujet en Espagne est devenu de plus et plus polémique. Grâce à cette réforme la loi permet aux jeunes filles de 16 ans d´avorter sans le permis de leurs parents. Ça me semble contradictoire et irration-nel parce que cela veut dire qu’à 16 ans, l´état considère qu´on a l´âge de déci-der de la vie d´un être humain mais pas qu’onde décider de notre propre vie : on ne peut pas voter, acheter un paquet de cigarettes, boire une bière dans un pub, conduire une voiture ou même aller dans une boîte de nuit. Par contre, on peut se débarrasser d´un bébé indésirable. Ce n´est pas raisonnable. On joue avec la vie?

La situation en Espagne n’est qu’un exemple, mais il me semble que la société favorise de plus en plus l’avortement, et qu’elle le vend comme la meilleure solu-tion, la plus facile et rapide. On dirait qu’être enceinte est une «maladie» et que cette situation nécessite des soins . Cependant, ils oublient de nous dire que les soins sont bien pires que la «maladie».

On dit que, comme femmes, on a le droit de faire ce qu’on veut avec notre corps. Je suis totalement d’accord, mais quand on tombe enceinte, ce n’est plus notre corps; on le partage avec un autre être qui grandit dans notre ventre et qui n’a pas encore le droit d’exprimer son opinion. Ce n’est pas à nous de décider si quelqu’un d’autre doit ou ne doit pas vivre.

C’est vrai qu’il y a des situations compliquées mais il y a toujours des al-ternatives plus favorables pour la femme et pour l´enfant. En effet, il y a plusieurs organisations qui offrent de l´aide aux femmes, qui choisissent de conduire leur grossesse à terme et considèrent la pos-sibilité de l’adoption.

Alba BenitoOpinion

Une maladie?

Un sujet épineux qui mérite d’être sorti de tout contexte religieux. Non pas qu’une religion ne peut

donner son avis, mais il faut se baser sur des valeurs communes.

Les pays occidentaux se sont pour la grande majorité dotés de l’avortement. Lorsque l’on sait que dans des pays moins développés on retrouve des bouts de fer dans l’utérus des femmes parce qu’elles ont essayé d’avorter seule, il va de soi que notre choix est le bon. D’un autre côté, il y a des cas qui font réfléchir: une assis-tante sociale me racontait qu’elle venait de rencontrer une fille de 13 ans qui avait déjà avorté 8 fois.

Certes, c’est un cas extrême, mais n’est-il pas révélateur d’une pensée qui a dû traverser bien des esprits de notre génération: la réponse automatique à «tu es enceinte?» est «tu avortes».

«De grands pouvoirs amènent de grandes responsabilités» est un proverbe qui s’applique bien ici. L’avortement est un pouvoir immense offert par la méde-cine, mais qui déresponsabilise au plus haut point. Cette solution devrait être une solution de dernier recours, une mesure prise alors que tout a été mis en œuvre pour ne pas arriver à cet extrême! Vous ne voulez pas de cet enfant pour des raisons économiques? Des milliers de couples en veulent. Vous ne voulez pas de grosses-se? C’est la conséquence d’un choix d’un plaisir court: il y a une responsabilité, comme un cancer du poumon pour avoir trop fumer. Le préservatif fonctionne à 99%? Alors la centième fois c’est l’avor-tement? L’avortement ne devrait pas être une solution de facilité. Tout ça se résume en une phrase: on peut prendre du plaisir en étant responsable. Passons les reven-dications religieuses: l’acte sexuel reste un acte fort, donc, prenons nos respon-sabilités.

Alors, «pour ou contre» l’avorte-ment? Non à l’avortement tel qu’il est pratiqué aujourd’hui. Oui pour que les femmes puissent choisir.

Mélodie TremblayOpinion

Martin PeresOpinion

Pour ou contre?

Nous pourrions comprendre que certains voient l’avortement com-me un homicide. Il est vrai que la

femme détient un certain pouvoir sur la vie de l’être vivant qui est en elle. Malgré cela, ce dernier a lui aussi un pouvoir immense sur la vie future de la porteuse. Il n’est pas ici question de déculpabiliser les femmes dont les comportements irresponsables mériteraient un peu plus de sensibilisation. Il s‘agit là d’un autre problème que nous n’aborderons pas. Ces femmes sont res-ponsables de leurs actions et doivent com-prendre la portée de leurs actes.

Il faut savoir que pour une femme, un avortement n’est en aucun cas une partie de plaisir, ni dans la décision ni dans l’applica-tion et peut comporter certains risques. La femme ne prend donc pas cette décision sans y avoir longuement réfléchit au préala-ble. Il ne s’agit absolument pas de la voie fa-cile à adopter. En prenant conscience de la présence d’un autre être, la femme se rend compte des implications qu’une telle res-ponsabilité peut représenter. Ce n’est pas

un dédain ni une peur face à la maternité. C’est plutôt de réaliser les responsabilités et surtout les devoirs qu’implique la pré-sence d’un autre être dans sa vie qui oblige la femme à prendre une telle décision. Il est aussi immature et irrespectueux d’utiliser l’avortement comme moyen de contracep-tion que de faire naître l’enfant alors qu’on se sait dans l’incapacité de subvenir à ses besoins moraux et matériaux. C’est donc une preuve de maturité que de savoir poser un «regard-éloigné» sur sa propre vie afin de juger de nos capacités à respecter la Vie, car il est du devoir d’une mère de s’engager à prendre soin de son enfant et de lui don-ner une existence digne et respectueuse.

