le mythe du « trickster »

31
Laura Makarius Le mythe du « Trickster » In: Revue de l'histoire des religions, tome 175 n°1, 1969. pp. 17-46. Résumé I ) Analyse du phénomène rituel de la violation magique des interdits et de la situation dans laquelle le violateur vient à se trouver. — II) Examen rapide de trois figures de héros "tricksters" dans trois continents. Les traits qui les caractérisent sont ceux caractérisant le violateur. — III) Le "trickster" apparaissant comme la projection, sur le plan du mythe, du violateur rituel d'interdits, les contradictions formant la texture du personnage sont expliquées à la lumière des contradictions et de l'ambivalence inhérentes à la violation. Citer ce document / Cite this document : Makarius Laura. Le mythe du « Trickster ». In: Revue de l'histoire des religions, tome 175 n°1, 1969. pp. 17-46. doi : 10.3406/rhr.1969.9394 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1969_num_175_1_9394

Upload: lidie-marcel

Post on 30-Sep-2015

28 views

Category:

Documents


3 download

DESCRIPTION

Trcikster ou décepteurétude de ces origines via Jung, Radin, etc.

TRANSCRIPT

  • Laura Makarius

    Le mythe du Trickster In: Revue de l'histoire des religions, tome 175 n1, 1969. pp. 17-46.

    RsumI ) Analyse du phnomne rituel de la violation magique des interdits et de la situation dans laquelle le violateur vient setrouver. II) Examen rapide de trois figures de hros "tricksters" dans trois continents. Les traits qui les caractrisent sont ceuxcaractrisant le violateur. III) Le "trickster" apparaissant comme la projection, sur le plan du mythe, du violateur ritueld'interdits, les contradictions formant la texture du personnage sont expliques la lumire des contradictions et del'ambivalence inhrentes la violation.

    Citer ce document / Cite this document :

    Makarius Laura. Le mythe du Trickster . In: Revue de l'histoire des religions, tome 175 n1, 1969. pp. 17-46.

    doi : 10.3406/rhr.1969.9394

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1969_num_175_1_9394

  • Le mythe du Trickster

    I ) Analyse du phnomne rituel de la violation magique des interdits et de la situation dans laquelle le violateur vient se trouver. II) Examen rapide de trois figures de hros tricksters dans trois continents. Les traits qui les caractrisent sont ceux caractrisant le violateur. ) Le trickster apparaissant comme la projection, sur le plan du mythe, du violateur rituel d'interdits, les contradictions formant la texture du personnage sont expliques la lumire des contradictions et de Vambi- valence inhrentes la violation.

    De rcents travaux d'ethnographie africaine1 ont vers de nouveaux documents au dossier de la recherche sur le problme du hros mythique qui va sous le nom de trickster2. Ce problme qu'on avait cru d'abord n'tre qu'amrindien, et qui successivement s'tait largi, avec les travaux de Luomala3 et de Lloyd Warner4, jusqu' la sphre ocanienne, intresse maintenant tout autant l'horizon africain. Cependant, alors que l'ethnographie accumule les matriaux, on ne voit point l'ethnologie progresser sur la voie de leur

    1} On peut citer entre autres Evans-Pritchard, 1967 ; Marshall, 1962 ; Wescutt, 1062; Wescott et Morton-Williams, 1962 (aprs Herskovits, 1933 et 1958, et Tegnaeus, 195m.

    2; Trickster signifie joueur de tours , mais avec une nuance de malice que l'expression franaise ne rend pas. Un des premiers auteurs s'tre pench sur le problme a crit, au sujet de Napi, trickster des Indiens Blackfoot : Dans les contes srieux, o il s'agit de la cration, on parle de lui respectueusement et on ne trouve aucune allusion aux qualits malicieuses qui le caractrisent dans d'autres histoires, dans lesquelles il est puissant, mais parfois impotent ; plein de sagesse, mais parfois si dpourvu d'esprit qu'il doit demander secours aux animaux. Des fois, il se montre plein de sympathie pour les humains, alors que d'autres fois, par pure mchancet, il leur joue des tours pendables, vraiment diaboliques. Il reprsente une combinaison de force, de faiblesse, de sagesse, de purilit et fie malice iGrinnell, 257 ; v. aussi Brinton, 1868, 161-2!.

    3 19-19. tude, de Maui, trirksle.r de la Polynsie et de la Nouvelle-Zlande. t 19.r). Warner a tudi Bamapama, le Irirkslpr de l'Arnhem Land, Australie.

  • 18 REVUE DE L'HISTOIRE ; DES . RELIGIONS

    comprhension.. On pourrait mme affirmer que certains- efforts d'interprtation comme ceux des psychologues Jung et Kernyi' s'unissant l'ethnologue * Radin ?.. pour, tenter de dchiffrer l'nigme du; trickster des: Indiens . Winnebago1 ont paissi plutt que dissip l'obscurit du sujet.

    Ethnologues, psychologues, mythologues, historiens- des religions , se penchant sur le trickster se trouvent en prsence d'un amas de contradictions. Le hros mythique transforme laj nature et parfois, faisant -figure de* Dmiurge,*, apparat comme; le Crateur, mais est en mme temps um pitre, un bouffon - ne pas : prendre au srieux. Il arrte la course du ^ soleil, . pourfend les monstres et dfie les dieux,. et en mme temps est le protagoniste d'aventures obscnes dont ; il sort humili et avili. Ildonne aux hommes les arts, les outils et les biens civilisateurs,- et en mme temps: joue des tours pendables dont ils font les frais. - II : dispense les mdecines qui gurissent et qui sauvent et introduit la mort dans le monde. Admir, aim, vnr pour ses mrites et pour ses vertus, il est reprsent comme voleur, trompeur, parricide, incestueux, cannibale. Le farceur malicieux est tromp par le * premier venu, l'inventeur d'ingnieux stratagmes est prsent comme un idiot; le matre du pouvoir magique est parfois impuissant se tirer d'embarras. On dirait que chaque qualit ou chaque dfaut qui, lui; est attribu fait automatiquement, appel son: oppos; Le Bienfaiteur est aussi le Malin, le malintentionn. Enfin, sous ses aspects les plus prestigieux, comme sous les plus mprisables, les plus grossiers et les plus vicieux, le trickster est reprsent comme un tre sacr- , qualit qu'aucun ridicule ou aucune - abomination ne parat parvenir effacer.

    Si l'on se borne examiner ce complexe mythique en lui- mme, sans rfrence des ralits qui lui ; sont extrieures, on ne peut que choisir entre deux voies : s'efforcer d'expliquer la coexistence Mie traits contradictoires en* un mme person-

    1) Le fripon divin, .1958.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER l'J

    nage, ou le considrer comme le rsultat de l'imbrication de deux personnages diffrents. Ceux qui ont pris la premire voie se sont extnus en considrations psychologiques sans parvenir des rsultats acceptables. La seconde voie part d'un prsuppos arbitraire et aboutit dsintgrer le personnage mythique, sans pour cela rendre compte ^ deux figures rsultant de son dmembrement, ni de leur prsume imbrication. Nous suivrons quant nous une troisime voie. Nous rechercherons quelle peut tre, dans la vie sociale des peuples qui possdent ces mythes, la ralit d'exprience dont ils seraient l'manation1. Cette ralit ne peut tre que fortement contradictoire. Or, il est un phnomne trs riche en contradictions et qui se place au centre de l'activit magique et rituelle des socits tribales. C'est la violation magique des inlerdits.

    L'observation ethnographique montre que les tabous, qui en gnral sont l'objet du respect le plus strict, sont parfois dlibrment viols par des individus qui escomptent obtenir par leur transgression des rsultats favorables. La croyance qui fonde ces comportements n'a pas jusqu'ici t explique, et l'explication ne peut tre recherche que dans l'tude des tabous qui sont ainsi transgresss.

    Les tabous sont autant de mesures tendant protger individus et collectivit contre des dangers le plus souvent imaginaires et qui se prsentent sous des formes diverses, mais que nous considrons pouvoir tre ramens une source commune, le danger de sang. Quand il n'est pas investi d'une signification spcifique, qui en carte le danger2, le sang

    1) Brelich observe que pour crer, conserver, remodeler une figure mythique, comme celle du Iricksler, une socit doit, avoir eu ses raisons, ses ncessits, ses fins . II est difficile de. voir quelle pourrait tre la raison de crer et de conserver... une lsrure comme celle qui merere de la reconstruction de Radin... qui... ne serait pas aussi l'origine d'importantes ralits (l.'$4-l.'JT>).

    2) Bien sr, le sans* n'est pas toujours considr comme malfique, son usatre n'inspire pas toujours la crainte et ne se heurte pas invitablement des interdits. Il est employ, par exemple pour tablir des pactes de fraternit ; ou encore le sanir de certaines personnes est insr afin le se pntrer de leurs qualits. Les Australiens emploient mme le sanir pour faire adhrer leur corps le duvet des dguisements rituels. La forme la plus commune d'emploi rituel du sanir est le rachat sanglant , versement volontaire de sanir humain ou animal, cens prendre la

  • '20 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    humain1 vers est considr comme l'lment malfique, effrayant et- dangereux entre tous. Une peur particulirement aigu est ressentie pour le sang , des fonctions sexuelles fminines, le sang des menstrues, de la dfloration -et de l'accouchement1. La crainte du. sang/ s'tend aussi aux matires ftales (placentas, cordons ombilicaux, membranes, etc.), aux nouveau-ns, qui- ont t souills par le sang de lanaissance, aux complications- de l'accouchement naissances multiples ou anormales, fausses couches, avortements enfin aux matires cadavriques.. Toutes ces matires sont soumises au tabou > : c'est--dire qu'elles sont soustraites au contact, au voisinage des autres et mme leur vue, cause du danger qu'elles reprsentent pour la collectivit.. Il en est de mme des- personnes- sanglantes ou contamines par d'autres,, des objets souills ou se trouvant en relation avec le sang, etc.

