le pouvoir des coordonnateurs régionaux

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des coordonnateurs Sommaire. Des confkrences administratives regionales regroupent, dans des regions du Qukbec, des coordonnateurs appartenant A diffkrents ministhres. La plus ancienne de ces confkrences administratives est celle de PEst du Qukbec (Bas Saint-Laurent et Gaspdsie). Le pouvoir des coordonnateurs, et donc l’effi- cacitk de leur action, semble dependre de leur statut dans l’organisation admi- nistrative A laquelle ils appartiennent. Plus prkciskment deux traits de ce statut semblent dkterminants : la distance hikrarchique qui st5pare le coordonnateur du sous-ministre en titre de son ministhre, et l’importance de la direction gknkrale A laquelle appartient le coordonnateur. Ces deux traits du statut des coordonnateurs sont relies A leur pouvoir descendant dans l’exkcution des deci- sions, et B leur pouvoir ascendant dans la prkparation des dkcisions. Pour expliquer le pouvoir d’un coordonnateur il faut aussi tenir compte des clientdes du ministhre ou des organisations dkcentraliskes qui sont sous sa tutelle, de la cohesion de la direction centrale du ministkre, et de l’habiletk personnelle du coordonnateur. Quand ces facteurs sont favorables et que le coordonnateur est un vkritable directeur rkgional, bien situk dans son ministkre, les conditions sont remplies pour une action efficace de sa part. Abstract. In some regions of Quebec, regional administrative conferences bring together coordinators from different departments. The oldest of these adminis- trative conferences is the one in Eastern Quebec (Lower St. Lawrence and Gasp6). The coordinators’ power, and therefore the efficiency of their actions, seems to depend on their status in the administrative organisation to which they belong. More specifically, two aspects of this status seem to play a deter- mining role: the hierarchic distance between the coordinator and the deputy minister responsible for his department, and the importance of the coordinator‘s division. These two aspects of the coordinators’ status are linked to their down- ward power in implementing decisions and to their upward power in preparing them. In order to explain a coordinator’s power, one must also take into account the clients of the department and of the decentralized agencies under its authority, the cohesion of the division, and the personal skills of the co- ordinator. When all these elements are present and the coordinator is indeed a regional director, well placed in his department, the conditions for efficient action on his part are fulfilled. Cet article a pour objet le pouvoir des coordonnateurs regionaux de la Confdrence administrative regionale de l’Est du Qukbec (CAREQ). Plus L’auteur est au dbpartement de science politique, Universith Laval, Qdbec.

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Page 1: Le pouvoir des coordonnateurs régionaux

des coordonnateurs

Sommaire. Des confkrences administratives regionales regroupent, dans des regions du Qukbec, des coordonnateurs appartenant A diffkrents ministhres. La plus ancienne de ces confkrences administratives est celle de PEst du Qukbec (Bas Saint-Laurent et Gaspdsie). Le pouvoir des coordonnateurs, et donc l’effi- cacitk de leur action, semble dependre de leur statut dans l’organisation admi- nistrative A laquelle ils appartiennent. Plus prkciskment deux traits de ce statut semblent dkterminants : la distance hikrarchique qui st5pare le coordonnateur du sous-ministre en titre de son ministhre, et l’importance de la direction gknkrale A laquelle appartient le coordonnateur. Ces deux traits du statut des coordonnateurs sont relies A leur pouvoir descendant dans l’exkcution des deci- sions, et B leur pouvoir ascendant dans la prkparation des dkcisions. Pour expliquer le pouvoir d’un coordonnateur il faut aussi tenir compte des clientdes du ministhre ou des organisations dkcentraliskes qui sont sous sa tutelle, de la cohesion de la direction centrale du ministkre, et de l’habiletk personnelle du coordonnateur. Quand ces facteurs sont favorables et que le coordonnateur est un vkritable directeur rkgional, bien situk dans son ministkre, les conditions sont remplies pour une action efficace de sa part.

Abstract. In some regions of Quebec, regional administrative conferences bring together coordinators from different departments. The oldest of these adminis- trative conferences is the one in Eastern Quebec (Lower St. Lawrence and Gasp6). The coordinators’ power, and therefore the efficiency of their actions, seems to depend on their status in the administrative organisation to which they belong. More specifically, two aspects of this status seem to play a deter- mining role: the hierarchic distance between the coordinator and the deputy minister responsible for his department, and the importance of the coordinator‘s division. These two aspects of the coordinators’ status are linked to their down- ward power in implementing decisions and to their upward power in preparing them. In order to explain a coordinator’s power, one must also take into account the clients of the department and of the decentralized agencies under its authority, the cohesion of the division, and the personal skills of the co- ordinator. When all these elements are present and the coordinator is indeed a regional director, well placed in his department, the conditions for efficient action on his part are fulfilled.

Cet article a pour objet le pouvoir des coordonnateurs regionaux de la Confdrence administrative regionale de l’Est du Qukbec (CAREQ). Plus

L’auteur est au dbpartement de science politique, Universith Laval, Qdbec .

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prkcisement il cherche A 6clairer les conditions organisationnelles de ce pouvoir dans les dowe ministbres 6tudi&, soit : le Ministhre de l'Agri- culture, le Ministere des Maires culturelles, le Ministkre des Affaires municipales, le Ministbre des Maires sociales, le Ministere des Communi- cations, le Ministhe de l'Education, le Ministkre de I'Industrie et du Commerce, le Ministere des Richesses naturelles, le Ministere des Trans- ports, le Ministhre du Tourisme, de la Chasse et de la P a e , le Ministhe des Terres et ForQts et le Ministhe du Travail et de la Main-d'oeuvre.