Peu importe la légalité de cette pra-tique, elle continuera d’être. Si elle se fait illégalement, ce sera très souvent au péril de la vie des femmes. Du point de vue d’une société qui a le pouvoir de légiférer cette pratique, il est donc essentiel de s’assurer que chaque femme du monde aura la pos-sibilité de faire un choix en toute sécurité. Ne pas le faire serait aller à l’encontre de la suprématie de la Vie qui est si chère aux pro-choix comme aux pro-vie, malgré la conception très différente qu’ils en ont.

Mathilde Michaud - Clara DéryOpinion

Dans la chronique «Science  ça!», l’avortement est qualifié de «contraception d’urgence». Il me

semble que parler de contraception pour une opération chirurgicale qui ôte la vie est un euphémisme. Je veux simplement réa-gir à la normalisation de l’avortement, et la triste tendance à considérer l’avortement comme une autre méthode de contracep-tion. Mais rendre les procédures d’avorte-ment plus difficiles résulterait uniquement en plus de danger physique et moral pour les femmes, qui n’auraient comme ultime option que l’avortement illégal.

L’avortement au Canada est légal durant les neuf mois de la grossesse. En quoi un bébé de 5 mois qui finit de grandir dans le ventre de sa mère diffère de celui qui vient tout juste de naître?

Peut-on donc justifier la décision d’ar-rêter la vie de ce bébé de 5 mois toujours dans le ventre de sa mère sous prétexte qu’il n’a pas encore pris son premier souffle d’air ou bien que comme on ne l’a pas encore vu en vrai, c’est bon, ce n’est pas vraiment un

être humain? Alors qu’une fois né, cet en-fant sera défendu par de multiples lois, les parents persécutés par l’assistance sociale s’ils ne remplissent pas leur rôle.

Plusieurs femmes déjà mères avortent car elles ne désirent pas d’enfants supplé-mentaires. Pourquoi ne pas tuer un des enfants déjà nés et faire naître celui qui est en route? Si ça se trouve, le prochain né sera plus mignon et plus intelligent!

L’argument est souvent le suivant: si on laisse ces bébés naître dans des milieux défavorisés, sans les moyens économiques suffisants avec des parents irresponsables, leur vies seront malheureuses, encore pire s’ils se font adopter. Qui sommes-nous pour connaître le futur et ne même pas laisser une chance à ces potentiels hom-mes et femmes de faire quelque chose de leurs vie?

L’embryon ressent de la douleur lors de l’avortement, aux États-Unis une loi est en discussion pour rendre obligatoire l’anes-thésie de l’enfant, mais n’est-ce pas plutôt une méthode pour anesthésier les conscien-ces? L’avortement est une forme de déres-ponsabilisation. Un enfant ne reprochera jamais à sa mère de l’avoir laissé en vie.

Contraception d’urgence? De la suprématie de la Vie

Crédit photo : Lily Schwarzbaum

Jean-Marc GicquelOpinion

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11Arts & Culturex le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Arts&[email protected]

Lorsque deux artistes multidisci-plinaires se rencontrent. Lorsque le destin tragique d’enfants issus

de l’ombre, des interprètes amateurs se croisent. Lorsque la friction de frêles corps et d’esprits tourmentés se parle.

Mathieu Jedrazak et Amélie Poirier se connaisient. Ça se voit et ça se sent dans la pièce La jeune fille et la morve présentée au Théâtre La Chapelle. Le premier est soliste, homme de théâtre et musicien. La deu-xième a pratiqué la danse classique pendant dix ans, en plus d’étudier le théâtre et l’art de la marionnette.

Amis? Vrai. Mais surtout, êtres en proie au même quotidien et au même supplice. Il a alors été facile pour eux de travailler ensemble et de créer, avec peu de moyens, une pièce de danse et de théâtre qui dérange.

En regardant le parcours de Mathieu Jedrasak, on comprend pourquoi il est un metteur en scène de talent qui, dans les cir-constances, a su exploiter toute la tristesse dans l’âme de sa complice. On traite ainsi de troubles psychologiques, du désespoir

d’être, celui qui met en valeur les autres, et du milieu artistique pas toujours facile; rarement en fait.

Le résultat surprend. Si l’œuvre tombe âprement dans la caricature en première partie, caricature d’un monde présenté

comme ignoble, on sent la nécessité, au-tant pour l’un que pour l’autre, de s’éva-der, de changer de peau, de changer de vie. L’interprète, Amélie Poirier, le dit elle-même en parlant de cette volonté de ne pas être née, de ne pas avoir vu le jour pour être

si normale, si correcte, si médiocre. Le re-gard de l’autre, du spectateur, est tellement cuisant. Alors, on se met à nu, pour vrai, dans l’atrocité de la chair que l’on porte. On enlève le tutu pour révéler nos défauts et demander à l’Autre, avec prudence, de nous accepter comme on est. Il y a la mort, certes, pourtant on présente aussi son remède.