    Or l'action effrayante et malfique, que l'imagination prte impuret sanglante, apparat rassurante et bnfique quand -ses pouvoirs destructeurs se tournent vers ce qui est adverse : l'arme ennemie, les influences qui provoquent :1a maladie, . tout ce qui ; menace et nuit et doit donc tre loign

    place de l'panchement sanglant incontrlable que l'on craint quand le tabou du sang a t bris, ou quand on va au-devant de possibles effusions de sang.

    Une telle coexistence du tabou du sang et du libre emploi du sang, d'une crainte extrme du sang et de l'absence. de cette crainte, devient comprhensible si l'on se rfre l'observation de Hubert et Mauss sur les phnomnes d'attention exclusive et de direction d'intention (59 sq.). Ces auteurs ont montr que la mentalit magique a la facult de faire abstraction des aspects d'un phnomne qui sont trangers et mme contradictoires l'aspect sur lequel l'attention se concentre exclusivement dans l'intention de parvenir un rsultat recherch. Quand le sang est employ dans des buts de magie sympathique ou de rachat il est fait abstraction de son caractre dangereux. Celui-ci, par contre, vient au premier plan quand . il s'agit d'un rite de magie violatrice. C'est prcisment le large emploi du sang non,- accompagn de manifestations de crainte qui n'a pas permis de discerner le rle dterminant de la peur du sang dans l'tablissement des tabous.- Pourtant le plus diffus des usages du sang non dangereux, le rachat sanglant , tmoigne de la peur que le sang inspire et de la force du tabou qui l'investit. Car quand le tabou du sang est bris, ou risque de l'tre, on procde au rachat sanglant comme un remde ou une prcaution contre le danger que comporte cette rupture. Le fait que des gens se scarifient, se tailladent, se mutilent ou sacrifient des animaux et mme des humains (bien que tout sacrifice ne doive pas tre automatiquement assimil un rachat), montre que ces souffrances et ces pertes paraissent prfrables aux menaces que ferait peser un versement de sang non rachet .

    l> Dhrkheim, 11 sq. V. aussi Makarius, 1961, >0 sq.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER *21

    et dtruit. Divers auteurs ont montr la valeur etiicace du sang dans cette forme de magie qui fait courir une femme menstruante travers les champs pour dtruire la vermine qui les infeste, ou fait attacher au cou des enfants chtifs les chiffons menstruels qui tiendront distance les maladies1.

    En poussant un peu plus loin l'analyse, on constate que d'une telle conception du pouvoir ngatif du sang, qui pourrait se rsumer par la formule le sang loigne tout ce qui est mauvais , on passe insensiblement la croyance en son pouvoir positif : le sang donne tout ce qui est bon . Alors que la premire formule a une base rationnelle, si l'on peut ainsi dire, la seconde nat d'une extension du pouvoir bnfique prt au sang, qui aboutit en surdterminer le pouvoir, en lui attribuant la facult de produire tous les rsultats et effets dsirables et de dispenser tous les biens. Le sang ne donnera pas seulement la scurit et la sant biens ngatifs parce qu'ils ne reprsentent que l'absence de danger et de maladie mais aussi ces biens positifs que sont la chance, la puissance, la richesse, la prosprit et le succs, ainsi que la connaissance, la sagesse, la voyance et d'extraordinaires pouvoirs crateurs. Et comme une telle extension est abusive parce qu'elle implique l'oubli du fait que le pouvoir bnfique du sang provient uniquement de son aptitude loigner le mal et comme elle n'affleure pas la conscience, le sang donnera tous ces biens d'une manire inconnue, mystrieuse. Il les donnera magiqueme.nl. (Vest surtout de cette surdlerminalion que dcoule l'ambivalence bien connue qui empreint le pouvoir du sang2.

    Pour matriser ce pouvoir des fins magiques efficaces, il est invitable de transgresser le tabou qui en interdit le contact. (Vest pourquoi la magie qui agit au moyen du pouvoir du sang a pour procd essentiel la violation du hibou. La force qui dgage la violation de tabou, la force inhrente au sang,

    1) l'A., entre autres, (Iaillois, :5K-.'H) : 7>l sq. ; K?(t. 2) Sur la violation magique de tabous, cf. L. Makarius, l'.lOs, .'{ sq. ;

    R. et L. Makarius, lOfiS (A), 222 sq. et (Bi.

  • 22 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    est le pouvoir magique, le mana qui, comme le sang, est dangereux, efficace et ambivalent et, comme le sang et la force qu'on lui suppose, est en mme temps concret et abstrait, localis et non localis, visible et invisible, ayant la fois les proprits d'une substance et celles d'une force.

    * * *

    Une telle conception de la magie explique l'usage de mdecines base de sang et de matires organiques, l'usage de talismans frotts de. sang et les onctions sanglantes qui souvent ncessitent des sacrifices humains. Elle explique l'usage magique de matires ftales embryons, ftus, avortons, caillots de sang des fausses couches, cordons ombilicaux, etc. ainsi que la croyance au rle magique des enfants avorts ou mort-ns, et tout le complexe d'ides s'attachant aux naissances multiples ou posthumes. Les matires ftales sont insparables du sang lochial et participent de l'angoisse que le sang inspire1. Les ftus avorts participent aussi d'une autre source d'angoisse, la mort, galement insparable de la peur du sang, puisque la substance de celle-ci est la peur de la mort. On constate en effet un paralllisme entre l'emploi magique du sang et l'emploi magique des matires cadavriques. Celles-ci sont employes dans les mmes conditions, aux mmes fins et dans le mme esprit que les charmes de sang et se confondent avec eux.

    La conception de la violation magique de tabou permet aussi d'expliquer la croyance la valeur magique de l'inceste, qui se trouve dans les aires ethnographiques les plus diverses2. L'exemple le mieux connu est celui du chasseur africain qui, avant de partir la chasse des lphants ou des hippopotames, croit s'assurer la chance en commettant l'inceste3.

    1) Cf. L. Makarius, 32. 2) Reichard, par exemple, crit propos des Navaho : Le dogme lie la sorcel

    lerie l'inceste entre pre et fille. D'autres exemples donns par le mme auteur signalent le rapport entre magie et inceste fraternel (I, 82;.

    3) Dobe, 41 ; Junod, II, 60-62.

  • LE - MYTHE DU TRICKSTER 23

    Pour rendre compte de cette croyance il faut, bien entendu, . commencer par s'expliquer: les -. raisons motivant la - prohibition de l'inceste. Cela peut tre fait en se rfrant Durkheim, quh. a-* su montrer la' crainte ; gnrale qu'inspire le -. sang, la crainte particulire- du- sang provenant: de l'organe sexueb fminin et la peur encore plus aigu du saignement des consanguines.;, Il" a: propos, ainsi les lments quisuffisent rendre la* peur de l'inceste intelligible sur le plan des- motivations subjectives1. Commettre l'inceste quivaut - se mettre - en contact avec le sang le plus dangereux, le sang des. femmes consanguines. . Quiconque viole cette loi* [der l'exogamie], crit Durkheim, se trouve dans le mme tat que le meurtrier. Il est entr en; contact avec le sang et les vertus redoutables du sang sont passes sur lui: II est devenu un danger, et pour lui-mme et pour les autres. Il a viol un tabou2.

    Ces vertus redoutables du sang sont prcisment celles qu'entend: matriser; et diriger, son proftile violateur, du tabou du sang. Dans cette optique, commettre dlibrment l'inceste ou'manipuler le sang emvue d'en confectionner, des charmes ? puissants sont des; actes d'un- mme ordre, impliquant un ; danger semblable, ncessitant ; les mmes mesures de prcaution et visant aux mmes rsultats. Dans les mythes- et les rcits, comme dans les rituels violateurs, les- deux actes sont souvent associs..

    L'incestueux, a crit .Durkheim, se trouve dans le mme tat: que le meurtrier. Le rapprochement serait encore plus exact si, . au lieu * de n'importe quel : meurtrier, om entendait parler du meurtrier d'un consanguin. Comme l'inceste, mais de manire plus concrte, le meurtre d'un consanguin permet d'tablir le : contact avec le sang le plus : dangereux, le sang consanguin. Comme l'inceste, il . reprsente la -violation d'un tabou fondamental du< groupe et comme l'inceste iV est cens confrer- de grands pouvoirs magiques. En: effet les* rites

    1) 47 sq. V. aussi Makarius, 1961, 62 sq. '2) P. 50.

  • 24 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    magiques des divers peuples comprennent, avec l'inceste, des meurtres de consanguins. L'assassinat d'un proche parent, crit Kluckhohn, fait partie du pattern gnral de la sorcellerie 1, et cela est vrai partout o la magie est pratique. La vie d'un consanguin est souvent le prix qu'il faut payer pour entrer dans des socits de sorciers.