Une premiere partie porte sur l'organisation administrative des Herents ministhres concern& et s u r la situation des coordonnateurs rkgionaux dans cette organisation administrative. Une mesure du statut des coordon- nateurs est ktablie, dont il est montrk qu'elle n'est pas sans rapport avec l'unitk administrative A laquelle ils appartiennent et avec le principe sur lequel se fonde cette unite. Dans la deuxihme partie il est montre que le statut des coordonnateurs regionaux dhrmine leur pouvoir descellclant dans Pexecution des dkisions, et leur pouvoir Qscendant dans la prkpara- tion des d&isions. D'autres facteurs du pouvoir sont aussi signal&. En conclusion les statuts des coordonnateurs rbgionaux sont examines de f apn A bien dbgager les conditions organisationnelles nkessaires A ce qu'ils soient de vbritables directeurs rbgionaux, avec des pouvoirs suf6 - sants li I'accomplissement de leur ache.

Ce bref rkssum6 indique les limites de notre article. Premihement, nous ne traitons que des cwrdonnateurs de la CAREQ, en negligeant les autres confbrences administratives regionales du Quebec. Toutefois &ant donne que nom btudions surtout l'insertion organisationnelle des coordonna- teurs dans leur ministhre et que cette insertion est la mQme pour les coor- donnateurs de toutes les rkgions, les enseignements qu'on pourra tirer de notre etude seront applicables aux autres rhgions bgalement. Deuxihme- ment, l'article porte sur une certaine forme des activites de coordination, sans prhter une bien grande attention li la substance de ces activitks. Troisihmement, seule la coordination intraministkrielle nous inthesse ici ; il n'est pas question de la coordination interministkrielle bien qu'on puisse penser que le SUCC~S dans la coordination interminist6rielle dkpend en bonne partie du pouvoir qu'ont les coordonnateurs A l'int6rieur de leur propre ministhre?

1 L a recherche d'oh est t ire cet article a &b faite au cours de 1975 et de 1976. rsonnes nous ont apportb me aide indispensable. D'abord Jean-Claude

plusieurs Grbgoire, p" e secr6tah-e de la CAREQ, avec qui now avcms eu de longs Bchanges de vues et qui a port6 un intbrbt constant & notre recherche. Ensuite la plupart des coordonnateurs rbgionaux ainsi que des fonctionnaires Qubbec qui nous ont accord6 des e n t r m s sans lespuelles il aurait &b impossible de voir clair dans les conditions organisationnelles du pouvoir des coordmateurs. La plupart de ces erhevues ont Bt6 conduites par notre assistante, Marguerite Massb-Tardif, et avant elle par Jean- Claude Turgeon, m h e si l'auteur du rapport a p h c i p b & un certain nombre d'entre

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powom DES COORWNNATEURS REGIONAUX

Nous sommes bien conscient de n'avoir trait6 que d'un aspect de la coordination rkgionale. Nous sommes bien conscient dgalement de n'avoir rien dkcouvert en soulignant les conditions organisationnelles du pouvoir des coordonnateurs rkgionaux. Ces conditions ont 6th d6gag6es dam plu- sieurs des textes sur lesquels reposent notre rapport de recherche. Mais nous avons tent6 de faire une ktude systhmatique et un peu quantifi6e de ces conditions, en espkrant que sera ainsi donn6e me meilleure prise aux rhformateurs qui voudraient agir (de facon positive, nous l'espdrons) sur le pouvoir des coordonnateurs rkgionaux.

La dkconcentration administrative n'est pas remise en question dans cet article. A certains rhformateurs la dkcentralisation politique, en parti- culier la constitution d'un gouvernement rbgional, appardt comme une solution prkf6rable. Nous ne sommes pas entrk dans ce d6bat qui nous aurait conduit hors de notre mandat de recherche.

Le statut des coordonnateurs rbgionaux Dans cette premikre partie nous allons 6tablir brihvement quelle est la situation et plus prkcidment le statut des coordonnateurs rkgionaux dans I'organisation administrative de leur ministhe.

Pour cela nous allons utiliser une typologie ancienne, dont on verra qu'elle est significative. Elle porte sur les principes de ddpartementalisa- tion qui fondent la direction gknkrale ou autre unit6 administrative A la- quelle appartient le coordonnateur.

Les principes de dkpartementalisation que nous utilisons sont ceux pro- posks il y a prbs de quarante ans par Gulick,2 et qui ont ktk souvent dis- cut& ou repris depuis, sans qu'on ait trouv6 mieux. Ce sont :

elles. La contribution des dew assistants, et en particulier de Marguerite Massk- Tardif, a w analyses prk aratoires au rapport de recherche a 6th kgalement fort utile.

internes a w organisations. Parmi les documents publics, signalons le Rkpertoire udmf- ntstratif du Q d b e c (kdition 1975), les Comptes publics du Quhbec, et les dew cahiers (l'un vert et l'autre jaune) intitulks La Confkrence administrative rdgionnle, qui ont Btd publiks par la CAREQ en mars 1974. Rappelons e d n que la phase ter- minale de la recherche a kt6 subventionnke par l'Of6ce de Pladcation et de Dk- veloppement du Qukbec (OPDQ), apds ue le dkmarrage de la recherche ait 6th rendu possible grice ?I une subvention !e l'universitk Laval. Les rbultats de la premiere dtape ont ktk publit% par l'auteur dans un bref texte intitulk a Les coordon- nateurs rkgionaux de la CAREQ: leurs pouvoirs dans l'organisation administrative. Ce texte a t paru dans le Rapport du colloque mr les politiques gouuernementules dans I'Est du Q d b e c tenu d Z'Uniuerdtd Lava1 le 25 autil 1975, une publication du Laboratoire $Etudes Politiques et Administratives du Dkpartement de Science politique de l'universitk Laval. Quant au rapport de recherche il a ktk publik par le Laboratoire sous le titre: Le pouudr des comdonnateurs rkgionaux de la CAREQ dans la s&ie Travaux et notes de recherche (no 5, mars 1977). 2 Dans L. Gulick et L. Urwick (eds.), Papers on the Sdence of Administration (New York: Institute of Public Administration, 1937), pp. 15-32.