Une mise en scène efficace qui, par-fois, manque de maturité, mais certaine-ment pas d’authenticité. Oui, une pièce injectée de cette authenticité qui fait du bien, puisqu’elle est bien trop rare dans ce milieu. Ainsi, on ne peut reprocher aux créateurs de vouloir; d’y mettre du leur entre ces quatre murs, pour un instant, et de dire. Sur une note plus négative, il est possible de leur reprocher de tomber dans la facilité en ayant recours abusivement au processus explicatif des symboles mis en avant dans la pièce. Mais le cœur par-donne ce qu’il comprend. x

Amélie Poirier se dévoile à la ChapelleMathieu Jedrazak brise les normes de l’œuvre théâtrale dans La Jeune fille et la Morve.

THÉÂTRE

Jonathan BrosseauLe Délit

Crédit photo: LAW

Quand Sophie (Eve Majzels) annon-ce à Robert (Roberto Vilar) qu’elle est enceinte deux mois après leur

rencontre au Portugal, celui-ci n’hésite pas à venir la rejoindre à Winnipeg. Bien sûr, on ne peut arriver au Canada qu’au milieu d’une tempête de neige. C’est ainsi que le personnage principal du film The First Winter devra affronter son premier hiver ca-nadien. Cependant, le personnage créé par Ryan McKenna n’est pas un héros ordinai-re: il ne fait pas les choses en grand. C’est grâce à des gestes simples et discrets qu’on en arrive à l’admirer et à se demander com-ment il peut continuer de vivre dans l’éter-nel blizzard imaginé par McKenna.

Quand Robert arrive au Canada, il voit des tonnes et des tonnes de neige, il fait toujours nuit, les rues sont vides et

tous les personnages présents à Winnipeg boivent des quantités impressionnantes d’alcool. Le climat, à l’image de la réaction de Sophie à l’endroit de Robert, est glacial. Sophie rejette la possibilité d’être «plus qu’amie» avec Robert. Elle voudrait plutôt d’une relation avec un autre homme, qui ne semble pas lui donner ce qu’elle cherche. Ainsi, les personnages se font chacun leur tour rejeter et personne n’arrive à établir une vraie relation humaine fondée sur de l’affection. Cependant, on sait qu’il y a peut-être déjà eu de l’amitié entre Robert et Sophie au Portugal, puisque ces deux per-sonnages se rendent service plusieurs fois durant l’aventure canadienne de Robert.Le choix de McKenna de ne pas utiliser de flash-back pour expliquer leur relation force le spectateur à vivre le moment pré-sent des personnages. La caméra reste sta-tique tout au long du film. Les personnages qui entrent et sortent du cadre donnent

l’impression qu’on assiste à des vies nor-males, où les moments de silence inconfor-table ajoute au réalisme du film.

Malgré le chaud soleil du Portugal, on comprend vite que Robert est autant isolé qu’il le sera à Winnipeg. Les quelques rela-tions qu’il entretient semblent se rapporter à une question d’habitude: sa petite routine avec son père (qui est joué par le vrai père de Roberto Vilar) et son ami qui le menace d’engelure dès son arrivée au Canada. Le quotidien de Robert au Portugal est iden-tique à ce qu’il vit à Winnipeg, mis à part la température et l’alcool qui remplace le pou-let portugais. Dans les deux pays, Robert distribue des dépliants, seul, et observe la ville. Dès qu’il en a l’occasion, il aide ceux qui en ont besoin, que ce soit un chien affamé ou un homme ivre mort à moitié gelé sur le trottoir. C’est pourquoi, quand il abandonne tout pour venir rejoindre Sophie, sans même l’avertir qu’il veut l’ai-

der avec le bébé, on voudrait tellement que Sophie l’accepte. Malheureusement, selon McKenna, l’hiver à Winnipeg peut être dé-primant, et Sophie n’est pas prête pour une fin digne d’un conte de fée.

Au point de vue sonore, le film est accompli. La musique portugaise fait par-tie intégrale de la vie passée de Robert. Une fois au Canada, cette musique est souvent utilisée pour créer un contraste avec le vide qui habite Winnipeg. Les guitares et les voix portugaises rendent encore plus terrible l’interminable blizzard des scènes canadiennes. L’utilisation du son d’un vent digne d’une tempête du siècle à chaque fois que le Canada est mentionné au Portugal et tout au long du séjour de Robert emplit les oreilles tout comme le vide qui attend Robert au Canada le remplira lorsqu’il arri-vera avec l’espérance de trouver un foyer. Dans le Winnipeg de McKenna, il est diffi-cile d’espérer. x

Lisbonne au ManitobaLe premier long-métrage de Ryan McKenna plonge un Portugais au cœur de l’hiver canadien.

CINÉMA

Myriam LahmidiLe Délit

gracieuseté du Festival du Nouveau Cinéma

«Alors on se met à nu, pour vrai, dans l’atrocité que l’on porte.»

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12 Arts & Culture x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Montréal, janvier 1999. La fin du monde est prévue pour le pre-mier janvier de l’année suivan-

te. Une caméra, un ordinateur, un écran. Que faire pour oublier cette apocalypse du deuxième millénaire? Kino devient l’exécutoire du temps qui file inexora-blement vers la date fatidique, le point de non-retour. Le concept? Chaque mois, réaliser un court-métrage et le présen-ter lors d’une soirée réunissant les tra-vaux d’autres passionnés de cinéma, et ce mensuellement jusqu’à la fin du monde.