    La magie fonde sur des oprations de ce type manipulations sanglantes, inceste, meurtres et meurtres consanguins est cense dclencher un pouvoir de haut voltage extrmement dangereux pour celui qui le met branle et pour son entourage, mais apte produire des rsultats de grande efficacit. Elle constitue la part essentielle de l'activit des sorciers ainsi que des rituels des socits secrtes. Elle se distingue de la magie imitative parce qu'elle ne recourt pas l'imitation (bien que parfois des rites imitatifs y soient emmls) et surtout par son caractre dangereux. Le faiseur de pluie qui recourt la magie imitative jette en l'air des seaux d'eau ; celui qui recourt la magie violatrice fait comparatre une femme indispose, commet l'inceste ou viole une spulture, dterrant des cadavres pour les manger. Si les buts sont les mmes, les moyens employs par le premier sont inoiensifs, alors que ceux mis en uvre par le second sont illgitimes et dangereux. Cet exemple montre que la Usne de dmarcation entre magie blanche et magie noire est trace plus par les moyens auxquels les deux formes de magie ont recours que par les buts qu'elles se proposent.

    Comme le tabou du sang est la poutre matresse de l'ordre dans la socit, la magie qui ne peut s'exercer qu'en le violant est ncessairement considre comme antisociale, et en quelque sorte subversive. Elle doit tre occulte. D'autre part, par sa nature mme, elle constitue un acte qui ne peut tre que singulier, rare, exceptionnel : car l'acte magique tirant sa force du danger qui s'attache au sang et de la force du tabou qui le couvre, le tabou doit tre gnralement maintenu et viol

    1) P. 58.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER

    seulement par voie d'exception. Cette ncessit contradictoire s'articule dans la conception qu'une violation de tabou en annule une autre ce qui empche la rptition de l'acte violateur1.

    * * *

    Bien qu'elle soit l'acte singulier et asocial par dfinition puisqu'en bafouant l'interdit elle bafoue l'ordre social la violation magique d'interdit est parfois accomplie au bnfice de la socit, car la socit, tout comme l'individu, a besoin du pouvoir magique propre satisfaire les dsirs essentiels du groupe : scurit, sant, protection, victoire la guerre, succs la chasse et la pche, etc.2. L'impulsion transgresser les interdits des fins magiques se heurtant la ncessit de les respecter, la socit qui veut violer sa propre loi ne peut le faire qu' travers l'action d'un grand magicien accomplissant individuellement la violation, dans lequel elle trouvera son hros.

    Ainsi se dessine la figure du violateur qui se spare de la socit et en transcende la loi par dvouement la cause des hommes. Il assume sur soi la culpabilit de tous, et est condamn ds le dpart expier afin que l'ordre social triomphe et que soit compose la contradiction qui l'a mis temporairement en pril.

    Dans ce contexte, la thse se prsente que le trickster n'existe qu'en tant que projection mythique du magicien accomplissant, dans la ralit ou dans le dsir des gens, la violation de tabou au profit de son groupe, lui apportant les mdecines ou les talismans aptes satisfaire ses besoins et ses dsirs. Il fait ainsi figure de fondateur de la vie rituelle et ceremonile de sa socit.

    ("est cette vocation de violateur qui surcharge les rcits du trickster d'actes de rbellion, de dsobissance, de dfi,

    lj V. L. Makarius, ',)'.). 2) Davy et Moret ont montr le hros amrindien en tant qu'inventeur des

    secrets magiques de chasse et de pche qui assureront l'approvisionnement du groupe (120).

  • 26 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    de transgression et de sacrilge : toutes ces manifestations ont prcisment le but d'expliciter,- dans le langage symbolique du: mythe,, la mature, et la fonction du hros. Les auteurs qui- ont tudi ces mythes dans les diverses aires ethnographiques - ont bien reconnu- le caractre violateur et profanateur, du- hros-lrickster, mais n'ont pas perue qu'il- constitue son- essence et sa: seule raison- d'exister dans l'univers mythique. Radin, par exemple, voit bien que le trickster des Winnebago est prsent par - le narrateur, comme un - fou* parfait, . qui brise les tabous sacro-saints et dtruit les objets consacrs r mais considre que ces violations sont attribues au trickster afin: de rendre manifeste sa nature asociale, alors qu'il serait plus : conforme l'ensemble des : faits ? d'invertir ce propos ; : : Wadjunkaga se voit attribuer une nature asociale r et ses liens : avec la' communaut se : brisent, cause des violations de tabou qu'il commet, et qu'il ne peut pas ne pas commettre, puisqu'il n'existe en tant que personnage mythique que pour violer ostensiblement les tabous.

    Il suffit d'envisager le hros-triekster sous ce jour, pour que se dissipe l'nigme constitue par sa* nature contradictoire : car si la texture -du personnage : doit expliciter . la nature, la : vocation et le . destin- du violateur, d'interdit elle ne peut que: retenir: les contradictions inhrentes la violation. L'examen de quelques mythes de tricksters, choisis dans des: aires diffrentes, . devrait permettre de vrifier la. thse ici propose.

    m

    Manabozo., Manahozo, trickster et hros civilisateur; des Indiens i Algonquins; d'Amrique du i Nord, est souvent reprsent comme ayant eut une naissance impure la naissance anormale; multiple et posthume reprsentant. dj. en; elle-mme - une ~- violation; - bien qu'involontaire, et une sorte de prdestination une carrire de violateur2. Dans une ver-

    1) p.- 111. 2) Cf. Makarius,- 196* (), 224.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER 2/

    sion Ojibwa, Manabozo nat d'un caillot de sang de sa mre qui, ayant conu par le vent la suite d'un acte de dsobissance, mourut le sein dchir par ses enfants qui s'y querellaient avant de venir au monde1. Dans une version Menomini, elle meurt dchiquete par un clat de roc gnr en mme temps qu'un petit loup et Manabozo2. Une autre version de la mme tribu dcrit l'clatement du corps de la mre : les fragments de chair et de sang, recueillis et mis sous un bol, gnrent un lapin, qui deviendra un humain, Manabozo3. Dans une autre variante Ojibwa, il nat non du sang de sa mre mais de son propre placenta, qui avait t jet aprs la naissance d'un premier enfant. Cette naissance d'une matire tabou sera voque par le hros pour justifier sa dcision de quitter sa grand-mre et son frre. Il dit ce dernier : De toute faon, nous deux n'avons pas eu la mme sorte de naissance... Toi. mon frre, tu es comme un vrai tre humain ; quant moi, ce qui avait t jet, c'est l la source de laquelle j'ai jailli 4.

    Dans les contes Ojibwa, nous voyons Manabozo, reprenant un thme habituel au trickster, feindre d'tre mort pour commettre l'inceste avec sa sur5. Un rcit parat faire allusion l'inceste avec sa grand-mre : il la dshabille, la lave, la saisit. Alors l'aeule lui fait trouver beaucoup de viande et le garon fait un excellent repas : un rsultat favorable suit l'vocation d'une violation d'interdit6. Un autre rcit fait tat du comportement indcent de Manabozo, qui contraint la vieille femme satisfaire ses besoins en sa prsence7.

    1, Jones, 1917, I, 3-7 (1). 2} Skinner et Satterlee, 239-241. 3. Hoffman, 114. 4) Jones, ibid., 467 (n 63). )' Jones, ibid., 279 sq. (n 33). 6; Jones, ibid., 203-205 (n 27). 7) Jones, ibid. ,447 sq. (n 58). Ce comportement obscne reprsente galement

    une allusion l'inceste. Cf. Makarius (1968 (A) 225, n. 17 et 226, n. 23). Brinton dit au sujet de Joskeha, le jumeau trickster Iroquois, qui vivait avec sa grand-mre, qu'il lui servait de mari, et voque ce sujet l'inceste pharaonique (1882, 58-59). Cf. galement Makarius (op. cil., 225) pour le rapport constant entre le violateur de tabou et la grand-mre ou parfois le grand-pre. Manabozo, galement, habite avec sa grand-mre.

  • 28 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    Une lgende Menomini attribue Manabozo l'origine de la menstruation et des fausses couches. Aprs avoir tu l'ours qui est l'amant de sa grand-mre, il offre celle-ci la chair du mort, qu'elle refuse. Prenant un caillot de sang de Tours, il le lui jette sur le ventre, en disant : Tiens ! Attrape ca ! Elit* rplique : A cause de cela, tes tantes (les femmes en gnral) auront toujours des ennuis chaque lune et elles donneront naissance des caillots de sang pareils celui-ci n1.

    C'est dans une tente menstruelle que Manabozo, contrairement toutes les rgles, va choisir son pouse. Il ignore les avertissements qui lui sont donns, car, dit le rcit (Ojibwa), il tait trs dsireux d'entrer et il y entra... . Il y passe la nuit et le lendemain matin il demande en mariage la jeune femme qui s'y trouvait. Peu de jours aprs, l'ayant retrouve au mme endroit, il l'pouse. C'est l, semble vouloir dire le mythe, le type de mariage qui convient au violateur d'interdit2. Dsormais, ajoute le texte, il s'adonnera uniquement la chasse, et aura beaucoup de chance pour attraper le gibier. Ce qui n'est pas pour nous surprendre, puisque nous savons que la violation de tabou donne la chance et en particulier la chance la chasse.