De plus, nous avons uti P is6 un grand nombre de documents, ou bien publics ou bien

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VINCENT LEMIEUX

a) la finalitk (purpose) dont se prkoccupe le dkpartement : fournir de l'eau, juguler le crime, assurer Penseignement, 6crit Gulick ;

b) la fonction ou le processus (process) qui est utilis6 : ingknierie, mk- decine, menuiserie, sthographie, statistique, comptabilitk ;

c) les clients ou les choses (personr M things) concernhs : immigrants, vktkrans, Indiens, for& mines, parcs, orphelins, cultivateurs, automo- biles, pauvres. Gulick met les- personnes et les choses dans me m4me catkgorie ; dans la suite nous verrons qu'il est utile de distinguer entre les deux ;

d) les lieux (place) oil les services sont rendus : Haway, Boston, Washing- ton, dit Gulick, ou telle polyvalente, etc.

L'ktude de l'organisation administrative des ministkres et de la situation du coordonnateur dans cette organisation administrative est faite dans le but de mesurer le statut du coordonnateur. Deux mesures, l'une approxi- mative, Pautre plus exacte du statut du coordonnateur seront d o n n k :

1. Une mesure de l'importance de la direction gknkrale A laquelle il appartient. Le statut du coordonnateur sera note A, B ou C, selon que cette direction g6nkrale est la plus importante, une des plus importantes, ou une des moins importantes du ministhre. Le statut sera not6 D quand le coordonnateur n'appartient pas A me direction gknkrale mais A une unit6 moins importante, extkrieure A la dkpartementalisation premidre.

2. Une mesure de la distance hi6rarchique qui skpare le coordonnateur du sous-ministre en titre. Le statut du coordonnateur sera not6 1, 2, 3, 4 selon le nombre de relations hikrarchiques qu'il a A remonter pour re- joindre le sous-ministre.

Le tableau I pr6sente la situation dans les ministkres que nous avons Btudibs. A propos de chacun des ministkres nous donnons les principes de d6partementalisation sur lesquels se fondent leur directions gkn6rales.3 Les principes viennent dans un ordre dont on verra qu'il est signiikatif : lieu, chose, clientble, finalit6, fonction. Quant au principe en italique, c'est celui de la direction g6n6rale A laquelle appartient le coordonnateur. Un principe en italique, mis entre parenthbses, sign8e que le coordonna- teur appartient A une unit6 administrative autre qu'une direction gknkrale. Enfin A l'extr4me-droite du tableau on trouve la mesure du statut du coordonnateur rkgional.

Le tableau montre qu'il y a des relations entre, d'une part, l'unit6 ad- ministrative A laquelle appartient un coordonnateur ainsi que le principe

3 Les ministeres sont d&ignb ar des chiffres romains, de faGon B ne pas les identiller. Dans me h d e c o m e nStre, qui porte sur un ensemble plut6t que sur des cas particuliers, cette identification importe peu. A noter qu'il y a dew coordon- nateurs rkgionaux dans le ministAre VI, d'oh les designations VIa et VIb.

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pouvom DES COORDONNATEURS REGIONAUX

TABLEAU 1 Les principes de dhpartementalisation premOre des minWres et le statut du coordonnateur rdgionul

Principes de Statut du departementalisation coordonnateur

Ministere premikre' regional6 lieu

fonction (lieu)

fonction

I chose 2A

I1 clientele 3D

I11 chose clientele 2A fonction clientdle fonction 3A IV

chose

fonction

finulitd

V client4le 3A

VIa clientkle 3B

VIb fonction 4 c

3A finalit6

VII fonction chose

VIII client.de ( finalitb) fonction

2D

2B clientele

IX fonction ~

2 c

3 c

2D

finalit6 X fonction

clientele XI fonctton

lieu chose XI1

sur lequel se fonde cette unite, et, d'autre part, le statut du coordonnateur. On peut presenter ces relations en quatre points :

4 Le phcipe en italique est celui de la direction gbnbrale (ou d'une autre unitb, quand le principe est entre parenthhes) A laquelle appartient le coordonnitteur. 5 Le chiffre indique la position hibrarchique du coordonnateur dans son ministhe, et la lettre indique l'importance relative de la direction g6nnCale (ou autre unite) B laquelle il appartient.

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1. A commencer par les lettres A, B, C, D qui indiquent Pimportance de la direction gknkrale ou autre unite administrative A laquelle appar- tient un coordonnateur, on trouve plus de A et de B dans la partie supk- rieure du tableau (comprenant les coordonnateurs des principes a lieu w , a chose w et a clientele w ) que dans la partie infkrieure (comprenant les coordonnateurs des principes a finalitk B et a fonction s ainsi que le coor- donnateur hors principe, celui de XII). Cela indique que les directions gknkrales fondkes sur des principes c m r e t s (lieu, chose et clientble) sont d’habitude plus importantes que les directions gknkrales fondkes sur des principes ubstruits (finalitk et fonction), et qu’il vaut mieux pour un coor- donnateur appartenir aux premieres qu’aux secondes.