N’empêche que la fin du monde n’est jamais arrivée, pas de bogue de l’an 2000, pas d’apocalypse divine ni même de re-tour christique bimillénaire. Niet, nada. Mais le Kino, lui, reste et s’amplifie année après année, et devient un rendez-vous incontournable des premiers vendredi de chaque mois. Cela fait maintenant 10 ans que cette organisation montréalaise

existe et produit, à intervalle régulier d’un mois, des courts-métrages de haute qua-lité cinématographique, aux thèmes ori-ginaux, drôles, sincères, touchants, tristes ou complètement déjantés.

«Faire bien avec rien, faire mieux avec peu et le faire maintenant!» Kino offre aux cinéastes amateurs et passion-nés un écran libre et sans censure. Outre les projections mensuelles, il existe aussi les Kabarets Kino, véritables pépinières de création et d’expérimentation. Pendant 48 heures, ceux qui désirent expérimen-ter, découvrir et échanger techniques et points de vue se font offrir la platefor-me et l’occasion idéales. Le but, débuter à partir de rien, avoir une idée, et deux jours plus tard (plusieurs Red Bull, pizzas

et trop peu d’heures de sommeil), proje-ter le résultat final, une œuvre originale, résultat d’une ambiance effervescente et intense. Dans le cadre de son 10e anni-versaire, le Kabaret Kino a lieu lors du Festival du Nouveau Cinéma, du 8 au 17 octobre, avec au programme 50 réali-sateurs, et une centaine de comédiens et techniciens, ayant pour mission de pro-duire en 60 heures de films à un rythme effréné pendant 8 jours.

Mais le Kino n’est pas une activité exclusivement montréalaise. Le concept a conquis quatre continents et de nom-breux pays. Plus de 50 cellules kinoïstes ont vu le jour à Hambourg, Adélaïde, St-Pétersbourg, Cracovie, Helsinki et Berlin pour ne nommer que ces villes… Le centre névralgique restant néanmoins à Montréal, c’est une véritable planète Kino qui s’est développée à partir de la métro-pole au fil de la dernière décennie. Mais revenons maintenant aux soirées des premiers vendredi soirs de chaque mois. Réunie dans la salle du Lion d’or, c’est

dans une ambiance bon enfant et convi-viale que Kino convie les spectateurs pour faire découvrir l’imagination et le talent des cinéastes. Le prix de l’entrée est fixé selon une contribution volontaire, et les fonds recueillis servent à faire tourner la machine Kino. Tous les genres y sont pré-sents: comédie, drame, fantastique, hor-reur, documentaire, exercice de style, film d’art ou OFNI (objet filmé non identifié).

Le premier film est projeté, silence dans la salle, écoute attentive, rires, puis, applaudissements. Le réalisateur est in-vité à monter sur scène et à commenter son court-métrage, puis on le somme de livrer la date à laquelle sa prochaine œuvre sera projetée, date à laquelle il n’oserait sous aucun prétexte oublier de livrer un nouveau film! Puis le second court-métrage arrive, le troisième, et ain-si de suite jusqu’à la fin de la soirée. Fous rires, étreintes à la gorge, éthanol et pro-jections qui sortent des sentiers battus, les soirées du Kino sont des rendez-vous incontournables. x

L’histoire Victor Frankenstein est un jeune

garçon introverti, terriblement gentil et attachant, entouré de parents heureux et aimants. Cette famille modèle qui évolue dans une bourgade similaire à celle d’Ed-ward aux mains d’argent a pour dernier et fidèle compagnon Sparky, le petit chien qui accompagne Victor dans toutes ses aventures. Ils se réunissent principalement dans le grenier familial où Victor réalise des films en 8mm, des courts-métrages dans lesquels Sparky tient évidemment le rôle principal. Quand l’attachant cabot se fait écraser par une voiture, le cœur de l’enfant est brisé, son deuil impossible. Parce qu’il ne peut pas accepter cette mort, le petit génie trouve dans son cours de science une façon de faire renaître son ami. Seul problème: une fois Sparky de retour parmi les vivants, Victor va trouver bien difficile de garder son terrible secret, surtout avec ses curieux petits camarades de classe. Rapidement, chacun veut tenter l’expérience avec de plus ou moins bonnes intentions et le chaos s’installe dans cette charmante petite ville…

Les qualitésCe qui est génial dans Frankenweenie,

c’est non seulement qu’une fois de plus, Burton nous plonge dans son univers dé-mentiel, décalé et effrayant, mais qu’il mêle les références cinématographiques et litté-raires pour le plus grand plaisir des specta-teurs cultivés et sans priver de rien ceux qui n’y verront que du feu. Il cale ainsi son his-toire entre Frankenstein et Simetierre en l’enri-chissant de références à nombreuses de ses œuvres fétiches tout en la portant bien plus loin dans le délire. Là où le film aurait pu être une simple redite du chef d’œuvre de Shelley, Burton entraîne son récit dans un chaos d’une sympathique originalité. Là où Burton aurait pu tomber dans le sans inté-rêt, il rebondit avec justesse et crée ainsi un petit film qui saura séduire grands et petits (c’est quand même un Disney). Le seul hic de ce film, a priori? Un aspect technique: cette fameuse 3D qui, une fois de plus, est d’une constante et triste inutilité. À quand la fin de ce phénomène de mode mal utilisé, mal exploité?

La difficultéAlors, Frankenweenie, un bon film?