    Dans un mythe Menomini, Manabozo, ayant renvoy son frre chez les morts, a condamn les hommes tre mortels3. On retrouve le mme motif dans une version des Indiens Sauk, concernant Wisaka, autre trickster Algonquin, souvent identifi Manabozo4. Le motif de l'introduction de la mort

    1) Hoffman, 175. Dans le cycle du Livre des Winnebago, le Livre qui serait un ddoublement du trickster) jette du sang sur les cuisses de sa grand-mere, en simulant qu'elle ait ses rgles et, sur ce, couche avec elle (Radin, lO'.ti. Coyote, personnification animale du trickster, prend un peu de sang1 et le jette sur sa fille. Elle commence menstruer et va la loge de sgrgation (Shoshuni'i 'Loyvie, 248-250).

    2) Jones, I, 423-12 in0 54). Passer la nuit avec une femme dan.-, la hutl.e menstruelle est une des plus graves violations qu'un homme puisse commettre. Elle est toutefois dpasse par celle que commet un homme passant la nuit dans les mmes conditions avec sa srieur. Dans un rcit des Indiens Sanpoil, un tel crime est mis en relation avec les dbuts de la magie malfaisante et i'apparitiori de la mort dans le monde (Ray, 129-187).

    ) Michelson, 68-Ss, 72. 4) Skinner, , 38-40.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER "29

    dans le monde est constant dans les mythes de hros violateurs de tabou. Cela s'explique, puisque le pouvoir magique dont ils sont investis est celui du sang dangereux, indissociable de la mort. L'origine de leur pouvoir rsidant prcisment dans If danger mortel constitu par le sang, les tricksters ne peuvent en aucun cas accorder l'immortalit : c'est l la limite de leur pouvoir bienfaisant. On comprend ainsi la signification d'un rcit qui revient frquemment dans les cycles des tricksters amrindiens : des hommes viennent demander au hros de leur confrer le pouvoir de conqurir les femmes, la chance la chasse et aux jeux de hasard, ou la facult de gurir les malades. Leurs dsirs seront satisfaits, car ce sont l les dons que dispense le pouvoir magique du sang. Mais l'homme qui demande l'immortalit est brutalement repouss et chang en pierre1.

    Manabozo, dans le mythe Menomini, est initi par les Manitous qui lui donnent les mdecines qui guriront les humains et l'instruisent sur l'excution du Midewiwin. Tout au long de la grande crmonie tribale qui porte ce nom. les rcitants chantent les loges de Manabozo, fondateur de tous le> aspects du rituel.

    La mdecine employe au cours du Midewiwin est symboliquement associe au sang, bien que dans ses ngociations avec le:- Manitous le hros ne parle que d'herbes et de racines. Le mythe dit que Manabozo tua d'une flche l'ours Owasse, animal surnaturel, et que le sang de celui-ci s'coula au flanc de la montagne et la teignit de sorte que cela est encore visible aujourd'hui. L, ajoute le texte, nous prenons une partie de la mdecine qui est employe dans le Milawak (le Mide- miwin) "2. Or nous avons vu dans un rcit de la mme tribu

    OU h version est donne par D. Moulding Brown propos de Manabozo (6). V. aussi Hoffman, 1 1 S-1 li* et. 206. Cf. les rcits Fox sur le mme thme .-Jones, 1, 2u'.t-211 : Jones, HM7, '.V.V.i-'.V.ll . Chez les Assineboine, l'homme, qui demandait la vie ternelle est chancre en pierre par le trickster Sitoriski (Lovvie, Pi.'i).

    2: Hoffman, *9. Un conte. Pawnee parle d'une femme dite Bear Woman qui avait rei u des ours le pouvoir de purir les blesss et de rendre les gens invulnrables, et qui soignait avec du sans; menstruel (Dorsey, I, 34 f-.'i."/,. Ce rcit montre rquivalfiii-e entre le pouvoir donn par les ours et le sans menstruel.

  • 30 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    le sang d'un ours se transformer en rgles de la grand-mre et faire profrer celle-ci l'imprcation condamnant les femmes avoir des menstrues et des fausses couches.

    Le rite essentiel du Midewiwin consiste pointer contre les candidats magiciens des sachets de mdecine, dont la force magique est telle que le candidat vis tombe terre de tout son long et reste inanim. Ce pouvoir est attribu un petit coquillage, emblme sacr de la crmonie, qui a t donn par Grand Mystre Manabozo et par celui-ci son peuple1. Ce coquillage est le Cyprae moneta, symbole rpandu du sexe fminin2. Nous n'avons donc pas chercher bien loin l'association avec le sang dangereux, qui est prcisment cens produire des effets de ce genre, tant les forces de ceux contre lesquels s'exerce son pouvoir. Et l'ours Owasse, tu par Manabozo et dont le sang fournit la mdecine employe pendant la crmonie n'est pas loin non plus, car les candidats imitent, en dansant, les grognements de l'ours mystrieux 3:

    L'analyse du mythe, comme celle du rite, indique donc que le Midewiwin est associ une violation du tabou du sang : le meurtre de l'ours, accompli par le trickster, dont le sang fournit la mdecine employe dans la crmonie. Manabozo est initi par les Manitous l'usage des mdecines magiques et aux divers aspects du rituel. Il apparat comme l'inventeur de la mdecine et le fondateur de la vie ceremonile du groupe. Sur le point de quitter les Indiens, il leur dit : Chaque fois que vous rigerez un mitawikomik (loge de mdecine) vous penserez moi. Quand vous mentionnerez mon nom je vous entendrai et tout ce que vous demanderez, je le ferai 4.

    1) Hoffman, 101. 2) Pour la signification du moneta, cf. Elliott Smith, 150 sq. L';mteur

    indique aussi l'association des coquillages avec le sang (l.r>0, n. 3). Cf. aussi au ^ujet du Cyprae, Junod, II, 495. Frazer souligne l'ambigut du coquillage chez les Ojibwa. Pour .1. Kohl, il reprsente la maladie, le mal inhrent a chacun de nous , alors que pour Hoffman il reprsente la vie, qu'il infuse dans le candidat -III, t8). L'association entre sexe fminin et coquillage se rencontre frquemment chez les potes. Cf. Verlaine, Les coquillages (Les fles galantes) et Mallarme, f.'nc Ngresse par le dmon secoue...

    3) Hoffman, . 4) Moulding Brown, 102.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER; 'M

    Ce rle de fondateur .- de la principale crmonie tribale est encore mieux explicit dans le cas des Indiens Sauk; L'initiation; de Wisaka (homologue de Manabozo) rite Mitawigan; accomplie par. les Manitous, constitue le prototype de la crmonie, et le candidat au pouvoir magique reprsente 'Wisaka en personne1.

    Ceci' ne1 veut pas dire" que le personnage mythique du, trickster Algonquin soit n avec la crmonie du Midewiwiw om en fonction d'elle. IV est probable. - que quand ? certains rituels deviennent des crmonies tribales institutionnalises, celles-ci s'intgrent des traditions et des lgendes de magiciens violateurs, manipulateurs- do mdecines sanglantes, ayant vcu parle pass. Ainsi les magiciens violateurs, bien qu'agissant individuellement, ou du moins en dehors de la collectivit, font figure de fondateurs de lai vie ceremonile du i groupe2.

    Maui. , Maui est le grand r hros-trickster du Pacifique - du Sud3. Comme Manabozo, il est de naissance impure. ; D'aprs ; les diverses versions de son mythe il serait: n d'un caillot de sang que sa % mre avait envelopp dans son pagne sanglant et jet . la mer(Hawa)4, d'une goutte de sang tombe sur un ornement de sa-mre (N.-Zlande) (p. 27), de l'hmorragie- ombilicale d'une femme enceinte (Mangareva) (p. 157), ou d'unpagne rouge trouv par sa mre sur la plage et dont elle avait ceint ses flancs (110-111).- D'aprs un. autre rcit, une

    1) Skinner, 1923, .'58-40. Un autre exemple de trickster fondateur de la grande crmonie de la tribu se rencontre chez les Arapaho. Nihaa a les caractristiques ? du trickster : il est trompeur, incestueux, phallique. Mais il dirige l'dification des- Inges crmoniales, dont il a confi l'excution un meurtrier, auquel il a permis de faire une chasse miraculeuse de buffles. Celui-ci s'est engag construire la premire loge, et travaille d'aprs les indications contenues sur une peau peinte que la trickster lui a donne. Nihaa inspecte les ornements rituels et le progrs de la - construction des loges. Tout cela fut donn au peuple, les loges furent entres pour leur enseigner (Dorsey et Kroeber, 17-19;. On note des rapports entre la mdecine rituelle absorbe lors de la grande crmonie des Arapaho (la Danse du Soleil) et le sans: menstruel (Ddrsey, 19, 145-146).

    2) V. HiGKERSoN, 76. Cf. pour l'tablissement del crmonie du Midewiwin- chez les Menomini, emprunte, aux Ojibwa, Hoffman, 69 . Dans la crmonie qui eut lieu en 1890 le rle de fondateur de Manabozo est soulign par le chant du* leader du rituel. Le rcitant chante les exploits de Manabozo et les privilges qu'il reut de Grand Mystre (Hoffman, 82, 86, ^9, 01, 94).

    3) Luomala, 4. Les chiffres entre parenthses se rfrent cet ouvracre. 4) Beckwith, 1951, l'2s- 129.