2. Plus prckiskment cette composante du statut d’un coordonnateur est d’autant plus forte que la direction ghnkrale 21 laquelle il appartient se fonde sur un principe qui dans son ministkre vient au premier rang, selon l’ordre que nous avons 6tabli (lieu chose ou clientde + halitk + fonction). Cela est vrai de tous les coordonnateurs de statut A, que leur principe soit le lieu (I), la chose (111), la clientele (IV et V) ou la finalitk (VII). Inversement aucun des coordonnateurs appartenant 2I une direction gknkrale dont le principe n’est que second dans l eu ministere n’a un statut A : les coordonnateurs de VIa, de IX, de X et de XI ont un statut B ou C. Restent le cas t r k s particulier de VIa oh la direction gknkral du coordonnateur ne peut pas &re considkrke la plus importante de VI h cause de sa marginalitk, et ceux de IT, de VIII et de XI1 oh les coordon- nateurs n’appartiennent pas A une direction gknkrale.

3. Si on passe maintenant aux nombres 1, 2, 3 et 4 qui indiquent la position hikrarchique du coordonnateur dans Porganisation de son minis- tkre, les relations avec la dkpartementalisation premikre ne sont pas aussi 6videntes. Abstraction faite, ici encore, des coordonnateurs qui n’appar- tiennent pas A une direction gknkrale (ceux de 11, de VIII et de XII), quelques rkgularitks se dkgagent toutefois. Les coordonnateurs des prin- cipes a lieu et a chose > ont un statut de 2, ceux du principe a: clien- tele w ont tous un statut de 3, ceux du principe a finalitk B un statut de 3 ou de 4, et ceux du principe a fonction > un statut de 2 h l’exception du coordonnateur de XI qui n’a qu’un statut de 3.

4. Cette composante du statut s’explique principalement, semble-t-il, par le niveau hikrarchique oh il est possible d’introduire une dkpartemen- talisation territoriale, ktant donnk la dkpartementalisation premiere du ministere. Cette dkpartementalisation territoriale est prksente dans le principe a lieu w et elle s’inscrit aiskment dans une direction ghnkrale du principe a chose w . Par contre dans une direction gknkrale du type a clien- tele B la subdivision arrive plus difficilement btre d’abord et seulement territoriale, ou bien parce que la clientele en question ne se trouve pas

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dans toutes les regions, ou bien parce qu'une subdivision par fonction ou par finalitk est aussi (sinon plus) approprike. De m&me dans des directions gknkrales fondkes sur les principes 4 finalitk B ou a fonction > la subdivi- sion en lieux semble se faire moins facilement que celles fondkes sur les autres principes, et quand elle se fait, comme en VIa, en VII ou en XI, on crke une direction territoriale B c8tk dautres directions. Le coordonna- teur est alors plack sous le directeur territorial, ce qui le tient assez kloignk du sous-ministre en titre. A moins que, comme en IX ou en X, on accroche directement le coordonnateur au directeur gknkral, ce qui permet de faire l'kconomie d'une subdivision territoriale, avec les incon- vknients et aussi les avantages que cela comporte.

Les facteurs dbterminants du pouvoir des coordonnateurs rbgionaux

Dans cette deuxikme partie nous allons tenter d'ktablir quels sont les fac- teurs dkterminants du pouvoir des coordonnateurs, A commencer par leur statut. I1 nous semble, en effet, que le statut des coordonnateurs tel que nous l'avons mesurk dans la partie pr6ckdente constitue un facteur dkter- minant de leur pouvoir. C'est mhme, selon nous, le facteur principal, auquel il faut en ajouter d'autres dont il sera question dans la deuxikme section : presence ou non d'organismes dkcentralisks ou de groupes de pression puissants, cohksion ou non de la direction centrale du ministkre, habiletk personnelle du coordonnateur.

Par pouvoir nous entendons la capacitk de faire faire, ou de faire agir les autres de faqon conforme B ses propres choix. A cet kgard deux es- pkces de pouvoir des coordonnateurs rkgionaux doivent &re distingukes. Cette distinction est d'ailleurs courante dans les documents de rkflexion de la CAREQ. I1 y a d'abord 1e pouvoir dans la preparation des dkcisions, ou pouvoir ascenhnt, que le coordonnateur exerce quand il fait agir, cle faqon conforme B ses propres choix, ceux qui ont charge, B Qukbec, de prendre des dkcisions concernant la rkgion. I1 y a ensuite le pouvoir dans l'exkcution des dkcisions, ou pouvoir descendant, qui consiste A faire agir ceux qui sont chargks d'effectuer les dkcisions, que ce soient des fonc- tionnaires subalternes ou des agents extkrieurs au ministhe. Dans les deux cas le statut du coordonnateur et les ressources qu'il comporte nous semblent btre les moijens principaux du pouvoir qu'il exerce ou non.

Statut et pouvoir des coordonnateurs reg io na ux

Nous pensons que les deux composantes du statut des coordonnateurs regionaux sont relikes aux deux aspects de leur pouvoir. La mesure du statut qui a trait A l'importance de la direction gkndrale A laquelle appar-

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tient le coordonnateur (A, B, C ou D) est en effet reliee de prks au pou- voir qu'a le coordonnateur dans l'exkcution des decisions, tandis que la mesure du statut qui a trait A la position hikrarchique du coordonnateur (1, 2, 3 ou 4) est relike au pouvoir qu'il a dans la preparation des dhi- sions. Ajoutons que de facon gknerale les deux pouvoirs se renforcent Tun l'autre, ou plus exactement que le pouvoir dans l'exkcution des decisions renforce toujours le pouvoir dans la preparation des decisions, l'inverse n'ktant pas toujours vrai.