Difficile de juger, au fond, d’un œil pure-ment cinématographique, car c’est sûr,

c’est du déjà-vu. On est loin de découvrir un nouvel univers ou des personnages uniques –à titre d’exemple, on dira sim-plement que les gamins de Frankenweenie, malgré leurs qualités, sont moins bien cernés et psychologiquement moins déve-

loppés que les héros de L’étrange Noël de monsieur Jack. Évidemment. Les esprits na-turellement critiques encore fâchés contre le réalisateur pour ces derniers ratés, Dark Shadows et Sweeney Todd en tête de liste, ne verront pas dans ce film un intérêt quel-conque. Tout d’abord parce qu’il ne révo-lutionne pas l’histoire du cinéma, mais aussi, avouons-le, car il est devenu difficile, pour tout cinéphile qui se respecte, d’être en société et d’apprécier «les derniers Tim Burton» depuis Big Fish voire, pour les plus irréductibles, depuis Sleepy Hollow. On reproche au réalisateur de se cantonner dans ce qu’il connaît, voire même de pui-ser incessament dans ses propres oeuvres pour s’inspirer. Et ce n’est sans doute pas complètement faux, le réalisateur a des ratés et innove peu en – dehors de sa zone de confort. Alors, au final, qu’en est-il de Frankenweenie? Il ne fera pas partie des inoubliables, des films de l’année, de ceux qu’il ne faut absolument pas rater, c’est certain. Pourtant, en chuchotant, discrète-ment, loin des critiques blasés et intran-sigeants, on pourra s’avouer que ça reste sympathique, drôle et touchant. et que c’est bon de se replonger dans l’univers magique, unique et délicieux d’un réalisa-teur somme toute génial. x

Le Kabaret des KinoïstesKino Montréal présente chaque mois une série de courts-métrages.

CINÉMA

Tim Burton a encore frappéTim Burton réalise son seizième film avec Frankenweenie. Après ses derniers échecs, peut-on encore aimer celui qui réalisa Beetlejuice et Edward aux mains d’argent?

CINÉMA

Annick LavogiezLe Délit

William SangerLe Délit

Gracieuseté de Walt Disney Picures

Gracieuseté de Kino Montréal

«Kino offre aux cinéastes amateurs et passionnés un écran libre et sans censure.»

Page 21: Le Délit

13Arts & Culturex le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

V ous n’avez encore rien vu est une adaptation de deux pièces de Jean Anouilh, Cher Antoine et Eurydice.

À la mort de leur ami Antoine d’Anthac (Denis Podalydès), figure d’Anouilh et fic-tif auteur de l’Eurydice du film, treize co-médiens sont appelés à se regrouper dans la demeure de celui-ci pour effectuer ses dernières volontés. Accueillis par un ma-jordome inquiétant dans une propriété aux allures de temple grec, les acteurs ont pour mission de visionner la mise en scène d’Eurydice par une jeune troupe de théâtre, la troupe de la Colombe, et de décider si cette adaptation est oui ou non digne d’être jouée sur une vraie scène.

Une ribambelle d’acteurs et d’actrices connus (Sabine Azéma, Lambert Wilson, Pierre Arditi entre autres), une bande-an-nonce intrigante, un titre mystérieux et le nom d’Alain Resnais à la réalisation: Vous n’avez encore rien vu est un film très atten-du. Projeté dimanche en avant-première dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma, le film, qui sort le 19 octobre à Montréal, mêle théâtre et cinéma et tente d’établir une nouvelle réflexion sur les arts.

De là découle une série vertigineuse de mises en abyme. Tout d’abord, le spec-tateur est face à des comédiens jouant

leurs propres rôles – «Pierre Arditi: lui-même», peut-on lire dans le générique. Mais ces comédiens sont eux aussi mis en position de spectateurs, car ils assis-tent à la pièce filmée de la troupe de La Colombe, dans une salle ressemblant étrangement à une salle de cinéma.

De plus, si ces 13 amis ont été réunis, c’est parce qu’ils ont tous, à un moment ou à un autre, interprété la pièce de leur ami Antoine d’Anthac. Devant la nou-velle représentation de La Colombe, le texte leur revient, par bribes d’abord; ils

semblent presque remplacer les acteurs, et rejouent la pièce d’une façon encore nouvelle.

La temporalité est ici constamment interrogée. Eurydice est l’adaptation d’un mythe antique, écrite par un auteur du XXe siècle, jouée par des acteurs contemporains; la troupe de La Colombe est composée de très jeunes comédiens, les acteurs réunis chez d’Anthac sont d’un âge plus avancé. Les temps s’emmêlent jusqu’à ce que l’on ne sache plus vraiment dans quelle réalité on se trouve. Mais cela n’a pas d’importan-

ce. Ce qui importe, c’est le texte, le mythe, qui résonne depuis l’Antiquité, les dialo-gues, qui, finalement, peuvent être dits à tout âge et à toute époque.

Avec ces jeux sur le temps, Resnais semble interroger la place du théâtre et du cinéma au sein du système des arts et de la société. Le théâtre et le cinéma peuvent-ils se faire vecteurs de communication et de transmission entre les générations? Quelles sont les forces particulières de ces arts? Les acteurs disent un même texte, à différents moments de leur vie; le film est un homma-ge au théâtre et au cinéma, car ils permet-tent, peut-être, de parcourir les temps et de toujours trouver de la nouveauté. Comme le dit le titre: tout reste encore à voir.