  • 32 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    violation du tabou alimentaire, commise par sa mre l'instigation du dieu Tangaroa qui l'avait possde, serait l'origine de la naissance du trickster (Raratonga) (p. 173). Selon une autre version encore (Tuamotu), un tabou trs sacr fut bris quand Ataraga viola Hua-Hga, qui donna le jour Maui1.

    Abandonn par les siens, Maui est lev par les dieux qui lui apprennent les secrets de la magie, mais il ne tarde pas les dfier, son pouvoir tant suprieur au leur. Au cours d'une srie d'aventures audacieuses il pche la Terre, relve le ciel et prend le Soleil au pige. Il ne russit dans cette dernire entreprise que quand il emploie une corde faite des cheveux de sa sur ou, d'aprs une autre version, des poils pubiques d'une parente (pp. 145, 155). Il affronte des tres redoutables et vole le feu pour les hommes.

    Ses ruptures de tabou sont nombreuses. Quand il revient dans sa famille, il couche avec sa mre, veillant la jalousie de ses frres (pp. 39-40). Un rcit tahitien contient une allusion l'inceste avec sa sur, qui aurait soulev sa jupe pour lui montrer son sexe pendant que Maui tait occup prendre le Soleil au lasso. Un des enfants de Maui, Fakavelikele, commet l'inceste avec sa sur, est banni pour cette raison, devient la divinit de l'le de Futuna et quand son inspiration permet un prince de remporter de grands succs . la guerre, prend la place de son pre (p. 107).

    Le meurtre magique des consanguins, souvent li l'inceste, n'est pas absent de la geste de Maui. Le chant sacr hawaen, le Kumulipo, mentionne le combat de Maui contre ses oncles maternels, qu'il abat, et le sang qui coule de son front en cette occasion2.

    Dans une socit aux cadres religieux puissants et rigides comme la socit polynsienne, on ne peut s'attendre ce que Maui, rebelle par dfinition, se voie reconnatre le rle de premier plan que les tribus Algonquines attribuent leur

    1} Stimson, 92, n. lo. 2) Begkwith, op. cit., 13"). V. aussi Beckwith, 1910, 227-229 et Luo.mala,

    112-113.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER 33

    trickster. Un reconnat cependant Maui une. dose exceptionnelle de mana et la capacit d'en faire emploi dans ses entreprises visant changer l'ordre existant. Pour les Maori, Maui e>t parmi ceux qui ont commenc le mana dans le monde . Ils le placent, avec d'autres tres mythiques, au centre d'un cercle de feu sacr inextinguible, que le mana fait autour de la Terre et dont ils se servent pour gouverner le climat1. Maui signilie sorcellerie , comme pour rappeler par l qu'il a acquis les pouvoirs lui permettant de dtruire des vies humaines2. Une chanson appele le chant de Maui, le chant de l'abondance est en relation avec la cultivation des patates douces, et les chants par lesquels il s'assurait le succs sont chants afin de russir dans ce que l'on entreprend. Les mots qu'il employait sont rcits pour obtenir les rsultats dsirs (p. 115).

    En allongeant les journes, en soulevant le ciel et en donnant aux hommes la lumire, Maui a modifi leurs conditions de vie. Alors qu'ils ne pouvaient bouger parce qu'ils avaient des membres palms et sans jointures, le hros les a dbarrasss des membranes qui les gnaient et leur a fait des articulations. Il leur a donn le feu pour cuire les aliments, a invent les harpons, les lances et les piges poissons, a perfectionn les hameons et fait les filets pour la pche des coquillages (pp. 29, 30, 35). Les Maori exaltent ses bienfaits et l'appellent Maui Atamai, Maui le Sage ou le Bon (p. 29).

    Maui a donc la physionomie du hros civilisateur mais, crit Luomala, en dpit des efforts de certains conteurs pour le transformer en un bienfaiteur solennel, il conserve son caractre de trickster. Il est celui qui lance un dfi l'ordre tabli et les changements qu'il introduit ont l'allure de tours jous aux autorits (p. 28). On le reprsente comme le hros adolescent qui, pitinant tous les interdits, se lance l'attaque

    1) Beattie, 16. V2 i Best, I, 143. Whoolers. cit par Luomala, crit qu'en Polynsien le mot

    Maui sitrniiie srauche ou gaucher, mais qu'il iarnore la signification de ce fait. Dans le contexte de la violation de tabou, la signification de l'appartenance de Maui au ct gauche apparat clairement fc. Makarius, 1'J6 'B^.

    3

  • 34 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    de vieilles et puissantes divinits, pour leur arracher des biens spirituels et matriels, les confondre et les dtruire (p. 30). Il n'est battu que par la desse de la mort, son aeule Hine- nui-te-po, et il prit dans la tentative de se mesurer elle. Car Maui, dit le texte, n'tait pas un dieu et ne pouvait renverser l'ordre de la vie et de la mort (p. 35). Nous trouvons la mme limite au pouvoir du trickster que dans le cas Algonquin.

    Luomala saisit trs bien le caractre antisocial de Maui qui reprsente, dit-elle, l'humanit dans le conflit entre ses conventions et ses ambitions. Pour ses voisins humains, sa conduite chroniquement agressive tait antisociale (pp. 28, 29, 34). Et elle ajoute : Maui est, pour les Polynsiens, le divin bouc missaire. Grce lui, ils chappent au poids de leurs rigides tabous... Ils le punissent pour les pchs qu'ils commettent eux-mmes en inventant et en racontant des mythes qui parlent d'un dieu qui n'est pas un dieu, mais ose dfier les dieux et les anciennes conventions parchemines (pp. 28-29). En d'autres termes, Maui prend sur lui la culpabilit du groupe pour- avoir bris les tabous dans l'intrt des hommes et est puni pour avoir lanc des dfis et commis des transgressions qui rpondaient aux dsirs secrets de la collectivit.

    Legba. Cet archi-individualiste crivent les Herskovits propos du trickster Dahomen Legba peut tre considr comme la personnification de l'tre se plaisant crer des troubles (a lover of mischief), qui ignore les inhibitions, ne reconnat pas de tabous et ose s'attaquer aux injustices et les dnoncer, mme quand elles sont le fait du Crateur. Il n'est moraliste que dans la mesure o cela s'accorde avec ses caprices... Il a un faible pour l'homme, contre les vodun... (p. 36)i.

    1) Herskovits, 1058, .'56. (Les chiffres entre parenthses dans le texte se rfrent ce volume.) Le rcit d'une princesse qui mne les gens violer les tabous institus par son pre, afin de dmontrer qu'ils sont suranns et mensongers, est intitul Royal Daughter as Trickster {ibid., 377-378). Les auteurs font donc l'quivalence entre trickster et violateur de tabou, sans apercevoir que c'est l la raison de la cration du personnage mythique.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER ..)

    Briseur de tabous, Legba l'est manifestement : il couche avec sa belle-mre (pp. 41, 145), copule avec les cadavres de trois femmes qu'il a tues (p. 144), commet l'inceste avec, sa sur Gbadu et avec la fille de celle-ci, Minona (p. 44). il badine avec Gbadu devant leur mre Mawu et il se justifie en aflirmant que la responsable de son inconduite est cette dernire qui l'a dou d'un apptit sexuel inextinguible pour le punir de son inceste (pp. 44, 17Fj-176). Il saisit toutes les femmes qui passent sa porte. Il dilore la fille d'un chef, qui restait vierge parce que Legba s'tait amus rendre impuissant son mari et tous les hommes de son entourage en changeant les mdecines qu'il tait charg de leur administrer. C'est donc Legba qui se charge de la besogne et son succs, immdiat, est racont en des termes d'une exagration symbolique : II y avait du sang sur toute la maison... (pp. 42 et 146)1.

    Une danse phallique rituelle est associe cet vnement. Elle est dite danse de Legba , de mme que les tambours de Legba sont lis l'acte sexuel (39, 147). Dans un rcit, Legba apparat comme le chef de tous les dieux car, dans une contestation institue par Mawu pour dcider qui sera le chef, il a russi l o tous ses frres ont chou : il est parvenu danser en jouant de quatre instruments en mme temps (139-141). Legba avait la connaissance et il fit les charmes magiques. Il fut le premier les faire. Il enseigna un homme, Aw, la manire de les prparer (ibid.). Cette magie est bnfique et malfique car l'art magique a t donn aussi ceux qui font le mal, aux sorciers... x\\v donnait des charmes aux femmes enceintes, pour les empcher d'enfanter. Il faisait du mal aux petits enfants, mais sa rputation grandit au point que des rois venaient le consulter. La magie alors se rpandit et des mdecines bnfiques et malfiques furent donnes l'humanit (38, 141).

    1) (loucher avec la ill le* du chef est un les exploits typiques du Irick&ler. V. par exemple Nihaa des Arapaho qui dflore la fille d'un chef (Dor=hy et Kroeuer, 64-65) ; Wakdjunkara (Jung, etc., 5-61.

  • 5 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    Aw (qui est en quelque sorte le double de Legba), monte au ciel pour se mesurer avec Mawu en une preuve de connaissance et de talents magiques. Il est contraint de retourner sur terre, suivi par la Mort que Mawu a mise ses trousses. Il l'attaque, et ce n'est que lorsque Mawu menace de retirer le feu qu'il renonce au combat afin que les hommes puissent cuire leurs aliments (39). Une fois de plus nous constatons le rapport entre l'action du trickster et l'apparition de la mortalit.