Evidemment d'autres facteurs que le statut des coordonnateurs expli- que leur pouvoir. Nous en ferons une recension dans la section suivante. Mais voyons pour commencer comment de fason genkrale le statut permet de a prkdire B le pouvoir.

Le tableau I1 prksente le statut des coordonnateurs selon une matrice A double entrke. A l'horizontale, sur les lignes, les ministkres sont disposks selon la position hikrarchique des coordonnateurs, et A la verticale, dans les colonnes, les ministkres sont disposes selon l'importance de la direc- tion ghkrale A laquelle appartiennent les coordonnateurs.

IMPORTANCE DE LA DIRECTION G ~ N ~ R A L E ET powom DESCENDANT Le pouvoir d'exkcution ou pouvoir a descendant des coordonnateurs se saisit plus facilement que leur pouvoir dans la preparation des ddci- sions, ou pouvoir a ascendant 3. Les principaux indicateurs du pouvoir d'exkcution sont : le titre mbme de directeur ou d'administrateur regional, le fait de disposer d'un budget regional et de commander A tous ou A la plupart des effectifs du ministkre en r6gion.

Nous faisons I'hypothkse que, parmi d'autres facteurs qui expliquent la < grandeur B de ce pouvoir d'exkcution, l'importance de la direction gdnk- rale A laquelle appartient le coordonnateur est un facteur tout particuli8re- ment Q: puissant B. Voyons s'il est possible de vkifier cette hypothkse en examinant successivement les pouvoirs d'exkcution des coordonnateurs de type A, B, C et D. A: Viennent d'abord I et I11 oii les coordonnateurs ont un statut 2A. En fait on s'accorde A dire, en rkgion, que ce sont les deux coordonnateurs dont le pouvoir d'execution est le plus grand. Le coordonnateur de I porte le titre de directeur rkgional et celui de 111, le titre d'administrateur rk- gional. Tous deux ont autoritk s u r tout le personnel de leur ministkre en region et disposent d'un budget regional. La relation entre le statut et le pouvoir d'exkution est donc particulikrement nette dans ces deux cas.

Trois autres coordonnateurs ont un statut A, leur type ktant toutefois 3A plutBt que 2A. Ce sont ceux de VI, de V et de IV. C o m e nous l'avons not6 au debut de cette section, il y a une certaine contagion l'une sur I'autre des deux marques du statut. Les pouvoirs d'exkcution des coordon- nateurs A seraient plus grands avec un statut 2A qu'avec un statut 3A. Ce

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POUVOIR DES COORDONNATEURS REGIONAUX

semble Qtre le cas. Le coordonnateur de VI a le titxe de directeur rkgional, mais il n'a pas sous son autoritk tous les effectifs du ministbre en region (meme s'il commande A la trbs forte majorite), et il ne dispose pas d'un budget rkgional. En V le coordonnateur est le directeur du bureau rk- gional qui regroupe tous les effectifs en rkgion, mais il n'a pas de budget r6gional. Le coordonnateur de IV est lui aussi un directeur rkgional, mais il ne commande pas A tous les effectifs en region et il ne dispose pas d'un budget rbgional.

TABLEAU 11 Classification du statut des coordonnateurs selon leur position hibrarchique et l'importance de la direction gbne'rale ci laquelle ils appartiennent

Importance de la direction ge'ne'rale du coordonnateur A B

I I11

VII V IV

IX

VIa

B: Deux coordonnateurs ont un statut B, celui de IX et de VIa. En IX le poste de coordonnateur a kte A toute fin pratique aboli. En VIa, comme B peu prks toute l'activite de la direction gknkrale porte sur l'Est du Quk- bec, la direction gknkrale est en fait une direction rkgionale et c'est le directeur general, qui devrait Qtre coordonnateur B la Confkrence adminis- trative rbgionale. En fait le coordonnateur est une espbce de dklCguk du directeur gknkral, sans que soient dkconcentks en rkgion les pouvoirs, les effectifs et les budgets. Avant que son statut soit change le coordonnateur de IX dirigeait le bureau regional du ministhre, dont les effectifs ktaient de 25 personnes environ, ce qui excluait toutefois le personnel beaucoup plus nombreux d'une autre direction gknkrale. I1 n'y avait pas, non plus, de budget rkgional. On voit que par rapport aux cas 3A, le cas de IX,

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avant la rkcente rkforme, reprksente un degrk plus faible de pouvoirs d'exkcution, ce qui est conforme A notre hypothkse. C: Avec X, XI et VIb, nous avons des cas oit les pouvoirs d'exkcution des coordonnateurs sont encore plus faibles. Aucun de ces coordonnateurs a le titre de directeur ou d'administrateur regional, ils ne disposent que d'un nombre trks faible d'effectifs (XI a deux directions gknkrales dkconcen- tr6es avec des directeurs rkgionaux et des effectifs qui n'ont aucun lien oficiel avec le coordonnateur) et ils n'ont kvidemment pas de budget rkgional. D: Les coordonnateurs de XII, de VIII et de I1 n'appartenant mQme pas A une direction gknkrale, leurs pouvoirs d'exkcution n'existent tout simple- ment pas. Mis A part I1 oh s'est produit une kvolution interessante, les reprksentants des deux autres ministkres sont A peine des coordonnateurs : en VIII on park plutdt d'animateurs et XI1 illustre le type dkcrit dans un document de la CAREQ~ comme celui du coordonnateur reprksentant son ministkre mais responsable de la gestion d'aucun des projets rkguliers 011 spkciaux du ministhe.