Vous n’avez encore rien vu est un film curieux, qui parvient tout de même à re-nouveler des thèmes déjà exploités et des questions déjà posées. Quelques longueurs, pourtant, sont à regretter; le film retombe parfois dans une sorte de monotonie tran-quille et peine à s’en extraire malgré la for-ce du texte et la perfection de l’esthétique visuelle. On aurait voulu plus d’émotion, moins de distance et de froideur entre soi et les personnages. C’est finalement une réflexion très intellectualisée, au poten-tiel certes important, mais qui nous laisse sur un étrange sentiment d’inachèvement. C’est à chacun de poursuivre l’histoire. Alain Resnais entrouvre une porte – mais nous n’avons pas encore tout vu. x

Wax Tailor s’invite au QuébecQuand la musique raconte une histoire

MUSIQUE

Gracieuseté de Metropole Films

On connaissait le concept de l’his-toire contée sur fond de musique; Wax Tailor innove et nous offre

un concert sur fond d’histoire. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Wax Tailor est l’un des rares DJ français à s’être fait un nom sur la scène hip-hop électronique in-ternationale, avec un son unique empreint entre autres du trip-hop et de la musique noire américaine. Devenu célèbre après les deux albums Tales of the Forgotten Melodies en 2005 et Hope & Sorrow en 2007, il confirme son identité sonore avec Dusty Rainbow from the Dark, sorti le 10 septem-bre.

Mercredi dernier, à l’Astral, c’est tout un univers narratif et musical qui a été interprété autour de ce dernier album. Le spectacle commence avec la voix gutturale de Don McCorkindale (voix de la version radiophonique de la série The Avengers sur la BBC), racontant la mélancolie d’un jeu-ne garçon. L’immersion dans l’imaginaire de l’enfant, apparaissant sur l’écran de la scène affublé de lunettes d’aviateur, se fait au rythme de divers petits clips aux thè-mes variés, tous un peu sombre, tous très différents. De la pieuvre bleue diffusée sur le titre Time to go aux dessins urbains ani-més au son de Positively Inclined, une vidéo

accompagne chaque titre, dont le style va du hip-hop U.S. classique à la pop sixties. Wax Tailor pose le fond musical en mixant exclusivement à partir d’extraits de vinyles.

À cela s’ajoutent la voix soul de Charlotte Savary et le flow entrainant du rappeur Mattic. Enfin, quatre ins-truments sont présents sur scène — un

violon, un violoncelle, une flûte et une guitare — et donnent toujours plus de relief aux mélodies. La musique urbaine fonctionne bien avec la trame narrative et l’évasion dans le monde de l’enfance est quasi totale. C’est bien là qu’on re-connaît les vrais artistes. Bien loin des Sébastien Tellier et autres artistes arro-gants de la scène électronique française, Wax Tailor est humblement positionné tout au fond derrière ses platines et crée à partir de rien un son riche et harmo-nieux tout en offrant un spectacle visuel impressionnant.

La formidable atmosphère onirique qui se dégage tout au long du concert n’est pas laissée au hasard; Wax Tailor est un discret perfectionniste, et chaque détail est minutieusement orchestré afin d’obtenir un tel rendu. C’est peut-être ce qu’on peut lui reprocher: tout est tel-lement préparé au millimètre près que peu de place est laissée à la spontanéité. Quand on va voir un concert, on s’attend à un peu plus qu’à l’exacte retranscrip-tion de l’album studio. On veut voir l’ar-tiste s’abandonner, improviser un peu; or Wax Tailor sait parfaitement ce qu’il fait, et la voix du narrateur semble mettre une sorte de cadre au concert, empêchant tout écart. Cela dit, le rendu est telle-ment réussi qu’on ne peut pas vraiment lui en vouloir. x

Resnais renaîtVous n’avez encore rien vu: si le temps passe, le texte reste.

CINÉMA

Anne PouzarguesLe Délit

Crédit photo: Hadrien Denoyelle

Doriane RandriaLe Délit

Page 22: Le Délit

14 Arts & Culture x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Culture Hors lA loi

En haut: All the mountains know me, de Peru Dyer, sur Saint-Denis et Ontario

Les photographies sont de Thy Anne Chu Quang.

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15Arts & Culturex le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

Mur-muréLes coins de rues à l’image de la ville

La beauté de Montréal se vit quand on marche dans ses rues. Chaque jour, en temps de pluie ou de soleil,

on longe ses murs et on explore tous ses recoins. Le vrombissement des voitures ne fait pas taire les murmures des murs de Montréal: des pochoirs, des graffiti et des tags porteurs de messages sont ancrés sur les façades de la ville. Dans le rythme de la routine de chacun, dans l’empressement d’un rendez-vous, ces graphes n’obtien-nent parfois pas le regard qu’ils mérite-raient.

Oui, les murs sont devenus un sup-port artistique. Les artistes travaillent sur un support malléable et confronté aux conditions environnementales. Leur œuvre se transforme donc avec le temps: les couleurs parfois ternissent. D’autres artistes viennent juxtaposer leur propre travail au leur… Le résultat involontaire peut s’avérer extraordinaire. En effet, il y a quelque chose d’ouvert dans le graphe, car l’art des rues ne tend pas à se replier sur lui-même. Au contraire, il se fond dans le décor, en harmonie avec les objets qui l’entourent, avec les passants anonymes. Il s’impose en toute discrétion.