    On attribue Legba l'origine de la divination, aspect trs important du culte de Fa. C'est lors d'une visite au temple de Fa qu'il a commis le double inceste avec sa sur et avec sa nice (44). Il dtient l'criture de Fa , dans laquelle est marqu le sort de chaque humain, et pour cette raison Legba doit tre vnr car s'il le veut, il peut changer les choses (177).

    Eshu-Elegba est l'homologue Yorouba du Legba Dahomen. C'est, comme ce dernier, un fauteur de troubles. Il se plat pousser les hommes offenser les dieux et d'autre part aider les dieux faire leur vengeance. l\ sme la discorde entre les hommes et leur joue de mauvais tours. Les mythes soulignent sa dsobissance, car Eshu refusa de suivre les commandements de Olorun, dieu du ciel et tre suprme. Il a persuad la Lune et le Soleil d'changer leurs demeures, bouleversant ainsi l'ordre des choses. II est l'incarnation du dfi, de la volont, de l'irrvrence... ... Son manque d'gards pour l'autorit, son caractre irascible font de lui une crature asociale 1. Il a un caractre phallique marqu. Sa coiffure et sa massue sont en forme de phallus, et le refrain de son chant rituel se rfre au long phallus que le dieu lana en guise de pont sur la rivire et qui se brisa en faisant tomber l'eau les passants2.

    Eshu, toutefois, n'est pas qu'un dieu mchant. Les

    I ) Wescott, 02, :?4O. \) L'auteur souligne que le phallus n'est pas considr comme le symbole du

    pouvoir gnrateur (48>.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER 37

    Yoroubas disent que s'il a commis beaucoup de mfaits, caus des guerres, dplac la Lune et le Soleil, men les dieux se battre entre eux il leur a cependant apport ce qu'ils ont de mieux : l'oracle de Ifa et le Soleil. Sans lui, les champs ne donneraient pas de rcoltes. Et ils ajoutent que, sans Edchou, les autres dieux seraient incapables de. mener bien quoi que ce soit. Ils lui reconnaissent une supriorit d'une sorte particulire (141)1.

    Le trickster Eshu-Elegba apparat donc comme le fondateur de la divination2, aspect principal du culte Yorouba. Il manque toutefois au tableau un trait essentiel, le rle du donateur de la mdecine. Mais ce qui ne nous est pas livr par les rcits, du moins par ceux que nous connaissons, nous est livr par la sculpture Yorouba, qui reprsente Eshu avec de petites calebasses places dans les cheveux ou juste au- dessus du front. Elles reproduisent les calebasses employes pour contenir les mdecines, et indiquent le pouvoir magique3. Parfois, le trickster tient une calebasse et une cuillre, symboliques de son culte. Un autre symbole reproduit sur les sculptures est une calebasse brise, dont les fragments sont contenus dans un sac qu'il porte la main. La signiii- cation do ce symbole apparat si l'on sait que les Yoroubas ont une association cultuelle dont les membres sont violemment opposs Eshu, qu'ils considrent comme on ne peut plus mauvais et mprisable, comme une force entirement ngative . Un des symboles principaux de ce culte est une calebasse intacte (pp. 344-!>4b') : la calebasse brise serait donc le symbole de la mdecine obtenue en violation de tabou, par consquent asociale et mauvaise. Dans ce cas aussi nous constatons le rapport entre trickster et mdecine .

    t; Frobisnius, 23-21'J. 2i Eli.is crit que les sacrifices tant rares, Eleurba proposa Ife 'homologue de

    Fa) de lui enseigner l'art de la divination, ce qui aurait amen les

  • O(S REVI'E DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    III

    II est vident que chacun de ces mythes, qui viennent de trois continents, devrait tre examin en lui-mme, en relation avec la socit dont il relve, sans oublier que le sens peut en tre inflchi dans les diffrentes versions d'aprs la situation sociale prvalant dans les diverses localits. D'autre part, dans le cadre de cet article, nous n'avons pu retenir que les traits les plus saillants de chaque cycle. Il ne s'agit donc pas de tenter l'analyse des mythes de Manabozo, de Maui et de Legba, mais seulement de constater ce qu'ils ont en commun.

    Qu'il soit Amrindien, Ocanien ou Africain, le hros commet des violations de tabou flagrantes et scandaleuses, comme s'il y tait pouss par une ncessit imprescriptible. Il incarne l'indiscipline, la dsobissance, la rbellion, dfiant en mme temps les rgles de la socit et les Etres Suprieurs. Le caractre violateur de Maui clate dans la rbellion qui le porte attaquer audacieusement les dieux, alors que Legba les dfie par sa dsobissance et sa volont de les humilier1. Si Manabozo ne fait pas figure d'un rvolt contre les dieux, c'est que la socit Algonquine ne prsente pas un panthon de divinits dfier. Il fait une guerre confuse aux Manitous et aux tres Souterrains, et c'est la suite des obscures pripties de sa lutte qu'il est initi au Midewiwin2 et qu'il en devient l'initiateur parmi les hommes.

    Manabozo et Legba sont en rapport direct avec la magie de leurs groupes, le premier pour avoir reu l'initiation, avoir donn les mdecines et fond la crmonie tribale, le second pour avoir confectionn les premiers charmes, initi la magie malfique et bnfique et fond le culte oraculaire de Fa. Dans une socit aux institutions religieuses trs dveloppes, comme la socit polynsienne, Maui ne peut apparatre comme le fondateur d'un culte important, mais ses rapports

    1) Herskovits, 0-1.. 2; Michelson, 71.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER 39

    avec la magie et la sorcellerie ne peuvent tre mis en doute. Comme Manabozo1, Maui est un hros civilisateur. Quant Legba, il est prsent comme l'ami des hommes : il prend leur parti contre les dieux, leur donne les charmes qui gurissent les malades, protgent ceux qui vont la guerre et dispensent la richesse2.

    Les trois hros-lricksters sont fortement marqus par V impuret et sont empreints d'ambivalence. Tous les trois se heurtent la suprmatie inluctable de la mort. Tous les trois enfin sont conus comme des tres placs entre le rgne des hommes et celui des divinits. Manabozo est un hros tribal, ayant acquis des qualits surnaturelles ; Maui est dit tre moins qu'un dieu, mais plus qu'un homme, n'tre pas un dieu, ou tre un dieu qui n'est pas un dieu 3 ; Legba, de mme qu'Eshu, est class avec les dieux, mais sa nature de mdiateur entre les deux rgnes est souligne avec insistance4.

    1) Ce qu'tait rellement Manabozo, crit Brinton, nous devons le rechercher dans les comptes rendus des anciens voyageurs, dans les invocations des prophtes et dans le rle qui lui tait assign lors des mystres solennels de la religion. Dans ceux-ci nous le trouvons dcrit comme le patron et le fondateur du culte Meda, l'inventeur de la pictographie, le pre et le gardien de leur nation, celui qui gouverne les vents et mme comme celui qui a fait et prserv le monde et cre la Lune et le Soleil... Il tait l'origine la plus grande divinit par eux reconnue, puissant et bienfaisant au-dessus de tous les autres, crateur des cieux et des mondes. Fondateur de la chasse de mdecine dans laquelle, aprs des rites et des incantations, Manabozo leur apparat en rve et leur dit o ils peuvent trouver facilement du gibier. Il est lui-mme un formidable chasseur. Il invente le filet de pche pour attraper 1 poissons. Les signes et les charmes qu'il a essays et transmis ses descendants sont d'une merveilleuse eilicacit la chasse (1876, 176-177}... Cet aspect de fondateur de la vie ceremonile chappe tout fait Ricketts, qui dclare que le trickster est encore plus fainant (otiose) que le dieu suprme. C'est pourquoi cet auteur, tout en soulignant, avec Van der Leeuw, l'insurrection titanesque du trickster, son dfi la divinit, sa recherche, de la matrise par la connaissance, finit par voir en lui le champion d'une rsignation raliste aux conditions du monde telles qu'elles sont t'.i'.il-'.i'.lX). Il pervertit ainsi du tout au tout, l'esprit du personnage.

    -Z) Herskovits, , fin. ') Li.'omala, 2W-29, .'}">. Elle dit aussi : II fut dchir entre l'humain et le

    divin... II voulait... dtruire la ligne de dmarcation entre esprits et tres humains :J2-.'$.'{).

    1) Herskovits, UY.Y.), >>. Ces auteurs crivent que, dans la vision du monde des Dahomens, Letrba apparat comme la personnification de l'incident philosophique, comme la voie de sortie permettant l'individu d'chapper un monde domin par la destine (l'.t*, 6 et .1.., i>fi. Si Legba reprsente une possibilit d'autodtermination, c'est parce qu'il brise les tabous qui limitent la libert des hommes en leur dfendant l'ar-c* aux moyens magiques censs pouvoir amliorer

  • 40 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGION'S

    * * *

    La thorie qui voit dans le iricksler la projection mythique du magicien violateur de tabou permet, en dnouant la contradiction entre les aspects du farceur et du boufl'on et ceux du hros civilisateur, de dpasser la controverse sur l'unit ou la dualit du personnage1. Le Iricksler est bien nomm, car il connat le Irick, le tour essentiel de la magie, et c'est cela qui lui permet de jouer des tours et de rire et faire rire aux dpens des autres. Il est tout fait comprhensible que celui qui connat le secret d'eficacit de la magie soit aussi celui qui donne aux hommes les outils les plus ingnieux et les instructions les plus utiles, que le donateur de la mdecine magique, le fondateur de l'activit rituelle qui assurera le bien-tre du groupe soit aussi celui dont proviennent tous les autres bienfaits, et qu'enfin celui qui peut changer l'tat des choses par l'exercice de son pouvoir magique soit aussi celui qui modifie les conditions existantes et transforme la nature- II est comprhensible enfin que celui qui possde de tels pouvoirs soit parfois vu mais avec hsitation et non sans rencontrer des oppositions venant d'un tre de mme nature que la sienne et qui parfois apparat comme son double dans les fonctions du Dmiurge et du Crateur.

    leur Condition. Le Irirksler conquiert ces moyens, reprsents p.ir les mdecines, les charmes et les actes interdits, et permet ceux qui en proliteiit d'amliorer leur sort, en chappant au dterminisme. Mais les Ilerskovits se trompent en crivant que Lepm donne ces charmes parce qu'en tant que messager il est en mesure de voir ce qui se passe dans le monde surnaturel (1933, . Il les donne parce qu'il est dans sa nature mythique de les donner et que c'est l la raison de son existence.