I1 est donc possible de conclure qu'il y a une relation assez forte entre les pouvoirs d'exkcution que posskdent les coordonnateurs regionaux et cette composante de leur statut qui est mesurke par l'importance de la direction gknkrale A laquelle ils appartiennent. Voyons maintenant s'il en est de m&me de la relation entre le pouvoir e ascendant B, dans la prk- paration des dkcisions, et la composante du statut qui est mesurke par la position hikrarchique du coordonnateur dam son ministkre.

POSITION H ~ A F C H I Q U E ET POWOIR ASCENLLWT

I1 est difficile de trouver des indicateurs un peu prkcis du pouvoir e ascen- dant B des coordonnateurs, c'est-A-dire de leur capacitk de participer eficacement A la preparation des dkcisions qui concement la region. Faute de mieux nous retiendrons trois indicateurs qui vont du moins prk- cis au plus precis : l'autonomie dont dispose le coordonnateur soit pour engager son ministkre, soit pour faire changer les dkcisions dkjA prises ou sur le point d'6tre prises A Quebec ; le personnel dont il dispose en region pour l'aider dans la prkparation des dhisions ; et, enfin, plus encore que pour le pouvoir descendant, les moyens officiels qu'il a pour l'exkcution des dkcisions : ces moyens (liks au titre, aux effectifs et A la rdgionalisa- tion du budget) ne peuvent manquer de servir kgdement au pouvoir ascendant.

En utilisant ces indicateurs, cherchons A htablir les liens qui existent

6 196s-1974, mars 1874, p. 6.

L a Conflrence administrative rigionale, Annexe 1 , Rbtrospeotive de la CAREQ,

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Page 11: Le pouvoir des coordonnateurs régionaux

pouvom DES COORDONNATEURS REGIONAUX

entre la position hibrarchique du coordonnateur et son pouvoir descendant.

1: Aucun coordonnateur n'a un statut de rang 1. 2: Pas moins de six coordonnateurs ont ou avaient jusqu'A tout rkcem- ment une position hierarchique de rang 2 : ceux de I et de 111 avec un statut 2A ; celui de IX avec un statut 2B ; celui de X avec un statut 2C ; et ceux de VIII et de XI1 avec un statut 2D.

I1 ne fait pas de doute que parmi eux les coordonnateurs de I et de 111 aient le pouvoir ascendant le plus grand. Tous deux (surtout celui de I) disposent dune large autonomie pour engager leur ministhre ou encore pour inflkchir les dkisions prises A Quebec, ils ont le personnel necessaire pour les aider A bien prbparer leurs plans et projets, et leurs moyens d'ex6- cution, les plus forts en region, viennent appuyer leur pouvoir ascendant.

Avant les modifications dbjA signalkes, le coordonnateur de IX avait un pouvoir ascendant plus grand que ceux de X, de VIII et de XI1 du fait surtout qu'il disposait d'effectifs plus nombreux et qu'il appartenait A une tles principales directions gbnbrales de IX, celle de la programmation. Sur ces deux plans (les effectifs, et l'unitb administrative d'appartenance), les coordonnateurs de X, de VIII et de XI1 sont plus d6pourvus et leur pouvoir ascendant en est moins grand. Ainsi le coordonnateur de XI1 n'a pas de pouvoir dex6cution, il ne dispose pas en r6gion de personnel qui l'aide A prkparer des dossiers, mais il joue, semble-t-il, un r8le actif dans la prbparation des decisions prises A Quebec, en bonne partie griice A son habiletb personnelle, facteur sur lequel nous reviendrons dans la section suivante. 3: I1 y a aussi six coordonnateurs de rang 3 : ceux de VII, de V, et de IV dont le statut est 3A ; celui de VIa dont le statut est 3B ; celui de XI dont le statut est 3C ; et celui de I1 dont le statut dtait 3D avant les change- ments en cows.

De f a p n genkrale les coordonnateurs de statut 3A ont moins de pou- voir ascendant que ceux de statut 2A, ce qui apporte un klbment de con- furnation A notre hypotht.se. Ainsi le coordonnateur de VII dispose de moins de personnel de 0: conception B que ceux de I et de 111 et son r6le dam la prkparation des decisions est plus rkduit. Les moyens de concep- tion des coordonnateurs de IV et de V ne sont pas non plus comparables A ceux dont disposent les coordonnateurs de I et de 111. En IV et V les directions rbgionales sont surtout axbes sur l'exhtion ; leur r81e dans l'klaboration des politiques ou programmes est tres r6duit.

Le coordonnateur de VIa a Pavantage d'etre rattach6 directement au directeur gknbral de ce qui est un ministere dans un ministbe. Mais il n'a pas d'effectifs A sa disposition en region (il est d'aillews hi-meme A Qu6- bec), et son autonomie est plut8t faible.

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Le coordonnateur de XI a bien quelques personnes pour l'aider dans la conception, mais sa marge de manoeuvre dans la preparation ou la cor- rection des dkcisions est fort rauite.

Quant au coordonnateur de 11, il avait lui aussi un bien faible pouvoir ascendant au moment de notre recherche. Sans effectifs pour la concep- tion, et situe dans une unite administrative marginale, son pouvoir ascen- dant a toujours ete faible. 4: Un coordonnateur a un rang 4, avec un statut 4C : le coordonnateur de VIb. Son pouvoir ascendant est extremement faible dam un ministere dont les preoccupations portent bien peu sur l'Est du Qukbec.