Les graphes ont non seulement le pouvoir de porter des messages, mais aussi de faire vivre un mur triste. Le contraste entre les couleurs vives et les formes im-parfaites des graphes avec les couleurs ter-nes et les formes rectilignes des murs, des barreaux, des portes et des fenêtres semble rendre les bâtiments plus humains. C’est la trace du passage d’un grapheur dans un lieu à un moment donné, une trace du passé.

Les artistes de rue, en noircissant les murs comme des feuilles blanches, ont donc un rôle à jouer. Ils font parler les murs et expriment la personnalité de la vil-le, une ville cosmopolite et bouillonnante.

L’art des rues reste illégal. Le graphe est une forme de vandalisme, une atteinte à la propriété publique ou privée. Les idées reçues sur ce milieu sont de fait péjorati-ves. Néanmoins, il semble parvenir peu à peu à surpasser ses propres préjugés et à s’imposer comme un art.

Il s’agit en effet d’un projet de MU, un organisme à but non lucratif qui agit

dans la région de Montréal dans le but de promouvoir la démocratisation de l’art et le développement social. Il propose une nouvelle forme d’urbanisme en revitali-sant les murs de la ville, tout en créant ce que ses promotrices, Elizabeth-Ann Doyle et Emmanuelle Hébert, appellent «une ga-lerie à ciel ouvert». Cet organisme propose des services d’ordre d’entrepreneuriat so-cial pour gérer et conseiller les réalisations de murales en mobilisant plusieurs acteurs autour d’une œuvre culturelle. Voilà deux de leurs nombreuses réalisations:

Dans le quartier latin, All The Mountains Know Me (page 14) est une fresque réalisée en 2009 par Peru Dyer, un artiste péruvien qui s’est inspiré de l’idée d’une quête des origines, d’un monde pur. Un paysage est représenté de manière naïve; on dirait l’Eldorado, une ville utopique qui regorgerait d’or d’après le mythe.

L’Euphorie des Sages a déjà quatre ans. L’idée de Carlito Dalceggio se fonde sur la renaissance vécue par les artistes des rues, appelés «les sages». L’artiste fait allusion au calendrier des Mayas. Selon eux, notre ère, qui a commencé le 14 août de l’an 3114

avant J-C, prendra fin le 21 décembre 2012. Leur conception de la vie est cyclique (non pas destructrice: ils n’annoncent pas la fin du monde). Le passage à une nouvelle ère signifie donc un renouvellement. En effet, l’œuvre fait preuve d’une explosion d’énergie manifestant l’extase des artistes de rue face à cette renais-sance.

Cet article ainsi que les autres qui vont suivre sont justifiés par le fait que l’art des rues ne vit pas seul. C’est le regard posé sur celui-ci et les réactions des passants qui le font vivre. x

Thy Anne Chu QuangLe Délit

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16 Arts & Culture x le délit · le mardi 16 octobre 2012 · delitfrancais.com

20 ans ferme est unecollaboration de Sylvain Ricard (scénario) et Nicoby (dessin et couleur), avec les conseils de Milko, fondateur et président de Ban public, une association à but non lucratif qui cherche à «favoriser la communication sur les problématiques de l’in-carcération et de la détention, et d’aider à la réinsertion des personnes détenues». Dans cet album d’une centaine de pages publié par Futuropolis, Ricard a choisi de raconter l’emprison-nement de Milan, depuis son ar-restation jusqu’à sa sortie de pri-son. La dénonciation d’un sys-tème imparfait dont on ne parle pas assez est fondée sur une his-toire vraie, et ne prend pas l’al-lure d’un questionnement, mais presque d’une accusation.

Ricard affirme: «j’ai voulu proposer au lecteur une vision de ce qu’est réellement la prison française, dans toute sa violence

et son absurdité, sans laisser trop de place au questionne-ment. C’est un plaidoyer, si on veut, contre ce système barbare et entretenu, qui va à l’encontre du bien commun». En quelques mots, tout est dit. Ce récit pour-rait être un acte politique de la part d’un artiste qui veut dénon-cer une  «république autoritaire dont les chiens de garde, police et justice, ne respectent ni les lois ni les droits fondamen-taux des individus». Car, pour Ricard, «les prisonniers ne sont pas des “citoyens ordinaires”, mais des fauves qu’il convient de mater derrière les murs. C’est une façon absurde de traiter les problèmes, et qui a maintes fois prouvé son inaptitude à gérer la violence des individus». (pro-pos recueillis par Marie Gloris Bardiaux-Vaïente)

La dénonciation des condi-tions d’incarcération passe évi-demment par le sujet et le texte, mais aussi par la disposition des cases. Nicoby crée des pages majoritairement découpées en trois cases sur trois strips, ce qui rappelle les barreaux d’une cellule et marque la similitude des journées d’un prisonnier. Le temps est rythmé par des bruits, des réfléxions, quelques contacts humains et finalement, le repli sur soi. Les couleurs servent abilement le propos: des tein-tes claires hors de la prison, des tons mornes en cellule et une atmosphère encore plus sombre dans le quartier disciplinaire.