    1) On se rappellera que Brinton, par exemple, pensait qu'un personnage srieux et rvr avait t dgrad dans le joueur de tours . Boas tait d'avis que la diflicult d'unir en une seule personne l'tre bienveillant et le trickster disparat si l'on s'avise que le soi-disant hros culturel n'agit que dans son propre intrt. Quand incidemment il parvient, en faisant cela, se rendre utile aux hommes, il apparat comme un hros bienfaisant, quand il faillit il est vu comme un trickster stupide (1899, 7}. Loeb suggrait que les rcits du stupide Manabozo aigrit t repris par la socit du .Xlideiviwin afin d'exalter le hros et avec lui la socit elle-mme (473). Brelich, par contre, a exprim l'opinion que un tre mythique ambivalent ne doit pas tre ncessairement compos de deux titrures, l'une ridicule et inutile et l'autre cratrice, dont il serait la contamination... (loc. rit.), et on trouve la mme affirmation chez Ricketts 1..4-.

  • LE MYTHE DU TRICKSTER 41

    Le caractre asocial de la violation de tabou explique que le trickster, reprsent comme l'ami des humains, qui lutte contre les dieux pour amliorer leur sort, soit aussi reprsent comme un tre asocial, qui finit par tre banni de la collectivit. Parce qu'il prend sur lui la plus grave des fautes sociales, celle qui consiste briser la rgle sur laquelle s'appuie l'ordre social, le trickster porte en germe l'tre expiatoire, qui prendra sur lui les pchs de l'humanit, en en librant celle-ci, en vertu du processus bien connu du rachat. Les sentiments d'estime, de gratitude, d'affection, de vnration, en apparence aucunement motivs, que l'on porte au trickster s'expliquent ainsi, de mme que les malheurs physiques, les avanies et le ridicule qu'il subit et par lesquels on commence le faire expier.

    La contradiction entre la qualit d'tre sacr du trickster et les profanations et les sacrilges qu'il commet n'en est plus une, si l'on part du principe que le sacr du moins ce que l'on entend par sacr en ethnologie, le pouvoir dangereux, eiUcaee et ambivalent qui investit le hros est prcisment le rsultat de la violation de tabou, donc de la profanation et du sacrilge, qui sont les formes dans lesquelles la violation est explicite par lt; mythe. C'est bien, et uniquement, parce qu'il accomplit des profanations et des sacrilges que. le trickster est un tre sacr. Qualit qui ne peut d'aucune manire tre mise en question par son inconduite, ses sottises ou sa grossiret, car elle n'a rien voir avec la vertu, l'intelligence et la dignit : elle provient de ses violations, qui font de lui le dtenteur du pouvoir magique, lequel s'identifie au " sacr . Et l'ambivalence de ce pouvoir explique l'ambivalence qui investit le hros et qui vient s'ajouter aux autres sources des nombreuses contradictions dont il est le foyer.

    Investi de la puissance donne par la violation magique des interdits, le trickster dpasse la condition humaine sans pour cela atteindre la condition divine, cause de la limitation inhrente son pouvoir, le dni de l'immortalit. Cette situation plus qu'humaine et moins que divine, intermdiaire entre le ciel et la terre, fait du trickster un mdiateur, donc un inter-

  • 42 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    cesseur, comme Manabozo, ou un messager, comme Legba1. La prsente thse explique aussi le contraste entre l'astuce

    du hros et sa sottise, entre sa sagesse et l'incohrence de son comportement.

    L'astuce du joueur de tours va de soi, car quel tour est plus astucieux que la violation de tabou, expdient suprme de la magie ? Mais nous savons que le violateur doit payer, tt ou tard, le prix de ses violations, car les moyens magiques qu'il met en uvre doivent finir par se retourner contre lui. Il doit donc tre dpeint comme tombant dans les piges qu'il a tendus, comme la victime de ses propres ruses, et cela ne peut se traduire dans les rcits qu'en tant qu'aboutissement d'une conduite sotte et maladroite.

    D'autre part, le violateur est cens enfreindre systmatiquement les coutumes et les rgles, faire le contraire de ce que font les autres. Il apparat donc comme un tre agissant en dpit du sens commun, de manire inconsquente et absurde. On a bien raison de m'appeler le trickster, le sot ! 2 s'crie Wakdjunkaga, accouplant ainsi deux termes qui semblent incompatibles. Une sottise ahurissante est attribue un tre auquel, au demeurant, la violation de tabou est cense confrer l'astuce, l'intelligence et la connaissance.

    La dmesure tant le lot de celui qui ne connat ni lois, ni freins, ni limites, le violateur se voit attribuer une sexualit effrne, un caractre phallique prononc, une gloutonnerie

    1) On sait que ce Irait secondaire du trickster, d'tre un mdiateur, qui dcoule de son rle le violateur, a t pris par Lvi-Strauss pour le trait principal et pour sa fonction mythique essentielle. En rduisant le trickster au coyote et au corbeau, et en considrant que ces prdateurs constituent une mdiation entre chasse et agriculture, il croit rsoudre... ce qui en mythologie amricaine a longtemps constitu une nigme (248;. Car le trickster est... un mdiateur, et cette fonction explique qu'il retienne quelque chose de la dualit qu'il a pour fonction de surmonter. D'o son caractre, ambigu et quivoque (251). Or le trickster n'a pas un caractre ambigu et quivoque parce qu'il est un mdiateur, mais se trouve en situation de mdiateur en raison de son rle de violateur, qui fait de lui un individu ambigu et quivoque. L'ambigut du trickster est dtermine non par un mode, universel d'organiser les donnes de l'exprience sensible (250j, dcouvert par Lvi-Strauss, mais par des causes identifiables au niveau empirique : les ides, les croyances et les rites ayant cours dans les socits qui ont produit le mythe qu'il s'atrit d'tudier.

    2) L'inconsquence est note par Kernyi, 150.

  • LE MYTHE DIT TRICKSTER 43

    et une faim insatiables. Les diverses formes de Y impuret sang, menstruations, accouchements, excrments, cadavres, organes de la sexualit et de l'excrtion sont le domaine d'lection de celui que le tabou n'arrte pas. Tout ce qui est impur est le sien1. On ne peut s'tonner que son comportement soit sale, obscne et grossier.

    D'autre part, le Irickster est parfois reprsent comme le violateur malchanceux, dont la violation ne russit pas, comme; dans le cas de Wakdjunkaga, le trickster des Indiens Winnebago, ou de Ture, le Irickster Azande. Dans ce cas, les rcits exagrent les traits infrieurs de son caractre, multiplient les aventures honteuses et ajoutent la prsomption aux autres aspects ridicules du personnage2.

    Enfin, la pense mythisante qui, afin d'expliciter la signification du rcit, multiplie les violations de tabou commises par le hros (on a de cela un excellent exemple dans les premiers pisodes du mythe Winnebago) a galement tendance en souligner le caractre contradictoire, en accroissant plaisir le nombre de traits qui s'opposent, de sorte que chaque qualit attribue au hros semble faire apparatre son contraire. Cela, non parce que l'esprit humain, comme le voudraient les structuralistes , s'exprimerait ncessairement

    1) Ceci explique par exemple le rle du trickster en tant que initiateur de la menstruation et aussi en tant que spcialiste de -ouchement. Gastwokwire, trickster californien, a enseign aux femmes accoucher normalement. Jusque-l on avait d les ouvrir avec un caillou, ce qui entranait leur mort. Le mythe dit que (ratswokwire. rencontra un homme s'apprtant ouvrir le ventre d'une femme, en travail. Il trouva une plante mdicinale, la jeta dans la maison et aussitt on entendit l'enfant crier, C'est pour cela, conclut le texte, que les femmes qui accouchent invoquent son nom (Kroeber, 5, 96-97,. On attribue le mme mrite certains forcerons d'Afrique (Pettazzoni, I, 265, citant Frobknus'. Ce forgeron aurait enseign aux hommes le cot (alors qu'ils croyaient que le vagin, saignant l'poque des rgles, tait un point malade et qu'ils cohabitaient sous l'aisselle) et leur apprit galement comment faire accoucher leurs femmes ,'pour l'impuret du forgeron, cf. L. Makarius). Est attribu enraiement le mrite d'avoir enseign l'accouchement certains hros violateurs ocaniens. Cf. Elbert, 19>6, 103, citant Beckwith, 1910. Pour l'impuret du trickster, cf. aussi les donnes concernant le coyote en Makarius 96* (W, 227'..