De f apn genhale, il semble donc y avoir une assez bonne relation, bien que moins nette que la prkkdente (peutdtre parce que plus diflide a saisir), entre la position hierarchique du coordonnateur et son pouvoir ascendant. Toutefois une explication plus complhte du pouvoir des coor- donnateurs doit prendre en compte d'autres facteurs, qui ont deja ete signales au passage et que nous voudrions maintenant recenser plus s y st kmatiquement .

Les autres facteurs du pouvoir des coordonnateurs regionaux

Parmi ces autres facteurs dont il faut tenir compte pour expliquer le pou- voir des coordonnateurs rhgionaux nous voudrions signaler : le pouvoir des clienthles d'un ministere ainsi que celui des organismes decentralises par rapport a la direction centrale du ministere ; la cohesion de cette direction centrale ; et enfin l'habiletk personnelle du coordonnateur.

Le pouvoir qu'exercent les clienteles aupres de la direction centrde d'un ministere vient limiter le pouvoir des coordonnateurs r6gionaux. C'est tout particulierement le cas des organisations d6centralis6es territo- rialement dans le domaine des af€aires municipales, de l'kducation et des affaires sociales. Ainsi les municipalites exerqant des pouvoirs d'exhtion et disposant de certains moyens de pression sur les decisions prises a Qukbec, les pouvoirs du coordonnateur rbgional sont rduits d'autant. Le Ministere des Maires municipales a fait des efforts pour renforcer les pouvoirs du bureau regional, mais on peut penser que les municipalit& continueront de s'adresser i Quebec plutbt qu'A Rimouski A propos des enjeux (surtout financiers) qui comptent vraiment pour eux. Les pouvoirs des organisations decentraliskes ne sont pas aussi grands dans le domaine de reducation et dans celui des affaires sociales, mais ces pouvoirs ne manquent pas de determiner en partie l'augmentation ou la diminution des moyens de pouvoir cordiks aux fonctionnaires r6gionaux, suite A une reforme administrative. De mhme la presence d'organismes d6centralids

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POUVOJR DES COORDONNATEURS HEGIONAUX

fonctionnellement dans un secteur donne est parfois limitative du pouvoir des coordonnateurs. On pense, par exemple, A l'Office du Credit agricole dont l'action pourtant fort importante pour le dkveloppement agricole, echappe tout A fait au pouvoir du coordonnateur rbgional du Ministere de 1'Agriculture. La force de pression d'organisations, autres que decentrali- sees, qui vont frapper A Qukbec (oh se trouvent les pouvoirs dkisifs, selon eux) vient aussi enlever du pouvoir aux coordonnateurs rhgionaux. Pensons aux groupes populaires tres actifs dans le domaine des terres et for& ou A des groupes moins populaires et plus secrets dans le secteur de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la fiche, etc. Ajoutons que ces pressions, limitatives du pouvoir des coordonnateurs regionaux, peuvent s'exercer Bgalement dans les secteurs oh existent pour- tant des organisations dkcentraliskes. Ainsi la pression de certains hbpi- t a u , non canalis6e par les conseils rkgionaux, dans le secteur de la santd

La cohksion de l'6quipe de direction dun ministere est un autre facteur dont il faut tenir compte, soit qu'elle vienne renforcer les moyens de pou- voir des coordonnateurs puissants, soit qu'elle vienne affaiblir les moyens des coordonnateurs faibles, soit qu'elle ait dautres effets. Le MinistAre 111, du moins d'apres ce qu'on nous en a dit, vient illustrer le cas oh la forte cohQion de l'6quipe de direction est un facteur favorable au pouvoir de l'administrateur rbgional. D'autant plus que parmi les sous-ministres ad- joints celui qui dirige les operations territoriales est tout particulierement puissant. A l'inverse une certaine cohesion qui semble s'ktre faite au Minis- tAre des AfFaires sociales autour de l'idke visant A accorder de plus en plus de moyens de pouvoir aux Conseils rhgionaux de la santk et des services sociaux vient limiter 'pandement les moyens des coordonnateurs re- gionaux, appellation d'ailleurs disparue. Dans un autre ministere oh le coordonnateur dispose de peu de moyens, les divisions personnelles entre les membres de l'kquipe de direction contribuent plutbt A maintenir un certain statu quo. Quoiqu'il en soit, ces facteurs que nous n'avons pu htudier de prks, et qui de toute faGon ne peuvent &tre exposes ici dans le dktail, ne sont pas nkgligeables pour l'explication du pouvoir des coordon- nateurs. Bien souvent, la cohesion ou non dune 6quipe de direction est elle-m&me dkterminee par l'existence ou non dune politique bien dkfinie de la part du ministere. LA oh cette definition n'a pas kt6 faite ou refaite, la cohesion est dficile A 6tablir. Dailleurs c'est souvent suite A une d&- nition ou A une redefinition precise que se forme une Cquipe de direction qui trouve sa cohCsion autour de la politique du ministere.

Enfin l'habiletk personnelle du coordonnateur est un autre facteur dont il faut tenir compte, dans la mesure oh cette habiletk n'est pas strictement dkterminke par son statut. Ici encore il ne serait pas de mise d'entrer dans les dCtails et &identifier des coordonnateurs habiles ou malhabiles. Pour

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nous en tenir A un cas oh l'habilet6 personnelle a fait une difference posi- tive, rappelons celui du coordonnateur de XII. On nous a aussi signal6 un cas au moins, oh le manque d'habilet6 d'un coordonnateur aurait 6t6 un facteur restrictif de son pouvoir. Dans notre Btude qui tente de montrer la pertinence des facteurs organisationnels, la prise en compte des fac- teurs personnels ne peut Qtre t r k s d6velopph. Mais nous voulions quand meme signaler que ces facteurs ne sauraient Atre negliges dans une 6tude plus complkte du pouvoir des coordonnateurs rbgionaux.