La justesse de l’album réside dans le fait que son auteur ne remet pas en cause les peines, mais les conditions de détention de personnes qui restent, envers et contre tout, des êtres humains. C’est une piqûre de rappel pour tous: les droits d’un homme ne s’arrêtent pas derrière les bar-reaux qui enferment celui-ci. La vocation d’une prison est de protéger, mais aussi de réintégrer et non d’humilier ou de détrui-re. Pour Milan, s’il faut payer sa dette à la société, il ne faut pas oublier pour autant qu’un crimi-nel reste un homme et qu’aucu-ne administration, aucun gardien ne devrait pouvoir le rabaisser. Ainsi, c’est sa voix qui s’élève et qui reste ancrée dans nos mémoires, après la lecture de ce bouleversant témoignage: «Vous savez bien que derrière chaque personne qui entre ici, il y a une douleur, il y a un besoin, il y a un manque. Rien de tout ça n’est trivial. Nous y arrivons inache-vés, en souffrance. Nous en res-sortons détruits, déshumanisés. Pensez-vous que ces murs n’y sont pour rien? Pensez-vous que vous n’avez aucune responsabi-lité à endosser?»

Il y a toutefois un petit bémol à poser dans ce brillant album, un regret: l’auteur aurait pu profiter de ce média libre et créatif pour évoquer des solutions, même im-possible à réaliser. S’il est hors de question d’imaginer qu’on puisse guérir ce mal en quelques cases, le jeu en aurait valu la chandelle:

pointer l’indignité d’un système est essentiel, mais pourquoi ne pas montrer ce qui, concrètement, devrait changer, au-delà du sys-tème dans son ensemble? Car on ne refait pas le monde en le changeant radicalement, mais en améliorant des petites choses

qui, mises bout à bout, finissent par faire un meilleur tout. On se désole de découvrir un monde aussi brutal et inhumain, mais, optimistes que nous sommes et que nous devons rester, il aurait été bon de nous offrir une mince lueur d’espoir. x

Piqûre de rappel

Anick Lavogiez | Déambullations

CHRONIQUE

En 1985, Milan est arrêté par la police pour braquage. Outragé par ses conditions de détention, il se révolte, mais son cri ne dépasse pas les barreaux de sa cellule.

Récemment on m’a dit:«I went to UQAM yesterday, and spoke in French the whole time and nobody switched to English.» Ça m’a donné à réfléchir. Il est vrai qu’on entend beaucoup de français sur le campus, étant donné l’importante minorité francophone de l’université.

McGill compterait environ un cinquième de francophones la plupart n’ayant jamais étudié en anglais avant d’appliquer.

Vous m’aurez tous compris. Pourtant, je n’ai pas dit «postuler», mais bien «appliquer». C’est là la caractéristique principale du parler mcgillois. On utilise des mots bien anglais, qu’on francise dans leur forme et qu’on prononce avec notre accent. Qui n’a jamais parlé d’avoir un papier à rendre? Souvent on pense à cet endroit plein de livres où il fait bonne figure d’aller au moins une fois par mois et on dit «librairie», avant de se rattraper; quand on n’«assume» pas carrément au lieu de supposer, de prétendre, de tenir pour acquis. Même si l’on prend grand soin de limiter ces incongruités, apprenant à les déceler une à une, il est

bien difficile de n’en pas laisser échapper chaque jour.

Le fait est que nous sommes exposés à l’anglais bien plus que d’autres. Nous sommes immergés dans une communauté qui prend très au sérieux son rôle de défenseur de la langue anglaise à Montréal, une communauté que nous avons choisie, une langue que nous parlons tous très bien. Il est tout aussi vrai que nos compères mcgillois parlent maladroitement notre langue, malgré leurs efforts, et que nous sommes encleins à parler la leur. À quoi bon ne pas faire au plus simple, quand il est une langue dans laquelle on communique plus facilement?

On pourrait se faire la même réflexion sur des conversations entre francophones. Il arrive souvent qu’il soit plus facile de

se faire comprendre en anglais. «Course» est plus précis que «cours», et les exemples ne manquent pas. Pour ceux qui passent le meilleur de leur temps libre avec des anglophones, c’est l’anglais qui prime. On en vient à parler en anglais à tout le monde. C’est de cette façon que j’ai rencontré une de mes amies; après plusieurs soirées passées ensemble, il a fallu qu’elle réponde au téléphone avec un «allo?» dit avec l’accent d’oil, pour que je me rende compte qu’elle n’était pas anglophone.

Après quelques années passées ici, pour ceux qui viennent d’ailleurs, on devient fatigué de tout traduire. Cet exercice d’esprit requiert beaucoup d’énergie, et même de recherche. Est-ce que tout le monde sait ce que sont l’AÉFA, le GRIP-McGill? On

préfère le SSMU, le Frosh, et les autres. Le PGSS n’a même pas de traduction officielle. On s’indigne! on s’insurge! Le «Service Point de service» n’est pas capable d’issuer des documents dans un français intelligible, langue officielle de la province! Mais qu’en faisons nous?

Je dois dire que McGill of-fre à qui souhaite faire l’expé-rience du bilinguisme un ter-rain de jeux inestimable. Nous sommes des rats de laboratoire dans ce carrefour des langues. Nous parlons un anglais parfois plus complexe que notre fran-çais. On entend souvent «com-ment tu dis ça en français?», rarement l’inverse. Nous mode-lons notre langue et notre intel-lect de façon à rendre ceux-ci compatibles avec le milieu dans lequel nous évoluons. x

Parlez-vous McGill?Anselme le Texier | Les mots de saison

CHRONIQUE