    2) Pour la punition du violateur malchanceux, cf. Makaru s, dp. cit., 229. Ricketts attire l'attention sur les dfaites et les insuccs du Iricksler dans lesquels il voit une parodie des exploits du chamane, en suivant en cela Radin (Ricketts,

  • 44 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    par oppositions, mais parce qu'un dsir obscur de sauvegarder ce qui risque de se perdre semble vouloir retenir le sens secret du mythe en accentuant le caractre contradictoire qui lui est propre.

    * * *

    L'essai d'interprtation du tricksler en tant que projection mythique du violateur magique de tabou a montr que les divers lments du pattern mythologique naissance impure, dsobissance, violations systmatiques, entreprise- audacieuses, aventures ridicules, pouvoir magique, ambivalence, apport de la mdecine rituelle, aspects de joueur de tours, de fondateur de la vie ceremonile et de hros civilisateur ne sont pas des traits htrognes runis on ne sait pourquoi, mais tendent dfinir la nature et la fonction d'un personnage organiquement structur, expression d'une ralit sociale dtermine. Cette ralit sociale tant profondment contradictoire elle pourrait mme tre largie la dimension de la contradiction fondamentale entre l'individu et la socit -- les aspects contradictoires du personnage sont, non seulement explicables, mais ncessaires.

    Si la solution propose au problme du trickster e>t correcte, alors l'interprtation du Fripon divin que donne Radin en se fondant sur le cycle de Wakdjunkaga, doit tre considre comme' errone.

    Radin voit dans cet ensemble de rcits la description d'un processus progressif d'hominisation et de prise de conscience de l'tre physique, partir d'un tre primitif encore indiffrenci et plong dans l'inconscience1. Loin de venir du fond

    1} Rvdin, op. cit., V. l'ensemble du commentaire Les Winnel>

  • LE MYTHE DU TRICKSTER 4)

    des trs, le trickster ne peut se situer qu' un moment relativement avanc de l'histoire humaine, puisqu'il se prsente en tant que hros individuel, tranchant sur sa collectivit et agissant en opposition elle1. S'il est vrai que le mythe du trickster est bien le premier mythe mettant en scne un hros individuel caractris, c'est prcisment cette individuation qui l'loigrie d'une prsume indiffrenciation. L'ambivalence et le> contradictions qui imprgnent les rcits du trickster ne proviennent pas, comme le croyait Radin, d'une incapacit diffrencier le vrai du faux, le bien du mal, le bnfique du malfaisant mais d'une situation gnratrice d'ambivalence et de contradictions qui s'est configure dans la socit et dont le mythe du trickster est l'expression.

    Laura Makarius.

    BIBLIOGRAPHIE

    Beattie ,H.!, Mana. Journal of the Polynesian Society, vol. 30, 1921. Beckwith ; Warren Martha), Hawaian Mythology, New Haven, 1940. The Kumulipo, Chicago, 1951. Brelich A.':, Compte rendu de The Trickster par P. Radin, Studi e Maleriali di

    Sloria ilelle Religioni, Roma, 1958. Best . E... The Maori, Wellington, 1924, 2 vol. Boas (F.'., Introduction : J. Teit, Traditions of the Thompson River. Indians of

    British Columbia, Boston, 1898. Brinton ;D. J.), The Myths of the New World, Philadelphia, 1868. American Hero Myths, Philadelphia, 1882. Davy (G/, et Moret (K.),Des Clans aux Empires, Paris, 1923. Dobe (M.:, Social Control among the Lambas, Bantu Studies, vol. 2, 1923. Dorsey (G. A.'., The Arapaho Sun Dance, Chicago, 1903. The Pawnee : Mythology, Part I, Washington, 1906. - et Kroeber ; A. L.',, Traditions of the Arapaho, Field Columbian Museum

    cations, Anthropological Series, vol. 5, 1903. Dprkheim (E.j, La prohibition de l'inceste et ses origines, L'Anne sociologique,

    vol. 1, 1*97. Ei.bert ':>. IL), The Chief in Hawaian Mythology, Journal of American Folklore

    (JAF), vol. 69, 1959. Ellis ,'A. E.), The Yoruba-Speaking Peoples of the Slave Coast of West Africa,

    London, 1894. Evan^ Pritchard (E. E.), The Zande Trickster, Oxford, 1967. Frazer 'J. G.';, Tolemism and Exogamy, London, 1910, 4 vol. Fhobemi s (L.', Mythologie de l'Atlantide, Paris, 1949.

    1 . La violation magique du tabou, d'autre part, est un phnomne qui apparat a ce moment de l'volution sociale o le tabou, tout en restant gnralement respect, n'a plus un pouvoir tyra unique et absolu, parce qu'il n'est plus absolument ncessaire a maintenir la cohsion du trroupe humain.

  • 46 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    Gaillois (R.), L'Homme et le Sacr, Paris, 1939. Grinnell (G. .), Blackfool Lodge Tales, London, 1893. Herskovits (M. J.) et IIerskovits (Frances S.), An Outline of Dahomean Reli

    gious Belief, Memoirs of American Anthropological Association, n 41, Menasha, 1933.

    Dahomean Narrative, Evanston, 1958. IIickerson (V. IL), The socio-historical Significance of two Chippewa Ceremon

    ials, American Anthropologist (AA), vol. 65, 1963. Hoffman (W. J.), The Menomini Indians, 14th Annual Report of the American

    Bureau of Ethnology, 1892-1893. Jones (W.), Fox Texts, Publications of the American Ethnological Society, vol. I,

    Leiden, 1907. Notes on the Fox Indians, JAF, vol. 24, 1911. Ojibwa Texts, Publications of the American Ethnological Society, vol. VII,

    Part I, Leiden, 1917. Jung (G. G.), Kernyi (Ch.), Radin (P.), Le fripon divin, Genve, 1958. Junod (IL A.), Murs et coutumes des Bantous, Paris, 1936, 2 vol. Kluckhohn {il.), Navaho Witchcraft, Boston, 1944. Kroeber (A. L.), Wishosk Myths, JAF, vol. 18, 1905. Lvi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, 1958. Loeb (E. M.), The Creator Complex among the Indians of California, AA, vol. 28,

    1926. Lowie (R.), The Assineboine, Anthropological Papers of the American Museum

    of Natural History (AMNH), vol. IV, Part I, New York, 1910. The Northern Shoshoni, Anthropological Papers of A.M.N.H., vol. II, New

    York, 1908. Luomala (Katharine), Maul of Thousand Tricks, Bernice Bishop Museum, Bul

    letin 198, Honolulu, 1949. Makarius (Laura), Les tabous du forgeron, Diogne, vol. 62, 1968. Makarius (R.) et (L.), L'origine de Vexogamie et du totmisme, Paris, 1961. Des jaguars et des hommes, L'homme et la socit, IIS, n 7, 1968 (A). Le symbolisme de la main gauche, HS, n 9, 1968 (B). MARSHALLjLorna), King Bushmen Religious Beliefs, Africa, vol. 32, 1962. Mauss (M.), Sociologie et anthropologie, Paris, 1966. MiCHELSON (T.), Menomini Tales, AA, vol. 13, 1911. Moulding Brown (D.), Manabush Menomini Tales. Pettazzoni (R.), Miti e Leggende, 4 vol., Torino, 1948. Ray (V. F.), Sanpoil Folktales, JAF, vol. 46, 1933. Reichard (Gladys), Navaho Religion, 2 vol., New York, 1950. Rigketts (M. L.), The North American Indian Trickster, Hislory of Religions,

    vol. 5, n 2, Chicago, 1966. Skinner (A.), Observations on the Ethnology of the Sauk Indians, Bulletin of

    the Public Museum of the City of Milwakee, vol. V, 1923. et Satterlee (J. V.), Folklore of the Menomini Indians, Anthropological

    Papers of A.M.N.H., vol. 13, New York, 1915. Smith (Elliott G.), The Evolution of the Dragon, Manchester, 1919. Stimson (J. F.), The Legends of Maui and Tahaki, Bernice Bishop Museum,

    Bulletin 127, 1934. Tegnaeus (H.), Le hros civilisateur, Stockholm, 1950. Warner (L. S.), A Black Civilization, Chicago, 1958. Wescott (Joan), The Sculpture and Myths of Eshu-Elegba, the Yoruba Trickster,

    Africa, vol. 32, 1962. et Morton-Williams (P.), The Symbolism and Ritual Concept of the Yoruba

    Laba Shango, Journal of the Anthropological Institute, vol. 92, 1962.

    InformationsAutres contributions de Laura MakariusCet article est cit par :Alain Testart. Don Juan, le joueur de tours, L'Homme, 1981, vol. 21, n 1, pp. 93-119.

    Pagination171819202122232425262728293031323334353637383940414243444546

    PlanI ) Analyse du phnomne rituel de la violation magique des interdits et de la situation dans laquelle le violateur vient se trouver. II) Examen rapide de trois figures de hros "tricksters" dans trois continents. ManabozoMauiLegba.

    III) Le "trickster" apparaissant comme la projection, sur le plan du mythe, du violateur rituel d'interdits, les contradictions formant la texture du personnage sont expliques la lumire des contradictions et de l'ambivalence inhrentes la violation.Bibliographie