Conclusion Cet article a surtout cherch6 A montrer que le pouvoir ascendant et le pouvoir descendant des coordonnateurs r6gionaux sont en bonne partie d6termin6s par leur statut, mesure A la fois par la distance hikrarchique qui les &pare du sous-ministre en titre, et par l'importance de Punit6 ad- ministrative A laquelle ils appartiennent. En guise de conclusion pratique nous allons examiner brikvement ces statuts, en allant des moins favorables aux plus favorables, afin de bien cerner les conditions organisationnelles nhcessaires A ce que les coordonnateurs r6gionaux soient de vkritables directeurs r6gionaux avec un pouvoir ascendant et un pouvoir descendant sufEsants pour inscrire dans les d6cisions prises A Qubbec ou sur le terri- toire des 616ments sp6cii3ques A la rhgion, qui autrement ne pourraient trouver place dans les actions gouvernementales.

parmi les statuts incompatibles avec les fonctions de directeur ou d'administrateur rkgional, il y a d'abord tous ceux qui comportent les lettres D ou C, c'est-A-dire ceux des coordonnateurs qui ou bien n'appar- tiennent pas A une direction gbnkrale, ou bien appartiennent A une direc- tion g6n6rale qui n'est pas parmi les plus importantes du ministere et qui, de toute fapn, est fond6e sur les principes rubstraits de la finalit6 ou de la fonction.

Les coordonnateurs qui appartiennent A la direction generale la plus importante de leur ministhe, ou A une des plus importantes, sont mieux plac6s pour agir comme de vbritables directeurs rbgionaux. A condition toutefois que la distance hikrarchique qui les s6pare du sous-ministre en titre ne soit pas trop grande. Nous fixerions A 3 la distance qui ne doit pas btre d6pass&, ce qui est le cas de tous les coordonnateurs de type A ou By soit ceux qui ont des statuts 3B, 3A ou 2A. Ceux de statut 2A sont 6videmment dans la situation la plus favorable. Voyons d'abord la situa- tion de ceux qui sont &parks par trois relations de leur sous-ministre en titre (statuts 3B et SA).

Le cas du coordonnateur de type 3B est un peu special. Sa direction g6n6rale est relativement isol6e et autonome, avec des clienthles qui se trouvent en leur quasi-totalit6 dans 1'Est du Quebec. Pour que le coordon- nateur B la Confkrence administrative agisse comme un veritable direc-

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POUVOIR DES COORDONNATEURS REGIONAUX

teur regional, il faudrait qu'il soit le directeur general lui-mbme (ce qui pourra se faire le jour ou la direction generale sera dhncentr6e dans 1'Est du Qubbec).

Quant aux trois cas de statut 3A, ce sont ceux de coordonnateurs qui ont le titre de directeur general et qui exercent, c o m e on l'a vu, des pouvoirs ascendants et surtout descendants assez Ctendus, mais non sans que des obstacles organisationnels restreignent ces pouvoirs. Le probleme commun A ces trois coordonnateurs reside en ce que la direction g6nCrale a laquelle ils appartiennent est fondCe ni sur le principe a lieu s, ni sur le principe a chose 2, les deux seuls principes qui permettent que la priorite soit donnk aux preoccupations regionales ou territoriales. C'est plut8t le principe a clientele 2 en 1V et en V, ou le principe a finalite s en VII qui konde la direction generale A laqueue appartient le coordonnateur.

11 est toutefois tres significatif que dans les trois ministeres des remises en question aient tendu A redefinir les trois directions gbnerales, de faqon

mieux affinner leur vocation regionale. Les tendances qui s'afErment dans les trois ministeres oh les coordon-

nateurs ont un statut 3A ont dejA BtB rCalist5es dans les deux ministkres oh les coordonnateurs ont un statut 2A. Comme nous l'avons montrk dans la section entitulk a Statut et pouvoir des coordonnateurs regionaux s, ces dew coordonnateurs sont ceux qui exercent les pouvoirs descendants et les pouvoirs ascendants les plus Btendus. Ils representent une espece &idCal pour ceux qui croient aux conferences administratives rkgionales. Les directions geneales auxquelles appartiennent ces coordonnateurs sent fondCes sur des principes concrets, lieu ou chose, qui inclinent A vdoriser les preoccupations territoriales ou rbgionales. Ces directions g6nCrales sont les plus importantes de leur ministkre respectif et le con- tact direct du directeur ou administrateur regional avec son directeur general (qui est aussi sous-ministre adjoint en 111) lui permet d'btre tout pres des a autorites s dont le r81e est determinant dans la preparation et l'execution des decisions. Le pouvoir ascendant et descendant du coordon- nateur est alors tel qu'il peut introduire reguh8rement dans les actions du ministere des elements specifiques A la region.

Le statut des coordonnateurs regionaux, c'est-A-dire leur situation dans le ministkre auquel ils appartiennent, semble donc un facteur dkterminant de leur pouvoir. Pour qu'ils puissent agir comme de veritables directeurs regionaux les coordonnateurs doivent avoir un statut du type 3B, 3A, 2B et de preference 2A, avec tout ce que cela suppose et que nous awns tent6 d'expliciter dans cet article. Ce n'est pas nier que les qualit& per- sonnelles des acteurs aient aussi leur importance, de mbme que d'autres facteurs qui ont Ctk negligb ici. Mais les qualites des acteurs sont vaines si ceux-ci ignorent les facteurs proprement organisationnels qui leur font un sort.

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